La Cour d`appel fédérale clarifie les effets de la renonciation
Transcription
AVRIL 2009 Actualités – Propriété intellectuelle La Cour d’appel fédérale clarifie les effets de la renonciation partielle à la protection du privilège À L’INTÉRIEUR Un tribunal ontarien refuse d’exercer sa compétence sur un concédant de licence non résident La Cour d’appel du Québec rejette une demande d’injonction contre d’anciens administrateurs accusés d’avoir détourné un procédé de réutilisation d’aluminium Le 30 janvier 2009, la Cour fédérale d’appel (« CAF ») a clarifié les circonstances dans lesquelles la renonciation partielle au privilège visant un document peut entraîner la renonciation totale implicite au privilège. La décision de la CAF dans l’affaire Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc. (2009 CAF 27) était une décision interlocutoire dans une affaire de contrefaçon de brevet. La question a été soulevée à l’occasion d’un interrogatoire préalable dans un litige concernant le brevet sur la fabrication de la lovastatine. Ce produit est fabriqué par certains micro-organismes. La production de la lovastatine par le micro-organisme Aspergillus terreus est couverte par un brevet canadien dont la demanderesse, Merck & Co. Inc. (« Merck ») est propriétaire. Merck avait apparemment effectué certaines analyses, relativement aux allégations contenues dans sa déclaration, afin d’améliorer sa compréhension du processus employé par les défenderesses. Comme ces analyses ont été effectuées en vue d’une instance, il s’agissait de renseignements privilégiés. Le but de ce privilège est de créer une zone de confidentialité dans le cadre d’un litige en instance ou en vue d’un litige, afin de faciliter l’enquête et la préparation d’une cause. Lors d’un premier interrogatoire préalable, le représentant de Merck a répondu à certaines questions sur ces analyses. Dans un deuxième interrogatoire préalable, Apotex a posé d’autres questions sur les analyses, auxquelles le représentant de Merck a refusé de répondre, au motif qu’elles portaient sur des renseignements privilégiés. Avant que le représentant de Merck ne réponde aux questions sur les analyses, il était clair que tous les renseignements concernant ces analyses étaient privilégiés et que Merck n’avait à répondre à aucune question à ce sujet. Toutefois, après avoir répondu à certaines questions sur les analyses, Merck s’est trouvée à partiellement renoncer à ce privilège. En cas de renonciation partielle au privilège, la règle est de considérer qu’il y a eu renonciation totale au privilège lorsque son maintien sur certains renseignements risque d’entraîner des incohérences et d’occasionner une iniquité pour l’autre partie. Le présent bulletin est rédigé par des membres du groupe de la propriété intellectuelle de Stikeman Elliott. RÉDACTRICE EN CHEF : JUSTINE WHITEHEAD [email protected] STIKEMAN ELLIOTT LLP ¦ La règle existe parce que le but du privilège est de protéger une zone de confidentialité pour certains types de renseignements. Le privilège n’existe pas pour permettre à une partie à un litige de dévoiler uniquement les éléments de preuve qui lui conviennent mais de passer sous silence ceux qui lui sont défavorables, sous prétexte qu’il s’agit de renseignements confidentiels. La CAF a cassé le jugement de la Cour fédérale parce qu’il n’expliquait aucunement en quoi le maintien de la renonciation partielle au privilège aurait entraîné une iniquité ou incohérence particulière. Le juge de la Cour MONTRÉAL TORONTO OTTAWA CALGARY VANCOUVER NEW YORK LONDON SYDNEY www.stikeman.com fédérale a simplement déclaré que la cohérence et l’équité devait conduire à une renonciation totale au privilège, sans pour autant expliquer comment il en arrivait à cette conclusion. En revanche, la CAF a étudié avec soin le risque d’iniquité envers les défenderesses et a jugé qu’il était nul, d’abord parce que Merck ne pouvait pas utiliser ses propres réponses partielles au procès, ensuite parce que si Merck voulait invoquer les analyses et les faits sur lesquels elles se fondent, il lui faudrait produire les données pertinentes bien avant le procès. Ayant jugé qu’il n’y avait eu aucune iniquité réelle envers la partie adverse, la Cour d’appel a statué que la cohérence et l’équité n’exigeaient pas la renonciation totale au privilège. Par conséquent, les renseignements supplémentaires sur les analyses, demandés par Apotex, pouvaient demeurer secrets. Cette cause nous rappelle qu’il faut être prudent lorsque des questions de privilège sont soulevées. La renonciation partielle au privilège est une décision stratégique importante dont les répercussions doivent être étudiées avec soin. Un tribunal ontarien refuse d’exercer sa compétence sur un concédant de licence non résident En octobre 2008, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a confirmé qu’une entité étrangère qui ne fait que concéder des licences sur ses marques de commerce canadiennes en Ontario n’a pas de lien suffisant avec l’Ontario pour qu’un tribunal de cette province accepte d’exercer sa compétence sur elle. L’affaire Charron v. Bel Air Travel Group Ltd. (2008) 92 O.R. (3d) 608 découle du décès malheureux d’un Ontarien, survenu alors qu’il pratiquait la plongée sous-marine dans un centre de villégiature tout compris de Cuba. Son épouse et ses enfants ont intenté la poursuite en Ontario contre de nombreux défendeurs, notamment l’agent de voyage et le voyagiste, situés en Ontario (les « défendeurs canadiens »), le propriétaire du centre de villégiature cubain et plusieurs employés de ce centre (les « défendeurs cubains »), l’exploitant du centre de villégiature cubain, qui fait la promotion du centre de villégiature au Canada (l’« exploitant ») et le concédant des marques de commerce sous lesquelles le centre de villégiature exerçait ses activités (le « concédant de licence »). L’exploitant et le concédant de licence sont des sociétés constituées aux Îles Caïmans. En défense, l’exploitant et le concédant de licence ont fait valoir que les tribunaux de l’Ontario n’avaient pas compétence ou n’étaient pas les tribunaux qui convenaient (forum non conveniens). Le critère dont on doit tenir compte pour déterminer si un tribunal ontarien a compétence sur un défendeur non domicilié dans le ressort du tribunal ou qui ne reconnaît pas sa compétence est d’établir si le défendeur a un « lien réel et substantiel » avec l’Ontario. Le tribunal a étudié cette question en fonction de huit facteurs dégagés par la jurisprudence : 1. le lien entre l’Ontario et l’action du demandeur; 2. le lien entre l’Ontario et les défendeurs; 3. l’injustice qu’il y aurait pour le défendeur à ce que le tribunal exerce sa compétence; 4. l’injustice qu’il y aurait pour le demandeur à ce que le tribunal n’exerce pas sa compétence; 5. la présence d’autres parties à l’instance; 6. le point de savoir si le tribunal est disposé à reconnaître et à exécuter un jugement semblable contre un défendeur canadien rendu sur la même base juridictionnelle; 7. le point de savoir si l’affaire est de nature interprovinciale ou internationale; 8. la courtoisie judiciaire et les normes de compétence, de reconnaissance et d’exécution des jugements qui ont cours ailleurs. L’évaluation faite par le tribunal des facteurs précédents à l’égard du concédant de licence et de l’exploitant était la même pour tous les facteurs sauf un. Le tribunal a jugé que l’exploitant pouvait être considéré comme ayant un lien avec l’Ontario parce qu’il s’est occupé du marketing du centre de villégiature en Ontario aux termes d’une convention conclue avec un des défendeurs canadiens. Quant au concédant de licence, le tribunal a considéré qu’il n’avait aucun lien avec l’Ontario. Même si, en droit, aucun facteur n’est déterminant à lui seul, le tribunal a jugé que l’exploitant avait un lien réel et substantiel avec l’Ontario, ce qui le justifiait d’exercer sa compétence. Par contre, comme aucun lien du genre STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l.: 2 n’existait en ce qui concerne le concédant de licence, la poursuite intentée contre lui a été suspendue. Ce jugement confirme qu’un concédant de licence dont le seul lien avec un territoire est l’utilisation d’une marque de commerce dans ce territoire ne peut être considéré comme ayant un lien réel et substantiel avec le territoire en cas de poursuite. La Cour d’appel du Québec rejette une demande d’injonction contre d’anciens administrateurs accusés d’avoir détourné un procédé de réutilisation d’aluminium Dans l’affaire Gotar Technologies inc. c. Arseneault (2008 QCCA 560) la Cour d’appel du Québec statue qu’une clause de non concurrence et de transfert de propriété intellectuelle à un employeur ne peut avoir pour conséquence, aussi large soit son libellé, d’empêcher une personne de gagner sa vie dans un domaine semblable lorsque le lien avec l’employeur est terminé. En outre, un projet commercial rejeté par l’employeur ou auquel il ne donne pas suite peut être légitimement repris par d’anciens employés. En mars 2008, la Cour d’appel du Québec a confirmé le jugement de la Cour supérieure rejetant la demande d’injonction permanente présentée par Gotar Technologies inc. (« Gotar »), qui cherchait à faire interdire à deux anciens administrateurs de Gotar d’utiliser un procédé de transformation d’aluminium. Gotar alléguait que le procédé lui avait été cédé par un des anciens administrateurs et que son utilisation par les administrateurs violait leurs obligations contractuelles et civiles de non-concurrence et de loyauté. Le défendeur, Émile Arseneault, avait été un des premiers actionnaires et administrateurs de Gotar lorsqu’elle a été constituée en 1997. Auparavant, M. Arseneault avait travaillé pour Les Traitements Villeneuve Inc., société se spécialisant dans la récupération, le traitement et la réutilisation de métaux contaminés et non contaminés. Gotar offre des services de désoxydation, de dégraissage et de nettoyage industriel pour l’équipement industriel en utilisant des produits et des méthodes de traitement biodégradable et non toxique. En 2001, alors qu’il travaillait encore pour Gotar, M. Arseneault avait avancé l’idée de récupérer les copeaux d’aluminium et de les soumettre à un procédé de décontamination chimique pour les rendre réutilisables. L’idée a fait l’objet de discussions avec un agent de brevets, mais n’a jamais été développée. La relation de M. Arseneault avec Gotar a commencé à se détériorer en 2003, et il a quitté la société en 2004. En avril 2004, M. Arseneault et un autre ancien administrateur de Gotar, André Simard, ont créé la société Alumitherm International inc. (« Alumitherm »). Alumitherm est un fournisseur de granules d’aluminium calibrés réutilisables créés en utilisant un procédé de transformation des copeaux d’aluminium. Gotar a demandé à la Cour supérieure du Québec une injonction permanente contre Alumitherm, alléguant qu’elle était propriétaire du procédé de transformation employé par Alumitherm, et que M. Arseneault et M. Simard avaient posé des actes de concurrence déloyale et privé Gotar d’une occasion d’affaires. Dans son contrat avec Gotar, M. Arseneault avait cédé ses droits sur divers produits de désoxydation, de dégraissage et de décontamination qu’il avait inventés. Les deux anciens administrateurs avaient accepté que Gotar soit la propriétaire des droits de propriété intellectuelle sur ce qu’ils avaient inventé, créé ou développé alors qu’ils travaillaient pour Gotar. Toutefois, la Cour supérieure a jugé que ces clauses contractuelles n’accordaient pas à Gotar de droits à l’égard du procédé employé par Alumitherm, principalement parce qu’elle a été convaincue par le rapport de l’expert des défendeurs expliquant que le procédé de transformation mécanique employé par Alumitherm est complètement différent des procédés et des produits de décontamination chimique employés par Gotar. En appel, la Cour d’appel du Québec a convenu que les deux procédés étaient complètement différents et ne se faisaient pas concurrence. La Cour d’appel a également noté que les textes fort larges des contrats signés par les anciens administrateurs ne pouvaient être interprétés pour faire en sorte que toutes les technologies conçues par M. Arseneault au cours de son emploi soient automatiquement transférées à Gotar, lorsqu’elles n’ont rien à voir avec celles employées par Gotar. En ce qui concerne les allégations de concurrence déloyale et de contravention aux obligations de loyauté, la Cour d’appel a confirmé les conclusions de la Cour supérieure, selon lesquelles Gotar n’a été privée d’aucune occasion d’affaires. L’idée de récupérer et de rendre réutilisables les copeaux d’aluminium avait été présentée STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l.: ACTUALITÉS - PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE - AVRIL 2009 3 par M. Arseneault en 2001, mais, pour divers motifs, Gotar avait décidé de ne pas développer ce concept. Dans ces circonstances, selon les deux juridictions, rien n’empêchait M. Arseneault de relancer cette idée en 2004, de la développer et de la mettre en oeuvre. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec votre représentant de Stikeman Elliott, avec la rédactrice en chef, Justine Whitehead ([email protected]), ou avec un membre de notre groupe de la propriété intellectuelle indiqué ci-après. Le groupe de la propriété intellectuelle de Stikeman Elliott : OTTAWA Stuart C. McCormack [email protected] Kim D.G. Alexander-Cook [email protected] Nicole Brousseau [email protected] D. Jeffrey Brown [email protected] Craig Collins-Williams [email protected] Eugene F. Derényi [email protected] Randall Hofley [email protected] Nicholas McHaffie [email protected] Ryan Sheahan [email protected] Alexandra Stockwell [email protected] Vivien Tzau [email protected] Justine M. Whitehead [email protected] TORONTO Kathryn I. Chalmers [email protected] Martin Langlois [email protected] MONTRÉAL Jonathan Auerbach [email protected] Bruno Barrette [email protected] Marc-André Coulombe [email protected] Mortimer Freiheit [email protected] Benoît Huart [email protected] Caroline Plante [email protected] CALGARY Nick J. Kangles [email protected] www.stikeman.com Pour vous abonner au présent bulletin ou vous désabonner de celui-ci, veuillez communiquer avec nous à [email protected]. Cette publication ne vise qu’à fournir des renseignements généraux et ne doit pas être considérée comme un avis juridique. © Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Documents pareils
Actualités – Droit de l`énergie Les services publics doivent
Pour vous abonner au présent bulletin ou vous désabonner de celui-ci, veuillez communiquer avec nous à [email protected].
Cette publication ne vise qu’à fournir des renseignements généraux et ne do...
Affaire Bilski: début de l`effet d`entraînement
Le groupe de la propriété
intellectuelle de Stikeman Elliott :
OTTAWA
Stuart C. McCormack
[email protected]
Kim D.G. Alexander-Cook
[email protected]
Nicole Brousseau
nbrousseau@sti...
USA PATRIOT Act - Stikeman Elliott LLP
stockés au Canada et accessibles uniquement du Canada, avaient été remplies. Comme il fallait s’y attendre,
actualités – litige - Stikeman Elliott LLP
rendait pas raisonnablement prévisible la conduite en état d’ébriété et les hôtes n’étaient pas au courant du
fait que M. Desormeaux était ivre le soir de l’accident.
La Cour a par la suite précis...