colloque du 13 décembre 1995 - Plans de redressement

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colloque du 13 décembre 1995 - Plans de redressement
Plans de redressement
Réalités et perspectives
PREMIERS ENSEIGNEMENTS D’UNE ENQUÊTE DU CREDA
M. Jean-Jacques DAIGRE,
Professeur à la Faculté de droit de Poitiers
Président de la Fédération nationale pour le droit de l’entreprise
Le CREDA, comme il en a l'habitude, a mené une nouvelle enquête, qui a été conduite par
Mme Alexandre et son équipe au cours des années 1992, 1993 et 1994, relative à la mise en
oeuvre des plans de redressement, quels qu'ils soient, plans de continuation, plans de cession.
Cette enquête, nous allons essayer d'en dresser les premiers enseignements, du moins
ceux qui sont, me semble-t-il, les plus apparents.
• Quelques mots, pour commencer, sur l’enquête elle-même, à propos de son objet d'une
part et de ses objectifs d'autre part.
Son objet était d'étudier la mise en œuvre de la partie de la loi relative aux plans de
redressement proprement dits, donc à l'exclusion de tout ce qui concerne la liquidation
judiciaire. Pour cela, il a fallu constituer des échantillons, échantillons de juridictions,
échantillons d'entreprises.
Trois régions judiciaires ont été retenues pour servir d’échantillons représentatifs du reste
de la France : l’Île-de-France d'une part, le Nord Pas-de-Calais d'autre part, le PoitouCharentes enfin. À l'intérieur, ont été isolées dix juridictions commerciales types, dont l’une était
un tribunal de grande instance statuant en matière commerciale. Pour l’Île-de-France, il
s'agissait bien sûr de Paris et de Nanterre, pour le Nord Pas-de-Calais il s’agissait de Lille,
Avesnes – voilà le tribunal de grande instance statuant commercialement –, Douai et Cambrai,
et pour le Poitou-Charentes, La Rochelle, Angoulême, Marennes et Poitiers.
Il a fallu également déterminer la période étudiée, l'investigation elle-même s'étant déroulée
entre 1992 et 1994. La période qui a fait l'objet de l’enquête est celle qui va de 1986 à 1992.
1986, pour une raison simple, c'est le démarrage de la nouvelle loi du 25 janvier 1985 ; 1992,
parce qu'il fallait bien trouver une date de césure et que pour des raisons techniques, il aurait
été difficile, voire impossible, de continuer d'explorer les plans adoptés postérieurement à 1992.
Au total, ce sont 477 procédures qui ont été analysées, fouillées par Mme Alexandre,
209 pour les juridictions d’Île-de-France, 138 pour les juridictions du Nord Pas-de-Calais et 130
pour les juridictions du Poitou-Charentes.
En face de ces presque cinq cents procédures, je vous donne un élément de comparaison :
pour l'ensemble de la France, pendant la même période 1986-1992, le nombre de plans de
redressement qui ont été adoptés est de 15 000 à 20 000. Pardonnez l'imprécision, nous
n'avons pu obtenir de chiffres plus précis.
• Voilà pour l'objet de l’enquête. Quels étaient ses objectifs ?
Ils avaient été dégagés d'entrée, il y a maintenant plusieurs années, par le regretté
Professeur Alain Sayag, alors directeur scientifique du CREDA. Ils s'inséraient dans un projet
qu’il avait conçu et qui était relatif au phénomène global de l'endettement. Il avait envisagé de
l'aborder sous deux angles.
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Plans de redressement
Réalités et perspectives
Le premier, qui a fait l'objet d'un travail qui sera bientôt publié par le CREDA, consistait à
vérifier, mesurer, combien nous sommes entrés dans une société de l'endettement et donc,
inévitablement, du surendettement. Ce premier volet a démontré l'intuition que l'on peut avoir,
qu'au fond, nombre de mécanismes juridiques, fiscaux, économiques, conduisent naturellement
à l'endettement, donc au surendettement.
Le second volet, celui qui nous intéresse aujourd’hui, était dans le prolongement du
précédent, car il s'agissait de mesurer comment on traite les phénomènes de l'endettement et
du surendettement. Pour ce deuxième volet, Alain Sayag avait émis une hypothèse, qu’il
soumettait à vérification, que le traitement du surendettement, particulièrement celui des
entreprises, ne pouvait se faire par les mécanismes habituels de traitement de l’endettement,
qui consistent à assurer le paiement par des procédés de report, de rééchelonnement, par des
moratoires, quels qu'ils soient, et que nécessairement on avait été conduit à accepter que
d'autres mécanismes viennent s’appliquer, beaucoup plus radicaux, destinés d’une manière ou
une autre à effacer tout ou partie de l’excès d’endettement. Son intuition, qu’il entendait
soumettre au contrôle scientifique de l’enquête, était qu’un processus nouveau d’effacement
des dettes était inévitable en cas d’endettement excessif – surendettement – des entreprises
(et sans doute aussi des particuliers).
En simplifiant, mais en restant, je l’espère, fidèle à la pensée d’Alain Sayag, la première
étude était destinée à faire émerger la notion de surendettement par rapport à celle
d’endettement, la seconde à montrer la nécessité d’un traitement différencié de l’un et de
l’autre, et nécessairement plus radical du premier.
• Mais alors, pourquoi s'arrêter aux plans de redressement et écarter totalement les
procédures de liquidation judiciaire, qui représentent plus de 90 % des procédures ?
Le Président Doucet a répondu par avance. Je ne ferai que résumer ce qu'il a très bien dit.
Cela tient à deux raisons. L'une est relative aux liquidations judiciaires : s'il est vrai que le
phénomène de liquidation est massif – 94 % des entreprises en procédure collective finissent
en liquidation judiciaire –, il n'en reste pas moins que ces procédures recèlent peu de mystères,
non seulement sur le terrain procédural et juridique, mais surtout sur celui qui nous préoccupe,
du traitement du surendettement. En effet, dans tous les cas, l’objectif est relativement simple,
même s’il peut être parfois perturbé par quelques préoccupations secondaires. Il s'agit
d'essayer de payer ce que l'on peut et pour le reste d'effacer ce que l'on n'a pas pu payer. La
nouveauté est déjà réelle. Signe de la prise en compte du phénomène du surendettement, la loi
de 1985 rompt avec la tradition et annule, de fait, la partie impayée du passif, sauf exception
(art. 169).
En revanche, les plans de redressement, et c'est la seconde raison, cette fois positive,
offrent une problématique plus intéressante par rapport à l'objet de l'enquête. L'objectif des
plans de redressement est en effet beaucoup plus ambitieux et, par conséquent, beaucoup plus
complexe. Il est exprimé par l'article 1er de la loi de 1985, qui précise que les procédures de
redressement judiciaire, donc les plans de redressement, sont destinées à tenter de sauver les
entreprises, c’est l’objectif économique, à maintenir l'activité et l'emploi, c’est l’objectif social, à
apurer le passif, c’est la finalité classique, dernière du classement.
• On voit bien, cela a été dit depuis si longtemps que j'ai mauvaise grâce à le redire ici, que
les plans de redressement sont au coeur d'un conflit qui est révélateur du phénomène du
surendettement et des difficultés de son traitement, le conflit entre le redressement de
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Plans de redressement
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l'entreprise et le paiement des créanciers. Peut-être ce conflit est-il l’indice d'un conflit plus
large, que je crois très présent dans les différents textes qui se sont succédé depuis 1967,
entre l'intérêt général – le sauvetage de l'entreprise – et les intérêts particuliers des divers
créanciers. Le sauvetage de l'entreprise suppose des sacrifices, au premier rang de ceux-ci,
celui des créanciers.
• Mais les choses ne sont jamais aussi simples dans la réalité. L'enquête, de ce point de
vue, apporte un certain nombre d’enseignements particulièrement intéressants.
Quels sont-ils ?
Comme toujours, il y a peu de révélations spectaculaires. S'agissant d'un travail scientifique
et non journalistique, encore moins pamphlétaire, on ne pouvait rien attendre de cet ordre.
Cette enquête confirme, en premier lieu, des intuitions qui étaient communément admises et
que nombre d'interprètes avaient eues au lendemain de la loi de 1985, et c'est déjà un apport. Il
y a aussi, en second lieu, de véritables révélations. On trouve donc, dans l’enquête du CREDA,
des confirmations (I) et des découvertes (II).
I - Les confirmations pour commencer. Essayons de les classer. Je le ferai en
distinguant celles qui ont plutôt trait aux tribunaux, celles qui concernent plutôt les entreprises
et celles enfin qui s'adressent plus directement aux plans.
A) À propos des confirmations relatives aux tribunaux chargés de mettre en oeuvre les
procédures collectives, on découvre de fortes disparités géographiques, naturelles me semblet-il. Cela tient à l'immersion économique dans laquelle s’insère la juridiction considérée, donc à
la population des entreprises du ressort économique de ces juridictions.
Apparaît ici la confirmation de ce que l'on sait du tissu économique français : s'agissant par
exemple du critère de taille, que les entreprises sont en moyenne beaucoup plus grandes en
l’Île-de-France que partout ailleurs, et qu'il y a une différence sensible entre Paris et Nanterre
en faveur de Nanterre ; que, du point de vue de la forme, critère qui rejoint le précédent, il y a
infiniment plus d'entreprises individuelles parmi celles qui sont soumises aux procédures
collectives en province, puisque, en gros, les entreprises soumises aux plans de redressement
en province sont pour une sur deux des entreprises individuelles, alors qu'à Paris une sur deux
sont des SARL, et à Nanterre une sur deux sont des sociétés anonymes.
Il y a d'autres variantes, qui ne sont pas plus étonnantes, en fonction des secteurs
d’activité, industriel, commercial, de services, dont je vous fais grâce.
Du point de vue des juridictions, il est évident que les paramètres précédents conduisent à
des différences quant aux procédures et aux plans qui s’ensuivent. Il y a beaucoup moins de
plans de cession en province, donc beaucoup plus de plans de continuation. La statistique
nationale donne à peu près deux plans de cession sur cinq plans de redressement. Or, en
province, la moyenne est de moins d’un plan de cession sur cinq plans de redressement au
total. Il y a bien d'autres disparités régionales mises en évidence par l’enquête, mais je ne peux
pas aller plus loin ce soir.
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Plans de redressement
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B) S’agissant des confirmations relatives aux entreprises, je ne vous dirai qu'une
chose, que l'on voit ici vérifiée avec précision.
Si l'on s’intéresse à l’âge moyen des entreprises soumises à une procédure collective,
toutes procédures comprises, chacun sait que la moyenne est très faible, les entreprises les
plus fragiles étant les plus jeunes. En moyenne générale, les entreprises soumises à une
procédure collective ont moins de cinq ans.
En comparaison, les entreprises bénéficiant d'un plan ont en moyenne plus de sept ans, et
celles de Nanterre, par exemple, ont en moyenne plus de seize ans pour les plans de
continuation, plus de dix ans pour les plans de cession.
C) Quant aux plans eux-mêmes, la différence de profil des entreprises soumises à l’un ou
à l’autre, continuation ou cession, apparaît assez clairement, comme l’a déjà indiqué le
Président Doucet.
Chacun sait très bien à quelle situation correspond chaque type de plan. Le plan de
continuation, pour simplifier, est un moratoire accordé au dirigeant, qui va pouvoir essayer de
durer, lui-même et son entreprise, alors que le plan de cession impose nécessairement le
rachat de l’entreprise par un repreneur.
Plusieurs paramètres permettent de dresser le profil des entreprises qui vont plutôt vers un
plan de continuation et le profil des entreprises qui vont plutôt vers un plan de cession. Ce ne
sont pas les mêmes.
1° Si l'on s’intéresse d'abord à la taille des entreprises, on s’aperçoit que, très nettement,
celles qui sont soumises à un plan de continuation sont plutôt des petites et moyennes
entreprises, alors qu'en revanche celles qui bénéficient d'un plan de cession sont plutôt des
moyennes, moyennes grandes, voire grandes entreprises. Au regard de tous les critères de
taille, cette constatation est nette. Si l’on prend, par exemple, les salariés dans les plans de
continuation, sept entreprises sur dix ont moins de dix salariés, alors que si l’on prend les plans
de cession, une entreprise sur deux a plus de dix salariés.
Si l’on retient le critère du montant de l'actif, les entreprises bénéficiant d'un plan de
continuation ont un actif moyen faible, voire très faible, en moyenne de 1 à 2 millions de francs,
avec de fortes disparités ; il y en a au-dessous de 1 million en province et il y en a au-dessus
de 2 millions ailleurs, spécialement à Nanterre. En revanche, pour les entreprises qui
bénéficient d'un plan de cession, la moyenne de leurs actifs est nettement plus forte : un peu
au-dessous de 5 millions.
Les mêmes constatations reviennent pour le chiffre d’affaires.
2° Intéressons-nous maintenant, pour continuer de dresser le profil comparé de ces
entreprises, à un autre aspect, les causes de difficulté. L’enquête a distingué les causes
externes et les causes internes. Leur répartition apparaît nettement sur les deux schémas
suivants, établis par le CREDA.
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Plans de redressement
Réalités et perspectives
1 - Les causes externes
Plan de continuation
30%
20%
10%
0%
Difficultés avec
organismes
Ile-de-France
Difficultés avec
clientèle
Evénements
imprévisibles
Province
Plan de cession
30%
20%
10%
0%
Difficultés avec
organismes
Difficultés avec
clientèle
Evénements
imprévisibles
Source : CREDA, enquête sur les plans de redressement
2 - Les causes internes
Plan de continuation
60%
40%
20%
0%
Cause liée au
dirigeant
Ile-de-France
Mauvaise
organisation
Mauvaise
politique
commerciale
Difficultés
financières
Province
Plan de cession
60%
40%
20%
0%
Cause liée au
dirigeant
Mauvaise
organisation
Mauvaise
politique
commerciale
Difficultés
financières
Source : CREDA, enquête sur les plans de redressement
Il est très difficile de faire une liste des causes qui ont conduit une entreprise a être
défaillante et encore plus difficile de détecter dans les décisions et dans les dossiers des
juridictions quelles sont les causes qui, espèce par espèce, ont conduit telle et telle entreprise à
la cessation des paiements.
Sous le bénéfice de ces réserves, que constate-t-on ?
• Pour les causes dites externes, si l’on compare plan de continuation et plan de cession,
les disparités ne sont pas grandes. Néanmoins, on peut noter quelques petites touches : les
difficultés avec les organismes, c’est-à-dire banques, administrations, URSSAF, sont un peu
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Plans de redressement
Réalités et perspectives
plus importantes pour les plans de continuation, du moins pour les juridictions de province. Par
contre, les difficultés avec la clientèle, donc le risque de faillites en chaîne par la défaillance
d'un client, sont un peu plus nombreuses pour les plans de cession, toujours pour les
juridictions de province.
• Si l'on passe aux causes internes, il n'y a pas non plus de grandes disparités. Peut-être
l’une d’elles mérite-t-elle cependant une remarque. À propos des plans de cession, en province
on voit beaucoup plus souvent apparaître, au titre des causes de défaillance de l’entreprise
considérée, la mauvaise organisation de celle-ci et aussi une mauvaise politique commerciale.
En revanche, les difficultés financières sont très souvent citées, quel que soit le plan,
continuation ou cession, quel que soit le lieu, Île-de-France ou Province.
3° S’agissant des discriminations liées au passif, plusieurs angles ont été abordés par
l’enquête.
• Le passif moyen en fonction du chiffre d’affaires est illustré par le schéma suivant.
3 - Passif moyen selon le chiffre d’affaires
Passif moyen
(en milliers de francs)
Plan de continuation
Plan de cession
160000
160000
120000
120000
80000
80000
40000
40000
0
Moins
de 5000
5000 à
50 000
Plus de
50 000
0
Moins
de 5000
5000 à
50 000
Plus de
50 000
Chiffre d'affaires (en milliers de francs)
Ile-de-France
Province
Source : CREDA, enquête sur les plans de redressement
Même si ce tableau écrase les différences, elles sont réelles. En simplifiant et en raisonnant
en grandes masses, il apparaît que le passif moyen d'une entreprise bénéficiant d’un plan est
substantiellement plus fort lorsqu'il s’agit d'un plan de cession que lorsqu'il s'agit d'un plan de
continuation.
Une entreprise bénéficiant d'un plan de cession est une entreprise plus surendettée que les
autres ; en moyenne, quatre à cinq fois plus pour les trois régions, avec de grandes disparités
régionales, mais également de grandes disparités en fonction de la taille de l'entreprise, ce qui
se lit nettement sur le tableau.
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Plans de redressement
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• La répartition interne du passif apparaît sur le schéma suivant.
4 - Répartition du montant des créances selon leur catégorie
toutes régions confondues
Plan de continuation
55%
41%
Plan de cession
4%
1% 3%
58%
34%
4%
chirographaire
super-privilège
article 40
privilège spécial et général
Source : CREDA, enquête sur les plans de redressement
À l’évidence, les différences sont faibles. Si l'on va directement au passif chirographaire, il
représente 55 % du total du passif des plans de continuation, 58 % dans l'autre cas. C'est le
poids inéluctable du passif chirographaire, de tout temps, dans toutes les procédures. Pour le
reste, il y a quelques variations malgré tout. S'agissant du passif privilégié, spécial et général, il
est plus faible dans les plans de cession. En revanche, le passif dit de « l’article 40 » est un
petit peu plus fort dans les plans de cession.
À part cela, il n’y a pas de notables différences.
• Si l’on s’intéresse enfin à l’apurement du passif, la préoccupation est simple : quel
pourcentage est effectivement payé ?
S'agissant des plans de continuation, dans 86 % de ces procédures le plan prévoit un
paiement à 100 %. Il y a, c'est un des enseignements majeurs de cette enquête, très peu de
remises.
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Plans de redressement
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5 - Plan de continuation : % moyen du passif remboursé
toutes région confondues
Moins de 100%
100%
Source : CREDA, enquête sur les plans de redressement
S’agissant des plans de cession, le schéma suivant est intéressant.
6 - Part du passif couvert par la cession
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
0 à 25%
26 à 50%
51 à 99%
Ile-de-France
100%
Province
Source : CREDA, enquête sur les plans de redressement
Il confirme avec précision ce que chacun sentait empiriquement. Dans 65 % (Île-de-France)
à 70 % (Province) des cas, le passif global n’est couvert qu’à hauteur maximum – c’est un
maximum – de 25 %. Dans moins de 20 % des plans, il est couvert entre 26 et 50 %. Autrement
dit, dans près de 90 % des plans, le passif global demeure impayé à plus de 50 %.
Le plan de cession apparaît comme le grand spoliateur des créanciers. Peut-être faut-il
nuancer ce constat en se souvenant que la durée moyenne des plans de continuation est
longue (8 ans) et que nombre de difficultés surgissent dans leur exécution (voir infra).
*
* *
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Plans de redressement
Réalités et perspectives
Voilà, me semble-t-il, les premiers enseignements de l’enquête du CREDA, en termes de
confirmations attendues.
En résumé, je crois pouvoir dire que le plan de continuation est plutôt réservé à la PME
moyennement endettée, alors que le plan de cession est plutôt réservé à la moyenne,
moyenne-grande ou grande entreprise plutôt fortement endettée.
D'un autre point de vue, le plan de continuation est apparemment plus favorable aux
créanciers, spécialement aux créanciers chirographaires. En revanche, le plan de cession leur
est très défavorable.
II - Passons aux découvertes. Au lendemain de la loi de 1985, les premiers interprètes
avaient tiré un certain nombre de conclusions, souvent critiques, de ce que pourrait donner sa
mise en oeuvre pratique. Quelques rappels : on avait dit et écrit qu'elle entraînerait un sacrifice
inéluctable et massif des créanciers, qu'il y avait beaucoup d’irréalisme de la part du législateur
à croire qu'on pourrait redresser des entreprises en difficulté par une simple procédure, qu'il y
avait même une forme « d’angélisme social » de sa part de penser qu’il pourrait sauver des
emplois par un processus judiciaire, que cela conduirait au contraire au résultat inverse, la
disparition inexorable des entreprises en cessation des paiements et la perte massive des
emplois attachés à ces entreprises dès la période d’observation.
On avait également dit que le fameux article 40 serait très dangereux, d'abord pour l'effet
induit qu'il aurait à l’égard de la politique de crédit des grands créanciers, mais également en
lui-même, parce que les mêmes causes ayant les mêmes effets, il ne ferait que creuser un peu
plus le passif et rendre quasiment impossible le redressement au terme de la période
d’observation. Cette dernière elle-même concentrait nombre de critiques quant à son principe
même.
On avait aussi dit que les plans de cession seraient finalement très souvent de véritables
liquidations déguisées et ne serviraient qu’à dégonfler la statistique des liquidations.
On avait encore dit que les délais de la période d'observation seraient beaucoup trop
courts, que jamais un tribunal ne pourrait vraiment les respecter, que tout aussi bien, d'ailleurs,
l'absence de délais imposés pour la durée du plan de continuation était inadmissible car alors
on allait assister à tout et peut-être voir des plans de continuation prévus pour des durées
confinant à l’éternité.
Je n’exagère que par l’effet de cumul qui résulte de cette énumération.
Qu’en est-il ? Il est intéressant de voir ce que l’enquête indique de ce point de vue, surtout
en ayant présent à l’esprit ce dont je ne parlerai pas ici, car ce n’est pas l’objet du débat, les
modifications intervenues par la loi du 10 juin 1994, qui a répondu en partie à quelques-unes
des critiques que je viens de rappeler, en particulier celles relatives au renforcement des
contraintes de la période d'observation et celles relatives à la moralisation des plans de
redressement.
À cet égard, les enseignements de l’enquête sont divers et d'importance variable. Pour les
ordonner, le plus clair est de suivre la chronologie de la procédure.
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Plans de redressement
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A) S’agissant de la période d’observation, quatre enseignements originaux me
paraissent mis en évidence par l’enquête, deux de procédure et deux de fond.
1° Le premier est relatif à la durée. L’enquête démontre qu'il y a un très grand légalisme de
tous les tribunaux de commerce, quels qu'ils soient, grands ou petits, de la région parisienne ou
de province ; qu'ils respectent, quelle que soit la taille de l'entreprise, la nature de la procédure,
simplifiée ou générale, quel que soit le plan à l’arrivée, dans la quasi-totalité des cas et sans
difficulté les durées maxima imposées par la loi. Sans difficulté car, en vérité, dans l'immense
majorité des procédures, la durée moyenne est largement en deçà de ce qu’autorise la loi.
Certes, il y a quelques dépassements ici ou là, mais ils sont doublement exceptionnels. D'abord
en quantité, mais également en qualité pourrait-on dire, car chaque fois, en regardant dans les
dossiers, on s’est aperçu qu'il y avait des raisons tout à fait exceptionnelles, qui permettaient de
comprendre qu'on ait pris une marge avec la loi, très faible au demeurant dans la plupart des
cas.
2° Deuxième enseignement de caractère procédural, à propos du choix des deux
procédures, simplifiée ou générale. Vous connaissez les critères de taille, je n'y reviens pas,
mais vous vous souvenez que si la masse des petites et moyennes entreprises sont passibles
d'une procédure simplifiée, le tribunal peut toujours leur appliquer la procédure générale.
Or, contrairement à l’idée répandue qu'il faudrait souvent utiliser la procédure lourde pour
redresser une entreprise, il n’en est rien. Sont peu nombreux les cas dans lesquels les
entreprises qui n’y étaient pas soumises ont été mises sous une procédure générale : un sur
six. À cela, deux exceptions notables : Cambrai et Angoulême, où il s’agit de deux procédures
sur trois.
3° Troisième enseignement, de fond cette fois, à propos du passif de l'article 40. Il ne s'agit
plus de sa répartition, mais de son montant global.
Beaucoup avaient pronostiqué, au lendemain de la loi de 1985, que, les mêmes causes
ayant les mêmes effets, le passif de l’article 40 ne ferait qu’aggraver la situation et rendre tout
redressement illusoire. Or, l’enquête démontre au contraire que la période d'observation
fonctionne plutôt bien et que l’article 40, de ce point de vue, a une réelle utilité et, surtout, est
sans effet pervers, s’agissant du moins des procédures qui se terminent par un plan de
redressement.
La relecture du schéma n° 4 s’impose (voir supra).
Pour les plans de continuation, le passif de l’article 40 représente environ 1 % du passif
total à l’issue de la période d’observation, ce qui démontre qu’il est payé régulièrement, au fur
et à mesure.
Pour les plans de cession, le poids du passif article 40 est plus lourd, 4 %, ce qui reste
faible par rapport à l’ensemble du passif. Les mêmes remarques s’imposent donc.
4° S’agissant du dernier aspect de fond, il n’est plus financier, mais de caractère social. On
s’aperçoit que, en période d'observation, si les licenciements ne sont pas négligeables, ils sont
loin d’être systématiques, ils sont loin d’être massifs, contrairement aux pronostics, tout en
rappelant, là encore, qu’il s’agit toujours des procédures terminées par un plan de
redressement.
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Pour les plans de continuation, sous réserve de très fortes disparités régionales, on
s’aperçoit que, grosso modo, il n'y a de licenciements que dans deux procédures sur cinq. Si
l'on s'arrête aux plans de cession, le chiffre est à peu près identique, deux procédures sur cinq
seulement sont accompagnées de licenciements en cours de période d'observation à Paris et
dans le Poitou-Charentes. En revanche, il y a une disparité dans les ressorts de Nanterre et du
Nord-Pas-de-Calais, où les licenciements en cours de période d'observation sont beaucoup
plus systématiques avant un plan de cession.
B) Après la période d’observation, passons aux plans. Quelques enseignements
originaux méritent d’être notés.
1° D’abord à propos de leur motivation, des raisons du choix entre l’un et l’autre
généralement retenues par les juridictions.
Vous vous souvenez du triptyque de l'article 1er de la loi de 1985 dont, pour ma part, j'ai
toujours considéré qu’il s’agissait d’une hiérarchie dans l’esprit – l’inconscient ? – du
législateur : le redressement de l'entreprise, le maintien de l'emploi, l'apurement du passif,
apurer n’étant pas nécessairement payer.
• Que constate-t-on ? La motivation est en générale tranchée. La raison principalement
avancée pour le choix d'un plan de continuation est la suivante : c'est le meilleur moyen
d'apurer le passif, au sens de payer les créanciers. Ce n'est pas sans raison puisqu'on a vu que
les plans de continuation étaient bâtis dans la plupart des cas sur l’hypothèse d'un paiement à
100 %.
Voilà qui démontre que le plan de continuation est peu différent de l’ancien concordat, qu’il
reste essentiellement un moratoire.
En revanche, la motivation principale des plans de cession, se présente ainsi : c'est la
meilleure solution pour le maintien de l’emploi.
• Ce sont donc l’objectif pécuniaire pour les plans de continuation, l'objectif social
pour les plans de cession, qui sont presque toujours mis en avant. L'objectif économique,
dont on dit habituellement qu'il a été l'objectif principal du législateur de 1985, que celui-ci a mis
au frontispice de sa loi nouvelle, le redressement de l’entreprise, est peu mis en avant, sinon de
manière indirecte ou subsidiaire.
Quelles en sont les raisons ? Est-ce une tactique de la part des juridictions, que de
privilégier officiellement le maintien de l’emploi ? Sacrifient-elles au discours ambiant ? Est-ce
une forme de politique de l’autruche, qui consiste à dire : « essayons au moment où nous
sommes de sauver le maximum d’emplois, parce que la préoccupation sociale est prioritaire, on
verra bien ce qui se passera ensuite ; apportons aujourd’hui notre petite pierre, même si c'est
celle de Sisyphe et si elle risque de redescendre très vite ». Je ne sais, mais je constate que la
motivation économique est très absente des décisions d'homologation des plans, même des
plans de continuation.
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Plans de redressement
Réalités et perspectives
2° Observons maintenant les plans pour eux-mêmes, en les distinguant.
• Les plans de continuation en premier lieu.
– D'abord les bénéficiaires. Le plan de continuation se présente comme la possibilité pour
le dirigeant de l'entreprise de se succéder à lui-même, d’être, comme on disait autrefois à
propos du concordat, « remis en selle ».
Néanmoins, la loi de 1985, au travers d’un ou deux mécanismes, a tenté de donner aux
juridictions des instruments pour leur permettre, du moins s’agissant de sociétés, d’écarter les
dirigeants et de faire qu'un plan de continuation puisse être mené par quelqu'un d’autre que le
dirigeant. Cette possibilité est peu utilisée ; un cas sur quatre à Paris, ce qui est la meilleure
statistique ; un cas sur sept à Nanterre ; presque jamais en province.
Pour quelle raison ? Difficile à savoir. Peut-être tient-elle à un fait tout simple, qu'il y a
probablement peu de candidats à la reprise par le biais d'un plan de continuation car il s'agit de
reprendre le passif. La preuve en est que, dans l'immense majorité des cas, un seul plan est
proposé et très rares sont les hypothèses dans lesquelles il y en a deux en concurrence, parmi
lesquels la juridiction peut choisir.
-S'agissant du contenu du plan de continuation, intéressons-nous d’abord au contenu
financier. La loi de 1985 a essayé de pousser les juridictions à imposer d'une manière ou d’une
autre au continuateur, donc le plus souvent aux dirigeants qui se succèdent à eux-mêmes,
d’améliorer les fonds propres, tant il est patent que les entreprises en difficulté souffrent d’une
insuffisance grave de capitaux.
Cette possibilité n’est presque jamais utilisée en province. Les plans de continuation s’y
accompagnent très rarement d'apports financiers nouveaux de la part des dirigeants. Par
contre, une obligation de reconstitution des fonds propres est très fréquemment imposée aux
dirigeants en Île-de-France. La disparité de politique judiciaire entre les juridictions est
absolument nette, ce sont deux plans de continuation sur trois à Paris et neuf sur dix à Nanterre
qui imposent des apports en fonds propres, que ce soit en capital ou en compte courant bloqué.
Sur d’autres aspects du contenu, je me suis intéressé à quelques enseignements relatifs à
la possibilité pour les juridictions d'imposer des clauses d’inaliénabilité de tout ou partie des
actifs qui sont dans l'entreprise continuée. On s’aperçoit que cette faculté est très rarement
utilisée, en particulier en Île-de-France. En revanche, elle l’est assez fréquemment dans le
Nord-Pas-de-Calais. À Lille et Cambrai, elle l’est dans à peu près un plan sur deux.
S'agissant toujours du contenu des plans de continuation, le pourcentage d'emplois
maintenus est très difficile à établir. Le volet social est systématique, mais il concerne
finalement peu de salariés, beaucoup moins qu'on n'aurait pu le penser.
Toujours pour le contenu, le volet pécuniaire. Vous avez déjà remarqué, je n’y reviens pas,
que dans 84 % des plans, le paiement se fait à 100 %.
– La durée des plans de continuation. On a souvent cité des décisions étonnantes,
prévoyant des durées très longues. Je me souviens d'un jugement qui a retenu une durée de
trente-sept ans... En réalité, la durée moyenne est seulement de six à huit ans, six ans en Îlede-France, huit ans ailleurs. La loi de 1994 n'a pas eu tort de la limiter à dix ans, mais peut-être
n'était-ce pas utile.
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Plans de redressement
Réalités et perspectives
– Enfin, s’agissant des résultats des plans de continuation, qui permettraient de
mesurer leur efficacité, il a été impossible à Mme Alexandre et son équipe de les dégager, parce
qu’il n’appartient pas aux juridictions de s’en préoccuper, sauf incident grave pouvant entraîner
la résolution du plan. Aussi, est-ce le seul indice que l’enquête du CREDA a pu retenir. Encore
faut-il être prudent dans son interprétation, l’enquête n’ayant pu établir une statistique fiable
compte tenu du trop petit nombre de résolutions recensées.
Le taux de résolution serait d’environ un pour cinq plans de continuation en province et un
pour trois à Paris. Mais ce ne sont que des approximations, à prendre avec la plus grande
réserve.
• Terminons par les plans de cession.
– Première question : Y a-t-il généralement plusieurs candidats, entre lesquels les
juridictions peuvent choisir ? En province, presque jamais. En Île-de-France, c'est beaucoup
plus fréquent. Il y a au moins deux candidats dans trois procédures sur cinq.
– Autre aspect du plan de cession : il peut être total et porter sur l'ensemble formant
l'entreprise, ou partiel et porter sur une unité de production. Dans l'immense majorité des cas,
le plan de cession est total, dans plus de sept cas sur dix.
– Autre question, les locations gérances préalables qui sont possibles pour une durée
limitée. Contrairement à la pratique antérieure, elles ont en grande partie disparu. Elles sont
rares en Île-de-France et dans le Nord-Pas-de-Calais, elles sont plus pratiquées en PoitouCharentes, mais dans un cas sur quatre seulement. Lorsqu'elles sont autorisées, la redevance
est extrêmement variable ; la fourchette va de 1 F à 100 000 F par mois.
Ces redevances sont-elles systématiquement imputées sur le prix de cession ? Les
jugements sont le plus souvent muets sur ce point. Pourtant, telle semble bien être la pratique
selon les professionnels.
– Quant au prix de cession, il faut s’entendre. S'agissant de leur montant en valeur absolue,
les prix sont à l’évidence faibles, très faibles. Si vous voulez une moyenne générale, elle est de
moins de 1 million de francs dans plus de trois cas sur cinq. On ne voit des prix supérieurs à
5 millions qu'à Paris, dans un cas sur six.
Ce qui me paraît surtout intéressant, ce n'est pas le prix en valeur absolue, mais son mode
de détermination. Est-il arbitraire ? Est-il, ainsi qu’on le prétend souvent, lié au nombre
d'emplois repris ? Rien de tel, au résultat de l’enquête. La surprise est que le prix de cession
d’une entreprise en redressement judiciaire se détermine en fonction des paramètres
habituels : le chiffre d’affaires et le montant des actifs. Il y a une corrélation certaine.
Mais, évidemment, il s’agit de ce qui est écrit, dans les dossiers, dans les jugements, des
motivations officielles des décisions relatives aux plans. Une analyse plus fouillée, à base
d’entretiens systématiques avec les personnes et les professionnels concernés – ce que le
CREDA n’a pu faire – aurait peut-être permis de dégager des motivations réelles parfois
différentes.
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Plans de redressement
Réalités et perspectives
Voilà le tableau rapide des premiers enseignements de l’enquête du CREDA.
À l’évidence, cette enquête est riche, même si elle a dû se limiter à la période 1986-92.
Lors de la publication qui en sera faite dans la collection du CREDA, une actualisation sera
opérée sur les points les plus importants.
Pour conclure, je voudrais exprimer un regret et évoquer les deux enseignements généraux
que je retiens de cette enquête.
• Le regret, c'est une trop fréquente insuffisance de la motivation des jugements
homologuant des plans. Elle est souvent elliptique, spécialement en matière économique.
Comme s'il y avait le débat en lui-même, qui avait lieu en chambre du conseil, et ce qu'on croit
devoir en exprimer, qui est souvent très édulcoré.
Le regret est d’autant plus fort, que ce n’est pas seulement celui de l’analyste mais
également celui du juriste. Dans un domaine où les faits ont plus d’importance que dans bien
d’autres branches, où les juges ont un pouvoir d’appréciation plus large qu’en droit commun, la
motivation et sa qualité sont des exigences majeures. Ce regret est d’autant plus fondé, qu’à
l’insuffisante motivation correspond, dans nombre de cas, un dispositif incomplet. Combien de
jugements laissent dans le vague les actifs et les contrats transférés, sans aucune référence à
un document quelconque !
• Les deux leçons finales sont, pour la première, que, par certains aspects, la loi de 1994
n'était pas vraiment nécessaire. Ce qui concerne la moralisation des plans, en particulier, n’était
pas en totalité justifié. L’enquête démontre que la durée des plans de continuation est loin
d’être aussi longue qu’on l’avait dénoncé à la veille de la loi de 1994, que le prix des cessions
est loin d’être arbitraire et dérisoire, que les licenciements sont loin d’être systématiques et
massifs.
Dernière leçon, qui n’est pas sans lien avec ce qui précède. La morale n’a pas
complètement disparu de ces procédures, qui se voulaient pourtant économiques, donc
neutres. Il y a même une morale économique fondamentale derrière tout cela : que le dirigeant
qui a créé un passif moyen, peut espérer un plan de continuation, c’est-à-dire rester dirigeant,
et que celui qui a créé un passif exceptionnel, n’a pas l’autorisation de poursuivre l’exploitation
de l’entreprise qu’il a conduite à une situation si difficile, un autre prenant le relais par un plan
de cession.
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