60 anniversaire des maisons de jeunes
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60 anniversaire des maisons de jeunes
60ème ANNIVERSAIRE DES MAISONS DE JEUNES Baptiste MEUR Décembre Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles 2012 Introduction ............................................................................................ 2 A. Genèse et étapes du cadre législatif ............................................... 2 1. Les éléments déclencheurs et les premiers pas d’une politique de jeunesse .......................................................................................... 2 2. L’arrêté royal de 1971 ............................................................... 4 3. Le premier décret du 20 juillet 2000 ........................................... 5 4. La réforme du décret en 2008 .................................................... 6 B. Photographie actuelle des maisons de jeunes ................................ 6 C. Perspectives et développements futurs .......................................... 8 Conclusion ............................................................................................. 10 1 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] Introduction 2012 marque le 60ème anniversaire des maisons de jeunes1. C’est en 1952 au sein du quartier des marolles que la première maison de jeunes a vu le jour.2 L’occasion était donc belle pour se pencher sur leur histoire, la législation en la matière, leurs apports et les pistes à explorer pour un meilleur rayonnement de leurs actions. Ces dernières années, la crise économique frappe la plupart des Etats. C’est malheureusement souvent dans ce type de période que certains remettent en cause le bien-fondé de certaines politiques. La première partie de cette analyse vise à retracer les grandes lignes de l’histoire des maisons de jeunes et des facteurs historiques, sociaux et culturels. En repartant de la genèse de leur création, il s’agit de mieux cerner les éléments fondateurs de leur identité qui ont guidé le type d’action qu’elles développent. Cette partie sera également consacrée à la législation qui régit l’action des maisons de jeunes et à son évolution. Une deuxième partie dressera un portrait synthétique des maisons de jeunes aujourd’hui. Enfin, la dernière partie dégagera quelques perspectives d’évolution pour le secteur des maisons de jeunes. Quels constats tirer de leur fonctionnement actuel ? Les interactions entre les maisons de jeunes et les autres acteurs (administration, monde politique) sont-elles optimales ? Sur quels leviers est-il possible d’agir afin de permettre aux acteurs d’accomplir encore mieux leurs missions ? Ce sont ces différentes questions que la dernière partie tentera d’aborder. A. Genèse et étapes du cadre législatif 1. Les éléments déclencheurs et les premiers pas d’une politique de jeunesse La seconde guerre mondiale fut révélatrice de l’importance du développement d’un esprit critique chez les jeunes citoyens. En effet, certains jeunes s’étaient engagés dans la résistance tandis que d’autres avaient offert leur soutien aux 1 « Leurs missions sont régulièrement résumées en 5 lettres : CRACS. CRACS pour Citoyen responsable actif critique et solidaire. Citoyen : Favoriser une prise de conscience chez les jeunes de leurs environnements et du rôle qu’ils peuvent y jouer ! Responsable : Faire en sorte que les jeunes s’impliquent dans la vie de l’association (Conseil d’Administration, Assemblée Générale et Conseil des Jeunes) et soient porteurs des activités qu’elle génère. Actif : Motiver les jeunes à prendre une part active dans le monde qui les entoure, à être acteur de leurs espaces de vie. Critique : Faire du pluralisme est un outil fondamental à la compréhension du monde et favoriser le développement d’un esprit critique chez les jeunes. Solidaire : Agir en se référant et en développant les valeurs humaines fondamentales. » Définition d’une maison de jeunes disponible sur le site internet We love MJ à l’adresse http://www.60ansmj.be/html/infos_definition.php, dernière consultation le 29/11/2012 2 « Les maisons de jeunes fêtent leurs 60 ans : entre crises et défis » article disponible sur le site internet de la RTBF à l’adresse http://www.rtbf.be/info/societe/detail_les-maisons-de-jeunes-fetent-leurs-60-ans-entrecrises-et-defis?id=7756078 2 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] pouvoirs fascistes. Cette prise de conscience de l’importance du développement d’une citoyenneté responsable constitue un premier élément déclencheur d’une mise en place progressive d’une politique de jeunesse en général et des maisons de jeunes en particulier. C’est d’ailleurs le socialiste Émile de Laveleye, Ministre de l’instruction publique, qui réunit en octobre 1944 des représentants des différents mouvements de jeunesse avec pour objectif de lancer les premiers jalons d’une politique pour la jeunesse.3 La période d’après-guerre voit également l’apparition du modèle de l’Etatprovidence : « C’est (…) à partir d’alors que se développe la conception de l’Etat providence, prenant en charge de nombreux aspects de la vie quotidienne des citoyens (…) ».4 Dans cette perspective, les loisirs occupent une place plus significative, ils sont perçus comme pouvant mener au développement des individus. Parallèlement à ce développement, au début des années 50, la jeunesse émerge comme un groupe social à part entière. En effet, la génération du baby-boom devient une génération d’adolescents. Les jeunes, de par leur nombre croissant, constituent une part importante de la société avec ses propres caractéristiques et ses propres aspirations, leur situation économique et sociale étant très différente de celle de leurs parents.5 Ces différences se traduisent par une modification de la structure familiale traditionnelle, une autonomisation plus avancée des adolescents, une entrée dans la vie active retardée (scolarisation obligatoire, allongement du temps d’études). Les adolescents prennent progressivement conscience de constituer un groupe social à part entière avec ses envies, ses loisirs et ses revendications6. L’avènement de l’Etat providence, la structuration des jeunes en tant que groupe social distinct, la modification de la structure familiale traditionnelle et la récupération des jeunes par les pouvoirs fascistes sont autant d’éléments déclencheurs d’une attention accrue accordée aux « jeunes » et d’une politique de jeunesse. Après la seconde guerre mondiale, les premières maisons de jeunes ont donc vu le jour dans l’objectif de sortir les jeunes de la rue et de leur offrir un espace au sein duquel ils pouvaient développer des activités éducatives et de loisirs. L’Etat 3 BETTENS, Ludo, « Les maisons de jeunes ont soixante ans : retour en arrière sur un secteur clé en termes d’éveil à la citoyenneté », Institut d’histoire ouvrière, économique et sociale, disponible sur internet à l’adresse http://www.ihoes.be/PDF/Maisons_de_jeunes.pdf 4 GROOTAERS, D. (1998a) « Cent cinquante ans d’instruction publique : à la poursuite de l’intégration sociale et de la promotion individuelle » in : D. GROOTAERS (dir.) Histoire de l’enseignement en Belgique (Bruxelles : CRISP) 5 Charlotte Jamin , Nathalie Perrin sous la direction de Jean-François Guillaume - Pierre Verjans, Marco Martiniello « Les politiques publiques en matière d’enfance et de jeunesse au XXème siècle, en Belgique et en Communauté française », Mai 2005, pp. 48-49 disponible sur le site de l’Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse à l’adresse http://www.oejaj.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&file=fileadmin/sites/oejaj/upload/oejaj_super_ editor/oejaj_editor/pdf/Politiques_publiques__rapport_final.pdf&hash=d578786900c1eec5836dd946acdbb2ae38145541 6 GROOTAERS, D., Op.cit. 3 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] belge prit donc, en 1950, la décision de soutenir ces initiatives et de commencer à accorder des aides financières afin de les soutenir.7 2. L’arrêté royal de 1971 Mai 68 est vécu différemment par les maisons de jeunes. Certaines, issues essentiellement de milieux ruraux, ne sont pas influencées par le phénomène, d’autres orientent leurs activités vers des fonctions de type social quand d’autres sont plus actives dans ce mouvement contestataire via des activités culturelles.8 Malgré cette diversité de réactions, mai 68 va influencer durablement cette politique de par les empreintes qu’il dépose sur le premier texte officialisant l’existence des maisons de jeunes : l’Arrêté Royal du 22 octobre 1971 établissant les conditions d’agréation et d’octroi de subventions aux Maisons des Jeunes et associations assimilées. Cette marque se retrouve, entre autres, dans les concepts de libre expression, de créativité, de participation ou encore de citoyenneté. Cet arrêté fut rédigé - chose assez rare à l’époque suite à une large consultation du secteur.9 Au début des années 70, d’autres initiatives se développent au sein du secteur de la jeunesse. C’est le cas des structures Infor Jeunes, des centres d’hébergement ou encore des auberges de jeunesse. Tout comme les MJ, des nouvelles initiatives ambitionnaient d’être reconnues par les pouvoirs publics et de disposer des mêmes possibilités de financement. Dans cette optique, l’arrêté de 1971 fut modifié afin de prendre en compte ces différentes initiatives.10 Malgré ces deux arrêtés, le secteur manquait encore cruellement de moyens et la société connaissait des évolutions substantielles qui rendaient le cadre règlementaire mis en place quelque peu obsolète. Parmi ces évolutions, la question de l’insécurité prend de plus en plus d’ampleur dans les sphères médiatiques et politiques. En fonction des décennies, l’insécurité revêt des habits différents. Les années 80 sont marquées par la crise et l’austérité provoquées par le second choc pétrolier. Mesures d’assainissement des services publics et de la sécurité sociale sont certaines des réformes adoptées par les gouvernements Martens-Gol. La jeunesse est directement touchée par cette période difficile et cette tranche d’âge subit un taux de chômage élevé.11 Un tournant s’opère à la charnière des années 80-90 avec des mouvements de violence dans certains quartiers à Bruxelles. La jeunesse est alors perçue comme 7 « Historique des maisons de jeunes et de la FMJ » disponible sur le site de la Fédération des maisons de jeunes en Belgique francophone à l’adresse http://www.fmjbf.org/pages/3_1-historique.html, dernière consultation le 30/11/2012 8 BETTENS, Ludo, Op. cit. 9 Ibidem. 10 « Historique des maisons de jeunes et de la FMJ », Op. cit. 11 BETTENS, Ludo, Op. cit. 4 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] un groupe au potentiel de violence élevé. Ce changement se traduit dans le champ de l’action envers la jeunesse par la mise en place des premiers contrats de sécurité.12 Avec pour conséquence une augmentation des moyens dédiés à la jeunesse, mais dans un registre sécuritaire et non plus d’émancipation sociale. Dans ce contexte, les maisons de jeunes revendiquent encore davantage leurs spécificités : proposer aux jeunes des lieux d’apprentissage de la démocratie et de la citoyenneté dans une logique d’éducation permanente.13 3. Le premier décret du 20 juillet 2000 L’adoption du décret du 20 juillet 2000 était attendue depuis de nombreuses années par le secteur. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, la base législative régissant les subventions des maisons de jeunes datait de 1971 et ne correspondait plus aux nouvelles donnes sociétales et aux réalités vécues au jour le jour par les acteurs de terrain qui ont : « (…) considérablement évolué avec le temps. En effet, les initiateurs de centres de jeunes ont dû adapter leur démarche aux réalités sociales. Les maisons de jeunes ont, notamment, dû faire face de plus en plus aux demandes d'une jeunesse marquée par la longue crise de l'emploi (…) ».14 15 Entre l’arrêté de 1971 et l’adoption de ce premier décret, d’autres initiatives et politiques visant la jeunesse se sont développées, les contrats de sécurité ou les programmes sociaux intégrés en sont des exemples. Ce type d’initiative se fonde pourtant sur une logique de type préventive distincte de la logique culturelle et d’éducation permanente sur laquelle a historiquement reposé l’action des maisons de jeunes.16 Le nouveau décret fut dès lors l’occasion de rappeler cette particularité. Un autre élément qui a conduit à l’adoption de ce décret, c’est la volonté d’accroitre la professionnalisation du secteur. Cette professionnalisation se caractérise par une présence de moins en moins grande des jeunes volontaires et par un encadrement par des animateurs aux profils plus sociaux issus des écoles sociales ou des écoles d’éducateur.17 Cependant et malgré ce constat posé dans le décret : « (…) les fondements d’une politique d’éducation non-formelle de la jeunesse sont confirmés. Cette politique consiste en l'appui à des associations qui mettent en œuvre des méthodes favorisant la construction, par les jeunes eux-mêmes, de leur propre projet de 12 BETTENS, Ludo, Op. Cit. « Historique et tournants du Secteur Centre de Jeunes », Op. cit. 14 Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, session 1999-2000, exposé des motifs du Projet de décret déterminant les conditions de reconnaissance et de subventionnement des Maisons de jeunes, Centres de rencontres et d’hébergement et Centres d’information des jeunes et de leurs Fédérations disponible sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’adresse http://archive.pfwb.be/00277CCFI192778 15 Décret déterminant les conditions de reconnaissance et de subventionnement des Maisons de jeunes, Centres de rencontres et d’hébergement et Centres d’information des jeunes et de leurs Fédérations, Décret - 88 (19992000) - N° 464 disponible sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’adresse http://www.pfwb.be/le-travail-du-parlement/doc-et-pub/documents-parlementaires-etdecrets/documents/000299984 16 Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, session 1999-2000, exposé des motifs, Op. cit., voir note 12. 13 17 BETTENS, Ludo, Op. cit. 5 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] vie, individuellement et collectivement. Les outils nécessaires au développement de leurs aptitudes personnelles, à l'analyse de la société et à l'expression de leurs valeurs et opinions doivent donc être maîtrisés, ce qui laisse de moins en moins libre cours à l'intervention de personnes n'ayant pas les qualifications suffisantes. »18 Centralité des logiques culturelle et d’éducation permanente, constat d’une professionnalisation du secteur mais réaffirmation de l’importance de la participation des jeunes dans la mise en place des projets développés au sein des maisons de jeunes sont trois des éléments centraux du décret adopté en 2000. 4. La réforme du décret en 2008 En 2008, après une concertation avec les représentants du secteur, une modification du décret a été adoptée par le Parlement de la Communauté française.19 C’est le Ministre de la jeunesse de l’époque, Marc Tarabella, qui a porté cette réforme devant le Parlement.20 Premièrement, le décret de 2008 supprime la différenciation opérée dans le décret de 2000 entre la reconnaissance » et « l’agrément ». Cette situation engendrait de multiples confusions car une maison de jeunes agréée n’était pas nécessairement subventionnée. Des centres de jeunes étaient donc reconnus et avaient le devoir de remplir certaines obligations légales, sans pour autant recevoir le financement public nécessaire à cet accomplissement. La notion de reconnaissance s’est donc vue tout simplement supprimée.21 Ensuite, dans l’objectif de permettre une meilleure subvention du secteur, les subventions sont accordées dorénavant selon la taille et le volume des activités des centres.22 B. Photographie actuelle des maisons de jeunes Que représente aujourd’hui le secteur des maisons de jeunes en Fédération Wallonie-Bruxelles ? Cette deuxième partie entend dresser un bref portrait du 18 Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, session 1999-2000, exposé des motifs, Op. cit., voir note 12. Décret modifiant le décret du 20 juillet 2000 déterminant les conditions de reconnaissance et de subventionnement des maisons de jeunes, centres de rencontres et d'hébergement, centres d'information des jeunes et de leurs fédérations, disponible sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’adresse http://www.pfwb.be/le-travail-du-parlement/doc-et-pub/documents-parlementaires-etdecrets/documents/001265026 20 Pour un résumé des positions des différents partis et des débats voir le compte rendu des débats au Parlement disponible sur le site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’adresse http://www.pfwb.be/le-travail-du-parlement/doc-et-pub/documents-parlementaires-etdecrets/documents/001256587 21 Communiqué de Presse du Ministre de la Jeunesse Marc Tarabella, Le bulletin de la Fédération des Centres de jeunes Milieu Populaire, p. 2 disponible sur internet à l’adresse http://www.fcjmp.be/pdf_bdl/Decret_Centres_de_Jeunes.pdf 19 22 Ibidem. 6 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] secteur des maisons de jeunes en se basant notamment sur les études et les chiffres de l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la jeunesse.23 Le dernier memento dressé par l’Observatoire et qui reprend les chiffres principaux du secteur date de 2010. Ci-dessous et sur base des chiffres de 2012 du Service de la Jeunesse du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, voici une répartition des maisons de jeunes par province : Maisons de Jeunes Bruxelles 25 Brabant wallon 9 Hainaut 40 Liège 45 Namur 19 Luxembourg 9 TOTAL 147 Source : Service de la Jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles.24 D’une analyse plus en détail des chiffres (tableau complet sur le site du Service de la Jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles), il ressort que 81 communes sur 262 en Wallonie et 14 communes sur 19 à Bruxelles disposent d’au moins une maison de jeunes, pour un total de 95 communes sur les 281 de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 34 % des communes disposent de minimum une maison de jeunes, tandis 66 % des communes n’en disposent pas. Les jeunes de 12 à 26 ans habitant une des 186 communes non touchées par ce pan de la politique de jeunesse ne disposent donc pas des mêmes possibilités d’épanouissement culturel et social que les autres jeunes habitant dans les 95 communes de la Fédération Wallonie-Bruxelles abritant une maison de jeunes. Toutes les communes ne doivent pas nécessairement être logées à la même enseigne, il s’agit notamment de tenir compte des réalités démographiques, géographiques et sociales. Mais il convient néanmoins d’analyser, en collaboration avec le secteur, les éventuelles carences de cette cartographie afin de tendre vers un déploiement plus harmonieux qui permette de développer une 23 Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, http://www.oejaj.cfwb.be/. « Liste des centres de jeunes » (mis à jour le 5.1.2012 disponible sur le site Service Jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’adresse http://www.servicejeunesse.cfwb.be/index.php?id=operateurs ; voir également Dominique Delvaux, Michel Vandekeere et Malvina Govaert, Mise en page : David Deschryver « Mémento de l’enfance et de la jeunesse en Fédération Wallonie-Bruxelles 2010 », Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, p. 43 disponible sur internet à l’adresse http://www.fcjmp.be/pdf_bdl/Decret_Centres_de_Jeunes.pdf 24 7 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] politique de jeunesse efficace, sans nier les difficultés budgétaires auxquelles doit faire face la Fédération Wallonie-Bruxelles. D’un point de vue financier, le dernier État des lieux publié par l’Observatoire date de 2006 sur base de données de 2003. Un constat s’impose quand on se penche sur les chiffres produits par l’Observatoire : les MJ sont en règle générale de petites structures disposant de peu de moyens financiers. Selon une étude de l’Observatoire parue en janvier 2007, la moyenne des subventions de la Communauté française aux MJ s’élevait en 2003 à 41.520 euros tandis que la moyenne du budget aux MJ était de 89.264 euros.25 D’ailleurs, assurer la survie de l’association et maintenir l’emploi au sein d’une MJ constituent, selon cette enquête, la priorité d’au moins deux responsables sur trois.26 C. Perspectives et développements futurs Cette dernière partie ne repose pas sur une consultation généralisée du secteur mais bien sur une consultation informelle de l’auteur de la présente note auprès de différents responsables de maisons de jeunes ou de leur Fédération. Elle vise simplement à esquisser des pistes d’amélioration possibles, les angles d’attaque sur lesquels il s’agirait de se pencher pour répondre aux nouveaux défis et améliorer le fonctionnement du secteur des maisons de jeunes. Néanmoins, si cette partie ne prétend pas à l’exhaustivité, il est évident que de nombreuses réflexions sont inspirées de constats posés par plusieurs des « praticiens » actifs au sein des maisons de jeunes ou de leur Fédération. Selon le décret, le conseil d’administration d’une MJ doit être composé d’au minimum un tiers de jeunes de moins de 26 ans.27 Si cette disposition part d’une intention louable qui vise à une participation et à une implication de jeunes dans l’organisation de leurs maisons de jeunes, elle pose plusieurs questions dans la pratique. Dans de nombreuses communes, des jeunes acceptant de s’investir dans les structures de la MJ sont difficiles à trouver. De plus, ne faudrait-il pas proposer une formation à ces jeunes avant un investissement au sein d’un conseil d’administration qui gère des emplois APE, des subventions, doit dresser un bilan financier,… ? Une situation mal gérée peut constituer un danger pour l’association et sa bonne gestion mais également pour le jeune lui-même. En outre, la limite de 26 ans28 25 Dominique Delvaux, David Deschryver, Françoise Mulkay, Michel Vandekeere, « Maisons de jeunes et Services d’aide en milieu ouvert. Portraits contrastés et points de convergence. », Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, Janvier 2007, pp. 22-23. 26 Dominique Delvaux, David Deschryver, Françoise Mulkay, Michel Vandekeere « Maisons de jeunes. Un état des lieux », Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, novembre 2006, p. 30, disponible sur internet à l’adresse http://www.oejaj.cfwb.be/index.php?id=5269 27 Décret déterminant les conditions de reconnaissance et de subventionnement des Maisons de jeunes, Centres de rencontres et d’hébergement et Centres d’information des jeunes et de leurs Fédérations e, Art. 3, 2° : « Avoir un conseil d'administration composé, en permanence, d'au moins un tiers d'administrateurs âgés de moins de 26 ans ». 28 Art 3 §2 1 du décret du 20 juillet 2000, Op. cit. 8 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] oblige parfois des jeunes qui se sont engagés et ont acquis des compétences utiles à l’organisation à partir pour laisser la place à certains de leurs cadets. L’intention d’implication des jeunes est louable mais cette participation, au vu des problèmes potentiels qu’elle engendre, se doit d’être sans doute repensée, ou du moins être questionnée. Un autre problème soulevé à de nombreuses reprises par le secteur (c’était déjà le cas en 2007 dans une enquête comparative de l’Observatoire concernant les maisons de jeunes et les aides en milieu ouvert) a trait au financement souvent mince dont bénéficient les politiques de jeunesse. Le fait de devoir consacrer une majeure partie de son temps à trouver des financements complémentaires était déjà décrit par ces acteurs comme un handicap. L’énergie dépensée par les opérateurs de terrain à rechercher des sources de financement alternatif n’est pas investie dans l’accomplissement des missions fondamentales à la base des MJ.29 Les maisons de jeunes, en proportion des moyens qu’elles reçoivent (43.611.000 euros en 2012 pour les MJ, Organisations de Jeunesse et Centres de Jeunes), assurent leur rôle et parfois même au-delà. Au sein de leur localité, certaines MJ représentent de véritables foyers culturels, lieux de rencontres, espaces de spectacles, de formation et d’information,… Parallèlement à ces difficultés financières, les MJ pointent du doigt la lourdeur administrative à laquelle elles sont confrontées. Tout comme pour le financement, la lourdeur administrative restreint de nouveau le temps consacré aux tâches premières des maisons de jeunes. Un autre problème concerne le manque de reconnaissance et de visibilité dont souffrent de nombreuses MJ. Ce constat se décline sous plusieurs formes : auprès du public visé, mais également dans les relations avec l’administration30 ou encore avec le politique, particulièrement au niveau local. Les MJ ont en effet le sentiment que l’administration ne comprend pas leurs actions et ne saisit pas la portée de leurs réalisations concrètes sur le terrain. La question des modalités d’évaluation des actions doit être creusée pour permettre aux MJ de rendre compte du travail effectivement réalisé. En ce qui concerne les rapports avec les responsables politiques, essentiellement locaux, le sentiment des MJ est que ces derniers méconnaissent encore trop souvent les activités développées par les MJ et le rôle qu’elle jouent dans la politique de la jeunesse au plan local. Des démarches d’information de la part des MJ à l’égard des responsables locaux permettraient sans doute d’établir un dialogue plus fructueux. 29 Dominique Delvaux, David Deschryver, Françoise Mulkay, Michel Vandekeere, « Maisons de jeunes et Services d’aide en milieu ouvert. Portrait contrastés et points de convergence. », Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, Janvier 2007, p. 80 – 85. 30 Constat également posé en 2007 par les maisons de jeunes. Voir « Maisons de jeunes et Services d’aide en milieu ouvert. Portrait contrastés et points de convergence. », Op. cit. 9 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] Les différents constats posés ci-dessus, les différentes pistes dégagées ne constituent pas une liste exhaustive des revendications du secteur ou des problèmes identifiés sur le terrain et pour lesquels le politique peut partiellement agir. Ils constituent, avant tout, des éventuels angles d’attaque visant à améliorer le fonctionnement et les possibilités pour les maisons de jeunes de se consacrer pleinement à leurs missions afin de rendre un service qui en sera d’autant plus efficient. Une évaluation du décret, en concertation avec le secteur, serait un point de départ pouvant apporter des réponses aux questions posées. En effet, le secteur a connu des évolutions importantes ces dernières années, et plusieurs questions restent en suspens. Cette évaluation permettrait d’aborder des débats tels la professionnalisation du secteur, la formation des animateurs et coordinateurs, la stabilisation de l’emploi, la répartition entre temps de gestion et l’animation de projet, les modalités d’évaluation des actions. Pour mieux rencontrer les objectifs de citoyenneté et d’éducation permanente, les maisons de jeunes mettent en avant – et c’est déjà ce que les témoignages recueillis dans l’étude de l’Observatoire montraient 31– le service rendu aux jeunes et les moyens humains doivent donc être orientés de manière prioritaire vers les missions des MJ. Dans cette optique, une évaluation du décret, de ses forces et de ses faiblesses, apparait comme une première étape visant à permettre au secteur de remplir encore plus efficacement ses missions. Conclusion Cette analyse a permis de brasser synthétiquement l’évolution du secteur des maisons de jeunes et d’identifier quelques questions à développer pour une bonne appréhension de son développement. Si les maisons de jeunes ont connu dans leur histoire plusieurs remises en question, plusieurs évolutions, il y a une constante qui se dégage de cette histoire et qui semble devoir être préservée. Cette constante, c’est le rôle et les objectifs des maisons de jeunes : l’épanouissement socio-culturel, le développement d’une citoyenneté critique et l’éducation permanente. Ces logiques sont à la base du développement des maisons de jeunes - c’est ce qu’a montré l’historique - et ont, depuis, traversé les époques en s’affirmant face aux évolutions de la société et aux développements d’autres initiatives relatives à la jeunesse, comme les Services d’aide en milieu ouvert plus axés sur une logique préventive. 31 Dominique Delvaux, David Deschryver, Françoise Mulkay, Michel Vandekeere, « Maisons de jeunes et Services d’aide en milieu ouvert. Portraits contrastés et points de convergence. », Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, Janvier 2007 ; Dominique Delvaux, David Deschryver, Françoise Mulkay, Michel Vandekeere « Maisons de jeunes. Un état des lieux », Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, novembre 2006, p. 30, disponible sur internet à l’adresse http://www.oejaj.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&file=fileadmin/sites/oejaj/upload/oejaj_super_ editor/oejaj_editor/pdf/MJ_DEF.pdf&hash=763f96df8491c2091f38e3e25a3f73052a54abdb 10 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected] Depuis le décret de 2000 et malgré les changements adoptés en 2008, le secteur a continué à évoluer, une évaluation du décret et de ses mécanismes semble donc aujourd’hui nécessaire. Les éventuelles modifications apportées et les solutions dégagées devront être guidées par le souci de renforcer les possibilités pour le secteur d’accomplir ses missions spécifiques. Lors de leur consultation par l’Observatoire, les maisons de jeunes ne demandaient pas autre chose en réclamant davantage de moyens. Si les perspectives budgétaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne permettront sans doute pas de dégager une enveloppe considérable, il y a sans doute d’autres voies à explorer pour rediriger les moyens humains vers leur mission première : former des « cracs ». Contribuer à ce que nos jeunes deviennent des citoyens responsables, actifs, critiques et solidaires. Institut Emile Vandervelde Bd de l’Empereur, 13 B-1000 Bruxelles Téléphone : +32 (0)2 548 32 11 Fax : + 32 (02) 513 20 19 [email protected] www.iev.be 11 Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected]