L_accompagnement d_un Mineur Isolé Etranger

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L_accompagnement d_un Mineur Isolé Etranger
L’accompagnement d'un Mineur Isolé Etranger (MIE)
Quelles sont ses possibilités de régularisation pour un mineur en France ?
a. La demande d’asile : la démarche est alors la même que celle d’un majeur, gérée néanmoins par
un administrateur ad hoc désigné par le procureur.
b. Le titre de séjour dans le cadre d’une prise en charge par l’ASE :
- s’il a moins de 16 ans*, le mineur obtiendra presque toujours une carte de vie privée familiale
(carte délivrée de plein droit : article L 313 11 2bis du CESEDA).
- s’il a plus de 16 ans*, il peut obtenir ce titre de séjour à ses 18 ans, sous réserve d’avoir suivi une
formation qualifiante de 6mois (article L 313 15 du CESEDA).
*âge à la date de prise en charge par l’ASE, voire à la date de l’ordonnance de placement par le juge.
I. Le parcours d’un MIE
1. La première démarche : entrer dans le circuit
Dès son arrivée à Paris, le mineur doit se rendre au DEMIE - accueil entre 9h et 17h, se présenter de
préférence avant 15h pour prise en charge le jour même (Centre de la Croix Rouge, 5 rue du Moulin Joly Métro Couronnes - Tel 01 43 55 42 29). La première fois, quelques renseignements succincts lui seront
demandés sur son identité et son âge et il sera inscrit sur les listes.
Il devra obligatoirement obtenir le soir même un hébergement de type « mise à l’abri » (hôtel).
Un rendez-vous pour un entretien d’évaluation lui sera notifié quelques jours plus tard. Jusqu’à la
notification écrite du résultat de cet entretien (document remis par le DEMIE), il doit normalement être mis
à l’abri sans condition. Si ce n’est pas le cas, il faut impérativement le signaler (cf. III).
Le DEMIE étant fermé le samedi et dimanche, si un mineur arrive durant le week-end, il devra
attendre le lundi suivant pour entrer dans ce système. Les hébergements procurés le vendredi soir sont
effectifs jusqu’au lundi matin. Cette fermeture du DEMIE le week-end, actée depuis un an, est inacceptable :
il faut le signaler autant que possible.
Attention : Chaque département a son propre centre d’accueil et d’orientation pour MIE.
2. Comment agir concrètement :
Lorsqu’on rencontre un MIE sur Paris, s'assurer qu'il n'a pas déjà été pris en charge (avec traducteur
si possible), et l’orienter sans délai vers le DEMIE. Selon l'heure, on peut le/les y accompagner directement
en signalant qu’ils sont nouveaux, ou les signaler à Matthieu (Emmaüs), qui viendra ou enverra une maraude
les chercher le lendemain matin pour les y emmener. Vous pouvez également contacter l'équipe TIMMY
(équipe de soutiens) qui pourra faire la coordination. Prendre systématiquement leurs noms, âges et n° de
téléphone, cela permettra de suivre leurs démarches et les orienter si nécessaire.
Le mineur devra retourner le midi et l'après-midi au Demie pour récupérer ses tickets repas (à confirmer)
Les rdv sont difficiles à donner, choisissez des connaissent et recontactez-les avant le rdv. S’ils sont afghans
ou iraniens, il est bon ensuite de les adresser à Jean-Michel Centres (CAMRES, cf. infos ci-dessus).
Tard le soir, l'ultime solution est de se présenter avec le mineur dans un commissariat, il devra être logé en
foyer pour la nuit puis orienté vers le Demie le lendemain. Signaler également si ce n'est pas le cas.
A savoir : généralement, aucune prise d’empreinte ne sera faite durant tout le parcours en France en tant
que mineur ; néanmoins, la police a le droit de prendre les empreintes de mineurs de plus de 14ans, lors
d’un contrôle d’identité par exemple. Aucun fichier national n’existe pour le moment sur les MIE non pris en
charge donc refusés; ce type de fichier existe en revanche pour les mineurs signalés à la cellule de la PJJ
chargée de les orienter dans différents départements après leur prise en charge.
3. L’entretien d’évaluation
Il peut être effectué par le DEMIE ou un autre organisme (SSDP ou CASVP). Normalement cet
entretien devrait se faire avec plusieurs personnes (traducteur, psychologue), mais les conditions ne sont
généralement pas respectées (une seule personne, traducteur par téléphone).
Il n’y a aucun conseil spécifique à leur donner pour cet entretien car les critères sont très opaques ;
seul impératif pour le jeune : éviter de dire qu’il connaît des français ou qu’il a de la famille ici, il doit
démontrer son réel isolement sur le sol français (isolement + vie dans la rue = éléments de danger pris en
compte pour sa protection au titre de l’article 375 du Code Civil).
4. En cas de refus
Il y aurait 80% de refus suite à cet entretien d’évaluation ! Le jeune n’est alors plus considéré comme
mineur, il ne bénéficie donc plus d’aucune mise à l’abri et se retrouve dehors.
Suite à ce refus, il est possible de lancer une saisine du juge des enfants (par le biais de l’ADJIE, délai
de 2mois, 50% des cas sont reconnus mineurs). Pour effectuer cette saisine, il faut un document d’état civil
avec photo, sans quoi le juge ne prendra en compte que l’avis des médecins sur le test osseux.
Lorsque le mineur récupère sa lettre de refus (à vérifier avec lui en lui demandant de voir le papier
officiel), il est préférable de l’envoyer voir Jean-Michel Centres s’il est afghan ou iranien (CAMRES, 11
passage du Bail, lieu mieux connu des afghans sous le nom de Tchai Khona) qui préparera son dossier pour la
saisine de l’ADJIE. S’il est d’une autre nationalité, l’envoyer directement à l’ADJIE (49ter avenue de Flandres,
permanences le mercredi de 19h à 21h et le samedi de 10h à 13h ). Y aller impérativement à l’ouverture ; si
un accompagnement est toujours préférable, il n’est pas indispensable.
Si le jeune ne parle ni arabe ni anglais, possibilité de lui donner un mot explicatif.
Attention : Certains mineurs hésitent ou tardent à aller retirer ce document (et signer), mais aucune saisine
ne pourra être engagée sans, et s'il tarde trop ce document risque d'être renvoyé et du temps sera perdu à
le récupérer. Signer ne signifie pas l'approbation de cette décision !
Si la décision du juge est négative, on peut faire appel, mais cela implique encore 8 mois d’attente
pour 90% de cas refusés à Paris. Il est possible de tenter les mêmes démarches dans une autre ville, mais
s’ils sont déclarés faux, les documents d’état civil ne seront pas rendus.
Si la décision est positive, le jeune revient dans le circuit ASE (dans les 2 ou 3 jours). L’ASE est alors
responsable de lui jusqu’à ses 18ans, ou bien jusqu’à ses 21ans dans le cas d’un contrat jeune majeur.
Pour ceux qui se disent mineurs mais ne le sont pas, ou même pour ceux qui sont âgés de 17ans, il
peut être finalement plus intéressant de demander l’asile plutôt que d’attendre le temps de la saisine. Le
fait d’avoir essayé d’être reconnus mineurs par le DEMIE ne pose pas de problème car cette information ne
pourra être transmise, en l’absence de fichier national. L’OFPRA se base uniquement sur la déclaration du
jeune.
Une autre possibilité de faire une saisine est que le jeune demande de lui-même de l’aide à un avocat
du Barreau de Paris (une permanence pour MIE a été ouverte au sein de l’antenne Mineurs au palais de
Justice) mais l’avocat n’abordera que le problème juridique de la reconnaissance de minorité et
n’effectuera, au contraire des associations comme l’ADJIE, aucune autre démarche ni aucun autre suivi de la
situation. Il semble donc préférable de passer par l’ADJIE car de toute façon un avocat de l’antenne mineur
sera désigné comme conseil du jeune.
5. Scolarisation
Normalement, un jeune de moins de 16ans devrait être scolarisé. Mais aujourd’hui, sans décision
d’un juge concernant sa minorité, un jeune ne pourra l’être que rarement. Le CASNAV peut accepter de faire
passer les tests scolaires, mais n’orientera généralement pas le jeune vers un établissement scolaire.
La prise charge par l’ASE, s’arrête à l’obtention du premier diplôme suivant ses 18ans.
5. Suivi médical et psychologique
Les mineurs peuvent se présenter à Médecins du Monde le mercredis après-midi à partir de 14h15 pour être
soignés. (MDM, 62bis avenue Parmentier - 01 43 14 81 84 - prévenir la veille du nombre de mineurs que
vous souhaitez envoyer). Il est préférable d'y aller avec un traducteur, surtout pour le premier rdv.
Il est possible aussi de les faire recevoir dans la PASS Robert Debré (enfants et mineurs) en les
accompagnant, ou en dernier recours de les orienter vers les autres PASS comme majeurs si urgence, sous
réserve qu’ils ne présentent pas plus tard dans un autre contexte les documents médicaux comportant
mention de cette « majorité» circonstancielle.
Sinon le DEMIE leur donne parfois un papier pour les PASS classiques, mais ils ne seront pas toujours
reçus, il faut vraiment insister.
Il existe des associations qui proposent un suivi psychologique, mais elles sont surchargées. Dans le
cadre de leur prise en charge, les MIE n’auront réellement accès à un psychologue qu’en cas de troubles
importants. MDM propose néanmoins un accueil par des pédopsychiatres lors des consultations du
mercredi après-midi (traducteur par téléphone la plupart du temps).
6. Départ
Si un mineur décide qu’il veut rentrer dans son pays, c’est au juge de décider s’il peut le faire sans
risque. De toute façon, la condition pour le retour est d’avoir passé 6 mois sur le territoire français.
Si, suite à un refus, le jeune veut se rendre dans un autre pays européen afin de retenter sa chance,
c’est tout à fait possible : selon le règlement Dublin 3, si un mineur demande l’asile dans un pays, ce dernier
est obligé d’accepter sa demande. Le fait que ses empreintes aient été prises dans un ou plusieurs autres
pays n’a pas d’importance et les démarches auprès du DEMIE ne laissent aucune trace. La situation est un
peu plus floue s’il a déjà demandé l’asile ailleurs. Il est par ailleurs bon de savoir que si sa demande est
refusée dans des pays comme la Suède, le Danemark, l’Angleterre ou la Norvège, il sera pris en charge
temporairement, puis déporté vers son pays d’origine à ses 18 ans révolus.
II. Un accompagnement responsable
1. Héberger un mineur
Héberger un mineur dans l’urgence, par exemple un week-end lorsque le DEMIE est fermée, ne
devrait pas poser de problème mais un hébergement plus long ne peut se faire sans signalement du mineur
(aux services sociaux ou au procureur du parquet mineur : cf. III). Lorsqu’il s’est déclaré à la DEMIE, on peut
partir du principe que cela a été fait, et l’hébergement par des particuliers ne devant pas se substituer à la
prise en charge dans le droit commun. (Lorsqu'ils disent avoir été refusés, demander leur le papier du
DEMIE, s'il n'ont eu que l'information orale, ils doivent être mis à l'abri par le DEMIE)
L’hébergement ne peut s’envisager que dans l’urgence pour un jeune que le DEMIE a laissé à la rue.
Enfin, si le jeune a été refusé du DEMIE, il n’est plus considéré mineur, il n’y a donc aucun problème à
l’héberger tout en l’accompagnant impérativement dans ses démarches (saisine du juge pour contester le
refus de minorité et tenter de la prouver, ou demande d’asile classique des majeurs s'il "abandonne" sa
minorité). Mais attention, si le demandeur d’asile (processus des majeurs), parce qu’hébergé, ne signe pas la
feuille concernant l’acceptation du CADA ou s’il n’accepte pas de rejoindre le CADA, il perdra ses droits à
l’hébergement et à l’allocation de demandeur d’asile (ADA)… et une procédure d’asile peut durer de longs
mois voire des années, durant lesquels il sera dehors si l’hébergement des soutiens s’arrête.
2. Le mettre en garde contre certains dangers
Des personnes ont approché des mineurs pour d’autres motifs que leur apporter de l’aide, en
particulier par intérêt pédophile. Il est de notre responsabilité de mettre les jeunes en garde contre ces
personnes, notamment parce que dans leur détresse certains sont parfois prêts à accepter beaucoup de
choses en échange d’un toit ou d'argent.
Il est aussi utile de mettre en garde les jeunes contre ce qu’ils peuvent dire à leurs copains sur leur
situation, car il est arrivé que des délations (sur des « faux » mineurs par exemple) pèsent lourdement sur
des démarches.
Lorsqu’un jeune est pris en charge par l’ASE (jusqu’à 18 ans, voire 21 ans s’il a un contrat jeune
majeur), il peut se retrouver dans des situations difficiles (centres, éducateurs). Mais s’il fugue ou fait le
moindre écart, il risque gros : une nouvelle expertise de test osseux peut être demandée, il peut alors être
déclaré majeur (main levée du juge des enfants) et sorti du système. En cas de problème il faut qu’il prenne
contact rapidement avec des associations ou éventuellement des soutiens pour essayer de trouver une
solution avant « la rupture ».
3. Ne pas céder trop vite à l’empathie
Il y a évidemment urgence, ces mineurs sont fragiles, à la rue… MAIS le plus important est qu’ils sont
là pour construire leur avenir, et il est surtout crucial de leur permettre de suivre correctement leur
procédure de prise en charge par l’ASE, sans jamais les sortir du droit commun.
Lorsqu’on veut entourer ou accueillir un jeune, il faut aussi garder à l’esprit que selon la loi, il peut
être envoyé n’importe où en France au cours de sa prise en charge. Le rendre dépendant par trop
d’attachement et de confort sur la durée n’est pas un cadeau à lui faire car d’autres difficultés l’attendent. Il
ne faut pas oublier qu’à son arrivée, un jeune isolé a déjà vécu des situations très difficiles et il a su se
débrouiller sans nous jusque là. Enfin, nous ne devons pas aller contre leurs décisions (quitter Paris ou la
France par exemple) ni celle de leur famille : ce n’est pas notre rôle, ni notre place.
III. Cadre légal
- Le statut de MIE (Mineur Isolé Étranger) n’existe pas dans le droit français ; en revanche existe celui de
mineur en danger (mineur, seul, dehors = en danger), qui implique une demande de protection du juge.
- Avoir connaissance d’une situation de danger pour un mineur sans le signaler au procureur est un délit,
passible de prison.
- Il est très important de signaler tout mineur en danger ou subissant un traitement administratif anormal
(ex : il s’est signalé au DEMIE mais est sans rdv ni hébergement). Même un jeune refusé de la DEMIE peut
être signalé, il n’est marqué nulle part qu’il est majeur. En effet, en plus de l’aspect légal mentionné cidessus, cette interpellation des autorités est nécessaire pour que ces jeunes ne soient pas « invisibles » ou
que leur présence à la rue ne soit pas niée comme c’est souvent le cas. C’est une condition, nécessaire mais
non suffisante, pour espérer faire évoluer le système d’accueil des MIE
Il s’agit alors simplement d’envoyer un mail aux personnes suivantes
(ou d'en faire part à Emmaüs, Jean-Michel ou TIMMY qui relaiera l'info):
le Défenseur des droits ([email protected])
D. Versini ([email protected])
W. Todeschini ([email protected])
D. Bordin ([email protected])
ou encore au maire si le jeune est dans le 10° arrondissement ([email protected]).
Plus d’informations sur www.infomie.net
Lexique
ADA
ADJIE
ADMIE
ASE
CADA
CAMRES
CASVP
CESEDA
DASES
DEMIE
SSDP
Allocation du Demandeur d'Asile
Accompagnement et Défense des Jeunes Isolés Étrangers
Association pour la Défense des Mineurs Isolés Etrangers
Aide Sociale à l'enfance
Centre d'Accueil de Demandeurs d'Asile
Centre d’Accueil Médicalisé et de Réinsertion Economique et Sociale
Centre d'Action Sociale de la Ville de Paris
Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile
Direction de l'Action Sociale, de l'Enfance et de la Santé
Dispositif d'Evaluation des Mineurs Isolés Etrangers
Service Social Départemental Polyvalent