les jeunes europeens et l`engagement en politique
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les jeunes europeens et l`engagement en politique
LES JEUNES EUROPEENS ET L’ENGAGEMENT EN POLITIQUE Alexandre DUBUIS Décembre Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles 2011 Introduction ............................................................................................ 2 A. Malgré les idées reçues, la jeunesse est politisée ........................... 2 B. Une implication citoyenne différente de celle de leurs ainés .......... 5 C. Déplacement des repères ............................................................... 7 Conclusion ............................................................................................... 8 1. Une classe politique qui doit aller à la rencontre de la jeunesse ...... 8 2. Comment permettre un engagement politique plus soutenu de la part des jeunes ?............................................................................... 9 1 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] « Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort. » François Mitterrand Introduction La participation des jeunes1 à la vie de la cité, mais également leur engagement dans la sphère politique, sont des thèmes qui reviennent régulièrement sur le devant de la scène médiatique. S’il convient que la politique est l’affaire de tous, de par sa définition originelle, nous constatons depuis plusieurs années un recul assez net de l’engagement militant et des jeunes générations en particulier. Pourtant, historiquement, les jeunes ont très largement participé aux grands combats progressistes et émancipateurs partout en Europe. Or aujourd’hui, si l’on en croit certains observateurs, cette volonté de transformation sociale, de changement semblerait s’être appauvrie au sein de cette classe d’âge. S’il existe encore des mouvements sociaux dans lesquels les jeunes s’investissent très largement, ils n’aspireraient plus véritablement à une modification du champ politique, comme ont pu le souhaiter leurs ainés. Une forme de résignation face à un champ politique qui ne pourrait plus changer le monde en profondeur se serait installée. On serait désormais face à une certaine forme de désenchantement idéologique et au discrédit des élites politiques de la part de la jeunesse belge et européenne2. Pour autant, les études sur l’intérêt des jeunes pour la politique montrent néanmoins que les jeunes constituent une génération très largement éduquée et politisée. La télévision, par exemple, leur transmet de nombreux messages, informations et codes politiques. L’école est également un vecteur important dans la politisation des jeunes. Cette analyse s’attachera donc à comprendre la nature du rapport que les jeunes entretiennent avec le monde politique. A. Malgré les politisée idées reçues, la jeunesse est Les jeunes ne sont pas moins politisés que leurs ainés. Les travaux de la Sociologue Anne Muxel3 ont ainsi montré que l’intérêt des jeunes dans les années 70’, 80’, 90’ ou 2000 ne variait pas en dépit du discours récurent sur la dépolitisation de la jeunesse. Le faible engagement des jeunes dans des organisations politiques ou même syndicales n’est certainement pas le résultat d’une dépolitisation de la jeunesse. A l’heure actuelle, les jeunes sont globalement plus éduqués que leurs parents. Davantage formés et diplômés, ils possèdent une réelle conscience politique. Les formes d’engagement changent, 1 2 3 Nous considèrerons ici les jeunes comme la tranche d’âge comprise entre 16 et 25 ans. Anne Muxel, Avoir 20 ans en politique, Les enfants du désenchantement, Seuil, 2010 Anne Muxel, L'expérience politique des jeunes, Presses de Sciences Po, 2001 2 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] moins en raison du moindre intérêt qu’en raison de la transformation du champ politique. Anne Muxel relève que les jeunes sont aussi plus critiques et plus exigeants à l'égard de la classe politique. Souvent pessimistes, ils expriment une espèce de désenchantement qui reflète avant tout celui de leurs parents. Réalistes, ils n'ont pas rangé leurs illusions et sont en demande de politique. Ils cherchent à restaurer les valeurs d'engagement au travers d'actions concrètes, non différées et donc jugées plus efficaces. Ils se mobilisent dans le cadre d'actions collectives et interviennent souvent de façon spectaculaire sur la scène publique. Enfin le rapport des jeunes à la politique est contrasté et socialement diversifié en échos aux fractures et dysfonctionnements dans la société. Les organisations politiques de jeunesse en font régulièrement le constat lors de leurs différentes actions militantes. Les jeunes s’informent sur les échéances électorales, lisent globalement les programmes ou tout au moins les parties qui concernent directement leurs préoccupations (emploi, logement, éducation, vie étudiante…), et n’hésitent pas à interroger les candidats sur leurs projets pour la jeunesse. L’école a très largement joué un rôle dans ce processus de socialisation politique. Si elle n’a bien évidemment pas socialisé de façon partisane les jeunes générations, elle permet d’en faire des citoyens à part entière grâce aux nombreuses initiatives menées dans les écoles. Il apparaît néanmoins essentiel de renforcer ce rôle de l’enseignement4 afin d’offrir à chaque jeune une éducation politique dès le plus jeune âge, comme c’est le cas dans les pays du nord de l’Europe et notamment en Suède. Les résultats en termes d’engagement citoyen sont frappants puisque c’est dans les pays d’Europe du Nord que la participation associative, électorale et syndicale est la plus forte5. Ainsi, en Suède ou au Danemark, le taux de syndicalisation6 est de 68% environ alors qu’il n’est que de 18,1% en moyenne dans les pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), de 26,5% au Royaume-Uni et de 7% environ en France. L’instruction civique, mais également l’histoire politique nationale et internationale constituent des matières qu’il convient d’enseigner dès l’enfance, afin de donner des repères à chaque futur citoyen. La socialisation politique La socialisation politique s’effectue en grande partie par les parents qui éduquent leurs enfants d’après leurs conceptions et l’éducation qu’ils ont euxmêmes reçus. L’apprentissage politique passe au sein de la famille par l’expérience de ce qui est permis et de ce qui est interdit, de ce qui est objet de désir et de ce qui est objet de craintes. C’est également la transmission d’une mémoire politique (les valeurs, l’admiration portée à certains hommes politiques, la relation d’événements locaux ou nationaux marquants) et les usages familiaux (le bureau de vote voire la lecture quotidienne d’un journal politique, les réunions syndicales, les meetings, les manifestations, etc.). Cette 4 5 6 Alain Mougniotte et René Remond, Eduquer à la démocratie, Les Editions du Cerf, 1994. European Social Survey, 2003. D’après les chiffres de l’OCDE publiés en 2010. 3 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] socialisation passe également par l’école qui accueille les enfants dès leur plus jeune âge et qui leur apprend le vivre-ensemble. L'école développe de manière paradoxale les valeurs d'égalité, de mérite, de tolérance, de réussite. L'école permet également aux enfants d’approcher et d'expérimenter les règles de la société. Au contraire de la famille, l'école va préparer à la vie sociale, à l’apprentissage de la citoyenneté. L’élève est amené, dans sa classe, avec d'autres élèves, parfois différents socialement, culturellement, et face à une figure d'autorité qu'est le professeur, à expérimenter les formes de participation, le rapport à la contrainte collective, le jeu des rapports de force et la citoyenneté. L’école est alors un lieu de socialisation important permettant notamment de donner des bases politiques dépourvues de tout prisme partisan à tous les élèves, quelque soit l’éducation reçue par leurs parents. Les jeunes sont donc aujourd’hui plus informés et surtout plus critiques que leurs ainés à propos de la politique7. La majorité d’entre eux ne souhaite certes pas s’intégrer et participer au monde politique tel qu'il est, mais la jeunesse ne délaisse pas pour autant la scène politique. Les contenus et les formes de leur engagement et de leurs intérêts ont changé. Les partis politiques n'attirent plus et suscitent de plus en plus la méfiance. Néanmoins, l'activisme des jeunes est réel. Ainsi, en France, la quasi-totalité des grands mouvements sociaux de ces dix dernières années, sont partis des universités. En Belgique, nous retrouvons également des jeunes au cœur de diverses mobilisations collectives, que ce soit les indignés8, les organisateurs de « Shame » ou les manifestations étudiantes... La jeunesse n’est ni véritablement démissionnaire, ni absente. Mais ce qui la caractérise est sans doute une volonté de se démarquer d'une façon de faire ou d'user de la politique dans laquelle elle ne se reconnait pas. Globalement, les jeunes attendent des femmes et des hommes politiques une implication encore supérieure dans leurs idées comme dans leurs actions. Ils en attendent aussi une plus grande prise en charge des problématiques de la jeunesse. Ainsi, les professionnels de la politique sont très largement (87%) perçus par les 18-25 ans comme sourds à leurs préoccupations9. Un jeune sur trois (32%) l’affirme même avec certitude. 7 Anne Muxel, Avoir 20 ans en politique, Les enfants du désenchantement, Seuil, 2010. Les « Indignés » se sont réunis pour la première fois en Espagne afin de protester face à la place grandissante de la finance dans l’économie et dans les prises de décisions politiques. Ce mouvement s’est ensuite répandu dans un nombre important de pays européens et aux Etats-Unis. 9 Sondage Ipsos (2006) auprès d’un échantillon de 800 jeunes français âgés de 18 à 25 ans. 8 4 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] Intérêt à la participation à un parti politique (en %) En 2004, à peine un jeune européen sur dix se disait très proche d’un parti politique : seuls 8% des 18-24 ans et 9% des 25-39 ans.10 A Liège11, comme au niveau européen, les jeunes montrent une certaine distance vis-à-vis du monde politique : Mouvements de jeunes Associations culturelles Associations pour défense des droits de l’Homme Partis politiques Syndicats Participe A participé Aimerait participer 15 25 6 27 23 5 11 22 49 N’aimerait pas participer 47 31 40 2 1 1 1 20 16 77 82 Nombre de répondants en 2007 : 1437. Les jeunes répondant à ce sondage étaient âgés de 16 à 18 ans. Le total des lignes ne correspond pas toujours à 100 à cause des arrondis. B. Une implication citoyenne différente de celle de leurs ainés Les jeunes se montrent très attachés au droit de vote et à son principe. Grâce à lui, ils sont en droit d'agir sur la vie sociale, d'influencer les décisions politiques au même titre que les adultes. Ainsi, 83% des jeunes suédois estiment qu’il est important de voter pour être un bon citoyen. Ils sont aussi 77% en France à le penser également12. Toutefois, les modes d’expression citoyenne des jeunes sont différentes de celles de leurs ainés. A une échelle européenne13, s’il se trouve qu’ils n’exercent pas tous leur devoir de citoyen de façon optimale en allant voter lors des différentes échéances électorales, les jeunes n’hésitent cependant pas à s’engager. L’expression politique de la jeunesse passe évidemment par les canaux institués tels les Conseils de Jeunes au niveau de la commune ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les jeunes semblent ainsi demandeurs de plus de démocratie participative au sein de laquelle ils sont destinataires mais aussi acteurs. Ils ne 10 Enquête Flash Eurobaromètre 162, réalisé par EOS Gallup Europe en juin 2004. Enquête réalisée en 2007 par Bernard Fournier dans huit établissements d’enseignement secondaire de Liège. http://reflexions.ulg.ac.be/cms/c_7945/les-jeunes-et-la-politique-coups-de-projecteurde-bernard-fournier 12 European Social Survey, 2003. 13 Le vote étant obligatoire en Belgique, le phénomène abstentionniste y est moins important que dans le reste de l’Europe : Geoffrey Pion, L'abstentionnisme électoral en Belgique : données individuelles et agrégées à Charleroi. L'Espace Politique, 2011. 11 5 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] souhaitent plus en être uniquement les spectateurs, assez lointains d’ailleurs, mais revendiquent un espace de discussion qui leur est consacré. Ces lieux d’apprentissage de la vie démocratique restent toutefois trop souvent confinés dans une logique de reproduction des instances démocratiques classiques. C’est ainsi que de plus en plus d’institutions mettent en place des dispositifs de démocratie participative à destination de cette classe d’âge. Toutefois, pour être efficaces, ces Conseils de Jeunes doivent être de véritables lieux d’impulsion de nouvelles idées pour les politiques qui concernent les jeunes et non pas confié à la politique de la jeunesse. Les jeunes doivent être entendus et écoutés, sans quoi la pérennisation de ces dispositifs ne peut être assurée. On les retrouve ainsi dans les mouvements de défense des droits de l’Homme et dans les mouvements de revendication liés à l’éducation et à la formation, par exemple. L’engagement associatif, même s’il reste peu significatif chez les jeunes, est également à prendre en compte. Pour ne prendre qu’un exemple, l’émergence d’un tissu associatif autour de la promotion et de l’expression des cultures urbaines s’affirme de plus en plus dans de nombreuses villes européennes comme un ferment de critique sociale. Les cultures urbaines regroupent exclusivement, ou presque, les jeunes générations14. Ces associations participent, à leur manière, au dynamisme de la vie de la cité et sont par conséquent des actrices à part entière de la politique, dans son acceptation large. S’ils ne s’engagent pas forcément dans des organisations politiques, les jeunes portent cependant un regard critique sur la gestion de leur quartier, de leur ville et de leur pays. Enfin, on retrouve une importante mobilisation de la jeunesse dans les quartiers en difficultés, là même où les jeunes seraient moins enclins à se rendre aux urnes lors des élections. La mobilisation est donc toute autre. Elle peut passer par les cultures urbaines comme nous avons pu le voir : rap, hip-hop, graffs, etc. Mais elle peut également être plus violente, comme nous avons pu le voir en France lors des « émeutes urbaines » en 200515. Les jeunes ont alors été à la tête de la contestation et ont attendu des réponses significatives de la part du gouvernement de l’époque et notamment de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Il apparait dès lors essentiel de redonner la parole aux habitants de ces quartiers, et notamment aux jeunes. Il s’agit de pacifier les relations sociales en permettant à chacun d’être entendu et écouté. Les jeunes des quartiers populaires ne doivent pas être stigmatisés, mais doivent devenir des acteurs à part entière de la démocratie. 14 Il est possible ici d’élargir la classe d’âge que nous avions déterminé au départ pour définir la catégorie des jeunes (16-25ans). Nous pouvons considérer ici que les jeunes présents dans ces associations de cultures urbaines sont âgés de 16 à 30 ans en moyenne. 15 Gérard Mauger, L’émeute de novembre 2005. Une révolte protopolitique. Editions du Croquant, 2006. 6 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] C. Déplacement des repères Les grands clivages idéologiques qui ont structurés la vie politique ne sont plus aussi faciles à circonscrire que par le passé. Pour de nombreux citoyens, il n’y aurait plus de différence entre la gauche et la droite. De plus, le territoire politique s'est considérablement élargi à l'échelle supranationale avec le développement de l’Union européenne. Si, comme on a pu le voir précédemment, le potentiel de mobilisation reste élevé et l'activisme politique bien réel, notamment au sein de la jeunesse, il se structure désormais à partir de logiques et d'enjeux relativement nouveaux qui ne cadrent pas toujours avec l’organisation traditionnelle des partis politiques. La montée du vote protestataire en Europe vers l'extrême gauche mais surtout l'extrême droite et les partis nationalistes semble révélatrice d'une montée générale du mécontentement des partis dits traditionnels, mais aussi d'une certaine perplexité. Celle-ci se caractérise essentiellement par une perte de crédibilité et une perte de confiance, tant au niveau du personnel politique que des institutions ellesmêmes. Les citoyens n'hésitent pas à parler de « magouilles » caractérisant ce monde politique « d'en haut » auquel l'on ne peut avoir accès. La crise politique qu’a traversé durant plusieurs années la Belgique a contribué à accentuer ce scepticisme politique des jeunes belges. Les signes d'une crise de la représentation sont rappelés lors de chaque élection et l'installation d'un véritable malaise démocratique est alors évoqué. Crise de la représentation, certes, mais aussi crise de l'adhésion et de la reconnaissance partisane. Les jeunes sont de moins en moins nombreux à se syndiquer ou à prendre leur carte au sein d’organisations politiques. Ces dernières sont par conséquent de plus en plus vieillissantes. Les jeunes ont la sensation de ne pas être à leur place lorsqu’ils assistent à des réunions de parti politique au niveau local ou à des assemblées générales de parti. Le format des discussions est peut-être mal adapté à cette classe d’âge qui, à l’heure de la rapidité de circulation des informations via les nouvelles technologies notamment, se désintéresse souvent des longs discours prononcés par les dirigeants politiques. A cela, les jeunes préfèrent souvent les rencontres informelles en dehors des lieux traditionnels où se déroulent habituellement les réunions politiques. Ils aiment également échanger et s’exprimer sur les réseaux sociaux. Mais ceux qui s’y retrouvent engagés sont souvent issus de familles déjà politisées, et/ou ayant un capital culturel/social important16. On retrouve ainsi essentiellement des étudiants, des jeunes diplômés, ou bien encore de jeunes collaborateurs d’élus. Il faut donc essayer d’élaborer des solutions pour que les jeunes issus de toutes les catégories sociales trouvent toute leur place dans le système politique et dans les organisations partisanes. Il semble alors essentiel que les mouvements de jeunesse s’ouvrent davantage encore et que les partis politiques soient à l’écoute de ces mouvements, sans quoi les jeunes ne voudront plus y adhérer. De plus, les mouvements politiques de jeunesse doivent « fidéliser » leurs adhérents en proposant notamment des formations politiques sur les grands sujets qu’ils défendent. Les militants sont souvent demandeurs de 16 Rémi Lefebvre, Leçons d'introduction à la science politique, Editions Ellipses, 2010. 7 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] ces débats d’idées et ces derniers permettent de les ancrer davantage au sein de l’organisation. Conclusion 1. Une classe politique qui doit aller à la rencontre de la jeunesse Si les jeunes s’éloignent de plus en plus des formes traditionnelles d’expression du politique, il faut alors que la politique aille davantage à la rencontre de cette classe d’âge. Comme nous avons pu le dire précédemment, la politique doit être l’affaire de tous. Chaque citoyen doit avoir sa part de responsabilité et son mot à dire dans ce processus politique. Cette responsabilité doit s’exprimer par l’intermédiaire de l’acte électoral. Aujourd’hui, en Europe, trop peu de jeunes semblent entendre ce discours, ce qui est quelque part inquiétant. Mais il ne s’agit pas ici de stigmatiser une génération. Nous retrouvons, dans une proportion légèrement moins élevée, la même méfiance envers la politique de la part du reste de la population. Ce n’est donc pas un phénomène générationnel. A l’heure actuelle, les Conseils de Jeunes sont de très bonnes initiatives, et c’est d’autant plus intéressant quand ils fonctionnent bien. Mais il est important de développer des instances où les liens intergénérationnels sont possibles. Il s’agit d’une formidable richesse que de confronter les idées de différentes générations sur un même sujet. Si les jeunes ne trouvent pas toujours de réponse à leur volonté d’engagement dans les organisations exclusivement composées de jeunes, il est important de multiplier les dispositifs alliant jeunes et personnes plus âgées. C’est notamment au sein d’associations multi générationnelles que naissent des idées novatrices, équilibrées et réfléchies. Allier les deux dispositifs n’est pas chose aisée, mais il est nécessaire d’avoir une réflexion sur leur capacité à rapprocher la politique du citoyen et surtout du jeune citoyen. Par ailleurs, ce rapprochement peut également se faire par la limitation du cumul des mandats, une mesure très largement portée par la jeunesse européenne, surtout à gauche. Il s’agirait ainsi de permettre aux jeunes d’accéder à des mandats électifs et de renouveler la classe politique. Cette limitation du cumul des mandats aurait en effet pour incidence de libérer des postes électifs à tous les niveaux de la vie politique et permettrait de rajeunir la moyenne d’âge des élus. Cela permettrait également, selon différentes études, de limiter certains conflits d’intérêts qui se mettent en place au fil des mandats chez certains élus, chose que trop de citoyens regrettent et dénoncent. Il est également essentiel de la part des professionnels de la politique de mettre en place des outils de communication clairs et accessibles. Les décisions politiques doivent ainsi être constamment expliquées, commentées, voire vulgarisées, pour permettre à chacun d’en comprendre les tenants et les aboutissants. Les jeunes restent souvent perplexes et perdus face à la complexité des mécanismes de décisions et des décisions elles-mêmes. Pour 8 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] rapprocher la politique des jeunes, celle-ci doit donc être mieux expliquée et plus accessible. D’autres dispositifs peuvent être cités, tels que celui du parrainage d’un jeune par un mandataire. Il s’agit ici de donner la possibilité à un jeune, durant son cursus scolaire ou sa formation professionnelle, de suivre un élu dans ses fonctions quotidiennes. Le jeune ne serait pas présent au côté de l’élu pour être son assistant à proprement parler, mais tous deux se trouveraient dans une perspective d’apprentissage réciproque. Le jeune pourrait ainsi identifier un peu plus le travail que réalise quotidiennement la femme ou l’homme politique. Il s’agirait en ce sens de véritablement rapprocher la politique de la jeune génération, en lui montrant ce que l’action publique permet de réaliser au jour le jour. Mais le dispositif permettrait également à l’élu de se confronter au regard de la jeunesse, et de pouvoir saisir plus clairement les attentes de cette classe d’âge. En un mot, il faut (re)donner aux jeunes l’envie de s’investir en politique. Le changement ne doit pas être uniquement un slogan, mais bel et bien une réalité. Ce volontarisme politique doit être largement porté par la classe politique et les valeurs de solidarité, d’égalité et de justice doivent être apprises très tôt aux jeunes générations. Si le monde politique réussit à faire cela, la jeune génération saura être au rendez-vous lors des échéances électorales et s’impliquera encore plus dans la vie de leur cité, de notre cité. Il suffit pour cela de prendre l’exemple français de l’élection présidentielle de 2002, où les jeunes se sont mobilisés en masse pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle17. Les valeurs de tolérance, d’égalité, de justice, de fraternité étaient en danger, et la jeune génération a su se mobiliser politiquement pour barrer la route à l’extrême-droite. Au second tour de l’élection, les 18-25 ans étaient 78 % à se déplacer dans leur bureau de vote. C’est la catégorie d’âge qui a le plus fortement réduit son abstention entre les deux tours (12 points en moins), votant plus que la moyenne pour Jacques Chirac. La meilleure façon de s’exprimer et de faire passer ses idées reste donc le vote. Il a été et restera un véritable pouvoir, pour chaque citoyen, d’exprimer son point de vue sur les gouvernants. 2. Comment permettre un engagement politique plus soutenu de la part des jeunes ? Si les jeunes semblent se désintéresser de la politique, ils n’en restent pas moins des citoyens éclairés et attentifs. Pour essayer de palier à ce désengagement, il faut redonner envie aux jeunes de s’engager, et de rendre la sphère politique accessible à tous. Voici alors quelques pistes de réflexions qui vont dans ce sens : L’apprentissage dès le plus jeune âge de repères historiques et politiques doit permettre aux jeunes générations d’éveiller un esprit critique et d’avoir une lecture optimale des enjeux politiques. La tenue d’Etats Généraux de la jeunesse, sur le modèle d’une grande consultation associée aux nouveaux moyens de communication, peut 17 Jean-Marie Le Pen, candidat du Front National, a obtenu au second tour de l’élection présidentielle 17,79% des voix, contre 82,21% pour Jacques Chirac, candidat du RPR. 9 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] permettre aux jeunes de s’exprimer sur leurs attentes vis-à-vis de la politique. L’accessibilité et la lisibilité des décisions publiques doivent être une priorité pour les dirigeants politiques afin d’éviter une distanciation entre eux et la citoyen. L’utilisation des réseaux sociaux par le personnel politique doit également être un moyen efficace de toucher cette classe d’âge. L’ouverture des mandats aux jeunes, y compris au niveau européen, doit permettre un renouvellement de la classe politique et des idées. Cela se traduirait par une moins grande méfiance à l’égard des dirigeants politiques, notamment de la part des jeunes. Donner les moyens nécessaires aux jeunesses politiques de s’organiser et de se développer afin de permettre aux jeunes générations de développer leurs propres visions de la politique et de débattre entre elle des questions qui les préoccupent. En se développant davantage, ces organisations gagneront encore en légitimité et pourront être des forces de propositions pour les responsables politiques. Institut Emile Vandervelde Bd de l’Empereur, 13 B-1000 Bruxelles Téléphone : +32 (0)2 548 32 11 Fax : + 32 (02) 513 20 19 [email protected] www.iev.be 10 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected]