Quand stress et travail font grossir - Espace

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Quand stress et travail font grossir - Espace
EntrEprisEs calories
Quand stress
et travail
font grossir
les activités professionnelles sont devenues
un facteur important de l’épidémie de surpoids.
en cause: le stress, la mauvaise alimentation
et le sédentarisme.
Par Séverine Géroudet, Thomas Pfefferlé et Geneviève Ruiz
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trouve les assistants administratifs, les
ingénieurs, les enseignants, les infirmiers,
les informaticiens et les avocats.
En Suisse, diététiciens et nutritionnistes disent intervenir fréquemment
auprès des travailleurs. L’Office fédéral de
la statistique a publié en octobre dernier
son rapport 2012 sur l’état de santé des
Suisses. Celui-ci révèle que 41% de la population est en surpoids (ou obèse). Le temps
consacré au travail étant prédominant
dans la vie d’une grande partie de la population, il contribue de manière significative
à cette épidémie.
Les métiers à risque
«Le travail compte parmi les causes du
surpoids, même s’il faut noter que ce n’est
pas la seule, explique le docteur Gabriel
Cascaval, chef de clinique adjoint à l’Institut universitaire romand de santé au
travail (IST). Le travail assis devant un
ordinateur pendant des heures serait un
facteur aggravant. Et les demandes de
rendement imposées par les entreprises Photo: D. Vanselow
E
n dix ans de travail, j’ai pris
10 kilos!» La rengaine est connue
et surtout de plus en plus commune. Généralement, ce n’est
pas le travail en tant que tel qui fait grossir,
mais son environnement et son organisation.
Le problème touche la Suisse et préoccupe
de plus en plus les organismes de santé
publique. Il est aussi mondialisé que l’économie: au printemps dernier, le site américain Carreerbuilder a dévoilé les résultats
d’une grande étude consacrée au phénomène. Menée de février à mars 2013, elle
inclut les données de 3600 travailleurs à
plein-temps de tous les Etats-Unis. Les
chiffres sont sans appel: 41% des personnes
interrogées ont révélé avoir pris entre 5 et
10 kilos depuis qu’elles avaient commencé
à travailler.
Les métiers les plus concernés sont
aussi ceux qui impliquent les plus hauts
niveaux de stress ainsi que de longues
heures derrière un bureau. Et contrairement à ce que l’on pense, ce ne sont pas
les chocolatiers: en tête du classement, on
PME MaGazInE - avril 2014
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«J’ai pris
15 kilos avec
le stress»
A cause de trop de stress au travail,
Sandra Wuerzer, responsable dans
les ressources humaines, est entrée
dans un cycle négatif favorisant la
prise de poids.
Sandra Wuerzer
Grâce au sport, elle a
réussi à perdre
20 kilos en moins
d’une année.
Entre 2008 et 2012, Sandra Wuerzer a pris
15 kilos. Durant cette période, elle occupe
le poste de responsable adjointe aux RH
de la police de Lausanne. Stressée par son
travail, elle entre dans un cycle négatif qui
favorise la prise de poids. Les horaires
sont lourds, la charge de travail intense et
souvent effectuée dans l’urgence. «Avec
ce rythme, je prenais souvent un sandwich
à mon bureau. Sans repas à des heures régulières, on finit par manger n’importe
quoi n’importe quand.» A cela s’ajoutait le
dénigrement que subissent les métiers administratifs dans la police. «Sans uniforme,
on évolue dans un climat tendu, notre travail n’est pas valorisé, on se sent constamment à l’essai.» Après quatre ans passés
dans ce rythme difficile, Sandra Wuerzer
décide de changer de profession. «Je retire
tout de même des bonnes choses de mon
expérience à la police. Mais j’avais besoin
de sortir de cet engrenage travail-stress qui
relaie notre personne au second plan.»
Après avoir trouvé un nouveau poste, toujours dans les RH mais dans un climat plus
serein, elle fait appel à un nutritionniste.
Après avoir calculé sa masse graisseuse, il
lui indique comment se remettre en forme.
D’abord, retrouver un rythme régulier pour
les repas, ce qui évite le grignotage et
contribue à une alimentation équilibrée.
Ensuite, favoriser les aliments qui brûlent
les graisses comme les oméga 3 contenus
dans le poisson et diminuer progressivement l’apport en glucides. Enfin, reprendre
le sport. «Pendant longtemps, j’ai eu horreur de pratiquer une activité physique.
Aujourd’hui, je ne peux plus me passer du
nordic walking ni du spinning.» En un peu
moins d’une année, Sandra Wuerzer est
parvenue à perdre 20 kilos.
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EntrEprisEs calories
rendent les employés encore plus sédentaires.» D’après le spécialiste, les domaines
professionnels considérés comme «à risque»
sont les métiers du tertiaire, en particulier
les activités de bureau, les professions de
chauffeurs de bus et poids lourds, les métiers
à fortes responsabilités et le travail de nuit.
«Beaucoup de gens qui pratiquent ces
métiers voient leur indice de masse corporelle (IMC) monter à plus de 25 alors que,
selon l’OMS, un indice normal se situe entre
18 et 25, poursuit le médecin. Avant même
qu’ils se retrouvent en surpoids, on peut
constater un déséquilibre au niveau des
lipides et du cholestérol.»
Fernanda Santos
Elle bouge beaucoup
pendant son travail et
ne se laisse guère
tenter par les douceurs
qu’elle vend.
Vendre des chocolats
et ne pas grossir
Fernanda santos, vendeuse dans une chocolaterie à lausanne,
n’a jamais pris de poids en une vingtaine d’années. Malgré les
tentations permanentes.
Des caracs, des truffes et des forêtsnoires à n’en plus finir: l’environnement professionnel de Fernanda Santos, 51 ans, propose des tentations
riches en calories à longueur de journée. Cette vendeuse d’origine portugaise travaille dans une grande chocolaterie lausannoise depuis vingt et
un ans. Entre la vente et le service,
elle passe près de neuf heures par
jour entourée de douceurs. Pourtant,
elle n’a pas pris un gramme durant
toutes ces années et a réussi à garder
sa ligne de jeune fille: «Il m’arrive de
prendre un kilo l’hiver que je perds à
nouveau rapidement.»
Une situation d’autant plus remarquable que la vendeuse mange les
produits qu’elle vend à midi et que
plusieurs de ses collègues ont pris du
poids. Sa recette? «Je ne mange pas
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entre les repas au travail, ou seulement des fruits. Et je limite les matières grasses. Mon principal repas
de la journée, je le prends le soir, en
famille.» Ne se laisse-t-elle tout de
même pas tenter par le fondant maison de temps à autre?
«J’ai la chance de ne pas avoir de
faible pour le sucré. Et lorsque l’on
est entourée de chocolat toute la journée, il perd son attrait. En même
temps, je ne me prive de rien: si j’ai
envie d’une douceur, je me l’offre. Je
crois que j’ai la chance d’avoir un métabolisme qui ne me fait pas prendre
de poids.» Il faut dire aussi que, durant son service, Fernanda Santos
bouge et marche énormément. «Le
mouvement joue certainement un
rôle, mais cela n’a pas empêché certains de mes collègues de grossir.»
Les causes de la prise de poids sont multiples. «La nourriture proposée par les
cantines d’entreprise n’est pas toujours
équilibrée, note Séverine Chédel, diététicienne membre de l’Association suisse
des diététiciens diplômés. Lorsqu’il n’y a
pas de cafétéria, les employés se rendent
au restaurant ou privilégient un en-cas
simple, comme un sandwich ou un repas
précuisiné qui contient souvent beaucoup
de sel et de graisse. Au restaurant, on
aura tendance à manger plus copieusement, à choisir une entrée ou même à
boire de l’alcool. On ingérera plus de
calories que ce que l’on en dépense assis
derrière un bureau.»
Les horaires imposés peuvent aussi
être la cause d’une mauvaise alimentation. Selon la diététicienne, une pause
déjeuner trop courte va favoriser l’ingestion d’un repas déséquilibré, en vitesse,
où sont oubliés les fruits et les légumes.
«Certaines personnes n’arrivent plus à
mesurer leur appétit ou doivent manger à
des heures où elles n’ont pas faim. Du
coup, elles ont tendance à manger léger,
pour ensuite beaucoup grignoter.»
Depuis peu, le travail de nuit, qui
concerne 20% de la population active en
Suisse, est pointé du doigt par les nutritionnistes. «Travailler la nuit provoque une
rupture du rythme biologique construit sur
les périodes de veille et de sommeil,
explique Gabriel Cascaval. Le cycle hormonal est perturbé, la température corporelle diminue et le métabolisme ralentit.»
Pour se maintenir éveillés et se réchauffer,
les travailleurs avalent des plats riches en
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Photos: D. Vanselow, DR
Evitez de grignoter
sucre et en graisse, qui ne sont pas adaptés
à la digestion nocturne. «Eux non plus ne
savent pas quand manger, note Séverine
Chédel. La nuit n’est pas découpée comme
la journée, avec des moments où l’on s’alimente. Perturbés dans leur rythme, ils
finissent aussi par manger trop.»
Le stress représente un facteur important de prise de poids au travail. «Un corps
sous stress va stocker les graisses par réaction de sauvegarde, indique Samia Dayer,
psychologue spécialisée dans le domaine
du stress, active au sein des entreprises.
Cet état provoque une chaîne de cause à
effet circulaire. Le stress déclenche souvent un état dépressif qui va augmenter
l’appétit pour des aliments de consolation
sucrés et gras, alors que le corps n’est pas
en état de les éliminer correctement. Il provoque également des troubles du sommeil,
qui vont générer un état de fatigue limitant
l’activité physique.»
A vélo au travail
Conscientes de cette problématique, beaucoup d’entreprises cherchent conseil auprès
de diététiciens et de nutritionnistes et leur
demandent de venir faire de la prévention.
«Souvent les employés sont conscients de
leur mauvais comportement alimentaire
sans parvenir à en changer, observe Séverine Chédel. Nous tentons de leur apporter
des solutions par des conseils simples sur
les comportements alimentaires à adopter
et les encourageons à pratiquer une activité physique. Venir au travail à pied ou à
vélo, par exemple, est une bonne solution
pour ceux qui manquent de temps libre.»
Le programme «Action santé – manger
mieux pour bouger plus», mis en place par
l’Office fédéral de la santé publique, utilise
d’ailleurs le lieu de travail comme un
endroit privilégié pour sensibiliser la population à pratiquer une activité physique. Il
encourage les entreprises à mettre en place
des programmes incitant les employés à
adopter un mode de vie sain: activité physique, alimentation équilibrée, gestion du
stress ou même lutte contre le tabagisme.
Dans le cadre de ce même programme, la
société Selecta, active dans la restauration
d’appoint via des distributeurs automatiques, s’est engagée à proposer davantage
de produits répondant aux critères d’une
alimentation équilibrée.

«Le collègue qui vous
offre un croissant
n’est pas un ami»
Olivier Bourquin est nutritionniste et fondateur de la PME
vaudoise Sport Nutrition Management. Il propose des ateliers
aux entreprises pour prévenir la prise de poids des collaborateurs. Il livre ses conseils pour ne pas grossir au travail.
Quelles sont les
pires habitudes
alimentaires que
vous observez au
travail?
Ce qui me frappe,
c’est que les gens
mangent des portions trop grandes.
Et beaucoup ne se rendent pas
compte qu’ils ont déjà dépassé le
stade du surpoids. Lorsque j’interviens dans une entreprise, je commence par accompagner les collaborateurs lors de leur repas de midi. La
plupart du temps, ils mangent une
entrée, un plat et un dessert, avec
beaucoup de féculents et de matières
grasses. C’est tout simplement trop!
Et si l’on ajoute à cela le grignotage
entre les repas, on a déjà une bonne
partie de l’explication. Il faut éviter de
manger entre les repas. Le collègue
qui vous offre régulièrement des
croissants ou des gâteaux n’est pas
un ami. Les boissons sucrées sont
également à proscrire.
Que faire lorsque nombre d’événements professionnels sont ponctués par des repas?
Ce n’est pas facile à gérer, car la
nourriture fait partie de la vie sociale
professionnelle. Lors de mes visites
en entreprise, j’ai parfois l’impression
que les gens ne font que manger!
Heureusement que de plus en plus de
restaurants offrent des menus légers
et la consommation d’alcool durant
les repas d’affaires tend à diminuer.
Pour éviter d’être tenté lors des apéritifs, il faut prendre une collation saine
vers 16 h, à savoir un fruit.
Vous soulignez également l’importance du mouvement...
Les gens ne bougent pas assez, c’est
une catastrophe. Le corps humain
n’est pas fait pour rester assis plus
de trois heures d’affilée. Alors qu’on
devrait faire 10 000 pas par jour, la
plupart des travailleurs en font à
peine 4000. Je dis toujours à mes
clients qu’ils n’arriveront pas à atteindre leurs objectifs en termes de
poids s’ils n’inscrivent pas l’activité
physique dans leur routine quotidienne. Chacun doit trouver le sport
qui lui convient et le pratiquer à long
terme. Marcher rapidement au travail ou monter les escaliers à un bon
rythme comptent aussi. Les bracelets qui calculent l’activité physique
constituent une aide pour certains.
Quels menus conseillez-vous aux
travailleurs?
Il faut commencer sa journée par un
petit-déjeuner copieux qui comprend
beaucoup de protéines et pas trop de
sucre. Puis ne plus rien manger
jusqu’à midi pour permettre au corps
de puiser dans les réserves. Il faut
alors un repas qui inclut des légumes, des protéines et peu de féculents. Prenez un goûter vers
16 heures, avec un fruit, un oléagineux et éventuellement une barre de
chocolat noir. Cette collation permet
de réguler le pic d’insuline qui survient vers 16 h 30, de se préparer à
une éventuelle activité sportive
après le travail et d’avoir moins faim
pour le souper. Ce dernier doit être
léger car le métabolisme fonctionne
au ralenti le soir et la nuit.
PME MAgAzINE - avrIl 2014
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