2009 01 06 Une marque peut maintenant être
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2009 01 06 Une marque peut maintenant être
UNE MARQUE ENREGISTREE POUR DES SERVICES DE VENTE PEUT-ELLE INTERDIRE SA REPRODUCTION POUR DES PRODUITS ? Par Omowumi AKINNUROJU, Juriste PI et Evelyne ROUX, Associée, Conseil en Propriété Industrielle, Cabinet REGIMBEAU En France, et jusqu’à l’arrêt Praktiker de la CJCE du 7 juillet 2005, il n’était pas possible d’enregistrer une marque pour des services de vente au détail. Ceci avait pour conséquence une double contrainte. D’une part, le déposant devait viser chaque catégorie de produits, et par conséquent désigner un grand nombre de classes, avec les coûts afférents. Il devait également dans le cadre d’une action en déchéance ou d’une opposition être en mesure de prouver l’usage pour tous les produits désignés, ce qui était de plus en plus difficile. En effet, un arrêt de la Cour de Cassation du 30 novembre 2004 (Sté Sorelec c/Sté rennaise d’électronique et de composants Sorelec), suivant en cela un courant jurisprudentiel bien établi tant en France que par la Cour de Justice, rappelait que l’usage sérieux d’une marque impliquait un contact entre le produit et sa clientèle, et que la simple utilisation sur des prospectus publicitaires ne pouvait suffire à établir ce contact, car « une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée ». L’INPI s’en est longuement tenu à la classification selon l’Arrangement de Nice tel que révisé et modifié et que chaque pays est libre d’interpréter. Celle-ci prévoyait dans sa huitième édition la possibilité de désigner en classe 35 les services de « publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ». Or la note explicative précisait que cette classe comprenait à l’époque : «le regroupement pour le compte de tiers de produits divers (à l’exception de leur transport) permettant au consommateur de les voir et de les acheter commodément », mais non : « l’activité d’une entreprise dont la fonction primordiale est la vente de marchandises, c’est-à-dire d’une entreprise dite commerciale ». L’OHMI, quant à lui, avait admis l’enregistrement des services depuis une décision du 17 décembre 1999 (R 46/1999-2) sous la forme Une marque enregistrée pour des services de vente peut-elle interdire sa reproduction pour des produits ? - Omowumi AKINNUROJU et Evelyne ROUX – Janvier 2009 2 suivante « services de regroupement, au bénéfice de tiers, de divers produits (transport exclu), permettant aux clients de voir et se procurer ses produits ». Une Communication N° 3/01 du Président de l’OHMI du 12 mars 2001, avait ajouté que « la précision du domaine d’activité exact lié aux services de vente au détail revendiqués dans le dépôt n’est plus nécessaire, mais seulement souhaitable ». Les libellés suivants ont donc été acceptés par l’OHMI pour des demandes d’enregistrement de marques communautaires « services de regroupement, au bénéfice de tiers, de divers produits (transport exclu), permettant aux clients de voir et se procurer ses produits dans les magasins de vente au détail ou dans les grands magasins ; regroupement au profit de tiers d’une variété de produits permettant aux clients de voir et d’acheter ces produits dans un catalogue général de marchandises ou un site web, ou la télévision, ou toute autre forme de média électronique de télécommunications ». La même société allemande Praktiker avait ainsi obtenu le 15 mai 2003 l’enregistrement de sa marque communautaire « PRAKTIKER Geht nicht, gibt’s nicht » pour le « commerce de détail d’articles de construction, de bricolage et de jardinage et d’autres biens de consommation » ; comme d’autres sociétés telles que MORGAN pour la marque « MORGAN » pour les « services de vente au détail » suivis d’une longue liste ou DAMART. L’Office allemand ayant refusé la demande d’enregistrement de marque « PRAKTIKER » pour le service de « commerce de détail d’articles de construction, de bricolage et de jardinage et d’autres biens de consommation pour le secteur du « do-it-yourself », la déposante a introduit un recours devant l’instance suprême allemande afin de voir reconnaître à l’échelle communautaire le principe uniforme de la protection pour les marques de services de vente au détail. La Cour de Justice, à la suite de questions préjudicielles posées par le Bundespatentgericht, a confirmé dans l’arrêt précité que « la notion de « services » comprend les services fournis dans le cadre du commerce de détail de produits et qu’aux fins de l’enregistrement d’une marque pour de tels services, il n’est pas nécessaire de désigner concrètement le ou les services en cause. En revanche, des précisions sont nécessaires quant aux produits ou types de produits concernés par ces services ». L’INPI a immédiatement indiqué que suite à cet arrêt, le libellé suivant serait dorénavant accepté pour la protection en France des marques de commerce de détail « services fournis/rendus dans le cadre du commerce de détail de (…) » en classe 35. De même l’OHMI, dans la communication N° 7/05 du Président de l’Office du 31 octobre 2005 indiquait que la référence aux produits ou au type de produits vendus au détail était requise, même formulée en catégories larges. De nombreuses marques sont ainsi enregistrées en classe 35 avec des libellés tels que : « Services de vente en gros et au détail d’articles métalliques » ; « services de vente au détail de vêtements et Une marque enregistrée pour des services de vente peut-elle interdire sa reproduction pour des produits ? - Omowumi AKINNUROJU et Evelyne ROUX – Janvier 2009 3 accessoires » ; « vente en gros et vente au détail de bières, eaux de vie, vodka, eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits, jus de fruits ; et sirop et autres préparations pour faire des boissons ». La question s’est alors posée de savoir si une marque enregistrée pour des « services de vente » était protégée à l’encontre de sa reproduction pour les produits vendus et à quelles conditions. Le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes (« TPICE ») a répondu par un arrêt en date du 24 septembre 2008 qui confirme la décision d’annulation partielle de l’OHMI du 17 janvier 2006. Une procédure d’annulation avait été intentée par la société Venticinque Ltd contre une marque communautaire O STORE sur la base d’une marque antérieure française THE O STORE. La marque communautaire visait les services suivants : « Services de vente au détail et en gros, y compris services de vente au détail en ligne ; vente au détail et en gros de lunettes, lunettes de soleil, produits et accessoires optiques, vêtements, chapellerie, chaussures, montres, chronos, bijoux, décalcomanies, affiches, sacs de sport, sacs à dos et portefeuilles ». Dans un premier temps, le TPICE confirme la similitude entre les services de « vente au détail et en gros de vêtements, chapellerie, chaussures, sacs de sport, sacs à dos et portefeuilles » de la marque communautaire et les produits « vêtements, chapellerie, chaussures, sacs à dos, sacs de sport multi-usage, sacs de voyage, portefeuilles » de la marque antérieure. Le TPICE considère en effet que ces produits et services sont complémentaires dans la mesure où les produits sont indispensables au déploiement des services, et peuvent emprunter les mêmes circuits de distribution. Concernant la similitude des « services de vente au détail et en gros, y compris les services de vente au détail en ligne » de la marque communautaire avec les produits de la marque antérieure, le TPICE rappelle tout d'abord que le déposant aurait dû, conformément à l’arrêt Praktiker, préciser les produits concernés par les services de la marque communautaire. Sachant que la marque contestée avait été enregistrée avant l’arrêt Praktiker, il ne semble toutefois pas en tirer toutes les conclusions en considérant que dans la mesure où il n’y avait aucune précision quant aux produits concernés par les services de la marque communautaire, les « services de vente au détail et en gros y compris les services de vente au détail en ligne » sont similaires aux produits de la marque antérieure puisqu’ils « peuvent inclure tous les produits y compris ceux couverts par la marque antérieure ». Une marque enregistrée pour des services de vente peut-elle interdire sa reproduction pour des produits ? - Omowumi AKINNUROJU et Evelyne ROUX – Janvier 2009 4 En revanche, le TPICE considère que les services de « vente au détail et en gros de lunettes, lunettes de soleil, produits et accessoires optiques, montres, chronos, bijoux, décalcomanies, affiches » ne sont pas similaires aux produits de la marque antérieure (articles en cuir, articles vestimentaires) dans la mesure où ces produits sont différents des produits compris dans les classes 18 et 25 et ne leur sont pas complémentaires. Il est donc établi que le dépôt d’une marque pour des services de vente au détail d’un produit précis peut contrefaire une marque antérieure qui aurait été déposée pour ce même produit, ou des produits très proches. Et malgré l’appréciation assez large du TPICE en cas de libellé peu précis, il reste conseillé d’énumérer les catégories de produits faisant l’objet des services de vente afin d’une part d’éviter tout refus d’enregistrement, et d’autre part, de faciliter néanmoins l’appréciation du risque de confusion, en évitant le débat qui ne devrait pas manquer de surgir. PARIS Cabinet Regimbeau 20, rue de Chazelles 75847 PARIS CEDEX 17 Tél. : +33 (0) 1.44.29.35.00 Fax : +33 (0) 1.44.29.35.99 Contact : [email protected] RENNES Cabinet Regimbeau Espace performance Bâtiment K 35769 ST GREGOIRE CEDEX Tél. : +33 (0) 2.23.25.26.50 Fax : +33 (0) 2 23.25.26.59 Contact : [email protected] LYON Cabinet Regimbeau 139, rue Vendôme 69477 Lyon Cedex 06 Tel :+33 (0)4 72 83 85 70 Fax : +33 (0)4 78 24 30 78 Contact : [email protected] GRENOBLE World Trade Center 5 place RobertSchuman BP1510 38025 Grenoble Cedex 1 Tél. : +33 (0) 4 76 70 64 79 Fax : +33 (0) 4 76 28 28 49 Contact : [email protected] Par Omowumi AKINNUROJU([email protected]), Juriste PI et Evelyne ROUX ([email protected]), Associée, Conseil en Propriété Industrielle Paris, le 5 Janvier 2009. A propos du Cabinet Regimbeau : Le Cabinet Regimbeau, Conseil en Propriété Industrielle, accompagne depuis plus de 75 ans les entreprises et les porteurs de projets des secteurs privés et publics, pour la protection, la valorisation et la rentabilisation de leurs innovations (brevets, marques, dessins et modèles).10 associés animent une équipe de 180 personnes, dont les compétences s'exercent dans tous les aspects stratégiques de la propriété industrielle: veille technologique, contrats de licence, audit de portefeuilles de PI, négociations dans le cadre de partenariat, acquisition des droits, contentieux. La force de frappe homogène du Cabinet Regimbeau et de ses agences régionales permet de répondre à des logiques stratégiques internationales, tout en préservant des relations personnalisées de très haute qualité avec ses clients. www.regimbeau.eu Une marque enregistrée pour des services de vente peut-elle interdire sa reproduction pour des produits ? - Omowumi AKINNUROJU et Evelyne ROUX – Janvier 2009