Cass. 2 civ, 10 déc. 2015, n° 14-25046 et 14-29811
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Cass. 2 civ, 10 déc. 2015, n° 14-25046 et 14-29811
Cass. 2e civ, 10 déc. 2015, n° 14-25046 et 14-29811 C. assur., art. L. 113-3-2° et L. 112-3, al. 4 – Déclaration pré imprimée d’absence de PV pour conduite en état alcoolique, délit de fuite, annulation ou suspension de permis cinq avant la conclusion du contrat – PV de conduite en état alcoolique quatre ans avant la conclusion du contrat – Questions posées lors de la conclusion du contrat (non) – Fausse déclaration (non) – Nullité (non). Obs. Une nouvelle déclaration de risques pré imprimée neutralisée Comme nous le rappelions par un précédent commentaire (V. note sous Cass. crim., 15 déc. 2015, n° 14-85225, LEDA févr. 2016), depuis l’intervention de la chambre mixte, le 7 février 2014 (n° 12-85107, cette revue mars 2014, note S. Abravanel-Jolly), une fausse déclaration de risques suppose une réponse fausse à une question, claire et précise, posée par l’assureur avant la conclusion du contrat. Cette réponse peut être issue, soit d’un questionnaire, soit prendre la forme d’une déclaration pré rédigée, précise et individualisée, faisant présumer une question posée (Cass. 2e civ., 11 juin 2015, n° 14-14336, n° 14-17971, n° 14-18013, LEDA 2015, n° 112, note A. Astegiano-La Rizza). Il en résulte qu’une fausse déclaration ne saurait résulter d’une déclaration pré imprimée non précédée d’une question, ainsi que l’a très bien rappelé (V. S. Abravanel-Jolly, Condamnations des mentions pré rédigées, RLDA 2014, n° 5405) l’arrêt soumis à notre appréciation. Dans cette affaire, à la suite d’un accident de la circulation, l’assureur du conducteur responsable invoque la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle, en se fondant sur la production d’une déclaration pré imprimée, selon laquelle « le souscripteur déclare qu'au cours des cinq dernières années, il n'a pas fait l'objet d'un procès-verbal pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou délit de fuite, ni d'annulation ou suspension du permis de conduire de plus de deux mois... ». Or, précisément, ledit conducteur avait fait l'objet d'un procès-verbal pour conduite d'un véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique quatre ans environ avant la conclusion du contrat. Au demeurant, la deuxième chambre civile censure la cour d’appel pour avoir prononcé la nullité demandée au mépris d’un principe, désormais acquis, fondé sur les articles L. 113-2 2°, L. 112-3 : « l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur… lors de la conclusion du contrat… l’assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions ». La solution, constante, est parfaitement rendue : le souscripteur doit être à même de mesurer correctement le sens des affirmations que l’assureur lui prête, ce qui n’est pas possible avec les déclarations pré imprimées non questionnées de façon précise et individualisée (V. dans ce sens : Cass. 2e civ., 11 juin 2015, n° 14-14336, n° 14-17971, n° 14-18013, préc). Or, en l’espèce, rien ne nous indique qu’une question en ce sens ait été posée au souscripteur avant la conclusion du contrat ; la généralité de la déclaration litigieuse laisse au contraire penser qu’il s’agit d’une formule type. Sabine Abravanel-Jolly L’arrêt : Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le véhicule automobile conduit par M. X..., assuré auprès de la société ACM (l'assureur), a été impliqué dans un accident de la circulation, en percutant deux autres véhicules occasionnant ainsi, notamment, des blessures à Mme Y..., assurée auprès de la société MAAF assurances (la MAAF) et à son passager ; que l'assureur a assigné M. X...en nullité de son contrat d'assurance, au motif d'une fausse déclaration intentionnelle de sa part lors de la souscription du contrat ; que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) a été appelé en déclaration de jugement commun ; que M. X...a été condamné au remboursement des sommes versées par l'assureur aux victimes de l'accident ; que la MAAF est intervenue volontairement en cause d'appel ; Sur la recevabilité du pourvoi principal de la MAAF, contestée par la société ACM : Attendu qu'au soutien de l'irrecevabilité du pourvoi principal de la MAAF, l'assureur invoque le caractère accessoire de son intervention devant la cour d'appel ; Mais attendu que la MAAF a demandé, en son nom propre, l'inopposabilité à son égard de la nullité du contrat d'assurance de M. X... ; qu'il en résulte que la fin de non recevoir invoquée par l'assureur manque en fait ; que le pourvoi de la MAAF est recevable ; Sur le premier moyen du pourvoi incident du FGAO tel que reproduit en annexe : Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi incident du FGAO annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche, et sur le deuxième moyen du pourvoi incident du FGAO : Vu les articles L. 113-2 2°, L. 112-3, alinéa 4, et L. 113-8 du code des assurances ; Attendu, selon le premier de ces textes, que l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge ; qu'il résulte des deux autres que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions ; Attendu que pour prononcer la nullité du contrat d'assurance, après avoir relevé que celui-ci, daté du 22 décembre 2004, contient une déclaration pré-imprimée, que M. X...a approuvée en la signant, et rédigée comme suit : « le souscripteur déclare qu'au cours des cinq dernières années, il n'a pas fait l'objet d'un procès-verbal pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou délit de fuite, ni d'annulation ou suspension du permis de conduire de plus de deux mois... », l'arrêt constate que M. X..., contrôlé le 15 juillet 2000 avait fait l'objet d'un procès-verbal pour conduite d'un véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique ; que cette fausse déclaration intentionnelle a eu pour effet de modifier l'appréciation par l'assureur du risque pris en charge ; que le moyen pris de l'absence de questionnaire doit être écarté ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et sur le troisième moyen du pourvoi incident du FGAO : Vu les articles L. 421-1, III, et R. 421-1 du code des assurances ; Attendu, selon ces textes, que le FGAO paie les indemnités dues aux victimes ou à leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l'accident ouvre droit à réparation ; qu'en raison du caractère subsidiaire de cette mission, le FGAO ne peut être condamné au paiement des dépens, qui ne figurent pas au rang des charges qu'il est tenu d'assurer ; Attendu que l'arrêt condamne le FGAO aux dépens hormis ceux afférents à l'intervention volontaire de la MAAF ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi principal : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;