COURS - REGIMES TOTALITAIRES[1].

Plan académique de formation 2013-2014
Collège-lycée : thèmes analogues, quels apprentissages ?
Florian NICOLAS
GENESE ET AFFIRMATION DES
REGIMES TOTALITAIRES (1ère)
Couverture de l’ouvrage de Stéphane Courtois, Une si longue nuit, L’apogée des régimes totalitaires en Europe (1935-1953)
Source : éditions du Rocher (DR)
Ce que dit le programme
- « Il convient de mettre l’accent sur quelques idées essentielles en prenant en compte le contexte et l’évolution des
historiographies sur cette question »
Donc évoquer rapidement et simplement les débats historiographiques sur le sujet (peut-être en introduction)
- « Il ne s’agit pas de mettre en évidence un modèle unique, mais de dégager les spécificités de chaque régime, par delà un
certain nombre de ressemblances. »
Donc proposer une démarche comparative, tant pour la genèse des régimes totalitaires que sur leurs points
communs et leurs différences en terme de fonctionnement
- Deux grandes thématiques :
1. Genèse des régimes totalitaires (voir I de la leçon ici)
« Alors que, selon certains historiens, tel Zeev Sternhell, les origines du fascisme sont antérieures à 1914, pour d’autres,
comme l’américain George Mosse la Première guerre mondiale est la véritable matrice des totalitarismes »
Donc chercher les racines de ces régimes à la fin du XIXème siècle et aborder la question de la brutalisation
2. Points communs et spécificités des régimes totalitaires (voir II et III de la leçon ici)
« Un premier niveau d’analyse des points communs est fondé sur les critères dégagés par les politologues américains et sur
des caractéristiques évidentes partagées par ces régimes : terreur de masse, volonté de construire un homme nouveau et
une société unanimiste dans laquelle l’individu s’efface derrière le collectif, commune hostilité à la démocratie libérale. »
Donc une comparaison fondée sur des critères (essentiellement ceux d’Hannah Arendt) permettant d’aboutir à une
définition du concept de totalitarisme mais aussi à une différenciation entre ces régimes :
> au plan idéologique, deux totalitarisme d’extrême-droite et un totalitarisme d’extrême-gauche
> au plan de la terreur exercée, l’Italie fasciste est très en-deçà de l’Allemagne nazie et de l’URSS stalinienne
- Capacités travaillées : démarche comparative pouvant donner lieu à une composition ou une étude critique de documents.
I. Quelles conditions ont permis la mise en place des totalitarismes ?
A. Des problèmes politiques et ethniques avant 1914
Des revendications territoriales encore en suspens
- « Terres irrédentes » promises à l’Italie par la
Triple Entente en 1915 en cas de victoire
- Mais des terres jamais données en 1918
Source : http://fr.wikipedia.org (article « Irrédentisme »)
- Une unité lancée dans la décennie
1860 par Bismarck avec pour projet de
réunir tous les Germanophones au sein
d’un même Etat (nationalisme)
- Mais un projet inachevé avant la
Première Guerre mondiale
Source : http://www.jprissoan-histoirepolitique.com
Le problèmes de l’intégration des minorités ethniques en Russie
- Une majorité de Russes (75% de la population à la
fin du XIXème siècle)
- Une politique de russification brutale des minorités
non-russes :
> imposition de la langue russe
> imposition de la religion orthodoxe
> déportations et pogroms
Source : Paul Vidal de la Blache, Atlas général, Armand Colin, 1898
La jeunesse de la démocratie en Italie et l’absence de démocratie en Allemagne et en Russie
Vives
tensions
sociales
I. Quelles conditions ont permis la mise en place des totalitarismes ?
B. Les séquelles de la Première Guerre mondiale
La naissance des groupes paramilitaires dans l’immédiat-après-guerre (impact de la brutalisation)
Les « squadristes » (ou chemises noires) en Italie
Source : Encyclopédie Larousse (article Mussolini)
Les « sections d’assaut » de Essen en 1926
Source : http://fr.wikipedia.org (article sections d’assaut)
La non-acceptation de l’issue de la guerre
La « victoire mutilée » en Italie
Source : http://www.liceodavincitv.it
Le « diktat de Versailles »
Source : http://www.deutsche-schutzgebiete.de
Des crises générées par la guerre : chômage, inflation et famine (en Russie/URSS seulement)
I. Quelles conditions ont permis la mise en place des totalitarismes ?
C. La naissance des régimes totalitaires dans l’entre-deux-guerres
La marche vers le totalitarisme en Russie/URSS
La marche vers le totalitarisme en Italie
La marche vers le totalitarisme en Allemagne
II. Quels sont les points communs entre les régimes totalitaires ?
A. Des régimes anti-démocratiques (groupe n°1)
Consigne : Identifiez les documents puis analysez-les pour montrer que les régimes totalitaires sont anti-démocratiques.
Document 1 : Des textes législatifs nazis
Thème 1 : Des valeurs anti-démocratiques
Article 1. Les articles 114, 115, 117, 118, 123, 124 et 153
de la Constitution du Reich sont suspendus jusqu’à nouvel
ordre. Sont donc autorisés, au-delà même des limites
fixées par la loi : les atteintes à la liberté individuelle, au
droit de libre expression des opinions ainsi qu’à la liberté
de la presse, au droit de réunion et de rassemblement ;
les violations du secret de la correspondance, du
télégraphe, du téléphone ; les ordres de perquisition et de
réquisition, ainsi que les restrictions à la propriété.
- Négation des libertés politiques individuelles, des droits de
l’hommes.
Décret pour la protection du Peuple et de l’Etat,
28 février 1933
Article 1. Le parti ouvrier national-socialiste est le seul
parti politique subsistant en Allemagne.
Loi contre la reconstitution des partis, 14 juillet 1933
Document 2 : Une affiche soviétique (1937)
- Mise entre parenthèse des articles garantissant l’aspect
démocratique de la Constitution : mort de la République de
Weimar (après l’incendie du Reichstag en février 1933)
- Fin du multipartisme; un seul parti autorisé sous chaque
régime totalitaire (parti nazi en Allemagne, parti
communiste en URSS, parti fasciste en Italie).
Thème 2 : Des pratiques anti-démocratiques
- Un seul homme au pouvoir : Staline est Premier secrétaire
du PCUS et à la tête du Politburo dès 1928 ; Hitler et
Chancelier et Président dès 1934 ; seul Mussolini n’est que
Premier Ministre, le roi Victor Emmanuel III est maintenu.
URSS
- Un chef présenté comme un guide (ici Staline est à la
barre du navire) : voir les mots employés pour évoquer le
chef du régime : Führer en Allemagne, Duce en Italie et
Vodj en URSS (3 mots qui signifient « guide »).
« Le capitaine
de notre pays
nous amène de
victoire en
victoire »
- Une propagande intense (qui n’a rien d’anti-démocratique
en soi car les régimes démocratiques pratiquent aussi la
propagande : Marianne ou portrait du Président de la
République française dans les mairies) mais quasiexclusivement centrée sur le chef : culte de la personnalité
II. Quels sont les points communs entre les régimes totalitaires ?
B. Des régimes recourant à la violence (groupe n°2)
Consigne : Identifiez les documents puis analysez-les pour dégager les moyens de la violence exercée par les régimes tot.
Document 1 : L’assassinat de Matteotti
Document 2 : Le système répressif soviétique
La situation commença pourtant à se retourner peu
après, quand on apprit les noms des hauts dignitaires
impliqués dans le crime. […] A l’assemblée, l’opposition se
divisa en deux courants. Le plus grand nombre croyait que
le Duce lui-même avait donné directement l’ordre de
meurtre ; les autres soutenaient qu’il pouvait s’agir d’une
malheureuse initiative privée. Rome vécut des jours
d’agitation intense.
Le 3 janvier 1925, Mussolini parle à la Chambre : « je
déclare que j’assume, moi seul, la responsabilité morale,
politique, historique de tout ce qui est arrivé. » Tous les
fascistes qui avaient enlevé leur insigne quand ils n’étaient
pas sûrs que Mussolini fût responsable de l’assassinat de
Matteotti, maintenant qu’ils en sont sûrs, se dépêchent de
le remettre.
Emilio Lusso, La marche sur Rome et autres lieux, 1983
Thème 1 : Les moyens « classiques » de la violence
Thème 2 : Les moyens plus « originaux » de la violence
- Assassinat d’opposants politiques (ici Matteotti, chef du
parti socialiste italien, principal opposant à Mussolini). Une
terreur typique de celle qu’on trouve déjà dans les dictatures
(ou régimes autoritaires)
- Déportation de peuples (minorités ethniques en URSS, juifs
en Allemagne) vers des camps de travaux forcés (camps du
Goulag en URSS et camps de concentration en Allemagne)
- Mais aussi arrestations, torture, procès et exécutions
sommaires dont les polices politiques sont les instruments :
OVRA en Italie, NKVD en URSS, Gestapo en Allemagne
- Autres moyens : pogroms envers la communauté juive en
Allemagne (ex : la « nuit de cristal » dans la nuit du 9 au 10
novembre 1938) ; l’arme alimentaire en URSS (famine en
Ukraine en 1932-1933).
II. Quels sont les points communs entre les régimes totalitaires ?
C. Des régimes encadrant leur société (groupe n°3)
Consigne : Identifiez les documents puis analysez-les pour identifier les moyens utilisés par les tot. pour encadrer la population
Document 1 : L’encadrement de la jeunesse
Document 2 : Discours de Mussolini à Turin (1939)
Si ce garçon ou cette fille entre dans nos organisation à
10 ans et y respire pour la première fois de sa vie un air
frais, pour entrer quatre ans plus tard dans la Jeunesse
hitlérienne où nous les gardons à nouveau quatre ans, ce
n’est pas pour les rendre à leurs parents : au contraire,
nous les prenons aussitôt dans le Parti ou dans le Front du
travail ou les SA ou les SS.
Et si en deux ans dans ces formations, ils ne sont pas
devenus entièrement nationaux-socialistes, alors ils
accomplissent le service du travail pendant six mois. Et s’il
leur restait encore à ce moment quelque chose de leur
conscience de classe, l’armée s’en occupera pour
poursuivre le traitement pendant deux ans. Ainsi, quand
après deux, trois ou quatre ans ils en sortiront, ils
rentreront immédiatement dans la SA ou la SS, car nous
n’avons en aucun cas de récidive, ainsi ils ne seront plus
libres pour toute la vie.
Adolf Hitler, discours de Reichenberg, 2 décembre 1938
Au dessus de la tribune : « Turin, place forte de la
révolution fasciste, te salue Benito Mussolini, guide de
notre peuple, fondateur de l’Empire ».
Thème 1 : L’embrigadement de la jeunesse
Thème 2 : Le recours à la propagande et à la censure
- Des organisations d’embrigadement de la jeunesse : les
Jeunesses hitlériennes en Allemagne, les Balilas en Italie, les
Komsomols en URSS.
- Propagande omniprésente : discours, photos, cinéma,
radio, journaux (qui sont aussi victimes de censure) pour
diffuser les idées du régime, glorifier son action et son chef.
- Buts : formation idéologique et militaire afin que les jeunes
adhèrent au régime et le servent quoi qu’il arrive.
- Cérémonies grandioses (ici avec le décor ou autre exemple,
les jeux olympiques de Berlin en 1936)
III. Quelles sont les différences entre les régimes totalitaires ?
Italie
Allemagne
URSS
A. Trois idéologies
incomparables
B. Des « ennemis
intérieurs » distincts
C. Un degré de
violence différent
Extrait de l’article Fascisme dans
l’encyclopédie italienne (1934)
- Négation de l’individu et des
classes sociales qui doivent se
diluer dans l’Etat
- Une idéologie nationaliste qui
espère retrouver la grandeur
passée de l’Italie en reconstituant
la « mare nostrum » romaine
Récit de l’assassinat de Matteotti
(voir II.B.)
- Presque exclusivement des
opposants
politiques
(comme
Matteotti) : 50 000 victimes environ
- Uniquement 7000 juifs Italiens
déportés pendant la Seconde
Guerre mondiale, mais à partir de
1944 (sur pression de Hitler).
- Méthodes de violence somme
toute classique : arrestations,
procès, exécutions : une violence
typique d’une dictature.
- Un camp de travaux forcés pour
les opposants à Lipari
- Bilan qui se « limite » à quelque
50 000 victimes pour un régime qui
dure tout de même 23 ans
Extrait de Mein Kampf (Adolf
Hitler, 1925)
- Une idéologie raciste (elle prône
l’inégalité des races en reprenant
des postulats darwiniens) :
classification des « races »
- Une idéologique antisémite : les
juifs sont considérés comme des
« non-humains » (rats, parasites)
Extrait des Lois de Nuremberg (15
septembre 1935)
- Une cible privilégiée : « le juif »
Des
opposants
politiques
(communistes et socialistes)
- Des éléments gênants du parti
nazi (les SA et Röhm, éliminés
pendant la « nuit des longs
couteaux » le 30 juin 1934)
- Méthodes de violence brutales :
des déportations massives, des
expériences
médica-les,
des
exterminations par balle (Babi-Yar)
ou par gaz (dans les camps
d’extermination)
- Bilan plus lourd : environ 10
millions de victimes civiles (dont 6
millions de juifs) en 12 ans
Extrait de L’Etat et la révolution
(Lénine, 1917)
- Le schéma marxiste de la lutte
des classes (Manifeste du parti
communiste, Marx et Engels)
- Le schéma de la « révolution
prolétarienne » et de la dictature
prolétariat : une idéologie de
classe (dit marxiste-léniniste)
Extrait de Tout passe (Vassili
Grossman, 1963)
- Une cible privilégiée : l’ennemi de
classe : le « koulak » (paysan
propriétaire de sa terre) qui
incarne la bourgeoisie paysanne
Des concurrents politiques à
Staline qui sont éliminées politiquement et physiquement (Trotski)
- Méthode de violence brutales :
arme
alimentaire,
exécutions
massives et sommaires après des
simulâcres de procès (« grandes
purges » de 1937-1938), déportation dans les camps du Goulag…
- Régime de loin le plus meurtrier :
plus de 20 millions de victimes
entre 1928 et 1953.
Proposition de sujets
Etude critique de deux documents
Consigne : Après avoir replacé les documents dans
leur contexte, vous les comparez pour mettre en
évidence les points communs et les différences
entre l’idéologie nazie et l’idéologie fasciste. Vous
veillerez à être particulière critique vis-à-vis du
document 1.
Compositions
Sujet 1 : Fascisme, nazisme, stalinisme : un ou des
totalitarismes ? (Belin 1ère)
Sujet 2 : Les Etats totalitaires dans les années 1930:
des régimes d’un type nouveau ? (Hatier 1ère)
Sujet 3 : Quels sont les points communs et les
différences entre les régimes totalitaires en Italie,
en Allemagne et en URSS dans les années 1930 ?
(Hatier 1ère)