L`amour plus grand que tout - Istituto Figlie di Maria Ausiliatrice
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L`amour plus grand que tout - Istituto Figlie di Maria Ausiliatrice
Année LVI – Mensuel no 7-8 Juillet-Août 2009 REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE L’amour plus grand que tout dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE 4 Éditorial : Celui qui aime Revue des Filles de Marie Auxiliatrice de Giuseppina Teruggi Via Ateneo Salesiino, 81 00139 Ronii RM (tél:06/87.274.1 – Fax 06/87.1.23.06 e-mail [email protected] www.cgfmanet.org 5 ------------- Directrice Responsable Mariagrazia Curti Rédacteurs Giuseppina Teruggi Anna Rita Cristiano Collaboratrices Tonny Aldana * Julia Arciniegas – Mara Borsi Piera Cavaglià - Maria Antonia Chinello Emilia Di Massimo - Dora Eylenstein Laura Gaeta - Bruna Grassini Maria Pia Giudici –Palma Lionetti Anna Mariani–Maria Helena – Concepcíon Muñoz Adriana Nepi Louise Passero -Maria Perentaler – Loli Ruiz Perez –Rossella Raspanti Lucia M. Roces - Maria Rossi - Traductrices Cénacle ouvert : L’amour plus grand que tout ------------13 France : Anne-Marie Baud Japon : ispettoria giapponese Grande Bretagne : Louise Passero Pologne : Janina Stankiewicz Portugal : Maria Aparecida Nunes Espagne :Amparo Contreras Alvarez Allemagne:Provinces Autrichienne et Allemande EDITION EXTRACOMMERCIALE Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice – 00139 Roma,Via Ateneo Salesiano, 81 – C.C.P.47272000 Reg. Trib. Di Roma n° 13125 del 16-1-1970 Sped. abb. post –art. 2, comma 20/c, Legge 662/96 – Filiale di Roma N° ¾ Mai-Juin 2009 Tipographia Istituto Salésiano Pio XI Via Umbertide 11,00181 Roma Maria Rossi - 14 Les femmes et la parole : L’étrangère des miettes 16 Vie consacrée : Service d’autorité 2 ANNEE LVI 18 Oecuménisme: Témoins d’unité MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 35 20 Fil d’Ariane : L’écoute en premier ------------27 36 Jeunes.com : Twittermanie ? 39 Sites : 28 Recension des sites web Coopération et développement : Solidarité à plein temps 30 Pastorale : La précarité… Jusqu’à quand ? 32 40 Vidéo : Le millionnaire 42 Livre : Les effets secondaires des rêves Polis : La disparition des preuves 44 Camille : --------- C’est le moment de communiquer ------------3 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE éditorial Celui qui aime Giuseppina Teruggi Le choix de vivre la spiritualité de communion, priorité du XXI CG, trouve sa continuité dans le thème de l’amour, duquel nous sommes appelés à être signe et expression et qui rythme les chemins personnels et communautaires de ces années. «L’amour grandit par l’intermédiaire de l’amour », fait remarquer Benoît XVI. Il est donc nécessaire de l’exprimer dans des gestes quotidiens qui sont les signes vraiment compris des gens. Un signe qui convainc c’est l’être ensemble avec le style du «cénacle ouvert», de la maison accueillante, espace pour croître en humanité, lieu d’où s’active un processus de conversion continuelle à l’amour. Ce numéro de la Revue nous invite à confirmer que plus grand que tout est l’amour. Dans le dossier aux rubriques variées, décline la réalité de l’amour qui comporte quelques éléments certainement à compléter aujourd’hui par cette Hymne à la charité à laquelle l’apôtre Paul a offert les rythmes fondamentaux dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe. Celui qui aime cultive l’espérance résiste aux désillusions, aux difficultés, aux échecs. Avec une capacité d’endurance qui n’est pas seulement une capacité à résister à ce qui est hostile, mais une attitude confiante dans les confrontations de la vie et de l’histoire. Celui qui aime cherche l’unité et ne tolère pas les divisions. Ils sont nombreux à nous le rappeler les petits comme Fatima, une fillette de 11 ans lorsqu’elle écrit : «Dans la ville où je vis il y a de nombreuses personnes qui viennent de partout…Je voudrais un monde où chacun puisse vivre avec ses principes, respectant les autres, un monde dans lequel les pauvres disparaîtraient». Celui qui aime choisit la solidarité. Ainsi en tant qu’Institut, on insiste beaucoup aujourd’hui sur le choix de l’économie solidaire où à la base il n’y a pas la préoccupation de l’inutile ou du profit, mais la personne, la vie en abondance pour tous, la vie selon l’évangile. Celui qui aime vit la mission comme service. Dans ce numéro du DMA on parle surtout par rapport à qui a un mandat d’autorité, appelé en premier lieu à promouvoir la dignité de la personne dans l’estime, la confiance, la charité. Celui qui aime sait écouter. L’écoute est une capacité précieuse : elle permet de se mettre dans la peau de l’autre, s’établissant dans une attitude d’écoute sans préjugés, privilégiant la disponibilité. L’écoute est une dimension du cœur. Celui qui aime réalise une bonne communication, soit avec les anciennes comme avec les nouvelles technologies, qui peuvent devenir instrument de «nouvelles relations et promouvoir une culture du respect, du dialogue, de l’amitié». (Message GM communications sociales 2009). [email protected] 4 Cénacle ouvert : L’amour plus grand que tout 5 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE Cénacle ouvert : L’amour plus grand que tout Julia Arciniegas et Maria Antonia Chinello La Programmation du Sexennat 2009-2014 désormais consignée à tout l’Institut, présente les lignes d’orientation proposées aux communautés éducatives locales et provinciales pour les six prochaines années. «Ensemble, avec Marie, Mère de l’Eglise naissante, qui a accompagné les apôtres dans l’attente de L’Esprit Saint et dans la mission évangélisatrice, nous renouvelons la prise de conscience de la nécessité et de la valeur de la communauté éducative». Voilà l’introduction du 4ème Chemin de conversion à l’amour, qui continue ainsi : «Nous reconnaissons que la communauté éducative est un signe qui rend visible l’amour de Dieu et que nous sommes appelées à croire que l’amour prévenant est plus efficace quand nous en témoignons ensemble, comme communauté éducative.» (Programmation du Sexennat, 16). La Pentecôte et le don de la charité La transformation expérimentée par la communauté des apôtres, réunie avec Marie au Cénacle, s’explique seulement ainsi : Jésus a accompli la promesse qu’il leur avait faite, il demeurera toujours avec eux. Il a envoyé son Esprit dans le cœur de ceux qui, même s’ils n’ont pas cru totalement en lui, ont écouté sa parole et partagé le pain avec lui. La Pentecôte a réalisé le miracle de faire tomber toutes les résistances et a fait que toutes ces personnes peureuses et découragées reçoivent une force venue d’en haut. Cette force est la charité, le feu de l’amour que l’Esprit Saint a répandu dans leur coeur comme premier don du Christ Ressuscité. Cette présence nouvelle du Seigneur dans leur vie infuse aussi en eux le courage d’aimer les autres de la manière la plus gratuite. La charité est chemin de communion. Les fruits de l’Esprit sont amour fraternel, joie, paix, patience, bienveillance, bonté, fidélité, douceur, maîtrise de soi (cf. Gal 5,18-22.25). L’amour pour les autres se vit avant tout à l’intérieur de la communauté éducative. “Aimezvous les uns, les autres, comme je vous ai aimés… Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres” (Jn13, 34). L’effusion de l’Esprit, accompagnée du vent et du feu, remplit toute la maison et les apôtres commencent à parler d’autres langues, annonçant la bonne nouvelle de la résurrection du Christ. Pour la communauté des apôtres, il s’agit vraiment d’un baptême de feu (cf. Mt 3,11), une sorte de nouvelle création (cf. Actes, 18). Ce feu a la mission de transformer ceux qui doivent annoncer, à toutes les nations, le même message, celui de l’amour de Dieu pour chaque personne, rendu visible dans le visage, la vie de Jésus de Nazareth. L’image du feu, souvent utilisée par Saint Jean de la Croix pour décrire les expériences de la vie spirituelle, fait comprendre que c’est toujours le même amour qui agit et illumine les personnes. L’amour du Christ est ce “feu intérieur” qui donne force et passion, soutient notre faiblesse, augmente notre énergie et donne vivacité et fantaisie d’expression à notre amour. La communauté éducative qui se laisse transfigurer par ce feu devient signe de l’amour de Dieu, à travers le partage, la collaboration et la coresponsabilité dans la mission commune. Se convertir et croire à l’Evangile Le Chapitre nous a redit que nous sommes appelées à nous convertir sans cesse et à adhérer sans conditions à l’Evangile pour être 6 ANNEE LVI des personnes et des communautés transfigurées. Ces deux verbes sont complémentaires : ils expriment une unique orientation : changer de direction dans notre vie et orienter notre existence vers Dieu. Ces deux expressions se retrouvent au début de la prédication de Jésus. Marc, décrivant le commencement du ministère de Jésus, écrit : «Les temps sont accomplis et le règne de Dieu est proche, convertissez-vous et croyez à l’Evangile» (Mc 1,14-15). Dieu n’est pas loin, il s’est fait proche et sa présence est désormais expérimentable et perceptible dans notre vie. Si Dieu est présent, inévitablement un changement de direction est nécessaire, une conversion : abandonner les idoles qui remplissent notre vie, notre orgueil, notre ego. Croire en l’Evangile signifie croire à la bonne nouvelle, à l’annonce de l’amour de Dieu proche de nous en son fils jésus, organisant toute notre vie dans une attitude de confiance et d’abandon. Notre vie est remplie d’activités diverses, d’engagements à assurer dans les plus brefs délais, d’échéances à respecter, de responsabilités pour lesquelles nous avons à rendre compte. Ce sont des engagements matériels et MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 spirituels, des organisations, des rendez-vous, des événements divers… Cependant il est important que nous mettions beaucoup d’amour dans tout ce que nous faisons. Quand Jésus a envoyé prêcher ses disciples, il leur a demandé de ne rien prendre avec eux, sauf des sandales et un bâton. Rien d’autre que cela (Mt 10,10). Tout ce qui empêche d’annoncer et de vivre l’amour devient une gêne parce que cela prend de l’énergie et du temps. Tout ce qui est pénétré d’amour ne meurt pas parce l’amour du Père est de toujours à toujours. Rendre visible l’amour prévenant L’amour grandit à travers l’amour, écrivait le Pape dans sa première Encyclique Deus caritas est (n. 18). Le Cénacle n’est pas une demeure stable, mais une base de lancement. Et Marie, présente dans ce lieu, au milieu des disciples, les aide à ouvrir les portes, à vivre l’expérience de l’exode et à se mettre en voyage. 7 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE “La première évangélisée est devenue la première évangélisatrice. En apportant Jésus aux autres, elle offre son service, donne de la joie, fait expérimenter l’amour. Sa sollicitude en chemin vers Ain Karim et son intuition attentive aux noces de Cana révèlent le style audacieux, décidé et créatif de Marie qui pose des gestes d’amour concrets et solidaires” (Actes 33). La visibilité de l’amour demande une continuelle recherche, un incessant aller et retour parce que les signes parlent et les paroles sont vraies et remplies de vie. La communauté est un carrefour où les vies se croisent, où on se sert les coudes pour reprendre des forces : comme l’exprime un dicton du Kenya : “Si tu veux aller vite, cours seul. Si tu veux aller loin, marche avec d’autres.” Il y a quelques années, la CII (Conférence Inter provinciale Italienne) a réfléchi sur la communauté éducative comme icône de nombreuses vocations. La Trinité a servi de trame aux réflexions : à partir de la multitude de visages apparaît le visage de Dieu qui aime, se donne et sauve en se chargeant de tout le poids de nos péchés. Une lettre pastorale de Mgr. Giancarlo Bregantini, ancien évêque de Locri, apporte des précisions sur la parole communauté et donne les sens profonds qu’elle porte en elle. La communauté éducative est un “nous” qui naît de l’expérience profonde d’être “réunis” autour d’une même mission. La communauté est le fruit de relations profondes, de “communications” intenses qui se nouent à l’intérieur et autour d’elle. On se sent communauté comme on se reconnaît dans la communauté. “Réunion”, “communication”, “communauté” ont la même racine. En grec koinòs veut dire “commun”; de là koinonia, communion. En latin commun veut dire cummunus (don vécu et partagé) et cum moenia (défense). Faire l’expérience de la vie communautaire est simultanément un don, un pain rompu qui se partage, qui nous rend missionnaires parmi les gens ; en même temps elle a besoin d’être préservée dans son identité propre, d’avoir des limites et des règles précises. Ces deux aspects, don et défense, sont tous les deux nécessaires à la communauté, mais exigent un équilibre dynamique pour être compris et vécus. En fait, une communauté, où les éléments de défense sont excessivement marqués, est incapable d’ouvrir ses portes au service des autres, proches ou lointains, elle ne peut non plus accueillir les stimulations, les sollicitations, les apports des autres. D’une autre manière, une communauté totalement ouverte sur l’extérieur risque de se perdre dans son environnement et dans son identité. Voilà la difficulté quotidienne que la communauté expérimente : vivre le difficile équilibre entre le don et la défense de son identité. Seules les communautés animées d’un grand amour pour les jeunes et leur salut savent s’ouvrir et réfléchir à leur mission. Et seul l’amour de la mission vécue communautairement aide à redéfinir le cadre de la communauté, à privilégier des espaces pour grandir ensemble. La communauté est un lieu de vie pour croître dans l’amour et vivre l’amour La croissance personnelle et communautaire implique l’adhésion au projet d’amour que Dieu a pour chaque personne et sur la mission que Lui-même confie à l’ensemble des personnes de la communauté. Selon cette perspective, A. Grün voit la communauté comme le lieu dans lequel il est possible de dialoguer pour activer le processus de conversion vers une qualité de relation plus profonde, tendant à la plénitude de l’amour. Dans la communauté, chaque membre accueillIe la richesse des dons et talents des autres membres, mais affronte aussi quotidiennement les conflits et les tensions, comme la critique éventuelle des autres. 8 dma damihianimas ANNEE LVI MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 Pas seulement des paroles pour dire l’amour Parle-moi de Dieu (Sergio Tommasi) Passant par le pré, j’ai demandé à l’amandier : “Frère amandier, parle-moi de Dieu !” ...et l’amandier se couvrit de fleurs. Sortant du jardin, j’ai demandé au passereau : “Frère passereau, parle-moi de Dieu !” ...et le passereau gazouilla joyeusement. Entrant dans le bois, j’ai demandé aux arbres : “Frères arbres, parlez-moi de Dieu !” ...et les arbres frémirent sous le vent. Sautant dans les champs, j’ai demandé à la petite fleur : “Petite soeur fleur, parle-moi de Dieu !” ...et la fleur me fit sentir son parfum. Courant sur la plage, j’ai demandé à la mer toute bleue : “Ma soeur, la mer, parle-moi de Dieu !” ...et la mer envoya une vague sur mes pieds. Regardant le ciel, j’ai demandé aux nuages : “Frères nuages, parlez-moi de Dieu !” ...les nuages me montrèrent le soleil. Qui est Dieu ? Tu le connais ? Pawel a huit ans et vit avec son père, depuis que celui-ci s’est séparé de sa femme. A son âge, on cherche des réponses aux pourquoi de l’enfance : quel sens a la vie ? Est-ce que Dieu existe et qui est-il ? Qu’est ce que l’âme ? Un premier dialogue avec son père autour de ces questions et les réponses murmurées et imprécises ne l’ont pas satisfait. C’est alors qu’il s’est tourné vers sa tante Irène : Pawel – Papa m’a dit qu’on vit pour faciliter la vie à ceux qui viendront après nous. Il a dit aussi qu’on ne le réussit pas toujours. Tante Irène – Eh oui, pas toujours. Papa a raison. Ce qui donne de la joie à la vie c’est de pouvoir faire quelque chose pour les autres. Pouvoir les aider à exister… Réfléchis bien, faire une petite chose pour quelqu’un, te fait te sentir utile et tout peut devenir plus clair. Il y a de grandes choses et de petites. Aujourd’hui tu as aimé les raviolis et moi j’ai été contente. Vivre est un cadeau ! Un don. Pawel – Dis-moi, tante. Papa est ton frère, n’est-ce pas? Tante Irène – Bien sûr, tu le sais. Ce que tu veux me demander est : pourquoi sommes-nous si différents ton père et moi ? Pawel – (acquiesce) Tante Irène – Nous avons été éduqués dans une famille catholique. Ton père était plus petit que toi quand il a découvert que beaucoup de choses peuvent se calculer, se mesurer… et puis il a commencé à le penser pour toute chose. E depuis lors il est resté sur cette idée. Certaines fois il ne sera pas du tout convaincu, mais il ne veut pas l’admettre. Certes, sa manière de voir la vie apparaît plus raisonnable… mais ceci ne signifie pas que Dieu n’existe pas, même pour ton père. Tu comprends ? Pawel – Pas beaucoup. Tante Irène – Dieu existe. C’est très simple, si on le croit. Pawel – Et tu crois que Dieu existe ? Zia Irena – OUI. Pawel – Qui est-il ? Tu le sais ? Tante Irène – (l’embrasse) : Dis-moi, qu’est-ce que tu sens maintenant ? Pawel – Je t’aime beaucoup. Tante Irène – Exact ! Et lui est présent dans cet amour ! (du Premier Décalogue, de Kryzstof Kiewslowki) 9 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE Pour le partage communautaire Le 4ème Chemin de conversion à l’amour proposé dans la Programmation du Sexennat 2009-2014 demande d’“accompagner les processus relatifs à l’identité de fma, à la communauté éducative ouverte aux nouveaux défis, et à l’inter culturalité de l’Institut”. En particulier, il demande de “promouvoir l’identité de fma en aidant les communautés à vivre dans la fidélité à l’Evangile et au charisme pour répondre aux urgences d’une éducation évangélisatrice à la lumière de la Doctrine sociale de l’Eglise”. Dans une rencontre on pourrait réfléchir sur quelles conditions sont nécessaires à la communauté pour vivre l’équilibre entre le don et la défense de son identité. - - - - - Comment préserver des moments pour réfléchir, regarder de près les expériences communautaires et les revoir à la lumière de l’Evangile ? Comment écouter et dialoguer pour faire naître plus de coresponsabilité ? Comment être attentives aux demandes éducatives pour ne pas renoncer et éduquer l’espérance et à l’espérance ? Comment vivre une communion plus intense pour qu’il y ait des projets, la continuité et la valorisation de l’apport de tous ? Comment la personne qui a le service d’autorité peut définir avec clarté la mission de chacune pour confier des responsabilités, prendre soin de la vie, réorganiser les ressources ? Comment risquer ensemble la nouveauté de la mission dans l’incertitude du temps présent ? Tout cela peut devenir un potentiel créatif pour approfondir toujours plus sa connais-sance personnelle et la gestion de sa propre vie. Nous avons besoin de la médiation de l’autre, pour nous aimer et nous accepter réciproquement, pour apprendre à aimer. Donner et recevoir gratuitement est le dynamisme de l’amour vrai. Un amour libre, capable d’exister et de durer sans être conditionné par la réponse ou par le mérite de celui à qui il est offert. Donner gratuitement à la manière de Dieu. Recevoir gratuitement, en faisant confiance à qui donne, avec un coeur ouvert et disponible à accueillir. Ces attitudes, Marie nous les enseigne, elle qui est maîtresse d’accompagnement réciproque. Elle, qui est habitée par l’Esprit, prend soin des amis de son Fils, attend avec eux l’heure promise par Jésus et devient Mère de la première communauté missionnaire (cf. Actes, 33-35). L’amour qui engendre La communauté est une instance qui se construit dans le don et dans la réciprocité. C’est un art de la communion, qui reconnaît comme guide une autorité qui se fait service et dans ses membres des frères et des soeurs qui travaillent ensemble. Dans la lettre de St Paul à Philémon, il est possible de retrouver la dialectique du service d’autorité et de l’obéissance : servir dans la liberté pour accompagner et ensemble se convertir à l’amour. Dans cette lettre, simple billet écrit de la main de l’apôtre, est concentrée la réflexion faite par les quatre communautés dépendant de la supérieure générale et donnée à Mère générale au cours de la fête de la reconnaissance, célébrée à Damas. Le thème du chapitre y apparaît très clairement : 10 ANNEE LVI la conversion à l’amour, en adhérant avec radicalité aux exigences de l’Evangile. Le fait d’être consacré totalement au Christ rend Paul capable d’aimer. Un amour tellement profond qui lui permet de “négocier la liberté” d’un esclave au Christ pascal. Il a eu confiance dans la transformation d’Onésime et maintenant il sert de médiateur entre le patron et l’esclave : un rôle d’accompagnement difficile et délicat, parce que Philémon est lié à l’apôtre par une profonde amitié. Paul est prêt à payer de sa personne, à endosser les dettes de l’esclave, parce que l’amour vrai est exigent et a un coût. Jésus est son Maître : il a appris de Lui la mesure pascale de l’amour. Quels sont les signes qui montrent le chemin de conversion à l’amour ? - La relation attentive à la personne : chaque soeur et chaque jeune est un don de Dieu. Un don qui invite au respect, au prendre soin, à la responsabilité. - La construction de la communauté est confiée à chacun/chacune à partir de chaque effort de dialogue, par l’apport personnel pour créer des liens, dans les tentatives d’ouverture face à la diversité, par les actes de confiance dans les capacités de l’autre, mais surtout dans l’amour profond et personnel pour le Christ. - Le savoir rendre grâce à Dieu pour la charité et la foi que chaque soeur a pour le Seigneur Jésus et pour le bien qu’elle accomplit, qui naît de la capacité d’émerveillement pour ce que Dieu réalise en chacune. - Le faire confiance aux autres, comme Dieu nous fait confiance : faire confiance aux soeurs et aux jeunes même quand il nous faut MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 dépasser des impressions négatives et des préjugés. - Le pardon comme acte d’amour évangélique et le savoir prier pour les autres en les supportant concrètement pour avoir une meilleure collaboration dans l’action éducative et pastorale et conduire à Jésus Christ un plus grand nombre de frères et soeurs. - L’exercice de l’autorité ne grandit pas la personne en voulant imposer quoique ce soit, mais il peut les aider en accompagnant leur croissance pour une vie renouvelée, en favorisant la communion avec la vie même de Dieu. Aujourd’hui, dans le déroulement de l’histoire, les jeunes, les hommes et les femmes ont plus besoin de gestes que de paroles, de notre silence expressif, de notre sourire qui ne juge pas, mais montre beaucoup d’amour : l’amour du Père qui est mère, frère, soeur. L’amour d’une Présence qui se laisse habiter, prenant sur lui le bien et le mal de la personne qui est en face de lui, pour le vivre ensemble et chercher ensemble des signes d’espérance. C’est seulement en donnant et recevant de l’amour que l’on sent tout le poids de la béatitude de la vie. [email protected] [email protected] n - 11 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE la vignette 12 ANNEE LVI MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 Approfondissements bibliques éducatifs et formatifs 13 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE les femmes dans la parole L’étrangère des miettes Elena Bosetti Que n’est disposée à subir une mère pour sa fille malade ? Que de choses n’est –elle pas disposée à subir ? La femme Cananéenne ne se rend pas face au silence de Jésus, elle court derrière, le rejoint, se jette à ses pieds et le supplie : Seigneur, aides-moi ! » (Mt 15.25). L'évangile de Marc et de Matthieu laissent entrevoir un certain développempent dans la mission de Jésus, lié pas simplement aux facteurs de caractère historique ou politique, mais plutôt au discernement progressif du vouloir du Père. Jésus manifeste avant tout la conscience d’avoir été envoyé «pour les brebis perdues de la maison d’Israël» Mt 10,6) ; 15,24). Il a compssion des foules «harassées et prostrées comme des brebis sans pasteur» (Mt 9,36), il les nourrit avec la parole et le pain de vie, prépare une rable gratuite et festoie sur l’herbe verte, signe lumineux de son être «venu pour qu’il aient la vie et la vie en abondance» (cf Jean 10.10). Jésus nourrit surtout Israël, mais ne reste pas sur le rivage hébraïque. Il traverse le lac de Galilée et multiplie aussi le pain sur l’autre rive, celle des païens. Il est intéressant de noter concrètement que ce soit une femme, et de plus une païenne, à provoquer cette ouverture universelle de sa mission : une «cananéenne» selon Matthieu, une «femme grecque d’origine syro-phénicienne», précise Marc (7,26.) «Du Pain pour tous La femme pensait probablement qu’un homme comme Jésus, qui n’avait pas peur d’entrer dans un territoire païen, était disposé à aider qui a besoin. Pourtant elle entendit cette réponse : «Il n’est pas bon de prendre le pain des fils pour le jeter aux chiens.» Elle aurait pu s’offenser. Jésus utilise une phrase proverbiale que la femme connaît bien, mais à laquelle, certe, mais qu’elle ne s’attendait certainement pas à ce qu’il la prononce Dans un langage métaphorique elle savait que l’on disait que les hébreux sont «les fils» et que les gentils, auxquels elle appartenait, sont les «petits chiens». Le diminutif atténue la dureté mais ne change pas la substance. Les chiens étaient considérés par les hebreux comme des animaux impurs et méprisables (cf 1 Sam 24.15 ; Pr 26.11). Mais cette femme ne fut pas offensée ; elle ne fit pas marche arrière. Elle objecta, au contraire, avec une contre-métaphore : «justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table…» Avec une bonne dose de finesse et d’obstination, la syro-phénicienne renversa la perspective à partir de sa culture et de son rapport différent avec les animaux en question : les petits chiens. Elle contrairement, aux hébreux, ne considère pas les chiens comme des animaux impurs et donc, peut tranquillement entrer dans la maison et être sous la table… qui a raison ? Là n’est pas la question. Mais comment ne pas convenir que c’est le pain pour tous, à la table de Dieu ? Comment nier les miettes surabondantes de la miséricorde divine ? i 14 dma damihianimas ANNEE LVI Qu’il te soit fait comme tu le désires ! Jésus reste impressionné par cette logique hardie. La femme a bien argumenté son discours, il est vaincu par cette épreuve verbale. Jésus accepte sa parole (logos) et la reconnaît puissante : «Par cette parole, va, le démon est sorti de ta fille» (Mc 7,29). Parole puissante parce que pleine de cette énergie vitale qu’est la foi, comme cela apparaît dans la rédaction de Matthieu : «Femme, grande est ta foi, qu’il te soit fait comme tu le désires». (Mt 15,28) La désarmante insistance de cette étrangère obtient, non seulement les miettes invoquées (le salut de sa fille) mais beaucoup plus : la multiplication du pain aussi pour les païens. Jésus va décidément dans cette direction : œuvre de guérison et salut aussi au-delà des confins d’Israël. Il poursuit en effet par la guérison d’un sourdmuet dans le territoire de la Décapole, sur la rive orientale du lac de Tibériade, habitée par MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 non hébreux (cf Mc 7,31-37). Jésus prend le sourd-muet à part, met le doigt dans ses oreilles, lui touche la langue avec sa salive, puis, levant les yeux au ciel, soupire et dit : «Effatà !» c’est à dire «Ouvres-toi !». L’allusion symbolique est évidente. Aussi les païens, sourds et muets dans la confrontation avec la Parole de Dieu, reçoivent la possibilité de devenir «fils» dans une relation dialoguante qui inclut la capacité d’écouter et de parler. C’est aussi pour eux le pain en surabondance. La femme syro-phénicienne a vu juste : la table de Dieu est grande, c’est le pain pour tous, fils et petits chiens. Elena Bosetti 15 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE vie consacrée et… Service d’autorité Martha Seide “Dans le passé l’exercice de l’autorité était facilité par le climat culturel qui demandait au religieux une obéissance aveugle. Aujourd’hui beaucoup de choses ont changé, on demande moins l’autorité aux supérieurs mais plutôt la responsabilité qui en découle, c'est-à-dire être au service de la fraternité et de la mission : une purification opportune, conséquence de la pauvreté actuelle.” (Pier Giordano Cabra Avec cette affirmation, un peu trop général, le Père Cabra, un des grands experts de la vie consacrée, nous introduisait déjà ains,i à l’aube du nouveau millénaire, dans le très vif débat de la problématique autorité-obéissance. En fait, le service d’autorité n’a jamais été une mission facile au sein de l’histoire de l’Eglise et de la vie consacrée. Cependant, ces dernières décennies, les grands changements culturels qui ont bouleversé, non seulement la société, mais aussi les Congrégations et les communautés, demandent que ce thème soit sujet à réflexion. En considérant le service d’autorité, on assiste souvent sur la polarisation de deux excès relevés de manière magistrale par le théologien jésuite latino-américain renommé, José Maria Guerrero dans la revue Clar (mars-mai 1999). La vie consacrée –note en synthèse le Père Guerrero- n’a pas besoin de personnes autocratiques et dominatrices qui se sentent investies d’une vocation messianique pour guider de manière despotique les frères et les sœurs, et pas moins de personnes peureuses, qui craignent leurs frères et ont comme unique préoccupation de leur faire plaisir, même de les servir, ce qui justifie leur «laisser faire» disant qu’ils «sont assez grands» pour savoir ce qu’ils doivent faire, qu’ils n’animent pas la communauté ni ne font des projets pour son avenir, qu’ils ne cherchent pas avec toutes ses membres, ne les invitent pas à vérifier le projet communautaire élaboré par tous, ni ne sont proches de chacun des membres pour l’écouter, le comprendre, l’aider à discerner sa mission, et l’encourager fraternellement, quand cela est nécessaire.” Il s’agit donc d’éviter toute forme d’autoritarisme, d’abus de pouvoir ou de déléguer dans l’exercice du service d’autorité. Jésus, serviteur obéissant En continuité avec les indications des documents qui ont accompagné le chemin de la vie consacrée ces dernières années, l’Instruction Le service de l’Autorité et l’Obéissance ‘Faciem tuam, Domine, requiram’, de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, à la réflexion sur le binôme obéissance et autorité, souhaite réaffirmer la relation particulière avec le Seigneur Jésus, Serviteur obéissant. En outre, elle entend aider l'autorité dans son triple service : à chaque personne appelée à vivre sa consécration, à construire une communauté fraternelle, à participer à la mission commune. Au fond, c’est un rappel à retourner aux racines mêmes de la parole «auctoritas» du verbe augere qui signifie faire mûrir, faire croître. Chercher à se rapprocher de chaque personne pour la faire mûrir, la faire croître. 16 dma damihianimas ANNEE LVI Chercher à se rapprocher de chaque personne pour la faire grandir en plénitude. La référence à Jésus serviteur obéissant est un rappel d’une part à refonder l’obéissance et d’autre part à ré-évangéliser l'autorité. Il s’agit de remettre constamment en évidence l’ancrage évangélique de telle manière que tout autorité, personnelle ou celle de l’autre, serve à donner le pouvoir, à libérer, à valoriser, à motiver et à orienter, mais jamais à appauvrir, à conditionner ou à humilier. Ces attitudes sont mises en évidence dans le document de manière magistrale, quand il présente la priorité de l’autorité religieuse dans la logique évangélique. L’autorité est appelée à être avant tout une autorité spirituelle, apte à servir la communauté en lien avec ce que l’Esprit Saint suggère chaque fois, aux personnes, distribuant à chacun dons et charismes. Cela exige une présence constante, capable d’animer et de proposer, de rappeler les raisons d'être de la vie consacrée, d’aider les personnes à être cohérentes dans leur vie en fidélité à leur engagement. Pour cela elle doit être une autorité orante et garante de la prière. Accompagner et promouvoir D’autre part, l’autorité promeut la dignité de la personne humaine, en rappelant que toute personne a des droits au-delà de ses obligations, mais surtout en montrant de l’estime, du respect et de la charité en vers elle. L’autorité est appelé à accompagner, à créer confiance et couragedans l’adversité et les difficultés, selon l’exemple de Paul et Barnabé, qui exhortaient leurs disciples en enseignant à “affronter beaucoup de tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu” (Act. 14, 22). MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 Dans cette perspective, le service d’autorité doit avoir la capacité d’être gardien et garant du charisme spécifique de l’Institut religieux propre, et en même temps, il se doit de promouvoir le sens de la communion ecclésiale. Enfin, l’autorité est appelée à accompagner et promouvoir la formation permanente, de manière à favoriser la croissance de la personne à chaque période de la vie. Si l’autorité-obéissance est au service de la communauté et la communauté au service du Royaume, face aux multiples défis actuels, ceux qui sont appelés à exercer ce service ont le devoir exigeant de coordonner de manière adéquate les énergies en vue de la mission. Là aussi l’Instruction énumère un certain nombre de devoirs importants relatifs au service d'autorité : avant tout celui d’encourager et d’assumer ses responsabilités et les respecter ; d’affronter les différences dans un esprit de communion ; de maintenir l’équilibre entre les aspects variés : mission et communauté, activité et prière ; de cultiver la miséricorde du cœur et le sens de la justice ; de promouvoir la collaboration avec les laïcs. Pour conclure, nous pouvons affirmer avec José Maria Guerrero que «l’autorité ne transforme pas une personne en gardien de l’observance, mais en éducateur de la charité au moyen de la fidélité inconditionnelle et dynamique au projet de Dieu sur chacun de nous et sur tous, Le recherchant avec simplicité de cœur et liberté intérieure, et lactualisant avec passion». [email protected] 17 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE œcuménisme Témoins d’unité Bruna Grassini L’appel à l’unité des chrétiens que le Concile Oecuménique Vatican II a annoncé comme un devoir essentiel résonne avec toujours autant de vigueur dans le cœur des croyants. Le progrès du dialogue oecuménique, qui a son fondement en Jésus, le Verbe de Dieu, représente un signe de grande espérancepour l’Eglise d’aujourd’hui. La croissance de l’unité entre chrétiens est un enrichissement mutuel pour tous. Il s’agit de contempler avec joie tous les progrès réalisés jusqu’à présent, en reconnaissant en eux un signe de l’action de l’Esprit pour louer et remercier le Seigneur. (Ut unum sint – Eglise en Europe) L’unité de l’Eglise n’est pas seulement une espérance. Elle existe déjà. Cependant elle n’est pas encore arrivée à sa totale visibilité. Jean Paul II disait : «L’oecuménisme est le chemin vers l’unité voulu par Jésus.» C’est l’engagement de vivre et d’accueillir fidèlement l’action de l’Esprit Saint que le Seigneur a donné à son Eglise et dans laquelle Il veut embrasser tous les hommes : «Un don qui vient d’en haut. Un seul troupeau, un seul Pasteur.» Dans un discours à la Curie Romaine, Paul VI présentait l’Eglise Catholique, tenant les frères séparés par la main. C’est le geste qui exprime et réalise la fraternité de ses membres dans l’unique famille humaine, des uns vers les autres, sous le regard de Dieu. C’est ainsi que l’on devient apôtres, instruments d’unité avec les hommes et avec Dieu. A la clôture du Concile Vatican II, le Pape et le Patriarche Athénagoras ont échangé le baiser de paix et ont brisé le sceau des excommunications du passé. Ensemble ils sont devenus pèlerins au nom de l’”Unique Seigneur”, dans un dialogue courageux de compréhension et d’espérance. Est apparue alors, une Eglise que l’on croyait disparue. L’horizon s’éclaircissait et une nouvelle relation prenait forme entre les croyants, unis sur un vrai chemin de réconciliation. La voie de l’oecuménisme La communion est le coeur du mystère de l’Eglise. Jean XXIII disait : «Ce qui nous unit est bien plus important que ce qui nous divise.» Et Benoît XVI, à Rome, dans la Basilique Saint Paul hors les murs, durant la prière pour l’unité des chrétiens, soulignait : «La voie de l’œcuménisme est la voie de l’Eglise. Quelle route nous avons encore à tracer devant nous ! Mais ne perdons confiance, au contraire avec encore plus de confiance continuons le chemin ensemble.» Le Christ nous précède et nous accompagne. Benoît XVI a parlé ainsi au Conseil Oecuménique polonais. Beaucoup reste encore à faire pour effacer de profondes et douloureuses divisions. Si nos coeurs et notre esprit sont ouverts à l’esprit de communion, Dieu peut encore opérer des miracles dans l’Eglise tissant des liens d’unité. Quand la déclaration commune catholique et luthérienne sur la doctrine de la “justification” a été signée, beaucoup de personnes ont dit : «Il m’a semblé que l’Esprit Saint passait sur cette assemblée et que le poids des divisions était allégé». «Un bonheur jamais autant expérimenté. Etre prophétie et levain d’unité au sein de l’humanité.» 18 dma damihianimas ANNEE LVI Graine d’espérance Saint Basile disait à ses moines : «Si tu vis seul, à qui peux-tu laver les pieds ? Comment fais-tu pour te mettre à la dernière place ? La vie communautaire est donc comme un stade dans lequel nous nous exerçons comme les athlètes, un gymnase où nous pouvons progresser.» MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 L’Archevêque oecuménique Antonios Naguib, patriarche catholique des Coptes d’Alexandrie, a relancé l’ “Oecuménisme de la Vie” lors de sa visite en Italie. C’est l’oecuménisme des contacts quotidiens. Cherchons à créer des liens de communion dans nos relations, dans la prière, dans les rencontres avec nos frères sans discriminations. Le monde tend à l’unité. Le chemin vers une communion authentique et pleinement visible des chrétiens entre eux est une priorité : nous savons combien ce chemin est ardu et en même temps urgent. Seule la conversion des coeurs, seule une spéciale intervention de l’Esprit Saint, peut opérer le miracle. Il s’agit de créer une certaine proximité et amitié, les uns avec les autres, valoriser ce que nous avons en commun, réfléchir sincèrement sur ce qui nous divise encore, pour ne pas laisser d’ambiguïtés. C’est le dialogue demandé et désiré par le Concile, par le pape Jean Paul II et par Benoît XVI. Notre temps, disait Jean Paul II, exige une nouvelle évangélisation. L’annonce de l’Evangile ne peut être efficace s’il n’est pas accompagnée d’une robuste spiritualité de communion. Dans le document “Vie Chrétienne” nous lisons : «La communion fraternelle, quand elle est fondée sur l’Evangile, est le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu Le dialogue oecuménique commence là. [email protected] 19 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE le fil d’ariane En premier l’écoute Giuseppina Teruggi Au cours des différentes périodes de l’histoire ont émergé des innovations particulièrement appréciées et encouragées. Notre culture contemporaine, globalisée a mis particulièrement en valeur certaines tendances qui accentuent l’affirmation de soi, la capacité de s’exprimer de manière brillante, la rapidité dans les répliques. Mais aujourd’hui , les compétences dites passives sont peu valorisées et la critique s’élève face à des paroles comme écoute, patience, humilité, paroles qui ont comme dénominateur commun l’aptitude à se décentrer de soi pour se tourner vers une autre valeur, soit Dieu, la personne, un projet de vie. Dans une époque qui privilégie la visibilité et l’efficacité, en tant qu’éducatrices de jeunes, nous sommes provoquées à réfléchir sur des propositions alternatives de réalisation personnelle et sociale, qui pourront donner en définitif, sens et fécondité à la vie et apporter bonheur et espérance A ce propos, le texte poétique d’Umberto Saba, intitulé Méditation, est très expressif : Le bleu foncé s’estompe / En un bleu azur tout étoilé. / Je me tiens à la fenêtre /Et je regarde./ Je regarde et j’écoute; / Parce que toute ma force / Tient à cela :Regarder et écouter. Points de vue Après un temps de présence dans une de nos maisons, beaucoup de personnes demeurent fascinées par le climat que l’on y respire. L’accueil, l’attention à la personne, la sympathie du regard, la prédisposition à l’écoute : ce sont des aspects qui créent un certain bien être et laissent une impression positive à ceux qui nous fréquentent. Quelques fois il suffit d’une ou quelques sœurs pour donner cette tonalité à toute la maison. Les jeunes et les laïcs conservent souvent le parfum de ce qu’ils ont vécu dans la maison salésienne, grâce à des personnes qui ont simplement su regarder et écouter, avec la bonté dans le regard et un cœur attentif. Alors le désir de revenir imprègne la personne ainsi que celui de revivre la fascination de l’expérience vécue. Avec, peut-être aussi, le désir d’y rester. Malheureusement, cela ne se passe toujours ainsi : nous en sommes toutes conscientes. Une soeur se demandait, à voix haute : pourquoi ne réussissons-nous pas à construire une famille dans notre communauté ? Qu’est-ce qu’il nous manque pour rendre vivable nos maisons, pour faciliter la vie en commun, améliorer les rapports entre nous ? Je doute qu’il existe des réponses exhaustives à ces questions. Les points de vue sont tellement nombreux et chacune peut se focaliser sur un ou plusieurs éléments, en fonction de la vie concrète de sa communauté. Même si, peutêtre, il reste toujours le dilemme de l’urgence de passer des idées à la vie. Autrement rien ne changera jamais. Ici nous voulons réfléchir sur une compétence qui constitue une condition de base pour favoriser la communion, pour faire grandir les capacités de relation, pour apporter plus de joie et de confiance dans nos communautés. C’est un point de vue. Je retiens comme qualité importante l’écoute : une attitude en apparence “passive”, en réalité “constructive”, qui implique un grand dynamisme et une réelle ascèse. Au niveau personnel et 20 dma damihianimas ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 communautaire. Il a été dit que l”écoute vraie” est un talent peu développer. Si, au cours de notre vie, nous pouvions rencontrer cinq personnes qui savent vraiment écouter, nous devrons déjà nous en satisfaire. Dans notre bilan personnel, peut-être pouvons-nous encore retenir que nous avons eu de la chance. Reste le fait qu’écouter cela s’apprend quand on le souhaite : ce n’est pas quelque chose de spontané, c’est plutôt une aptitude complexe qui s’apprend difficilement. Parce que cela touche la sphère de notre être profond, le lieu où l’on est capable de décider que la vie est un cadeau pour notre bonheur et celui des autres, de tous ceux qui vivent près de nous. Ce n’est pas seulement un processus de réalisation personnelle. Pour une communication heureuse L’écoute a son fondement dans la volonté de vivre des relations positives, dans l’acceptation réciproque, dans l’empathie. On parle de plus en plus souvent d’écoute active. Il s’agit d’une écoute ouverte, basée sur une attitude accueillante sans préjugés, sur la disponibilité pas seulement en vers la personne que l’on écoute, mais aussi en vers soi-même. En fait, il est important d’écouter sa propre sensibilité, ses réactions intérieures, être conscient de ses limites personnelles ainsi que de ses connaissances. C’est toujours très difficile de comprendre vraiment l’autre. L’écoute a été définie comme «Un ensemble d’actes perceptifs à travers lesquels nous entrons spontanément ou involontairement au contact d’une source de communication». Cependant, écouter n’est pas entendre, ce n’est pas seulement un processus de compréhension. C’est surtout une dimension du coeur. Ecouter avec le coeur permet d’avoir un regard bienveillant et non inquisiteur. Habituellement, l’écoute présuppose plusieurs processus. Avant tout, la réception du message, qu’il soit verbal ou non. Pour recevoir le message, il est important de bien comprendre ce qui vient de nous être dit et se concentrer sur cela. Ce qui demande ouverture, attention, capacité de voir de quelle manière la personne s’exprime : visuelle, auditive, compormentale. A la réception du message suit son élaboration et son décodage. Il faut tenir compte du contenu objectif qui vient de nous être transmis, accueillir ce que la personne est en train de dire, comprendre ce qu’elle dit d’elle-même, ce qu’elle demande, même implicitement. Enfin, pour qu’une écoute soit authentique, il est nécessaire de donner une réponse, fournir des éléments qui montrent que la communication a bien eu lieu, soit de manière positive ou négative. C’est le moment délicat de la dynamique de l’écoute, les réponses peuvent avoir plusieurs formes : compréhension, encouragement, soutien, sympathie. Ou ce sont aussi des réponses qui tendent à évaluer, à interpréter, elles sont souvent déroutantes pour la personne. Même sans prononcer de paroles. Il convient d’analyser avec sagesse sa manière d’écouter et d’avoir un regard critique. Il y a une manière d’écouter "par à coups", quand on se laisse prendre par des distractions, par l’imagination ou quand on se fie à notre intuition qui tout de suite saisit ce qui est important, laissant de côté ce qui paraît moins important. C’est une écoute passive, qui ne communique pas, vécue comme une occasion de pouvoir parler à sa guise. Certaines fois, on utilise une “écoute logique”: on se prend à écouter en tenant compte essentiellement de la signification rationnelle de ce qui vient de nous être dit. L'attention se concentre presque complètement sur le contenu exprimé. Et il y a aussi une “écoute empathique”, la plus efficace, quand on essaie de se mettre à la place de l’autre, quand on cherche à comprendre son point de vue. Réaliser une écoute empathique implique l’exclusion de tout jugement, mais aussi de tout conseil facile et de la tension de "devoir se donner du mal" pour résoudre le problème. Cette écoute empathique 21 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE consiste simplement à faire comprendre que l’on reçoit cordialement ce qui vient de nous être confié. C’est un partage en profondeur. Une autre modalité de l’écoute qui semble importante, tente de réduire les incompréhensions et aide la personne à s’exprimer sans crainte ; souvent elle stimule la personne qui cherchera à améliorer son expression orale, aussi dans les contenus. De plus, elle aboutit à de meilleurs rapports avec les autres parce qu’elle accroît l’estime de soi, la confiance en soi, le respect réciproque. Et elle favorise l’apport dun certains nombres d’informations. Et si nous donnions la première place à l’écoute? L’aptitude à l’écoute est tellement importante que certaines fois, même sans avoir d’autres compétences, elle peut à elle seule, être facteur de libération, de soulagement qui arrive aussi à guérir des blessures douloureuses et parfois incurables. L’écoute a une force thérapeutique. Dans le processus évolutif, les aptitudes qui s’acquièrent ont une progression chronologique : en premier il s’agit d’écouter, puis de parler, donc de lire et enfin d’écrire. Et pendant que, selon les statistiques, dans le courant de la vie, l’usage de l’écoute est en moyenne de 45%, celui de la parole 30%, de la lecture 16% et de l’écriture 9%, de fait l’enseignement de ces mêmes aptitudes donne une grande place à l’écrit, relativement assez à la lecture, peu à la parole et presque rien en lien avec l’écoute. Nos habitudes d’écouter ont été influencées, en quelque sorte, par des modèles appris durant l’enfance et par la manière avec laquelle s’est développée notre intégration dans les premières expériences de socialisation. Il nous reste donc l’engagement personnel et quotidien, d’apprendre et de développer notre aptitude à l’écoute. Avec un peu d’exercice, il est possible d’arriver à assumer une compétence de l’écoute, et en conséquence la communication interpersonnelle. Il est utile toutefois de recourrir à des procédés simples, en utilisant par exemple la modalité emphatique. Par exemple, dans une situation où une personne se trouve dans un état émotif très grand (irritation, anxiété, agitation), pour une raison qui ne dépend pas de moi, j’essaie de l’écouter de manière emphatique. Et j’essaie de l’écouter aussi de manière emphatique quand le problème qui est la cause de son état émotif me touche aussi, parce que l’autre considère que j’en suis la cause. Souvenons-nous de quelques personnes que nous considérons comme des "personnes qui savent écouter", dont nous avons ressenties la qualité de l’écoute, laissons passer dans notre esprit leur manière de faire et goûtons les sensations agréables que ce souvenir nous procure. Ou bien rappelons-nous certaines situations où une meilleure écoute aurait résolu de manière plus positive un problème… L’écoute a de profondes racines bibliques. Dans la Bible, Dieu est défini comme une personne de relations et de dialogues : Celui qui parle. Le croyant, qui voit en Dieu l’Amour plus grand que tout, est surtout appelé à écouter. A ce propos, Enzo Bianchi précise que «…celui qui écoute, qui décline son identité sur la base du paradigme de l’écoute est aussi celui qui aime : à sa racine, il est vrai que l’amour naît de l’écoute, amor ex auditu. L’écoute authentique et exigeante de Dieu devient accueil , ou mieux encore, révélation en soi d’une présence encore plus intime à soi-même que peut l’être notre propre moi.» [email protected] n 22 Inserto dma Quelqu’un peut-il réaliser mon rêve ? 23 La tête voilée Je suis arrivée en Europe depuis peu. Nous avons ma mère et moi rejoint mon père. Pendant des années, il est resté seul avec mes oncles et cousins. Le travail de Papa est précaire mais il nous dit que ça va un peu mieux. Maman reste à la maison et sort uniquement pour m’accompagner à l’école. Je suis musulmane et avec Maman nous lisons le Coran et nous récitions les prières. Elle a toujours la tête voilée et moi aussi. Au début, mes camarades d’école riaient, maintenant ça va un peu mieux. Dans la ville où je vis, les gens viennent de toutes les parties du monde, Il faut donc accepter chacun avec sa religion et ses usages, ses prières. Je voudrais un monde où chacun pourrait vivre avec ses idées, en rsepectant les autres et je voudrais un monde d’où la pauvreté aurait disparu. Fatima, 11 ans J’ai besoin de tant de choses Papa m’emmène faire la manche le soir, devant un grand restaurant ou devant une église. Quelques fois des dames s’arrêtent et me demandent si je vais à l’école ou si j’ai besoin de quelque chose. J’ai besoin de tant de choses, de jouer, de rire, d’aller à Luna park, de rester avec des amis. Je pense toujours à mes frères et à Maman. Je rêve d’un monde où chacun peut rester dans le pays où il est né et où le travail des enfants est interdit. Quelqu’un peut-t-il exaucer mon rêve ? Je ne le crois pas, mais je le dis quand même. Comme on le dit dans une histoire de mon pays, on peut comprendre que les lutins trouvent le matin un porc épic encore vivant, qui a survécu au gel nocturne. Nous espérons vraiment que vienne un monde parfait parce que le mien ne l’est en rien Ornela, 10 ans 24 25 Visages d’enfants, Visages d’avenir ? Tayana a sept ans et rêve de devenir joueuse de tennis. Saranda en a neuf et depuis longtemps veut être journaliste. Ce sont des enfants comme tant d’autres qui étudient dans la petite école du village de Binca/Binaq : deux petits bâtiments construits contre l’église orthodoxe, à peu de distance du centre, lequel se compose de deux commerces. Une histoire comme tant d’autres, si Tayana n’était pas serbe et saranda albanaise. Et surtout, si leur école, où elles étudient ensemble, ne se trouvait pas au Kosovo, maintenant ex-province serbe où les affrontements entre les deux ethnies ont ensanglanté la fin des années 90. A Binca/Binaq (nom serbe et albanais du petit pays) depuis 2001, on a mis en place une école multiethnique : les enfants des deux communautés, répartis dans des classes séparées peuvent ainsi y suivre le programme aussi bien en serbe qu’en albanais. Ils peuvent étudier ensemble en partageant les heures de cours comme de musique, de dessin, d’éducation physique en plus des temps de récréation. Un exemple rare dans cette région des Balkans où, même si les violences ont diminué avec les années, les deux communautés ont tendance à vivre isolées, même parfois au sein d’un même village. Il y a encore beaucoup à faire avant de pouvoir parler vraiment de réconciliation. Source: Agence SIR 13 (2009) 20 février. 26 ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 Lecture évangélique des faits contemporains 27 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE coopération développement Solidarité à pleines mains Mara Borsi Des mains qui tissent la solidarité est un Réseau constitué de divers groupes communautaires qui transmettent les valeurs d’une économie éthique et solidaire. Il est développé par la Province brésilienne Sainte Catherine de Sienne qui est en mission dans l’Etat de San Paulo. Il y a deux ans le Réseau a édité un document intéressant intitulé Economie Populaire Solidaire avec le but de divulguer les idées qui sous tendent la vision d’une économie alternative. Le réseau - Mains qui tissent la solidarité – est né des nécessités rencontrées par les œuvres sociales des communautés des FMA. Communautés qui ont déjà des activités de productions et qui ont besoin de trouver des débouchés pour la commercialisation de leurs produits. L’idée de mettre en place un projet d’économie solidaire a été tout de suite accueillie favorablement par quatre groupes et une école qui, en 2005, ont commencé à se réunir avec, comme objectif, de connaître, d’appliquer et de répandre les idées fondamentales de l’économie solidaire. Le but a tout de suite été celui de stimuler et de collaborer à l’organisation de projets de microéconomie pour activer des processus de transformations sociales et des réseaux de productions, de commercialisation et consommation. Les objectifs du réseau, en plus de vouloir de répandre les idées d’une économie alternative, sont : contribuer à développer un esprit critique autour de la consommation, créer un réseau commercial juste et solidaire, stimuler la création de canaux di commercialisation, créer des lieux de formation, systématiser les expériences pour qu’elles soient toujours plus significatives. Les groupes de microéconomie, appelés cellules locales, se réunissent fréquemment et mettent en action un processus basé sur trois points : actions, réflexions, nouvelle action. Les représentants de ces cellules locales se réunissent tous les trois mois pour partager leurs expériences. Ils cherchent à acquérir de nouveaux savoirs, à stimuler et renforcer le travail du réseau. Les expériences vécues sont organisées de manière à favoriser la croissance des processus de production et de commercialisation. Un témoignage convaincant Soeur Ana Beatriz Freitas Mattos, FMA de l’Inspection de San Paulo, Brésil, avant de venir en Italie pour suivre le cours de Spiritualité salésienne à la Maison Ersilia Canta, a travaillé pendant trois ans sur un projet d’économie solidaire. Nous lui avons posé quelques questions pour chercher à comprendre concrètement les opportunités et les défis de ce type de projets. DMA – Quel sens avait pour toi de travailler dans un projet d’économie solidaire ? Sr. Ana Beatriz – Pour moi, parler d’économie solidaire c’est parler du Règne de Dieu et de ses valeurs. Dans la mentalité de cette vision économique, il n’y a pas au centre le profit, mais la personne humaine ; le travail est conçu comme un moyen authentique de préserver la 28 dma damihianimas ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 * L’économie populaire solidaire ou plus précisément la collaboration solidaire favorise un nouveau mode de vivre et de relation les uns avec les autres, il s’agit d’une nouvelle vision du monde respectueuse de la différence et de la richesse dont l’autre est porteur. L’économie populaire solidaire garantit à toutes les personnes de meilleures conditions de vie au niveau matériel, éducatif, politique, communicatif ; elle promeut l’exercice de la liberté et le bien être de tous. * Défis pour les producteurs éthiques et solidaires : produire avec qualité chercher une assistance technique pour améliorer la production développer et pratiquer la culture coopérative et associative créer des réseaux et des rapports de proximité avec les consommateurs pour la vente des produits obtenir le capital qui permet de démarrer une entreprise de production. Sources : Inspection Sainte Catherine, San Paulo, Brésil, Economie Populaire Solidaire 2007. dignité humaine et la solidarité remplace l’individualisme. Partager l’expérience de la création d’un groupe de production c’est montrer que le quotidien est un lieu où l’on apprend à être plus humain. On retrouve le plaisir de travailler en donnant la place à la créativité, trop souvent blessée par le travail au noir et sans aucune garantie en ce qui concerne les droits des travailleurs. Acheter la matière première pour la production, calculer le juste prix, travailler dur, chercher des solutions pleines de créativités pour réparer les erreurs commises dans la confection des produits, penser, décider ensemble, oeuvrer ensemble, se tromper ensemble, se réjouir ensemble, a fait grandir le groupe de femmes avec lequel j’ai travaillé et moi aussi je me suis enrichie et remplie d’espérance en constatant les petits succès, les petits pas franchis. DMA – Que t’ont apporté les femmes avec lesquelles tu as travaillé ? Sr. Ana Beatriz – Je peux vraiment dire qu’elles m’ont donné beaucoup d’amitié et aussi le courage de faire face à une nouvelle situation, le désir de participer au bien être de tant d’autres personnes. Les femmes avec lesquelles j’ai partagé cette expérience, m’ont aidée à croire plus au processus éducatif qui se réalise à partir des expériences partagées et elles m’ont fait toucher de près l’importance de s’éduquer et d’éduquer, elles ont renforcé en moi la confiance et la conviction que si on chemine vraiment avec notre Dieu, Dieu de la vie, dans l’humilité, nous pouvons être, devenir acteurs de transformation sociale. DMA – A ton avis, pourquoi est-il important pour les FMA de s’engager et, malgré les difficultés, de soutenir les projets de micro crédits ? Sr. Ana Beatriz – Nous sommes responsables d’un charisme éducatif et nous ne pouvons pas laisser tomber cette occasion de promouvoir la vie et d’annoncer l’Evangile. Il est important de créer des structures démocratiques pour donner la possibilité à tous de participer activement à des processus économiques et sociaux. Dans la situation actuelle de crise économique, au niveau mondial, on comprend encore plus l’importance de tenir compte en même temps du développement économique et du développement social. A travers les processus éducatifs et les activités d’économie solidaire, nous pouvons agir et favoriser le lien entre développement économique et développement social. [email protected] n 29 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE pastoralement La précarité… jusqu’à quand ? Palma Lionetti «La précarité est le dénominateur commun qui apparaît dans n’importe quel lieu où l’on est appelé à travailler (Lignes d’Orientation de la Mission Educative n° 20) A partir de cette affirmation nous pouvons écrire un fleuve de paroles pour faire la radiographie de notre société. Déjà en 1999, Bauman la décrivait comme la société de l’incertitude, dans laquelle “la liberté individuelle règne en souveraine” devenant la valeur de base qui sert à déterminer toutes les autres valeurs et la mesure avec laquelle la sagesse de toute norme et décision individuelle va être confronter. Freud, dans “le malaise de la civilisation” (1929) soulignait que la société moderne choisissait “l’ordre et la réglementation” pour se comprendre elle-même, tout en montrant, dans les causes du malaise, l’excès d’ordre et la mort de la liberté. Aujourd’hui la postmodernité ressent un malaise à cause du jeu de la liberté où “celui qui a perdu se console dans l’espérance de vaincre la prochaine fois, tandis que la joie du vainqueur est assombrie par le pressentiment de l’échec”. Dans les deux cas, cela signifie que rien n’est stable et que tout est incertain. L’incertitude, cependant, est porteuse de messages différents : aux perdants, elle assure que tout n’est pas encore perdu et, ainsi, ils continuent à jouer, tandis qu’aux vainqueurs, elle suggère que tout triomphe est précaire ! A ce jeu, quelque peu bizarre, les jeunes, surtout, ont l’impression d’être “libres” d’essayer toutes les voies pour mener à bien toutes leurs initiatives, dans lesquelles il faut mériter la réussite. Le prix à payer est de se sentir toujours, et de toute façon jugé, risquer à tout instant le faux pas et la chute. D’où la difficulté des jeunes à prévoir leur avenir. Quand on évoque le rapport entre les jeunes et leur avenir, il y a un autre aspect à considérer. Pour estimer la capacité d’une société à engendrer un futur, il faut comprendre comment et quand les jeunes se sentent portés par les adultes au plan social et culturel, comment et quand, à leur tour, ils se sentent capables de préparer leur avenir et la société de demain. Si être engendrés veut dire être désirés, voulus, soignés, aimés jusqu’à être les destinataires de choses bonnes de la part des adultes, alors eux, en termes de génération, ne se sentent pas “vraiment voulus”. Ils ont l’impression que la société peut se passer d’eux et de leur évolution. Au niveau social comme au niveau privé, ce qui fait problème aujourd’hui c’est bien l’accession à la responsabilité. Oui à l’amour, non aux liens plus structurels, ceux qui comportent un engagement qui conditionne la vie. Et même le premier contact avec le travail se passe entre recherche et insatisfaction. D’une part la responsabilité au travail est recherchée dès l’adolescence, preuve en est l’augmentation, un peu partout, du nombre des étudiants salariés, et d’autre part, le statut d’“étudiant” est envisagé jusqu’à la vieillesse. Dans les deux cas disparaît le caractère propre de la jeunesse comme étape de transition entre irresponsabilité et activité professionnelle parce que l’on se trouve ou éternellement jeunes ou vieux de manière imprévue. 30 dma damihianimas ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 La coupure La confrontation avec ces nouveaux phénomènes sociaux –à savoir la précarité, la fragmentation sociale, la vulnérabilité diffuse, l’affaiblissement des groupes, la coupure toujours plus marquée entre riches et pauvresnous ne devons pas les aborder sur un plan purement éducatif et théorique, mais sur un plan éducatif et pastoral. Néanmoins, étant assurées que notre action pastorale est bien guidée par ces trois critères : l’Incarnation rédemptrice, la priorité de l’évangélisation, la dimension éducative de la pastorale, nous pourrons nous demander si les objectifs, les modalités et les diverses options méthodologiques découlent du lien entre les données de la foi et les expériences vitales des jeunes. Autrement dit, demandons-nous comment la précarité interroge, par exemple, l’animation, quelle méthodologie pourra être utilisée pour interpréter l’existence et créer une culture ? Si ces dernières années, l’approfondissement de la dimension éducative de notre pastorale a conduit à traduire le Système Préventif, en perspectives pédagogiques de référence (culturelle, évangélisatrice, sociale, de communication) comment faire pour quelles deviennent «méthodes» dans notre action pastorale ? Expérience et résilience Dans le cas de la précarité, une piste à explorer en terme d’itinéraire éducatif pastoral pourrait être le rapport entre espérance et résilience. Quand, dans le conte d’Hésiode, Pandore ouvre la boîte et répand chez les mortels Fatigue, Maladie, Vice, Passion et Vieillesse, elle laisse au fond l’Espérance pour empêcher les hommes d’aller jusqu'au suicide. Celui qui choisit l’espérance ne se laisse pas séduire par les dons de Pandore, à la source de la méchanceté et des contradictions, au contraire, il choisit le désir de vivre, prenant racine dans le goût d’exister malgré les ambiguïtés et les incertitudes. D’autre part, Benoît XVI le rappelle : «Ce qui vivifie l’éducation, comme la vie tout entière, c’est seulement l’espérance quand elle est bien fondée. Aujourd’hui, notre expérience est piégée de toute part et nous risquons de redevenir, nous aussi, comme les anciens païens, des hommes sans espérance et sans Dieu dans ce monde.(Eph. 2,12). De là, justement, résulte la plus profonde difficulté dans l’œuvre de l’éducation : à la base de la crise de l’éducation, il y a une crise de la confiance en la vie». Donc, pour que l’espérance puisse résister à toutes les désillusions, elle doit trouver la manière de se transformer, de vertu théologale en vertu humaine ou en cette capacité de résilience qui n’est pas seulement la capacité de résister aux difficultés rencontrées, mais un processus actif qui se déploie dans une relation dynamique entre la personne et son contexte (social, relationnel, institutionnel). Ainsi, progressivement l’espérance devient-elle aussi passion, au point qu’elle correspond à une attitude confiante à l’égard du réel et une capacité d’imagination parce qu’elle est poussée en avant par le désir d’un avenir meilleur, toute fois accompagnée de la conscience de l’incertitude de l’avenir. palmalionetti@]gmail.com n 31 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE polis La disparition des réalités Graziella Curti L’information aujourd’hui se base sur quelles réalités ? En lisant les journaux ou en écoutant les nouvelles radiodiffusées ou télévisées, j’aurais souvent envie de dire «derrière ces paroles, rien». Un vide de faits concrets ou une instrumentalisation des événements nous empêchent souvent de rejoindre la réalité sociale pour la saisir dans sa profondeur et dans sa réalité. Ils nous empêchent de vivre une citoyenneté responsable. Il y a quelque temps, Marco Travaglio, un journaliste italien réputé, a publié un livre intitulé La disparition des réalités. Où se lamente la mauvaise habitude d’un journalisme indifférent, cynique et souvent paresseux. Au commencement de son texte, il écrit : «Il y en a qui cachent les faits parce qu’ils ne les connaissent pas, sont ignorants, impréparés, négligents et n’ont pas voulu étudier, s’informer, se mettre à jour.» Malheureusement les professionnels de la communication choisissent souvent de faire un mini service. Ils s’investissent dans d’autres travaux, chose qui, si elle se comprend pour les collaborateurs extérieurs peu payés, l’est moins pour ceux de l’intérieur qui perçoivent de bons honoraires. Ce système est gravement choquant parce qu’il ne dit pas aux citoyens la vérité de ce qui est arrivé en réalité. Information et démocratie Louis Ciotti, prêtre de frontière, qui donne beaucoup d’importance à l’information correcte comme support à son engagement social envers les sujets à risques, consulté sur la qualité de l’information des médias, en a dessiné un tableau plutôt négatif : «Nous ne devrions pas avoir besoin de préciser à côté de la parole “information” l’adjectif “libre”. Parce que l’information ou elle est libre ou alors simplement elle n’est pas information : elle est propagande, marketing, falsification. Eh bien, jamais comme en ces dernières années, il est nécessaire de spécifier, de préciser. Dénoncer, s’il le faut. La parole est trop souvent embrouillée, les plumes émoussées, les nouvelles incomplètes ou orientées. Dans un monde devenu global, gouverné par la suprématie du marché et de la finance, où également les personnes sont dépouillées de leur fondement et transformées en marchandise, même l’information est trop souvent piégée par des intérêts et des logiques loin de la vérité. » Et il ajoute, avec la lucidité qui le caractérise dans son engagement envers les sans voix : «Ceci est une mauvaise information qui vient de la malhonnêteté des analyses et de la perte de toute objectivité et il y en a une autre qui dépend de l’omission de la réalité, du camouflage des faits et des aspects qui caractérisent la vie sociale en toutes ses diversités et caractéristiques. Il s’agit de deux faces de la même médaille et en faire les frais est toujours notre liberté, liberté de savoir et de choisir, de connaître et de décider mais aussi de transmettre» Malheureusement les filtres de l’information, étant donné les intérêts économiques et ceux du pouvoir politique, continuent à marginaliser 32 dma damihianimas ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 les Pays pauvres, à ignorer les tragédies du Kivu, du Soudan, de l’Orissa tandis que l’on donne trop d’espace au dénommé gossip des gros, une stupide cancanerie. Il est vrai aussi que donner des nouvelles de l’Afrique et d’autres régions sous-développées on a besoin d’au moins 200 morts, tandis que les Pays riches qui possèdent 90% des agences de presse, peuvent faire passer les événements même marginaux dans le monde entier. Le maillon faible Depuis 2005, la communauté de Capodarco, lieu d’accueil pour les émigrés, communique le prix. Le maillon faible, attribué aux meilleures transmissions radiophoniques, télévisés, courts métrages qui ont rapporté des faits, événements dans la population dite “faible” parce que “périphérique” ou “marginalisée”. En fait, les meilleurs journalistes pensent que la force de la chaîne de la communication dépend de la résistance de son maillon faible. Voici parmi les réalisations primées un reportage fait au Ghana à Accra, à l’occasion de la coupe d’Afrique qui raconte l’histoire de jeunes Africains prisonniers, tous aspirants au voyage en Europe. Les premières images montrent les champs de terre rouge, grandes places sableuses, lieux de décharges publiques transformés en terrains de jeux avec la créativité typique de ce qui est pauvre ;. A l’opposé, nous est présentée la différence entre les aspirations des Jeunes et des habitants du lieu quant à la soif des affaires du clan européen. Un prix leur a tout de même été décerné pour un reportage sur Srebrenica, la ville détruite en 1995, symbole de l’agression contre la Bosnie et l’Herzégovine, parce qu’il a révélé au monde la stratégie de l’odieuse épuration ethnique jamais connue avant. Evénement qu’avec la complicité des médias, on veut cacher et oublier. Que faire ? Les moyens de communication aujourd’hui sont très nombreux. Malgré tout, celui qui veut être correctement informé est obligé de faire des recherches approfondies, de confronter les différents textes et si possible accéder ainsi aux sources sûres de l’information. Presque toutes 33 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE Ils ont dit Les faits sont têtus (même s’ils sont presque toujours interprétés et contestés) quelquefois en face. Quand ils sont dérangeants pour les puissants, le mieux c’est de les éliminer. Daniele Barbieri Mr Kenner rencontre Mr Wire qui livre bataille aux journalistes. «Je suis un grand adversaire des journalistes –dit Mr Wire– je ne veux pas de journaux». Mr Kenner répond : «Je suis un adversaire encore plus grand des journaux : je veux des journaux libres». Bertolt Brecht Il y en a qui se cachent les faits à eux-mêmes car ils ont peur de devoir changer d’opinion. Marco Travaglio les structures de l’information, journaux et télévision soutiennent des intérêts particuliers, coalitions politiques et économico financières par lesquels ils sont rétribués. Si nous observons la presse internationale, celle des ondes, on se demande : «Quelle est la différence entre le journal de droite et celui de gauche ? Dans quelle démocratie sommesnous, républicaine ou libérale ? L’avez-vous testé ? De ces productions informatiques, il a été dit : «Elles ressemblent tellement à des publicités de détergents. Les mêmes ingrédients, les mêmes patrons». Malgré tout des voix libres existent. Par exemple, en Italie, depuis plus de 10 ans est née l’Agence de nouvelles sur la ligne MISNA, qui a sa source dans les témoignages de missionnaires, qui vivent dans des lieux complètement ignorés des grands médias, communiquant les faits dans leur vérité nue, circonscrivant un cadre plus clair des situations et des problèmes. Même s’ils sont rares, ils existent, fort heureusement, toujours de vrais journalistes avec l’esprit libre et ne dépendant aucunement des puissants lobbies. Voici donc quelques nouvelles indispensables pour obtenir une information plus proche de la vérité : 1. Beaucoup, parmi les textes les plus libres (donc crédibles) émanent des ONG ou des missionnaires. A nous de les valoriser et de les soutenir. 2. Pour ce faire, il est nécessaire de notre part de faire un travail de recherches, de confrontations entre les diverses sources d’informations vraisemblablement complémentaires. 3. Il nous est demandé un approfondissement culturel qui nous aide à décoder la nouvelle, à en rechercher les causes sans les juger seulement par leurs effets. 4. Il est en outre indispensable d’être présentes et attentives à ce qui se passe près et loin de nous. 5. «Parce que même le droit à être informés, à être libres et conscientes, ne nous parvient pas seulement d’en haut ou de l’extérieur, mais s’effectue dans les lieux où chacune de nous travaille et se met en jeu quotidiennement, dans ce chemin à parcourir ensemble pour construire un avenir de justice et de démocratie». [email protected] n 34 ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 Informations, nouveautés du monde des médias 35 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE jeunes.com Twittermania?” Maria Antonia Chinello et Lucy Roces YouTube, Facebook, MySpace… Ce sont des termes maintenant presque familiers : partout on parle et on écrit sur le social network et le blog, de Web 2.0, sur les circuits du Réseau pour entrer en relation et partager. A l’intérieur de ces espaces mêmes il y a des différences, mais la philosophie è commune : créer des liens et faire réagir des personnes entre elles à distance, dans le temps et l’espace, rejoindre des amis connus et en rencontrer de nouveaux. Et alors pourquoi ne serais-tu pas Tweet toi aussi ?. Dernièrement dans le cadre mouvant Web 2.0 le Twitter est en train de faire son chemin. Un social network qui met en danger Facebook et MySpace. Le nom “Twitter”, correspondance sonore du terme Tweeter, dérive du verbe anglais to tweet qui signifie “babiller”. Le logo de Twitter est en fait un petit oiseau bleu. Sur le site officiel (http://twitter.com) on lit : «Twitter est un service pour communiquer et se connecter avec des amis, la famille, les collègues à travers des échanges très rapides, de fréquentes réponses à de simples questions, par exemple : qu’est-ce que tu es en train de faire?» C’est un réseau et un service de microblogging qui permet d’envoyer des ajournements constants à son profil avec des messages très courts pas plus de 140 caractères, au moyen du site même ou à partir de SMS depuis le téléphone portable ou Messaging et le courrier électronique. encore par les programmes de Instant Twitter a été défini comme le service télégraphique du Web 2.0 : des messages brefs et fréquents sont enregistrés plusieurs fois par jours pour dire aux autres ce qu’on est en train de faire, de penser, comment on se sent, qui on a rencontré, quels sont les programmes, les imprévus, les engagements et les temps de repos. Le tout avec pas plus de 140 caractères : une communication rapide, fragmentée, qui correspond à l’esprit de synthèse dont nous a habitués le Réseau avec ses connexions toujours plus harcelantes et envahissantes. Ouvrir une page surTwitter est facile et la différence entre ce site et Facebook, le network social, le plus populaire (durant ces mois), n’est pas très grande. Là aussi, il est possible d’écrire sur ses goûts, ses intérêts personnels, créer une liste d’amis, signaler des liens et enregistrer des photos, des vidéos, de la musique. La différence est dans le système de mise à jour : tandis que dans Facebook il est nécesaire d’être connecter à un ordinateur, dans Twitter on peut fonctionner aussi à partir du téléphone portable et des mails. Pourquoi utiliser Twitter ? Toujours dans le site officiel, on peut lire : “Parce que les mises à jour mêmes les plus banales ont un sens pour ceux qui nous aiment, spécialement quand elles sont en temps réel.” Facile, non ? Toujours connectés, vraiment ? Toujours repérables, qu’en dites-vous ? Communication, format 140 Twitter a été créé en mars 2006 par la Obvious Corporation de San Francisco (Californie, Etats Unis). Depuis septembre 2007, il est 36 ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 En quelques secondes, ses collègues des Etats Unis et ses amis d’Egypte furent alertés ; 24 heures après, un autre message : “Libre” mettait au courant amis et contacts. successivement le network social qui a enregistré la plus forte augmentation d’usagers (+600%) et de visiteurs individuels (+343%). En février 2009 Compete.com, organisme qui mesure les accès web, dans sa classification l’a placé à la troisième place, derrière Facebook et MySpace. Au début de cette année, Twitter a enregistré sept millions de visiteurs individuels. Ses co-fondateurs, Biz Stone et Evan Williams, ont été notés par la Revue Time dans leur liste des 100 personnes les plus importantes et influentes au niveau mondial : les nouveaux gourous de la technologie de l’amitié du Réseau. Puisque ce service est devenu, au moins aux Etats Unis, immédiatement populaire, beaucoup de personnes ont utilisé Twitter, au niveau social, pour gérer et organiser des campagnes d’information. James Karl Buck, un étudiant diplômé de l’Université de Californie-Berkeley, se trouvait à Mahalla (Egypte), pour une protestation antigouvernementale, quand il fut arrêté avec son interprète, Mohammed Maree. Au poste de police, Buck, avec son téléphone portable, envoya un message à ses amis et à ses contacts, mettant à jour sa page sur Twitter. Un seul mot “Arrêté”. Il y a même une reine qui communique avec Twitter. C’est le choix de Rania de Jordanie (http://twitter.com/QueenRania ), qui a décidé de créer son site sur le network social pour raconter la visite du Pape Benoît XVI dans son Pays (811 mai 2009). Rania, explique ses motivations sur sa page : «Il faut écouter le Pape. Notre région a grand besoin d’un message de paix». Et puis son premier message : «Journée spéciale, ici à Amman : ce n’est pas tous les jours que le Pape est en visite.» George Stephanopoulos de la chaîne télévisée ABC News a interviewé en mars dernier le sénateur John McCain. Cela a été le premier cas de “twitterview”, puisque les questions et les réponses se sont faites à partir de Twitter. Durant les incendies qui ont touché l’Australie, les mois derniers, beaucoup d’usagers de Twitter ont décrit l’événement qui était facilement repérable dans le moteur de recherche interne du site. Une étude intitulée Traces du tremblement de terre online. Comment a réagi le réseau des médias italiens au désastre des Abruzzes, révèle que parmi tous les médias, Twitter a été assurément le site qui, avec Facebook, a été le plus utilisé pour annoncer le tremblement de terre dans le monde entier. Encore aujourd’hui, sur Twitter, beaucoup d’italiens proposent des logements, de l’aide, du matériel. Evangélisation Dans son message pour la 43ème Journée Mondiale de la Communication sociale, le Pape Benoît XVI écrit : «Les nouvelles technologies 37 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE L’«autre» réseau GIMP : dessin libre ! Si vous désirez un programme de dessin plus complet de Microsoft Paint, mais ne voulez pas dépenser pour acquérir les coûteux Adobe PhotoShop ou CorelDraw, sur le Réseau il y a GIMP. GIMP est l’acronyme de GNU Image Manipulation Program, un software distribué librement, idéal pour dessiner, retoucher des photos, élaborer, composer et créer des images et des dessins. Le site http://gimp.linux.it contient des informations sur la manière d’enregistrer, installer, utiliser et amplifier le programme. Le projet est né à la fin de 1998 et les premiers résultats avaient la version 1.1.3 de GIMP. Après une période d’inactivité, le projet est reparti et actuellement le programme est complètement traduit. digitales sont en train de déterminées des changements fondamentaux dans les modèles de communication et dans les rapports humains. […] Quand nous sentons le besoin d’approcher d’autres personnes, quand nous voulons mieux les connaître et nous faire connaître, nous sommes en train de répondre à l’appel de Dieu – un appel qui est imprimé dans notre nature d’être créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, le Dieu de la communication et de la communion.» En Allemagne, les évêques protestants sont en train de “traduire” la Bible dans le langage Twitter. En Irlande, le card. Sean Brady a invité les usagers des network sociaux à faire cadeau chaque jour d’une prière à travers un message Twitter ou un mail. «On créera ainsi – a-t-il dit – un océan de prière qui peut renforcer le sens de notre solidarité et rappeler à ceux qui les reçoivent qu’il y a quelqu’un qui prend soin d’eux.» A la fin de 2008, le site a été mis à jour dans le but de proposer le software par l’intermédiaire d’une plate-forme web plus actuelle. GIMP a été écrit et développé sur la plate-forme UNIX, mais fonctionne aussi su les systèmes opérationnels Windows, Mac et OS/2. Le programme, une fois installé, peut être continuellement mis à jour avec l’adjonction de nouvelles applications et solutions pour communiquer par l’image. Y a-t-il un créneau, dans notre vie de FMA pour un instrument comme Twitter ? Cela dépend toujours de la manière dont nous l’utilisons pour qu’il devienne un canal de communication qui, n’en remplace pas d’autres, mais qui accompagne, soutienne, renforce les relations éducatives. Don Bosco nous l’enseigne : «J’ai utilisé les longues récréations pour m’approcher de chaque garçon. Par une parole à l'oreille, à un d’entre eux je recommandais une plus grande obéissance, à un autre d’être plus ponctuel au leçon de catéchisme, à un troisième de venir se confesser, à un autre encore je suggérais une pensée pour sa réflexion personnelle, et ainsi de suite.» Utilisé avec sagesse pédagogique, Twitter pourrait être la petite parole à l’oreille pour notre temps. [email protected] [email protected] n 38 dma damihianimas ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 Liste WWW sites Aux bons soins d’Anna Mariani [email protected] n Signalisation de sites intéressants http://web.math.unifi.it C’est le site d’un musée consacré exclusivement aux mathématiques et à leur application, afin de rendre la matière interactive et divertissante. En italien, on peut s’inscrire pour des rendez vous le dimanche en alternance, pour s’initier à tout âge aux mathématiques. http://www.exploratorium.edu C’est le site du célèbre “Exploratorium” de San Francisco, premier “Science Center” au monde, fondé par Franck Oppenheimer. Il s’agit d’un site de langue anglaise hautement interactif, sur lequel l’utilisateur peut faire des expériences en ligne, écouter des documents sonores et consulter une vaste bibliothèque digitale : elle contient des images de haute qualité, filmées en Quick Time et bien d’autres documents à caractère scientifique. Multiples sont les services éducatifs en ligne destinés aux visiteurs, aux enseignants et aux conservateurs de musées. Il existe une série novatrice de webcast (transmissions télévisées via internet) en divers lieux du monde, comme par exemple en un lieu “extrême” comme l’Antartique pour le projet “Origins” ou lors de circonstances uniques comme l’éclipse solaire en Afrique centrale. Y figure également un chapitre où l’on expose ce qu’est le travail dit “backstage”, c’est à dire le travail de préparation des expositions. On peut visiter le site en anglais, en français, en http://www.exploradome.com espagnol et en japonais. L’Explo@dome de Paris est un espace interactif en français qui permet d’aller à la découverte de la science, de l’art et des multimédias en interaction avec le développement de la culture et de l’éducation, et avec la divulgation scientifique. http://www.gsc.org.uk/ Le “Glasgow Science Center” est l’une des principales attractions touristiques d’Ecosse. Elle présente des centaines d’expositions interactives, un planétarium et un cinéma IMAX. Le site est en anglais et il est riche de ressources multiples, que l’on peut télécharger. n 39 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE vidéo Mariolina Perentaler Le millionnaire (Slumdog Millionaire) de Giulio Manfredonia Italie – 2008 Un triomphe pour “Le Millionnaire” lors de la 81ème édition des Oscars : 8 statuettes ! Meilleur film, meilleure mise en scène, meilleure photographie, meilleur montage, meilleure régie sonore, meilleure chanson originale, meilleur mixage sonore, meilleur scénario non original. “Il a pratiquement tout remporté, commente unanimement la presse le 23 février 2009, laquelle ajoute que “ce film est vraiment beau parce qu’on l’a dit dès sa sortie”. Aux Etats Unis il a encaissé en un seul mois cent millions de dollars : un exploit retentissant, si l’on considère que, pour le tourner, ils n’étaient que treize. Et le succès n’est pas prêt de faiblir : la distribution est traduite en 14 langues pour la diffusion en film, en 9 langues pour les dvd. Quel est le secret d’un tel engouement collectif ? Je ne m’y attendais pas, répond le même réalisateur. Mais cela peut s’expliquer ainsi : c’est l’histoire d’un rêve. Un jeune homme qui rêve de retrouver son amour d’enfance, et cela plaît à tout public. Jamal est le héros d’une fable médiatique où se réalisent les désirs de chaque Indien ordinaire et pas seulement lui…”. Des bas fonds au tapis rouge d’Hollywwod et au monde entier, son histoire devient l’emblème d’une jeunesse qui ne veut pas s’abandonner au pire et qui cherche à construire son avenir propre. Grandi dans les bidonvilles de Bombay, Jamal deviendra un héros national après avoir gagné 20 millions de roupies dans un jeu télévisé. Une voie toute en ascension, partagée avec son frère qui n’aura pas la même chance, et avec une adolescente, son premier amour, perdue et cherchée depuis longtemps. L’œuvre est née d’un roman, le roman à succès “les douze demandes” de l’écrivain indien Vikas Swarup, qui est à l’origine du scénario écrit par Simon Beaufoy, (auteur de “Full Monty”), avec comme coproducteur Loveleen Tandan pour la partie tournée en Inde, c’est à dire pour presque tout le film, et finalement la direction magistrale de Boyle, qui mène le tout avec une grande intensité et un équilibre vraiment exemplaire “A recommander” comme le résume le jugement de l’évaluation Pastorale. Des bidonvilles à l’ombre des gratte-ciel. A Bombay, dans le bidonville de Dharavi – le plus grand d’Asie : où le film a été tourné, quelqu’un a protesté, mécontent de l’image des Indiens proposée au public. “Nous ne sommes pas des chiens” a-t-on écrit sur une banderole accrochée sur les bara-quements des habitants de la favela. Ils se réfèrent au titre original du film : “Slumdog Millionaire” qui, une fois traduit, signifie “chien millionaire des taudis”. Le scénariste s’est défendu en expliquant que “Slumdog” est la synthèse des mots SLUM et UNDERDOG et veut signifier une personne destinée à l’échec. Une description qui convient à merveille aux enfants qui jouent dans le film, reclus dans les taudis les plus misérables de Bombay, et pour qui il n’est pas facile de conquérir la scène d’Hollywood. Et il encore plus difficile de revenir à la maison : de replier les vêtements avec les paillettes et les cravates élégantes, de prendre congé des photographes, des admirateurs, des hôtels de luxe, parce que leur “Slumdog Millionnaire” est seulement un film, la réalité étant bien différente. Parmi les notes fascinantes de cet excellent film, il faut retenir l’avertissement : il n’est sans doute rien de plus agréable que rêver les yeux ouverts, même grâce à un film mais rien au sort des déshérités. L’œuvre raconte cependant en toute conscience et avec intention comment il est possible même pour les derniers entre les derniers- 40 dma damihianimas ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 Pour faire penser Pour faire penser Mettre en dialogue le sous développement, la pauvreté et les problèmes de pouvoir d’achat avec les nouvelles ressources puissantes des médias sans sous estimer les risques ni les nouvelles formes d’esclavage. Les nouveaux “parrains”... La troisième partie du film a lieu en majeure partie à Bombay. Une métropole constituée de gratte-ciel et de rues encombrées d’automobiles, bordées de banques d’affaires. C’est dans ce contexte que règne la télévision avec l’émission Espérer et se mettre en jeu ! “non pas pour de l’argent mais par amour” – comme le dit Jamal, le jeune héros virtuose capable de devenir millionnaire. Dans “Le millionnaire” on parle et on reparle inévitablement de l’espérance. Ce sentiment transparait et évolue dans les visages de tous les téléspectateurs qui suivent passionément le jeu. Ils vivent une identification empreinte de confiance et de tendresse, qui les rend capables de supporter toutes les monstrueuses contradictions de leur mégalopole indienne. Le metteur en scène et l’oeuvre conduisent cependant l’acteur de dix huit ans à une réalisation de sortir de leur pauvreté et d’avoir un avenir meilleur. Jamail est un garçon ordinaire, qui décide de réagir face à sa propre condition d’impuissance, épaulé par son frère aîné, Salim. Il vient se présenter comme jeune domestique issu de l’un des faubourgs et – après avoir répondu avec justesse à 11 des questions d’un jeu télévisé - il est arrêté, malmené par la police qui le soupçonne d’escroquerie. L’une des astuces les plus passionnantes de l’œuvre réside dans sa structure narrative, qui reconstitue en chapitres les évènements qui ont amené le jeune garçon à répondre à chaque question posée par un animateur de télévision peu scrupuleux : réponses tirées de l’expérience forte et particulièrement dramatique vécue au cours de sa brève existence. Et si la chance (à laquelle il fait constamment allusion... n’était-ce pas une chance que de savoir répondre justement aux questions qui étaient posées ?”) joue le rôle d’un leit motif dans la narration, l’un des innombrables mérites de loin la plus regardée : “qui veut être millionnaire ?”– sous forme de jeu et de récompense universelle, prisée par tous. C’est par ce moyen tout nouveau que Jamail avec ses dix huit ans se livre en toute confiance à un dernier espoir : le rêve de retrouver la belle Latika. Il est convaincu et pleinement conscient que l’espérance des pauvres tels que lui s’appelle chance et risque, en s’appuyant et en pariant loyalement sur le pouvoir de la diffusion. Il apprendra malgré lui combien les dits “messieurs de l’écran” – nouveaux parrains des masses et de l’argent - conçoivent et interprètent ce pouvoir.. différente de celle à laquelle tous aspirent. Jamail se réalisera dans le sentiment amoureux, unique et authentique valeur/ richesse qui permet de sortir des laideurs de ce monde, de se sauver en sauvant les autres, y compris l’aimée et douce Latika. La conclusion du film ne tient pas au hasard, dans le moment le plus spectaculaire de la “victoire” rocambolesque (20 million de roupies, le chiffre maximum de l’histoire de ce jeu, correspondent à près de 220 000 dolars). – nous montre l’irrésistible chute en pluie des billets de banque sur le corps de Samil, le frère libéré de la violence et du crime dont il reste victime par le sacrifice de sa propre vie. du film est assurément d’affronter les signes tangibles du changement d’époque, qui permettent même aux pauvres (au sein du rigide système indien de castes) de sortir de leur statut social et civil. La mise en scène de Boyle aborde tant de thèmes : enfants, famille, frères, soeurs, jeunes, media, politique, société, pauvreté/marginalité, solidarité, amour. Il conduit son film sur un rythme envoûtant et dynamique, entre le rire et les larmes, l’émotion, la réflexion. Il finit par un ballet, dans le style d’une comédie musicale si chère au spectateur indien. “Un film intense, médité, combatif et d’une grande densité qui, du point de vue pastoral, est à évaluer comme “recommandable”, source de discussion et adapté aux débats”. [email protected] n 41 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE le livre Emilia Di Massimo Les effets secondaires du rêve D’après les statistiques, on situe entre deux cent et trois cent mille le nombre des personnes sans domicile fixe. Quarante pour cent d’entre elles sont des femmes. Les chiffres sont en augmentation constante. Les clochards qui aujourd’hui, préoccupent tant la société, font partie de notre vie. Nous pouvons nous laisser troubler par leur présence ou sombrer dans l’indifférence, il existe cependant une troisième possibilité : les voir avec les yeux du coeur. C’est l’expérience de Lou Bertignac, adolescente de 13 ans, narratrice et actrice de l’histoire : elle parle et elle nous présente son univers tel qu’elle le perçoit, avec ses mots, en présentant le problème des sans domicile tout en leur conférant dans le même temps une rare épaisseur et une rare densité, ce qui, indiscutablement, porte à réfléchir. Par ailleurs, le roman n’évoque pas seulement la brûlante question des clochards, mais propose de multiples thèmes de réflexion : une singulière amitié entre deux jeunes filles très différentes ; le drame familial provoqué par la perte d’un fils ; une intelligence brillante qui ne peut combler le besoin d’affection ; l’amour qui naît timidement entre le doute et l’attente. Chaque argument est proposé par le biais séduisant de l’évocation d’une adolescente capable d’associer à ses émotions les lecteurs de tout âge. L’auteur français Delphine de Vigan utilise une langue légère et transparente, utilisant des arguments qui incitent à réfléchir et à comprendre. Le récit se déroule à un rythme rapide, de telle sorte qu’il nous ramène d’une manière heureuse à notre propre adolescence et nous permet d’avoir un regard plus indulgent sur les adolescents d’aujourd’hui. La famille de Lou Bertignac, emmurée dans un silence oppressant, vit enfermée dans le souvenir inavouable d’une tragédie passée. Incapable d’établir une relation avec quiconque, Lou passe la majeure partie de son temps libre à vivre les émotions des autres : elle regarde les matchs de foot à la télévision pour observer la joie des joueurs, elle épie les gens dans la rue et surtout, elle fréquente les gares ferroviaires parisiennes parce que c’est là que se concentre l’émotion des amoureux qui se quittent, des familles demeurées longtemps séparées, des amis qui se retrouvent. Lou a un quotient intellectuel supérieur à la moyenne : de fait, elle a déjà sauté deux classes. Elle est plutôt en marge des groupes ; seul, le fascinant Lucas lui adresse la parole et lui envoie des sourires. Lucas, l’élève beau et rebelle de la classe, si riche qu’il vit seul dans un immense appartement. Les professeurs apprécient beaucoup Lou. Le professeur de sciences sociales a donné pour consigne à tous les élèves de préparer un rapport sur un thème de leur choix et de faire un exposé devant la classe. Lou est terrorrisée à l’idée de devoir parler devant tout le monde. Elle sait encore moins sur quel thème préparer son rapport. 42 Dma damihianimas ANNEE LVI l MENSUEL / JUILLET-AOÛT 2009 Lou défie l’hypocrisie des sentiments des adultes : “nous sommes capables d’expédier des avions supersoniques et des missiles dans l’espace, d’identifier un criminel grâce à un cheveu, de réunir des milliers d’informations dans une puce électronique. Nous sommes capables de laisser mourir les gens dans la rue. Nous sommes capables de laisser les gens vivre en marge du boulevard périphérique. Qu’est-ce qui ne va pas ? ” L’adolescente croit profondément qu’elle peut changer ce qui est injuste et elle lutte en prenant position contre tous, mais toujours du côté de No, afin que “l’infiniment petit puisse devenir l’infiniment grand”. Lou et No : deux jeunes filles grandies trop vite, mais qui, avec détermination et courage ne veulent pas renoncer au besoin d’aimer, au désir de changer le monde et de croire dans la force irrésistible du rêve. Cependant, elle s’aperçoit que le professeur attend une réponse d’elle : elle se souvient tout d’un coup d’une jeune fille rencontrée à la gare, une sorte de clocharde, et donc elle déclare que son rapport sera basé sur un entretien avec une certaine jeune clocharde. Celle ci s’appelle Nolween, un nom dont est tiré le diminutif No : ce qui représente la négation de l’amour, d’une vie normale et la difficulté d’avoir un avenir. C’est une clocharde de 19 ans. Lou et No deviendront amies. Entre elles deux, le temps d’un regard, se crée une relation d’une intensité particulière qu’aucune d’entre elles n’avait vécue auparavant. Deux jeunes filles totalement isolées, différentes mais destinées en quelque sorte à se reconnaître dans la foule de la ville. L’amitié, née lentement, parviendra à changer leur vie et leur monde. C’est l’évènement, dramatique quoique léger, de deux vies appelées à s’unir et, sinon à se sauver, du moins à trouver une nouvelle espérance. En fait, Lou décide de sauver No, de lui offrir un toit et une famille, cette même famille qu’elle voit se décomposer sous ses Yeux ; c’est ainsi que La finesse et la légèreté de l’auteur, comme son regard toujours pertinent et jamais envahissant tout au long du roman, soulève progressivement les problèmes authentiques présents dans la trame du récit, parce que sous la belle histoire parisienne se dessine l’histoire de toutes les solitudes et pas uniquement celle de No. Le roman est un livre sur la solitude, non seulement celle des adolescentes, mais aussi celle des adultes. Il conduit à réfléchir sur le monde, sur la vie, sur la famille. Il suscite des questions sur la société et ses absurdités, il nous fait réfléchir à l’indifférence de notre regard sur le clochard, ce que nous reconnaissons difficilement comme une “violence”. Or Lou nous suggère : “...maintenant je sais que la violence est aussi dans le silence, et parfois elle n’est pas visible à l’œil nu. La violence est le moment où les blessures se cicatrisent, la longueur irréductible du jour, l’impossible retour en arrière. La violence est celle de celui qui fuit, qui se tait, qui ne se manifeste pas, la violence est ce qui ne s’explique pas, qui restera opaque pour toujours”. n 43 dma damihianimas REVUE DES FILLES DE MARIE AUXILIATRICE camille n Temps de communiquer. Je suis un peu désorientée. Je suis entourée de personnes qui usent continuellement de paroles difficiles pour dire qu’elles ont écouté ou rencontré des amis…ce que j’ai beaucoup de peine à comprendre. L’autre jour j’étais dans la salle de communauté pour la récréation. Désormais peu y sont restées fidèles. Après quelques minutes entre un petit groupe de sœurs qui parlent de quelques jeunes et disent des phrases surprenantes comme celles-ci : «Moi, Jean je l’ai dans mes relations si je veux le rejoindre» «Tu sais, Christine, elle m’a ajouté à ses amis, c’est un grand pas en avant, elle m’a fait entrer dans son monde». BOH !!! Une autre sœur arrive et dit : «Désormais je suis arrivée à avoir 400 amis sur… (mot que je ne sais ni prononcer, ni écrire espérant que vous, vous saurez comprendre) j’ai retrouvé grâce à cela quelques-unes de mes amies d’école que je n’avais ni vues ni entendues depuis de très nombreuses années». Je me suis fait expliquer (plus d’une fois à dire vrai) de quoi on parlait. On m’a répondu que sur Internet il y a des sites où tu peux écrire ton nom et ton prénom, tu mets une de tes photos et, chaque fois que tu le veux, tu peux écrire ce que tu es en train de faire ou ce que tu penses. Ainsi tous ceux qui sont sur ta liste d’amis peuvent lire ce que tu as écrit, peuvent le commenter et quelquefois écrivent ce qu’elles sont entrain de réaliser, et toi aussi tu peux le commenter. «C’est beau, n’est-ce pas ?» Je n’ai pu répondre, je ne l’ai jamais expérimenté. Bien sûr, une bonne pensée comme celle de la méditation ou la phrase d’une bonne lecture qu’ensuite tous peuvent lire seraient à ma portée. Mais je ne suis pas «pratiquante » de l’ordinateur. Il y a de mes contemporaines cependant qui, malgré leur âge avancé ont réussi à se familiariser un peu avec cet instrument. Et alors, elles, oui elles peuvent partager leur méditation !?!?!? On m’a aussi conseillé de lire sur DMA les articles qui justement concernent la communication. Mais c’était trop compliqué ; le vocabulaire italien ne me suffisait pas, j’aurais dû employer aussi le dictionnaire anglais. Mais à mon âge, apprendre encore les langues c’est vraiment trop me demander. Cependant il me reste des doutes. A certaines questions je ne sais répondre toute seule. Alors, je les partage avec vous. Mais qui mettre au nombre de mes amis ? Et si personne ne me veut comme amie, qu’est-ce que je fais ? Et puis, écrire ce qui se fait, ce que je suis entrain de penser. Tout cela ne m’est pas facile surtout si tout le monde le lit. Ce temps de la communication pourtant est bouleversant. Avant celui qui voulait savoir ce que les autres étaient en train de faire étaient surnommés une «personne curieuse», à présent on dit plutôt qu’elle sait «vivre avec son temps». C’est bien vrai que les temps ont vraiment changés ! A la prochaine ! 44 DOSSIER : Cénacle ouvert à l’histoire et aux histoire d’hier et d’aujourd’hui PREMIER PLAN : Les Femmes dans la Parole Transformées par l’amour EN RECHERCHE : Polis Notre Mère la Terre COMMUNIQUER : Jeunes.com Web Radio Penser, dans toute communication, à sa propre vocation, voilà la manière de se donner de la joie pour toute la vie. (Don Bosco) casa des dubbi e dei sogni casa des dubbi e 45 LES ROUTES LES ROUTES DE LA PAROLE : LA MISSION “CE QUE JE VOUS DIS DANS L’OBSCURITE, DITES-LE AU GRAND JOUR, CE QU’ON VOUS DIT A L’OREILLE, PUBLIEZ-LE SUR LES TOITS.” (MT 10,27). 46
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