Il est toujours temps d`aimer - Istituto Figlie di Maria Ausiliatrice
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Il est toujours temps d`aimer - Istituto Figlie di Maria Ausiliatrice
Année LVI – Mensuel no 1-2 Janvier-Février 2009 REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE Il est toujours temps d’aimer dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE 4 Éditorial : DMA 2009 ------------de Giuseppina Teruggi Revue des Filles de Marie Auxiliatrice Revue des Filles de Marie Auxiliatrice Via Ateneo Salesiino, 81 00139 Ronii RM (tél:06/87.274.1 – Fax 06/87.1.23.06 e-mail [email protected] www.cgfmanet.org 5 Directrice Responsable Mariagrazia Curti Rédacteurs Giuseppina Teruggi Anna Rita Cristiano Collaboratrices Tonny Aldana * Julia Arciniegas – Mara Borsi Piera Cavaglià - Maria Antonia Chinello Emilia Di Massimo - Dora Eylenstein Laura Gaeta - Bruna Grassini Maria Pia Giudici –Palma Lionetti Anna Mariani–Maria Helena – Concepcíon Muñoz Adriana Nepi Louise Passero -Maria Perentaler – Loli Ruiz Perez –Rossella Raspanti Lucia M; Roces - Maria Rossi - C’est toujours le moment d’aimer ------------13 Traductrices France : Anne-Marie Baud Japon : ispettoria giapponese Grande Bretagne : Louise Passero Pologne : Janina Stankiewicz Portugal : Maria Aparecida Nunes Espagne :Amparo Contreras Alvarez Allemagne:Provinces Autrichienne et Allemande EDITION EXTRACOMMERCIALE Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice – 00139 Roma,Via Ateneo Salesiano, 81 – C.C.P.47272000 Reg. Trib. Di Roma n° 13125 del 16-1-1970 Sped. abb. post –art. 2, comma 20/c, Legge 662/96 – Filiale di Roma N° 1/2 Janvier-Février 2009 Tipographia Istituto Salésiano Pio XI Via Umbertide 11,00181 Roma 14 Les femmes et la parole : A l’école de sa mère 16 Vie consacrée : Evangélisation 18 Oecuménisme: Un chemin d ‘unité 2 ANNEE LVI 20 Fil d’Ariane : Est-ce encore possible ? MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 35 ------------27 36 Jeunes.com : Génération Y 28 39 Coopération et développement : Sites : Recension des sites web Petites actions contre la pauvreté 30 40 Pastorale : Vidéo : Gomorra Lire entre les lignes 32 42 Polis : Livre : La peur dans le monde L’élégance du Hérisson 44 Camille : A propos du Chapitre Général ---------- ------------3 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE éditorial DMA 2009 Giuseppina Teruggi Cette année, l’évènement captitulaire, défini comme “une expérience du Cénacle”, orientera les chemins individuels et communautaires. Les orientations et les perspectives d’avenir ont été remises à chaque FMA. La revue DMA se place sur la même longueur d’onde. Elle continuera à accompagner les FMA, les laïcs et les jeunes qui veulent s’impliquer dans le processus d’assimilation et d’actualisation des textes provenant du CG XXII. Les capitulaires, elles-mêmes ont offert des propositions intéressantes pour rendre notre Revue toujours plus fidèle à sa nature de canal formateur. Assurément la Rédaction, une nouvelle fois, en tiendra compte et les exploitera en priorité. Nous approfondirons donc certains aspects du thème du Chapitre avec le Dossier. Tandis que nous arrêterons les rubriques : La lampe, l’Evangile de la vie, photo-click, d’autres se poursuivront et il y en aura de nouvelles. L’écho du Synode des évêques, célébré en octobre dernier sur : “La parole de Dieu dans notre vie et dans la mission de l’Eglise” trouvera son expression dans l’article “les femmes de la Parole”, avec la présentation de figures de femmes de la Bible. L’attention à notre identité de consacrées aura un espace dans la rubrique “Vie consacrée” en lien avec les évènements du monde. Thèmes traités : l’évangélisation aujourd’hui, la confrontation culturelle, le service d’autorité/du pouvoir, la formation, la justice sociale. La réalité de l’Oecuménisme sera évoquée à la lumière de l’année paulinienne et elle s’arrêtera sur le compte-rendu des évènements oecuméniques et sur la présentation de l’Eglise d’Orient. Un approfondissement du document “Lignes d’orientation de la mission éducative des FMA” se fera dans la rubrique Pastoralement, pour une lecture critique du phénomène “jeune” avec l’intention de sortir du déjà dit ou du déjà connu. Nous voulons regarder avec sympathie la réalité du monde des jeunes, pour en recueillir les défis et les opportunités. Au cours du Chapitre, il a souvent été question du texte : “Coopération au développement”. Pour aider à le connaître, nous avons conservé la rubrique “Coopération et développement” avec également la présentation de quelques projets de micro-crédit et de micro-économie. Dans l’article Polis, nous prendrons note de quelques évènements et de faits survenus pour en analyser les singularités, laissant de l’espace pour l’explication de quelques termes. Dans Giovani.com, cette année encore, nous présenterons des thématiques inhérentes au monde des jeunes et des nouvelles technologies. Les rubriques Fil d’Ariane, sites web, continueront avec la présentation d’autres sites web intéressants ; nous retrouverons aussi les présentations et analyses de nouveaux films et livres, et bien sûr Camille. Enfin, dans le dossier central (Inserto) de chaque numéro, nous présenterons une histoire tirée du livre “Le monde parfait”, où sont réunies les réflexions de fillettes qui regardent le monde et le décrivent à partir de leur propre point de vue. Bonne année, donc, en compagnie de la revue DMA ! [email protected] n 4 C’est toujours le temps d’aimer 5 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE C’est toujours le temps d’aimer Aux bons soins de Mara Borsi - Anna Rita Cristaino Le Chapitre général XXII s’est terminé il y a quelques mois et les capitulaires retournées dans leurs Inspections respectives vont faire part de cette expérience riche de rencontres avec des personnes témoins de l’amour prévenant de Dieu. Maintenant chaque FMA est appelée à vivre le charisme dans l’aujourd’hui de Dieu, avec les jeunes et les laïques. Un Chapitre général est un événement qui marque toujours l’histoire d’une famille religieuse. Evénement qui permet à celle qui l’a vécu directement ou à celle qui l’a suivi grâce à Internet, de prendre à nouveau conscience que le «charisme salésien a en lui une force de communication et de contagion pouvant pénétrer de manière efficace dans les lieux de pauvreté, dans les différents contextes religieux et culturels ; il est un chemin ouvert au dialogue et à la confrontation interculturelle et interreligieuse», comme l’a rappelé Mère générale aux capitulaires, dans son intervention clôturant le chapitre. L’appel de Dieu à être signe d’amour nous rejoint ici et maintenant, dans l’aujourd’hui de notre histoire. En fait, c’est maintenant le moment favorable pour raviver le feu de la fidélité. Jean Bosco a appris l’art d’éduquer en allant à l’école de Marie, la femme qui ouvre la route qui conduit au Christ. La maîtresse de sagesse, qui a accompagné et aidé la Famille salésienne à être, dans le cours de l’histoire, un signe d’amour pour les jeunes. En expliquant sa méthode éducative, don Bosco affirme que la pratique du système préventif s’enracine dans les paroles de Saint Paul : «La charité est bienveillante et patiente; elle souffre tout, mais elle espère tout et supporte n’importe quel désagrément (1 Cor 13, 4-7). Alors, le chrétien, pétri de ces paroles, peut avec succès appliquer le système préventif». Mère générale nous invite à renouveler notre choix de suivre le Christ, en suivant la manière indiquée par don Bosco et Marie Dominique Mazzarello. «“Da mihi animas ; A toi, je les confie”, a-t-elle affirmé - sont pour nous paroles-sacrement, paroles exigeantes de passion pour Dieu qui éprouve une grande compassion envers les jeunes. Cette parole de vie est notre identité, notre témoignage, la lumière que nous voulons faire resplendir au sein de la communauté éducative». Dans la lettre de Rome de mai 1884, don Bosco met en évidence le manque de crédibilité d’une communauté engagée à aimer, mais incapable de manifester cet amour avec des gestes compréhensibles et lisibles par les jeunes, et qui arrive difficilement à conjuguer la gestion de l’oeuvre avec le charisme. Aujourd’hui, le plus grand défi que nous avons à relever ensemble, FMA et laïcs, coresponsables de la mission éducative, est celui de faire comprendre aux jeunes que Dieu les aime. Le quotidien avec sa richesse et sa pauvreté, est l’espace dans lequel on peut lire les signes de l’amour et devenir à notre tour expression de cet amour. La spiritualité salésienne que nous vivons et voulons promouvoir renforce notre conscience d’être immergée dans une réalité sociale, mondiale aux nombreuses contradictions, mais habitée par le Dieu d’ Amour. Il est toujours le temps d’aimer, de prendre en compte l’urgence et la créativité missionnaire pour annoncer Jésus Ressuscité jusqu’aux extrémités du monde.. 6 ANNEE LVI MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 Interview A soeur Piera Ruffinatto, professeur à la Faculté Pontificale des Sciences de l’Education Auxilium et membre de la commission de rédaction du document capitulaire : Quel est le fil conducteur de la réflexion capitulaire? Le document nous donne une synthèse du travail des capitulaires qui présente différents niveaux de lecture. On peut y repérer un ensemble de caractéristiques, reflet de la complexité culturelle dans laquelle nous sommes immergées, mais aussi la variété de notre Institut, présent dans les cinq continents et interpellé par de nombreux défis aussi bien externes qu’internes. En utilisant une autre métaphore, on peut affirmer que les discussions capitulaires ont fait résonner le son de différentes notes qui petit à petit ont trouvé ordre et harmonie, une sorte de “phraséologie”, c’est à dire un thème central dans lequel aujourd’hui, est synthétisé le “message” des FMA, pour les jeunes : message que nous ne voulons pas donner à la carte, mais à la vie en tant que profondément lié à notre “être”, ici et maintenant, comme réponse de salut et d’amour pour eux et pour la communauté éducative avec laquelle nous partageons les joies et les difficultés de la mission éducative. 7 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE Les différentes parties du document capitulaire exprime un double mouvement : d’une part, ”nous accueillons avec gratitude et responsabilité, le don de la vocation salésienne comme appel du Père à être signe et expression de son amour prévenant au milieu des jeunes ; d’autres part, comme dans un grand Cénacle, nous nous mettons dans une attitude docile à l’Esprit Saint et nous nous laissons guider par Marie, la mère de Jésus. Elle nous apprend à regarder notre situation personnelle, celle de notre communauté et celle des jeunes, avec la foi qui pacifie le coeur et renforce notre confiance en la présence de Dieu qui conduit l’histoire. Avec de tels yeux limpides et confiants, nous pouvons regarder au-delà des apparences, pour recueillir les signes de l’amour de Dieu, parsemés dans notre monde “dramatique et merveilleux”; enfin, l’Esprit Saint, feu d’amour nous éclaire sur les chemins que nous devons prendre avec courage et audace pour vivre une réelle et profonde conversion à l’Amour de Dieu, source et accomplissement de tout amour. Quel élément peut aider la communauté éducative à changer et à améliorer la vie et l’action éducative ? Durant le Chapitre une conviction forte nous a rassemblées : un des signes le plus important qui rend visible l’amour de Dieu est la communauté. L’amour, en fait, s’actualise et est présent à travers les relations interpersonnelles. Le témoignage d’une communauté qui aime et où l’on s’aime est donc la condition la plus crédible et efficace de l’amour éducatif. Face à une culture toujours plus individualiste et à une société caractérisée par la “diminution” des liens communautaires, il s’agit de croire à nouveau que la communauté est le lieu où il est possible de créer des liens forts et stables. C’est un lieu où on s’éduque à l’écoute, au respect, où on s’estime et on s’accueille avec nos richesses et nos différences ; une communauté qui partage un projet de vie fascinant et crédible, qui possède un profond sens ecclésial et qui est insérée dans un territoire avec une identité claire ; elle revoit de manière critique les grands défis de l’actualité et à partir d’eux engage un dialogue fécond. Pour la communauté, les chemins de conversion commencent là et se situent dans une étroite continuité avec les lignes d’orientation pour la Mission Educative : si ensemble nous avons le courage de nous convertir à l’amour, les communautés éducatives deviendront de vrais laboratoires dans lesquels, chacun à partir de son identité propre, sa mission et son poste, vit et travaille en faveur de la construction d’un nouvel humanisme qui encourage la culture de la vie. Quelle place occupent les jeunes dans le document capitulaire ? Les jeunes sont le coeur, non seulement du document, mais de tout l’événement capitulaire et ceci parce qu’ils sont le centre de notre vie, le motif de notre existence comme Filles de Marie Auxiliatrice. Les jeunes sont ceux vers qui nous sommes envoyées pour leur annoncer le message de l’amour de Dieu. Une telle centralité est bien justifiée dans le document à partir de différents points de vue. Avant tout, ils sont nos premiers interlocuteurs. Sur le fond des défis nombreux et graves qui nous interpellent, comme personne et comme Institut, il y a en premier lieu le monde des jeunes avec ses nouveaux langages. Nous sommes appelées à entrer dans cet univers avec l’amour et la passion éducative de nos Fondateurs. En fait, sans la syntonie profonde avec le “aimer ce qu’aiment” les jeunes d’aujourd’hui, l’étincelle de l’amitié et de la confidence ne pourra pas s’allumer ; c’est la condition sine qua non qui nous permet d’entrer dans leur monde, mais plus encore dans leur coeur pour leur annoncer la bonne nouvelle de l’amour et du bonheur qui vient de Dieu. Deuxièmement, les jeunes sont aussi pour nous une “mission” précieuse : l’amour de prédilection envers eux, est un don que nous avons reçu avec notre vocation et que nous voulons cultiver et faire grandir. 8 dma damihianimas ANNEE LVI Ce qui nous permet de considérer le monde des jeunes comme le “champ” que Dieu lui-même nous confie parce que nous, comme de sages paysannes, nous savons le cultiver au bon moment et le faire fructifier. Enfin, en tant que “coeur et centre” de la communauté éducative, les jeunes, eux-mêmes sont les acteurs de leur vie et les artisans de leur croissance. Alors, ce qui nous est demandé c’est de croire au “point accessible au bien” présent en eux, de le découvrir et de le faire venir à la lumière pour qu’il se développe pleinement. Interview A soeur Maria Maul de la province autrichienne de nous raconter l’expérience vécue dans le groupe de rédaction du document capitulaire : Comme membre de la commission de rédaction du document final, peux-tu nous dire quelles difficultés vous avez rencontrées pour rédiger ce document capitulaire ? Quand le 5 août 2008, il m’a été demandé de faire partie de la commission de rédaction du document final, je ne savais pas encore ce que concrètement cela allait représenter comme engagement. J’ai dit oui –quelle autre réponse aurais-je pu donner justement en cette journée ? Cependant, j’ai dit que je n’avais ni l’expérience du Chapitre Général ni l’expérience de l’élaboration d’un texte avec une équipe internationale. Maintenant, j’ai fait cette expérience et je peux dire que travailler avec les autres soeurs de la commission, partager avec elles la responsabilité, MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 l’espérance, les joies et les difficultés de l’élaboration de ce document final a été une expérience enthousiasmante. Certes, les difficultés n’ont pas manqué. La première était due à l’abondance du matériel à élaborer, provenant des différentes commissions et des discussions en assemblée sur le thème du Chapitre. Dans une grande assemblée de 193 personnes, ce n’est pas évident d’arriver facilement à des formulations concrètes et précises ; nous avons donc dû revoir, ordonner, synthétiser les riches réflexions , qui se sont faites autour du document de travail proposé aux capitulaires. Une seconde difficulté a été la communication entre nous, rendue parfois difficile à cause de la diversité des cultures, des mentalités, des langues et lieux de vie. Nous avons passé beaucoup de temps à préciser, clarifier des mots, des concepts, des modes de compréhension, d’expressions et de contenus différents. Une autre difficulté a été de trouver la bonne formulation pour présenter clairement les contenus que nous voulions transmettre à toutes les soeurs du monde. Nous désirions arriver à une présentation attrayante, qui puisse refléter la beauté du thème du Chapitre “Appelées à être, aujourd’hui, signes de l’amour prévenant de Dieu”, exprimer déjà la beauté du contenu par une belle formulation extérieure. Je me souviens d’un moment difficile vécu au cours de la journée où nous devions entendre les différentes réactions de l’assemblée capitulaire après la lecture de la première ébauche du document. Nous l’avions écrit rapidement à cause du peu de temps disponible, nous étions aussi un peu fatiguées et nous avions encore à faire des rectifications dans la mise en page et dans les contenus. Enfin, la réalité la plus difficile à accepter dans ce type de travail, a été peut-être celle de devoir reconnaître qu’il n’est pas possible de 9 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE Un Cénacle ouvert L’icône de conclusion du Chapitre est un Cénacle ouvert, où tous, fma, communauté éducative et jeunes, sont invités à se sentir comme les parties actives d’un ensemble éducatif, à faire l’expérience de l’amour, à en témoigner. Nous vivons dans un monde toujours plus riche en découvertes scientifiques et technologiques, mais en regardant nos sociétés, nous nous rendons compte combien elles sont privées de la sagesse de l’amour. Et dans ce domaine, nous nous sentons interpellées surtout par les jeunes. Eux qui s’interrogent sur le sens de la vie, qui sentent le besoin de se réaliser comme personne, qui cherchent à vivre des relations profondes, qui vivent de manière radicale l’expérience du présent, ils nous demandent de témoigner d’un amour qui peut donner le bonheur et le sens profond de la vie de chaque jour. Le Cénacle, lieu où le Pain et la Parole ont été partagés, est aussi le lieu où les premiers disciples et Marie, ont expérimenté l’Amour de Dieu qui s’est fait signe visible dans le don de son Fils unique. Mais le Cénacle nous pousse à un exode, nous invite à sortir de soi. Qui fait l’expérience de l’amour ne peut le retenir ni taire cet amour reçu. Et pour cela l’Institut est appelé à servir la vie là où elle est la plus menacée et privée d’horizon significatif, à manifester concrètement l’amour du Père, à travers le témoignage de chaque communauté locale. Manifester l’amour comme communauté éducative, présente au milieu des jeunes. «Présence qui connaît – affirme Mère générale dans son discours de clôture – aime, partage, accompagne, témoigne de la beauté et de la joie de la vie quand on fait confiance au Seigneur, on répond à ses appels, à ses projets.» En contemplant encore l’Icône du Cénacle, nous avons la sensation qu’elle nous suggère différentes attitudes comme l’attente priante, l’élan missionnaire, le dialogue fréquent avec l’ Esprit Saint, la vie partagée avec Marie, la mère de Jésus, la fraternité, l’amitié, le désir de communiquer à tous la bonne nouvelle de la résurrection du Christ. «L’engagement à centrer notre vie sur l’Amour et dans l’amour – affirme l’introduction du Document capitulaire – est le chemin qui donnera continuité et profondeur à la mission de nos communautés éducatives.» Afin d’exprimer cet amour, l’accompagnement a été choisi comme expérience de communion et de style de vie. Les Points essentiels, au départ des chemins sont la centralité du Christ, l’Esprit du Da mihi animas e cetera tolle dans un engagement renouvelé pour être signes et expression de l’amour prévenant de Dieu au milieu des jeunes, et pour témoigner de cet amour prévenant en communauté éducative. contenter tout le monde en totalité. Le désir de tenir compte de toutes les sensibilités a toujours été fortement présent dans notre commission, mais ce n’était pas toujours possible. C’est pour quoi le texte final est dans un certain sens, quelque chose d’imparfait, mais qui à la fin, a quand même été accepté par toutes. De cette expérience, quel est le moment qui t’a donné le plus de joie ? J’ai eu beaucoup de joie à entendre les applaudissements qui de temps en temps retentissaient dans la salle, surtout ceux qui accueillirent l’approbation du document final. J’ai été vraiment contente que, toutes ensemble, nous ayons réussi à nous entendre sur tout ce que nous avions partagé au cours du Chapitre et que nous voulions continuer à partager avec nos sœurs du monde entier. Cependant, ce qui m’a donné le plus de joie a été la rencontre avec les soeurs et l’expérience du chemin parcouru ensemble. Avant tout, je me suis réjouie d’avoir vécu une belle expérience internationale au sein de notre commission. Ecouter les soeurs d’autres pays et continents, les entendre parler de leurs lieux de vie, m’a vraiment beaucoup enrichie, en me faisant mieux comprendre les situations et les sensibilités différentes. Nonobstant la patience 10 ANNEE LVI qui était nécessaire pour bien se comprendre, j’ai apprécié la richesse de l’internationalité, des diversités de notre Institut, grâce auxquelles nous avons pu faire une expérience vraiment unique. Cela a été aussi très beau d’écouter les paroles d’encouragement de nombreuses soeurs, surtout dans les moments les plus difficiles de notre travail et d’expérimenter l’aide efficace de plusieurs sœurs qui, dans la deuxième phase de la rédaction, se sont jointes à notre commission. Cependant, pour moi, la plus grande joie a été de sentir que nous nous aimions bien et que cette bienveillance a grandi justement dans les moments les plus difficiles. J’ai expérimenté que travailler et peiner ensemble était la source d’une grande amitié entre nous. En conclusion : Je pense que la rédaction du document est un peu comparable à la naissance d’un enfant. La difficulté de l’écriture sera rapidement oublié, mais la joie d’avoir pu contribuer à la naissance d’un texte, qui est le fruit de la collaboration de toutes, dans un climat vraiment d’“amour prévenant”, restera à tout jamais. Que voudrais-tu dire aux FMA qui lirons le document ? Je souhaite à toutes mes sœurs du monde entier, la même émotion que j’éprouverai quand j’aurai en main les Actes du CG XXII. Je les accueillerai avec beaucoup de reconnaissance, parce que je me souviendrai du chemin fait ensemble au cours de sa rédaction, avec toujours comme objectif les soeurs des communautés, pour que ce texte avec sa clarté, sa logique et sa beauté soit facile à comprendre et suscite le désir de le mettre en pratique, c'est-à-dire de se convertir à l’amour de Dieu, qui est infini et toujours nouveau. Je souhaite aussi que toutes les sœurs puissent accueillir ce document final comme un document, fruit de l’amour mutuel mais aussi rédigé avec amour. Est-ce qu’il y a autre chose que tu voudrais souligner ou dire ? A la fin du travail, dans la commission de rédaction du document final, mon unique sentiment était un MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 sentiment de reconnaissance pour avoir pu vivre cette expérience. Avoir travaillé à la rédaction d’un texte si significatif pour nous toutes, m’a permis avant tout d’apprécier, d’estimer et d’aimer beaucoup plus les documents de notre Institut (comme par exemple, les trois derniers : Le projet de formation, les lignes d’orientation de la mission éducative, la coopération au développement), parce que je peux imaginer un peu plus réellement, le travail, la patience et le dialogue qui est nécessaire au niveau mondial, avant de pouvoir arriver à une publication qui touche d’aussi près à la vie. J’ai une grande reconnaissance envers les soeurs qui ont investi beaucoup d’énergie, de créativité et d’amour pour mettre au point ces documents. Mais j’ai surtout compris quelque chose de très important pour ma vie. Jusqu’à présent, j’ai écrit de nombreux textes toujours toute seule. Et pour la première fois, je devais rédiger un texte avec d’autres soeurs, provenant de toutes les parties du monde, un texte, qui ne devait pas seulement refléter mes idées, mais qui devait tenir compte des réflexions et souhaits de toutes les capitulaires. J’ai compris que quand on voulait que quelque chose devienne vie pour toutes les soeurs et communautés du monde, il était nécessaire de trouver un langage qui sache accueillir la contribution de toutes. Je me souviens de ce beau proverbe africain, qui est revenu plusieurs fois au cours de notre Chapitre : «Si tu veux arriver le premier, cours seul. Mais si tu veux arriver le plus loin, marche avec d’autres.» L’expérience de la collaboration dans la commission de rédaction du document final, a été vraiment pour moi –comme tout le Chapitre d’ailleurs – une expérience de la présence et de l’action de l’Esprit Saint, qui “inspire les mots appropriés, qui est lumière pour notre intelligence et flamme ardente dans notre cœur.” n 11 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE 12 ANNEE LVI MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 Approfondissements bibliques éducatifs et formatifs 13 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE les femmes dans la parole A l’école de sa mère Elena Bosetti Le Rabbbi de Nazareth surprend, non seulement par l’ouverture de son enseignement, mais par le style de liberté qui caractérise sa relation avec toutes les catégories sociales, y compris les femmes, y compris celles que l’on juge perfides, choquantes, adultères, prostituées. Où Jésus a-t-il été formé à une si belle humanité ? Avant tout au sein de sa famille, sous la conduite de Joseph et surtout de Marie, laquelle a été la première à lui parler de Dieu, de l’Alliance et de Sa fidélité à la maison d’Israël. Le Verbe incarné apprend à prier le Père avec les paroles qui lui sont enseignées par sa Mère. Il observe et il apprend comme le fait tout enfant, comme le fait tout adolescent en grandissant. Même durant sa vie publique, Jésus ne dédaigne pas d’apprendre du monde des femmes. Au contraire, dans tous les cas, on dirait vraiment qu’Il prend des leçons auprès d’elles.. Marie, maîtresse du quotidien Luc termine son évangile “Evangile de l’enfance” par la note : “Jésus grandissait en âge, en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes” (Lc 2, 52). Le Fils du Très-Haut ne saute pas les étapes normales de la croissance, Il vit ce processus dans toute son ampleur et sa complexité, du point de vue physiologique, psychique, intellectuel et spirituel. Il grandit à l’école de Joseph et surtout de Marie. La femme hébraïque joue un rôle réellement important dans l’éducation des enfants, elle est appelée d’une certaine manière, à “pétrir” la foi, avec les réalités quotidiennes. Assurément, Marie ne s’est pas soustraite à ce rôle ; c’est en premier lieu à son école que Jésus croît en sagesse et en grâce. Avant les rites et la prière liturgique à la synagogue de Nazareth -Luc rappelle que Jésus la fréquentait régulièrement le jour du sabat (cf Luc 4, 16)- son coeur a été enraciné dans la foi vécue en famille, dans l’écoute priante de la Parole et dans l’observance aimante de la Loi. Rien n’est dit sur la manière dont Marie et Joseph ont élevé Jésus. Le silence enveloppe leur relation avec leur Fils dans la maison de Nazareth. Quoiqu’il en soit, à l’école de sa mère, Jésus se fait une idée du travail des femmes, qui à l’époque consistait, selon les prescriptions judaïques, à “moudre la farine, préparer le pain, laver les draps, refaire le lit, allaiter les enfants, travailler la laine...”. (Ketubot, 5,5). Ces travaux demandaient du temps et des efforts. Dans son enseignement, Jésus évoque les femmes qui se relaient au moulin (cf Mt 24, 41). Qui sait combien de fois il aura observé et aidé sa Mère qui pétrissait la farine pour en faire du pain et y ajouter le levain. C’était un enchantement que cette pâte qui montait au cours de la nuit et gonflait !! N’est-ce pas la même chose pour le Royaume des cieux : «Il est semblable à du levain qu'une femme a pris et mis dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que la pâte soit toute levée». (Mt 13,33). 14 dma damihianimas ANNEE LVI MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 Il apprend la justice et la misécorde. Le mot “miséricorde” qui tisse un lien entre les deux strophes du “Magnificat” (cf Lc 1,50.54), a également tissé pour ainsi dire la mission de Jésus : comme il apparaît déjà à la table du publicain Levi/Mattieu, de Capharnaüm, où Jésus cite Osée : “C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices” (Mt 9, 13). Luc semble le noter plus que les autres évangélistes parce qu’il situe la mission de Jésus dans son entier, entre deux banquets emblèmatiques: au banquet offert au début offert par Levi/Mattieu le publicain, de Capharnaüm, correspond celui qui précède l’entrée de Jésus à Jérusalem, et qui a lieu dans la maison de Zachée, le fameux publicain de petite taille de Jéricho (cf Lc 19, 1-10). Sur le signe de la miséricorde A l’école de sa mère, Jésus expérimente l’amour de la vie, de manière concrète, comme le rappelle la parabole de la femme qui allume une lampe, balaie toute la maison et cherche jusqu'à ce qu'elle ait retrouvé la drachme perdue (cf Lc 15,8-10). Il apprend à se tenir à la disposition de Dieu, qui renverse les puissants et élève les humbles. La Miséricorde du Magnificat se concrétise dans ce renversement des situations, où les riches (en orgueil et en présomption) restent les mains vides et où les pauvres (en culture et en pratique religieuse) expérimentent la joie incomparable d’un Dieu qui en Jésus les cherche et les trouve. 15 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE vie consacrée et… Evangélisation aujourd’hui Lc 2,1-14 Aujourd’hui, la Vie consacrée se met toujours davantage au service d’une nouvelle évangélisation, et le retour à la Parole de Dieu méditée et annoncée, ouvre des voies nouvelles pour revitaliser les divers charismes de chaque institut. Indifférence ou faim de quelque chose de plus ? Devant tous les défis que le monde propose actuellement à la vie consacrée (VC), nombreuses sont les questions qui incitent à la recherche d’une vie nouvelle pour revivifier le charisme propre de chaque institut. Comment proclamer l’Evangile et atteindre le coeur des hommes et des femmes, dans ce monde sécularisé et globalisé qui est le nôtre ? Dans quelles voies s’engager pour rejoindre les jeunes dans leur apparente indifférence, laquelle, renferme presque toujours une soif profonde et inconsciente de vérité, de vie, d’amour authentique ? Ce sont des questions qui ont été évoquées au cours du Synode sur la Parole de Dieu, questions abordées et synthétisées sous une forme très explicite dans le Message final : “En effet, il existe également dans la ville moderne et sécularisée, dans ses places et ses rues -où semblent dominer l’incrédulité et l’indifférence, où le mal semble prévaloir sur le bien, donnant l’impression d’une victoire de Babylone sur Jérusalem- un vif désir caché, une même espérance , une attente frémissante. Comme on le lit dans le prophète Amos, “Voici, des jours qui viennent, dit le Seigneur, l'Éternel, où j'enverrai une famine dans le pays ; non une famine de pain, ni une soif d'eau, mais une soif d'entendre les paroles de l'Éternel” (8,11). La mission évangélisatrice de l ’Eglise tient à répondre à cette soif.” (N.10). Une nouvelle évangélisation ? Annoncer le projet de Dieu et interpeller la société, même si on ne vous répond pas, tout en ayant un jugement mûri dans l’écoute de la Parole et la contemplation du visage du Seigneur dans les plus démunis, est un devoir commun à toutes les formes de Vie Consacrée. Chacune d’elles met l’accent sur un aspect de la mission de Jésus, non seulement dans le travail apostolique, mais aussi dans le style de vie personnel. Evangéliser, en fait, ce n’est pas seulement transmettre une doctrine mais c’est aussi témoigner et proclamer une expérience. La spiritualité n’est pas une partie de la vie mais toute la vie. C’est une qualité que l’Esprit imprime en ceux qui la vivent. Au contraire, le témoignage est déjà, de par lui-même, un mode d’évangélisation et il peut être considéré comme la condition préalable à l’annonce de la Bonne Nouvelle. C. Maccise, Carme déchaussé et théologien connu, affirme dans son livre Cent thèmes de vie consacrée (EDB 2007), que la nouvelle évangélisation, dont l’urgente nécessité se fait sentir aujourd’hui, cherche à dépasser les modèles précédents qui ont eu leur sens dans le passé et persistent toujours dans certains secteurs : le modèle traditionnel, qui insiste sur la présentation de la doctrine ; le modèle moderne, qui tient compte de la doctrine, mais dans la mesure où elle répond 16 dma damihianimas ANNEE LVI MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 aux inquiétudes de la personne et de sa culture ; et le modèle libérateur, selon lequel l’Evangile proclamé est un événement qui touche toutes les dimensions de la personne et de la société.. La VC a un rôle important dans la communauté ecclésiale et on ne peut évangéliser sans un témoignage de communion. Une communion réaliste, critique, qui sait écouter et cherche une synthèse au milieu des tensions inévitables. Evangéliser, mais comment ? Jusqu’aux dernières limites Ce que l’auteur cité ci-dessus, nous apporte de très intéressant et qui nous concerne, est peut être la présentation des caractéristiques de la nouvelle évangélisation à partir de la Vie Consacrée. C. Maccise met l’accent essentiellement sur trois d’entre elles : évangéliser à la manière de Jésus, accepter d’être évangélisés et évangéliser en créant une communauté de foi, unie dans la communion, don de l’Esprit. Evangéliser à la manière de Jésus veut dire partir toujours, comme Lui, de la réalité des gens. Jésus parle des problèmes de la vie, il les éclaire, grâce à la Bonne Nouvelle du Royaume. Il a une vision contemplative des évènements : il découvre le Père en tout, il dialogue, il n’impose pas, il se laisse conduire par l’Esprit. La nouvelle évangélisation s’ouvre pour être évangélisée. Celui qui évangélise découvre la semence du Verbe, présente là où il se rend, et cette présence de Dieu l’interpelle. La recherche dans la prière, des voies du Seigneur, faite dans un esprit de fraternité, permet une vision contemplative de la réalité : ainsi la personne prend conscience de la distance qui la sépare du temps où elle vivra en cohérence avec tous les enseignements de Jésus. Evangéliser, mais comment ? Evangéliser implique de créer une communauté de foi au sein de laquelle se récoltent les fruits de l’adhésion à Jésus : c’est en partant de la proclamation de la bonne nouvelle, que naît la communion au service de la communauté, autour de l’Eucharistie. Ces aspects sont intimement liés entre eux. La nouvelle évangélisation requiert en outre l’utilisation prophétique de l’annonce, de la déclaration et de l’inculturation de l’Evangile. Ces exigences imposent à la VC de se déplacer du centre vers la périphérie, d’être toujours plus présente dans le monde des communications sociales et de s’ouvrir à de nouveaux lieux d’évangélisation pour y annoncer la logique du Royaume. Le défi du dialogue oecuménique et interreligieux interpelle aussi les responsables de l’évangélisation. Le document Lignes d’orientation de la mission éducative des FMA le décrit bien : “Dans une réalité toujours plus pluriculturelle et plurireligieuse, la perspective évangélisatrice nous invite à retrouver la passion de la première annonce, la catéchèse, la mission ad gentes, en partant de l’Evangile, de l’Eglise comme communauté à visage humain, qui se révèle signe et instrument du Royaume de Dieu, du dialogue avec les cultures et les religions. L’Evangélisation encourage les interventions éducatives qui proclament l’esprit de dialogue du christia-nisme, l’engagement dans la recherche de la paix, dans la défense de la vie et des droits humains, la justice, le travail en vue d’un avenir plus accueillant.” (n 49) Au cours de cette année Paulinienne, nous souhaitons pouvoir dire avec l’Apôtre des Gentils : “Annoncer l’Evangile n’est pas un motif d’orgueil pour moi mais un devoir : malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile !” (1 Cor 9,16) [email protected] n 17 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE œcuménisme Un chemin d’unité Bruna Grassini L'Eglise sait qu'elle est semence, qu'elle est ferment, qu'elle est sel et lumière du monde… Nous devons chercher les lois de sa simplicité, de sa clarté, de sa force et de son autorité. L’Eglise doit être prête à soutenir le dialogue avec tous les hommes de bonne volonté. Personne n’est étranger à son coeur. L’Amour est notre commandement. L’Eglise doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit, elle se fait parole, elle se fait message, elle se fait conversation.» (Paul VI “Ecclesiam Suam”) Jérusalem. Epiphanie 1964. Le Patriarche de Constantinople Athénagoras, et le Pape Paul VI, dans une accolade d’une fervente fraternité, abattent le mur de silence qui depuis mille ans d’incompréhension et d’hostilité, sépare catholiques et orthodoxes. Dès ce moment s’ouvre le chemin d’unité de l’Eglise de l’avenir. Pour la première fois, un Pontife visite la terre de Jésus. Nous sommes le 4 janvier 1964 : le pape Montini entre, tel un pèlerin humble et anxieux dans la basilique du Saint Sépulcre, il visite les Lieux saints, marche le long de la Via Dolorosa au coeur d’une foule exultant de joie, d’esprit de fête, jusqu’à se faire renverser par elle.. Mais le moment d’émotion le plus fort fut l’accolade avec le Patriarche Athénagoras au siège de la délégation apostolique. C’est seulement au bout d’un certain temps que Paul VI confia au Cardinal Tisserant que lors du baiser de paix, le Patriarche Athénagoras lui avait chuchoté : “Vous êtes notre guide : appelez-nous, conduisez-nous et nous vous suivrons.” Un an plus tard, le 7 juin 1965, Paul VI et le Patriarche Athénagoras révoquent l’excommunication réciproque datant de 1054. Le dialogue Oecuménique commence ainsi : “Le colloque paternel et saint, interrompu entre Dieu et l'homme à cause du péché originel, est merveilleusement repris au cours de l'histoire”. (Ecclesiam Suam, 42). Partager la Parole La foi nous dit que l’unité de l’Eglise n’est pas seulement un espoir appartenant au futur: Cette foi existe déjà. Mais l’unité n’est pas encore visiblement réalisée chez les chrétiens. La sainteté de l’Eglise exige un cheminement continuel de conversion et de renouvellement. Le manque d’unité entre les chrétiens est assurément une blessure pour l’Eglise. Chacun doit s’ouvrir à l’action de l’Esrit Saint, de manière sincère; il veut réunir tous les hommes comme “un seul troupeau et un seul pasteur”. Pour cela, l’Eglise nous exhorte à prier avec ferveur pour l’Unité des chrétiens : “Etre comme des ouvriers de l’accueil, de la connaissance et de la vie en commun”. Chiara Lubich, vingt ans avant le Concile Vatican II, nous exhortait à cultiver “l’art de se sanctifier ensemble”, à réaliser un style de vie ecclésial, nouveau, fraternel : “Aider 18 dma damihianimas ANNEE LVI l’Eglise à marcher avec élan à la rencontre du monde d’aujourd’hui et à porter Jésus vivant à tous.” Le baiser fraternel Cité du Vatican, 18 octobre 2008. dans la Chapelle Sixtine, pour la première fois dans l’histoire de l’Eglise, un Pape, Benoît XVI, et le Patriarche Oecuménique, Sa Sainteté Bartolomeo I, échangent un baiser fraternel qui ouvre les portes à l’Eglise d’Orient. Un évènement sans précédent dans l’histoire. Un vrai moment de grâce, un pas décisif sur le chemin oecuménique. C’est la manifestation de l’Esprit Saint qui agit, qui conduit notre église soeur vers une relation toujours plus profonde de la pleine communion, dans l’échange fraternel de la richesse contemplative de l’Orient chrétien et l’élan de charité militante de l’Occident. MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 Unis par la Parole de Dieu, nous sommes appelés à témoigner du Christ, au milieu de notre monde en dépit de notre imperfection, fidèles à l’enseignement reçu des Apôtres, sans préjugés de race ni de culture. La Parole priée, vécue, partagée, est victorieuse des incompréhensions, des divisions. L’Evangile de l’amour est le modèle de toute l’Eglise d’Orient et d’Occident, du pardon, de la fraternité. Monseigneur Gianfranco Ravasi résume le message proposé par ce Synode comme “le plus beau, né de cette Assemblée.” Et il le confirme en 4 symboles : “La Voix de la Parole : la Révélation”, le Visage de la Parole : Jésus Christ”; La Maison de la Parole : l’Eglise”; le Chemin de la parole : la Mission”. [email protected] n 19 REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE dma damihianimas le fil d’ariane Est-ce encore possible ? Maria Rossi Nous vivons dans une société où se croisent ethnies, cultures et religions diverses. Journaux, revues, télévision, sites web et peut être aussi notre expérience, nous présentent une jeunesse émancipée, insouciante des règles, arrogante, attirée par des évènements spectaculaires. Les manifestations de violence et de xénophobie se multiplient. L'usage de la drogue, de l'alcool et autres produits toxiques, tend à se répandre. Parfois on voit des jeunes débordants de vie et d'enthousiasme ; mais plus souvent et en grand nombre, ces jeunes sont présents dans les concerts de chanteurs, près de leaders qui leur promettent le bonheur, au milieu de mouvements politiques extrémistes et de communautés spiritualistes et ésotériques. A l'entrée et à la sortie des écoles on les voit nombreux, sans enthousiasme, mais comme accablés sous le poids des sacs à dos de la culture, du devoir. Face à cette réalité, qui heureusement ne se présente pas toujours ainsi, une communauté éducative se demande s'il est encore possible d'éduquer et comment faire pour proposer des valeurs qui sont aussi éloignées de celles que diffusent les médias, mais qui sont les seules en mesure de donner du sens à leur vie et de permettre de construire des familles et des communautés où les personnes seront capables de vivre ensemble dans le respect et la paix. Etant donné que les jeunes, comme les adultes aussi, sont attirés par des événements extraordinaires qui suscitent de fortes émotions, nous avons parfois des regrets et nous culpabilisons parce que dans les oratoires, les écoles, les maisons d'accueil, nous ne sommes pas en mesure d'offrir de tels événements aussi fascinants et spectaculaires. Parfois, il peut même sembler qu’une communauté religieuse qui ne communique ni enthousiasme ni éclat n'est pas à la hauteur de son époque et qu'elle a failli à sa mission. Une lecture de la première lettre de Paul aux Corinthiens –nous sommes dans l'année paulinienne– pourrait nous éclairer et nous conduire à une résolution certaine du problème. Paul de Tarse écrit à la communauté de Corinthe, une communauté en proie à des questions d'ordre moral, doctrinal, et de vie communautaire. Lui même, après leur avoir fourni «du bon lait» comme à “des nouveaux-nés dans le Christ”, offre au chapitre 13, un repas solide, consistant, en proposant un objectif élevé de maturité humaine et chrétienne. Dans cette communauté hétérogène par ses classes sociales, ses ethnies, religions, cultures, au-delà du relâchement moral et autres formes de révolte, certains membres donnent trop d'importance à “l'extraordinaire”, comme réaliser des guérisons et des faits miraculeux, parler et interpréter des langues diverses, prophétiser, discerner les esprits. Les gens, en fait, et les jeunes en particulier, sont attirés par les événements prodigieux qui suscitent de fortes émotions, même si après ces événements, ou bien ils perdent leur temps ou ils se forcent à renouveler l'expérience. Paul considère les chrétiens de Corinthe comme des personnes engagées dans un processus dynamique de progression vers la pleine maturité humaine et chrétienne : après avoir mis en évidence le caractère éphémère de l'extraordinaire qui engendre les émotions, il propose l’effort quotidien de la charité, de 20 ANNEE LVI l'amour. Dans le chapitre 13, il énumère les qualités de l'amour qui sont les qualités relationnelles propres à la personne adulte, arrivée à la maturité psychologique et donc aussi celles d’un éducateur ou d’une éducatrice. D'une personne capable d'éduquer, d'une éducatrice, d'un éducateur on devrait pouvoir dire qu'il doit tendre à être ainsi, du moins un peu : Elle est patiente : aujourd'hui, la patience perd du terrain. Même dans les communautés reli-gieuses, on a tendance à vouloir tout et tout de suite. Parfois on prend les personnes patientes pour des personnes faibles et peu malignes. En réalité, la patience est la vertu des forts. Il faut une patience à l’épreuve du temps, pour laisser aux autres la possibilité d’être eux-mêmes, d’adopter leur rythme propre pour atteindre leur but, sans contraintes. Ce n'est pas une caractéristique facile qui serait innée. Elle est bienveillante : la bienveillance est un aspect de la charité, une disposition à prendre soin des personnes, à les aider avec respect, avec considération, et non avec le comportement hautain de celui qui fait l’aumône. C'est la capacité à se tenir près de l'autre, à deviner quels sont ses besoins, ses demandes inex-primées et ses blessures cachées. C'est comme une approche professionnelle, mais avec un doigté spécifique. En communauté, celle qui a cette aptitude risque de se faire exploiter, à l’instar de celui qui est patient. Mais la personne qui a atteint la vraie maturité ne regrette rien et ne s’arrête pas là. Elle n’est pas envieuse : L'envie constitue un obstacle de taille aux bonnes relations. Elle est mesquinerie, calcul, elle crée des divisions et met mal à l'aise. Elle s'exprime par de sombres murmures au lieu d’un parler franc. Elle filtre souvent dans le regard inquisiteur qui surveille et condamne les gestes de bonté et les attentions transgressant les limites officielles de la justice et de l'égalité pour tous. Elle ne se vante ni ne se gonfle. Celui ou celle qui a confiance n’éprouve pas le besoin MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 de se vanter de ce qu'il/elle possède ou de ce qu'il/elle fait. L'insécurité, la peur de la mort toujours imminente peuvent donner lieu à une préoccupation anxieuse qui porte à accumuler biens et savoirs (à se gonfler). Cela en dehors du fait que la personne est portée à se centrer sur elle-même, ce qui peut l'entraîner à faire sentir à d’autres, par l’offense et l’humiliation, le poids d’un prestige né du savoir ou de la possession de biens. La nécessité de s’honorer soi-même afin de rabaisser les autres est aussi le résultat d'une justice mal comprise et d’un état d’esprit envieux. Face à ces adultes, jeunes et moins jeunes prennent leurs distances. C'est seulement en se libérant de la peur et en considérant biens et savoirs comme des dons à partager, que l'on devient capable de relations éducatives interpersonnelles et d’une vie communautaire sereine et constructive. Elle est respectueuse. Le respect est une attitude fondamentale dans la relation à autrui. On peut manquer de respect de plusieurs manières. L'une des formes dont on parle peu, consiste à montrer une eccessive attente vis à vis d’une personne de telle manière qu’aucun résultat satisfaisant n’est possible, y compris dans la relation éducative et communautaire : il s’ensuit que la personne explose ou devient passive, alors que quand une personne se sent acceptée et respectée y compris avec ses limites, il lui devient plus facile de donner le meilleur d'elle même. Elle ne cherche pas son intérêt : Il est difficile qu’une relation soit entièrement gratuite. Il y a toujours un certain intéressement. L'important est qu'on le reconnaisse et que l'on arrive à un échange de don et d'avoir. Parfois, cela arrive, surtout entre parents et enfants, d’utiliser l’autre jusqu’à l’épuiser totalement. Dans les relations désintéressées, les personnes devraient pouvoir être prêtes à échanger, mais également libres de ne pas le faire. Ce n’est pas dit que même la plus efficace des éducatrices obtienne des réponses positives à cent pour cent. Elle ne se met pas en colère : Dans les communautés, des personnes sont très disponibles et se contrôlent de manière exceptionnelle. Il ne s'agit pas d'un comportement spontané : c'est le résultat d’un choix et d’un travail personnel 21 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE sur soi. Cependant, en général, face à des demandes inopportunes et inadéquates, on a un peu tendance à perdre les pédales. L'important est de s’en rendre compte, de reprendre le contrôle de soi avant de causer du tort, et d'éviter de se fâcher en pure perte. Elle ne tient pas compte du mal qu'on lui a fait : Elle sait pardonner. Dans une relation interpersonnelle, la capacité de dépasser les injustices et les blessures, de pardonner, relève d’une réelle maturité humaine mais aussi, de quelque chose de plus : le pardon qui est le don le plus élevé qu'une personne puisse faire à une autre. Et ce n'est pas un petit pardon accordé en passant, ou faire croire que tout va toujours bien. Dans le domaine éducatif mais aussi communautaire, pardonner, c'est offrir la possibilité de se racheter, de se reprendre, de réessayer, sans donner lieu à un désengagement : « De toutes façons, après, on me pardonnera…. ».. Elle ne se réjouit pas de l'injustice et se plait dans la vérité : La personne adulte et mûre ne tolère pas l'injustice mais la combat sans violence. Elle se réjouit lorsque au sein d’un réseau d’intenses relations, elle voit triompher la vérité, surtout si la personne qui opère dans l’injustice et le compromis, Elle couvre tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout : Ces quatre expressions sont la synthèse des caractéristiques déjà décrites, elles les assument magnifiquement. Elle couvre tout : elle ne divulgue pas les mauvaises actions des autres mais les couvre par un silence prudent et bienveillant. Elle croit tout : mais elle n'est ni crédule ni ingénue. Elle connaît les trahisons, les machinations sournoises, les injustices mais elle ne s’y arrête pas car elle sait que tant qu’elle se donne, peu ou prou, elle continuera à vivre et tôt ou tard elle s’épanouira. Elle espère tout, elle supporte tout : La personne mûre sait patienter même si cela exige de sa part un effort éprouvant. Elle sait que le bien, comme la naissance de la vie, exige une longue gestation, un prix à payer. Et pour soutenir le bien, comme la vie, elle patiente, espère et supporte tout, même quand l’espoir est infime et que quelqu’un semble vouloir détruire ou faire obstacle au bien qu’on essaie de faire progresser en déployant beaucoup d’efforts. Les caractéristiques de la charité, de l’amour, s’expriment dans les relations avec le prochain, les membres de la communauté religieuse, les jeunes. Ces attitudes se manifestent au quotidien, et selon Paul de Tarse mais aussi la psychologie, elles construisent une communauté de vie féconde. Les événements spectaculaires alimentent l’émotivité, la curiosité et peuvent avoir leur utilité, mais s’ils sont exagérés, ils sont alors du domaine de l’éphémère. Nous vivons et notre raison de vivre est orientée vers les jeunes. Même en rendant prioritaire les efforts à faire pour vivre des relations fondées sur la charité, sur l’amour, comme nos saints nous l’ont enseigné, il faut que nous donnions une juste place aux fêtes, aux sorties, au loisir, dans la mesure où l’extraordinaire aide à accepter et à s’insérer dans la quotidienneté pour l’ «élever» et la rendre féconde. Dans les relations interpersonnelles, pour être en mesure d’exprimer les caractéristiques de l’amour, il nous faut franchir les étapes de la croissance humaine. Il est essentiel d’accepter pleinement quelqu’un avec ce que la vie lui a offert de bien et de mal pour l’élaboration de son identité personnelle, celle-ci lui permettra d’entrer en relation avec les autres, pour donner et faire grandir la vie. Il s’agit de parvenir à une maturité humaine -chrétienne en outre- dans sa plénitude. Si toutes ces attitudes positives prédominent dans les relations entre les personnes, les membres des communautés se sentent à leur aise, ils peuvent s’exprimer librement, ils vont bien et ils ne recherchent pas l’extraordinaire pour affirmer qu’ils y trouvent un sens. Même dans la vie quotidienne, ils se sentent bien, parce que le don en abondance, la démesure de l’amour, imprègnent de vie et de joie la maison, l’école, l’oratoire. [email protected] n 22 COMMENT FAIRE A DEVENIR SEREiNEMENT UNE FEMME Cher journal, tu le sais, je t’écris tous les jours et chaque jour je te raconte tout ce qui m’arrive…. Mon quartier est assez isolé et le soir, il est peu éclairé. En soirée, les hommes peuvent aller faire un petit tour. Mon frère Lapo va au bar Où il peut jouer aux cartes… Il n’a pas peur de la nuit. Pour nous, les filles et les femmes, sortir le soir est interdit. C’est trop dangereux, il y a trop de voitures et de gens bizarres qui circulent. J’aimerais vivre dans un monde Où les hommes et les femmes seraient sur le même pied d’égalité, avec les mêmes droits et devoirs. Mais ce n’est vraiment pas encore le cas. Les femmes ont des salaires bien inférieurs et leur travail est toujours de moindre importance et, pour ne pas perdre son travail, elle renonce à avoir des enfants. Cher journal, comment puis-je sereinement devenir une femme sans renoncer à mon travail et à avoir des enfants ? Du Livre de Francesca Pansa. Un monde parfait Milan, Sperling & Kupfer 2008 23 La fillette On nous considère comme des personnes à part. Cependant, culturellement, on abuse de nous. Nous sommes vraiment les esclaves de la maison, nous cuisinons, nettoyons toute la maison, nous surveillons les enfants. On ne nous donne pas la possibilité d’aller à l’école. On nous utilise pour apaiser les mauvais esprits. On nous donne en mariage par temps de famine. Pourquoi la fillette et pas le garçon ? Parents, il vous faut changer d’attitude. Donnez-nous la même chance et nous vous prouverons que vous vous trompez. Parents, si vous éduquez vos filles, vous éduquez la nation. Nous avons besoin que notre nation soit éduquée. Poésie de Sarah, 10 ans, Mureverwi, Chihota, Zimbabwe 24 25 La relation entre le bien-être des fillettes et le progrès de la société est un fait reconnu au niveau mondial. Les actions en faveur des fillettes sont donc considérées comme les plus sages et les plus profitables. L’éducation valorise les fillettes, leur offre la connaissance et les instruments nécessaires pour améliorer leur vie, celle de leurs familles et de la société. Selon le Programme Mondial de l’Alimentation, pour chaque année scolaire, à partir du CM1 que les filles peuvent fréquenter, le salaire augmente de 20%, la mortalité infantile baisse de10% et le nombre de personnes par famille descend de 20%. Malheureusement, aujourd’hui encore, trop de fillettes sont exploitées et dévalorisées. Sur les 121 millions d’enfants, environ, qui n’ont pas eu la possibilité d’aller à l’école, 65 millions (environ 54%) sont des fillettes. Il n’y a plus d’excuses pour ignorer l’exclusion des fillettes et des filles du système éducatif, ce n’est pas seulement la négation d’un droit humain, mais cela représente une grave hypothèque sur l’avenir d’une société. L’instruction féminine est très profitable, à la personne elle-même et à la société dans son ensemble. Cf World Food Programme, Educating girls : The wisest investment of all, in http:/www.wfp.org, 5.7.08. 26 ANNEE LVI MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 Lecture évangélique des faits contemporains 27 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE coopération développement Petites actions contre la pauvreté Mara Borsi Les institutions financières internationales, le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, entretiennent l’austérité fiscale tout en veillant à maintenir basse l’inflation, ce qui a des effets désastreux sur la capacité des Pays pauvres à financer les services publics. L'inflation basse est une source mais elle a une répercussion sur les dépenses publiques avec en particulier des conséquences sur le secteur social, comme par exemple, la santé et l'éducation. C'est un fait avéré que ce sont les femmes qui paient l es conséquences les plus graves de cette situation, dans la mesure où elles n'ont pas accès aux soins et ce sont les les enfants, en majorité, qui restent en dehors de l'école. Dans ce système macro économique, on observe un appauvrissement croissant des femmes. Si l'on veut faire des femmes des agents de transformation de la société il est d’une importance vitale de miser sur elles, surtout dans les environnements les plus pauvres. Dans le cadre du développement des aptitudes des femmes, la micro finance et le micro crédit représentent des initiatives susceptibles d'apporter de vrais changements du point de vue, non seulement économique mais aussi social, culturel, politique. Divers types d’approches : Dans le cadre de la micro finance, deux types d’approches essentielles sont évoqués : le type d’approche “minimaliste” qui se concentre exclusivement sur des apports financiers et le mode d’approche “intégré”, qui regroupe des services de soutien technique aux activités déployées par les bénéficiaires, en plus des apports financiers. Le mode d’approche choisi par l'Institut est l'“intégré” qui regroupe une série de services sur le plan social, culturel, technique. Fondamentalement, une telle approche comprend trois phases : l'analyse de la situation, la constitution du groupe et l'évaluation périodique. L'analyse de la situation étudie le contexte en cherchant à faire ressortir aussi bien les problèmes que les possibilités. Cela signifie qu’il faut acquérir une connaissance réelle des conditions de vie et des moyens les plus appropriés pour les améliorer. La visite aux familles est la démarche prioritaire dans cette première phase. Dans certains contextes, en particulier en zone rurale, il est particulièrement important de se rapprocher des chefs de villages et des communautés, qui deviendront alors les meilleurs alliés pour soutenir les projets. Durant la phase de constitution du groupe, on réunit des femmes pour leur offrir une formation socioculturelle, avec des programmes d'alphabétisation et de promotion culturelle afin de susciter en elles un automatisme et des capacités de leadership. La formation, dans le cadre du travail, couvre une large gamme qui va des activités agricoles à l'élevage de bétail, de la couture à la cuisine, en passant par de petites entreprises (productions de sacs, savon, bougies et autres). A côté de la formation économico commerciale prennent place l'apprentissage de 28 ANNEE LVI Production de bougies à Maputo (Mozambique). A Maputo, capitale du Mozambique, ville en pleine expansion commerciale et touristique, il y a un pourcentage élevé de chômeurs. Beaucoup de jeunes des quartiers périphériques cherchent du travail pour survivre et n'en trouvent pas. Soeur Marie-Louise Spitti, avec un groupe de jeunes filles, a dirigé une petite entreprise de fabrication de bougies grâce à l’aide d’un crédit de 5000 euros. Celles-ci constituent un article très recherché par les démunis, -ces derniers ne pouvant bénéficier de la lumière électrique dans leur maison-, également par les touristes et les églises, pour le culte. Les bougies importées ont un coût très élevé et celles produites localement ne suffisent pas aux demandes du marché. Avec le travail d'une année, le groupe pense pouvoir parvenir à se suffire à lui-même. Les jeunes filles ont ainsi commencé à produire des bougies à usage familial et domestique, à des prix accessibles, des bougies décoratives avec des produits naturels comme des fleurs et des parfums, avec des formes typiques de la culture du pays, comme des tambours, des calebasses, etc. qui sont mises en vente sur les marchés touristiques et enfin des cierges pour les églises. La comptabilité, de l'utilisation du compte bancaire de l'épargne, de la micro entreprise, de la capacité à établir un contrat avec les banques ; prennent place également toutes les activés liées à la commercialisation, telles que la connaissance de la dynamique du marché, le transport des produits et les contrats d'achat-vente. MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 Concernant la formation sanitaire, on propose une activité portant sur l'hygiène personnelle, l’entretien de la maison, l’alimentation saine, la connaissance des maladies que l’on est en mesure de prévenir, la médecine alternative, la prise en charge de la santé, du sida. La formation et la sensibilisation politiques s'orientent vers la connaissance des droits mais aussi vers la participation active aux mécanismes de la politique au niveau local. La formation spirituelle est proposée à l’aide de moments consacrés à la prière et aux célébrations religieuses, en dialogue également avec les autres religions et cultures. Une fois les groupes formés, on en vient à décider des critères de réalisation des projets de micro crédit, des échéances et des conditions à remplir pour le remboursement du crédit, de la fréquence des rencontres du groupe. Concernant l'évaluation périodique, le groupe décide de sa périodicité et prend en considération la situation de remboursement de crédit de chacun des membres du groupe. Le groupe devient la référence de base qui permet d’affronter les situations d'urgence. En fait, si un membre quelconque du groupe est en difficulté, le groupe prend des mesures pour fournir un soutien et créer ainsi un cercle de solidarité. De cette manière, le groupe devient le garant fondamental pour le remboursement des crédits. La micro finance fonctionne en très grande partie grâce au fonds roulant, qui offre la possibilité d'élargir le cercle des bénéfices à un plus grand nombre de femmes. Le crédit remboursé par l'une est offert à l'autre et cet investissement permanent renforce l’impact du fonds en changeant la vie d’un plus grand nombre de personnes, donc aussi de leurs familles. mborsi@ pcn.net n 29 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE pastoralement “Lire entre les lignes” Mara Borsi La rubrica Pastoralmente tente de proposer une lecture critique de quelques phénomèn Un regard qui explore et qui veut sortir des lieux communs. Nous voulons lire les “hors textes”, les provocations du monde des jeunes toujours plus complexe et diversifié pour en saisir les besoins, les défis et les opportunités. Les jeunes, dans les divers contextes où ils vivent, se présentent comme une réalité complexe que les adultes et la recherche scientifique même ont bien du mal à interpréter. Actuellement, la recherche théorique ne considère plus les jeunes comme sujet social mais les définit comme “une génération invisible”, “une génération sans...”. Sans identité, sans valeurs, sans responsabilité, sans travail. Avec le développement rapide et constant des nouvelles technologies, d’autres termes sont en train d’émerger pour présenter les jeunes comme génération numérique, net gen (génération du net), génération y. Une génération, comme celle d’aujourd’hui, qui est en mesure d’utiliser plusieurs médias à la fois et de communiquer grâce une grande variété de langages, de l’audio à la vidéo, à l’animation créée sur ordinateur; une génération fluide, continuellement en mouvement, avec une identité insaisissable. Une génération toujours plus tentée par risque et la transgression, à la mémoire courte, ancrée dans le présent et sans vraiment de projets d’avenir. Et on pourrait continuer ainsi à l’infini, en relevant les opinions de chercheurs connus et les analyses sociologiques qui tentent de définir les contours de ce monde diversifié et pluriel. Les médias, toujours à la recherche de nouvelles fraîches, capables de capter l’attention d’un vaste public, présente le monde des jeunes surtout à partir de leurs faits et gestes, de leur violence, leur dépendance à la drogue et à l'alcool, de manière de plus en plus répandue et généralisée sur tous les continents. Beaucoup d’adultes se réfugient dans des réactions comme, le monde est fou, les nouvelles générations sont sans valeurs… et d’autres encore. Les comportements indifférents ne servent à rien, ou mieux ils sont utiles pour cacher les racines des problèmes. Essayons simplement de changer d’optique. Regardons le monde avec les yeux des adolescents et des jeunes. Qu’est-ce qu’ils voient de la société adulte ? Proximité ou oppression de manière voilée ou visible ? Sens du bien commun ou individualisme, corruption ? Le primat de l’être ou du paraître ? Le mal-être des nouvelles générations n’est rien d’autre que l’autre face de la médaille, et dénonce le mal-être des adultes. A la recherche d’une écoute C’est très facile pour les adultes de jouer le rôle de ” semeurs”, ils ont toujours quelque chose à nous dire, à nous les jeunes. Mais ils se mettent rarement à la place du “ terrain ” comme si nous, les jeunes nous n’avions jamais rien à dire, mais seulement à apprendre. (Ubaldo 18 ans). Les adultes ne donnent jamais de l’importance à 30 dmadamihianimas ANNEE LVI à nos affaires. Ainsi mon papa et ma maman n’ont jamais besoin de moi, ils me font sentir que je suis inutile. (Raffi 15 ans). Dans tous les contextes et les cultures diverses, les jeunes générations réclament une oreille qui sache écouter. C’est l’écoute que les jeunes cherchent tout le temps : parce que si quelqu’un est disposé à écouter, cela signifie pour eux, qu’il est attentif et disponible à l’accueillir. 1 Chez les adolescents et chez les jeunes, le besoin de se sentir reconnus, acceptés comme ils sont, est très important. Ils souhaitent vivre une relation de personne à personne, qui permet de sortir de la solitude et de l’isolement, ils désirent aussi être regardés, attitude qui confirme qu’ils existent aux yeux des autres. A travers l’écoute, les jeunes font l’expérience qu’on prend soin d’eux. De cette manière seulement, ils pourront ensuite être capables de prendre soin d’eux-même et des autres. L’expérience du prendre soin conduit à la perception d’ un horizon de sens plus ample, ouvre un espace pour un acte de foi envers l’autre, envers l’Autre (transcendent). En Afrique comme en Europe, en Amérique comme en Australie, en Asie, les jeunes générations comme des navigateurs, au milieu d’un océan, cherchent une boussole pour trouver leur route. La culture contemporaine leur offre des compagnons de voyage avec des cartes topografiques sur toutes les routes possibles, mais ils restent silencieux ou incapables de raconter leurs expériences, au point que les jeunes se sentent seuls et pas totalement libres. Dans une société plurielle, multiculturelle, complexe, nous devons tous rechercher avec ténacité notre identité. C’est un défi qui touche particulièrement les jeunes, hésitants entre le nihilisme, le relativisme et le fondamentalisme.. MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 Que faire donc, puisque nous sommes engagés auprès des jeunes en tant qu’adultes, comme accompagnatrices et accompagnateurs éducatifs, dans les heures et les lieux où cela est possible ? Ce qui est fondamental pour tous - consacrés, consacrées, laïcs, laïques – est d’exercer notre responsabilité éducative avec la conscience que chacun réalise une mission prophétique. Mission qui doit être vécue de manière préventive et prévenante pour développer des propositions et des parcours éducatifs concrets. Itinéraires appelés à mieux considérer le rapport entre la dimension rationnelle et la dimension affective, sentimentale, émotionnelle. En tenant compte que l’alphabet des émotions a une efficacité qui n’est pas comparable avec l’alphabet de la rationnalité, dans la mesure où il invite à créer, à inventer, à choisir et à proposer aux jeunes, des rencontres qui laissent la place à l’expression, au langage narratif, symbolique, musical, théâtral, multidimentionnel, à l’intérieur de spectacles organisés où ils seront des acteurs et non des spectateurs comblés. De cette manière, prennent vraiment un sens, toutes les initiatives qui valorisent les expériences d’éducommunication. Et cela ne pourrait-il pas être le chemin pour recommencer à parler aux jeunes de la foi en Jésus-Christ ? [email protected] 1 Cf AMBITO COMUNICAZIONE SOCIALE – PASTORALE DES JEUNES, Educomunicazione. A piccoli passi nella nuova cultura, Gong 4, Roma, Istituto FMA 2008, 8-9. n 31 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE polis Peur dans le monde Graziella Curti On parle de peur planétaire. Les gens ont peur de l’avenir, peur du terrorisme, du climat actuel. Peur de la guerre. Peur de la solitude. Peur des relations humaines. Peur du voisin, de l’étranger. Peur de la science. Il semble vraiment que la peur soit le leitmotiv du Troisième millénaire. Il y en a qui parle d’une campagne mise au point par une entité supérieure à nous. Une campagne qui a commencé le 11 septembre et qui a comme objectif le contrôle des personnes pour les contraindre à accepter des guerres préventives, présentes et futures. En septembre dernier, le World Social Forum s’est déroulé à Rome, avec la participation de sociologues, économistes, psychanalystes, écrivains et savants du monde entier. Le thème traité : Dialogues pour combattre les peurs planétaires a permis de réfléchir sur ce sentiment d’extrême insécurité qui a envahi l’humanité et le cosmos. Une enquête a été lancée dans 10 métropoles du monde ( Rome, Paris, Londres, Moscou, le Caire, Bombay, Pékin, Tokyo, New York et Sao Paolo au Brésil) et on a constaté que la marque interprétative de notre temps, la peur du troisième millénaires, est la réaction sociale aux grandes mutations mondiales, comme la multiplication des risques, réels ou perçus, la baisse du niveau de sécurité individuelle, l’exposition à des événements imprévus en mesure de bouleverser, en quelques minutes, le destin de notre hémisphère. Quelle sécurité ? «La peur est fluide et reste attachée comme de la colle», affirme Bauman dans sa lectio magistralis au World Social Forum de Rome. Et il continue : «Maintenant on cherche à se protéger contre les clandestins, contre les puissances terroristes et les attentats kamikazes. Faire passer l’Etat comme l’entité qui sait reconnaître un kamikaze est une bonne occasion pour rétablir sa crédibilité et restaurer la discipline dans son pays. Ceci nous démontre que la peur est un capital». L 'utilisation de la peur et du désir de sécurité a révolté non seulement les hommes politiques et sociaux, mais aussi les économistes : les rapports annuels du Sipri (Stockholm International Peace Research Institute) et le rapport de 2003 de l’United for a Fair Economy montrent comment les campagnes électorales sont souvent financées par des producteurs d’armes et vice versa, comment c’est une évidence quotidienne que dans la dynamique politique (propagande, débats, talk-show, comices, etc.) pour la conquête du pouvoir, le thème de la sécurité a un rôle prépondérant. Toujours par le Sipri, nous savons combien l'intervention dans les conflits armés, alimente l'insécurité nationale et internationale, la peur d’être au centre de possibles attentats futurs ou d’une menace constante dans la vie de chaque jour, sont des stratégies qui augmentent les dépenses militaires des Etats et, par conséquence, les bénéfices des industries productrices d’armes qui ont une grande place dans le bilan économique d’un Etat. Il y a encore une autre peur qui a une bonne audience. 32 dma damihianimas ANNEE LVI MAINTENANT JE VOIS UN ÉTRANGER ET JE NE SAIS S’IL VEUT MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 OU S’IL VEUT ME FAIRE UNE OPA ! Il NOUS DONNE AUJOURD'HUI NOTRE PEUR QUOTIDIENNE Une invasion de chroniques noires apparaît sans arrêt sur les écrans de TV. Une fange visqueuse et putride de violences familiales, de rapts, d’abus sur les enfants sans défense, de "semi infirmité mentale" envahit des pages entières de nos quotidiens, inonde les télévisions chaque jour, en accoutumant les petits téléspectateurs de tout âge aux innommables et obscures infamies de la vie. Enseignants avec pistolet à l’école Un district du Texas accueille positivement la directive qui est entrée en vigueur à l’ouverture des instituts scolaires : les professeurs seront armés. De cette manière, la sécurité des élèves sera garantie. Les parents des étudiants sontils satisfaits? Non seulement, mais en plus, il sera offert aux enseignants un cours pour apprendre “la gestion d’une crise”. Vittorio Chiari, éducateur salésien, a décrit le phénomène qui génère la peur, et il a cherché à en identifier les causes premières et les remèdes possibles, qui apparaissent très différents de la solution d’opposer la violence à la violence. «La violence s’appelle extrémismes, harcèlements, homicides, massacres, pillages; on la trouve en première page des journaux, à la télévision, à toutes heures du jour et de la nuit. Les politiques se réunissent, les journalistes remplissent les pages des journaux, les experts (toujours les mêmes) donnent leurs avis, les gens, les plus simples, honnêtes et travailleurs, inondées par toutes les violences écrites et parlées, demandent de vivre en sécurité, invoquent des lois et des peines plus sévères, des contrôles plus rigoureux. 33 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE Ils ont dit Il s’agit de renouer les fils d’une société où la cohésion entre les personnes s’est perdue, ainsi que le mastic qui la tient sur pied. Une société fragmentée est une société de la peur, où chacun s’isole de l’autre. (D. Colmegna). Nous n’avons pas tous forcément peur – si nous laissons totalement entrer JésusChrist en nous, si nous nous ouvrons totalement à Lui – peur que Lui puisse enlever quelque chose de notre vie? ... Qui accueille le Christ, ne perd rien ... n’ayez pas peur du Christ ! Il n’enlève rien, et donne tout. (Benedetto XVI). L'absence de peur ne signifie pas arrogance ou agressivité. Cette dernière est en soi un signe de peur. L'absence de peur présuppose le calme et la paix de l'âme. Pour elle, il est nécessaire d’avoir une vie de foi en Dieu. (Gandhi). Nos peurs sont fluides, elles s’attachent et se détachent suivant qui les provoquent : la politique et l’économie. (Zygmunt Barman). Mais certaines pages couvertes de sang ne seraient peut-être pas aussi fréquentes si les différentes TV locales et nationales n’étaient pas des “réservoirs” de violence. Nous nous lamentons sur les jeunes qui ne savent pas respecter les adultes et les traditions, mais comment peut-il en être autrement, quand ils sont témoins chaque jour de débats entre sourds, entre gens incapables de collaborer pour libérer leur Pays des problèmes de l’économie et de ceux encore plus dangereux, du manque d’éthique, de lois et de normes ?» L’appel de Patricia Une jeune femme, Patricia Cori, a écrit sur son blog : «Qui n’admettrait pas d’être épou-vanté par le lieu obscur où les soient disants leaders, auto déclarés “hommes de paix”, sont en train de conduire toute l’espèce humaine? Qui ne serait pas capable de reconnaître les signes de rébellion de la terre contre les abus qui ont appauvri les ressour-ces de la planète, pollué les mers et détruit les grandes forêts, notre âme, notre source, notre respiration vitale ? Je dis qu’il est temps maintenant de transformer cette peur, sous-pression et paralysante dans son expression la plus élevée. Soutenons nos convictions tout en restant ouverts à celles d’autrui, sans avoir peur de nous engager à changer le monde, un monde qui peut être meilleur, nous en sommes sûrs. Maintenant c’est le moment de mettre à l’épreuve les zones où vous êtes à l’aise et de sortir au-delà de leurs frontières. Décollez-vous de votre chaise et glissez dans le courant de conscience où ceux qui vous soutiennent se sont mis en action. Refusez d’être manipulés par les machines et par les messagers du pouvoir. Soyez les porte- paroles de votre résistance, écrivez des lettres, impliquez-vous. Soutenez l’humanité entière, en participant aux manifestations pacifiques et en faisant quelque chose d’important chaque jour de votre vie. Il n’y a pas d’espace pour la peur maintenant. Il n’y a pas d’espace pour la colère non plus. Nous seulement nous, pouvons briser les chaînes.» 34 ANNEE LVI MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 35 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE jeunes.com Génération “y” Maria Antonia Chinello et Lucy Roces La Génération Y débarque sur la planète jeunes, une nouvelle génération “entièrement virtuelle”, celle du numérique : le web est son univers. Les jeunes, entre 13 et 29 ans vivent de sms et de webcam, ils sont des utilisateurs assidus des communautés online, comme MySpace et SecondLife, les jeux de rôle comme Warcraft, ils ne manquent aucune vidéo sur YouTube, pour eux Skype n’est pas un problème, ils ont un blog comme journal virtuel et utilisent de curieux surnoms à la place de leurs vrais noms. Echo Boomers. Millennial. Net Generation. Nous sommes arrivés à la fin de l’alphabet. Les sociologues préfèrent aujourd’hui l’identifier comme la Génération Y pour la distinguer de la Génération X qui est celle des adolescents. La Génération Y (Gen-Y) a passé et quitté depuis peu l’adolescence, mais elle se trouve dans une situation riche d’inconnus, d’incertitudes et d’angoisses. Les jeunes de cette génération sont nés entre 1977 et 1995. Agés de moins de 30 ans, ils ont fréquenté des universités ou des écoles spécialisées ; ils se trouvent affrontés au monde du travail, mais sans la certitude que leur qualification leur donnera une situation convenable, au moins comme celle de leurs parents. Depuis tout petits, ils se sont familiarisés aux jeux vidéos, ils ont grandi avec Internet, avec les social network de Facebook et MySpace, avec l’iPod et l’iPhone. IM, SMS et e-mail sont leurs moyens préférés pour expédier leur “courrier”. La TV, naturellement numérique, sert pour capter le dernier programme préféré qui sera inséré dans un dossier personnel pour être vu sur le vidéo téléphone. Une recherche de la Harris Interactive a mis en évidence qu’aux Etats-Unis, cette génération dépense 172 milliards de dollars par an, influençant aussi en grande partie les décisions d’achat d’un public plus adulte, notamment leurs parents. En Italie, une recherche réalisée par l’Institut B&F (sur un ensemble de 400 jeunes de 18 à 25 ans) a révélé qu’Internet est le moyen de communication le plus utilisé dans cette tranche d’âge (95%), suivi de la radio (70%), de la TV classique (64%), de l’émetteur musical MTV (29%), Sky (7%). Les sites les plus visités sont les sites musicaux (43%), suivis de ceux de football (24%), de l’nformation (20%), des voyages et des vols aériens (17%) ; 42% des jeunes interpelés disent qu’ils envoient de 10 à 19 sms par jour, 40% en envoient de 1 à 9. Toujours connectés Quelles sont les caractéristiques de la Génération Y, née dans une société globalisée où les limites imposées par le temps et l’espace s’estompent de plus en plus ? • la facilité de voyager; • la maîtrise des nouvelles technologies; • une vision positive face aux changements; • la capacité d’ innover; • le pragmatisme et l’ambition; . 36 ANNEE LVI • • la possibilité d’accéder aux savoirs; les facilités de l’apprentissage; Cependant on ne doit pas considérer cette génération comme apathique ou privée d’émotions, mais plutôt comme une génération de jeunes qui se situent en “observateurs” des phénomènes sociaux, devant lesquels ils essaient de s’adapter. La manière, aussi avec laquelle, ils font par exemple, l’expérience de la sexualité et de l’amour, met en évidence une profonde émotivité, même si celle-ci est dissimulée à l’intérieur de l’univers multimédial : c’est comme si un jeune pouvait vivre sans l’autre, comme dans un jeu vidéo, où réalité quotidienne et virtuelle s’alternent sans dénouement émotif apparent. Ce sont les enfants qui plus que d’autres ont expérimenté l’échec des relations familiales avec les séparations et les divorces des parents ; l’absence à la maison du père ou de la mère due à un emploi toujours plus éloigné du cadre familial. Ce sont des consommateurs acharnés, mais en même temps, toujours prêts à s’engager pour la défense des droits humains et la dénonciation des injustices sociales. De quel côté sommes-nous ? Une recherche conduite en 2006, par l’Eglise anglicane, avec pour titre Making Sense of Generation Y, a interpelé les jeunes pour “chercher à les comprendre” et proposer des réflexions sur des parcours et des itinéraires éducatifs. Le rapport final révèle que “les jeunes sont heureux de leur vie, agréable et bien installée, qu‘ils ne sentent pas la nécéssité d’avoir un horizon transcendant, et d’entrer en dialogue avec un Autre et que, surtout, l’Eglise les ennuie et ne présente aucun intérêt et aucun sens pour leur existence”. C Cette génération donne une signification minime au péché, elle n’a pas le sens du péché, elle n’a aucune peur de la mort. Un contraste existe autour de la génération Y, entre leur “philosophie” d’une vie sympathique –une vie généralement bonne- et les repré- MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 sentations du sens commun, décrites par les médias comme des jeunes en danger à cause de désordre alimentaire, de l’absorption de stupéfiants, des suicides, du harcèlement et des abus sexuels. Ils ne semblent pas désenchantés, absents du reste du monde : la signification et le sens de la vie, pour la Gen-Y résident dans l’“ici” et “maintenant”; le futur est à brève échéance, réduit à l’immédiateté. Une étude réalisée en Australie par le Père Michael Mason, un religieux rédemptoriste (The Spirit of Generation Y) affirme que les jeunes ne sont pas des “chercheurs spirituels”, mais ont une approche très individualiste de la vie et de la spiritualité, et ils ne sont pas du tout attirés par les religions traditionnelles. Seul un petit nombre reconnaît qu’il pratique activement une religion. Beaucoup de jeunes soutiennent que tout est relatif et qu’il n’y a pas de droits et de devoirs définis pour tout le monde. Leur grande sécurité repose sur les relations intimes avec la famille et les amis. Les activités qui les occupent le plus sont : l’écoute de la musique, le travail, l’étude. Ils recherchent un monde où règnent la paix et la sécurité. De là, quelles réflexions s’imposent pour faire émerger le sens et la signification de notre mission au milieu des jeunes dans l’Eglise ? Comment dialoguer avec cette génération, comment être parmi eux “signe” et “expression” d’un amour prévenant, comme nous l’a demandé le 22ème Chapitre général conclus depuis peu ? Comment répondre au besoin de bonheur, en en élargissant les horizons et les relations, pour être comme le voulait don Bosco: “Heureux dans le temps et dans l’éternité”? Parcours de proximité La célébration des journées mondiales de la jeunesse à Sydney, l’été dernier, a rapproché les jeunes du Pape. Beaucoup d’entre-eux, nouveaux pélerins, étaient des jeunes –au moins de part leur âge– de la Génération Y. Benoît XVI a condamné le relativisme et l’apathie, redisant au contraire l’importance de l’unité et de l’espérance, proposant un programme de renouvellement spirituel et social, à partir des jeunes eux-mêmes. 37 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE L’autre Réseau Nous commençons une série d’apports sur Free and Open Source Software pour découvrir l’autre face du Réseau, employée à répandre et à rendre accessible la connaissance et le savoir, les applications et les opportunités du Réseau, parce que Internet et les nouvelles technologies ne sont pas “réservés” à quelques personnes, mais représentent une mine de ressources, d’informations ouvertes à tous. FOSS (Free and Open Source Software), ce mouvement désormais connu s’est imposé dans diverses parties du monde, et pour Julian Fox, salésien, c’est “la voie pour la démocratisation de l’information et de la culture.” Comprendre la philosophie de Free and Open Source Software ( Les ressources de Software Libres et Accessibles ) n’est pas simple, puisqu’il s’agit de deux réalités différentes, même si elles sont convergentes. Free Software, ainsi défini par Richard Stallman et la Free Software Foundation (FSF), est le programme que les utilisateurs peuvent copier, partager, étudier, changer, redistribuer très librement. Plus précisément, on prévoit la liberté de : 1. accéder au programme pour n’importe quel but ; 2. étudier le programme dans ses différentes composantes et l’adapter à ses besoins ; 3. partager les copies et aider ceux qui ont les mêmes besoins ; 4. expérimenter le programme et rendre publique les résultats à tous les membres du Réseau. Si on demande un software libre c’est parce qu’actuellement il “ne l’est pas”. Il existe en fait un software privé, puisque celui qui a inventé le programme en est le propriétaire. C’est le cas des programmes de marques Microsoft, Apple, Symantec, etc. Le software privé ne peut se modifier, il n’est pas permis de le copier et de distribuer des copies, surtout il n’est pas possible d’accéder au code qui est à son origine et qui permet au programme de fonctionner. Le software libre demande que les programmes soient libres, moins chers, gratuits si possible. Les FOSS est un bien social, qui s’oppose à la philosophie du software privé. Le software libre, dans les pays en voie de développement, où les licences ont des prix exorbitants, peut permettre la liberté d’accès ou la gratuité de l’acquisition. Le mouvement du software libre couvre désormais toutes les catégories de programmes : Office, Archive managers, Internet, P2P, Chat, Sécurité, Network, Serveurs, Audio, Vidéo, Images, 3D, CD/DVD, Codecs, System Utilities, UI Enhancements, Hardware monitoring/Benchmarking, Games, Education, Miscellaneous, Wallpapers. Il est urgent d’entrer en relation avec cette Génération, jour après jour et il est indispensable de commencer un travail de fond, pour chercher des réponses à leurs questions. Il nous est demandé d’être vrais dans notre mode de présence, de tisser des liens et de dialoguer à partir de thèmes et intérêts significatifs et importants pour eux, de les sortir de leur indolence pour leur faire comprendre combien ils sont importants et précieux, parce que porteurs d’opportunités, de ressources incroyables, d’espérance et de vastes horizons. Pourquoi ne pas partager leurs chemins, croiser leurs sentiers, traverser leurs lignes d’ombres et de rencontre ? Pourquoi ne pas … Pourquoi aussi ne pas commencer à opérer des changements en nous-mêmes : 1) en devenant de bonnes auditrices qui écoutent avec le coeur et laissent un instant de côté la tête ; 2) en discutant avec eux et en nous laissant former sur tout ce qui concerne les processus de communication ; 3) en sortant des schémas de “contrôle et d’ordre” pour essayer de partager ; 4) en nous ouvrant au changement et à l’innovation ; 5) en apprenant à apprendre de l’expérience, à travailler ensemble, à rester en réseau, liées par des relations fortes et authentiques, basées sur la réciprocité du don et du recevoir ? Maria Antonia Chinello, Lucy Roces 38 dma damihianimas ANNEE LVI Liste WWW sites n MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 Aux bons soins d’Anna Mariani [email protected] Signalisation de sites intéressants www.annopaolino.org www.letterepaoline.it Le site de l´abbaye de San Paolo est en 5 langues : italien, anglais, français, espagnol, allemand; c’est un site très riche Qui a pour but d’accompagner les “pèlerins” au cours de cette année jubilaire annoncée par Benoît XVI à l’occasion du bimillénaire de la naissance de Saint Paul. Il est possible de "télécharger" le "Programme Général" de l´Année St Paul pour le diffuser en n’importe quel lieu et à chaque communauté : paroisse, jeunes, diocèses, etc. Le but du site est de fournir des supports intéressants pour préparer un itinéraire spirituel à partir de la figure de l’Apôtre Paul. www.ahrchk.net Asian Human Rights Commission (AHRC). Le site, en langue anglaise avec aussi du matériel dans d’autres langues dont l’italien, le français, l’allemand… venant de la Commission pour les droits humains en Asie. Ce site concentre son attention sur les liens entre les systèmes et les droits humains, en mettant en évidence les obstacles aux systèmes judiciaires, qu’ils soient économiques, sociaux, culturels, civils ou politiques, ils doivent être écartés si la société veut arriver au respect des droits humains. Le site www.letterepaoline.it est pour l’instant seulement en langue italienne, avec quelques contributions en langue anglaise. Il entend se situer comme un lieu de divulgation critique, de débats et d’approfondissement, dans le respect d’un juste rapport entre exigences divulgatrices et possibilités de réflexions spécialisées. Il est composé de différentes parties, qui représentent autant de modalités d’approche : Pour connaître St Paul : chroniques, commentaires et réflexions sur l’apôtre, suivant un parcours dynamique et progressif qui accompagne le lecteur tout au long de l’Année Jubilaire, semaine après semaine : en commençant par l’examen des sources, et en passant à travers la vie, les voyages et une présentation systématique des lettres et de la pensée de Paul, suivant une perspective historique. Documentation Générale : articles et interventions de spécialistes, sur des thèmes particuliers concernant St Paul et son milieu historico-culturel. Prospectives pauliniennes : présentation d’interviews inédites et de colloques avec des personnalités du monde culturel, académique et religieux, autour de thèmes liées à l’apôtre. Syllabaire du Christianisme : matériel de caractère didactique, fiches d’information, morceaux anthologiques et brèves présentations de débat. A l’image de Paul : itinéraires iconographiques, artistiques et archéologiques liés à la figure de Paul. Liens et ressources : carte des ressources présentes sur Internet, pour l’étude et la recherche autour de Paul et du christianisme des premiers siècles. Paulus 2.0 : le blog du site, conçu comme un instrument d’information historico-religieux, naturellement avec la possibilité de commentaire de la part des lecteurs. n 39 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE vidéo Mariolina Perentaler GOMORRA de Mattea Garrone ITALIE - 2008- Le film dirigé par Matteo Garrone , est tiré du célèbre bestseller de Rober-to Saviano (né à Naples en 1979) qui a déjà été vendu plus de 1.200.000 exemplaires et traduits dans 33 pays. C’est le dénommé livre scandale qui accuse fortement les activités de la camorra de la Campanie, au point que depuis sa publication en 2006, l’auteur vit toujours protégé par une escorte armée et est sujet de menace ininterrompue. Le film de Gar-rone n’a pas seulement conquis le jury de Cannes qui lui conféré le "Grand Prix du Jury", le prix le plus important après la Palme d'or, mais de ce prestigieux festival, il a franchi les portes de la cérémonie des Oscars : il a été choisi comme le meilleur film étranger, L’oeuvre qui représentera l'Italie dans la course à la nomination 2009. Le film «constitue certainement un acte très important et riche de significations civiles, culturelles et sociales – commente le député Tino Ianuzzi– il s’agit d’un fait très important dans cette phase si terrible et décisive de la lutte que l’Etat, les institu-tions, la politique et les partis ont la responsabilité de conduire contre la camorra et tous les pouvoirs criminels». Il souhaite bonne chance au film et renouvelle son admiration et son remerciement aux deux auteurs -du livre et du film– pour cette production «qui appartient d’une manière exemplaire à la courageuse bataille de la civilité, légalité, et sauvegarde de notre démocratie.» L’évaluation Pastorale le définit évidemment comme ‘discutable et problématique’, mais il est à connaître, à utiliser pour des débats et des discussions autour de thèmes de vie actuelle: Délinquance des mi-eurs; Gangster; Jeunes; Littérature; Pouvoir; Violence. Action, style et reportage «Le sujet dont il est question, est trouble, visqueux, mortifère, infesté de pourriture : ...d’uns grande puissance visuelle –dit le réalisateur– que je me suis limité à le reprendre avec une extrême simplicité, comme si j’étais un spectateur tombé là par hasard (...)». L’oeuvre de Saviano se lit en fait comme un roman enquête qui présente sur le vif les crimes de la camorra, pas seulement à Na-ples et en Campanie mais aussi dans les plus impensables sièges internationaux. Pour les impératifs du cinéma Garrone recoupe cinq histoires. Tout en les situant sur les mêmes lieux où elles se sont produites, entre Scampia, la région de Caserte, Castel Volturno, il n’en cite explicitement aucun, «presque à vouloir dénoncer/ montrer leur dramatique ubiquité, ou précisément l'universalité de “ce Mal” représenté par le système» (G. L. Rondi). Violence, horreurs, sang. Garrone les décrit dans une atmosphère obscure, enchaînant entre elles les différentes histoires avec grande habilité. Il les situe toutes dans un même climat : le cynisme, le manque de piété, la renonciation à considérer même pour un seul instant les conséquences atroces de ses propres gestes par intérêts et argent. Il concède seule-ment une exception, une ouverture vers un unique repenti : celle d’un jeune, Roberto (Carmine Paternoster), qui à peine licencié est flatté de pouvoir être, pour un certain temps, l’assistant de Franco (Toni Servillo) le Boss - "docteur" élégant et insoupçonnable -qui s’enrichit sur les déchets toxiques. Ayant ouvert les yeux, il ne pourra accepter longtemps que la vie d’un ouvrier du nord soit payée par la vie d’une famille du sud, contrainte de boire l’eau polluée par les déchets produits par le premier. Mais c’est une goutte d’eau dans la mer de ces déchets, de toute cette humanité malade. Dans ce film, il n’y a pas de temps pour comprendre 40 dma damihianimas ANNEE LVI MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 Pour faire penser Pour faire penser La rumeur de l’argent. L'odeur du sang. Le regard des cadavres. Le rè-gne de la camorra napolitaine comme une “Gomorrhe” universelle, images déconcertantes de la cité-symbole incendiée dans le livre de la Genèse. “Le Seigneur aime le droit et la justice” rythme le splendide refrain du verset qui accompagne la lecture du Psaume 32 de son inflexible vigueur. A Gomorra, au contraire c’est l’argent, l’infernal venin qui fait bouger les intérêts, les décisions, la volonté. Sur cette terre le sang ne compte pas, la vie ne vaut rien. Le film commence ainsi : «Avec un carnage aux rayons UVA dans lequel le sang se fait cobalt et le rite kitsch du bronzage total une boucherie. Tout de suite après, au bruit sec des tirs et des éclats de rire railleurs des tueurs, se substitue un doux bruissement de monnaies» -commente efficacement Ciak. L’expert-comptable de la camorra, celui qui a la charge de distribuer les traitements à un parent qui a été tué, il compte rapidement des tas d’euros froissés. Pas ceux rigides des banques, ceux sales et puants de celui qui a payé sa dose. Dans quelques séquences magistrales Matteo Garrone met les cartes sur table. Ici on parle de Sang, de Sous et de Pouvoir. La “Gomorrhe” biblique de notre millénaire puissant et désorienté…. Une dénonciation dure mais faite avec amour, dans l’attente d’un avenir meilleur, dans l’espérance d’un retournement des consciences. Le regard 'neutre' du très habile réalisateur, ne donne pas de solutions mais son angoissante dureté touche au coeur et secoue de manière inexorable. Le réalisateur a une approche qui déconcerte – déclare le commentaire de la Commission pour l’Evaluation Pastorale du film. Surtout parce qu’il fait flotter l’histoire sur une espèce de désespérance résignée. Comme s’il était possible de regarder avec indifférence un monde (qui est à côté de nous) où respect et compréhension ont été tués et la vie humaine considérée comme de la chair de boucher. «Il nous met face à la fange de ces portraits d’existence malheureuse pour réveiller une conscience éthique forte, capable de créer des marges de rachat, de piété, de partage de la douleur». En une parole, pour éveiller à une coresponsabilité qui –dans des limites pertinentes et possibles pour chacun– puisse nous faire devenir militant, actif et solidaire. qui a raison et qui a tort, parce que les pistolets, comme les personnages, souvent n’ont pas le temps d’entrer dans le cadre que déjà ils décochent leur sen-tence de mort. Le mérite de Garrone est de se tenir loin de l'exhibition : il nous offre un document, après avoir choisi cinq épisodes moins liés à l’histoire, plus universels et immédiats, à travers le choix des lieux (au premier plan les Vele, le triste et célèbre quartier de Scampia, ghetto prison à l’architecture terrible, aussi au sens figuré) et des personnages : les visages, les lumières, les rumeurs, les dialectes, les musiques. Les larmes, les pleurs, liés eux aussi à l’ambience qui les contient et les projette à l’extérieur, et présentée comme une normalité malade, impuissante et difficilement guérissable, se confondent avec les coups de feu. Sa dénonciation est simplement dans les faits, les cinq histoires vrais : dont celle de Totò, 13 ans, qui vit dans les Vele de Scampia et rêve de devenir membre de la Camorra, à celle de Pasqual, le tailleur exploité et contraint à exploiter illégalement – et toujours par avidité– un grand nombre de chinois, eux aussi couverts de larmes et de sang. Garrone n’édulcore pas cette angoissante réalité, il ne la juge pas et ne la soumet pas au crible de la vérité, parce que cela n’est pas nécessaire : nous savons que tout est tragiquement vrai. Mais par son silence, il pose une question qui touche directement la conscience : est-il encore licite de savoir et de rester et vivre dans l’indifférence ? [email protected] n 41 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE le livre aux bons soins d’Adriana Nepi L'élégance du hérisson Publié en France en 2007 avec un énorme succès, il est en train de recevoir de la part des lecteurs italiens à la fois un accueil enthousiaste mais aussi une très forte critique. Il s’agit d’une histoire singulière, qui semble vouloir refléter, même dans son objectivité invraisemblable, notre société actuelle, saturée de culture, de bien-être et de pauvreté d’âme. Dans un élégant immeuble de Paris, habitent des familles de la haute bourgeoisie : diplomates, intellectuels, financiers. La gardienne voit défiler chaque jour devant sa loge de nombreux exem+plaires d’une humanité prétentieuse, qui cache sous des stéréotypes usés, leur vide intérieur. L'oeil pénétrant de la gardienne les connaît et les compare. Elle, personne ne la connaît vraiment : sous les sombres apparences de la femme du peuple inculte et à l’aspect négligé, qui feint de passer ses journées devant la télévision toujours allumée, dans la paresseuse compagnie de son chat, se cache une autodidacte de vaste culture, pleine d’une curiosité intellectuelle raffinée. Elle n’essaie pas de se faire connaître, protégée par une sorte de conscience aristocratique intérieure, elle vit dans son monde si différent de celui qui passe devant elle chaque jour et qui est vide et méprisant. Il y a pourtant une enfant exceptionnelle, qui vit dans ce grand immeuble : son père est un ministre, qui dans l’intimité familiale se révèle un pauvre homme, vaniteux et médiocre, sa mère est une femme anxieuse et incohérente. Sa sœur aînée, Colombe, est une jeune fille dotée d’une grande intelligence mais superficielle et conditionnée par un milieu social dans lequel apparaître est plus important qu’être. Paloma, âgée de douze ans ne lui fait pas de compliments et la définit ainsi : "intérieurement chaotique, vide et en même temps encombrée". Elle se sent totalement étrangère à ce climat familial et elle aussi, comme la gardienne, aime se cacher ; elle se réfugie dans un coin silencieux et... s’immerge dans ce qu’elle appelle ses pensées profondes. Elle a décidé que le jour de son prochain anniversaire, elle se suiciderait et, après avoir bien calculé le moment et pris toutes les précautions pour sauvegarder l'intégrité de ses proches et des appartements, elle mettrait le feu à l’appartement : pour leur bien -pense-t-ellepour imposer à tous un salutaire réveil… Le roman alterne, avec en parallèle les soliloques de Renée, la veuve cinquantenaire enfermée dans sa loge, et "les pensées profondes de Paloma. L'auteur ne cherche pas à masquer l’invraisemblance de ce qui est un simple expédient narratif. C’est elle qui, avec son langage érudit et ironique nous conduit à travers une trame de pensées et d’évaluations conciliantes, les colorant de manière suggestive et les attribuant aux protagonistes de l’histoire. Un jour, un nouveau locataire vient habiter dans l’immeuble, un riche japonais, lequel, libre de tout préjugés classiques, doté d’une solide culture et d’une grande sensibilité, ne tarde pas à découvrir la personnalité attrayante qui se cache derrière les pâles apparences de la concierge. Même Paloma, au cours de quelques rencontres, a deviné chez cette femme, digne et réservée, quelqu’un qui l’attire du fait d’une secrète affinité entre elles, et alors un peu à la 42 dma damihianimas ANNEE LVI MENSUEL / JANVIER-FEVRIER 2009 égocentrique, elle entrevoit, même vaguement, un nouveau sens à ce qui lui apparaissait autre fois l’absurdité de la vie. Fois, s’établit entre elles, une sorte de complicité affectueuse et sympathique. Monsieur Kakuro, le nouveau venu, devient le spectateur discret de cette nouvelle amitié. Il finit par fréquenter lui aussi la concierge, soulevant une onde de curiosité et d’étonnement incrédule parmi les riches locataires guindés. Cet homme la traite avec un mélange de galanterie et de familiarité affectueuse, l’obligeant presque à sortir de la "clandestinité" et à transformer par quelques simples touches d’élégance même son aspect physique. Un tragique tournant arrête brusquement l’histoire, la sauvant d’une conclusion banale et prévisible, et finalement donne aux protagonistes cette vérité humaine qui n’avait pas réussi à l’emporter sur leurs réflexions désenchantées et souvent sèchement "nihiliste". Paloma, au contact de la douleur, se découvre la préadolescente psychologiquement acerbe et Que dire de ce best seller ? L’élégance fluide du style, l'esprit typiquement français qui se prend à le considérer comme un chef d’oeuvre ? Ou bien, le livre est-il un peu le miroir d’une culture capable de cacher sous de brillants jeux d’artifice, l’égarement de celui qui a renié ses racines ? La nostalgie des valeurs perdues affleure dans l’histoire pour se faire plus explicite et émouvante à la fin, mais tout reste sur le plan des sensations. On y chercherait en vain un besoin authentique de vérité. L'allusion insistante des protagonistes sur la nature purement animale de l'homme (en définitive -note Paloma– nous sommes seulement des primates programmés pour manger, dormir, nous reproduire) donne la mesure de ce qu’est le relativisme moderne et l’athéisme sans préjugé dans lequel fatalement il se transforme : aucunes attaques polémiques, aucunes questions angoissantes, mais quelque chose de réglé, de définitivement acquis. Les questions sont présentes, quelquefois profondes mais dépourvues de cette inquiétude qui s’accompagne d’une sincère attitude de recherche : elles restent comme suspendues dans le vide. L’adolescente très douée, qui dénonce avec une impitoyable lucidité, la fausse vie sociale de son entourage, est aussi la fille d’une culture, qui désormais, elle aussi est dépassée. On peut y distinguer la supériorité d’une intelligence sans boussole, qui va au-delà des limites d’une saine raison et dans son autosuffisance, elle finit par se renier elle-même. Les dernières pages, qui nous semblent la partie la plus réussie du livre, rencontrent au contraire la plus grande réserve de la part de nombreux lecteurs. La mort qui est un peu la grande maîtresse de la vie, suggère ici des instants de grande beauté : et il est symptomatique qu’elle soit instinctivement écartée. n 43 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE camille n A propos Du Chapitre Général Je suis sûre que vous êtes dans la même situation que moi. La provinciale et les déléguées au Chapitre général sont rentrées pleines d’enthousiasme et de documents à partager avec nous pauvres sœurs restées à la maison à attendre leur retour. Livres, cd, dvd, ppt m’apparaissent comme une liste de «médicaments anti-grippe» mais tous essentiels pour nous transmettre le Chapitre. D’accord, mais moi en réalité je l’ai vécu en direct ou presque. Dans le sens où jamais comme cette année, sur le site de l’Institut, des nouvelles, des vidéos, des interventions ont paru chaque jour. Ma Responsable était heureuse car elle avait des documents en abondance,pour les mots du soir pendant deux mois. Aussi nous savions déjà que chaque soir se passerait plus ou moins comme cela : «Nous continuons à suivre nos sœurs qui sont au Chapitre et aujourd’hui, elles ont fait ceci ou cela». Chaque «Mot du soir» nous avions, en exclusivité, une mise à jour du chapitre général, au moins cela nous permettait à nous qui n’avions pas la possibilité de nous connecter sur Internet d’en prendre connaissance. Rencontres, réunions, fêtes, travaux, élections, beaucoup de «cultures», beaucoup de «visages». Moi, pourtant, je me suis fait ma propre idée. Je vous la dis parce que je connais votre affection et je sais que désormais, vous pardonnez quelque intempérance à cette pauvre sœur «riche d’années et d’expérience» (aujourd’hui on ne sait plus qu’inventer pour ne pas dire le mot «vieillesse»). Le chapitre est d’abord une occasion pour nous dire qu’en tant qu’Institut, nous avons la volonté de rester unies. Puis, pendant trois ans, dans les communautés, nous chercherons à vivre et faire vivre ce que le chapitre a suggéré et pendant les 3 années suivantes, nous commencerons à penser à ce que le futur chapitre devra nous dire. De toutes façons, ce chapitre a apporté une nouveauté parmi d’autres : nous avons une Mère française ! En vérité, des Mères nous en avons trois…une à l’œuvre, et deux «émérites»…c’est-à-dire qui méritent d’être appelées mères parce qu’elles ont beaucoup fait et donné à l’Institut. Nous ne pouvons vraiment pas nous lamenter. Nous avons trois mères, 14 000 sœurs et un millier de maisons. Je pourrais donc dormir tranquille, mais vous savez à mon âge, on désire surtout être entourée de petits neveux. Filles, garçons et, pourquoi pas aussi de jeunes FMA ? Et puis, il y a les nouvelles conseillères… de tant de nations diverses avec leurs noms que j’apprendrai sûrement. Nous avons 6 ans pour les apprendre. Qui sait si je serai encore là au prochain chapitre… Les années, désormais, commencent à se faire nombreuses… Mais j’espère cependant, pendant celles qui me restent, de voir se concrétiser l’esprit de Pentecôte, qui a souvent été cité… du moins par ma Responsable. 44 DOSSIER : Cenacle ouvert, Maison des doutes et des rêves PREMIER PLAN : Les femmes dans la parole Les femmes présentes au cours de la passion de Jésus EN RECHERCHE : Pastoralement Vie parallèle COMMUNIQUER : Jeunes.com Wii Jeux-Vidéo La photo gagnante du Concours Photos Clik Amitié à chaque âge Nicole Ann F. Galang Balibago Angeles City, Pampanga casa des dubbi e dei sogni casa des dubbi e dei sognicasa dei dubbi e dei sogni 45 LA VOIX 46