La télémédecine pour le suivi du diabète gestationnel : est
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La télémédecine pour le suivi du diabète gestationnel : est-ce efficace ? Par Michael Joubert, janvier 2016 ___________________________________________ Source : http://www.diabetesresearchclinicalpractice.com Lire : Rasekaba et al. Telemedicine interventions for gestational diabetes mellitus: A systematic review and meta-analysis. Diabetes Res Clin Pract 2015;110:1-9. doi: 10.1016/j.diabres.2015.07.007 Depuis la publication des résultats de l’étude HAPO (Hyperglycemia and Adverse Pregnancy Outcome) et des consensus qui en ont découlé, il n’a échappé à personne que l’incidence du diabète gestationnel a nettement augmenté du fait de l’abaissement des valeurs glycémiques diagnostiques après HGPO (HyperGlycémie Provoquée par voie Orale) [1,2]. Une récente étude comparant les anciens critères diagnostiques (reposant sur une stratégie en deux temps : O’Sullivan puis HGPO 75g) aux nouveaux critères issus de HAPO a montré une augmentation de plus de 200% de l’incidence du diabète gestationnel, passant de 3,2 à 10,3% des femmes enceintes [3]. La prise en charge initiale du diabète gestationnel comporte des mesures hygiéno-diététiques et une étroite surveillance des glycémies capillaires qui déclenchent la mise en route d’une insulinothérapie si elles dépassent les objectifs définis. Cette insulinothérapie, qui concerne jusqu’à 50% des diabètes gestationnels selon les études, nécessite alors une titration régulière tout au long de la grossesse en fonction de l’évolution des besoins en insuline [4]. Le suivi des femmes atteintes de diabète gestationnel représente donc une charge importante pour les équipes diabétologiques et obstétricales, et le recours à la télémédecine semble séduisant dans cette situation. La télémédecine pour le suivi du diabète gestationnel : est-ce efficace ? C’est pour tenter de répondre à cette question qu’une équipe australienne a réalisé une méta-analyse des études randomisées contrôlées comparant télémédecine et prise en charge classique dans le cadre du diabète gestationnel. La méthodologie rigoureuse de cette méta-analyse n’a permis de retenir finalement que trois études randomisées au design robuste mais ne totalisant malheureusement qu’un peu plus de 200 patientes [5-7]. C’est le premier constat de cette publication : les études disponibles sont rares et de faible effectif. Les interventions de télémédecine s’appuyaient sur un portail internet dédié ou une application smartphone et proposaient une transmission des données de glycémie capillaire, des doses d’insuline et des évènements dysglycémiques à l’équipe diabéto-obstétricale jusqu’à 3 fois par semaine. Une plateforme web proposait également du contenu éducatif mis à la disposition des patientes du groupe « télémédecine » [6]. Dans le groupe contrôle, le suivi du diabète était assuré grâce à un carnet « papier » regardé et évalué par les professionnels de santé, à un rythme variable selon la fréquence des consultations face à face. Société Francophone du Diabète ⎯ Janvier 2016 Les principaux résultats de cette méta-analyse sont en faveur d’une efficacité métabolique similaire de la télémédecine comparativement à la prise en charge classique avec une différence non significative entre les deux groupes tant pour l’HbA1c (-0,18 [-0,50, 0,14]) que pour la glycémie post-prandiale (-0,02 [-0,36, 0,32]). De même, les critères obstétricaux et néonataux n’étaient pas différents entre les deux groupes, pour le poids de naissance, la survenue d’une macrosomie, les césariennes ou encore l’admission des nouveaux nés en soins intensifs. En revanche, le sentiment d’auto-efficacité était significativement augmenté pour les patientes bénéficiant de la télémédecine, comparativement au groupe contrôle. A noter que les visites face à face, programmées ou non, étaient, comme on pouvait s’y attendre, plus rares dans le groupe télémédecine. Cette méta-analyse montre donc que la prise en charge télémédicale du diabète gestationnel, comparativement à une prise en charge classique, permet de réduire la fréquence des consultations face à face sans altérer le pronostic materno-fœtal. On aurait pu s’attendre à observer un bénéfice métabolique grâce à la télémédecine, comme cela a déjà été montré pour le diabète en dehors de la grossesse [8,9]. Les petits effectifs de cette méta-analyse, ainsi que l’hétérogénéité de la population étudiée peuvent expliquer ce résultat. En effet, ont bénéficié de la télémédecine des femmes sous régime seul mais également des patientes traitées par insulinothérapie multi-injections. Il semble d’ailleurs que ce soit pour cette population de patientes insulino-traitées que la télémédecine puisse entraîner le plus grand bénéfice, au vu des résultats d’une des études de cette méta-analyse [7]. Une autre limite importante de cette publication est l’absence de données concernant le temps médical et paramédical nécessaire à la prise en charge par télémédecine. En effet, même si la fréquence des consultations face à face est réduite, les contacts télémédicaux par téléphone ou courrier électronique peuvent s’avérer très chronophages et nécessiteraient d’être évalués finement dans le contexte d’une pathologie aussi fréquente que le diabète gestationnel. Enfin, une évaluation médico-économique aurait été également nécessaire puisque la télémédecine est responsable d’un surcoût initial lors de sa mise en route (dispositifs, formation des équipes et des patients) mais peut en théorie entraîner ensuite une réduction des dépenses (moins de consultations face à face, moins de frais de déplacement, moins d’arrêt de travail, voire moins de temps médical et paramédical…). La télémédecine pour la gestion du diabète gestationnel, bien qu’à ce jour peu étayée scientifiquement comme on peut le voir dans cette méta-analyse, est déjà utilisée en routine dans de nombreux centres en France. Plusieurs hôpitaux disposent de systèmes dédiés à cette activité et on peut également citer la plateforme internet myDiabby qui propose l’accueil sécurisé des données glycémiques des femmes atteintes de diabète gestationnel ainsi qu’une offre éducative en ligne (https://platform.mydiabby.fr/register/). Ces différents systèmes n’ont pas fait l’objet d’une évaluation spécifique et sont pourtant en passe de remplacer progressivement le suivi conventionnel. Une évaluation plus complète de la télémédecine serait donc indispensable dans le cadre du diabète gestationnel, avec de larges effectifs et une méthodologie solide. Aucun protocole de ce type ne semble cependant référencé à ce jour dans le registre d’études cliniques clinicaltrial.gov Société Francophone du Diabète ⎯ Janvier 2016 ___________________________________________ Références [1] Metzger BE et al. Hyperglycemia and adverse pregnancy outcomes. N Engl J Med 2008; 358:1991-2002. doi: 10.1056/ NEJMoa0707943 [2] Metzger BE et al. International association of diabetes and pregnancy study groups recommendations on the diagnosis and classification of hyperglycemia in pregnancy. Diabetes Care 2010;33:676-682. doi: 10.2337/dc09-1848 [3] Mayo K et al. The impact of adoption of the international association of diabetes in pregnancy study group criteria for the screening and diagnosis of gestational diabetes. Am J Obstet Gynecol 2015;212:224.e1-9. doi: 10.1016/j.ajog. 2014.08.027 [4] Wong VW et al. Gestational diabetes mellitus: who requires insulin therapy? Aust N Z J Obstet Gynaecol 2011;51:432-6. doi: 10.1111/j.1479-828X.2011.01329.x [5] Homko CJ et al. Impact of a telemedicine system with automated reminders on outcomes in women with gestational diabetes mellitus. Diabetes Technol Ther 2012;14:624-629. doi: 10.1089/dia.2012.0010 [6] Homko CJ et al. Use of an internet-based telemedicine system to manage underserved women with gestational diabetes mellitus. Diabetes Technol Ther 2007;9:297-306. doi: 10.1089/dia.2006.0034 [7] Perez-Ferre N, et al. A Telemedicine system based on internet and short message service as a new approach in the follow-up of patients with gestational diabetes. Diabetes Res Clin Pract 2010;87:pe15-7. doi: 10.1016/j.diabres. 2009.12.002 [8] Zhai YK et al. Clinical- and cost-effectiveness of telemedicine in type 2 diabetes mellitus: a systematic review and meta-analysis. Medicine (Baltimore) 2014;93:e312. doi: 10.1097/MD.0000000000000312 [9] Suksomboon N et al. Impact of phone call intervention on glycemic control in diabetes patients: a systematic review and meta-analysis of randomized, controlled trials. PLoS One 2014;9:e89207. doi: 10.1371/journal.pone.0089207 Société Francophone du Diabète ⎯ Janvier 2016
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