les jeunes europeens et l`engagement en politique

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les jeunes europeens et l`engagement en politique
LES JEUNES EUROPEENS ET
L’ENGAGEMENT EN POLITIQUE
Alexandre DUBUIS
Décembre
Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles
2011
Introduction ............................................................................................ 2
A.
Malgré les idées reçues, la jeunesse est politisée ........................... 2
B.
Une implication citoyenne différente de celle de leurs ainés .......... 5
C.
Déplacement des repères ............................................................... 7
Conclusion ............................................................................................... 8
1.
Une classe politique qui doit aller à la rencontre de la jeunesse ...... 8
2.
Comment permettre un engagement politique plus soutenu de la
part des jeunes ?............................................................................... 9
1
Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected]
« Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît
et qui la frappe a toujours tort. »
François Mitterrand
Introduction
La participation des jeunes1 à la vie de la cité, mais également leur engagement
dans la sphère politique, sont des thèmes qui reviennent régulièrement sur le
devant de la scène médiatique. S’il convient que la politique est l’affaire de tous,
de par sa définition originelle, nous constatons depuis plusieurs années un recul
assez net de l’engagement militant et des jeunes générations en particulier.
Pourtant, historiquement, les jeunes ont très largement participé aux grands
combats progressistes et émancipateurs partout en Europe.
Or aujourd’hui, si l’on en croit certains observateurs, cette volonté de
transformation sociale, de changement semblerait s’être appauvrie au sein de
cette classe d’âge. S’il existe encore des mouvements sociaux dans lesquels les
jeunes s’investissent très largement, ils n’aspireraient plus véritablement à une
modification du champ politique, comme ont pu le souhaiter leurs ainés. Une
forme de résignation face à un champ politique qui ne pourrait plus changer le
monde en profondeur se serait installée. On serait désormais face à une certaine
forme de désenchantement idéologique et au discrédit des élites politiques de la
part de la jeunesse belge et européenne2. Pour autant, les études sur l’intérêt
des jeunes pour la politique montrent néanmoins que les jeunes constituent une
génération très largement éduquée et politisée. La télévision, par exemple, leur
transmet de nombreux messages, informations et codes politiques. L’école est
également un vecteur important dans la politisation des jeunes.
Cette analyse s’attachera donc à comprendre la nature du rapport que les jeunes
entretiennent avec le monde politique.
A. Malgré les
politisée
idées
reçues,
la
jeunesse
est
Les jeunes ne sont pas moins politisés que leurs ainés. Les travaux de la
Sociologue Anne Muxel3 ont ainsi montré que l’intérêt des jeunes dans les années
70’, 80’, 90’ ou 2000 ne variait pas en dépit du discours récurent sur la
dépolitisation de la jeunesse. Le faible engagement des jeunes dans des
organisations politiques ou même syndicales n’est certainement pas le résultat
d’une dépolitisation de la jeunesse. A l’heure actuelle, les jeunes sont
globalement plus éduqués que leurs parents. Davantage formés et diplômés, ils
possèdent une réelle conscience politique. Les formes d’engagement changent,
1
2
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Nous considèrerons ici les jeunes comme la tranche d’âge comprise entre 16 et 25 ans.
Anne Muxel, Avoir 20 ans en politique, Les enfants du désenchantement, Seuil, 2010
Anne Muxel, L'expérience politique des jeunes, Presses de Sciences Po, 2001
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moins en raison du moindre intérêt qu’en raison de la transformation du champ
politique.
Anne Muxel relève que les jeunes sont aussi plus critiques et plus exigeants à
l'égard de la classe politique. Souvent pessimistes, ils expriment une espèce de
désenchantement qui reflète avant tout celui de leurs parents. Réalistes, ils n'ont
pas rangé leurs illusions et sont en demande de politique. Ils cherchent à
restaurer les valeurs d'engagement au travers d'actions concrètes, non différées
et donc jugées plus efficaces. Ils se mobilisent dans le cadre d'actions collectives
et interviennent souvent de façon spectaculaire sur la scène publique. Enfin le
rapport des jeunes à la politique est contrasté et socialement diversifié en échos
aux fractures et dysfonctionnements dans la société.
Les organisations politiques de jeunesse en font régulièrement le constat lors de
leurs différentes actions militantes. Les jeunes s’informent sur les échéances
électorales, lisent globalement les programmes ou tout au moins les parties qui
concernent directement leurs préoccupations (emploi, logement, éducation, vie
étudiante…), et n’hésitent pas à interroger les candidats sur leurs projets pour la
jeunesse. L’école a très largement joué un rôle dans ce processus de socialisation
politique. Si elle n’a bien évidemment pas socialisé de façon partisane les jeunes
générations, elle permet d’en faire des citoyens à part entière grâce aux
nombreuses initiatives menées dans les écoles.
Il apparaît néanmoins essentiel de renforcer ce rôle de l’enseignement4 afin
d’offrir à chaque jeune une éducation politique dès le plus jeune âge, comme
c’est le cas dans les pays du nord de l’Europe et notamment en Suède. Les
résultats en termes d’engagement citoyen sont frappants puisque c’est dans les
pays d’Europe du Nord que la participation associative, électorale et syndicale est
la plus forte5. Ainsi, en Suède ou au Danemark, le taux de syndicalisation6 est de
68% environ alors qu’il n’est que de 18,1% en moyenne dans les pays de
l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), de
26,5% au Royaume-Uni et de 7% environ en France. L’instruction civique, mais
également l’histoire politique nationale et internationale constituent des matières
qu’il convient d’enseigner dès l’enfance, afin de donner des repères à chaque
futur citoyen.
La socialisation politique
La socialisation politique s’effectue en grande partie par les parents qui
éduquent leurs enfants d’après leurs conceptions et l’éducation qu’ils ont euxmêmes reçus. L’apprentissage politique passe au sein de la famille par
l’expérience de ce qui est permis et de ce qui est interdit, de ce qui est objet de
désir et de ce qui est objet de craintes. C’est également la transmission d’une
mémoire politique (les valeurs, l’admiration portée à certains hommes
politiques, la relation d’événements locaux ou nationaux marquants) et les
usages familiaux (le bureau de vote voire la lecture quotidienne d’un journal
politique, les réunions syndicales, les meetings, les manifestations, etc.). Cette
4
5
6
Alain Mougniotte et René Remond, Eduquer à la démocratie, Les Editions du Cerf, 1994.
European Social Survey, 2003.
D’après les chiffres de l’OCDE publiés en 2010.
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socialisation passe également par l’école qui accueille les enfants dès leur plus
jeune âge et qui leur apprend le vivre-ensemble. L'école développe de manière
paradoxale les valeurs d'égalité, de mérite, de tolérance, de réussite. L'école
permet également aux enfants d’approcher et d'expérimenter les règles de la
société. Au contraire de la famille, l'école va préparer à la vie sociale, à
l’apprentissage de la citoyenneté. L’élève est amené, dans sa classe, avec
d'autres élèves, parfois différents socialement, culturellement, et face à une
figure d'autorité qu'est le professeur, à expérimenter les formes de participation,
le rapport à la contrainte collective, le jeu des rapports de force et la
citoyenneté. L’école est alors un lieu de socialisation important permettant
notamment de donner des bases politiques dépourvues de tout prisme partisan
à tous les élèves, quelque soit l’éducation reçue par leurs parents.
Les jeunes sont donc aujourd’hui plus informés et surtout plus critiques que leurs
ainés à propos de la politique7. La majorité d’entre eux ne souhaite certes pas
s’intégrer et participer au monde politique tel qu'il est, mais la jeunesse ne
délaisse pas pour autant la scène politique. Les contenus et les formes de leur
engagement et de leurs intérêts ont changé. Les partis politiques n'attirent plus
et suscitent de plus en plus la méfiance. Néanmoins, l'activisme des jeunes est
réel. Ainsi, en France, la quasi-totalité des grands mouvements sociaux de ces
dix dernières années, sont partis des universités. En Belgique, nous retrouvons
également des jeunes au cœur de diverses mobilisations collectives, que ce soit
les indignés8, les organisateurs de « Shame » ou les manifestations étudiantes...
La jeunesse n’est ni véritablement démissionnaire, ni absente. Mais ce qui la
caractérise est sans doute une volonté de se démarquer d'une façon de faire ou
d'user de la politique dans laquelle elle ne se reconnait pas. Globalement, les
jeunes attendent des femmes et des hommes politiques une implication encore
supérieure dans leurs idées comme dans leurs actions. Ils en attendent aussi une
plus grande prise en charge des problématiques de la jeunesse. Ainsi, les
professionnels de la politique sont très largement (87%) perçus par les 18-25
ans comme sourds à leurs préoccupations9. Un jeune sur trois (32%) l’affirme
même avec certitude.
7
Anne Muxel, Avoir 20 ans en politique, Les enfants du désenchantement, Seuil, 2010.
Les « Indignés » se sont réunis pour la première fois en Espagne afin de protester face
à la place grandissante de la finance dans l’économie et dans les prises de décisions
politiques. Ce mouvement s’est ensuite répandu dans un nombre important de pays
européens et aux Etats-Unis.
9
Sondage Ipsos (2006) auprès d’un échantillon de 800 jeunes français âgés de 18 à 25
ans.
8
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Intérêt à la participation à un parti politique (en %)
En 2004, à peine un jeune européen sur dix se disait très proche d’un parti
politique : seuls 8% des 18-24 ans et 9% des 25-39 ans.10
A Liège11, comme au niveau européen, les jeunes montrent une certaine
distance vis-à-vis du monde politique :
Mouvements de jeunes
Associations culturelles
Associations pour défense
des droits de l’Homme
Partis politiques
Syndicats
Participe
A participé
Aimerait
participer
15
25
6
27
23
5
11
22
49
N’aimerait
pas
participer
47
31
40
2
1
1
1
20
16
77
82
Nombre de répondants en 2007 : 1437.
Les jeunes répondant à ce sondage étaient âgés de 16 à 18 ans.
Le total des lignes ne correspond pas toujours à 100 à cause des arrondis.
B. Une implication citoyenne différente de celle
de leurs ainés
Les jeunes se montrent très attachés au droit de vote et à son principe. Grâce à
lui, ils sont en droit d'agir sur la vie sociale, d'influencer les décisions politiques
au même titre que les adultes. Ainsi, 83% des jeunes suédois estiment qu’il est
important de voter pour être un bon citoyen. Ils sont aussi 77% en France à le
penser également12. Toutefois, les modes d’expression citoyenne des jeunes sont
différentes de celles de leurs ainés. A une échelle européenne13, s’il se trouve
qu’ils n’exercent pas tous leur devoir de citoyen de façon optimale en allant voter
lors des différentes échéances électorales, les jeunes n’hésitent cependant pas à
s’engager.
L’expression politique de la jeunesse passe évidemment par les canaux institués
tels les Conseils de Jeunes au niveau de la commune ou de la Fédération
Wallonie-Bruxelles. Les jeunes semblent ainsi demandeurs de plus de démocratie
participative au sein de laquelle ils sont destinataires mais aussi acteurs. Ils ne
10
Enquête Flash Eurobaromètre 162, réalisé par EOS Gallup Europe en juin 2004.
Enquête réalisée en 2007 par Bernard Fournier dans huit établissements
d’enseignement secondaire de Liège.
http://reflexions.ulg.ac.be/cms/c_7945/les-jeunes-et-la-politique-coups-de-projecteurde-bernard-fournier
12
European Social Survey, 2003.
13
Le vote étant obligatoire en Belgique, le phénomène abstentionniste y est moins
important que dans le reste de l’Europe :
Geoffrey Pion, L'abstentionnisme électoral en Belgique : données individuelles et
agrégées à Charleroi. L'Espace Politique, 2011.
11
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souhaitent plus en être uniquement les spectateurs, assez lointains d’ailleurs,
mais revendiquent un espace de discussion qui leur est consacré. Ces lieux
d’apprentissage de la vie démocratique restent toutefois trop souvent confinés
dans une logique de reproduction des instances démocratiques classiques.
C’est ainsi que de plus en plus d’institutions mettent en place des dispositifs de
démocratie participative à destination de cette classe d’âge. Toutefois, pour être
efficaces, ces Conseils de Jeunes doivent être de véritables lieux d’impulsion de
nouvelles idées pour les politiques qui concernent les jeunes et non pas confié à
la politique de la jeunesse. Les jeunes doivent être entendus et écoutés, sans
quoi la pérennisation de ces dispositifs ne peut être assurée.
On les retrouve ainsi dans les mouvements de défense des droits de l’Homme et
dans les mouvements de revendication liés à l’éducation et à la formation, par
exemple. L’engagement associatif, même s’il reste peu significatif chez les
jeunes, est également à prendre en compte. Pour ne prendre qu’un exemple,
l’émergence d’un tissu associatif autour de la promotion et de l’expression des
cultures urbaines s’affirme de plus en plus dans de nombreuses villes
européennes comme un ferment de critique sociale. Les cultures urbaines
regroupent exclusivement, ou presque, les jeunes générations14. Ces associations
participent, à leur manière, au dynamisme de la vie de la cité et sont par
conséquent des actrices à part entière de la politique, dans son acceptation
large. S’ils ne s’engagent pas forcément dans des organisations politiques, les
jeunes portent cependant un regard critique sur la gestion de leur quartier, de
leur ville et de leur pays.
Enfin, on retrouve une importante mobilisation de la jeunesse dans les quartiers
en difficultés, là même où les jeunes seraient moins enclins à se rendre aux
urnes lors des élections. La mobilisation est donc toute autre. Elle peut passer
par les cultures urbaines comme nous avons pu le voir : rap, hip-hop, graffs, etc.
Mais elle peut également être plus violente, comme nous avons pu le voir en
France lors des « émeutes urbaines » en 200515. Les jeunes ont alors été à la
tête de la contestation et ont attendu des réponses significatives de la part du
gouvernement de l’époque et notamment de Nicolas Sarkozy, alors ministre de
l’Intérieur. Il apparait dès lors essentiel de redonner la parole aux habitants de
ces quartiers, et notamment aux jeunes. Il s’agit de pacifier les relations sociales
en permettant à chacun d’être entendu et écouté. Les jeunes des quartiers
populaires ne doivent pas être stigmatisés, mais doivent devenir des acteurs à
part entière de la démocratie.
14
Il est possible ici d’élargir la classe d’âge que nous avions déterminé au départ pour
définir la catégorie des jeunes (16-25ans). Nous pouvons considérer ici que les jeunes
présents dans ces associations de cultures urbaines sont âgés de 16 à 30 ans en
moyenne.
15
Gérard Mauger, L’émeute de novembre 2005. Une révolte protopolitique. Editions du
Croquant, 2006.
6
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C. Déplacement des repères
Les grands clivages idéologiques qui ont structurés la vie politique ne sont plus
aussi faciles à circonscrire que par le passé. Pour de nombreux citoyens, il n’y
aurait plus de différence entre la gauche et la droite. De plus, le territoire
politique s'est considérablement élargi à l'échelle supranationale avec le
développement de l’Union européenne. Si, comme on a pu le voir
précédemment, le potentiel de mobilisation reste élevé et l'activisme politique
bien réel, notamment au sein de la jeunesse, il se structure désormais à partir de
logiques et d'enjeux relativement nouveaux qui ne cadrent pas toujours avec
l’organisation traditionnelle des partis politiques. La montée du vote protestataire
en Europe vers l'extrême gauche mais surtout l'extrême droite et les partis
nationalistes semble révélatrice d'une montée générale du mécontentement des
partis dits traditionnels, mais aussi d'une certaine perplexité. Celle-ci se
caractérise essentiellement par une perte de crédibilité et une perte de
confiance, tant au niveau du personnel politique que des institutions ellesmêmes. Les citoyens n'hésitent pas à parler de « magouilles » caractérisant ce
monde politique « d'en haut » auquel l'on ne peut avoir accès.
La crise politique qu’a traversé durant plusieurs années la Belgique a contribué à
accentuer ce scepticisme politique des jeunes belges. Les signes d'une crise de la
représentation sont rappelés lors de chaque élection et l'installation d'un
véritable malaise démocratique est alors évoqué. Crise de la représentation,
certes, mais aussi crise de l'adhésion et de la reconnaissance partisane. Les
jeunes sont de moins en moins nombreux à se syndiquer ou à prendre leur carte
au sein d’organisations politiques. Ces dernières sont par conséquent de plus en
plus vieillissantes.
Les jeunes ont la sensation de ne pas être à leur place lorsqu’ils assistent à des
réunions de parti politique au niveau local ou à des assemblées générales de
parti. Le format des discussions est peut-être mal adapté à cette classe d’âge
qui, à l’heure de la rapidité de circulation des informations via les nouvelles
technologies notamment, se désintéresse souvent des longs discours prononcés
par les dirigeants politiques. A cela, les jeunes préfèrent souvent les rencontres
informelles en dehors des lieux traditionnels où se déroulent habituellement les
réunions politiques. Ils aiment également échanger et s’exprimer sur les réseaux
sociaux.
Mais ceux qui s’y retrouvent engagés sont souvent issus de familles déjà
politisées, et/ou ayant un capital culturel/social important16. On retrouve ainsi
essentiellement des étudiants, des jeunes diplômés, ou bien encore de jeunes
collaborateurs d’élus. Il faut donc essayer d’élaborer des solutions pour que les
jeunes issus de toutes les catégories sociales trouvent toute leur place dans le
système politique et dans les organisations partisanes. Il semble alors essentiel
que les mouvements de jeunesse s’ouvrent davantage encore et que les partis
politiques soient à l’écoute de ces mouvements, sans quoi les jeunes ne voudront
plus y adhérer. De plus, les mouvements politiques de jeunesse doivent
« fidéliser » leurs adhérents en proposant notamment des formations politiques
sur les grands sujets qu’ils défendent. Les militants sont souvent demandeurs de
16
Rémi Lefebvre, Leçons d'introduction à la science politique, Editions Ellipses, 2010.
7
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ces débats d’idées et ces derniers permettent de les ancrer davantage au sein de
l’organisation.
Conclusion
1. Une classe politique qui doit aller à la rencontre de la
jeunesse
Si les jeunes s’éloignent de plus en plus des formes traditionnelles d’expression
du politique, il faut alors que la politique aille davantage à la rencontre de cette
classe d’âge. Comme nous avons pu le dire précédemment, la politique doit être
l’affaire de tous. Chaque citoyen doit avoir sa part de responsabilité et son mot à
dire dans ce processus politique. Cette responsabilité doit s’exprimer par
l’intermédiaire de l’acte électoral. Aujourd’hui, en Europe, trop peu de jeunes
semblent entendre ce discours, ce qui est quelque part inquiétant. Mais il ne
s’agit pas ici de stigmatiser une génération. Nous retrouvons, dans une
proportion légèrement moins élevée, la même méfiance envers la politique de la
part du reste de la population.
Ce n’est donc pas un phénomène générationnel. A l’heure actuelle, les Conseils
de Jeunes sont de très bonnes initiatives, et c’est d’autant plus intéressant quand
ils fonctionnent bien. Mais il est important de développer des instances où les
liens intergénérationnels sont possibles. Il s’agit d’une formidable richesse que
de confronter les idées de différentes générations sur un même sujet. Si les
jeunes ne trouvent pas toujours de réponse à leur volonté d’engagement dans
les organisations exclusivement composées de jeunes, il est important de
multiplier les dispositifs alliant jeunes et personnes plus âgées. C’est notamment
au sein d’associations multi générationnelles que naissent des idées novatrices,
équilibrées et réfléchies. Allier les deux dispositifs n’est pas chose aisée, mais il
est nécessaire d’avoir une réflexion sur leur capacité à rapprocher la politique du
citoyen et surtout du jeune citoyen.
Par ailleurs, ce rapprochement peut également se faire par la limitation du cumul
des mandats, une mesure très largement portée par la jeunesse européenne,
surtout à gauche. Il s’agirait ainsi de permettre aux jeunes d’accéder à des
mandats électifs et de renouveler la classe politique. Cette limitation du cumul
des mandats aurait en effet pour incidence de libérer des postes électifs à tous
les niveaux de la vie politique et permettrait de rajeunir la moyenne d’âge des
élus. Cela permettrait également, selon différentes études, de limiter certains
conflits d’intérêts qui se mettent en place au fil des mandats chez certains élus,
chose que trop de citoyens regrettent et dénoncent.
Il est également essentiel de la part des professionnels de la politique de mettre
en place des outils de communication clairs et accessibles. Les décisions
politiques doivent ainsi être constamment expliquées, commentées, voire
vulgarisées, pour permettre à chacun d’en comprendre les tenants et les
aboutissants. Les jeunes restent souvent perplexes et perdus face à la
complexité des mécanismes de décisions et des décisions elles-mêmes. Pour
8
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rapprocher la politique des jeunes, celle-ci doit donc être mieux expliquée et plus
accessible.
D’autres dispositifs peuvent être cités, tels que celui du parrainage d’un jeune
par un mandataire. Il s’agit ici de donner la possibilité à un jeune, durant son
cursus scolaire ou sa formation professionnelle, de suivre un élu dans ses
fonctions quotidiennes. Le jeune ne serait pas présent au côté de l’élu pour être
son assistant à proprement parler, mais tous deux se trouveraient dans une
perspective d’apprentissage réciproque. Le jeune pourrait ainsi identifier un peu
plus le travail que réalise quotidiennement la femme ou l’homme politique. Il
s’agirait en ce sens de véritablement rapprocher la politique de la jeune
génération, en lui montrant ce que l’action publique permet de réaliser au jour le
jour. Mais le dispositif permettrait également à l’élu de se confronter au regard
de la jeunesse, et de pouvoir saisir plus clairement les attentes de cette classe
d’âge.
En un mot, il faut (re)donner aux jeunes l’envie de s’investir en politique. Le
changement ne doit pas être uniquement un slogan, mais bel et bien une réalité.
Ce volontarisme politique doit être largement porté par la classe politique et les
valeurs de solidarité, d’égalité et de justice doivent être apprises très tôt aux
jeunes générations. Si le monde politique réussit à faire cela, la jeune génération
saura être au rendez-vous lors des échéances électorales et s’impliquera encore
plus dans la vie de leur cité, de notre cité. Il suffit pour cela de prendre l’exemple
français de l’élection présidentielle de 2002, où les jeunes se sont mobilisés en
masse pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection
présidentielle17. Les valeurs de tolérance, d’égalité, de justice, de fraternité
étaient en danger, et la jeune génération a su se mobiliser politiquement pour
barrer la route à l’extrême-droite. Au second tour de l’élection, les 18-25 ans
étaient 78 % à se déplacer dans leur bureau de vote. C’est la catégorie d’âge qui
a le plus fortement réduit son abstention entre les deux tours (12 points en
moins), votant plus que la moyenne pour Jacques Chirac. La meilleure façon de
s’exprimer et de faire passer ses idées reste donc le vote. Il a été et restera un
véritable pouvoir, pour chaque citoyen, d’exprimer son point de vue sur les
gouvernants.
2. Comment permettre un engagement politique plus
soutenu de la part des jeunes ?
Si les jeunes semblent se désintéresser de la politique, ils n’en restent pas moins
des citoyens éclairés et attentifs. Pour essayer de palier à ce désengagement, il
faut redonner envie aux jeunes de s’engager, et de rendre la sphère politique
accessible à tous. Voici alors quelques pistes de réflexions qui vont dans ce
sens :
L’apprentissage dès le plus jeune âge de repères historiques et politiques
doit permettre aux jeunes générations d’éveiller un esprit critique et
d’avoir une lecture optimale des enjeux politiques.
La tenue d’Etats Généraux de la jeunesse, sur le modèle d’une grande
consultation associée aux nouveaux moyens de communication, peut
17
Jean-Marie Le Pen, candidat du Front National, a obtenu au second tour de l’élection
présidentielle 17,79% des voix, contre 82,21% pour Jacques Chirac, candidat du RPR.
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permettre aux jeunes de s’exprimer sur leurs attentes vis-à-vis de la
politique.
L’accessibilité et la lisibilité des décisions publiques doivent être une
priorité pour les dirigeants politiques afin d’éviter une distanciation entre
eux et la citoyen.
L’utilisation des réseaux sociaux par le personnel politique doit également
être un moyen efficace de toucher cette classe d’âge.
L’ouverture des mandats aux jeunes, y compris au niveau européen, doit
permettre un renouvellement de la classe politique et des idées. Cela se
traduirait par une moins grande méfiance à l’égard des dirigeants
politiques, notamment de la part des jeunes.
Donner les moyens nécessaires aux jeunesses politiques de s’organiser et
de se développer afin de permettre aux jeunes générations de développer
leurs propres visions de la politique et de débattre entre elle des questions
qui les préoccupent. En se développant davantage, ces organisations
gagneront encore en légitimité et pourront être des forces de propositions
pour les responsables politiques.
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