2010 04 MAJ janv 2011 la dilution de la marque EVR

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2010 04 MAJ janv 2011 la dilution de la marque EVR
LA DILUTION DE LA MARQUE
Evelyne ROUX
Associée,
Responsable du Département Juridique
Cabinet REGIMBEAU
Et Alexandre-Julien DUBOIS
Juriste en Propriété Intellectuelle
La dilution, derrière ce terme barbare emprunté au vocable des
chimistes se cache une réalité juridique qui, bien que peu connue du
public, se révèle être monnaie courante dans la vie d’un grand
nombre de marques commerciales.
Puisant ses fondements dans la doctrine américaine du début du XXe siècle le
principe, fréquemment employé outre Atlantique, de « dilution » de la
marque ne bénéficie sur le territoire français que d’une existence textuelle
discrète au sein du Code de la Propriété Intellectuelle (Article L 713 - 5).
Celui-ci dispose en effet que la reproduction ou l’imitation d’une marque
jouissant d’une renommée ou d’une marque notoirement connue pour des
produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement
engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter
préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation
constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
Qu’est-ce que la dilution de la marque ?
Il s’agit de la diminution de sa valeur marchande, voire de l’avilissement de
son pouvoir d’attraction à l’égard des consommateurs ou de sa symbolique sur
le marché des biens et services. Les tribunaux américains distinguent deux
notions que les juges français le plus souvent amalgament : l’atteinte au
caractère distinctif, par affaiblissement, perte de l’image, grignotage,
brouillage (« dilution by blurring ») et l’atteinte à la réputation par la
dégradation, l’avilissement, le discrédit porté à la marque (« dilution by
tarnishment »).
Toutefois, et pour comprendre ce qu’est la dilution, il faut avant tout situer
dans quelles circonstances ce phénomène intervient.
En France, il est possible de diviser les marques commerciales en deux
grandes catégories :
•
Les marques commerciales « classiques », telles une marque de
peinture, de vêtements ou d’abat-jour, toutes ces marques lambda
La dilution de la marque - Par Evelyne Roux et Julien-Alexandre Dubois –Avril 2010 (Mis à jour
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présentes dans le quotidien des consommateurs n’ont pas une aura
qui dépasse le produit qu’elles désignent.
En vertu du principe dit de « spécialité », ces marques ne pourront
être protégées que des produits et services identiques (ou similaire) à
ceux désignés dans l’enregistrement de la marque.
Ainsi une marque pour des produits colorants, laques, vernis ne bénéficie
d’une protection qu’en cas de contrefaçon par une marque visant les mêmes
produits.
•
Les marques commerciales « renommées » ou « notoires » : ce sont
ces marques célèbres et incontournables dont le nom peut résonner
dans l’esprit de chacun comme synonyme de qualité, de valeur sûre
et parfois même d’éthique.
Ces marques peuvent concerner des biens et services de luxe ou au
contraire être très accessibles au grand public, mais toutes ont pour
point commun de miser sur des investissements marketing,
publicitaires importants, parfois très anciens, afin de maintenir leur
image auprès des consommateurs.
Or, lorsqu’une marque s’implante de manière durable au point de devenir une
référence, il n’est pas rare que son image ou son nom soient repris par
d’autres entreprises, concurrentes ou non, afin de les adapter à des produits
radicalement différents.
C’est ce phénomène que la théorie de la dilution va permettre de condamner
en offrant aux marques dont la notoriété a été souvent acquise au prix de
longs et coûteux efforts une protection qui s’étend au-delà du principe de
spécialité, permettant ainsi de les protéger contre leur reprise à la fois des
produits et services identiques (ou similaire) mais également différents de
ceux désignés dans l’enregistrement de la marque.
Ex : Admettons qu’une marque célèbre de parfum soit reprise par une autre
entreprise afin de désigner des produits d’entretien tels que des détergents
ou des ustensiles de nettoyage. Son titulaire pourra ainsi faire valoir sa
notoriété afin d’établir que sa réutilisation pour désigner des produits
d’entretien entraîne sa banalisation dans l’esprit du consommateur ainsi
qu’une dépréciation de son pouvoir d’attraction, voire à terme de sa valeur
marchande, et donc faire condamner la dilution de la marque.
Comment prouver ce rapport de cause(s) à effet(s) ?
Afin de justifier l’application de l’article L 713 - 5 du Code de la Propriété
Intellectuelle, le titulaire de la marque devra soit démontrer que cette
réutilisation lui porte un préjudice, soit qu’elle constitue une exploitation
injustifiée de sa marque.
Bien que complexifiée par des années de jurisprudence et la jurisprudence
communautaire dans son arrêt de la CJUE INTEL du 21/01/2008 ne permettra
pas de le simplifier, le mode de preuve contre la dilution reste dans son
principe assez simple, car il suffira en principe que le titulaire de la marque
renommée ou notoire démontre que le consommateur final a pu – ou pourra établir un « lien » entre son produit et celui de l’entreprise pour lequel le
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nom a été réutilisé. Ce lien n’est pas le risque de confusion requis dans le cas
de contrefaçon par imitation.
Toutefois, cette situation peut dans la pratique s’avèrer difficile à mettre en
œuvre, et demandera de la part du juge d’apprécier la valeur de la notoriété
alléguée, tout comme l’impact de cette reprise dans l’esprit des
consommateurs finaux.
En outre, la seule allégation du risque de dévalorisation du prestige ne suffit
pas, car il faut également démontrer le préjudice porté ou susceptible d’être
porté à la marque (arrêt COHIBA – Cour de Cassation – Chambre commerciale –
12 février 2009).
Des dispositions analogues existent au niveau communautaire. Les chambres
de recours de l’OHMI ont ainsi considéré dans deux décisions récentes que la
marque RED DOG enregistrée pour des boissons entraînerait la dilution de la
marque bien connue RED BULL (R 0070/2009-1 du 11 janvier 2010). De même
elles ont invalidé la marque CAMPOS susceptible d’entraîner un risque de
dilution certain de la marque CAMPOFRIO, première marque espagnole du
secteur de la viande industrielle (R 1781/2008-2 du 25 janvier 2010).
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Le Tribunal de l’Union Européenne a quant à lui dans l’affaire LA PERLA (Arrêt
du 7 décembre 2010 T59/08) retenu que l’existence d’un risque de dilution ou
de ternissement d’une marque antérieure devait être pris en considération
dans le cadre d’une appréciation globale de l’atteinte au caractère distinctif
ou à la renommée de la marque antérieure par l’usage de la marque NIMEI LA
PERLA MODERN CLASSIC. De même il a retenu le risque de dilution de la
marque BOTOX par la marque BOTUMAX à la suite d’une étude très détaillée
(T131/09 du 28 octobre 2010 Farmeco AE Dermokallyntika c/ OHMI).
Par conséquent, il est particulièrement déconseillé à tout entrepreneur de
« piocher » dans le capital intellectuel des grands noms de l’industrie des
biens et services, que les domaines d’intervention soient identiques ou
puissent différer, leur grande notoriété les protège des reprises et
réadaptations de nature à ternir leur image de marque.
N’hésitez pas à nous contacter lors du choix de vos marques !
Par Evelyne ROUX
Associée,
Responsable du Département Juridique
Et Julien-Alexandre DUBOIS
Juriste Propriété Intellectuelle
Cabinet REGIMBEAU
Paris, le 4 Avril 2010.(Mis à jour Janvier 2011)
A propos du Cabinet Regimbeau :
Le Cabinet Regimbeau, Conseil en Propriété Industrielle, accompagne depuis plus de 75
ans les entreprises et les porteurs de projets des secteurs privés et publics, pour la
protection, la valorisation et la rentabilisation de leurs innovations (brevets, marques,
dessins et modèles). 10 associés animent une équipe de 180 personnes, dont les
compétences s'exercent dans tous les aspects stratégiques de la propriété industrielle:
veille technologique, contrats de licence, audit de portefeuilles de PI, négociations
dans le cadre de partenariat, acquisition des droits, contentieux. La force de frappe
homogène du Cabinet Regimbeau et de ses agences régionales permet de répondre à
des logiques stratégiques internationales, tout en préservant des relations
personnalisées de très haute qualité avec ses clients.
La dilution de la marque - Par Evelyne Roux et Julien-Alexandre Dubois –Avril 2010(Mis à jour
Janvier 2011)