Michaïl Prokhorov : riche et encore
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Michaïl Prokhorov : riche et encore
www.mazars.ru 15 ans en Russie N°178 du 12 au 26 novembre 2010 с w w w. l e c o u r r i e rd e r u s s i e . r u п р и л о ж е н и е м н а р у с с к о м я з ы к е : Bimensuel en langue française с т р . I - I V Michaïl Prokhorov : riche et encore Evgueniï Yassine : Kremlin : cuisine de haute exigence pages 10-11 Logistics all in! Tel. : + 7 (495) 787 99 85 www.group-esi.com Service de presse d’Oneksim privatisation, piège à cons ? pages 6-7 02 Entre-deux Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru Pour les fêtes de fin d’année, offrez une vision différente de la Russie Rédactrice en chef Inna Doulkina [email protected] Rédacteur en chef adjoint Simon Roblin [email protected] Rédacteurs Vera Gaufman, Gabrielle Leclair Correctrice de la version française Julia Breen Rédactrice de la version russe Ekaterina Litvintseva [email protected] Correctrice de la version russe Natalia Leïbina Rédacteur en chef du site Internet Guillaume Clément Marchal [email protected] Directrice artistique Galina Kouznetsova N’hésitez pas à contacter la rédaction Email : [email protected] Tél. (495) 691 83 18 En Russies Adresse du journal 22/2 Ul. Bolshaya Nikitskaya Bureau 33, 103009 Moscou Contacts pour la publicité Tél. (495) 690 64 39 livre de photographies de James Hill commentées en français, russe et anglais Directeur administratif & commercial Thomas Kerhuel [email protected] Responsables commerciaux Alla Tselevich [email protected] Yana Sergeeva [email protected] Ilya Blokhin [email protected] Le 18 novembre, venez fêter le Beaujolais nouveau et l’ouverture de la Semaine de la Gastronomie française au Else Café : restaurant, salle de conférence et centre de bien-être. Responsable distribution & partenariats Anastasia Masherova [email protected] Responsable abonnements Olga Sherbakova [email protected] Edité par OOO Novyi Vek Media © (Nouveau Siècle Media) Enregistré auprès du TsTU du Ministère de la presse et des media PI N. 1-01029 Directeur de la publication Jean-Félix de La Ville Baugé Fondateurs Philippe Pelé Clamour Jean-Luc Pipon Emmanuel Quidet Au programme : Commandez En Russies par téléphone +7 (495) 690 04 26, sur notre site www.lecourrierderussie.ru ou par e-mail [email protected]. Le livre est aussi disponible а la rédaction du Courrier de Russie : 22/2 Bolchaïa Nikitskaïa, entrée 3, bureau 33, Moscou. * Dégustation de Beaujolais nouveau, cuvée 2010 * Surprise du chef et spécialités françaises * Court métrage de style français et lotterie A partir de 19:00 ! Organisé par Russian Business Event Agency www.elseclub.ru Le journal est distribué gratuitement et sur abonnement. Il est imprimé à partir de films au OAO Moskovskaia Gasetnaia Tipografiia, 123995, Moscou, Oulitsa 1905 goda, dom 7. Volume 3 p.l. Tirage 15 000 exemplaires Commande N° 2966 Donné à imprimer le 10 Novembre 2010 03 Éditorial Il ne faut pas mettre le sombrero avant le poncho. Le Courrier de Russie Texte : Jean-Luc Pipon Proverbe mexicain Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru Les riches, les pauvres et les autres R entré en France pour les vacances de la Toussaint, j’ai eu bien du mal à comprendre ce qui s’y passait. Ire de la population à propos des retraites, discussions à n’en plus finir sur un remaniement ministériel qui ne changera pas grand-chose vu la conjoncture internationale, réforme de la fiscalité pour faire payer les « riches ». En fait, seule la vision que les Français ont du monde et d’eux-mêmes peut expliquer cet état de fait. La France a probablement besoin de cette catharsis pour mieux renaître ensuite. Mais pour l’heure, la France est on ne peut plus figée quand le reste du monde n’en finit pas de bouger. Quand il faudrait se résoudre à imaginer de nouveaux modèles, états-majors des partis politiques et syndicats en sont à disserter sur les retraites et à trier riches et pauvres. Il faut dire que la France a été longtemps en pointe, mais le monde était alors bien différent. Saint-Louis a fondé la Sorbonne au XIIIe siècle. Au XVe, la France et l’Europe ont découvert l’imprimerie, les voyages et par suite les échanges, le crédit lombard, les premières sociétés multinationales à comptoirs multiples avec Jacques Cœur. Puis au XVIIe, ce fut le début des empires coloniaux et le mercantilisme et dès 1685, l’établissement du Code noir. Au XIXe, l’industrialisation, les sociétés par actions, l’apogée du colonialisme. Enfin au XXe siècle, le marxisme, l’affirmation des droits de l’homme, la décolonisation suivie des chocs pétroliers, l’émancipation de la femme et surtout l’inversion entre Nord et Sud de la poussée démographique. L’Europe toujours très puissante vit sur son passé. Mais maintenant plus de frontières au moins au plan technique, l’accès de tous au savoir, aux divers marchés, l’inversion des échanges… et comme seul outil un capitalisme en crise. Mais maîtriser les flux n’est pas si simple quand d’autres ont plus de ressources naturelles, des moyens humains pléthoriques avec des exigences sociales proches de rien. La France peut compter, raboter, qui comprend ce qu’il faut mettre en abscisses et en ordonnées ? De préférence à chaudes larmes pour mieux se dédouaner de ne pas chercher à comprendre, intellectuels et journalistes ne vendent qu’émotion ; économistes, scientifiques et autres polytechniciens ne font pas mieux. Sans être sûrs de maîtriser risques et enjeux, ils résolvent tout et son contraire le plus froidement du monde. Et je ne parle pas des énarques qui pour durer, préfèrent gérer, restructurer sans panache plutôt que de mener une politique claire et ambitieuse. Au point qu’on peut se demander si tout n’irait pas mieux si intellectuels et politiques décidaient seulement d’aller à la pêche. Le pire est que le système est en faillite. Et invoquer le passé, aussi glorieux soit-il, ne donne pas plus de droits. Sans même parler de l’Europe, la France découvre que rien n’est acquis. Un rapide inventaire ne plaide pas en faveur du contraire. La France compte 36 682 communes et 503 117 élus locaux ou conseillers régionaux ; 3 650 000 entreprises, 200 000 exploitations agricoles plein temps ; 28 millions d’actifs, 7 millions de fonctionnaires dont 280 000 militaires permanents. La France, c’est 35 millions de foyers fiscaux, parmi lesquels 15 millions (soit moins d’un ménage sur deux) paient l’impôt sur le revenu et 500 000 contribuent à hauteur de 43 % de l’impôt. Le revenu médian est de 27 150 euros par an, soit 2 260 euros par mois. Le niveau de vie médian (qui prend compte des économies d’échelle procurée par la vie en commun) s’établit à 17 600 euros par an et par membre du ménage, soit 1 470 euros par mois. Le revenu disponible de 10% des personnes les plus modestes se compose à près de 42% de transferts sociaux et 7 800 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté (60% du niveau de vie médian). Combien de gens travaillent a Radio-France ? Environ un tiers. José Artur On est tenté d’appliquer à la France toute entière le bon mot de José Artur. Une grosse auto avec un tout petit moteur… Et pourtant la route est pleine d’embûches. 2,8 millions de chômeurs, 68 512 accidents faisant 85 000 blessés et près de 4 000 morts sur les routes. Plus généralement, 530 000 morts par an, dont 300 000 en établissements hospitaliers. 346 932 nouveaux cancers (197 717 pour l’homme et 149 215 chez la femme), la mortalité par cancer touchant 147 239 personnes (85 311 hommes et 61 928 femmes). En termes d’incidence, le cancer de la prostate est le plus fréquent avec plus de 71 000 cas, suivi par le cancer du sein (51 759), le cancer colorectal (39 491) et le cancer du poumon (34 185). Ce dernier serait le plus meurtrier (28 380), devant le cancer colorectal (17 408). Cependant, passé 60 ans, les Français gagnent désormais deux mois d’espérance de vie par an et la France, y compris les DOM-TOM, comptait 825 000 naissances l’an passé. Portrait abrupt qui montre que la vie ne s’articule pas autour de la richesse ou de la pauvreté, ni même de la retraite. La France a inventé l’automobile, l’aviation, le minitel, le TGV, développé l’énergie nucléaire. Elle a raté l’informatique, mais réussit encore dans le luxe, les cosmétiques, la mode et la cuisine, même si tout a été fait pour détruire artisans et agriculteurs. Le monde a fait d’incroyables progrès et, de la femme de ménage à l’artisan en passant même par l’éboueur, chacun a voiture, écran plat, centrale vapeur, micro-ondes, téléphone sans fil, ordinateur et part en vacances. Un petit monde bourgeois qui vit bien ! Dès lors les socialistes ont un immense problème de fond. Justes héritiers de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière), ils préfèrent draguer les sociaux-démocrates, chrétiens de gauche et autres humanistes, plutôt que rester fidèles à leurs premières amours. S’ils étaient logiques, ils devraient se tourner vers les masses chinoises, indiennes ou africaines. Mais la solidarité s’arrête souvent là où commence le sacrifice personnel. La vraie charité, ce n’est pas partager ce que l’on a, mais partager ce que l’autre n’a pas et ça, c’est plutôt chrétien. Il ne peut être question d’acquis sociaux s’ils ne sont pas appliqués à tous et par tous. Seulement nostalgique de son passé, coincée dans des principes abscons, la France fait tout pour ignorer une bonne partie de l’Humanité. Pour avancer, il suffirait de se rappeler la loi des grands nombres. L’explosion démographique n’autorise plus l’Europe et encore moins la France à prétendre représenter un échantillon significatif. Elles sont condamnées à raisonner en fonction des plus grands communs diviseurs : la richesse mondiale et le nombre d’individus. On trouvera peut-être l’algorithme de l’humanité ou une théorie de la relativité entre peuples. A défaut, l’Europe se verra appliquer le plus petit commun multiple : le seuil de pauvreté. Naturam expelles furca, tamen usque recurret (Chassez le naturel à coups de fourche, il revient au galop) Horace e Car nous sommes revenus au XV siècle, époque où la Chine, l’Inde et l’Empire Ottoman étaient extrêmement puissants. Arabes et Vénitiens livraient soie et épices à l’Europe à cinquante fois le prix de départ. L’Europe a alors fui à l’Ouest. Mais aujourd’hui, chacun a fait le tour. Faut-il se barricader ? La Russie nous a assez montré à quoi menait l’entêtement. Le monde peut-il changer ? Un monde plus équitable, plus juste. Effectivement nous finirons peut-être tous par manger des aliments à base de soja et d’huile de palme. Pour beaucoup ce sera un plus, mais pas pour les Français. Et qu’on ne me parle pas d’écologie. Leurs leaders ne savent même pas ce que mange un canard, ni traire une vache. Pas besoin d’écologie pour observer la nature. Gregory King (1695) dont les travaux n’ont été publiés qu’en 1973 est le premier à avoir tenté une projection de la population mondiale. La population qu’il estimait à 630 millions en 1695 devait atteindre 780 millions en 2050. Nous sommes déjà 6,5 milliards ! La vie ne se résume pas à trier riches et pauvres, à imposer ceux-ci pour aider ceux-là à mieux avaler la pilule. Chacun a le droit à sa vie aujourd’hui et maintenant. Au XVIe siècle, les Percherons allaient chercher fortune en partant pour la Nouvelle France. Aujourd’hui, c’est plus simple, forts des moyens et techniques de communication, il faut s’acharner à être de tous les flux. Car si la France était plus riche de ressources, elle ne gagnerait pas grand-chose à montrer sa force. La Russie est encore là pour nous le montrer. Poursuivant une tradition séculaire depuis Pierre le grand en passant par Catherine II, elle maintient un régime de despotes éclairés. En d’autres temps, autocratie et servage n’ont fait qu’entraver le développement capitaliste. Aujourd’hui la Russie est plus respectée qu’il y a vingt ans. Elle a repris la main sur ses ressources naturelles, mais toujours loin d’avoir résolu ses problèmes internes. Pendant ce temps, la nature implacable livre son lot d’évènements internationaux : revers de Barack Obama aux midterm elections, assassinat de chrétiens en Irak, visite en France du président chinois, rachat de bons du trésor américains. Pour se sortir du chaos avant tous les autres ? Officiellement pour limiter un risque inflationniste. Peut-être aussi pour limiter les risques que la Chine ait définitivement la clé pour que les Etats-Unis fassent le grand plongeon quand elle le voudra. Dans l’instant, l’assouplissement quantitatif de la FED aide les pays comme la Russie à boucler plus facilement leur budget. L'ennemi est bête : il croit que c'est nous l'ennemi, alors que c'est lui ! Pierre Desproges Tout cela donne le vertige. Heureusement pour beaucoup, le monde reste bien plus simple. Acquérir son indépendance, fonder une famille, vivre en société. Au Sénégal, le paludisme recule à grands pas. Mais en Irak, les chrétiens qui étaient 300 000 il y a vingt ans, ne sont plus que quelques milliers. J’aime cette définition de l’identité nationale de Guy Laporte trouvée sur Internet. La France est le pays de la liberté dans la vérité, de la droiture, bref de la franchise. Voilà ce qu’est être Français ! Ni un sang, ni une terre, ni des papiers, mais une vertu ! Assurément, la clé de toute société humaine ne se résume pas à la capacité de faire coexister riches et pauvres, mais bien de permettre la recherche du bien commun. Seules, l’éducation, l’intelligence, la discipline, l’ambition différencient l’homme de l’animal. La paix sociale, la domesticité de la société et la satisfaction de besoins quotidiens ne suffisent pas pour différencier la société du simple zoo. Le choix n’est pas entre un steak à 5 euros dans une épicerie de luxe ou 4 steaks hachés surgelés moins chers dans un hypermarché, mais d’avoir plaisir à produire de la viande, de savoir la préparer et de pouvoir la consommer. Qui sait encore faire la différence entre veau et agneau. Et qui sait qu’un simple morceau de paleron suffit à faire un excellent pot au feu. Le monde n’est toujours pas parti bien loin et pourrait même revenir sur ses pas. Comme dit le proverbe, il ne faut pas mettre le sombrero avant le poncho. ڤ Besoin de dynamiser votre entreprise? Envie de changement? 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Mikhaïl Prokhorov : Je ne crois pas avoir réussi. J’ai créé la base pour réussir. Mon succès est dans l’avenir. Si j’estimais que mon succès était passé, il serait temps de partir à la retraite. Tous les sept ou huit ans, il faut que je change de business. Pour commencer j’ai travaillé dans les PME, ensuite dans la banque puis comme directeur d’une multinationale et maintenant je suis investisseur privé. Dans quatre ans, je ferai autre chose, je ne sais pas encore quoi et ne l’envisage jamais. LCDR : A quoi attribuez-vous cette lassitude ? M. P. : Ce n’est pas de la lassitude, au contraire, c’est une envie de faire autre chose. Après sept ou huit ans dans une activité, on n’a plus faim, on est rassasié mais aujourd’hui j’ai encore plus d’énergie qu’hier pour travailler dans les nouveaux domaines. LCDR : Votre stratégie d’investissement estelle tournée vers la France ? M. P. : Il y a un élément stratégique essentiel à mon avis, le business doit être rapide, il faut trouver la voie la plus courte, c’est en fait la théorie de la paresse absolue : tu agis là où tu es meilleur que les autres. Je pense que mon avantage est en Russie si je peux y trouver des actifs dont le prix est inférieur à celui auquel ils seraient vendus en France. LCDR : De quelle manière procédez-vous dans la recherche de vos actifs ? M. P. : Quand nous analysons un actif, nous faisons un premier plan avec une équipe gestionnaire puis nous regardons si avec un partenaire russe ou étranger 1+1 est égal à plus de deux et quand c’est le cas, on y va. LCDR : Des exemples ? M. P. : Oui, avec une entreprise française justement, Dalkia, pour monter un projet sur le marché du chauffage en Russie qui est un marché en mauvais état. Nous parvenons donc à avoir un avantage concurrentiel en combinant l’expérience en la matière de Dalkia International et notre compréhension professionnelle de la réalité russe. Le résultat sera merveilleux, il y a vraiment beaucoup de choses à faire sur ce marché. LCDR : Vous avez en revanche effectué des investissements culturels en finançant l’exposition « Sibérie inconnue » en France, à Lyon ? M. P. : J’ai des relations particulières avec la France et la fondation que j’ai créée travaille en Sibérie et a son état-major à Krasnoïarsk. Quand nous envisagions de quelle façon célébrer l’année croisée France-Russie, nous avons noté que Krasnoïarsk et Lyon étaient toutes les deux des villes au centre de leur pays, bien sûr ce sont deux pays différents mais les cultures de deux villes au centre peuvent s’unir. Pour la culture russe, la matriochka a nourri le monde entier et rempli sa mission, nous, nous avons choisi d’autres représentants de cette culture : des artistes doués qui s’expriment sur la Sibérie. « La culture je comprends son rôle mais je préfère le sport » LCDR : Vous avez déclaré avoir une relation particulière à la culture. M. P. : La culture, je comprends son rôle et notamment son influence sur l’évolution des sociétés mais je préfère le sport. Le mécène le plus horrible est celui qui juge qu’il a un goût, les dégâts qu’il causera seront à la hauteur des investissements réalisés. La culture est un domaine d’activité assez spécifique, moi je suis un mécène modèle, j’y agis avec l’esprit froid et non le cœur chaud. LCDR : Pourquoi ? M. P. : Parce que tous les changements de société dans le monde ont été des changements culturels qui entraînaient ensuite des changements économiques et ce, depuis la Renaissance, alors on ne va pas réinventer la bicyclette. La connaissance des lois sociales augmente les bénéfices et procure un grand plaisir aux gens cultivés ! LCDR : Vous parliez de la Renaissance, les Médicis ont commencé par le pouvoir économique, puis culturel avec le mécénat, puis politique puis religieux, où vous situez-vous ? M. P. : J’espère que je resterai à la première étape. LCDR : Religieux, politique, non ? M. P. : Je suis encore loin de ces étapes. La politique ne m’intéresse pas, les gens qui en font sont dans des états de non liberté absolue, il n’y a pas de petits plaisirs pour eux dans la vie puisqu’il y a toujours l’opinion publique. J’ai du respect pour eux et je me dis souvent : comment font-ils pour aimer autant le pouvoir ? La qualité et la joie de vivre font que je resterai à cette première étape des Médicis. LCDR : Parlez-nous de votre relation à la France. M. P. : La France et la Russie sont les pays où je passe le plus de temps. A Moscou je fais mon business et dès que je le peux, je passe des vacances en France. J’ai une faiblesse, je suis gourmand et la cuisine française est celle que je préfère. C’est une grande épreuve pour moi à chaque fois parce que je mange trop et dois ensuite faire cinq à huit heures de sport par jour ! LCDR : Qu’aimez-vous en France en dehors de la nourriture ? M. P. : L’ambiance, il y a quelque chose que je ne peux pas expliquer, mon énergie augmente, c’est peut-être ça que j’aime en France, une énergie forte. LCDR : C’est amusant, c’est exactement le contraire qu’on entend des Français de Moscou. M. P. : C’est la loi des systèmes : quand un homme se meut à l’intérieur d’un système, il n’y a pas d’énergie, quand il passe d’un système à un autre, l’énergie est différente. « Moi j’aime la France » LCDR : Et les liens culturels, historiques entre la France et la Russie ? M. P. : Difficile d’être objectif, moi j’aime la France. Au XVIIIe siècle, l’élite russe parlait mieux le français que le russe, ce n’est pas par hasard. Historiquement on voit qu’en politique étrangère, les relations entre la Russie et la France, même sous l’Union Soviétique, étaient > Éminence > bonnes. Sur les questions les plus aiguës, il y a toujours eu une convergence de vues. LCDR : Qu’est-ce qui vous excite aujourd’hui ? M. P. : La vie même. Je ne fais rien de ce qui ne m’excite pas. J’adore les difficultés pour les surmonter ensuite. Vous connaissez le proverbe russe : « Nous créons nous-mêmes nos difficultés pour les surmonter de façon héroïque ». LCDR : Quel type de difficultés ? M. P. : Dans le sport, le business, c’est le côté extrême qui m’attire tant qu’il est contrôlé. Quand il n’est pas contrôlé, je le mets sous contrôle d’abord, et je m’en occupe après. Je vais vous donner un exemple. Je fais du jet ski. Quand la vague était supérieure à deux mètres, je ne pouvais pas sauter à 360 ° et puis on m’a donné la solution : un tremplin et après six mois d’entraînements, je sautais à quatre ou cinq mètres. Et pourtant j’avais déjà plus de quarante ans. L’extrême était devenu contrôlé. : j’ai un gisement de cuivre. Je sais que des innovations nanotechnologiques pourraient permettre de créer un matériau dix fois plus efficace que le cuivre. Je dois savoir ce qui se passe dans les matériaux pour savoir si dans trois ou cinq ans on aura découvert un tel matériau pour pouvoir vendre mon gisement avant. Texte : Jean-Félix de La Ville Baugé Le Courrier de Russie Photo : Marie de La Ville Baugé Du 12 au 26 novembre 2010 merais rendre la Russie plus concurrentielle, offrir aux gens une opportunité légale de travailler beaucoup et gagner beaucoup. Mes propositions ne sont pas populaires mais je continuerai. « Il faut libéraliser la durée légale du travail » « Je n’ai pas d’idole » LCDR : Y-a-t-il des personnages que vous admirez en Russie ou en France ? M. P. : Je n’ai pas d’idole. En France, j’aime bien le Président Sarkozy, les lois qu’il fait éveillent du respect en moi. A la RSPP (Union des industriels et des entrepreneurs russes), je dirige le comité 05 LCDR : Quelles sont vos propositions ? M. P. : La première proposition consiste à simplifier le licenciement et diminuer les dépenses sur les allocations de licenciement : il faut donner moins pour la personne et plus pour sa formation, peut-être que les dépenses vont augmenter mais on aura là un employé formé qui www.lecourrierderussie.ru Special offer for expatriates: book two weeks of any group course and get third week for free!* *Russian language course Au classement Forbes 2010, il est le deuxième homme d'affaires le plus riche de Russie (13,4 milliards de dollars contre 9,5 en 2009). We also teach English and German! Gruzinsky per. 3-181, Ground floor 123056 Moscow Phone/fax: +7 (499) 254-4991 www.lidenz.ru www.linguaconsult.ru [email protected] LCDR : Y-a-t il des challenges qui vous attirent plus que les autres ? M. P. : Non, pour moi, c’est un ensemble de plaisirs et souvent de difficultés que ce soit dans le sport ou dans le business. Il y a tout de même une différence très sensible entre les deux : le business est une création et le sport professionnel une guerre. Les gens ont choisi le sport pour ne pas faire la guerre, ils se battent à mort sans compromis alors que le business est tout de même affaire de compromis. « La guerre comporte la destruction de ce pour quoi tu luttes » LCDR : Les joueurs de basket ou de football américains font figure de rigolos à côté de certains hommes d’affaires, pour vous le business ne serait pas la guerre ? M. P. : Moi j’ai pitié des gens qui font la guerre dans les affaires, ils n’en tirent pas de plaisir. Il faut savoir faire la guerre mais la guerre est une mesure extrême et le compromis est beaucoup plus efficace. La guerre comporte la destruction de ce pour quoi tu luttes, je le sais de mes propres erreurs, je sais qu’il faut tout faire pour l’éviter. LCDR : Vous déclarez ne pas lire de romans mais des essais ? M. P. : Je m’intéresse beaucoup aux théories futuristes pour ordonner ma planification. En quinze ans on peut très bien imaginer des innovations qui changeront le monde. Aussi rapidement que le téléphone portable et Internet l’ont fait dans les quinze dernières années. LCDR : Par exemple ? M. P. : Je vais vous donner un exemple simple Mikhaïl Prokhorov lors de l’entretien avec Le Courrier de Russie sur les affaires sociales et je me retrouve de temps en temps dans la peau du président de la République. Je sais que chaque fois qu’il fait quelque chose, il a les syndicats en face, sa tâche est dure. LCDR : Le comité des affaires sociales ? M. P. : Oui, nous traitons tout ce qui a trait à l’aspect social des affaires et ça me donne beaucoup de maux de tête ! LCDR : Sur quels thèmes travaillez-vous ? M. P. : Nous travaillons sur les lois systémiques qui stimuleraient la production et l’efficacité de l’économie nationale. Malheureusement ici le système de répartition est dominant. La Russie est entre l’Europe et l’Asie : en Europe la production et les standards sociaux sont élevés, en Asie la production est élevée mais la protection sociale basse, en Russie il y a de hauts standards de protection sociale mais une production basse et ça se relie mal avec la concurrence globale. J’ai- va augmenter la productivité du travail et on va diminuer le nombre d’employés inefficaces. La deuxième vise à multiplier les emplois à distance : en Russie, une femme chef-comptable part en congé maternité pour un an alors qu’elle pourrait très bien travailler de chez elle par Internet. La troisième serait de libéraliser la durée légale du travail : le code du travail russe interdit de travailler plus de huit heures par jour alors qu’il y a des jeunes qui voudraient travailler plus pour gagner plus. Nous proposons donc que des accords soient passés pour permettre à ceux qui veulent travailler plus de le faire. La quatrième consiste à simplifier la classification des métiers. Il y a en Russie un annuaire du métier d’ouvrier qui comporte 7000 catégories alors que dans les pays développés, il n’en comporte que 700, vous imaginez les dépenses qu’occasionnent ces 7000 catégories. Nous proposons de simplifier cet annuaire avec les économies afférentes et de mettre en place des formations dans de nouvelles spécialités dans des lycées prévus à cet effet. LCDR : Pour finir et même si vous déclarez ne pas lire de romans, y-a-t-il un romancier français dont vous vous sentez proche ? M. P. : Il y en a un qui a eu beaucoup d’influence sur moi : Guy de Maupassant. LCDR : Quand on regarde la photo du jeune sergent Prokhorov qui marchait devant ses hommes à vingt ans, à quoi rêvait-il ? Ses rêves sont-ils toujours les mêmes ? M. P. : Je ne rêve pas. La vie, j’aime la vie, j’ai tant de choses à faire, tant d’amis intéressants à voir et je n’ai pas le temps pour tout. Dans ce sens, je ne rêve pas. LCDR : Et la nuit ? M. P. : La nuit je dors. ڤ 06 Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 Acteur Texte : Simon Roblin Photo : Kommersant En 1989, Evgueniï Yassine a participé à la conduite des travaux de la Commission d’Etat du Conseil des ministres d’URSS pour la réforme économique. Il est l’un des treize coauteurs du programme de transition à l’économie de marché connu sous le nom des « 500 jours ». Ce programme n’a pas été réalisé, mais a servi de base au premier programme de privatisation des entreprises étatiques. www.lecourrierderussie.ru Protocole à la convention fiscale russo–chypriote : quelles conséquences ? La Russie et Chypre ont conclu à Nicosie le 7 octobre, durant la visite du président Medvedev, un Protocole modifiant leur Convention de double imposition. Cet accord revêt une importance particulière dans la mesure où les sociétés chypriotes constituent des véhicules traditionnels d’investissement en Russie. Les principales modifications apportées par le Protocole sont les suivantes : • Sous réserve de quelques exceptions (sociétés cotées…), les plus-values de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière (c’està-dire dont la valeur est constituée à au moins 50 % par des immeubles) seront imposables dans l’Etat de situation desdits immeubles ; cette disposition entrera en vigueur la quatrième année suivant la ratification de l’avenant ; • les autorités fiscales chypriotes ne pourront plus opposer le secret commercial ou bancaire pour refuser une demande d’assistance de leurs homologues russes ; cette disposition entrera en vigueur lorsque Chypre aura adapté sa législation en ce sens ; • enfin, une mesure anti-« tax treaty shopping » est également adoptée. En contrepartie, Chypre sera retirée de la liste noire des paradis fiscaux en Russie et les sociétés mères chypriotes pourront dorénavant bénéficier de l’exonération des dividendes distribués par leurs filiales russes au lieu d’une retenue à la source actuellement de 5 % si l’investissement atteint désormais au moins 100 K€ (100 K USD jusqu’à présent) ou de 10 % si le seuil n’est pas atteint. Le Protocole entrera en vigueur à compter de sa ratification par les deux Etats. En résumé, si ces nouvelles stipulations sont donc susceptibles d’atténuer à l’avenir l’intérêt de recourir à des structures chypriotes pour des investissements immobiliers en Russie, elles permettront, en revanche, d’améliorer prochainement la fluidité des remontées de dividendes entre les groupes russes et leurs holdings basées à Chypre. Gayk Safaryan Senior Associate CMS, Russia André Loup Senior Associate CMS, Russia Evgueniï Yassine : « Les privatisations sont en permanence l’objet d’une lutte intense » Directeur scientifique du Haut collège d’économie (EHESE) depuis 1998, connu pour ses convictions libérales inébranlables, Evgueniï Yassine est l’un des économistes les plus écoutés de Russie. Appelé au poste de ministre de l’Economie en novembre 1994, en plein milieu du premier mandat de Boris Eltsine, il a été l’un des principaux artisans de la « transition à l’économie de marché ». C’est dire que peu de gens sont mieux placés que lui pour aborder la question des privatisations dans la Russie d’hier – et d’aujourd’hui. A l’heure où un nouveau chantier est à l’ordre du jour, qui prévoit la cession sur cinq ans de l’équivalent de 50 milliards d’euros d’actifs de grandes entreprises d’Etat telles que Transneft et Rosneft, VTB et Sberbank, et d’autres encore dont la liste n’est pas définitivement arrêtée, il a bien voulu exposer son point de vue au Courrier de Russie. Le Courrier de Russie : Vous dites que les marchés ne sont pas efficaces en Russie. Pourquoi ne le sont-ils pas, et que manque-t-il aujourd'hui à la Russie pour que l’on puisse vraiment parler d’économie de marché ? Evgueniï Yassine : Il y a déjà une économie de marché en Russie. Simplement, le système institutionnel n’est pas encore établi assez solidement pour la faire fonctionner pleinement. Les problèmes de défense des droits de la propriété privée, de droit de la concurrence, de suprématie du droit, continuent à se poser. C’est une conséquence prévisible du fait que nous n’avons pas connu l’économie de marché pendant 70 ans. Jusqu’ici, les réformes entreprises ont jeté les bases, mais n’ont pas posé le cadre correspondant. Ce travail se poursuit, mais avec de grandes difficultés. C’est dû en particulier au fait qu’au cours des dix dernières années, l’intervention de l’Etat dans l’économie s’est fortement renforcée, au prétexte que le marché n’est pas assez efficace par lui-même, que les entrepreneurs sont trop intéressés, pas assez responsables, et ainsi de suite. LCDR : Dans ce contexte d’inefficacité relative du marché, pensez-vous que le programme de privatisations annoncé cet été doit être entrepris dès 2011, conformément au vœu de ses promoteurs ? E. Y. : Je répondrais que si le marché n’est pas efficace, c’est précisément parce que le secteur étatique y occupe une place trop importante. Les entreprises étatiques jouissent ouvertement de privilèges spécifiques vis-à-vis des entreprises privées, justifiés par les tâches que l’Etat leur assigne. De plus, les organes étatiques et les fonctionnaires exercent une forte pression, soi-disant au nom de l’Etat, mais en réalité dans leur propre intérêt égoïste, sur le secteur privé. En bref, il n'y a pas de conditions équitables d’exercice entre le secteur étatique et le business privé. C’est un problème grave, car ce dernier est conduit à restreindre son horizon, limiter les risques pris, et n’investit pas autant qu’il le devrait. LCDR : Qu’en est-il du cadre institutionnel susceptible de garantir le bon déroulement du programme de privatisations prévu : est-il assez consolidé pour que les choses se fassent dans de bonnes conditions ? E. Y. : D’après ce que je comprends, le contenu du plan qui a été annoncé cet été, issu des efforts du ministère du Développement économique, se présente comme une tentative de la part des libéraux au gouvernement de revenir au plan de création d’un système institutionnel adéquat à l’économie de marché initié dans les années 1990. LCDR : Mais quelles sont leur chances de réussite, et s’agit-il vraiment d’un retour à l’inspiration libérale des années 1990 ? E. Y. : Les privatisations sont en permanence l’objet d’une lutte politique intense. Le tournant effectué au début des années 2000 en faveur d’une plus grande immixtion de l’Etat a été motivé par le fait que dans les années 1990 une grande partie de la propriété de l’Etat a été distribuée aux entrepreneurs appelés « oligarques ». La nouvelle équipe nommée par Poutine s’est efforcée de changer la situation, et de redistribuer la propriété au profit du nouveau pouvoir en place en constituant de grandes entreprises d’Etat, car une partie des gens avaient été faits oligarques, mais pas eux. Mais dès 20022003, il est devenu clair que l’on était allé trop loin dans cette direction. Et quand il est apparu dans la période récente que la crise avait épuisé les réserves financières de l’Etat russe, il a été décidé de les reconstituer aux dépens des entreprises d’Etat, en les privatisant en partie. Mais en soi, la privatisation n’a de sens que si elle consiste en un transfert effectif du contrôle sur les actifs au profit de propriétaires privés, et où ces actifs sont ouverts à tous les vents du marché. Si le contrôle sur le business reste dans les mains de l’Etat, il n'y a guère à attendre de retombées positives, autres que les flux financiers apportés par des fous qui vont acquérir des paquets minoritaires. Je dis « fous », parce que ceux qui achèteront ne pourront pas exercer d’influence sur la politique de l’entreprise. Je suis donc content de voir que l’idée de la privatisation en elle-même est remise en circulation, mais je ne vois jusqu’ici aucun pas réel dans cette direction. LCDR : Aujourd'hui, concrètement, qui sont les fous qui vont acheter des parts dans ces conditions, et y a-t-il des entreprises étrangères qui seront tentées de le faire ? Prenons le cas d’AvtoVAZ. Entre Renault, qui se contente de ses 25% à défaut de pouvoir accéder au paquet de contrôle, et la corporation d’Etat Rostekhnologuii, qui a décidé d’augmenter sa part, qui passera à la faveur d’une émission de capital de 18,8% à 29% en 2011, puis à 36,4% en 2012, la situation semble bloquée, les deux actionnaires n’ayant pas les mêmes objectifs. Est-ce que ce type de situation pourrait se généraliser ? E. Y. : Si je prends le cas concret d’AvtoVAZ, le dispositif de la prime à la casse suit son cours [mis en place en Russie le 8 mars 2010, il permet de recevoir une somme d’argent forfaitaire de 50000 roubles à valoir sur l’achat d’un véhicule neuf en échange de la restitution d’une voiture destinée à la casse, ndlr], mais il reste qu’AvtoVAZ est toujours dans l’impasse, et approche du dépôt de bilan. Dans ces conditions, les gens qui sont au gouvernement, à Rostekhnologuii, qui font du marchandage avec Renault en disant : « d’accord, on va vous donner 35% », à la place de Renault, je leur aurais dit non. Ils vont attendre, se rapprocher un peu plus du gouffre, et > Acteur Dans les années 1980, la ministre du Développement économique Elvira Nabioullina a été l’élève de Evgueniï Yassine. Dans les années 1990, elle a travaillé sous sa direction à la RSPP (Union russe des industriels et des entrepreneurs) et au ministère de l'Economie. Elle est mariée à Iaroslav Kouzminov, recteur du Haut collège d'économie. Texte : Simon Roblin 07 Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru > dire : « bon, 45% ». Mais à la place de Renault, je dirais : « non, 55% et on n’en parle plus » [fin octobre, Carlos Ghosn, le PDG de Renault, s’est déclaré prêt à racheter les parts de Troïka Dialog, qui désire se dégager partiellement, par étapes, du capital d’AvtoVAZ dont elle détient encore un peu moins du quart, et début novembre Vladimir Poutine a proposé à Ghosn de faire monter la part de Renault jusqu’au paquet de contrôle, ndlr]. Il y a une espèce de marchandage en cours, mais il est clair que sans investisseurs étrangers, les Russes eux-mêmes ne pourront pas résoudre les problèmes posés. Mais ils ne veulent pas céder. Tant que le marché ne le leur aura pas fait pénétrer dans le cerveau, ils ne comprendront pas qu’ils n’y arriveront pas, qu’ils y perdent tout. Poutine doit se convaincre qu’ils ne peuvent rien faire sans le marché, et faire taire ses sentiments nationaux. Mais si j’étais à la place des Russes d’AvtoVAZ, je me demanderais : à qui vendre, à Renault, ou aux Coréens ? Les Français sont trop habitués à la bureaucratie, ils ressemblent aux Russes. Ils marchandent trop longtemps. LCDR : Quelles sont les entreprises qui vont finalement être privatisées en priorité, d’après vous ? E. Y. : Je dirais que si la privatisation a pour but de dégager un certain montant de ressources financières pour réaliser des tâches pour lesquelles l’Etat n’a pas les fonds nécessaires, alors il faut commencer par les grosses entreprises pétrolières, Rosneft, Gazprom, puis continuer avec les grandes banques, Sberbank et VTB. Mais si l’on cherche à entamer le processus de modernisation de l’industrie, alors il faut vendre les entreprises de construction de machines-outils et le producteur de moteurs d’avion Permskie Motory, qui ont été l’objet de tractations avec des investisseurs étrangers qui n’ont pas abouti, avec Siemens dans le premier cas en 2006 ou 2007, United Technologies dans le second cas dans les années 1990. LCDR : Sait-on comment vont se dérouler les appels d’offre, y aura-t-il des garanties en matière de transparence des procédures, pour les investisseurs étrangers en tout cas ? E. Y. : Je pense que là où l’on va admettre des investisseurs étrangers, les questions informelles d’« économie de l’ombre » auront déjà été réglées en amont de la procédure, et sur ces bases-là, une fois les candidats présélectionnés, on pourra espérer une certaine transparence. Par ailleurs, si vous investissez dans un secteur quelconque qui n’attire pas beaucoup l’attention des Le Haut collège d’économie fait monter sa cote Avec le « colloque scientifique franco-russe » qui s’est tenu les 28 et 29 octobre, le Haut collège d’économie (Vyschaïa Chkola Ekonomiki en russe) s’était fixé un programme ambitieux tant par le nombre et la qualité des intervenants que par la diversité des thèmes abordés. Moment fort de cette matinée, Evgueniï Yassine, directeur scientifique de l’EHESE, et Christian de Boissieu, professeur d’économie à l’université Paris I Panthéon Sorbonne et président du Conseil d’analyse économique auprès du président français, ont présenté leur « rapport scientifique », dont Le Courrier de Russie vous propose quelques extraits. Evgueniï Yassine Sur les causes de la crise mondiale : « Les explications données jusqu’ici, limitées aux aspects financiers et au constat certes juste de l’insuffisance de régulation, n’ont pas saisi les deux facteurs structurels fondamentaux : l’entrée de l’économie mondiale dans une nouvelle phase de son développement dans les sphères agricole et industrielle, qui répond à des lois auxquelles nous ne sommes pas encore habitués à nous confronter ; le changement structurel en profondeur de l’économie mondiale, avec la montée des pays dits émergents, la Chine et l’Inde, et le changement radical des rapports de force sur l’arène mondiale. » surabondance d’argent bon marché et le manque de sens de la responsabilité financière des grandes puissances économiques mondiales, Etats-Unis en tête ; le système de gestion des risques commerciaux, qui permet aux producteurs de s’affranchir des risques liés aux prix des matières premières en achetant des contrats « futures » que leurs contreparties ne sont pas, en fin de cycle, en mesure d’assumer. Les entrepreneurs, c’est une catégorie de gens qui exercent une activité impliquant des risques. Si vous voulez vous débarrassez complètement du risque, vous devez aussi renoncer à la possibilité de dégager des bénéfices. » Christian de Boissieu « Deux phénomènes ont joué un rôle déterminant dans le déclenchement de la crise financière mondiale : la Sur les remèdes de sortie de crise : « Le G20 s’est contenté, depuis l’automne 2008, de traiter entreprises suivrait sous sa pression… E. Y. : Du temps de Gaïdar, la situation était autre qu’on ne le dit, et la logique de développement des événements également. Il fallait mener une privatisation dans un pays où il n'y avait jamais eu de capital privé. Le gouvernement comprenait parfaitement qu’il devait trouver un soutien avant tout du côté des entrepreneurs privés. Or le business, alors, c’était principalement les petits marchés et les petites banques, montés par des gens qui la veille encore ne possédaient rien. C’est pourquoi la première étape de la privatisation a consisté à émettre des vouchers et à distribuer les actifs, ou aux collectifs de travail, ou aux citoyens qui détenaient ces vouchers. Ces vouchers étaient de l’argent généré spécialement pour que les gens puissent acquérir des parts de ces actifs étatiques sous forme de propriété privée. Si vous investissez dans un secteur quelconque qui n’attire pas beaucoup l’attention des dirigeants de l’Etat russe, hors du pétrole, du gaz, des métaux, vous pourrez travailler dans la transparence, dans les limites que l’on peut attendre dans un pays comme la Russie. dirigeants de l’Etat russe, hors du pétrole, du gaz, des métaux, vous pourrez travailler dans la transparence, dans les limites que l’on peut attendre dans un pays comme la Russie. LCDR : La situation actuelle est-elle vraiment différente de celle des années 1990, et les résultats de la redistribution des actifs peuvent-ils être mieux maîtrisés ? Quand Gaïdar a réalisé son programme, il a cru qu’il fallait commencer par créer une classe de propriétaires des moyens de production, et que la formation des institutions qui garantiraient la pérennité des Ensuite, le gouvernement a voulu vendre plus cher, car il fallait stabiliser la situation, combattre l’inflation, et l’Etat avait besoin d’argent pour boucler le budget. La seconde phase, c’était une privatisation financière, qui n’aurait pu réussir que si l’on avait pu vendre les actifs à des étrangers. Mais on avait peur des étrangers, qui avaient les moyens de tout acheter et de contrôler ainsi la politique économique russe. D’autant plus que les étrangers en question étaient plutôt douteux, des sociétés dont le siège était soi-disant à Londres mais dont les propriétaires n’étaient pas des gens recommandables. La si- les problèmes de régulation financière et bancaire. La France, soutenue par la Russie, propose aujourd'hui de mettre en débat autour de la table du G20 la question des déséquilibres internationaux, celle des taux de change et celle des monnaies de réserve, sujets qui ont joué un rôle important dans la crise mondiale depuis 2007, mais n’ont pas été traités par le G20 depuis deux ans. » « Face à la crise, il fallait être keynésien ; en phase de sortie de crise, il faut faire du Schumpeter : il ne s’agit plus de réguler la demande à court terme par des politiques de relance par le déficit budgétaire, mais de stimuler la compétitivité des entreprises et de l’offre et mettre le paquet sur l’innovation, la recherche et développement et la compétitivité de nos systèmes d’enseignement et de recherche. » ڤ tuation était très dangereuse. C’est pourquoi le gouvernement s’est dit : mieux vaut vendre bon marché, mais aux nôtres. En outre, il y avait des conséquences politiques : les Russes sont très sensibles sur la question de savoir à qui on vend, et ils étaient contents de voir que l’on vendait à des nationaux. Mettez-vous à la place de Tchernomyrdine ou de Tchoubaïs, qui devaient résoudre ces problèmes, et trouver 1,5 milliards de dollars pour équilibrer le budget. Ils ont finalement récolté un milliard en vendant à Khodorkovskiï, Potanine, Berezovskiï et consorts, c’est-à-dire aux « nôtres ». LCDR : Et aujourd'hui, alors ? E. Y. : Aujourd'hui la situation est très différente. La moitié des actifs est encore dans les mains de l’Etat. Parmi les gens qui ont reçu des actifs autrefois, une bonne partie sont des gestionnaires efficaces. Qui peut dire que Potanine gère mal Norilsk Nickel ? Khodorkovskiï a managé Ioukos très efficacement. Schwindler, le représentant d’Abramovitch à la tête de Sibneft, a été un excellent manager. Mais ces entreprises ont justement été nationalisées, ou peut-être faut-il parler d’expropriation. Appeler « nationalisation » ce qui s’est passé avec Ioukos, je n’oserais pas, parce qu’ils l’ont tout simplement récupérée. Juger une seconde fois Khodorkovskiï pour le vol qu’il aurait commis, c’est une honte. Il y a assez de bons chefs d’entreprise en Russie. Le problème, c’est que, quand ils se mettent à gagner beaucoup d’argent, les fonctionnaires cherchent à tout accaparer. L’exemple suivant, après Khodorkovskiï, c’est celui de Tchitchvarkin : ce n’est pas du pétrole, juste des téléphones, mais il y avait beaucoup d’argent en jeu. Oui, peut-être qu’il a entrepris quelque chose de contraire à la loi, après qu’on lui a saisi un lot de téléphones importés à la douane et que l’on s’est mis à les vendre… Comment privatiser, à qui vendre dans ces conditions ? Je dirais : si les hommes d’affaires russes ont de l’argent, on peut leur vendre, mais aujourd'hui il est possible de vendre aussi à des étrangers. Si vous ne voulez pas donner accès aux étrangers à un secteur ou une entreprise donnés, le concours ne sera ouvert qu’aux Russes, et le prix de vente chutera. Mais en tout cas il faudra des règles claires. Si vous voulez accomplir un miracle dans un domaine quelconque, alors il faut laisser entrer des étrangers. Aujourd'hui, je pense que l’on peut ouvrir les privatisations et aux uns et aux autres. Cela dit, ce sont les étrangers qui sont dans la position la plus confortable. Les Russes ont de l’argent frais, mais ils ont exporté beaucoup de capitaux à l’étranger, qu’ils ne vont pas rapatrier, car ils ne font pas confiance au pouvoir actuel. ڤ 08 Le Courrier de Russie Cotes & Cours Texte : Simon Roblin Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru Renault met le paquet sur la Russie R enault n’a pas tardé à emprunter l’autoroute que lui ouvre le projet de loi sur les conditions d’implantation des constructeurs étrangers en Russie (voir Le Courrier de Russie n° 176). Alors qu’il avait toujours affirmé, depuis le rachat pour 1 milliard de dollars de 25% des parts d’AvtoVAZ au début 2008, que le constructeur n’augmenterait plus sa participation, son PDG Carlos Ghosn a fait savoir le 27 octobre que l’alliance Renault-Nissan était prête à acquérir les parts détenues par Troïka Dialog, (24,8% du capital d’AvtoVAZ, pour une valeur estimée de 600 millions de dollars). Le président du conseil d’administration de Troïka Rouben Vardanan a précisé que les transactions se feraient par lots – le premier serait cédé en 2011 – et que la banque d’investissement ne prévoyait pas de sortir totalement du capital d’AvtoVAZ. Selon une autre source, le premier lot serait vendu avant la fin 2010 à Nissan, qui pourrait alors se joindre à l’accord d’actionnaires d’AvtoVAZ, et déterminer ses droits et obligations en matière de développement de l’entreprise. Sergueï Tchemezov, le patron de Rostekhnologuii, détentrice aujourd'hui de 18,8% du capital d’AvtoVAZ, a fait savoir de son côté que la corporation d’Etat était prête à céder à Nissan une part de 4% après la première étape de l’émission de capital, qui fera passer sa participation à 29% en 2011. Le 2 novembre, Vladimir Poutine a affirmé à Carlos Ghosn son soutien à la décision éventuelle de l’alliance Renault-Nissan d’augmenter sa participation jusqu’à hauteur du paquet de contrôle. Les analystes estiment que ce changement de cap dans la stratégie de Renault s’explique par les perspectives favorables qui se dessinent sur le marché automobile russe et l’amélioration de la santé financière du groupe Renault dans le monde en 2010. Ghosn a indiqué que Renault ne pourrait atteindre ses objectifs en Russie – détenir 40% de parts de marché dans 5 ans – sans s’appuyer sur les possibilités d’augmentation de la capacité de production offertes par l’usine de Togliatti. Vedomosti, 29/10/2010, 2/11/ 2010 ErDF se met au jus E rDF, la filiale d’EDF en Russie, est sur le point de se voir confier par la holding russe MRSK la gestion du paquet de contrôle qu’elle détient dans la société TRK, qui assure la distribution d’énergie dans la région de Tomsk. MRSK contrôle les réseaux de distribution des fournisseurs d’énergie sur l’ensemble de la Fédération. ErDF n’entrera pas, toutefois, dans le capital de TRK. La privatisation des réseaux de distribution n’est pas à l’ordre du jour : MRSK ne délègue pour l’heure que la gestion des sociétés de distribution, et conservera ses paquets de contrôle jusqu’en 2015 si la demande de mo- ratoire qu’elle a adressée au gouvernement est acceptée. La réforme de l’organisation publique non-commerciale Système unifié d’énergie électrique de Russie (RAO « EES ») prévoyait que la cession des actifs d’Etat détenus par MRSK pourrait commencer dès 2011. Selon les analystes, les entreprises occidentales comme ErDF introduiront des procédures de gouvernance plus rigoureuses et une plus grande transparence en matière de gestion et de système d’achats. Kommersant, 26/10/2010 Mistral gagnant : oui, mais pour qui ? www.vitaly.livejournal.com Entreprises L e ministère de la Défense a déclaré ouvertes les enchères sur l’achat d’un « bâtiment de projection et de commandement » pour le compte de la marine de guerre russe (VMF). Le suspense est faible : le ministère et le haut commandement militaire ne font pas mystère du fort penchant qu’ils ont toujours pour le Mistral, devenu, plus qu’une arme de guerre, un véhicule de l’amitié politique entre les gouvernements français et russe. La menace brandie par la Russie en revenant sur l’option de la négociation exclusive avec la France n’a toutefois pas été vaine. Certaines restrictions ont été levées, et en particulier la coque ne sera pas livrée nue. Pierre Legros, directeur des chantiers navals publics DCNS, a en effet déclaré fin octobre que les Mistral livrés à la Russie seraient équipés des mêmes systèmes de commandement de pointe que ceux qui sont fabriqués pour la marine française. Dans l’hypothèse la plus vraisemblable aujourd’hui, où 2 des 4 Mistral commandés par la marine russe seraient construits en Russie, c’est aux chantiers navals Baltzavod, contrôlés par la Mejprombank de Sergueï Pougatchev, que reviendrait le contrat. Mais les experts notent que ni Baltzavod ni son concurrent OSK n’ont la capacité de gérer un tel chantier. Le ministère a lui-même du mal à justifier le choix du Mistral. Et de l’avis même du chef de la VMF Vladimir Vysotskiï, c’est dans l’océan Indien que celui-ci, irremplaçable en matière de commandement de groupements de forces navales en eaux éloignées, serait à sa place. Or la marine russe n’y possède pas aujourd'hui de tels groupements. Les mauvaises langues disent qu’il ne s’agit que d’assouvir un vieux rêve nourri par l’amirauté depuis le temps de l’URSS. Kommersant, 25/10/2010, 26/10/2010 En Russie Envie de Potash : Fosagro n’a pas peur de s’engraisser F osagro, l’un des plus gros producteurs d’engrais chimiques russes, rêve de prendre le contrôle du canadien Potash (PotashCorp), leader mondial de la production de potassium, dont l’américain BHP Billigton cherche lui aussi à s’emparer. La valeur de l’entreprise serait aujourd'hui de 43 milliards de dollars. Corporations d’Etat Résultat de la restructuration Délais de restructuration Rosnano S.A. Fin 2010 ASV Société de droit public Dernier trimestre 2011 Olimpstroï Liquidation Eté 2014 Fond JKKh Liquidation 1er janvier 2012 VEB Société de droit public D’ici le 1er janvier 2012 Rostekhnologuiï S.A. Elaboration du projet de loi sur la réorganisation au 4e trimestre 2010 Rosatom Inconnu La décision sera prise avant la fin 2010 Avtodor S.A. Elaboration du projet de loi sur la réorganisation au 4e trimestre 2010 Pour mener à bien son projet, le président du Conseil d’administration de Fosagro Vladimir Litvinenko n’a pas hésité à adresser le 20 octobre une lettre à Vladimir Poutine, dans laquelle il explique que l’acquisition permettrait à la Russie de contrôler plus de 70% de la commercialisation des engrais potassiques dans le monde. Le potassium est selon lui un produit agrochimique stratégique en matière de politique de sécurité alimentaire. Fosagro serait en outre le seul prétendant sérieux aujourd'hui en Russie à ne pas risquer de tomber sous le coup des lois anti-monopole russes, car elle ne dispose pas à ce jour de gisements de potassium. Elle aurait déjà l’aval des dirigeants de Potash et aurait passé un accord de co-financement à hauteur de 50% du coût de la transaction – qui n’a pas été précisé – avec un pool d’institutions bancaires canadiennes. Les 50% restants devraient donc être assumés par les banques russes, si toutefois les autorités compétentes donnent leur accord. Vedomosti, 3/11/ 2010 Inteko : quand Loujkov déménage, Batourina fait le ménage A lors que le couple Loujkov-Batourina cherche à sauver les meubles, la presse russe s’excite autour des opérations de restructuration des actifs d’Inteko, qui seraient actuellement à l’étude. La société, présente dans la construction, la production de matériaux de construction, le développement immobilier et la pétrochimie, a permis à la femme de l’exmaire de bâtir, sur fond de corruption présumée, une fortune personnelle estimée par le magazine Forbes à 2,9 milliards d’euros. Les deux prétendants principaux au rachat de ces actifs exposés seraient la banque VTB et des structures commerciales dont la banque Rossia et Sourgoutneftegaz, la société de Iouriï Kovaltchouk, sont co-propriétaires. Pour LifeNews, Elena Batourina cherche à se débarrasser uniquement des actifs qui pourraient créer des problèmes au couple. Selon Kommersant, elle examine la possibilité de ne vendre que les projets de développement en phase de lancement. Marker, 1/11/ 2010, LifeNews, 1/11/ 2010, Kommersant, 2/11/ 2010, Forbes 2/11/ 2010 Il a fait il a dit Tchernomyrdine : parti pour toujours, il restera pour l’éternité V iktor Tchernomyrdine est décédé des suites d’une longue maladie dans la nuit du 3 novembre, à l’âge de 72 ans. Fondateur de Gazprom (1989), successeur de Gaïdar à la tête du gouvernement sous Eltsine (1992-1996), conseiller et représentant spécial du président russe pour la coopération économique avec les pays membres de la CEI depuis 2009, il restera dans les mémoires comme l’un de ceux sans qui la Russie n’aurait pas survécu à l’époque dite de la « transition ». Ancien apparatchik, Tchernomyrdine a commencé sa carrière comme ouvrier de l’industrie gazière pour la finir en oligarque (le magazine Forbes le comptait en 2001 au nombre des milliardaires russes les plus fortunés, avec un patrimoine évalué au minimum à 1 milliard de dollars). Il a été salué par tous les responsables politiques qui l’ont connu, Poutine le premier, autant sinon plus pour son sens de l’humour que pour son sens de la responsabilité. « Je suis pour le marché mais pas pour le bazar », avaitil ainsi lâché au plus fort de la transition. Ria Novosti, Vedomosti, Pervyï Kanal, 3/11/ 2010 Agenda Phamtech 2010 D ans ce salon consacré à l’analyse des tendances de développement du secteur pharmaceutique, on invite les entreprises représentées à « ne pas tomber dans la publicité ». La section « Pharma people » leur permettra toutefois de faire le plein de candidatures de frais émoulus des facultés. Du 23 au 26 novembre 2010 au VVC (Vserossiïskiï Vystavotchnyï Tsentr, Pavillon 75). Site Internet : www.pharmtech-expo.ru Festival russe du vin (Rossiïskiï Festival Vina) Pervyï Kanal : Abramovitch passe aux aveux L ’oligarque Roman Abramovitch s’est décidé à officialiser une information jamais confirmée formellement jusqu’alors par aucune des parties intéressées : il détient 49% des actions de Pervyï Kanal, la première chaîne de télévision russe en termes d’audience, dont l’Etat détient les 51% restants. Depuis 2001, date du rachat à Boris Berezovskiï des parts qu’il détenait alors dans ORT (l’ancien nom de la chaîne), régnait l’omerta sur le sujet. Kommersant, 3/11/ 2010 (interview de John Mann, représentant d’Abramovitch au sein de la société Millhouse LLC, qui gère ses actifs) C ette exposition internationale permettra aux producteurs et aux distributeurs de vins et spiritueux de se chercher des partenaires dans le monde entier. Sur la « Tasting Aera » auront lieu des dégustations et des master classes. Du 18 au 21 novembre 2010 à Crocus Expo (pavillon 1, hall 1), Krasnogorsk. Site Internet : www.drinksindustry.ru ڤ À la une « Admettons que quelqu’un me règle mon compte : qui ça intéressera de savoir que je n’ai jamais dénoncé personne, que je ne me suis jamais battu avec qui que ce soit. Je vois déjà la scène : un de mes assassins créera le site pravdakashina.ru, où il écrira que les bourreaux sanglants de Poutine ont assassiné Oleg Kachine, espoir de la presse libre. Vu comme ça, sérieusement, ça devient effrayant. Je ne sais pas si je fais bien d’écrire tout cela à découvert. Mais tout de même, au cas où, ne croyez pas ce qu’ils écriront sur moi dans ce site. » Oleg Kachine, 5 juillet 2005, 17:13 http://avmalgin.livejournal.com/2191580.html Kommersant : Andreï Kozenko, Vladislav Trifonov, Maria Semendiaeva, Mikhaïl Kirtzer Rabkor.ru : Dmitriï Jvania Traduit par Julia Breen L’Armature comme moyen de censure Dans la nuit du 5 au 6 novembre, Oleg Kachine, correspondant de la maison d’édition Kommersant, a été sauvagement frappé près de son immeuble à Moscou. Il a été admis à l’hôpital avec des blessures graves et a déjà subi plusieurs opérations. Les médecins estiment que son état est grave. Il est d’ores et déjà évident que le journaliste a été victime d’une agression planifiée à l’avance : les enregistrements de caméras vidéo installées près du lieu de l’attaque permettent d’établir que les deux voyous attendaient précisément Kachine. Une enquête pénale a été ouverte sur le fondement de l’article « Tentative de meurtre » du Code pénal de la Fédération. Agression sous caméras L e 6 novembre, à 00h20, Oleg Kachine rentrait chez lui, au 28 de la rue Piatnitskaïa. Un taxi l'a conduit jusqu'à l'entrée d'une cour fermée au public par des portes et une barrière à digicode. « À minuit 20, ma femme m'a dit : j'ai l'impression qu'on frappe quelqu'un devant la porte », a raconté à Kommersant Vladimir Ladokhine. Il vit avec sa famille au rez-de-chaussée de l'immeuble et s'occupe de l'entretien des parties communes. M. Ladokhine explique qu'il a enfilé un manteau et est sorti de l'autre côté de la grille. « Au moment où je me suis montré, deux espèces de types se sont mis à courir vers les cours non éclairées, en direction de Piatnitskaïa, ajoute Vladimir. Oleg était assis par terre juste au pied de la porte, entièrement tuméfié. Il m’a dit : « Deux salopards m'ont attaqué. Ils m'attendaient. » Le journaliste était clairement conscient et a même essayé de se lever, mais il est tombé immédiatement en disant : « Je ne peux pas, mes jambes…». Ensuite, raconte Vladimir Ladokhine, Oleg Kachine s’est écroulé sur le sol. « Il pleuvait, je ne pouvais pas le traîner. J'ai apporté une large planche et du cellophane, je l'ai allongé et couvert. On a appelé les secours, poursuit le concierge. En les attendant, Oleg a encore une fois répété que ses agresseurs l’attendaient. Et puis il a dit : « J'ai l'impression qu'ils m'ont cassé les dents, j'ai mal partout. » Les secours ont conduit Oleg Kachine à l'hôpital municipal n°36. Il a alors expliqué ce qui s’était passé par téléphone à sa femme, Evguenia Milova. Les médecins ont précisé à Kommersant que Kachine était conscient lors de son admission, il souffrait de fractures de la mâchoire, des jambes, des mains (une phalange d'un de ses doigts était pratiquement arrachée), d’un traumatisme crânien et de nombreuses blessures. Le journaliste a été anesthésié. Quand il a commencé de perdre connaissance, on l’a placé en sommeil médicalisé. Le 7 novembre, il a subi de nouvelles opérations : on a posé des plaques de titane sur ses mâchoires brisées, fixé sa jambe cassée. Les chirurgiens ont travaillé trois heures, après quoi les médecins ont pu assurer que le cerveau d'Oleg n'avait pas été touché. Pour l’agression contre le journaliste, le comité d'enquête du Parquet de la capitale a ouvert une enquête pénale sur le fondement de l'article « Tentative de meurtre » (art. 105 du Code Pénal de la Fédération de Russie). Le président russe Dmitriï Medvedev a ordonné au Procureur général Iouriï Tchaïka de prendre l'enquête sous contrôle spécial, et le chef du MVD (ministère de l’Intérieur, ndt) Rachid Nourgaliev a promis de confier la recherche des coupables aux meilleurs enquêteurs du MOuR (police judiciaire moscovite, ndt). D'après Vladimir Markine, représentant officiel du comité d'enquête près du Parquet de la Fédération, on sait actuellement que juste avant l'agression, les deux voyous ont suivi durant un court moment le journaliste. L’un deux portait un bouquet de fleurs : soit pour détourner l'attention, soit pour cacher le morceau d'armature métallique avec lequel, comme on le suppose, les coups ont été portés. Les agresseurs, visiblement, savaient de quel côté le journaliste s'approcherait de son immeuble, étant donné qu'ils le guettaient à cet endroit alors que l’autre côté de l’immeuble est aussi muni de portes et d’une barrière. Le 18 octobre, Oleg avait publié un article dans la revue Vlast, consacré au recensement de la population. Le journaliste y écrivait notamment : « Je peux me féliciter et m’enorgueillir, depuis un an déjà, d’au moins une chose : personne ne sait où j'habite ». Versions de l’entourage du journaliste L es journalistes, politiciens, acteurs de la société civile et bloggeurs qui connaissent bien Oleg Kachine ont proposé un certain nombre de versions sur la question de savoir qui pouvait être à l’origine de l’agression. Selon l’une de ces hypothèses, l’attaque pourrait être la conséquence du conflit autour de la forêt de Khimki. Oleg Kachine avait interviewé en exclusivité pour Kommersant un activiste du mouvement Antifa, un des organisateurs du pogrom commis à l'administration de Khimki, ainsi que de l’un des participants de cette même action, Maksim Solopov, actuellement en liberté surveillée. À l'appui de cette version : les caractéristiques des coups portés à Oleg coïncident avec les blessures que des inconnus avaient infligées, il y a deux ans, à Mikhaïl Beketov, défenseur de la forêt de Khimki et rédacteur en chef de Khimkinskaïa Pravda. De plus, un jour avant l'agression d’Oleg Kachine, on a attaqué et mutilé un autre militant, le chef de la section du parti Pravoe delo pour la ville de Khimki, Konstantin Fetissov. « Il avait fait beaucoup pour que le sujet ait une large résonance», a déclaré à Kommersant Evguenia Tchirikova, leader du mouvement de défense de la forêt. Nous considérons que l’agression contre Oleg a été commise selon un schéma dûment préétabli, au même titre que les attaques contre Konstantin Fetissov et Mikhaïl Beketov. À la place des enquêteurs, c’est là-dessus que je porterais mon attention. » Les bloggeurs envisagent aussi l’hypothèse selon laquelle l'agression d’Oleg Kachine serait liée au conflit qui l’opposait à Andreï Tourtchak, gouverneur de la région de Pskov. En août dernier, dans son blog sur LiveJournal, Oleg, commentant la démission du gouverneur de la région de Kaliningrad Gueorguiï Boos, avait exprimé une opinion sans détour sur le gouverneur. Ce dernier, dans les commentaires, avait exigé des excuses, qu’Oleg lui avait refusées. Trois semaines avant son agression, Oleg Kachine, citant ses sources, a déclaré à ses collègues de la rubrique Société de Kommersant qu’Andreï Tourtchak, non seulement n’avait pas oublié l’offense, mais prétendait aussi vouloir se venger. Plus tard, le journaliste a encore une fois déclaré à ses collègues, sur un ton mi-sérieux mi-humoristique : « S’il m’arrive quelque chose, c’est Tourtchak ». Enfin, selon la troisième version avancée par les journalistes, l'agression contre Oleg Kachine pourrait être le fait d’une organisation de jeunesse pro-Kremlin, la Jeune garde de Edinaïa Rossia. Le 11 août, un texte était publié sur le site de l’organisation, qui affirmait que Kommersant employait des « saboteurs de l'information ». Le texte était illustré d’une photographie d'Oleg Kachine barrée de la mention : « Sera puni ». Toutefois, après le tabassage d'Oleg Kachine, le site de la Jeune garde a rapidement publié une interview d’Andreï Tatarinov, membre du conseil politique du mouvement et membre de la Chambre civile. Tatarinov y exige « une enquête prompte et diligente » sur le tabassage de Kachine. Kommersant ڤ On assassine les journalistes, ça veut dire que le journalisme est vivant «L e journalisme est mort, et nous voulons jouer avec lui comme s’il était au zénith. Nous tentons de réveiller, à coups de chaudes caresses, une jeune fille, alors qu'elle est depuis longtemps déjà une vieillarde, qui plus est à l’agonie … », m'écrivait récemment un vieil ami et collègue, grâce à l'entremise duquel, à l’époque, je suis devenu journaliste. (…) Je comprends mon ami. Mais je pense qu'il a tort. Le journalisme, dans notre pays, est bien vivant. Le journalisme russe est vivant parce que, dans notre pays, on assassine les journalistes, on les frappe à mort. Ce qui signifie que par leurs écrits, ils inquiètent certaines personnes. Au temps de la perestroïka, on pouvait écrire et dire ce qu’on voulait. Mais quand on a le droit de tout dire, c’est signe que la vérité n’a que peu de puissance. Aujourd’hui, c’est tout autre chose. Je ne connais pas personnellement Mikhaïl Beketov ni Oleg Kachine. Je sais seulement qu'ils dénonçaient les responsables politiques, l'arbitraire des miliciens, qu’ils défendaient la forêt de Khimki. Je lisais leurs articles, et c’était du journalisme avec un grand J. Du journalisme vivant, et pas une « vieillarde agonisante ». On n’agresse pas les vieillards au coin des rues, on ne les frappe pas avec des tiges de métal, on ne leur écrase pas des phalanges. (…) Je ne sais pas qui a commandité l’agression de Kachine : les Nachi, la Jeune garde, les nazis, le gouverneur de la région de Pskov Andreï Tourtchak ou les constructeurs de la route au milieu de la forêt de Khimki. L’essentiel, c’est qu’une telle atmosphère se soit installée dans notre pays : que, pour un texte, on risque la mort. Et, pour mourir, il faut être un authentique journaliste vivant. À ce qu’on dit, il ne faudrait pas canoniser Kachine. Il aurait prétendument commencé à Kaliningrad comme national-bolchévique avant de collaborer à des éditions aussi pro-kremlin que le site Vzgliad et le journal Ré-action, pour finir par se rapprocher des Antifa et des anarchistes. Et quoi ? Si on va par là, je n’ai jamais aimé les gens qui « ont choisi une voie une fois et pour toujours ». Je me fiche profondément de savoir qui était Oleg Kachine à ses débuts. Ce que je sais, c’est que maintenant, il est entre la vie et la mort. Et qu’il s’est retrouvé dans cet état pour avoir écrit des choses qui n'ont pas plu aux apologistes du pouvoir. Rabkor.ru ڤ 09 Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru Kachine dans les blogs Il pourrait arriver la même chose à chacun d'entre nous. L'État ne défend aucunement ses citoyens, il ne défend que ses intérêts propres. Les organisations censées lutter, sur le papier, contre l'extrémisme, s'occupent, dans la pratique, de tout autre chose. La racaille criminelle qui fait son business est toute puissante en Russie et s'est étroitement liée à un État embourbé dans le vol et la corruption. Oleg, mon cher, tiens bon, je t'en prie. http://drugoi.livejournal.com/3405604.html C'est précisément lui [Sourkov] qui dresse des jeunes au lac Seliger, c'est sous son commandement que s'élaborent des mouvements où les militants des droits de l'homme, les journalistes et l'opposition sont peints sous les traits de criminels nazis. C'est précisément lui qui est à l'origine des organisations extrémistes Nachi, Jeune garde, Jeune Russie, Stal, etc., qui défilent dans les rues de Moscou avec des banderoles dénonçant les « Ennemis de la Russie ». Et ces ennemis, ce sont à nouveau l'opposition, les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes. Pour l'atmosphère de haine qui s'est installée dans le pays et qui a rendu possible, également, l'agression contre Kachine, M. Sourkov porte une responsabilité personnelle. Et tant qu'il sera au pouvoir, une menace réelle continuera de planer sur la vie et la santé des journalistes, des défenseurs des droits de l'homme et des membres de l'opposition. http://b-nemtsov.livejournal.com/88758.html J’ai bien l’impression que personne n’a commandité l’agression de Kachine. Ce n’est pas un journaliste si terrifiant, ce Kachine. Dans ce pays, de toute façon, un journaliste ne peut pas faire peur. Il suffit que la bonne personne téléphone à l’autre bonne personne, et hop ! n’importe quel journaliste se fait virer et va se faire voir. Pas la peine d’ouvrir une quelconque enquête pénale… les types qui ont frappé Kachine, vraisemblablement, ce sont deux bons gars russes ordinaires, simplement armés de la connaissance de la vérité. http://blguanblch.livejournal.com/763818. html Mais qu’est-ce qu’ils m’emmerdent, tous, avec ce Kachine ! C’est tout juste si ça ne devient pas le type le plus important du pays ! À la radio, à la télé, sur le net, sur LiveJournal : toutes les nouvelles ne parlent que de lui. En Russie, chaque jour, on frappe, tue et viole des dizaines de gens. En quoi seraient-ils pires que lui ? Pourquoi est-ce que je dois, d’absolument partout, entendre combien de dents on a cassé à un quelconque provocateur ? À mon humble avis, le journalisme est un boulot de porcs. Le pire. Déterrer la merde. Surtout sur les questions socio-politiques. La liberté d’expression, dans notre pays, n’a jamais existé, n’existe pas et n’existera pas, et la censure étatique n’a rien à voir là-dedans. En Russie, le journaliste doit comprendre que s’il s’attaque à certains intérêts, il peut le payer physiquement. Et je ne crois pas qu’on ne les ait pas assez prévenus. Et puis cette forêt de Khimki, là, personne n’en a rien à cirer : la route est bien plus nécessaire. http://super-oslik.livejournal.com/24703.html Une agression a été commise contre le journaliste du quotidien Kommersant Oleg Kachine. À l’époque, journaliste débutant, il a beaucoup écrit sur l’activité du Parti national-bolchévique, et ses publications l’ont rendu célèbre. Il écrivait de façon plutôt objective, et c’est ce qui lui a valu des louanges. Je tiens à lui exprimer, ainsi qu’à ses proches, toute ma compassion. J’espère qu’il se rétablira et remontera au front. http://limonov-eduard.livejournal.com/90219. html 10 Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 Reportage On n’a jamais vu un régime politique renverser une cusine nationale. Viviane Chocas Texte : Gabrielle Leclair Photo : Galina Kouznetsova www.lecourrierderussie.ru Cuisine top secrète Les milliers de moscovites qui défilent chaque jour sur la place Rouge ne peuvent s’imaginer ce qui se passe au quotidien dans les cuisines du Kremlin. Le Courrier de Russie s’est introduit discrètement pour une visite dans les coulisses gourmandes du palais présidentiel, l’un des lieux les plus surveillés au monde. Le chef cuisinier Jérôme Rigaud Guennadiï Korolev, directeur adjoint des cuisines du Kremlin Qu’est ce que le Kombinat Pitaniïa Kremliovskiï ? C’est un organisme qui supervise la nourriture servie dans les bâtiments dépendant du Kremlin (Palais du Kremlin, Bolchoï, Staraïa Plochtchad…). Il comprend 2000 personnes dirigées par Igor Boukharov, président de l’Association des restaurateurs et hôteliers de Russie et président d’honneur du Bocuse d’or. La pesée des portions : vestige de l’URSS Ce qui frappe dans les cuisines du Kremlin, c'est que chacun des produits alimentaires est pesé. Par exemple, chaque sandwich au jambon doit contenir le même grammage de jambon et de pain. Idem pour les milliers de canapés servis pour le banquet de ce soir.... La tradition date de l'époque soviétique, quand chaque portion était dûment pesée pour éviter les vols de nourriture par les cuisiniers. Comparaison discrète Selon Jérôme Rigaud, les mesures de sécurité et autres normes sont plus contraignantes en Russie qu’en France. Lorsque Nicolas Sarkozy est entouré de plus de 100 personnes, ce sont des traiteurs extérieurs qui le servent. Et les cuisiniers de L’Élysée ne suivent jamais le président dans ses déplacements. P alais du Kremlin. 10h. Les employés de Kombinat Pitaniïa Kremliovskiï s’affairent pour dresser un banquet de 600 personnes qui doit se tenir dans quelques heures, préparer la visite imminente du président du Qatar, et le déjeuner en comité restreint du Patriarche Kirill. Journée, à vrai dire, classique pour les employés de Guennadiï Korolev, sous-directeur de l’organisation qui gère notamment toutes les réceptions données par le président Medvedev, le Premier ministre Poutine et le Patriarche Kirill. Marmelades de fruits, roulette de cèpes, tartelettes au caviar rouge, salade Olivier, brochettes de saumon, pirojkis, mousse de mangue et fruit de la passion… Les cuisiniers préparent le menu pour le banquet pendant que les serveurs dressent le buffet. Au même moment, des sandwichs sont à préparer pour être vendus aux spectateurs de la représentation quotidienne du Bolchoï. De son petit bureau qui juxtapose la cuisine, le chef cuisinier Jérôme Rigaud supervise tout. Confiant, il tâche de rendre ses 30 cuisiniers autonomes : « le rôle d’un chef n’est pas de tout faire, mais d’aiguiller ses apprentis », explique ce Français qui forme son personnel sans jamais élever la voix. C’est important de bien s’entendre car « on voit plus les cuisiniers que sa propre famille », reprend le chef. Dans une ambiance plutôt détendue pour une mission d’une telle exigence, les cuisiniers travaillent au son d’une radio diffusant des tubes universels des années 80. Isolée dans le bloc pâtisserie de la cuisine, Janna s’apprête à faire déguster au chef le dessert qu’elle a elle-même conçu pour le déjeuner du Patriarche. Une mousse de melon couverte d’une gelée de menthe, avec une sauce menthe vanille agrémentée de quelques fruits des bois. Le des- Les cuisiniers du Kremlin préparent le banquet Janna en pâtisserie Iouriï, un des 30 cuisiners sert est exclusif : pas question de servir deux fois le même plat. « Il faut se renouveler sans cesse », explique Janna dont le visage détendu et souriant confirme qu’elle « ne s’ennuie jamais ». Depuis trois ans, cette pâtissière de 40 ans innove quotidiennement pour un président particulièrement friand de sorbets. Mais, la plupart du temps, c’est Jérôme et Guennadiï qui imposent le menu. « Il arrive aussi que le président exige un produit en particulier », confie Janna, qui ne dévoilera pourtant sous aucun prétexte les desserts favoris de Medvedev. « Si les plats préférés du président sont dévoilés dans la presse, on court le risque que tous ses hôtes les reproduisent indéfiniment », commente Jérôme. Une exigence d’État Mais, avant de présenter quoi que ce soit au chef Rigaud, « les produits sont soumis au service du protocole », confie Janna, qui a suivi Jérôme au Kremlin depuis le restaurant français Nostalgie, à Moscou. Les médecins et technologues militaires du FSO (service fédéral russe de sécurité, chargé de la protection du président) soumettent tous les aliments qui seront préparés pour le président, le Premier ministre et le Patriarche à des analyses en laboratoire. Les normes sont drastiques. « Les cèpes, les courgettes et la salade frisée ne passent pas », observe Jérôme. Pourquoi ? Quelles sont ces normes ? «Je ne peux rien vous dire, sinon je me ferai fusiller », plaisante amèrement un médecin venu mettre dans ses sachets en plastique le contenu des repas du président pour les prochains jours. Lorsque Medvedev s’en va en voyage, sauf s’il est invité, toute la petite troupe gastronomique l’accompagne. Dans leurs bagages : tous les produits bien sûr, les ustensiles de cuisines, et même les gros appareils Vakhtang, le sous chef Viktor, un des maîtres d’hôtel comme les fours. « Nous avons un avion particulier », rassure Jérôme. Lorsque Medvedev reçoit des invités, à ces exigences s’ajoutent celles de ceux qu’il reçoit. Ce matin, Jérôme Rigaud a reçu un fax énumérant les aliments que le président de l’État du Qatar ne peut consommer ou n’apprécie pas. La liste est longue. Mais le chef la tient secrète. On apprend seulement que, en présence du président de l’Émirat musulman, Medvedev et les autres invités devront se passer d’alcool. Tout le challenge des cuisiniers du Kremlin tient dans le fait de réaliser un menu de haute qualité en se passant de ces nombreux produits. Mais cuisiner dans les règles de l’art présidentiel n’est pas tout, il faut encore que le service soit impeccable. Étonnamment timide, Anton, serveur attitré de Medvedev depuis un an, explique : « je dois réfléchir à chacun de mes actes. Prendre les distances nécessaires pour ne pas gêner le président, sans pour autant m’éloigner trop au cas où il aurait besoin de moi ». Évidemment, le service se fait dans le plus grand silence et l’on n’adresse pas la parole au chef de l’État, mais « s’il pose une question, je dois pouvoir y répondre justement ». Cette attitude est essentielle, selon Viktor, maître d’hôtel depuis 1976 : « nous représentons la Russie dans notre manière de servir », dit avec sagesse cet homme au visage doux et à l’attitude irréprochable. D’autres, cependant, conçoivent leur métier avec moins de solennité, comme Iouriï, plus détendu et extrêmement jovial. Ce pilier des cuisines du Kremlin depuis plus de 30 ans avoue sans complexe et tout en s’amusant que « ce qu’il y a de particulier ici, c’est la vue qu’on a sur le Kremlin et la ville ». De loin, Iouriï peut observer les passants, mais eux ne le verront jamais cuisiner. ڤ 11 Portrait En France, la cuisine est une forme sérieuse d’art et un sport national. Julia Child Le Courrier de Russie Texte : Gabrielle Leclair Photo : Galina Kouznetsova Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru Au goût du Kremlin Jérôme Rigaud est le seul étranger employé à la présidence russe. Depuis bientôt trois ans, le chef cuisinier français prépare lui-même les plats qui sont servis à la table présidentielle dans le palais du Kremlin et ailleurs. Pour le plaisir de Dmitriï Medvedev et de ses hôtes, il a adapté sa cuisine au goût russe. Portrait d’un chef friand de défis et de diversité. Jérôme Rigaud en 10 dates 21 février 1975 : Naissance à Abidjan en Côte d’Ivoire 1996 : Apprenti auprès du chef Jean-Paul Hartmann à l’Almandin, restaurant une étoile au Michelin près de Perpignan. 1998 : Commis de cuisine puis chef de partie à L’Astorg, restaurant parisien une étoile sous la tutelle de Joël Robuchon 2000 : Chef de partie puis sous-chef de cuisine dans la Maison Troisgros, à Roanne. 2003 : Chef cuisinier du restaurant Le Balthus, à Beyrouth, au Liban 2004 : Chef cuisinier à l’Eldorado, à Moscou 2006 : Chef cuisinier au Nostalgie, à Moscou 11 septembre 2007 : Prépare son premier banquet pour le président Medvedev 1e janvier 2008 : Devient le chef cuisinier en titre du président Medvedev «T ravailler dans les cuisines du Kremlin, c’est comme dans le sport : il faut gagner le match tous les jours. » Depuis janvier 2008, Jérôme Rigaud est le responsable cuisinier des réceptions données par le président Medvedev. Quand on demande à ce Français de 35 ans comment il est arrivé là, il répond tout simplement qu’il s’est trouvé « au bon endroit au bon moment ». Ce que confirme son parcours professionnel, qui n’est qu’une suite d’opportunités saisies au vol. Un enchaînement de défis qu’il s’est lancés depuis qu’il a su qu’il ne pourrait plus jouer au rugby, sport auquel il s’adonnait depuis l’adolescence. À l’âge de 19 ans, ce joueur de deuxième division à Perpignan se blesse. A la suite d’une rupture des ligaments croisés du genou, Jérôme doit renoncer non seulement à sa passion mais également à son rêve de devenir un jour inspecteur de police. « Une immense déception », souligne-il. Le jeune homme, natif d’Abidjan (Côte d’Ivoire), restera « déprimé » jusqu’au jour où un ami serveur lui propose de venir l’aider pour la soirée du Nouvel An dans un restaurant de Perpignan. Jérôme a alors 22 ans, et se découvre une nouvelle vocation : « Ca m’a donné envie d’ouvrir un restaurant ». Il décide d’en faire son métier. Après avoir été formé, notamment, par les grands chefs français Joël Robuchon et Michel Troisgros, Jérôme Rigaud reçoit plusieurs propositions. L’une d’elles l’intrigue. Un certain Eldorado, à Moscou, le demande. « Je n’avais jamais entendu parler de ce restaurant ni trouvé aucune information sur Internet », explique Jérôme qui décide pourtant de tenter l’aventure russe. « Une ouverture d’esprit et un goût du voyage » qui lui viennent, assure-t-il, de ses 16 premières années passées en Afrique. L’occasion est idéale pour se lancer un défi : « Même si tu ne connais pas les gens qui vont t’entourer ni leur culture, tu dois réussir à t’adapter ». Rapidement, c’est chose faite. Au bout de deux ans et demi, Jérôme quitte l’Eldorado et passe au Nostalgie, le plus ancien des restaurants français de Moscou. Deux ans plus tard, Igor Boukharov, propriétaire du Nostalgie, commence à se charger des banquets présidentiels. Il demande à Jérôme de l’aider de façon ponctuelle. Le jeune Français commence, « petit à petit », à diriger les banquets donnés par le président Medvedev. « Une sorte de test », pense Jérôme qui sera embauché dans les cuisines du Kremlin à plein temps, après cinq mois d’« essai ». Tout s’est déroulé en douceur, « c’est pour ça que j’ai accepté», confie Jérôme, qui souligne que « [s’il avait] su d’emblée les contraintes et la charge de travail que cela impliquait, [il aurait] refusé ». Chef sous haute surveillance Ces cinq mois d’essai ont aussi servi aux services de renseignement du président pour mener une enquête complète sur Rigaud, sa famille et ses amis. Surveillance rapprochée qui reste d’actualité. « Je suis sur écoute 24h/24 », observe le cuisinier, qui se sait surveillé jusque dans ses soirées personnelles. Mais Jérôme affirme ne rien changer pour autant à son mode de vie : « C’est normal, car je travaille pour le président d’une grande puissance mondiale ». Aujourd’hui, il oublie même les médecins militaires qui guettent ses faits et gestes lorsqu’il cuisine pour Medvedev dans une salle spéciale, à laquelle les autres cuisiniers – sans parler des journalistes – n’ont pas accès. « Le plus difficile dans ce travail est de s’adapter au rythme », explique celui qui doit être au service du président en permanence. Pas de va- cances depuis trois ans, pas le temps de profiter de son passe-temps préféré, le rugby, même si « la cuisine ressemble à tous les sports collectifs ». Il faut que Jérôme soit toujours prêt à cuisiner, servir et diriger en fonction des événements organisés par le président. « On peut m’appeler ce soir à 22h pour un banquet de 200 personnes, demain, à l’autre bout de la ville », explique-t-il. À cela s’ajoute l’absence de routine dans les cuisines du Kremlin. « Le menu de chaque banquet est unique », précise Jérôme. Le public étant prestigieux, « c’est un combat permanent » pour plaire à chaque réception. Avec Guennadiï Korolev, le sousdirecteur des cuisines du Kremlin, il supervise tout. Du choix de la vaisselle, des menus et des produits au nombre de serveurs et de cuisiniers requis. Dans ces choix, Jérôme a apporté un peu de french touch et bousculé les habitudes des cuisines du Kremlin. « J’adapte la cuisine française au goût russe » Le chef français a fait découvrir un système basé sur des menus dégustation, avec six ou sept plats par personne. Auparavant, on apportait de grands plats sur la table, et chacun se servait. Jérôme Rigaud a introduit une haute cuisine, « moins axée sur la quantité mais plus raffinée et plus diversifiée », explique Guennadiï, qui souligne que même si le cuisinier « ne parle pas parfaitement russe, il nous comprend très bien ». C’est certainement ce qui a fait son succès dans les cuisines de la présidence. « S’il avait cuisiné comme un Français pour des Français, il n’est pas certain que ça aurait plu », poursuit un Guennadiï qui apprécie tout particulièrement la cuisine française, « fondée sur le choix de produits authentiques ». Jérôme a introduit dans l’assiette présidentielle des produits atypiques et de grande qualité comme le sel noir, le thé de Taiwan et, bientôt, le chocolat français Weiss. Il apprend à ses trente cuisiniers russes à faire leur pâté foie gras. Le professeur se dit parfaitement satisfait de ses apprentis, qui ont le sens du travail et ne se plaignent jamais de faire, chaque jour, des heures supplémentaires : « En France, ce ne serait pas possible », observe Jérôme. Vakhtang, son second, note lui aussi des changements, remarquant notamment « l’arrivée dans la cuisine de nouveaux poissons comme le turbot ou la dorade ». Iouriï, cuisinier au Kremlin depuis 30 ans, se souvient qu’il y a quelques années encore, ils préparaient des « sangliers et des esturgeons entiers », servis dans d’immenses plats. Viktor, maître d’hôtel, remarque que le chef français est arrivé à un moment où « la cuisine du Kremlin, en même temps que les idées du président au pouvoir, commençaient à changer ». Un président tourné vers l’Occident promeut logiquement une cuisine qui lui ressemble. Même si Jérôme tire beaucoup de satisfactions de son travail au Kremlin, il compte bien réaliser son rêve, toujours le même depuis ce fameux Jour de l’An. « Ici, c’est ma dernière place avant que je n’ouvre ma brasserie en Espagne ou en Australie », explique ce Français de l’Etranger. Dans l’un de ces deux pays « qui l’attirent », il continuera de faire ce qu’il a toujours fait : « travailler avec des produits que n’importe qui peut se payer, mais que personne ne peut cuisiner comme moi ». Un projet encore vague pour le Français qui ne prévoit pas encore concrètement de quitter les cuisines du Kremlin. « Je partirai quand je m’ennuierai », ce qui est quasiment impossible, « ou quand je craquerai », ce qui est plus probable si son patron ne lui accorde pas de répit. ڤ 12 Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 Dossier Une image vaut mille mots. Confucius Texte : Inna Doulkina Photo : Kommersant www.lecourrierderussie.ru Fin octobre, la Maison des artistes de Moscou a accueilli le festival Crosscontact. Sa mission : présenter au public les initiatives culturelles qui foisonnent dans les régions russes. Festivals littéraires, graffitis post-soviétiques et vidéos poétiques... Le Courrier de Russie a rencontré des gens sans qui rien de tel ne se serait passé. Cuisiniers poétiques D evoir lire les jeunes poètes : le châtiment me paraît cruel. Heureusement qu’il est des gens qui ne partagent pas mon point de vue. Olga Loukinova et Andreï Nosov s’adonnent à cette tâche depuis cinq ans déjà, et n’ont aucune intention de s’arrêter... Depuis 2006, ces deux diplômés de lettres de 22 et 23 ans organisent à Nijniï Novgorod le festival Molodoï literator (« jeune littérateur »), qui réunit des jeunes poètes de la région de la Volga. L’événement a permis à de nombreux auteurs de rencontrer des éditeurs, et Nijniï Novgorod a connu une renaissance de sa communauté littéraire. « Quand nous avons commencé, il n’y avait que quelques personnes en ville qui organisaient des soirées littéraires, et je les connaissais tous, confie Andreï. Aujourd’hui, je reçois chaque semaine des invitations de la part de gens dont le nom m’est inconnu. » Pour convaincre la jeunesse novgorodienne que « lire, c’est très à la mode », Olga et Andreï ont aussi lancé dans la ville le mouvement du bookcrossing1 et organisé des lectures de poèmes dans un tram qui circule autour du Kremlin... « Des difficultés, on en a eues, mais à chaque étape, nous avons rencontré des gens qui acceptaient de nous aider sans rien demander en échange », explique Olga, enthousiaste. Des amis venaient en masse pour distribuer les invitations, des propriétaires de cafés et cinémas accordaient gracieusement leurs locaux, les maires des villes de la région invitaient Olga et Andreï à donner des conférences dans des bibliothèques et maisons de la culture. « Nous pensions que seules des vieilles viendraient. Mais à chaque fois, les salles étaient remplies de jeunes », témoigne Andreï. Car aujourd’hui comme par le passé, les bleds russes perdus entre champs et marais regorgent de poètes qui crient leurs sentiments en crachant du sang et de la chair. « Bien sûr, la plupart des gens qui nous envoient leurs travaux écrivent comme si rien ne s’était passé dans la poésie depuis Pouchkine. Ils connaissent très peu les poètes contemporains », observe Olga. Certes, ils sont nombreux à penser que Brodski est encore vivant ou à n’avoir jamais entendu parler de Prigov. Mais peu importe. Exclus du « contexte littéraire », égarés dans le temps et l’espace, ils affirment par leurs balbutiements poétiques la dignité et la valeur humaines. Et Ca bouge à Nijniï Novgorod Olga et Andreï en sont conscients. « Ce qui nous intéresse, c’est de préparer un terrain où se formeront des génies, pas de regretter leur absence », souligne la jeune femme. Ni elle ni Andreï n’écrivent de poèmes. Ce ne sont pas non plus eux qui jugent la qualité des oeuvres qu’on leur soumet pour participation aux festivals. La tâche est confiée à un jury composé de poètes et écrivains de renom, comme Lev Kharlamov ou Zakhar Prilepine. « Nous retirons de grandes satisfactions de notre travail d’organisateurs. Nous ne recherchons pas les lauriers des poètes. À chacun son travail », proclamentils à l’unisson. En ce moment, dans leur besace : trois recueils de poèmes de jeunes auteurs de la Volga publiés sur une subvention gagnée auprès des autorités municipales. Au nombre de leurs projets : organiser un festival d’interprètes et un autre de jeunes dramaturges. Je les imagine, tous deux installés sur un toit novgorodien, armés de louches géantes, remuer l’air de leur ville natale pour le rendre plus nourrissant et plus appétissant. L’envie leur est venue quand ils étaient encore de sages étudiants. Le doyen de la faculté avait lancé un concours du « meilleur projet culturel ». Olga a proposé, avec une copine, un festival poétique, et remporté sa première subvention. Pour l’édition suivante, elles se sont fait aider par Andreï et son ami. Depuis, la copine a fait deux enfants et s’est retirée du jeu. L’ami est parti étudier à Saint-Pétersbourg. Olga et Andreï veillent toujours, près de la marmite où mijote le bouillon culturel nijniï-novgorodien. Pour y ajouter un peu de piment, Andreï prévoit d’ouvrir prochainement, avec une bande de complices, une petite librairie intellectuelle. Olga, de son côté, poursuit à Moscou des études de gestion de projets culturels. « Je ne sais pas où je vivrai dans l’avenir, mais je peux affirmer que tous mes projets futurs prendront place à Nijniï Novgorod », déclare-t-elle catégorique. En préparant mon interview, j’étais certaine que j’allais devoir affronter deux individus souffrant de graphorrhée. Je les voyais blêmes, leurs yeux ardents. Exaltés comme des professeurs de littérature soviétique et rêveurs comme des hérissons perdus dans le brouillard. Du haut de mon snobisme moscovite, j’étais certaine de devoir faire preuve d’une extrême indulgence face à ces deux provinciaux aux passions douteuses et aux goûts discutables. Mais au cours de nos quatre-vingt-dix minutes d’entretien, mes lèvres n’ont pas une fois retrouvé leur expression ironique habituelle : j’avais devant moi deux commissaires, hautement professionnels, menant leurs opérations d’une main ferme et la tête froide. Ils pourraient aussi bien le faire à Londres ou à Berlin. Par bonheur pour la Russie, ils ont choisi Nijniï Novgorod. ڤ 1 Le bookcrossing, autrement appelé BC ou BX, est un phénomène mondial dont le concept est de faire circuler des livres en les « libérant » dans la nature pour qu’ils puissent être retrouvés et lus par d’autres personnes, qui les relâcheront à leur tour. Dossier Créer ce que jamais nous ne verrons, c’est cela la poésie. Gerardo Diego Texte : Inna Doulkina 13 Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru Révolutionnaires visuels M ettre des mots en phrases et construire avec des cathédrales littéraires : les Russes savent faire depuis longtemps. Les lettres sont depuis toujours leur moyen d’expression favori. Les images, elles, sont quelque peu délaissées. Certes, le génie russe est aussi dans les icônes de Roublev ou les films de Khlebnikov, mais ces figurations, quelques sublimes soit-elles, pâlissent sous les lumières de la Grande littérature. Nul ne sait pourquoi les Russes aiment mieux raconter des histoires plutôt que dessiner ; interpréter plutôt que représenter ; transformer plutôt que transmettre. L’explication est-elle à chercher du côté des paysages ternes de grandes plaines russes qui inspirent moins que le ciel italien ou les champs de Provence ? qui éteignent les passions et incitent à la méditation ?.. Peut-être. C’est pourtant en leur sein, au milieu des champs nus et nuages écrasants, que sont nés Pavel Mourykine et Nikita Smorkalov, deux artistes de 22 ans qui se sont fixé pour mission de révolutionner la culture visuelle russe. Pour accomplir cet exploit, les deux diplômés d’histoire de l’université d’Ijevsk, en Oudmourtie, créent des « espaces de lumière » et des « catalogues de présence ». Le dernier en date répertorie les « moments sacrés » qui se produisent à Sviïajsk, île de la Volga où rien n’a été construit depuis le début du siècle dernier. « Oubliée » par les architectes soviétiques du fait de sa situation reculée, l’île a conservé ses églises en bois, ses routes pavées de pierres blanches et son atmos- phère de ville enchantée des contes slaves. Si la Russie a ses endroits « rouges », marqués par la mémoire des révoltes populaires comme Lougansk ou Tcheliabinsk, elle en compte aussi des « blancs », et Sviïajsk fait partie des plus entiers. Rempart de l’orthodoxie dans le Tatarstan musulman, Sviïajsk s’éveille au son des cloches et édifie un monument aux officiers blancs morts pendant la guerre civile. « Un lieu très puissant, avec du caractère » : ainsi le caractérisent Pavel et Nikita. Pour saisir l’esprit de Sviïajsk, ils y filment la vie quotidienne, pendant un mois, et en font des vidéos poétiques. Imaginez : vaches aux mamelles généreuses, ruines blanches comme du sucre, fresques pâles dansant sur les murs... Et, entre chaque séquence, le ciel bleu foncé, éternel, engloutissant. Le bleu du ciel et l’or des autels. Le bleu des coupoles et l’or des étoiles qui les parsèment. Les couleurs des coiffes des magiciens du Moyen Âge et de la Vierge Marie... L’or et le bleu rythment le film sur Sviïajsk, сontent son âme. Mais pourquoi donc avoir préféré le film à un roman ? Parce que les textes sont trompeurs et les images un peu moins. « Quand vous écrivez, vous interprétez la réalité plutôt que vous ne la transmettez. Alors que si vous prenez une caméra et commencez de filmer tout ce qui vous entoure, vous serez plus proche de la vérité », expliquent les artistes. Selon eux, l’image précède toujours l’idée. Elle est plus primitive, mais aussi plus puissante. La réalité est vivante et dépasse les représentations que nous nous en faisons. Elle ne peut être décortiquée en mots figés : elle s’étouffe sous leur poids et finit immanquablement par les faire exploser. Qui n’a connu ces moments où l’on ne trouve plus ses mots ?.. Certes, la vidéo comporte aussi sa part de subjectivité mais, paradoxalement, Pavel et Nikita ne cherchent pas à être objectifs. « Ce serait trop prétentieux, précisent-ils. Nous n’avons pas peur d’une subjectivité honnête et assumée. » Cheveux longs, gros pulls tricotés, yeux amusés. Pavel et Nikita m’expliquent en riant qu’Ijevsk grouille d’artistes indépendants, qu’à Moscou beaucoup de gens parlent tout seuls dans la rue, qu’ils ont nommé leur groupe artistique Anachorète avant de devoir – parce que personne n’était capable de le prononcer correctement – le renommer en Atelier des arts de lumière. « Aujourd’hui, la technique de la vidéo est accessible à un très grand nombre. Pour faire du cinéma, il suffit de se payer une caméra et d’accorder à cette occupation son temps et son attention », affirment les artistes qui, quand ils ne filment pas la nature oudmourtienne sur le compte de la télévision locale, animent un atelier cinématographique dans un lycée d’Ijevsk. « Le cinéma tel qu’on le connaît s’est depuis longtemps figé dans son développement. Pour le ramener à la vie, il faut se débarrasser de tous nos clichés morts, mettre les compteurs à zéro, créer dans une totale liberté ». Intelligence remarquable, humour sans bornes et pas une note de ce snobisme trop largement répandu chez les jeunes intellos de la capitale, Pavel et Nikita renoncent aux mots car les grandes idées qu’ils ont servi à formuler n’ont pas sauvé la Mère Russie. Peut-être les images qui frappent droit au ventre sans passer par le cerveau en seront-elles capables ?.. ڤ V a commencé. Ont suivi des expositions – financées par Sergueï de sa poche faute d’avoir trouvé des sponsors –, des performances et des conférences. Les mythes ont la peau dure, et l’entreprise de les démolir demande à Sergueï beaucoup d’efforts. « Les graffeurs ne sont pas des voyous, s’empresse-t-il de préciser. Ce sont des gens cultivés, larges d’esprit, anglophones. Ils ont une vision des choses très fine et originale ». Pour l’exprimer, les jeunes artistes de l’ex-capitale de l’industrie militaire ne manquent pas d’espaces. Palissades d’usines, stades ou stations électriques désaffectés – l’héritage de l’Empire qui avait forgé sa puissance dans des fours Martin passe à vitesse grand V aux mains des descendants des ouvriers novgorodiens. Et quoi de plus légitime. C’est eux que l’on voit, regards plongés au fond d’eux-mêmes, bonnets baissés jusqu’aux sourcils, envahir discrètement ces forteresses industrielles. Les carcasses reprennent vie sous leur main. Cosmonautes aux sourires maniaques, soldats de l’Armée rouge aux antennes extraterrestres, enfants heureux jouant à la bombe atomique... Pour appréhender les peurs de la civilisation soviétique, il suffit de s’offrir une balade dans les quartiers industriels de la ville. « Je trouve que tout ce qu’ils font est beau », affirme Sergueï, péremptoire. Absence de regard critique ? Non, plutôt sa façon de rapprocher le Le Courrier de Russie, c’est également un site d’actualités, lecourrierderussie.ru, à consulter jour après jour pour suivre et vivre la Russie au plus près Nos derniers sujets à consulter sur lecourrierderussie.ru Mikhaïl Khodorkovskiï : « L’élite ne se réveillera qu’une fois la situation devenue vraiment grave » Mikhaïl Khodorkovskiï a donné une interview exclusive à Novaïa Gazeta, traduite en français sur le site du Courrier de Russie « Un certain nombre de problèmes doivent être résolus afin que les autres nations nous envient et souhaitent venir vivre en Russie plutôt que de nous mépriser en silence » Monsieur le Président... Lettre ouverte adressée au président de la Fédération de Russie suite à l’agression du journaliste Oleg Kachine « Le droit du journaliste à remplir normalement ses obligations sans craindre pour sa vie, c’est le droit de la société à parler et être entendue » Belles images isages sereins, yeux clairs à l’expression vide et puissante. Décidément, ce sont les habitants de Nijniï Novgorod qui peuplaient l’électritchka bruyante et puante emportant Venedikt Erofeev – écrivain-ivrogne le plus célèbre de Russie – au comble de ses délires. Rappelez-vous ses lignes : « Je suis retourné dans le wagon. Les gens me regardaient d’un air impassible, leurs yeux étaient ronds et, aurait-on dit, parfaitement vides. Ça me plaît. J’aime que le peuple de mon pays ait les yeux vides et globuleux. Des yeux comme ça ne vous vendent pas. Les jours de malheurs, de doutes, de réflexions pénibles, ces yeux ne battent pas des paupières. Tout leur est don de Dieu... » Ce sont ces mots qui me reviennent à l’esprit quand j’observe Sergueï Ragozine, venu éclairer la jeunesse branchée de la capitale sur l’état des lieux du graffiti à Nijniï Novgorod. Son visage timide et un peu pâle se dissout dans l’ombre, on ne voit que ses yeux bleus qui dégagent une force tranquille. Lui, spécialiste en technologies de l’information, s’occupe depuis quatre ans de promouvoir le graffiti dans sa ville natale aux parfums de bois humide et de métal grillé. « Un jour, je suis passé devant un mur peint de graffitis. J’ai trouvé cela merveilleux. J’ai eu envie de connaître les gens qui l’avaient fait. » C’est ainsi que tout Le Courrier de Russie sur le web www.lecourrierderussie. ru Russes et puissants moment où Nijniï Novgorod sera la capitale mondiale du graffiti. « Il ne faut rien interdire, décrètet-il. Que les gens peignent sur tous les murs de la ville ! Il n’y a rien à craindre. Les mauvais graffitis ont la vie courte. » En effet, ils sont rapidement recouverts par d’autres : plus expressifs, plus subtils, plus significatifs. « Et ce n’est qu’en créant un milieu qu’on peut espérer croiser un jour des génies », poursuit Sergueï. À l’en croire, il est grand temps. Si dans les années 1990, les différents groupes artistiques en Russie se disputaient la place au soleil, l’heure est aujourd’hui à la coopération et au compromis. « Je soutiens toutes les initiatives liées à la promotion de l’art actuel, explique Sergueï. Peu importe que je le trouve à mon goût. Nous défrichons tous le même champ et n’avons rien à disputer. » Dans ses projets : une exposition de graffiti novgorodien à Kirov et une autre, très importante, au début de l’année prochaine, dans l’ancien bâtiment de l’Arsenal de Nijniï Novgorod qui abrite aujourd’hui le Centre public d’art contemporain. « La directrice nous laisse le sous-sol. Le lieu est merveilleux. Nous allons le transformer le temps de l’exposition en une ligne de métro. » Un métro qui traverse le passé et emmène loin dans l’avenir. Beau symbole. Les yeux bleus de Sergueï s’allument, puis retrouvent en un instant leur expression sereine habituelle. ڤ Vladimir Poutine est arrivé à la quatrième place dans le dernier classement Forbes des personnes les plus puissantes du monde Travailler plus, plus, plus Selon polit.ru, 58% des Russes sont opposés à l’introduction de la semaine de travail de 60 heures proposée par Mikhaïl Prokhorov Droit et Vérité : Mikhalkov persiste et signe Rien de bien nouveau dans le manifeste du réalisateur Nikita Mikhalkov, Pravo i Pravda (Droit et Vérité) pour le quotidien Vedomosti Retrouvez également chaque mardi sur lecourrierderussie.ru des proverbes russes traduits en français, chaque mercredi, des vidéos musicales en russe, et chaque jeudi, nos bons plans pour une semaine bien pleine dans la rubrique Moscou est à nous. 14 Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru Guide Conception : Vera Gaufman Texte : Julia Breen Réalisation : Galina Kouznetsova Vous ne savez plus que faire de votre temps libre ? Jetez les dés et lancez-vous dans un voyage insolite à travers les neuf cercles de l’Enfer. Vos guides, fins connaisseurs des ténèbres, vous feront goûter leurs plaisirs inattendus. Suivez leurs conseils, vous ne serez pas déçus. À la prochaine au purgatoire ! 9 Bienvenue dans le Neuvième Cercle. Dernier cercle avant l’antre de l’Ange déchu. Péché de trahison. Médée, c’était l’Inacceptable. Par amour pour un homme, elle trahit son père et son peuple, jalousie et colère, elle assassine ses enfants. Magicienne surpuissante, elle transgresse l’ultime tabou, incarne le Mal et le chaos, Titan dévorant sa progéniture, monstre suprême. L’ombre continue de planer, la sorcière fascine et dégoûte. Le mythe est repoussoir, construit la norme sociale en miroir inversé. Jusqu’au spectacle Médée. Épisodes, zong-opéra. Le poète Liokha Nikonov et le metteur en scène Giuliano di Capua relisent la tragédie : Euripide a menti, accusé l’étrangère pour préserver l’unité de la Grèce. La princesse de Corynthe est Géorgienne, conflit ossète en filigrane, la fille du roi rival est victime d’hommes bouchers, menteurs et lâches, qui l’accablent parce qu’elle a refusé de se soumettre. Inscrite dans un présent tout proche, la Médée de cet opéra punk, pétersbourgeois et époustouflant, est victime sacrificielle, bouc émissaire et furie, révolutionnaire, prophétesse de terribles augures. Médée figure inverse, aux ailes trop grandes, condamnée. Médée. Épisodes, opéra punk, le 27 novembre, à 19h, TsDKh, Krimskiï Val, 10. www.teatrodicapua.com/medea/p Bienvenue dans le Huitième Cercle. Vous êtes chez les menteurs, les voleurs. Trompeurs, mauvais conseillers et faux-monnayeurs. Alchimistes. Performers et artistes contemporains, expérimentateurs invétérés. Le fossé capitale/province est toujours partout présent. Parfois, il est presque infranchissable. Alors on salue chaleureusement l’initiative éphémère et fragile de ce « musée vivant de la performance » au Centre municipal d’art contemporain de Voronej. La performance comme essence de l’art contemporain. Et au-delà. L’art ne peint plus des héros, mais s’approche, au contraire, au plus près de l’humain trop humain, colle au réel, abolit au maximum la distance. L’art classique observait depuis l’extérieur, façonnant l’objet sur des canons formels quand l’art contemporain se veut expression des profondeurs de l’être, inverse le point de vue. La performance en est l’aboutissement, la représentation est abolie, l’acte devient spectacle, au moment même où il a lieu. Tout le XXe siècle dans un concept. « Musée vivant de la performance », du 12 au 19 novembre, Centre municipal d’art contemporain, oul. 20 let Oktyabria, TTs Evropa, 5-iï etaj, Voronej. RT A P É D 4 Bienvenue dans le Quatrième Cercle. Après avoir fait fortune, vous partez investir en Sibérie. Au passage prenez des informations à la nouvelle fondation de l’oligarque Prokhorov. Allez directement au purgatoire. Bienvenue dans le Neuvième Cercle. Vous êtes terrorisés par la magicienne Médée lors de l’opéra punk. Passez votre tour. 8 7 Bienvenue dans le Septième Cercle. Coupables du péché de violence. Une violence nécessaire, lieu de possibles, zone réservée, territoire neutre, sans loi, hors codes de la communauté, rituel initiatique, pour s’apprivoiser. Iouriï Bykov, c’est la « nouvelle vague russe ». Son dernier film, Jit’ (2010), pose à la morale la question de la survie, aux limites du Bien et du Mal, que restet-il de l’humain confronté à l’extrême. Un type partait simplement à la chasse, mais, témoin d’une scène, se retrouve à tirer un inconnu des pattes de bandits qui le poursuivent. Il faut fuir, à deux. Contraints par l’urgence de faire avec et ensemble, jusqu’à se retrouver confronté au choix ultime, lui ou moi, un seul vivra. Tenter de maintenir des principes, s’accrocher à une abstraction, une certaine idée de soi, système de valeurs et éthique pour finir mal, broyé. Ou vivre peinard, serein, sans scrupules et surtout sans questions. Bykov filme l’humain imparfait, en équilibre instable entre lui et luimême, ne tire surtout pas de conclusion. Il a une croyance, pourtant, absurde et folle, fine espérance, peut-être dans la justice. Car celui qui reste en vie n’est pas forcément le vainqueur. Jit’, Iouriï Bykov (2010), première russe le 11 novembre. 6 ARRIVÉE 9 BIENVENUE AU PURGATOIRE. PA SSEZ UNE SEMAINE CH AUDE ! 8 Bienvenue dans le Huitième Cercle. Testez votre efficacité au musée vivant de la performance. Bienvenue dans le Troisième Cercle. Goûtez les plats bourguignons au restaurant Kaï. Passez votre tour. Bienvenue dans le Sixième Cercle. Hérétiques, athées et épicuriens. Andreï Plakhov est critique, commentateur cinéma attitré du quotidien Kommersant, membre du jury à Berlin, Locarno, Tokyo, San Sebastian. Winzavod lui ouvre le programme « Cinéma avec Andreï Plakhov ». La graine et le mulet, Abdellatif Kechiche, indéniablement très grand film. Une vraie histoire. Qui dit toutes les histoires. Admirablement inscrite dans un milieu et une époque et parle en même temps de partout et toujours, de noblesse et de bassesses, d’humanité en profondeur, amours contrariées, générations sourdes. Les vieux ont sacrifié et cru bon de se taire, ils ont espéré, les gamins les renient et leur crachent au nez sur un sol étranger, veulent tout, tout de suite. Assimilation dévoreuse. Et puis la grâce, le temps d’un instant, autour d’un couscous, générosité pure et entière, abandon, folie, une fleur des villes née dans la boue rayonne, inonde de soleil la grisaille, brûle de fraîcheur et d’énergie vitale. Et au même moment l’autre qui s’éteint, usé, vieil arbre déplacé, racines tronquées. Dans une danse. Kinoteatr s Andreem Plakhovym : La graine et le mulet, A. Kechiche (2007), le 15 novembre, à 20h. Tsurtsum kafe, Winzavod, 4-iï Syromiatnitcheskiï per., d. 1/8, str. 6. www.winzavod.ru 3 7 Bienvenue dans le Septième Cercle. Découvrez les limites entre le bien et le mal en regardant Jit’, le dernier film de Iouriï Bykov. Bienvenue dans le Cinquième Cercle. Les coléreux et les mélancoliques. Tulpan, c’est la première fiction du réalisateur de documentaires Sergueï Dvortsevoï. Dvortsevoï vient du Kazakhstan, et son film, il souffle comme la steppe. C’est lent et immédiat, immense et simplissime. La steppe est le lieu d’un présent éternel, où l’histoire n’existe pas. Où rien n’évolue, ne progresse, ne change, où le rythme est celui du soleil, de l’herbe et des brebis. Aza revient chez lui, démobilisé après le service dans la Flotte. Enfant de berger, il vise l’impossible et s’y attelle : bâtir une maison, installer l’eau et l’électricité, devenir propriétaire, écrire une Histoire. Caïn dans le monde d’Abel, Aza est toute la vanité et par là la grandeur de l’existence humaine. Pour posséder des moutons, il faut se marier. Mais la seule jeune fille à 300 kilomètres à la ronde c’est Tulpan. Et Tulpan ne veut pas épouser Aza. Parce qu’il a les oreilles décollées. Le film en a mis, du temps, à se faire, en a épuisé, des équipes de tournage. Parce que Dvortsevoï laisse la réalité s’écrire d’elle-même dans ses cadres. Parce que dans la steppe, le quotidien est parabole. Voyage dans un autre espace-temps. Tulpan (2007), Sergueï Dvortsevoï. 5 Guide 15 Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru 1 Bienvenue dans le Premier Cercle. Jouez les païens en vous rendant au festival d’art rituel In Out. Allez à la case suivante. 1 5 Bienvenue dans le Septième Cercle. Laissez-vous entraîner dans un autre espace-temps avec Tulpan, le film de Sergueï Dvortesvoï. Revenez à la case départ. 6 Bienvenue dans le Sixième Cercle. Echappez-vous le temps du festival «cinéma avec Andreï Plakhov». Allez à la case suivante. 2 2 Bienvenue dans le Deuxième Cercle. Partez à la découverte du festival du nouveau théâtre européen. Avancez de deux cases. 4 Bienvenue dans le Premier Cercle. Vous êtes chez les non-baptisés. Ils ont vécu avant l’avènement du Christ. Leur péché n’est pas mortel. Condamnés à errer, aveugles. L’Âge moderne a mis Dieu à mort, mettait l’homme au centre et préparait sa chute. Ses enfants, maudits, devraient se retrouver sans Père, privés d’abstraction et d’entité suprême. Effondrement des murs et utopies réalisées, illusion dévoilée, système déconstruit et désacralisé, nous nous sommes réveillés groggy, comme d’un cauchemar sans fin, assis sur des cendres. Contre le Dieu matériel, on recherche du sens et des mondes parallèles. Dans le vide spirituel, on s’engouffre, piocher ici et là, troquer l’autorité contre la discipline. Consentie. Le centre culturel Dom invite le festival InOut, nouvel art rituel. Le créateur s’efface devant la création, le post-modernisme, orphelin, se fabrique des racines, se redécouvre archaïque, inspiré, soumis. Se contenter d’être, absolument, ne pas se contempler. Au plus profond de soi jusqu’à s’oublier. Chamanisme XXIe siècle et avant-garde classique, musique rituelle tibétaine et drone ambient. Néo-paganisme de rigueur. Ommmmm… Festival d’art rituel In Out, le 19 novembre, à partir de 20h, Centre culturel Dom, Bolshoï ovtchinnikovskiï per., d. 24, str. 4. www.dom.com.ru Bienvenue dans le Quatrième Cercle. Les Avares et les prodigues. Mikhaïl Prokhorov est un oligarque, milliardaire. Il a fait fortune sur les charognes de l’Empire, au temps des privatisations. Entre les usines de nickel, les villas yachts et jets privés ou la NBA qu’il s’est offert comme un petit plaisir, il a encore créé une Fondation de soutien à la culture. Échaudé à Courchevel, Prokhorov revient en France la tête haute et, sous le bras, une grandiose exposition Sibérie inconnue, à Lyon. Avare et prodigue. Inclassable. Comme la Sibérie, lieu symbolique d’une Russie ô combien duelle, plurielle, terre impraticable et hostile, et riche et nourricière ; insondables réserves souterraines, lieu des utopies, colonies et conquêtes. L’ombre des camps de travail et la pureté de l’eau du Baïkal. Contrastes et paradoxe, contradictions infinies comme les espaces. La fondation Prokhorov dévoile une Sibérie aussi archaïque qu’à la pointe, centre d’innovation technologique, pôle majeur de l’art contemporain russe. Festival Sibérie inconnue, La création russe contemporaine, du 15 au 21 novembre, Lyon, France. www.prokhorovfund.ru 3 Bienvenue dans le Troisième Cercle. Coupables du péché de gourmandise et gardés par Cerbère. Le chef français Nicolas Isnard s’envole en tournée, vient régaler les papilles moscovites. Si la France ne vit pas ses meilleurs moments, poids d’un passé qui ne survit que dans les représentations, certitudes et leçons de morale obsolètes, sclérose et rétrécissement des perspectives… on continue au moins de s’y faire plaisir à table. Hommage à la Bourgogne. Ironie : la région, à force d’isolation et de fermeture, de refus catégorique de toutes les innovations, finit par se retrouver aujourd’hui à l’avant-garde, sommet d’une gastronomie de luxe célébrée dans le monde entier. À propos de luxe, entre nous, au restaurant Kaï, avec des business-lunches à 1 650 roubles, il sera conseillé de savourer. Mais puisque la très vieille France fait encore du bon vin, au diable les varices ! Cuisine de Bourgogne, Nicolas Isnard au restaurant Kaï, du 22 au 26 novembre, Kaï, Swiss hotel Krasnye kholmy, Kosmodamianskaïa nab., 52, str. 6. www.swissotel.com Bienvenue dans le Deuxième Cercle. Péché de chair, ils ont placé la passion audessus du devoir. Il fut un temps où l’on enterrait les comédiens la nuit, hors les Murs, avec les Juifs et les excommuniés. Le théâtre occidental s’est détaché du rituel originel, n’est plus vecteur mais fin en soi, devenu art. Le festival NET, pour Novyi Evropeïskiï teatr (Nouveau théâtre européen), se veut depuis 1998 « fenêtre sur l’Europe » et tient le cap. Cette année le festival innove : abolition des repères oblige, NET n’observe plus l’Ouest depuis la grande Russie mais devient lieu même du croisement, « festival des carrefours des différentes cultures européennes ». D’Allemagne, Finlande, France et Autriche mais aussi Bulgarie, Pologne, Hongrie, Lettonie…, des troupes pour interroger un théâtre « nomade ». Qu’est-ce qu’écrire produire jouer hors de son pays natal, dans une autre langue ? Où les frontières, où l’étrangeté ? À l’encontre de l’exil forcé, déchirures et espace unifié, identités confisquées dissolues ; le voyage, désir curiosité rencontres, partage sans effacer. Toujours se rappeler d’où l’on vient et ce dont on est dépositaire pour être libre et seul. Jamais se conformer. Manifeste pour une Europe d’en bas, appropriée, complexe, multiple, en mouvement, inaliénable. Festival NET, nouveau théâtre européen, jusqu’au 28 novembre. www.netfest.ru 16 En forme Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru Stévia : le goût du sucre sans le sucre L présente beaucoup d’avantages par rapport au sucre, ce dernier n’en est pas moins nécessaire au fonctionnement de l’organisme. Comme toute bonne chose : à consommer avec modération. e 10 octobre dernier, le grand rabbin de Russie Berl Lazar a certifié casher une marque de boissons traditionnelles nommée BioBiss. Tarkhun, Diouchess et autres délices locaux sont commercialisés par cette marque moscovite qui produit ses breuvages avec des ingrédients naturels, et sans sucre. D’où provient donc le goût du sucre? Pour le consommateur attentif l’étiquette contient un mot qui retiendra l’attention: stévia. Ugo Pfenninger Idée de recette: Moelleux chocolat au stévia Le stévia est une plante d’aspect buissonneux, originaire d’Amérique du Sud, qui contient des substances au goût sucré. Il en existe environ deux cent sortes dont la plus réputée pour ses propriétés édulcorantes est le stevia rebaudiana. A l’origine, cette plante, aussi appelée chanvre d’eau, était largement consommée par les indiens Guarani du Paraguay et du Brésil, qui l’utilisaient pour ses vertus médicinales. Du point de vue médical le stévia est véritablement à la frontière entre le médicament et l’aliment. Pour zéro calorie, la douceur gustative est assurée, ce qui permettrait de remplacer le sucre là où il ne remplit qu’un rôle d’édulcorant, et ferait du stévia un moyen de lutte contre l’obésité. De plus, plusieurs études semblent indiquer des effets positifs sur le diabète, ou encore l'ostéoporose. Il serait antifongique et antibactérien et aurait même un effet protecteur pour les dents. Véritable pionnier, le Japon a banni les édulcorants artificiels dans les années 70, et les a remplacés par le stévia. Aujourd’hui cette plante représente 50% du marché des produits sucrés dans l’archipel, avec notamment des chewing-gums, des boissons, mais aussi du dentifrice ou encore des produits de conservation des viandes et des poissons. Ingrédients (Pour 4 personnes) : - 200 g chocolat noir 2 œufs entiers 1 cuillère à soupe de beurre 1 cuillère à soupe de maïzena (poudre de fécule) - 1 cuillère à café de stévia (poudre des feuilles) - poivre du moulin ou cannelle selon les goûts En Russie, le stévia est connu depuis 1934, après que la plante a été ramenée d’une expédition en Amérique latine, par Nikolaï Vavilov, botaniste et généticien de renom. Il y est cultivé des zones méridionales jusqu’à Saint-Pétersbourg, et des recherches pour la création de nouvelles variétés résistantes au froid sont en cours. En France, le climat plus clément permet jusqu’à deux récoltes par an. Toujours en France, l’utilisation d’extraits de stévia dans l’agroalimentaire est autorisée depuis 2009, et les édulcorants de table depuis janvier 2010. Autre son de cloche pourtant dans le reste de l’UE où l’utilisation du stévia reste proscrite, bien que les démarches d'accréditation suivent leur cours. Aux Etats-Unis, les lobbies des édulcorants ont réussi à retarder de deux décennies l’autorisation de mise sur le marché par la Food and Drug Administration (FDA). Le stévia y est désormais commercialisé depuis deux ans. En 2006, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré la consommation humaine sans danger. Côté prix, les extraits de stévia coûtent entre 600 et 2800 roubles le kilo selon les fournisseurs, tandis que le sucre revient à 100 roubles en moyenne (sucre blanc, de canne, en cube et en poudre confondus). Sachant que le pouvoir édulcorant du rébiauside est 300 fois supérieur à celui du sucre, il coûte entre 12 et 50 fois moins cher. Si le stévia Préchauffez votre four à 180°C. Pendant ce temps, faites fondre le chocolat au bain-marie et incorporez-y le beurre. Une fois l’opération terminée, retirez la casserole du feu et incorporez la maïzena, les oeufs battus, le stévia et un peu d’eau afin de conférer à la masse une texture ferme et lisse. Remplissez vos moules de la pâte ainsi faite, en vous assurant qu’elle ne soit pas trop liquide. Enfournez de huit à dix minutes selon vos goûts et saupoudrez de copeaux de noix de coco à la sortie du four. Bon appétit! Santé et Beauté ALLIANCE MEDICALE US Dental Care Centre médical • Spécialistes américains Spécialistes français ou francophones • Tous soins dentaires pour toute la famille Généralistes • Technologie esthétique dentaire de pointe Dermatologue Ouvert tous les jours Kinésithérapeute Tél.: 8 (495) 933-86-86 Psychologue www.usdentalcare.com Kutuzovsky prospect. 1/7 Tél. : 8 (499) 243-49-69 8 (915) 352-77-97 www.alliancemedicale.ru Pour passer des annonces dans cette nouvelle rubrique, appelez le 690-64-39 17 Moscou en bouteille Quand on meurt de faim, il se trouve toujours un ami pour vous offrir à boire. Le Courrier de Russie Antoine Blondin Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru GET SMART Utopie russe à l’anglaise 30 octobre, un samedi. Moscou commence à célébrer Halloween, fête profondément orthodoxe. Depuis le matin, on croise dans les rues de petits trolls, des sorcières souriantes et des vampires ensanglantés. La ville, couverte de nuages, est plutôt triste. En savourant la bruine, je me dirige avec mon ami français B.B. vers le théâtre académique de la jeunesse (RAMT), situé à côté du Bolchoï. Il est midi. Et c’est précisément à midi que débute le spectacle Sur les rives de l’Utopie, inspiré de la pièce éponyme de Tom Stoppard. L’ œuvre traite de l’évolution de la pensée philosophique russe au XIXe siècle. Et il ne faut pas moins de dix heures pour en parler. Spectacle en triptyque : trois pièces – Voyage, Naufrage et Sauvetage – d’une durée de deux heures trente chacune. Avec des pauses de trente minutes entre les spectacles et des entractes de quinze minutes : nul besoin donc de s’équiper de sandwiches ou de thermos de thé. Le buffet du théâtre propose toutes sortes de boissons – y compris champagne et cognac, si le spectacle vous paraissait particulièrement long –, canapés au caviar et friandises. Si le choix ne vous satisfait pas, il reste l’option MacDo, juste à côté du théâtre. Attention cependant, il vous faudra avaler votre hamburger en chemin : les sévères ouvreuses ne vous permettront pas de l’emporter dans la salle. Du courage, il en faut indéniablement pour tenir ces Rives de l’Utopie jusqu’à la fin. Pour endurer sans faillir ces dix heures de marathon, il faut être soit masochiste, soit philosophe. Ou encore accompagné d’un ami fidèle qui vous prêtera son épaule, pour un petit somme, au cas où. Studieuse et disciplinée, j’ai bien dormi la nuit d’avant afin de me préparer au mieux et d’éviter d’abuser de l’épaule de B.B. Les pièces comptent plus de 70 personnages : Bakounine, Tourgueniev, Belinski, Stankevitch, mais aussi Herzen, Ogarev, Sazonov, et même Marx. Les péripéties de la pensée russe prennent vie dans les tragédies personnelles des héros, dont la moitié meurent vers la fin de la pièce. Naufrage porte sur la révolution française de 1848. Les acteurs chantent La Marseillaise. Herzen, détruit par l’effondrement de ses idées et l’adultère de son épouse, se laisse guider par une petite femme qui ressemble trait pour trait à la Liberté de la toile de Delacroix. Sauvetage est encore plus triste. Herzen a perdu son fils et sa mère dans un naufrage. Veuf, il partage dès lors le quotidien de son ami Ogarev, et surtout de la femme de ce dernier, Nathalie. Ensemble, ils tentent de réveiller l’intelligentsia en éditant la revue Kolokol. En vain. Si nous ne l’avions pas su, nous aurions été incapables de deviner que la pièce a été écrite par un Anglais. Top Stoppard est parvenu, avec brio, à saisir les racines de tous les malheurs russes, à une telle profondeur que j’en suis restée bouche bée. Le problème, avec nous, les Russes, c’est que nous passons notre temps à emprunter les idées les plus avancées venues d’Occident – depuis le capitalisme allemand jusqu’au ménage à trois à la française – sans être, pourtant, jamais vraiment capables de les mettre en pratique correctement, jusqu’au bout. Presque tous les spectateurs sont restés jusqu’au bout. À la fin, ils se sont tous levés pour une standing ovation qui a duré plus de dix minutes. J’étais debout aussi, époustouflée, émerveillée, estomaquée, à applaudir jusqu’à en avoir mal aux mains. Désolée pour tout ce pathos, les mots me manquent : c’était tout simplement génial ! Vera Gaufman Prochain spectacle : le 18 décembre 2010, au RAMT, Teatralnaïa ploshad, 2. Billets : (+7 495) 69 200 69, www. ramt.ru. Baraque à falafel O ulitsa ousatcheva. Une rue étonnante où les bâtiments de pierre se transforment au fil du chemin en petits blocs de préfabriqués difformes. Un restaurant végétarien aurait ouvert ses portes, il y a un mois à peine, dans cet amas de ferrailles sale et peu rassurant. Difficile à croire. Et pourtant si, c’est écrit en toutes lettres : Korolevskiï Falafel. On comprend mieux pourquoi le gros milicien croisé plus tôt nous a demandé à plusieurs reprises si c’était bien le lieu que nous cherchions car « ce n’est pas vraiment un restaurant ». Il est vrai que l’on s’attendait plus à une sorte de Starbucks végétarien qu’à ce petit boui-boui de 10m2 prêt à fermer ses portes… alors qu’il n’est que 20h30. Drôle de sortie pour un vendredi soir. Vêtue d’un gros manteau d’hiver, la jeune serveuse qui s’apprêtait à quitter la bicoque s’empresse de sortir, à notre arrivée, les aliments de petites boîtes en plastique rouge pendant que nous nous débarrassons de nos manteaux et prenons place sur les quatre uniques tabourets du lieu. La salle est si exiguë qu’elle est vite envahie par l’odeur du graillon. 30 secondes plus tard, nos sandwichs de boulettes de pois chiches, dites falafels (99 roubles), sont prêts à déguster. Ça, c’est de la restauration rapide ! Un peu trop peut-être puisqu’ils sont froids. Quelques secondes aux micro-ondes et retour dans nos assiettes… trop chauds cette fois ! Les boulettes de falafel sont à point mais le pain pita, les légumes et le houmous sont ramollis par la chaleur, alors qu’ils sont justement censés apporter toute la fraîcheur à cette spécialité culinaire du Proche-Orient. Alors que nous essayons de nous concentrer pour manger nos sandwichs proprement et sans en perdre la moitié, David, le directeur du lieu, explique comment reconnaître un bon falafel. De ses grosses mains, il rompt une boulette en deux : « Vous voyez, la couleur verte montre que c’est bon produit, si c’est jaune, c’est un faux ». Contentes de GET LAID manger de vraies boulettes, nous observons qu’une petite bière avec ne serait pas de refus. L’homme aux gros sourcils noirs est étonné qu’on puisse penser accompagner un falafel d’une bière. Il n’en propose pas, mais nous indique où nous pouvons en trouver. Dans la « cabine » d’à côté, un jeune garçon sert des bières pression au verre pour 66 roubles. Dans cet endroit absolument hors du commun, trois types déjà bien alcoolisés ingurgitent leurs bières comme de l’eau. Retour au fast-food où David ne se vexe pas devant les boissons rapportées. Au contraire, il note que la bière manque au menu de la gargote qu’il a conçue lui-même et nous demande des conseils sur la marque à commander. Cet homme, d’origine géorgienne, s’aperçoit rapidement que ses trois seules clientes de la soirée sont françaises. Il entame alors un long monologue sur les lieux qu’il a visités dans la capitale française : « Ah… Paris ! » s’exclame-t-il à plusieurs reprises en français. « Place Vendôme, jardin des Tuileries, Champs Elysées, Euro Disney… » Celui qui assure qu’il est le seul à faire ses propres falafels à Moscou se souvient de ceux qu’il a goûtés dans le Marais… et nous fait alors revisiter Paris. David fait l’ambiance à lui seul. Ce qui rend finalement le lieu sympathique. Mais un trouble-fête, venu de la bicoque d’à côté, entre en titubant pour commander un sandwich. Le service est terminé. David a définitivement rangé ses falafels et ses chakchoukas (120 roubles). Il faudra revenir le lendemain matin pour la formule petit-déjeuner (de 39 à 49 roubles). L’intrus insiste. L’atmosphère s’alourdit soudainement. La serveuse nous lance un regard effrayé en nous faisant comprendre qu’il faut quitter l’endroit. 40 minutes après être entrées, nous partons en hâte. Un vrai fast-food. Gabrielle Leclair Korolevskiï Falafel 26, Ousatcheva oul., Ousatchevskiï Trade House + 7 (495) 363 11 91 publi-reportage Les Beatles vus par une star du blues moscovite. Levan Lomidze et les Blues Cousins (Russie) Les 25 novembre et 23 décembre. Blues, harmonica, guitare, vocal L’idée, c’est un mini-festival consacré au travail du quatuor légendaire de Liverpool, au cours duquel seront jouées, à côté des grands hits des années 70, les créations immortelles des Beatles. Des musiciens d’un tel niveau réunis sur la scène du jazz-club Soyouz kompozitorov, ça ne se rate pas ! Le leader des Blues Cousins, Levan Lomidze, est le premier guitariste russe reconnu aux États-Unis, où il a donné plus de 100 concerts, dont des apparitions dans les plus prestigieux festivals blues du pays. La presse américaine a réagi avec fougue, admiration et enthousiasme au succès vertigineux des Blues Cousins. Levan Lomidze a été sacré meilleur musicien blues de l’année par les auditeurs de l’émission Doctor Blues (Open radio). Il figure également au panthéon des dix plus grands guitaristes de Russie. Cynthia Saunders (USA) Les 18,19 et 20 novembre. Jazz, vocal. Dans le monde de la musique, on l’appelle Cynthia Jazz. Cette vocaliste jazz brillante et pénétrante apaise l’âme et insuffle la soif de vivre à tous ceux qui l’entendent. Armée de son ravissant sourire, Cynthia s’entretient chaleureusement avec son public, l’attirant dans son monde musical et emplissant ses auditeurs d’émotions fortes et nouvelles. Sur elle, les critiques jazz ont écrit ceci : « Cynthia possède une voix très belle, qui embrasse les styles du passé, du présent et même du futur. Et elle est également un remarquable auteur de chansons… À toutes les compositions jazz interprétées par Cynthia vient s’ajouter la douceur toute particulière de la voix de la chanteuse, qu’il s’agisse de ballades jazz émouvantes et éternelles ou de mélodies latinoaméricaines vivantes et épicées. » Jazz-club « Soyouz kompozitorov » Moscou, Brioussov per., 8/10 str. 2, M° Okhotnyï riad, Tel : +7(495) 629 65 63, www.ucclub.ru CUISINE GASTRONOMIQUE Ouvert de 11h à 1h du matin www.artistico.ru [email protected] Kamergersky per. 5/6, Tél. : 692 40 42, Fax : 692 52 71 Unités nationales Je n’ai toujours pas compris ce qu’était le Jour de l’Unité nationale – j’avoue ne pas avoir trop cherché non plus – si ce n’est un jour férié en plein milieu de la semaine et, en toute logique, une occasion pour mes amis moscovites de sortir jusqu’au matin. Rendez-vous dans le restaurant situé au cinquième étage de la synagogue Bolchaïa Bronnaïa, peuplé d’un sympathique mélange de Russes, de Français, et même un Amerloque, filles et garçons, gay et straight, 25-35 ans. Dans le lot, quelques expat’ que je ne connais pas encore. Le problème des expat’, c’est qu’ils finissent forcément par quitter Moscou, et qu’ils se débrouillent toujours pour plier bagages au moment précis où l’on commençait à s’attacher. Comme quoi, en amitié aussi, il vaut mieux consommer local. Après un chachlik kasher surépicé (290 roubles), direction Solianka où, comme dans toutes les discothèques de Moscou, on se demande en arrivant si l’on n’a pas confondu l’entrée du night club avec celle du club d’aérobic. Car quand les Moscovites dansent, ils n’y vont pas à moitié ! La nuit se poursuit au Proekt OGI. Autre ambiance, moins branchée peut-être, mais tout aussi animée. Les effluves de vodka ont remplacé celles des eaux de toilette. On discute, on rit, on danse. On est bien. Résultat des courses : 2 verres de vin à la synagogue (600 roubles la bouteille de Carignan), 4 vodkas tonic (210 roubles au Solianka), quelques gorgées de Long Island bues ici et là dans les verres de mes amis (500 roubles), 1 vodka shot (70 roubles à OGI), 1 Sambuca flambée (250 roubles), une pinte de Baltika (100 roubles), encore quelques gorgées de gin dans une after je ne sais plus où, et bien trop de cigarettes (20 roubles le paquet dans n’importe quel cabanon). 8 heures du matin. Retour en taxi, et en (très) bonne compagnie. Guillaume Clément Marchal Restaurant de la synagogue Bolchaïa Bronnaïa Bolchaïa Bronnaïa oul., 6, str. 3 Métro : Tverskaïa +7 (495) 202 45 30 Solianka Solianka oul., 11/6, str. 1 Métro : Kitaï Gorod s-11.ru, +7 (495) 221 75 57 Proekt OGI Potapovskiï per., 8/12 Métro : Tchistye Proudy +7 (495) 627 53 66 18 Du côté de chez vous Le Courrier de Russie Du 12 au 26 novembre 2010 www.lecourrierderussie.ru Retrouvez à chaque numéro du Courrier de Russie le clin d’œil pratique pour votre expatriation ! LA CHRONIQUE DES EXPATRIES : All’eau ! A votre arrivée en Russie, les premiers conseils que l’on vous donne ont trait à la santé ! Et vous entendrez régulièrement : « Ne buvez jamais l’eau du robinet ! ». N’exagérons rien ! L’eau est potable, même si elle se caractérise souvent par un petit goût inhabituel. Encore convientil, selon les organismes, de ne pas en ingurgiter de grandes quantités qui pourraient éventuellement générer de petits désagréments. En tout cas, si vous êtes du genre ultra-prudent, vous pourrez toujours vous rabattre sur les bouteilles d’eau minérale vendues dans les supermarchés, ou plus simplement encore, louer, voire acheter une fontaine d’eau et ses réserves. Les sociétés de distribution d’eau potable pour fontaine sont nombreuses et, parmi les plus connues en Russie, figurent Vitelia, Nestlé Waters, Cone-Forest et Korolevskaya Voda. Leurs tarifs de service sont sensiblement équivalents… La fontaine d’eau, dite en russe « cooler », selon le terme anglais, vous permettra d’avoir à domicile de l’eau fraîche ou chaude. Vous pourrez l’acheter dès votre arrivée (entre 4000 et 8000 roubles pour une fontaine) et vous ferez des économies si vous prévoyez de vivre plus d’un an à Moscou. Un détail d’importance : en cas de problème, toute intervention vous coûtera le déplacement du spécialiste et la réparation Autre option, pour une somme encore raisonnable, la location de la fontaine (400 roubles mensuels) qui permet un remplacement gratuit de matériel en cas de dysfonctionnement. Pour ces fontaines, les bombonnes d’eau d’une capacité de 19 à 23 litres, se commandent par 3 minimum, pour une somme d’environ 250 roubles pas bombonne. Pour un couple avec un enfant, vous pouvez tabler globalement sur une consommation de 4 bouteilles par mois en été et de 3 bouteilles en hiver. La livraison des bombonnes est gratuite. Dans la majorité des cas, vous êtes livrés le lendemain de la commande, rarement le jour même. Avec l’avantage appréciable de ne pas avoir à monter tous ces litres d’eau au domicile, surtout quand l’ascenseur est inexistant dans votre immeuble ! Sachant qu’il vous faudra trouver un endroit où stocker les bombonnes de réserve…Petit détail d’importance relatif à la livraison : si, pour plusieurs sociétés, cette livraison s’effectue dans une fourchette approximative de 3 heures, Nestlé et Cone-Forest sont généralement respectueux des horaires convenus. A savoir également : l’eau qui vous est proposée n’est pas une eau minérale particulière mais l’eau fournie par les services techniques de la ville et traitée par les soins de la société. Ce qui incite certains à s’approvisionner en plus de bouteilles d’eau minérale qu’ils avouent consommer « sans modération »… Se mettre à l’eau, soit ! Mais sachons quand même raison garder ! \Yan SOTTY * * Yan Sotty est directeur de « Wellcome Abroad Relocations», société de services pour expatriés en Russie www.wellcomeabroad.ru Spécialiste de: la Chasse aux appartements la Gestion des Baux de location les Services complets d'aide à l'installation Pour annoncer dans cette nouvelle rubrique, appelez au 690-64-39 ou envoyez un mail à: [email protected] 2 pièces M. Tsvetnoï Bulvar, Malyï Karetnyï per. Appartement dans le centre historique de Moscou. 84 m2. Rénové design. Entièrement meublé. Cuisine équipée, tous éléments électroménagers. 1 salle d’eau complète. Chaudière. TV satellite. Internet. Code, interphone. ID: 141019, www.mayfair.SU, 933 60 60 3 pièces M. Tourgenevskaïa, Milioutinskiï pereoulok. 120 m2. Entièrement rénové. Entièrement meublé, meubles modernes d’import. Cuisine totalement équipée. Interphone.. ID 139478, www.mayfair.SU, 933 60 60 M. Polyanka, oulitsa Bolshaïa Polyanka 160 m2. Sécurité à l’extérieur. Parking D.R. de YAN SOTTY Vivre en hauteur: les pours et les contres de la vie en gratte-ciel I l y a deux catégories de gens. La première se compose de personnes bien ancrées au sol, qui aiment la terre et qui préfèrent rester auprès d’elle. Elles rêvent d’une maison avec pelouse et jardin potager, n’importe où, mais pas en ville. Et puis, il y a cette seconde catégorie qui, malgré ses airs de respectabilité plane toujours dans les nuages. Ce sont les enfants des mégalopoles, ceux pour qui le vacarme des villes est comme le bruissement des feuilles qui tombent, le chuchotement confus de la paisible rivière. Pour cette dernière catégorie, le comble du bonheur se situe au 40e étage d’un gratte-ciel. Ces bâtiments sont pensés et construits pour eux, un peu comme « des villes dans la ville ». Y vivre témoigne d’un certain statut social. La quasi-totalité des constructions de ce type font partie des classes « business » et « élite ». Bien entendu, les acheteurs potentiels de ces biens immobiliers à Moscou ont des revenus confortables. Il y a bien sûr avantages et inconvénients à résider dans un gratte-ciel. Considérons tout d’abord les points positifs. Outre le prestige, il y a la place, car en général les appartements sont plus spacieux que ceux des habitations conventionnelles. Dans ces « villes dans la ville », les infrastructures sont très développées. En général, ces constructions sont subdivisées en plusieurs zones : bureaux, surfaces commerciales, loisirs... Il est possible d’y faire ses courses, d’aller au cinéma, de se rendre au bureau, à la piscine... et tout cela sans sortir de chez soi. Quant à la pureté de l’air, elle augmente avec l’altitude. Enfin, la vue est souvent saisissante. Revers de la médaille : les coûts d’entretiens de telles constructions sont deux fois plus élevés que ceux des autres habitations. De plus, s’ils veulent éviter les imbroglios, les résidents doivent se mettre d’accord sur le choix des entreprises de maintenance. Bien que l’air pompé au sommet soit plus pur, il est aussi plus raréfié, ce serait un peu comme vivre à la mon- souterrain. Rénové design. Entièrement meublé. Cuisine totalement équipée. Air conditionné. TV Satellite. Internet. ID 140313, www.mayfair.SU, 933 60 60 tionné. TV satellite. Interphone. Vidéo surveillance. Parking surveillé à proximité de l’immeuble. ID:137918, www.mayfair.SU, 933 60 60 M. Kropotkinskaïa, Obydenskiï 2-ï per. Appartement de luxe, rénové design, dans le centre historique de Moscou. 110 m2. 2 chambres, 2 salles d’eau, Sécurité 24/24. Parking souterrain. Entièrement meublé. Air conditionné. TV satellite. Internet. ID: 139293, www.mayfair.SU, 933 60 60 4 pièces M. Poushkinskaïa, Bogoslovskiï per. Appartement entièrement rénové, design. 75 m2. Entièrement meublé. Cuisine totalement équipée tous éléments électroménagers. 1 salle d’eau complète et 1 salle de W.C. Air condi- M. Kropotkinskaïa, oul. Pretchistenka Appartement entièrement rénové, travail de haute qualité. 110 m2. Non meublé. Cuisine totalement équipée, tous éléments électroménagers. 2 salles d’eau complètes. Jacuzzi, douche. Bay window dans le salon. Vue sur l’église du Christ Sauveur. Air conditionnée. Cour intérieure. Parking surveillé à proximité. ID: 118034, www.mayfair.SU, 933 60 60 M. Tchistye proudi, oulitsa Pokrovka 140 m2. Meubles fournis sur demande. Cuisine totalement équipée. Air condi- tagne. L’organisme des citadins doit s’acclimater à ces conditions, et cela n’est pas donné à tout le monde. Par exemple, les personnes atteintes de problèmes cardiovasculaires devraient éviter de vivre au-delà du 20e étage. La vie en altitude peut accentuer des troubles psychiques préexistants, constituer un terreau favorable à l’apparition de phobies, voire favoriser les pulsions suicidaires. Principal point de friction entre défenseurs et opposants aux gratte-ciel: l’aspect sécuritaire de telles méga-structures. Les ingénieurs, quant à eux, affirment que les habitants des tours sont biens mieux protégés des incendies ou des accidents électriques, grâce aux systèmes de distribution d’eau et anti-incendie, ainsi qu’à la gestion des ascenseurs, contrairement à ce qui se fait dans les constructions conventionnelles. Toutefois, une évacuation de milliers de personnes et leur mise en lieu sûr en l’espace de 2 ou 3 minutes semble peu plausible. Ce à quoi tout système sophistiqué ne changerait probablement rien. En fait, les gratte-ciel, dans un tissu urbain dense, compliquent considérablement le travail des pompiers : l’espace minimal entre le dispositif d’évacuation pour les étages supérieurs et le bâtiment doit être de 10 mètres, tandis que l’espace entre la nacelle et le bâtiment doit être de 6. Les appartements des gratte-ciel représentent une forme exotique d’habitation pour une clientèle non moins exotique : des gens aisés, aventureux, amateurs de sensations fortes, qui apprécient les vibrations d’une mégalopole et pour lesquels «être au sommet», c’est vivre au sommet. Quant à JeanClaude Van Damme, il garde toujours des parachutes dans son appartement non moins haut perché. tionné. TV Satellite. Internet. Vidéosurveillance. Parking surveillé. ID 64817, www.mayfair.SU, 933 60 60 M. Arbatskaïa, Skaterniï per. 140 m2. Très haut sous plafond. Cuisine équipée. Tous éléments électroménagers. 3 salles d’eau complètes. Jacuzzi, douche, sauna, baignoire, sols chauffants. Air conditionné. 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Au départ des vols Air France à destination de Paris Swiss International Business Lounge, aéroport Domodedovo Cafés, bars, restaurants Akademia (Kamerguerjskiï per. 2 str.2) Apshou (Klimentovskiï per. 10 str.1) ArteFaq (B.Dmitrovka 32/1) Boulangerie les frères Karavaevy (Milutinskiï per. 19/4 str.2) Café Bouchon (B.Soucharevskaïa pl. 16/18 str.2) Café de ville (Sadovaïa-Samotetchnaïa 24/27) Café des artistes (Kamerguerjskiï per. 5/6) Café Gogol’ (Stolechnikov per. 11) Café Michel (Krasnaïa Presnia 13) Café Wolkonskiï (B.Sadovaïa 2/46, Moroseika 4/2, Sretenka 27/29 str.1) Champagne Bar (B.Nikitskaïa 12) Cappuccino Express (B.Polianka 26) Carré Blanc (Seleznevskaïa 19/2) Chez Géraldine (Ostojenka 27/2) Coffee Bean (Piatnitskaïa 5, Pokrovka 21, Sretenka 22/1, Leningradskiï pr. 36, Khatchaturiana 16, Selskokhoziaïstvennaïa 17 str.1) Courvoisier (M.Soucharevskaïa pl. 8) Saint-Pétersbourg Hôtels Angleterre (M.Morskaïa 24) Best Eastern Oktïabrskaïa Hotel (Ligovskiï prospekt 10) Chorinthia Nevsky Palace (Nevskiï pr. 57) Grand Hotel Europe Kempinski (Mikhailovskaïa 1/7) Crêperie de Paris (2- Tverskaïa-Iamskaïa 2/3, Profsoïouznaïa 12, Roussakovskaïa 29) Daïkon (Piatnitskaïa 36, Pr. Mira 12 str.1, Zoubovskiï blvrd. 29) Delis Café (Nikitskiï blvd. 25) Eat and Talk (Mokhovaïa 7) Funky Lime (Tsvetnoï blvd. 7) Gavroch (Timura Frounze 11 str.19) Glazur’ (Leninskiï pr. 45A) Il Forno (Neglinnaïa 8/10 str.1) In Vino (B. Iakimanka 39) Khlam (1-Goloutvinskiï per. 3) Khleb i vino (B.Polianka 27) KM-19 (Kouzneckiï most 19) Krisis Janra (Pokrovka 16/16 str.1) Kvartira 44 (B.Nikitskaïa 22/2, M. Iakimanka 24/8) La Scaletta (2-Smolenskiï per. 1/ 4) Labardans (B.Nikitskaïa 19/3) Lunchbox (B.Nikitskaïa 10, Sadovnitchevskaïa 14) Le Pain Quotidien (Bagrationovskiï pr. 5, Piatnitskaïa 6/1 bat.1, Lesnaïa ½, pl.Kievskogo voksala 2, Novinskiï blvrd. 7, Kamergerski ï per. 5/6, Zoubovskiï blvrd. 5, Lesnaïa 5, Nijnïaïa Radichtchevskaïa 5 str.3, Novoslobodskaïa 21, Leningradskoe chaussée 16a/4, Moskva-City) Les z’amis de Jean-Jacques (Nikitskiï blvd. 12, Tsvetnoï blvd. 24 str.1, Verkhnïaïa Radichtchevskaïa 15 str.2, L’va Tolstogo 18B) Marseille (Krasnoproletarskaïa 16) Mi Piace (B. Ordinka 13/9) Mio (Kaloujskaïa pl. 1) Montparnasse. Khlebnoe iskousstvo (Voroncovskaïa 2/10 str.1) NaLestnice (2-Smolenskiï per. 1/ 4) Oblomov (1-Monetchikovskiï per. 5) Papa’s place (Miasnitskaïa 22) Parisienne (Leningradskiï pr. 39 str.9) Propaganda (B.Zlatooustïinskiï per. 7) Respoublika souchi (1905 goda 11) Sindibad Café (Nikitskiï blvd. 14) Skandinavia (Tverskaïa 19) Solianka (Solianka 11) Soyuz kompozitorov, Jazz club (Brusov per. 8/10 str.2) The Most (Kouzneckiï most 6/3) Vanil’ (Ostojenka 1/9) Vertinskiï (Ostojenka 3/14) Vision Bar (B. Iakimanka 22) Helvetia Hotel Suites (Marata 11) Ibis (Ligovskiï pr. 54) Kempinski (nab. Moïki 22) Les Frères Karamazov (Socialisticheskaïa 11A) Novotel (Maïakovskogo 3a) Park Inn Nevskiï (Korablestroïteleï 14) Park Inn Pulkovskaya (pl. Pobedy 1) Radisson SAS (Nevskiï pr. 49/2) Reval Hotel Sonya Business centre Moskva (Liteïniï pr. 5/19Б) Rocco Forte Hotel Astoria (B.Morskaïa 39) Sokos Hotel Palace Bridge (Birjevoï per. 4) Sokos Hotel Vasilievsky (8aïa linia 11/13) Sokos Hotel Olympia Garden (Baltiïskiï per. 3A) Centres médicaux et salons de beauté Alliance Medicale (Koutouzovskiï pr. 1/7) Altosenso (Ostojenka 5) American Clinic (Grocholskiï per. 31) American Medical Centers (pr. Mira 26 str. 6) Centre Médical du Ministère des affaires étrangères (4-Dobrininskiï per. 4) Clinique Alliance Française (Sadovaïa-Samotechnaïa 12) Dental Art (Droujinnikovskaïa 15) Dessange (Tverskaïa 24/1) EDC (1-Nikolopeskovskiï per. 6 str.1) EMC (Orlovskiï per. 7) FDC (2-Zvenigorodskaïa 13 str.41) GMS Clinic (2-Iamskaïa 11/13) International Sos (Orlovskiï per. 7) JP Barbers (Mokhovaïa 7) US Dental Care (B.Dmitrovka 7/5) Café, bars, restaurants Bistrot Garçon ( Nevskiï pr. 95, nab. canala Griboedova 25) Hôtels Akvarium (Krokus Expo, 65 km MKAD) Aquamarine (Ozerkovskaïa nab. 26) Baltchug Kempinski (Baltchoug 1) Budapest (Petrovskie linii 2/18) Cosmos (pr. Mira 150) Courtyard by Marriott Moscow City Center (Vosnesenskiï per. 7) Golden Apple Boutique (M.Dmitrovka 11) Golden Ring (Smolenskaïa 5) Hilton Hotel (Kalantchevskaïa 2¼0) Holiday Inn Lesnaïa (Lesnaïa 15) Holiday Inn Sokol’niki (Roussakovskaïa 24) Holiday Inn Souchtchevskiï (Souchtchevskiï val 74) Ibis Moscow Paveletskaïa (Chtchipok 22 str.1) Kadashevskaïa (Kadashevskaïa nab. 26) Katerina (Chluzovskaïa nab. 6) Kebur Palace (Ostozhenka 32) Korston (Kosyguina 15) Lotte Hotel Moscow (Novinskiï blvd. 8 str.2) Mamaison Pokrovka Suite (Pokrovka 40 str.2) Marriott Grand (Tverskaïa 26/1) Marriott Royal Aurora (Petrovka 1½0) Marriott Tverskaïa (1-Tverskaïa-Iamskaïa 34) Metropol (Teatralniï proezd ¼) National (Mokhovaïa 15/1) Nikitskaya (B.Nikitskaïa 19) Novotel Centre (Novoslobodskaïa 23) Novotel Cheremetïevo Boulangerie Garçon (Raziezjaïa 41) Boulangerie Garçon (Nevskiï pr. 103) Café Wolkonskiï (Kamennoostrovskiï pr. 8) Confiserie Garçon (Souvorovskiï pr. 47) Entrée (Nikolskaïa pl. 6) Les z’amis de Jean-Jacques (Marata 10, Gatchinskaïa 2/54) Autres lieux Institut Français (Nevskiï pr. 12) (aéroport Cheremetievo F, str.3) President (B.Iakimanka 25) Radisson SAS (pl.Europy 2) Renaissance (Olimpiïskiï per. 18/1) Renaissance Moscow Monarch Center (Leningradskiï pr. 31A) Savoy (Rojdestvenka 3/6 str.1) Sheraton (1-Tverskaïa-Iamskaïa 19) Sofitel Iris (Korovinskoe chaussée 10) Sovetskiï (Leningradskiï pr. 32/2) Swissotel Krasnye Holmy (Kosmodamianskaïa nab. 52 str. 6) Volga (Dokoutchaev per. 2) Autres lieux Air France, KLM, Alitalia (Mytnaïa 1) Chambre de commerce et d’industrie franco-russe (Tverskaïa 12/9) École Supérieure d’Administration Publique (Leninskie Gori 1 str.61) École Supérieure d’Économie (Miasnitskaïa 20) Faculté de journalisme MGU (Mokhovaïa 9) Institut Cervantes – Centre Culturel Espagnol (Novinskiï blvd. 20A str.½) Kiosque «Novaya gazeta, Krokodil» (Srastnoï blvd. en face de str.4) Pangloss (B.Cherkasskoï per. 13/14 str.4) Rédaction du Courrier de Russie (Nikitskiï blvd 11/12 str.1) Richelieu (Novinskiï blvd. 18) Tsar Voyages (M.Loubianka 16/4) Universite de Goriatchkine (Timiriazevskaïa 58) World Trade Center (Krasnopresnenskaïa nab. 12) Centres médicaux et salons de beauté American Medical Clinic (nab. Moïki 78) Carita Paris (Souvorovskiï pr. 48/2) Clinique internationale Medem (Marata 6) 20 Le Courrier de Russie Enigma Texte sélectionné par Jean-Félix de La Ville Baugé Quant à moi, je considère que toute chose dirigée contre l’Union Soviétique, contre nous, n’a pas droit à l’existence Du 12 au 26 novembre 2010 Maïakovski, 1929 www.lecourrierderussie.ru « Pour le sommeil de la mort personne n’est trop vieux » Si vous trouvez l’auteur de ces lignes, envoyez un e-mail à [email protected] ou un fax à +7 495 690 01 28. Le premier à envoyer la bonne réponse gagnera un abonnement au journal de trois mois et un livre en français. « Rumeur des boulevards nocturnes. Le dernier rayon de soleil s’est éteint. Partout, partout des couples et des couples. Le frémissement des lèvres et l’audace des yeux. Je suis seule, ici. Il serait doux d’appuyer sa tête Au tronc d’un châtaignier ! Dans mon сœur pleure un vers de Rostand. Comme à Moscou que j’ai abandonné. Paris la nuit m’est étranger et pitoyable, Le délire d’autrefois est plus cher à mon coeur. En rentrant chez moi, je retrouve la tristesse des violettes Et le portrait de quelqu’un à l’expression amicale. (...) Et non une étoile, je l’avais oublié ! J’avais oublié que votre poésie vient des livres Et vos critiques de la jalousie. Vieillard précoce, l’espace d’un instant, J’ai oublié que vous êtes un grand poète. » « La guerre, la guerre ! Encens devant les icônes ! Les éperons tintent, Mais je n’ai rien à faire ni des calculs du tsar Ni des querelles des peuples ! » « Traquée dans le monde entier, Tu as des ennemis sans nombre, Comment donc t’abandonnerais-je, Comment te trahirais-je ? Où trouverais-je la sagesse de dire Œil pour œil, dent pour dent ? Ô Allemagne, ma folie, Ô Allemagne, mon amour ! » « Je sais la vérité ! Arrière la vérité d’hier ! Il ne faut pas que l’homme se déchaîne contre l’homme » Dans le vaste et joyeux Paris Je rêve d’herbage, de nuages, Les rives s’éloignent, les ombres se rapprochent Et la douleur en moi est aussi profonde que jadis. » « André Chénier est monté sur l’échafaud Et moi, je vis et c’est là un péché mortel ! Il y a des époques de fer pour tout le monde, Et il n’est pas de poète celui qui chante quand la parole est à la poudre ! » « J’avais oublié qu’en vous le сœur n’est qu’une vieillesse, « Un jour adorable créature, Je ne serai plus pour toi qu’un souvenir, Perdu, dans ta mémoire aux yeux bleus Perdu, enseveli, si loin, si loin ! Tu oublieras mon profil au nez busqué, Mon front auréolé par la fumée de cigarettes, Mon rire continuel qui agace les gens, Et la centaine de bagues d’argent sur ma main laborieuse, Et notre grenier-cabine de bateau, Et le désordre de mes paperasses. Tu oublieras l’année terrible, sublimée par le Malheur. Tu étais encore si petite et moi encore si jeune ! » « Celui qui survit mourra ; celui qui est mort ressuscitera ; Et les descendants, évoquant le passé, demanderont d’une voix de tonnerre : « Où étiez-vous ? » La réponse résonnera aussi comme un coup de tonnerre : « Sur le Don ! » « Qu’y faisiez-vous ? – Nous y subissions notre martyre. Puis enfin, exténués, nous nous sommes couchés et assoupis. » Et les petits-fils songeurs inscriront dans leur dictionnaire, Après le mot Devoir, le mot Don. » « Où sont les cygnes ? – Les cygnes sont partis. Et les corbeaux ? – Les corbeaux sont restés. Où sont-ils partis, les cygnes ?- Là où partent les grues migratrices. Pourquoi sont-ils partis ? – Pour n’être pas plumés. Et Papa, où est-il ? – Dors, dors ! Le Sommeil Chevauchant le coursier des steppes va venir nous chercher. Où nous emmèrera-t-il ? – Vers le Don des cygnes, Là, tu le sais, où se trouve mon beau cygne blanc. » « Au-delà de quelles mers et de quelles villes Dois-je te chercher, toi l’invisible, toi l’aveugle ? Je m’en remets pour les adieux aux fils télégraphiques Et, appuyée au poteau qui les supporte, je pleure. » « Que dois-je faire de ma démesure Dans un monde où tout n’est que mesure ? » « Le carré d’une lettre. Encre et magie. Pour le sommeil de la mort Personne n’est trop vieux. Le carré d’une lettre. » « Comment ça va la vie avec une autre ? Plus simple, n’est-ce pas ? » La réponse à l’enigma du précédent numéro était : Arkady Gaydamak. N°178 w w w. l e c o u r r i e rd e r u s s i e . r u с 12 по 26 ноября 2010 Михаил Прохоров: «Я не мечтаю» Многие мечтают оказаться на его месте. А ему кажется, что вершина ещё далеко. О сложных подъемах, крутых спусках и простых радостях бытия мы поговорили с Михаилом Прохоровым, самым удачливым российским предпринимателем. D.R. Начало. Продолжение на с. II. Афиша Вера Гауфман О, NET Эрика Лакаскада (Eric Lacascade) Россия. Не пропустите ещё одно уже три раза с 1987 года. Его новый совместно с труппой театра Оскара- музыкальное событие этого года. Если полнометражный мультфильм «Идиоты са Коршуноваса из Литвы. Чехов по- вы до этого обходили Триумфальную и ангелы», где нет ни одного диалога, литовски, во французской сценогра- площадь стороной (мало ли, ОМОН выходит в российский прокат 18 ноя- фии, в сопровождении песни Симона или «Стратегия 31» встанут на пути), то бря. Маэстро должен сам приехать и Гарфанкеля «Прощай, любовь»—зре- ради пианиста Пьера-Лорана Эмара представлять свой шедевр, гениаль- лище явно не для консерваторов и не (Pierre-Laurent Aimard) стоит приехать для слабонервных. на станцию метро «Маяковская». В ния взрослых Бертран Тавернье (Bertrand Gilliam) охарактеризовал фразой «Где «Дядя Ваня» (Антон Чехов), театр Оска- Концертном зале им. П.И. Чайковского Tavernier) снял «Принцессу де Монпан- он берет свою наркоту?». В ожидании В Москве проходит 12-й Международ- раса Коршуноваса / Городской театр пройдут выступления знаменитого сье», которая участвовала в конкурсной российского релиза можно сходить ный фестиваль «Новый Европейский (Вильнюс, Литва), постановка Эрика французского музыканта, который, программе Каннского кинофестиваля. на выставку в галерею «На Солянке»— Театр» (NET-2010). Тема фестива- Лакаскада (Франция) кстати, имел счастье жениться на Видимо, коса Мелани Тьерри (Mélanie выставка «Плимптунс» пройдет с 10 ля—staging abroad. Режиссеров- 26, 27 ноября русской пианистке Ирине Катаевой. Thierry), исполнительницы главной роли по 21 ноября. На ней будут представ- участников забросили в чужую страну Сцена Центра им. Вс. Мейерходьда, 19 ноября Пьер-Лоран Эмар проведет Мари де Монпансье, оказалась недо- лены оригинальные работы автора и предложили поработать с театраль- ул. Новослободская, 23 мастер-класс, 20 ноября выступит с статочно длинной, поэтому никакой на- для короткометражек Your face, How ной труппой, которая не говорит на их http://www.netfest.ru/ Национальным филармоническим грады фильм из Канн не увез. 21 ноября to kiss, The cow who wanted to be a оркестром России под руководством кино можно будет посмотреть в «Ролане» Hamburger, Guide Dog и другие. Владимира Спивакова, а 21 числа в рамках фестиваля «Арт-Мейнстрим». «Плимптунс» состоится его сольный концерт. В Но можно и подождать официального 10—21 ноября австрияки с венграми (у них вообще программе Мессиан, Форе, Равель, российского релиза 9 декабря. Заинте- Галерея «На Солянке» древний союз) и так далее. Пуленк, Дебюсси. ресовавшимся есть смысл перечитать Ул. Солянка, 1/2, стр. 2 (вход с ул. За- Пьер-Лоран Эмар Дюма и приготовиться к кровопролитным белина) но увидеть с 8 по 28 ноября в центре 19—21 ноября столкновениям католиков и протестантов http://solgallery.ru/exhibitions/193 Мейерхольда, театре Наций, театре Концертный зал им. Чайковского, на большом экране. «Практика». В числе постановок, есть Триумфальная площадь, 4/31 «Принцесса де Монпасье», в прокате с родном языке. В результате болгары занимались с немцами, немцы с латвийцами, латвийцы с русскими, Пьер-Лоран Эмар выйдет на Триумфальную Результаты этих экспериментов мож- ность которого Терри Гиллиам (Terry 9 декабря пьесы классиков со стажем (Чехов, Прямиком из Канн Гоголь), а есть произведения авторов и Наверное, все уже привыкли, что В ноябре в российский прокат выходит французы, которые посещают в этом мультфильм «Рапунцель», очередная Идиоты и ангелы на Солянке пожалуй, чеховский «Дядя Ваня» в году Россию, приезжают в рамках забавная диснеевская анимация по Аниматора Билла Плимптона (Bill трактовке французского режиссера перекрестного года Франция— мотивам детской сказки. А для развлече- Plympton) пытались одарить Оскаром помоложе (Вырапаев, Хандке). Особого внимания заслуживает, II Le Courrier de Russie 12 – 26 ноября 2010 Бизнес «Политика меня не интересует. Люди, которые ей занимаются, не вполне свободны» Михаил Прохоров Текст: Жан-Феликс де Ля Виль Боже Перевод: Вера Гауфман www.lecourrierderussie.ru Михаил Прохоров: «Я не мечтаю» Le Courrier de Russie: Вы преуспели в жизни. К чему Вы стремитесь сегодня? М. П.: Я не считаю, что преуспел. Я создал фундамент, чтобы преуспеть в дальнейшем. Мой успех—в будущем. Если бы я считал, что всего достиг, мне было бы пора уходить на пенсию. Раз в семь или восемь лет мне нужно менять сферу деятельности. Я начинал в малом бизнесе, потом я был директором банка, потом генеральным директором корпорации, а сейчас я частный инвестор. Через четыре года я буду заниматься чем-то другим, ещё не знаю чем, пока ещё не загадываю. М. П.: Сама жизнь. Я не делаю ничего, что мне бы не нравилось. Я обожаю преодолевать трудности. Есть такая русская пословица: «Мы сами себе создаем сложности, чтобы потом их героически преодолевать». LCDR: Какого рода сложности Вы имеете в виду? М. П.: Больше всего в бизнесе и в спорте меня привлекает экстрим. Контролируемый экстрим. LCDR: А неконтролируемый? М. П.: Я беру его под контроль. Я приведу пример. Я занимаюсь аквабайком. Раньше, когда волна была больше двух метров, я не мог делать переворот на 360°. Мне посоветовали потренироваться на батуте, и уже через 6 месяцев я делал прыжки при высоте волны 4 и даже 5 метров. Хотя мне тогда уже было больше 40 лет. Экстрим был взят под контроль. LCDR: Вы не чувствуете усталости? М. П.: Нет, не чувствую. Наоборот, мне всё время хочется делать что-то новое. После восьми лет работы в одной области у меня пропадает чувство «голода», наступает насыщение. И сегодня я как никогда полон энергии и готов осваивать новые горизонты. LCDR: Собираетесь ли Вы инвестировать во французскую экономику? М. П.: Да, но для меня важно, чтобы бизнес приносил быстрый результат. Нужно найти самый короткий путь к успеху. Я исповедую теорию абсолютной лени и стараюсь действовать только в тех сферах, где у меня есть конкурентное преимущество. В России я могу найти активы, стоимость которых меньше, чем та, за которую они продавались бы во Франции. LCDR: Есть ли сложности, которые Вас привлекают больше других? М. П.: Нет, для меня это комплекс удовольствий, будь то в спорте или в бизнесе. Между ними есть одно существенное отличие: бизнес—это созидание, а профессиональный спорт—война. Люди выбирают спорт, чтобы не воевать. Они бескомпромиссно бьются на смерть, в то время как бизнес—это всё-таки дело компромисса. LCDR: Каким образом Вы ищете активы? М. П.: Когда мы анализируем актив, мы сначала составляем план с управляющей командой, потом смотрим с российским или иностранным партнёром, равняется ли 1+1 больше двух. Если это так, мы его покупаем. LCDR: Например? М. П.: Сейчас мы делаем совместный проект с французской компанией Dalkia по модернизации российских отопительных систем. На сегодняшний день эти системы у нас находятся в плачевном состоянии. Наше конкурентное преимущество в том, что в своей работе мы соединяем опыт Dalkia International и свое видение российской реальности. Результат будет замечательным, потому что, как я уже сказал, на этом рынке есть, чем заняться. LCDR: Вы занимаетесь поддержкой культурных инициатив. При содействии Вашего фонда в Лионе открывается выставка «Неизвестная Сибирь». Почему именно там? М. П.: У меня особые отношения с Францией. Фонд, который я создал, базируется в Сибири, в Красноярске. Когда мы думали, каким образом отметить перекрестный год России— Франции, мы заметили, что и Красноярск, и Лион расположены в географических центрах своих стран. Конечно, это разные страны. Тем интересней проследить, как будут взаимодействовать их культуры на выставке. Матрёшкой уже все наелись. Мы хотим познакомить Францию с новыми представителями российской культуры: молодыми, современными, талантливыми. LCDR: К культуре у Вас особое отношение? М. П.: Я понимаю роль культуры, в частности, её влияние на развитие общества. Начиная с эпохи Ренессанса все важные общественные трансформации начинались «Война подразумевает разрушение того, за что ты борешься» с культурных изменений, которые влекли за собой экономические. Но мне больше нравится спорт. Считаю, что меценат, который полагает, что разбирается в культуре, может нанести ей большой вред, так как, вместо того, чтобы прислушиваться к мнению экспертов, он будет навязывать свое собственное видение. Я же в этом смысле—идеальный меценат! Так как руководствуюсь холодным рассудком, а не горячим сердцем. «Я понимаю роль культуры, … но мне больше нравится спорт» LCDR: Вы заговорили об эпохе Ренессанса. Вам, конечно, известна история семейства Медичи. В начале их интересовало экономическое могущество. Затем они стремились обрести культурное влияние, потом политическое и наконец религиозное. На каком этапе находитесь Вы? М. П.: Я надеюсь, что останусь на первом этапе. LCDR: Религия, политика Вас не интересуют? М. П.: Я слишком далёк от этого. Политика меня не интересует. Люди, которые ей занимаются, не вполне свободны. В их жизни нет места маленьким удовольствиям, потому что над ними всегда довлеет общественное мнение. Я с уважением отношусь к политикам, но иногда думаю: как можно настолько любить власть? Я слишком ценю качество жизни и радость жить, поэтому я останусь на первом этапе семейства Медичи. LCDR: Расскажите о Вашем отношении к Франции. М. П.: Франция и Россия—это страны, где я провожу больше всего времени. В Москве я работаю, а как только у меня появляется свободное время, уезжаю во Францию отдыхать. У меня есть слабость: я гурман, и французская кухня—моя любимая. Каждый раз для меня это огромное испытание, потому что я слишком много ем и потом мне нужно отрабатывать по 5–8 часов в спортзале! LCDR: Что еще Вам нравится во Франции, кроме еды? М. П.: Атмосфера. Там есть нечто такое, что я не могу объяснить. У меня становится больше энергии. Наверное, это то, что мне как раз и нравится во Франции, мощная энергия. LCDR: Забавно, французы, которые живут в Москве, говорят прямо противоположное… М. П.: Это закон систем. Когда человек постоянно живет в пределах одной системы, он не ощущает энергию, которая в ней заложена. Но при этом он может ощутить энергию чужой системы, если вдруг в ней окажется. «Я обожаю преодолевать трудности» LCDR: Что не оставляет вас равнодушным? LCDR: Баскетболисты забавно бы смотрелись рядом с некоторыми бизнесменами. Для Вас бизнес—это война? М. П.: Мне жаль людей, которые воюют в бизнесе. Им это не доставляет удовольствия. Нужно уметь воевать, но война—это крайняя мера, компромисс—значительно более эффективен. Война подразумевает разрушение того, за что ты борешься. Я это выяснил путем собственных ошибок. Теперь я знаю, что войны нужно избегать любыми способами. «У меня нет кумиров» LCDR: Есть ли люди, которыми Вы восхищаетесь во Франции или в России? М. П.: У меня нет кумиров. Во Франции мне нравится Николя Саркози. Законы, которые он принимает, вызывают во мне уважение. Каждый раз, когда он что-то делает, ему противостоят профсоюзы. У него очень сложная задача. В РСПП я возглавляю комитет по социальным вопросам, и там я иногда чувствую себя в шкуре французского президента. LCDR: Комитет по социальным вопросам? М. П.: Да, мы занимаемся всем, что имеет отношение к социальному аспекту бизнеса, и от этого у меня часто болит голова! LCDR: А какими именно вопросами Вы занимаетесь? М. П.: Мы занимаемся системными законами, которые позволили бы увеличить эффективность нашей экономики. Россия находится между Европой и Азией: в Европе уровень > Культура «Еще ни один политический режим не сверг национальную кухню» Вивиан Шокас > производительности и социальные стандарты высоки. В Азии производительность высокая, а социальная защищенность низкая. В России существуют высокие стандарты социальной защиты, но производительность низкая, и это плохо согласуется с глобальной конкуренцией. Я бы хотел сделать Россию более конкурентоспособной, дать людям возможность много работать, не нарушая трудовой кодекс, и много зарабатывать. Мои предложения непопулярны, но я буду продолжать на них настаивать. Текст: Габриель Леклер Перевод: Инна Дулькина, Вера Гауфман Фото: Галина Кузнецова LCDR: Вы говорили как-то, что не читаете романы, только эссе. Может быть, есть французский писатель, чьё творчество Вам всё-таки близко? М. П.: Да, есть романист, который на меня сильно повлиял: Ги де Мопассан. Во всех смыслах. А вообще мне очень интересны футуристические теории, я их использую, чтобы планировать свое будущее. Мир сейчас развивается очень быстро. Простой пример: у меня есть месторождение меди. Я знаю, что сейчас ведутся эксперименты по созданию нового материала с улучшенными свойствами по сравнению с медью. Я должен всё знать о продвижении этих работ, чтобы продать мое месторождение до того, как этим новым металлом все начнут пользоваться. LCDR: Мне попалась на глаза фотография, на которой молодой сержант Прохоров марширует во главе взвода. О чём он мечтает? М. П.: Я не мечтаю. Я люблю жизнь, мне столько всего нужно успеть, встретиться со множеством интересных людей! У меня нет времени на мечты. LCDR: А ночью? М. П.: Ночью я сплю. ڤ Le Courrier de Russie 12 – 26 ноября 2010 www.lecourrierderussie.ru На вкус Кремля Жером Риго – первый иностранный шеф-повар в Кремле. Уже около трёх лет он готовит блюда, которые отправляются прямиком на стол президенту. «Нужно увеличить продолжительность рабочего дня» LCDR: Расскажите, что Вы предлагаете. М. П.: Я предлагаю упростить процедуру увольнения и уменьшить пособия по безработице: нужно давать меньше денег человеку на руки, и больше вкладывать в его переподготовку. Расходы, вероятно, возрастут, но тогда у нас будет больше подготовленных сотрудников, которые увеличат производительность труда. Вторая мера—позволить людям работать дистанционно. Третья мера—увеличить продолжительность рабочего дня: российский трудовой кодекс запрещает работать больше 8 часов в день, в то время как многие молодые люди хотели бы работать больше, чтобы зарабатывать больше. Надо сделать так, чтобы трудовые договора заключались таким образом, чтобы те, кто хочет больше работать, могли это делать. Четвертая мера — упростить классификацию профессий. В России есть каталог профессий, который включает 7000 категорий, в то время как в развитых странах их число не превышает 700. Представьте расходы, связанные с этими 7000 категориями! Я предлагаю составить новый каталог с привлечением предприятий и организовать обучение новым специальностям. III Ж ером Риго (Jérôme Rigaud) на кремлевской кухне с января 2008 года. Когда интересуешься, как ему это удалось, он скромно отвечает, что оказался в «нужном месте в нужное время». Впрочем, на протяжении его карьеры таких возможностей у него было немало. Жером родился в Абиждане, столице Кот-д’Ивуара, в семье преподавателей. Там же и провел первые 16 лет своей жизни. Когда ему было 19, Жером играл за сборную Перпиньяна по регби. Но случилась неудача: бесстрашный француз разорвал связки колена, и на любимом увлечении пришлось поставить точку. Мечта стать инспектором полиции тоже оказалась невыполнимой. «Это было для меня огромным разочарованием»,—признается Жером. «Разочарование» длилось недолго. Однажды знакомый официант предложил Жерому поработать на новогоднем банкете. Опыт оказался удачным, и в 22 года Жером понял, что у него есть призвание. «Я решил открыть ресторан». Но вначале пришлось поучиться. С наставниками Жерому повезло. Ими оказались повара мишленовских ресторанов Жоэль Робюшон (Joël Robuchon) и Мишель Труагро (Michel Troisgros). Когда пришло время искать работу, он указал в резюме эти две фамилии, поместил в сеть и стал ждать предложений. Из большого их количества понастоящему заинтриговало его только одно: от ресторана «Эльдорадо» из сумрачной снежной Москвы. «Я ничего не слышал об этом ресторане, в интернете тоже ничего о нём не нашёл,—рассказывает Жером.—Но я решил приянять вызов, посмотреть, способен ли я выжить в чужой среде». Оказалось, что да. Через два года работы в Эльдорадо, Жерома переманил к себе Игорь Бухаров, владелец ресторана «Ностальжи». Еще через два года Игорь предложил Жерому помочь ему в организации президентского банкета. Через пять месяцев он был принят на работу на кухню Кремля, где готовят завтраки, обеды и ужины для президента, премьерминистра и патриарха. «Я согласился, потому что сам процесс найма происходил очень плавно. Если бы я заранее знал, сколько мне придётся работать и с какими ограничениями придётся столкнуться, я бы десять раз подумал». Повар под присмотром Ровно пять месяцев понадобилось спецслужбам, чтобы выяснить, кто такой Жером, чем занимаются члены его семьи, близкие друзья и дальние знакомые. Даже сейчас он под наблюдением: «Меня прослушивают 24 часа в сутки,—уверен Жером, — это нормально, что за мной следят, я ведь работаю на президента одной из крупнейших держав мира». Чтобы приготовить обед для президента, Жером удаляется в спецкухню. За ним следуют люди в белых халатах и погонах с двуглавыми орлами. Под их бдительным взором, француз разбивает яйца и месит тесто. Но убедиться в этом мы не смогли, ведь в это помещение нас, разумеется, не пустили. «Самое сложное—это приспособиться к ритму»,—признается Жером. Вот уже три года как у французского повара не было отпуска. Времени хватает только на сон, да и то не всегда. «Мне могут позвонить в 10 часов вечера и сказать, что завтра в другом конце города будет банкет на 200 человек». Зато работу не назовешь рутинной. Для каждого банкета нужно придумывать новое меню. А еще контролировать выбор посуды, продуктов, количество официантов и поваров. Настроения поваров, кстати, за последнее время заметно изменились. В русской кухне стали отчетливо слышаться французские ноты. С приходом Жерома на кремлевских застольях еду стали подавать в семь приёмов, каждому гостю отдельную порцию. Больше не нужно тянуться вилкой к салату в дальнем левом углу, с риском задеть локтем важного соседа. Новый девиз кремлёвской кухни — поражать не количеством, а разнообразием. Благодаря французскому повару, Дмитрий Медведев смог попробовать черную соль, тайваньский чай и французский шоколад Weiss. Под началом Жерома трудятся 30 поваров. Они собственноручно готовят фуа-гра и нередко задерживаются на работе, чтобы перенять у французского повара новые секреты. «Мне повезло. Мои коллеги очень трудолюбивы и никогда не жалуются. Не то что французы!»,—смеётся Жером. Замечают изменения и старейшие работники комбината. Кто-то жалеет, что больше не подают поросячьи тушки и осетров с веточкой петрушки. Кто-то радуется, что на кремлёвскую кухню приплыли дорада и тюрбо. Говорят, президент очень любит рыбу. И ещё поговаривают, что Дмитрий Медведев гораздо требовательней в выборе блюд, чем Владимир Путин. И что питаться он хочет «как в Европе». Новые идеи в политике, новые блюда на столе... Жерому в Кремле очень нравится, но о своей давней мечте он не забыл. «Это последнее место, где я работаю по найму»,—говорит он, лукаво улыбаясь. А потом—собственный ресторан на испанском или австралийском побережье. «Я буду заниматься там тем же, что я делаю сейчас: готовить необычные блюда из обычных продуктов». Но случится это не сегодня и даже не завтра. «Я уйду, когда почувствую скуку. А пока мне скучать не приходится». ڤ IV Le Courrier de Russie 12 – 26 ноября 2010 Экономика «Если вы инвестируете в сектора, которые привлекают государственное руководство не так сильно, как нефть, газ, металлы, то вы можете работать спокойно—там будет достаточная прозрачность, в пределах того, что можно ожидать в такой стране, как Россия ». Текст: Симон Роблен Перевод: Вера Гауфман Евгений Ясин www.lecourrierderussie.ru Евгений Ясин: «Равноправных отношений между государством и бизнесом не существует» Евгений Ясин – один из самых влиятельных экономистов России. Бывший министр экономики, научный руководитель Высшей школы экономики (ГУ-ВШЭ), г-н Ясин был одним из ключевых инициаторов постановки страны на рыночные рельсы. С Le Courrier de Russie: Евгений Григорьевич, можно ли сегодня вообще говорить о рыночной экономике в России? Евгений Ясин: Конечно, рыночная экономика в России уже существует. Но при этом ещё недостаточно выстроена институциональная система, которая способствовала бы её функционированию. Есть проблемы с защитой прав собственности, с равенством условий конкуренции, верховенством права. Работа по совершенствованию законодательства идет, но с большим трудом. Сложности связаны с тем, что в последние 10 лет воздействие государства на экономику существенно усилилось. Государство объясняет своё вмешательство тем, что рынок малоактивен, что предпринимателей интересует только выгода, что они не готовы нести ответственность за последствия своих действий и т.д. LCDR: На Ваш взгляд, в этом причина недостаточной эффективности российских рынков? Е. Я.: Рынок неэффективен именно из-за того, что государственный сектор имеет в нём слишком большой удельный вес. Государственные компании обладают определёнными привилегиями, и государство оправдывает это тем, что на них возложены задачи государственной значимости. Равноправных отношений между государством и бизнесом не существует. В нашей стране ситуация осложняется ещё и тем, что у нас частный сектор испытывает давление со стороны чиновников, которые утверждают, что они действуют от имени государства. Но на самом деле, зачастую речь идет о преследовании корыстных частных интересов. В этих условиях бизнес вынужден ограничивать риски и с осторожностью инвестировать в российскую экономику. Новая программа приватизации призвана решить проблему чрезмерного присутствия государства на рынке. Она должна быть принята к исполнению с 2011 года, в соответствии с пожеланиями её инициаторов. LCDR: А какие институты могут обеспечить успешную реализацию программы приватизации? Е. Я.: Насколько я понимаю, план приватизации, который был объявлен этим летом,— это плод усилий министерства экономического развития. По сути его содержания, могу сказать, что либералы в правительстве делают попытку вернуться к планам создания институциональной системы, соответ- D.R. егодня на повестке дня—новый проект приватизации. В течение пяти лет активы крупнейших государственных предприятий (среди них Транснефть, Роснефть, ВТБ, Сбербанк и др.) должны перейти в частные руки. Евгений Ясин дает свой анализ сложившейся ситуации и делится с Le Courrier de Russie своими размышлениями по поводу новой экономической программы. В России достаточно хороших предпринимателей. Проблема в том, что когда они начинают много зарабатывать, чиновники хотят всё у них отобрать. ствующей рыночной экономике первого послесоветского десятилетия. LCDR: Вы считаете, что речь идёт о возврате к либеральным идеям 90-х годов? Е. Я.: Сегодня, как и в начале 90-х, государству нужны деньги. Когда стало очевидно, что кризис опустошил финансовые резервы страны, было решено, как и тогда, пополнить их за счет частичной приватизации госпредприятий. Но вопрос в том, что сама по себе приватизация имеет смысл только в том случае, если контроль над активами передаётся в частную собственность. Если же контроль бизнеса остаётся в руках государства, то позитивных последствий, кроме притока денег от тех дураков, которые будут покупать акции миноритарных пакетов, не будет. Я говорю «дураки», потому что те, кто купит эти акции, в действительности не смогут оказывать влияния на политику компаний. То, что идея приватизации стоит на повестке дня, это хорошо, но пока я не вижу реальных намерений для её реализации. LCDR: Какие предприятия, на Ваш взгляд, будут приватизированы в первую очередь? Е. Я.: Если задачей приватизации является получение дополнительных финансовых ресурсов, которых не хватает для решения государственных задач, то в первую очередь должны быть приватизированы крупные нефтяные компании «Роснефть», «Газпром» и крупные банки «Сбербанк», «ВТБ» и т.д. Но если государство планирует начать модернизацию российской промышленности, то приватизацию следует распространить и на «Силовые машины» и на производителя авиадвигателей «Пермские моторы». Надо сказать, что попытки приватизировать эти компании уже предпринимались: в первом случае сделка с Siemens почти состоялась в 2006-2007 годах, а во втором случае в 1990-е переговоры шли с United Technologies. Но сделки в обоих случаях были сорваны. LCDR: Известно ли, как будут проходить тендеры? Россия может гарантировать прозрачность процедур для иностранных инвесторов? Е. Я.: В тех областях, куда будут допускаться иностранные инвесторы, к моменту начала соответствующих процедур теневые вопросы уже будут решены и их решения уже будут заложены в условия тендера. Дальше уже можно рассчитывать на определённую прозрачность. Впрочем, если вы инвестируете в сектора, которые привлекают государственное руководство не так сильно, как нефть, газ, металлы, то вы можете работать спокойно—там будет достаточная прозрачность, в пределах того, что можно ожидать в такой стране, как Россия. LCDR: И тем не менее, отличается ли нынешняя ситуация в России от ситуации в 90-е годы? Могут ли результаты перераспределения активов на этот раз быть более предсказуемыми? Ведь когда Гайдар осуществлял свою программу, он думал, что необходимо начать с создания класса собственников средств производства и что создание институтов, гарантирующих непреходящий характер предприятий, будет ответом на потребность и давление со стороны частников... Е. Я.: Во времена Гайдара ситуация была другая и логика развития событий тоже. Тогда нужно было проводить приватизацию в стране, где никакого частного капитала и в помине не было. Правительство хорошо понимало, как важно найти поддержку среди индивидуальных предпринимателей. А весь бизнес в то время—это были, в основном, мелкие торговцы и банкиры, которые только вчера начали дело. Поэтому первый этап приватизации заключался в том, что государство выпустило ваучеры и стало раздавать активы. Затем у правительства возникла необходимость продавать госсобственность по более высокой цене: государство нуждалось в деньгах, чтобы закрыть «дыру» в бюджете. Поэтому была проведена денежная приватизация. Кстати, она могла бы оказаться очень успешной, если бы было принято решение продавать активы иностранцам. Но иностранцам правительство продавать не решилось: у них было достаточно средств, чтобы купить всё в этой стране и взять под свой контроль экономическую политику России. Кроме того, заинтересованные иностранцы тогда были сомнительными. Это было просто опасно. Поэтому правительство решило, что лучше продавать дёшево, но своим. LCDR: А как Вы оцениваете сегодняшнюю ситуацию? Е. Я.: Сейчас положение дел совершенно иное. Половина активов находится в руках государства. Что касается другой половины, то среди тех, кто получил госкомпании в собственность, большинство стали эффективными управленцами. Кто может сказать, что Потанин плохо управляет «Норильским Никелем»? Ходорковский был очень эффективным менеджером «Юкоса», и Швидлер, представитель Абрамовича, был отличным менеджером компании «Сибнефть»—но эти компании снова национализировали, можно даже сказать, экспроприировали. Назвать то, что произошло с «Юкосом», «национализацией» нельзя,—просто отобрали и всё. Да ещё хотят осудить на второй срок, как будто лично Ходорковский украл всю нефть. Позор! В России достаточно хороших предпринимателей. Проблема в том, что, когда они начинают много зарабатывать, чиновники хотят всё у них отобрать. Как приватизировать и кому продавать в этих условиях? Если у российских бизнесменов есть деньги, то можно им продавать. Но сегодня уже нестрашно продавать и иностранцам. Просто должны быть ясные правила. Если вы не хотите пускать иностранцев в какую-то определенную отрасль, просто сделайте закрытый конкурс, в котором будут участвовать только русские. Но надо понимать, что и цена тогда упадёт… А если вы все-таки хотите совершить чудо в какой-нибудь отрасли, то путь один: нужно дать иностранцам возможность инвестировать. ڤ
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