Ces pMe romandes qui se lancent dans la cosmétique

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Ces pMe romandes qui se lancent dans la cosmétique
entreprises cosmétique
Ces pMe romandes
qui se lancent dans
la cosmétique
Marketing.
Laetitia Jacot (à g.)
et Charlotte Landolt,
du Jardin des Monts,
assurent s’être
inspirées des
recettes de leurs
grands-mères.
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PME MagazinE - juiLLet 2013
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Photos: V. Moreillon Inedit Publications et DR
Dans le sillage de La Prairie, de nombreuses Pme romandes se sont lancées
sur le créneau des produits de beauté. elles misent sur les valeurs nationales:
nature préservée, précision et qualité. et ça marche! Par Sophie Gaitzsch
D
ans les parfumeries de Shanghai,
Hongkong et new York, une
image du Cervin ou un drapeau
rouge à croix blanche constitue
aujourd’hui le meilleur moyen d’attirer
l’attention. Savoir-faire peu connu en Suisse,
la cosmétique «made in Switzerland» jouit
à l’étranger d’une aura qui rivalise avec
celles de l’horlogerie et du chocolat. Les
clientes, et les clients, sont prêts à dépenser plusieurs centaines de francs pour
s’offrir une crème anti-âge fabriquée sur
les bords du Léman.
«C’est un marché porteur, s’enthousiasme Jean-François Chaponnier, directeur de la marque vaudoise Hormeta, qui
emploie une trentaine de personnes. La
demande augmente, surtout dans le créneau du luxe en asie, en amérique du nord
et dans les pays du golfe.» Selon les statistiques de l’administration fédérale des
douanes, le montant des exportations
suisses pour la cosmétique et les parfums
a atteint 1,04 milliard de francs en 2012,
contre 740 millions dix ans plus tôt.
«Dans les marchés émergents, toujours
plus de personnes peuvent se permettre
d’acheter des produits haut de gamme,
explique Jean-François Chaponnier. il y a
quinze ans, les clients asiatiques ne s’intéressaient pas aux soins anti-vieillissement,
depuis, la situation a beaucoup évolué. La
réputation de la Suisse, de plus en plus
utilisée dans le marketing des marques,
provoque un effet boule de neige.»
La Suisse parmi les pionnières
«La Suisse figure parmi les pionnières de
la cosmétique moderne. Dans les années
50, elle fut le premier pays au monde à
créer une société de chimistes-cosméticiens,
raconte Pierre Bottiglieri, qui a présidé
cette association de 1990 à 2000 et travaille
aujourd’hui comme consultant. Sous l’influence de la grande chimie bâloise, le
pays s’est mué en noyau de création.»
La marque de luxe La Prairie, issue de
la clinique éponyme située à Clarens, a joué
un rôle de locomotive. aujourd’hui en
mains du groupe allemand Beiersdorf, elle
atteint une renommée internationale en
commercialisant les premières crèmes à
base de cellules fraîches – entre-temps
remplacées par des composants biosynthétiques – et rencontre un succès phéno- •
Alexandre
Chappuis. «Nous
nous considérons
comme des artisans,
des horlogers de la
cosmétique.»
«L’effet Swiss made,
ça fonctionne»
Pour le directeur du laboratoire Cellap, les produits suisses
rassurent. C’est un atout très porteur sur tous les marchés.
«L’effet Swiss made, ça fonctionne,
se réjouit Alexandre Chappuis,
patron du laboratoire Cellap, au
Mont-sur-Lausanne. Les produits
suisses rassurent. C’est un atout sur
tous les marchés, particulièrement
porteur en Asie et en Russie.» Les
tubes et flacons des deux marques
de l’entreprise fondée en 1987 –
Cellcosmet et Cellmen – arborent le
rouge et le blanc, un logo muni d’une
croix, certes dorée mais on ne peut
plus helvétique dans ses proportions,
et l’incontournable appellation «Switzerland». La PME présente dans 30
pays exporte 90% de sa production.
Grâce notamment à des marchés en
forte progression comme la Russie,
Taïwan ou le Japon, elle affiche une
croissance annuelle comprise entre
10 et 15%.
Cellap cultive aussi son image de
sérieux sur le plan scientifique.
Le laboratoire, qui emploie 48 per-
sonnes en Suisse et 24 dans sa filiale
aux Etats-Unis, dispose d’une équipe
de dix chercheurs travaillant à la
recherche et au développement de
nouveaux produits. «Notre grande
fierté reste de gérer l’ensemble de
la chaîne: développement, fabrication, conditionnement, marketing.
Nous nous considérons comme des
artisans, des horlogers de la cosmétique», poursuit Alexandre Chappuis.
Pour l’avenir, le directeur est optimiste. «Le moral est au beau fixe: la
demande augmente et nous disposons de belles perspectives. Il nous
reste des marchés de taille à conquérir, comme l’Inde ou l’Australie. Le
monde est vaste, nous voyageons
beaucoup et prenons des contacts.
Nous allons nous lancer cette année
encore en Grande-Bretagne et en
Turquie, un autre marché en pleine
expansion. Et nous visons le Brésil
pour le printemps prochain.»
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entreprises cosmétique
•
le jardin des monts, lancé en 2009, occupe cinq collaborateurs
dans un alpage. et a tapé dans l’œil du «Wall street journal».
Un alpage surplombant le Pays d’Enhaut (VD), des jardins en terrasses,
un élevage de chèvres: voici le
cadre plutôt atypique du Jardin des
Monts, la petite entreprise de Charlotte Landolt (à gauche sur la photo).
«L’idée initiale était de redonner vie
à ce chalet, racheté par ma famille il
y a huit ans, et de nous lancer dans
la culture de plantes aromatiques et
médicinales, raconte la directrice de
32 ans, horticultrice de formation.
Nous avons commencé avec la fabrication d’infusions et de sirops, puis,
après quelques essais concluants,
nous nous sommes lancés dans la
cosmétique en 2009.»
La marque dispose aujourd’hui
d’une gamme de six produits cosmétiques bio dont elle fabrique 6000
pièces par an. Sa particularité? Elle
cultive ses propres ingrédients.
Jardin des Monts, qui réunit cinq
collaborateurs, vit d’ailleurs au
rythme des saisons: cueillette sauvage à partir du mois d’avril, récolte
dans les jardins de l’alpage de juin
à septembre. Une fois ramassées,
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les plantes sont séchées sur place et
transformées en différents extraits
végétaux avant d’être acheminées
dans un laboratoire valaisan, de
l’autre côté des montagnes, où sont
fabriqués les produits finaux.
«Pour développer nos baumes, nous
nous sommes inspirés des grimoires
de nos grands-mères et de nos discussions avec les connaisseurs des
plantes de la région.» La marque
est prisée d’une clientèle féminine
et romande, sensible à la nature et
soucieuse de l’environnement. Et
la marque connaît aussi quelques
succès à l’étranger. «Une journaliste
du Wall Street Journal de passage
en Suisse a eu un coup de cœur pour
nos produits, qu’elle a présentés
dans un de ses articles, se souvient
Charlotte Landolt. Pendant les
semaines qui ont suivi, nous avons
connu une déferlante de commandes
des Etats-Unis.» Pour ce qui est des
soutiens de marque, la PME peut
aussi compter sur le spa du Gstaad
Palace, avec lequel elle entretient
une collaboration régulière.
Un savoir-faire reconnu
«Un savoir-faire reconnu en matière de développement et l’intégration de techniques
médicales ont permis aux cosmétiques
suisses de trouver des relais dans des cliniques de haute volée et les spas des grands
hôtels, analyse Agnès Bureau, directrice du
Master en management du luxe de la Haute
Ecole de gestion de Genève. Dans l’imaginaire
du client étranger, la cosmétique suisse est
une valeur sûre, de grande qualité, pour
laquelle il est prêt à payer un prix élevé.»
Les marges sont importantes, admettent
les entrepreneurs interrogés, sans toutefois divulguer leurs chiffres. Ils soulignent
les budgets considérables consacrés au
marketing – entre 15 et 20% du chiffre
d’affaires – et les défis posés par la distribution, qui est en général assurée dans
chaque pays par une société locale. «Trouver un bon distributeur est primordial et
peut se révéler difficile, insiste Alexandre
Chappuis, directeur du laboratoire Cellap,
fabricant de la marque Cellcosmet. Sans le
bon partenaire, même un excellent produit
ne parviendra pas à faire sa place.»
Si les marchés étrangers constituent le
principal débouché, quelques petites
PME MAGAzInE - juillet 2013
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Photos: P. Rohner et DR
«nous cultivons nos
propres ingrédients»
ménal dans les années 80 avec sa ligne
à base d’extraits de caviar, dont les petits
pots se vendent entre 200 et 600 francs la
pièce. Après le scandale de la vache folle
et face à la méfiance envers les dérivés
d’origine animale, la Suisse joue la carte
de la cosmétique à base de plantes.
Dans le sillage de La Prairie, des marques
haut de gamme se sont développées dans
l’Arc lémanique, où sont aujourd’hui concentrées les entreprises et laboratoires de la
branche. Parmi les plus connues, on trouve
Valmont et Cellcosmet. Du côté des nouvelles venues, Swissclinical, entreprise
fondée à La Tour-de-Peilz en 2007, s’est
taillé une belle réputation. Les spécialistes
du secteur estiment que le nombre de sociétés a doublé ces quinze dernières années
pour atteindre une vingtaine, sans compter
une dizaine de laboratoires qui travaillent
pour des tiers. Entre 80 et 90% de la production de ces PME, qui emploient en moyenne
entre 10 et 50 personnes, se destine à l’étranger. Le marché assiste même à l’émergence
de discrètes marques suisses commercialisées uniquement hors de nos frontières.
«Nous exportons dans 30 pays»
la marque Karin Herzog a commencé dans une cuisine en 1970. elle emploie désormais 11 personnes. Surtout,
elle a fait le buzz quand Kate Middleton a avoué s’en servir. Ce qui a permis de doubler le chiffre d’affaires.
Dans les locaux de la marque Karin
Herzog, des coupures de presse sur
lesquelles on reconnaît Kate Middleton ornent les murs. La raison?
L’épouse du prince William ne jure
que par les produits de la PME basée
à Lutry. «Nous n’étions pas au courant, s’amuse Noëlle Herzog-Palmisano, présidente de la société et fille
des fondateurs. Tout à coup, tout le
monde parlait de nous. La demande
a explosé et nous avons doublé notre
chiffre d’affaires.»
La PME familiale, qui emploie onze
personnes, n’a pas attendu l’effet
Middleton pour se faire un nom. Elle
voit le jour au début des années 1970
dans l’appartement veveysan de Paul
Herzog, médecin à la retraite qui
travaille dans sa cuisine transformée
en laboratoire à stabiliser l’oxygène
pour en transmettre les vertus désinfectantes à une crème. Sa femme
Karin, esthéticienne, teste le produit
pour en évaluer les effets secondaires et remarque ses bienfaits pour
la peau. Le premier soin cosmétique
Karin Herzog est né. La marque
suscite l’intérêt de la clientèle des
grands hôtels de la Riviera puis, au
fil du temps, se fait une place sur
les marchés étrangers. Aujourd’hui,
elle exporte ses produits, tous fabriqués et conditionnés sur son site de
Lutry, dans une trentaine de pays.
«Si nous sommes présents sur
les cinq continents, nos marchés
phares sont la Grande-Bretagne,
les Etats-Unis et le Canada, précise Noëlle Herzog-Palmisano. La
crise de 2008 et l’effondrement du
marché américain nous ont frappés
de plein fouet et nous avons dû
reprendre les choses en main en
professionnalisant notre structure
et en externalisant la gestion de
la distribution à l’étranger. Avant,
tout le monde faisait un peu de
tout dans la maison. Seulement, la
concurrence est féroce et le marché
ne nous permet plus d’agir comme
des dilettantes. Aujourd’hui, les
affaires marchent bien, nos ventes
progressent et nous continuons
d’enrichir notre gamme avec de
nouveaux produits.»
sociétés développent leur popularité
auprès de la clientèle suisse. Le moteur de
leurs affaires? L’intérêt croissant pour une
production locale et naturelle et pour des
cosmétiques affichant une meilleure traçabilité. La marque valaisanne Eve élabore
ses produits «éthiques et écologiques, sans
parabène, sans phtalates, sans composants issus du pétrole et sans huile de
palme» à base d’abricots du Valais. Une
autre marque valaisanne, alpaderm,
fabrique des crèmes «naturelles et biologiques» en utilisant de l’eau minérale des
alpes suisses. Quant au Jardin des Monts,
il séduit une clientèle «lassée des produits
standardisés dont on ne connaît plus l’origine» avec des onguents bio issus de
plantes de montagne, edelweiss, souci,
mélisse ou impératoire.
La popularité des cosmétiques suisses
ne va pas sans accrocs. «nous voyons fleurir les contrefaçons et les produits fabriqués à l’étranger qui se prétendent d’origine helvétique, note Bernard Cloëtta,
président de l’association suisse des cosmétiques et détergents. C’est très problématique dans la mesure où nous n’avons
pas les moyens de défendre efficacement
nos marques.»
Le casse-tête de la contrefaçon
Pour faire face à cette concurrence, l’organisation demande qu’une ordonnance spécifique à la branche fixe dans la loi dans
quels cas un produit cosmétique pourra
porter le label «Swiss Made». Elle estime
que pour mériter ce titre, 60% des coûts de
production doivent provenir de Suisse.
Les PME romandes sont aussi mobilisées. L’association pour la protection de
l’origine des cosmétiques suisses Swisscos, qui en regroupe 13, dispose de son
propre logo qui atteste que la fabrication
et le conditionnement ont entièrement lieu
sur sol helvétique.
«La multiplication des marques, vraies
et fausses, représente une vraie difficulté
pour le consommateur, note Jean-François
Chaponnier, directeur d’Hormeta et viceprésident de Swisscos. Ce label est plus
connu à l’étranger qu’en Suisse et il est
d’une importance primordiale pour nos
distributeurs, d’autant plus que les
consommateurs deviennent plus avertis,
surtout en asie. ils l’utilisent auprès de
leurs clients et nous disent que cela leur
facilite beaucoup la tâche.»
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