Quel est le rôle du médecin de la compagnie d`assurance? (<1Mo)

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Quel est le rôle du médecin de la compagnie d`assurance? (<1Mo)
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Quel est le rôle du médecin de la compagnie
d’assurance ?
Dr méd. Thomas Mall
Bâloise Assurances
Le médecin de la compagnie assure le
lien entre celle-ci et le corps médical,
mais il a d’autres tâches que celles
d’un médecin thérapeute : en effet,
avec l’examinateur des risques, il interprète à l’occasion de la conclusion
d’une assurance les risques dépendant de l’état de santé du proposant et
il sera consulté dans le règlement de
cas de sinistre pour tirer au clair les
prétentions formulées.
Le médecin de la compagnie n’exerce
pas la même fonction que, par exemple,
le médecin-conseil d’une caisse-maladie, même si les tâches respectives
se recoupent en partie. Il a divers domaines d’activité, de nature différente :
Evaluation des risques au stade
de la proposition
1. Les assurances classiques offertes
sous le régime de la loi sur le contrat
d’assurance (LCA) sont les assurances
vie et les assurances de rente. Le montant relatif des primes à payer est fonction du risque que la société doit sup-
porter. Ce risque dépend d’abord, pour
sa part, de paramètres simples, comme
l’âge du proposant, et pour lesquels
il existe un large éventail de données
à titre de base de calcul. Mais le futur
risque de décès dépend logiquement
aussi de l’état de santé de l’individu
en question. Pour évaluer ce risque,
les sociétés d’assurance adressent les
questionnaires bien connus, dont le
degré de détail correspond au montant
de la somme d’assurance proposée.
L’interprétation des informations obtenues incombe au médecin de la compagnie, qui l’exécute avec le concours
de l’examinateur des risques. Pour ce
faire, il dispose surtout, à titre de
moyens auxiliaires, des très vastes
données des grands réassureurs.
L’appréciation du risque de mortalité
en cas de diagnostic X peut diverger
notablement de l’évaluation faite par
le médecin assurant le traitement thérapeutique du proposant. L’examinateur des risques doit évaluer, avant la
conclusion d’une assurance, le risque
statistique possible au cours des prochaines 20 à 30 années par exemple, et
apprécier essentiellement les aspects
problématiques car, en fin de compte,
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n’est-il pas un « examinateur des risques » ? Mais il ne juge certainement
pas au pied levé : il se fonde au contraire sur de très nombreuses données.
De son côté, le médecin traitant voit
plutôt – et c’est bien naturel – les éléments positifs dans le cas concret qui
l’occupe.
L’estimation de futures incapacités de
gain est encore un peu plus complexe
que celle de la mortalité. En l’occurrence ne jouent pas seulement un rôle
le constat ou le diagnostic au moment
de la conclusion de l’assurance, mais
bien aussi des éléments comme la profession, le contexte, les incapacités de
travail antérieures, etc.
Le médecin traitant entendra à l’occasion, lorsque la décision a été défavorable pour le proposant, le reproche
selon lequel la décision a été motivée
précisément par ses données jugées
inadéquates. Mais en réalité, une assurance dispose souvent d’informations
émanant de plusieurs médecins et il se
peut que pour sa part, le proposant ne
les a pas toutes communiquées à son
médecin de famille. Les informations
d’ordre assécurologique sur les condi-
tions contractuelles précises (sommes
assurées, délais d’attente, etc.), le médecin traitant ne les connaît pas. Et en
fin de compte, les conclusions que
l’assureur tire des indications à sa disposition ne dépendent pas de l’avis du
médecin traitant.
Il y a évidemment tentation de retenir
envers l’assurance des informations
qui pourraient entraîner une appréciation plus défavorable du cas. Mais ceci
serait en fait une voie dangereuse à suivre car, comme le montre l’expérience,
les « péchés » commis à cet égard peuvent apparaître plus tard au grand jour,
ce qui peut remettre en question les
prestations d’assurance en cas de sinistre. En remettant sciemment un certificat qui est faux ou incomplet, le médecin donnant une telle information est
passible d’une sanction pénale.
À ce stade se pose la question de savoir
dans quelle mesure une prime calculée
en fonction du risque est véritablement
judicieuse.
En principe, les sociétés d’assurance ne
sont pas des institutions sociales, mais
des entreprises dont le but est notam-
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ment de réaliser des bénéfices. Mais
il doit bien en être ainsi, car une assurance insolvable ne serait utile à personne, et surtout pas aux assurés.
Dans le champ d’une concurrence libre,
une société d’assurance qui ne procède
à aucun examen du risque sera sujette
à une sélection négative des risques,
avec des conséquences défavorables
à moyen terme. Par ailleurs, s’agissant
précisément de l’assurance de perte de
gain, le montant des primes augmenterait massivement, et ceci au point où
la conclusion d’une assurance et, par
conséquent, d’une garantie de sécurité
financière raisonnable pour soi-même
ou ses proches, serait bien plus difficile
voire interdite à de nombreuses personnes. La tendance serait à la récompense des abus et à la pénalisation
d’un comportement responsable.
2. Le médecin de la compagnie d’assurance est souvent appelé à la rescousse
lors du règlement d’un sinistre. Dans ce
contexte, il apporte son aide en donnant son appréciation sur des certificats médicaux et des développements
ou commentaires, sur la plausibilité des
prétentions formulées et, aussi, sur la
question de savoir s’il faut des éclaircissements supplémentaires ou des
expertises. En ce domaine également
s’applique le principe selon lequel le
paiement incontrôlé de prestations
conduirait à des abus, ce qui renchérirait à l’excès l’ensemble du système
et désavantagerait ceux qui se comportent correctement. Ne pas se compliquer inutilement la tâche et faire
preuve de souplesse dans des cas évidents est une chose, mais empêcher
des abus en est une autre.
3. Le médecin de la compagnie est également, le cas échéant, l’interlocuteur
répondant aux questions de médecine
du travail que pose le personnel. Ainsi
peut-on avoir recours à lui lorsqu’il
s’agit d’apprécier la nécessité de sièges
réglables en hauteur au poste de travail. Il est possible de discuter par ailleurs avec lui de mesures visant au
maintien de la santé du personnel dans
le cadre d’épidémies, ou bien, il sert de
répondant face aux autorités respectivement compétentes.
Le médecin de la compagnie exerce
normalement cette fonction à titre accessoire et il a son propre cabinet mé-
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dical en parallèle. Du fait de ce cumul
de fonctions, il est également un lien
avec le corps médical. Il peut accepter
des suggestions en vue de contacts
mutuels et servir d’intermédiaire aux
deux parties. Médecin- « conseil » signifie qu’il devrait avoir – mais également
mériter – la confiance des deux parties.
Dans l’ensemble, le domaine d’activité
du médecin de la compagnie d’assurance et plus varié et moins aride que
ce qu’il y pourrait paraître au premier
abord. En particulier lorsqu’il est cumulé à l’activité normale de médecin
libre praticien, il peut conférer un intéressant élargissement de l’angle de
vue.
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