Sans-abris: la saison a commencé page 15
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* N°201 Du 25 novembre au 6 décembre 2011 с w w w. l e c o u r r i e rd e r u s s i e . c o m п р и л о ж е н и е м Elizabeth Glinka : Médecin des rues pages 3-4 н а р у с с к о м OMC : Entrée libre pages 6-7 я з ы к е : с т р . Bimensuel e e en langue a gue française a ça se 0 9 – 1 1 Beaujolais canaille page 17 , Dans ce numéro e retrouvez notr supplément : lanter Comment s’imp en Russie ? Sans-abris: la saison a commencé Alba, Clochard * Evropa Plious est la radio commerciale privée N°1 sur le territoire de la Russie. Elle émet depuis le 28 avril 1990 (licence radio obtenue le 9 avril 1992). www.mazars.ru 15 ans en Russie page 15 SUIVEZ L’ACTUALITÉ EN RUSSIE CHAQUE JOUR SUR lecourrierderussie.com MERCURE Arbat Moscow Ouverture Février 2012 Nouvel hôtel de charme dans le centre historique de Moscou 121099, Moscow, Smolenskaya Square, 6 Tel. +7 495 225 00 25 Fax + 7 495 225 00 83 e-mail: [email protected] www.mercure.com www.accorhotels.com 02 Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 Éditorial On ne fait pas de gros noeud avec de la petite ficelle. Dicton normand Texte : Jean-Luc Pipon www.lecourrierderussie.com Pipinnides croire qu’on peut s’affranchir d’une nécessaire rectitude de pensée, on devient inintelligible pour les autres. 17 novembre 2011, un jour à marquer d’une pierre blanche ! Je ne suis pas parvenu à distinguer un vrai français de quatre autres mélanges improbables. Que les lecteurs bien-pensants se rassurent, il ne s’agit que de vin et personne ne nie encore qu’il soit rouge, rosé ou blanc. Couleur framboise, goût acidulé et fruité, le Beaujolais Nouveau se boit comme de la grenadine durant six mois. Sans grande complexité aromatique, difficile de différencier le cru 2011 du mélange ayant retenu à tort mes faveurs : un mélange « gamay de Touraine, vin chilien » de l’année précédente. Certains diront : qu’importe pourvu qu’on ait l’ivresse. Pas si sûr ! Si le Beaujolais fleure le vin jeune, il n’en est pas moins le fruit d’un terroir français et du travail d’hommes qui méritent d’être salués. Les maux du corps donnent l'idée de la mort, les peines de l'âme celles de l'éternité. Plus on boit, plus on a soif. Ovide - Les fastes Ce soir-là, au restaurant La Parisienne à Moscou, toute l’assemblée était justement venue déguster ce Beaujolais dont tout le monde en France se moque ou presque. Pas ou peu de Français, mais des Russes, dont une Viktoria déguisée en Dalida, robe longue et chignon façon choucroute, venue fêter ses vingt-trois ans avec dix copines, un ami originaire d’Odessa, un autre, Libanais élevé chez les Maristes de Beyrouth, qui partage son temps depuis vingt ans entre Saint-Germain en Laye et Moscou, une Tadjik bien connue, et bien d’autres encore. Tous ont bu, porté des toasts, dansé sur des chansons françaises. En un mot, les convives ont célébré la France. Et pour une fois, la France était loin de l’image trop souvent présente dans l’esprit des Russes : un pays aux rues sales voire dangereuses, plein de chômeurs, d’étrangers et de bars gays. L’instant d’un dîner, j’ai cru retrouver la Russie d’il y a quinze ans où les gens qui vous regardaient, vous renvoyaient immédiatement leur rêve de pays de cocagne, leur admiration pour Voltaire, Diderot et Alexandre Dumas. Sans parler de Napoléon ou De Gaulle. Aujourd’hui les Russes ne regardent plus les Français avec les mêmes yeux. A qui la faute ? Aux Russes eux-mêmes qui viennent en France et découvrent que la réalité n’est pas celle qu’ils imaginaient. Aux Français eux-mêmes non pas à cause de ce qu’ils sont, mais de l’image qu’ils donnent d’euxmêmes. De belles paroles et des écarts incroyables pour un résultat bien médiocre. Des mots, seulement des mots. Comme ce modèle social sans cesse justifié par des valeurs déjà anciennes et qu’aucun contemporain ne se risque plus à décortiquer pour en comprendre le sens. Les Français sont loin de Montesquieu, Tocqueville ou Jaurès. A tout tordre, à tout justifier envers et contre tout, y compris la logique la plus élémentaire, à Astolphe de Custine D’abord cette forte disparité de mœurs au sein de la société civile et du monde politique. D’un côté, des hommes politiques, écrivains ou philosophes, au comportement très (trop) ouvert, et pas seulement ceux qui fréquentent les grands hôtels à New-York ou à Lille. Nul doute que la publicité de ces comportements débridés, conjuguée à une pornographie omniprésente et des réseaux sociaux incontrôlés, incite les plus jeunes à imaginer pouvoir consommer du sexe comme on fait le plein de son scooter, parfois en jetant le bidon après usage. De l’autre côté, les adeptes du paradis perdu, de gauche ou de droite : « le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple » sinon « Dieu, la Patrie, le Roi». Mais qu’ils soient contemplatifs d’extrême-droite ou idéologues d’extrême-gauche, reste à savoir ce qu’ils entendent par peuple. Le sentiment d’identité nationale est une contrevérité philosophique. Mise à toutes les sauces depuis 1789 : sous Napoléon, durant la première guerre mondiale, la deuxième guerre mondiale sous Pétain ou avec De Gaulle, l’identité nationale n’engage que ceux qui s’y laissent prendre. Seule, l’unité nationale considérée comme acte politique a un sens. En outre, les nations doivent faire face à un nouveau défi : un monde globalement plus large et plus interactif qu’elles-mêmes. Les hommes s’unissent et se rassemblent en fonction de centres d’intérêt, de modes de vie, de moyens de communication, indépendamment de leurs nationalités. Ce n’est un problème que pour les hommes politiques qui doivent désormais considérer des questions globales qu’ils ne contrôleront jamais que partiellement. Ce n’est qu’une mise à l’épreuve supplémentaire de l’action politique, mais d’autant plus difficile qu’elle est généralement comparative. Comment ne pas voir que la promesse d’un paradis terrestre envers et contre tous est une parfaite utopie ? Mais rien n’y fait. Les socialistes affichés, contestataires façon « rose rouge à la main », croient toujours qu’ils peuvent promettre la lune. Qu’ils consultent les Russes pour savoir combien coûtent les rêves. Aujourd’hui encore, malgré beaucoup de pragmatisme et de prudence, les Russes apprennent ce que signifie faire face aux difficultés. Savoir encaisser encore et toujours, comme avec les récents problèmes de lanceurs Soyouz ou la perte prématurée de la sonde Phobos Grunt. A tout seigneur, tout honneur. Il n’y a plus qu’eux pour ravitailler l’ISS. Si les étoiles coûtent si cher, peut-être vaut-il mieux suivre M. Mélenchon, l’ancien trotskiste, lambertiste, socialiste, etc..., qui, d’une voix sucrée, qualifie François Hollande de capitaine de pédalo ? Prudence. Il y a plus de cinq ans deux journalistes préféraient comparer M. Hollande à un culbuto et il se pourrait bien que celui-ci se rétablisse avant que M. Mélenchon n’émerge lui-même de son nouveau courant. Il y a aussi les « EELV » encore plus rapides à se diviser qu’une éolienne à détruire un paysage. Adeptes des terroirs et des coutumes locales, des produits bio (y compris le carburant dont le premier effet est de détruire la forêt partout dans le monde), du développement durable (comprenez non-rentable), ils veulent faire table rase de l’énergie nucléaire, l’EPR, le MOX, des nitrates et autres engrais. Comment ? Nul ne sait vraiment, sinon par une évidente « OGMisation » de la société : tous pareils, taxés, vaccinés, calibrés et labellisés, aidés et probablement bientôt tous frigorifiés. Il y a enfin ceux qui nous gouvernent et qui taxent les sodas, augmentent le prix du tabac et de l’express du matin. Rien de mirobolant. Il faut dire qu’ils n’ont pas le temps, trop occupés à gérer la crise et la paix du monde. Qu’ils disent et fassent ce qu’ils veulent, la France et l’Europe sont en pleines Pipinnides. Pareils aux Mérovingiens d’autrefois, les gouvernants tombent du fait de l’absence de réel pouvoir. Impossible de dilapider plus avant les ressources des Etats pour s’attirer la fidélité des peuples. De nouveaux maires du palais risquent de prendre la place tôt ou tard. A moins qu’ils ne parviennent à changer le modèle, mais sur quelles bases ? Je ne comprends décidément pas pourquoi il est plus glorieux de bombarder de projectiles une ville assiégée que d'assassiner quelqu'un à coups de hache. Fiodor Dostoïevski La culture française, c’est tout le contraire de quelques idées nouvelles. La culture française, c’est avant tout des principes universels, tels que les droits de l’homme. Contemplant son verre de Beaujolais et s’adressant au Français, le Russe songera admiratif au principe de liberté des peuples à disposer d’euxmêmes. Mais là surprise, le Français lui annoncera qu’il a un train de retard depuis que BHL est sorti de sa boîte et part en guerre où bon lui semble. En Lybie, en Syrie. BHL, prétendu défenseur de la dignité de l’homme pour lequel l’art de la philosophie ne vaut que s’il est un art de la guerre. De là à combattre tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Le droit d’ingérence : la belle affaire. Il ne s’agit bien souvent que de belligérence. Que la France fasse preuve de retenue car c’est toute sa culture qu’elle fait aujourd’hui vaciller. Demain, les Chinois auront beau jeu de bombarder la France ou l’Allemagne quand, comme à Madrid ou Barcelone, des indignés occuperont toutes les places de Paris ou de Berlin. Alors, la France ? Tout un symbole, rien qu’un symbole ? La Chine, l’Inde, les BRICS peuvent toujours s’éveiller, ce qui compte pour l’Europe, c’est d’abord de trouver ou retrouver ses valeurs. Tranches de mort Franck Vinchon vit à Moscou depuis 5 ans et travaille comme directeur stratégique au sein du Groupe BBDO. Il a travaillé dans plusieurs pays en Europe, dans de grandes agences internationales, et a participé à des projets ayant reçus de nombreux prix publicitaires. Sa carrière l’a emmené en Russie en 2006. Cette rencontre avec le pays aura tout changé. Revue d’inventaire rapide. Il occupe la plus grande partie de son temps libre à développer des projets artistiques. Observant une difficulté des Russes à s’enthousiasmer sur des projets de création alternatifs, il lance le magazine gratuit unleash. pdf qui met en avant des projets puisés dans toutes les sphères artistiques internationales et locales. Frustré par le manque de moyens donnés aux jeunes en Et Franck a toujours été intéressé par les grands sujets de ce monde mais son style décalé et la création d’un imaginaire surprenant fait de ses projets, des expériences inédites. ‘Tranches de Mort’, son premier livre, est un contre-pied aux idées reçues et emprunte Russie, il crée le collectif beaucoup à l’absurde Ipeka, pour aider des d’auteurs russes comme artistes russes sans réelle Sorokine ou Pelevine. visibilité, les mettant Mourir devient alors en relation ou en leur toute une histoire. Tous donnant accès à des les personnages permetpersonnes confirmées. tent de pointer du doigt Franck a aussi écrit et des dérives de notre participé à de nombreux société mais aussi de courts-métrages, dont un mettre en scène un uniest en préparation avec vers des plus cyniques, une jeune maison de décalés, divertissants et production moscovite, il bourrés de références a développé des projets pop. Un reflet imaginaire artistiques avec le MOMA et distancié qui a été et d’autres galeries de influencé par une Russie Moscou. Il est un peu en pleine crise d’adolesdifficile à suivre…c’est cence. l’énergie d’un pays en Livre disponible sur Amazon pleine mutation qui le et toutes les librairies en pousse toujours plus loin. France. Rédactrice en chef Inna Doulkina [email protected] Rédacteurs Jean-Didier Revoin, Maria Gorkovskaya, Vera Gaufman Correctrice de la version française Julia Breen Rédactrice de la version russe Ekaterina Litvintseva [email protected] Rédactrice en chef du site Internet Nina Fasciaux [email protected] Webmaster Marc Dobler [email protected] Directrice artistique Galina Kouznetsova N’hésitez pas à contacter la rédaction Email : [email protected] Tél. (495) 691 83 18 Contacts pour la publicité Tél. 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Tirage 22 000 exemplaires Commande N° 4335 Donné à imprimer le 23 novembre 2011 Éminence La misère d’un enfant intéresse une mère, la misère d’un jeune homme intéresse une jeune fille, la misère d’un vieillard n’intéresse personne Victor Hugo, Les Misérables Propos recueillis par Jean-Félix de La Ville Baugé Photo : Galina Kouznetsova 03 Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Elizabeth Glinka « Les Russes ne sont pas plus cruels que les Américains » Le docteur Elizabeth Glinka, après avoir été médecin aux États-Unis et en Ukraine, est revenue vivre à Moscou où elle a fondé l’association Secours Juste qui vient en aide aux sansabris et aux malades démunis. Le Courrier de Russie : Parlez-nous de votre enfance. Elisabeth Glinka : J’ai grandi dans une famille soviétique normale, ma mère était médecin et mon père était militaire. J’ai fait la faculté de médecine de Moscou. LCDR : Et après ? E.G : Je me suis mariée et suis partie vivre aux États-Unis pour suivre mon mari. J’y ai fini mes études. Il y a cinq ans, je suis revenue en Russie. LCDR : Pour quelles raisons ? E.G : Pour des raisons personnelles. [Dans d’autres media russes, Elizabeth Glinka a déclaré qu’elle était revenue pour s’occuper de sa mère âgée et malade et que, découvrant les lacunes du système médical russe, elle avait décidé de créer son organisation, ndlr.] LCDR : Pourquoi alors avoir créé votre association Secours Juste ? E.G : J’ai toujours aimé porter secours là où il n’est pas porté. LCDR : Mais pourquoi particulièrement les sans-abris ? E.G : Il n’y a pas d’autres domaines où le niveau d’aide est aussi faible. Il y a deux niches, les mourants et les sans-abris. LCDR : Comment vous êtes-vous organisés au début ? E.G : Ma toute première organisation était en Ukraine, nous avons créé là-bas le pre- mier hospice gratuit, de vingt-cinq places, pour donner aux cancéreux des soins palliatifs. Le gouvernement nous a donné une salle, un téléphone et cent dossiers de malades. pour ce qui ressort des soins palliatifs, quantité de malades qui augmente, capacités d’accueil limitées, bas salaires dans le domaine hospitalier. LCDR : Vous avez fait ça pendant longtemps ? E.G : Dix, onze ans, avant de rentrer en Russie. LCDR : L’État vous aide-t-il dans le financement de votre association ? E.G : Non. Je ne reçois aucune subvention. Je ne travaille que grâce à des dons privés. « Les systèmes médicaux russe et ukrainien souffrent des mêmes lacunes » LCDR : Voyez-vous des différences entre le système médical ukrainien et le système russe ? E.G : Aucune. Ce sont toujours les mêmes problèmes : contraintes financières surtout • Accounting • HR records administration • Taxation • Internal audit Services Juridiques • Tax disputes T&T Services, LLC Full-service tax and accounting firm LCDR : Et c’est assez ? E.G : Non ce n’est pas assez, je n’aide pas tout le monde et les malades sont de plus en plus nombreux. RT Group est un cabinet d’avocats d’affaires • Payroll • Financial and tax DDIs « Les malades sont de plus en plus nombreux » Tel + 7 495 506 58 59 [email protected] Tel +7 495 507 02 94 [email protected] www.ttservices.ru www.r-tgroup.ru • Droit des affaires • Contrats • Droit du travail • Montage des structures juridiques adaptées en Russie (filiales, succursales, bureaux de représentation) • Contentieux • Antitrust • Due diligence investigations • Propriété intellectuelle RT Group est one stop-shop pour vos affaires en Russie 04 Éminence Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Propos recueillis par Jean-Félix de La Ville Baugé Elizabeth Glinka « Les Russes ne sont pas plus cruels que les Américains » LCDR : Pourquoi ? E.G : Parce que notre fondation devient de plus en plus connue et de plus en plus de gens s’adressent à nous. Pour les fêtes de fin d’année, offrez une vision différente de la Russie LCDR : Comment s’organise votre vie ? Parvenezvous à avoir une vie privée ? E.G : En hiver, mon travail m’occupe complètement mais en été, il y a moins de malades et moins de SDF, ils sont au chaud et peuvent trouver de la nourriture, j’ai alors plus de temps pour mes propres enfants. LCDR : Et le gouvernement dans tout ça ? E.G : Mon initiative ne s’appuie sur aucun projet général en la matière, même s’il y avait vingt-cinq organisations comme la mienne, ça ne changerait rien et la dernière loi sur la santé ne me donne aucun espoir sur le développement de la médecine d’État. « La nouvelle loi sur la santé m’inquiète » LCDR : Pourquoi ? E.G : Elle ne garantit rien aux infirmes, certains services deviennent payants et les gens devront finalement payer pour tout. Cette loi s’applique à compter du 1er décembre prochain et à partir de cette date, il y aura encore plus de gens qui ne pourront pas s’offrir de soins. LCDR : Quels services deviennent payants ? E.G : En fait la loi est floue et dit que certains standards minimums doivent être respectés mais ils ne sont pas détaillés... LCDR : Etes-vous aidée par d’autres organisations ? E.G : Non. LCDR : Vous connaissez le Samu Social ? E.G : On se croise dans les gares. LCDR : Quels sont les domaines d’activité de votre organisation ? E.G : Elle s’adresse aux mourants, aux infirmes démunis, aux condamnés par une longue maladie et aux SDF. « En Russies » livre de photographies de James Hill commentées en français, russe et anglais LCDR : Comment traitez-vous particulièrement les mourants démunis ? E.G : Nous allons les voir chez eux et nous leur procurons des soins médicaux. Nous en avons huit mais le mois dernier, quatre sont morts. LCDR : Et les patients démunis et condamnés ? E.G : Nous avons cinquante-sept familles à qui nous apportons une aide surtout alimentaire. LCDR : Et les SDF ? E.G : Cent par jour. LCDR : Pourquoi faire ce que vous faites ? E.G : Je ne sais pas. J’aime bien mon travail. « Je suis une nounou et une surveillante » LCDR : Le sentiment de faire ce que vous devez faire ? E.G : Non. J’aimerais travailler comme médecin comme je l’ai fait auparavant. Ici je suis une nounou, une surveillante. Commandez En Russies par téléphone +7 (495) 690 04 26 sur notre site www.lecourrierderussie.com/boutique/ ou par e-mail [email protected] LCDR : Comment décririez-vous l’attitude de la population envers les mourants et les infirmes ? E.G : L’attitude envers les mourants et les infirmes change très lentement, en Russie, ils sont toujours considérés comme des débris de la société. On en parle beaucoup avant chaque élection mais rien ne change, il n’y a toujours pas de rampes pour handicapés devant les pharmacies, les magasins, les musées... et dans les régions, c’est encore pire, il y a des centaines d’infirmes qui ne sortent pas de chez eux. Vous savez, je ne crois pas que les gens soient plus cruels en Russie qu’aux États-Unis, la différence est qu’ici le gouvernement ne veut pas dépenser plus et préfère mettre tous les gens qui le dérangent dans un coin sombre pour ne pas les voir. LCDR : Quelle relation avez-vous avec tous ces gens que vous aidez ? E.G : En fait, comme me l’a dit une fois un collègue aux États-Unis, ce sont nos amis, c’est ainsi que je les reçois et ainsi que je tente de les traiter. LCDR : Votre organisation a-t-elle des objectifs chiffrés ? E.G : Je n’ai pas de projet et vis au jour le jour comme mes patients. LCDR : Quel est votre sentiment sur la Russie d’aujourd’hui ? E.G : Je ne fais pas de commentaires politiques. Je note trois points négatifs : l’augmentation du nombre de SDF, de gens démunis et la situation catastrophique dans les régions. Et trois points positifs : les gens qui me proposent leur aide sont plus nombreux qu’au début, d’autres essayent de faire comme moi dans les régions et tout le monde espère. LCDR : Comment expliquez-vous cette augmentation du nombre de SDF et de gens démunis ? E.G : Il y a deux grandes catégories de SDF : les gens sortis de prison et d’orphelinat. La charnière est le moment où une personne perd son appartement, à partir de ce moment-là, il ne sait plus où revenir, il se retrouve dans la rue et disparaît. En fait, le problème principal est le chômage, le chômage oblige les gens à aller dans la rue. Il y a d’ailleurs moins de femmes et plus d’hommes dans les rues. LCDR : Pourquoi ? E.G : Les femmes périssent plus que les hommes dans la rue et ont de plus grandes capacités de survivre sans y aller, en lavant les escaliers par exemple, les hommes, quand ils perdent leur travail, sombrent dans la drogue, l’alcool et forcément la mort. LCDR : Y-a-t-il des SDF qui retournent à la vie normale ? E.G. : Sur dix SDF, un seul va s’en sortir et seulement si on lui offre une chance. Nous essayons toujours de trouver leurs familles et de les renvoyer chez eux. Ils vous disent tous qu’ils veulent en finir avec leur vie dans la rue mais tous n’ont pas les moyens de le faire. LCDR : Quel type de relation entretenez-vous avec la Russie ? E.G : Evidemment, à l’étranger, je me sentais aussi russe et je me sens mieux ici. « La Russie évoque pour moi l’amour » LCDR : Quelle image la Russie évoque-t-elle pour vous ? E.G : L’amour, c’est quelque chose que je vois et c’est quelque chose qui me semble pouvoir la résumer. LCDR : Vous avez des rêves ? E.G : Mon rêve est d’avoir une maison à part pour recevoir les gens et les nourrir. En fait, nous louons nos locaux à la ville. Vous voyez comme c’est petit et mal chauffé ici. LCDR : Des regrets ? E.G : Non. LCDR : Et la religion dans tout ça ? E.G : C’est une question compliquée, je suis orthodoxe et si mon organisation est laïque, la religion existe dans ma vie privée. LCDR : Avez-vous des demandes à formuler à des gens qui voudraient vous aider ? E.G : Je ne veux rien demander. S’ils veulent m’aider ils n’ont qu’à trouver notre adresse et venir. Retrouvez notre interview du fondateur du Samu Social International Xavier Emmanuelli « Je ne suis qu’un petit corse sentimental » sur lecourrierderussie.com À la une Le spectacle du monde ressemble à celui des Jeux Olympiques: les uns y tiennent boutique; d’autres paient de leur personne; d’autres se contentent de regarder. Pythagore, extraits des Fragments Texte : Dmitriy Maïorov, Viktor Dyatlikovitch, Russkiy reporter Traduit par Julia Breen 05 Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Les deux vies de Sotchi À quel point le projet architectural olympique de la ville est-il un succès ? Le fait que le Sotchi habituel cesserait définitivement d’exister est devenu évident au moment précis où la Russie a remporté le concours pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2014. Aujourd’hui, non seulement la ville mais également toute la région ont des airs de chantier géant. Et l’on peut déjà deviner à quel point le projet Sotchi se révèlera efficace. Le « nouveau Sotchi » sera-t-il confortable et agréable à vivre, ou bien se crée-t-il exclusivement pour les athlètes et les invités des Jeux Olympiques ? « Le sens de n'importe quel projet d'urbanisme réside dans l’amélioration, en définitive, de la vie des citadins. Quand je regarde Sotchi, je ne peux pas dire si oui ou non la vie des gens sera meilleure ici », déclare Eleonora Chevtchenko, directrice adjointe de l'Institut scientifique de théorie de l'architecture et de l'urbanisme. Les exemples de villes que l'on a transformées en vue des Jeux Olympiques (JO) et où l'on ne sait plus que faire de l’héritage olympique ne manquent pas. À Athènes, qui a accueilli les JO en 2004, la vie ne bat – et faiblement du reste – que dans six des 22 sites olympiques. Cet exemple ne risque-t-il pas de se répéter à Sotchi ? Succès « Des JO sans embouteillages ! Je le promets », annonçait Vladimir Poutine en 2007 lors de la conférence de présentation de « Sotchi 2014 » au Guatemala. Les habitants de Sotchi assurent que leurs embouteillages concurrencent ceux de Moscou. La cause en est la dépendance de la ville à une route unique longeant la berge de la Mer noire. La tentative de résoudre le problème du transport par le recours à des routes de contournement constitue peut-être la tâche la plus ambitieuse du projet olympique. La première d’entre elles est parallèle à la voie automobile reliant Adler à Krasnaïa Polyana. Avec la ligne de chemin de fer, elle nécessite un budget de 200 milliards de roubles. La deuxième route qui soulagera l’avenue Kourortny de Sotchi, doit traverser la ville de part en part. Elle doit compter neuf tunnels et 13 estacades, coûtera 100 milliards supplémentaures au budget fédéral. Les doublons jouent leur rôle. Ce fait est reconnu même par les adversaires les plus enragés de leur tracé. Ces derniers ne peuvent que contester leur coût : le jeu en vautil la chandelle ? Dans le cas du doublon de l’avenue Kourortny par exemple, des sommes énormes sont dépensées pour percer la route à travers des zones urbaines densément construites. Les uns sont relogés, les autres devront vivre près de l’autoroute. « Parmi les infrastructures non sportives, j’isolerais sans doute la multigare de cinq étages à Adler, déclare le directeur de la Société nationale d’urbanisme, Aleksandr Krivov. L’intérêt, là, réside dans la réunion, sur un ensemble unique, des terminaux maritimes et terrestres. » Dans la conception de ses promoteurs, ce complexe de 30 000 mètres carrés deviendra le plus gros nœud de croisement de la région, réunissant tous les types de transport de passagers : chemin de fer, transport automobile et transport maritime. Et des trains express le relieront à l’aéroport international de Sotchi. La multigare, semble-t-il, est une entreprise tout à fait valable. C’est une construction qui n’est ni strictement sportive ni purement commerciale : elle continuera de fonctionner aussi après les JO, attirant les touristes, aidant les citadins. La deuxième composante essentielle du projet Sotchi, ce sont les équipements sportifs, à proprement dit et la question se complique avec le cluster sportif principal, qui s’étend dans le Parc olympique sur la vallée Imeretin. Ce sont les Grande et Petite pistes de glace, le centre de patinage et la piste de curling, le Stade olympique central. Se demander à quoi ils pourront bien être employés après les JO tient du casse-tête. Les Chinois, de leur côté, ont par exemple fait du stade olympique « Nid d’oiseau » un centre commercial et de loisirs : il n’est utilisé qu’à de très rares occasions dans sa vocation première. Pour l'heure, la construction a apporté aux habitants de Sotchi des avantages quotidiens évidents. « Ça va un tout petit mieux avec l'eau et l'électricité. Ils les coupent moins souvent », admet la rédactrice en chef de la revue Architecture de Sotchi, Natalia Zakharova. Les anciens circuits de canalisation d'eau ont commencé d'être rénovés et un nouveau système de canalisations est promis pour 2014. En outre, on construit des stations d'épuration et des collecteurs d'eau : et personne ne pourra plus surnommer Sotchi la « ville sans canalisations ». Déboires La question la plus douloureuse quant à l'entreprise de construction est la suivante : pourquoi un Parc olympique dans la réserve de la vallée Imeretin, que le gouvernement de Nikolaï II considérait déjà, en 1911, comme une zone naturelle spécialement protégée ? « Je ne sais pas pourquoi ils ont choisi cet espace en particulier et je ne considère pas que ce soit la meilleure des décisions, juge Edouard Tovmassian, directeur de la planification urbaine pour le développement du territoire au sein de l’Institut central de recherches en urbanisme près de l’Académie russe d’architecture et des sciences de la construction. Si on n’a rien construit là pendant des siècles, considérant le lieu comme une réserve naturelle, il doit bien y avoir une raison, bon sang ! » Les militants de la « Loge pour le Caucase Nord » sont d’humeur encore plus sombre. À côté de l’aspect strictement écologique, ils attirent l’attention sur le fait que la vallée Imeretin n’est, au fond, qu’un vaste marais. Ce qui donne toutes les raisons de douter de la viabilité de stades construits sur un tel sol. « Toute entreprise d'une envergure semblable à celle de la préparation des JO se trouve nécessairement des ennemis. C'est un élement qu'il faut absolument prendre en compte quand on se trouve face à de telles accusations, répond Aleksandr Krivov. Et, plus largement, toute construction d’envergure implique des conséquences négatives sur l’écologie. Il faut certes les réduire, mais leur existence est inévitable ; c’est une chose qu’il faut accepter. » Les ingénieurs de l’université de Moscou du bâtiment (MGSU) ont ajouté, le mois dernier, de l’huile sur le feu en déclarant que le coefficient de réduction – qui détermine le maintien d’un édifice en cas de tremblement de terre – a été mal calculé lors de la construction des tours dans la capitale des futurs JO. Il a été, à des fins d’économie, surélevé. C’est-à-dire que le doute plane sur la solidité des constructions non seulement dans la vallée Imeretin, mais également en pleine ville ; les constructions faites pour résister à un tremblement de terre de force 9 pourraient déjà s’effondrer avec une force 6-7. En réponse, l’architecte en chef de Sotchi, Oleg Cheveïko, a qualifié ces déclarations de « bêtises de gens éloignés de la réalité ». Mais c’est, visiblement, plutôt de l’ordre du détail. Autrement significatif est le grief des spécialistes et des habitants de Sotchi à l’égard des constructions olympiques sur le fait que la conception de ces dernières n’a pas été coordonnée avec la planification générale du développement de la ville. « Les sites qui se bâtissent en vue des JO sont construits selon une ligne commune, ils sont reliés et forment un système plus ou moins harmonieux, mais qui n’a, avec le développement global de la ville, qu’un rapport minimal, déplore Natalia Zakharova. Sotchi vit aujourd’hui dans deux réalités parallèles. D’un coté, c’est vrai, on assiste à la réalisation de toute une série de projets intéressants mais coûteux. Et de l’autre, les habitants se retrouvent souvent exclus de la rénovation de la ville. On érige en masse des sites commerciaux, de nouveaux hôtels, des centres de loisirs, mais du côté des immeubles municipaux, on repeint simplement les façades. » « Je suis stupéfait par le caractère fermé de ce chantier du siècle, déclare Youri Ko- riakine, membre de la Société des experts de l'Union russe des architectes. Les concours se sont déroulés de façon purement formelle. On ressent l'isolement autant des citoyens que de la communauté professionnelle. » Ce fossé entre la construction olympique et la vie de la ville est aggravé par le fait que les habitants de Sotchi ne travaillent pratiquement pas sur les chantiers. « Ce n’est pas parce qu’ils ne le veulent pas qu’ils n’y travaillent pas, mais parce qu’il n’y a pas de place. Les ouvriers, les ingénieurs, les managers… sont tous amenés par les entrepreneurs », insiste Natalia Zakharova. Pourtant, sur le papier, le chantier devait donner une impulsion au développement de Sotchi précisément en attirant les locaux : en qualité de constructeurs, chefs de chantier, fournisseurs. Mais les PME de Krasnodar n’ont pas été invitées à la distribution des parts du gâteau olympique. Lecture comparée Le projet Sotchi ne pourra éviter la comparaison avec d'autres villes ayant accueilli les JO. Évidemment, si on se limite aux seules capitales des Jeux d'hiver, Sotchi éclipse toutes les autres par l'ampleur de ses ambitions et de ses dépenses. Vu le volume de financement de ses ambitions, Sotchi 2014 doit plutôt être comparée aux villes ayant accueilli les JO d'été. En matière de dépenses pour les infrastructures de transport, par exemple, Sotchi et Londres sont à égalité : la capitale britannique a investi 6,5 milliards de livres dans de nouvelles routes et bifurcations, soit à peu près l'équivalent des investissements russes dans les routes de contournement. Pourtant, le caractère des tâches qui se dressaient face aux autorités à Sotchi et à Londres était différent. En effet, les JO 2012 ont transfiguré seulement la partie orientale de la ville : un secteur au passé récent dépressif et criminel, une zone industrielle abandonnée entourée de quartiers pauvres. Le projet de Sotchi, quant à lui, vise à donner une impulsion au développement non d’une partie de la ville, mais de toute la région. Il reste à espérer que le potentiel économique, constructeur et technologique mobilisé par le projet « JO-2014 » sera réalisé aussi dans l’intérêt des simples habitants. Car, dans le cas contraire, Sotchi risque de devenir précisément cette « ville des contrastes » où hôtels chics et routes grandioses côtoieront une vie de tous les jours parallèle – et pas olympique pour un sou. 06 Secteur Le commerce unit les hommes, tout ce qui les unit les coalise, le commerce est donc essentiellement nuisible à l’autorité. Napoléon Bonaparte Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Propos recueillis par Jean-Didier Revoin L’adhésion à l’OMC relance la Russie sur la scène internationale Ça y est presque. Après 18 années de négociations – et à moins d’une grosse surprise –, la Russie intègrera l’OMC (Organisation mondiale du commerce) dans le courant de l’année prochaine. Figurant parmi les principaux exportateurs de matières premières, la Russie a-t-elle vraiment besoin de rejoindre l’organisme international de régulation des échanges commerciaux ? Et quelle influence cette adhésion aura-t-elle sur son économie ? Deux chercheurs de la Haute école d’économie de Moscou, Alexeï Portanskiï et Maxim Braterskiï, répondent aux questions du Courrier de Russie. L’OMC en bref Le Courrier de Russie : L’adhésion à l’OMC estelle une bonne chose pour la Russie ? L’OMC, ou Organisation mondiale du commerce, siège en Suisse, à Genève, et a pour vocation de fixer les règles auxquelles doivent obéir les échanges commerciaux entre ses États membres. Succinctement, ces règles se basent sur deux grands principes. Le premier est celui de non-discrimination entre les États membres : les normes (sanitaires, techniques, etc...) autorisant un pays membre de l’organisation à exporter dans un autre pays membre doivent être les mêmes pour l’ensemble des pays adhérents. Deuxièmement, les pays membres ne peuvent percevoir, lors de l’entrée de marchandises étrangères sur leur territoire, de droits de douane supérieurs à ceux fixés par l’OMC. Il existe cependant des dérogations – pour certains pays, secteurs économiques ou types de marchandises – dont la durée peut aller jusqu’à plusieurs années. Maxim Braterskiï (MB) : Avant de se demander si c’est ou non une bonne chose, il faut se pencher sur les raisons qui ont poussé la Russie à vouloir y adhérer. Juste après l’effondrement de l’Union soviétique, les exportations du pays étaient dominées à 95% par le pétrole et le gaz, marchandises qui s’échangent indépendamment des règles de l’OMC. Il n’y avait donc aucun intérêt concret à y adhérer, même si les autorités russes avaient déjà déposé leur candidature. Il a fallu attendre la crise de 1998 – avec le défaut de paiement de la Rus- sie – et la dévaluation du rouble qu’elle a entraîné pour que la production domestique connaisse un véritable développement et que d’autres secteurs économiques songent à exporter. Et comme cette même période voyait l’adhésion à l’OMC de la Chine, l’intégration de la Russie est devenue une priorité pour un Vladimir Poutine qui se désolait de voir les produits d’exportation russes discriminés à l’entrée sur les marchés américain ou européen, par exemple. Aujourd’hui, ce qui touche à l’énergie – et n’est de fait pas concerné par les règles de l’OMC – ne constitue plus que la moitié des exportations russes. Actuellement, la question est de savoir si la Russie doit ou non ouvrir son marché intérieur pour assurer le développement de secteurs qui gagneront à pouvoir exporter. Mais, dans le même temps, cette ouverture ne signerait-elle pas l’arrêt de mort de certaines autres branches ? Alexeï Portanskiï (AP) : C’est une bonne chose, oui. L’intégration signifie la suppression des barrières à l’exportation pour les entreprises russes. Et, surtout, l’abolition des obstacles techniques. Les produits russes ne se verront plus interdire l’accès aux marchés étrangers sous prétexte qu’ils ne respectent pas les normes techniques ou sanitaires des pays déjà membres de l’organisation Siège de l'OMC à Genève Secteur 07 Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Usurpation des noms de marques sur Internet Le business étant de plus en plus localisé sur Internet, les cyber-violations se multiplient et se perfectionnent Les céréaliers russes attendent beaucoup de l'entrée de leur pays à l'OMC internationale. C’est encore une bonne chose car la Russie, en tant que membre du G8, ne peut plus rester en dehors des institutions de gouvernance mondiale que sont l’OMC, le FMI (Fonds monétaire international) ou la Banque mondiale (BM). Actuellement, le président est mal à l’aise lorsque, lors des réunions du G20 par exemple, il ne peut s’exprimer sur certains points de l’ordre du jour du fait de la non appartenance russe à l’OMC. Une adhésion viendra rétablir l’équilibre. LCDR : Plus concrètement, quels changements positifs peut-on attendre en Russie après l’adhésion ? MB : L’adhésion permettra aux entreprises exportatrices actives dans d’autres domaines que l’énergie d’accéder aux différents marchés mondiaux aux mêmes conditions que leurs concurrents. Mais au-delà, cette entrée dans l’OMC est signe que la Russie accepte les règles qui organisent le commerce mondial. Et qu’elle devient, dès lors, plus sûre, plus fiable, plus accueillante aux yeux des investisseurs étrangers : ces derniers auront moins de réticences à faire des investissements directs en Russie, ce qui ne peut que constituer un plus pour l’économie nationale. AP : Vous savez, les Russes ne verront pas de changements flagrants dans leur quotidien dès le lendemain de l’adhésion. Pourtant, ses effets se feront sentir sur le système juridique : les règles de l’OMC vont primer sur le droit national, ce qui entraînera de facto une amélioration de la justice russe. Ce renforcement du système judiciaire offrira à son tour des garanties accrues de sécurité du droit aux investisseurs étrangers, qui seront ainsi plus enclins à développer leurs activités dans le pays. Enfin, grâce à ces nouvelles règles unanimement reconnues à l’échelle internationale, les entreprises « transparentes » pourront mieux se défendre face à ce que j’appelle « l’économie de l’ombre ». LCDR : Quels sont les risques qu’encourt la Russie ? MB : Les inconvénients, comme les avantages, seront répartis sur l’ensemble de l’économie nationale. La Russie a toujours fait savoir qu’elle n’était pas prête à une intégration à n’importe quel prix. Si elle décide aujourd’hui de rejoindre l’organisation, c’est qu’elle n’a pas beaucoup à y perdre. Elle a pu négocier des délais pour abaisser progressivement au niveau des minima fixés par l’OMC les taxes qu’elle prélève sur certains biens (sept ans pour les automobiles, par exemple). En matière d’agriculture, la Russie a obtenu le droit de maintenir des subventions plus élevées que ce qu’elle dépensait traditionnellement pour le secteur. D’autre part, il est encore tôt pour savoir quels domaines d’activité seront touchés par l’ouverture des frontières russes à la production étrangère. Quant aux consommateurs russes, ils ne doivent pas se réjouir trop vite. Dans de nombreuses branches – comme les vêtements, les textiles ou certains produits de consommation courante –, les droits de douane sont déjà au niveau minimal fixé par l’OMC. AP : Selon les termes de l’accession de la Russie à l’OMC, aucune industrie en tant que telle ne sera perdante. Certes, des entreprises disparaîtront une fois que le pays sera membre, mais on ne peut pas imputer ces faillites à la seule en- trée dans l’OMC : elles sont le résultat de nombreux autres facteurs. En matière d’agriculture, la Russie fait partie du top 5 mondial des pays exportateurs de céréales et dispose d’un potentiel intéressant concernant la viande de porc et les huiles végétales. Et le secteur n’est pas massivement subventionné, comparé aux agricultures des pays de l’Union européenne. Enfin, les branches qui ont le plus à gagner sont la sidérurgie, la métallurgie, la fabrication d’engrais et de produits chimiques, la construction, l’automobile et l’aviation. LCDR : Dans un contexte de perspectives de croissance mondiale très incertaines, la Russie a-t-elle choisi le bon moment pour intégrer l’OMC ? MB : Évidemment, la période n’est pas idéale. En matière d’échanges internationaux, les ères de forte croissance sont plus propices. Mais mieux vaut adhérer maintenant que jamais. De plus, l’intégration jouera un rôle moteur dans la politique de modernisation prônée par le président russe : car la Russie devra se conformer à l’environnement institutionnel mondial. Pourtant, l’OMC n’est pas tout ; seule la volonté politique est capable d’insuffler réellement le changement. Le problème, à mon sens, est de nature socio-politique. Notre pays ne propose pas assez d’emplois correctement rémunérés pour l’ensemble de la population. Tout le monde évoque, en Europe, la « fin de l’État social ». Depuis 20 ans, les dépenses des Européens n’ont pas beaucoup progressé ; et la question que se posent les gens, c’est « qui va payer désormais pour les retraites, les routes ou le système scolaire ? » C’est un problème auquel est confronté le monde occidental et qu’une simple entrée dans l’OMC ne peut pas résoudre. Les organismes internationaux, pas plus en Russie qu’ailleurs, ne peuvent se substituer aux pouvoirs nationaux. AP : Nous avons aujourd’hui une chance d’adhérer à l’OMC et il faut la saisir. Depuis le GATT [ancêtre de l’OMC, ndlr], l’expérience montre que plus on attend, plus il est difficile d’y accéder. De plus, les institutions de gouvernance mondiale traversent, dans leur ensemble, une période de crise, qui conduit à une révision des mécanismes et procédures de leur fonctionnement. Il est impossible d’y défendre ses intérêts sans en faire partie. L’adhésion, enfin, offre la possibilité de remédier aux dysfonctionnements du système juridique dont souffrent les PME. A la différence des grands groupes, ces dernières n’ont souvent pas les moyens financiers nécessaires pour s’attirer la bienveillance du système judiciaire. Plusieurs fabricants étrangers se sont déjà trouvés confrontés à cette situation désagréable : leurs marques sont utilisées dans des domaines qui leur sont parfaitement étrangers. Prenons un exemple : un consommateur qui se rendrait sur le site à l’adresse tm-defence.com aurait toutes les raisons de supposer que le portail internet est géré et administré par l’entreprise du même nom. Pourtant, la réalité peut être tout autre. En effet, dans le but d’abuser de la confiance des consommateurs, il arrive que des escrocs enregistrent des noms de domaine en utilisant des marques déjà célèbres, sous lesquelles ils vendent leur propre marchandise. Les produits sont parfois des originaux, mais il s’agit la plupart du temps d’articles de contrefaçon. Quoiqu’il en soit, le fabricant original est lésé financièrement. Sans compter que sa réputation souffre des services peu consciencieux fournis aux consommateurs par les usurpateurs. À l’heure actuelle, les tribunaux russes ont accumulé une pratique considérable en examinant des litiges sur les noms de domaines. Les fabricants originaux ont toutes les chances d’obtenir que le domaine utilisant leur marque soit fermé, s’il est prouvé que : 1) La marque est protégée en Russie et appartient au fabricant original, 2) Le fabricant original n’a jamais donné d’autorisation pour l’utilisation de sa marque par un tiers, 3) L’usurpateur utilise la marque pour le même type de marchandises ou de services que ceux que propose le fabricant original La dernière condition peut devenir objet de contestation. Il arrive souvent qu’une marque enregistrée pour un certain type de marchandises (par exemple des bijoux) soit utilisée pour un type de services (vente, par exemple). En de pareilles circonstances, il est très complexe de faire fermer le site, car les usurpateurs n’enfreignent pas, formellement, les droits sur la marque. Une autre circonstance qui peut compliquer sérieusement le combat de fabricants voulant faire valoir leurs droits dans ce domaine : le manque du régulation légale. On se réfère en premier lieu au Code civil, qui n’établit que des normes très générales en la matière. Cependant, de nombreux fabricants sont déjà parvenus à faire valoir leurs droits et à prouver que de tels sites leur nuisent et violent la loi. Grâce au recours en justice, plusieurs sites violant les droits de propriété intellectuelle ont été contraints de fermer, les fabricants exerçant leur droit d’enregistrement prioritaire. Oleg Joukov TM Defence Legal Services 08 Cinq sur cinq Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Textes : Jean-Didier Revoin Musique : Facebook choisit Yandex en Russie Quand le pétrole détrône la finance L L es employés les mieux rémunérés de l’économie russe ne se trouvent plus dans le secteur de la finance mais dans celui du pétrole. C’est du moins ce que démontrent les dernières statistiques de Rosstat, le Service russe de statistiques fédérales. Les chiffres publiés par cette organisation démontrent que les travailleurs les mieux payés de l’industrie pétrolière ont reçu cet automne un salaire de 61 000 roubles (environ 1453 euros) alors que dans le même temps ceux qui opèrent dans la finance ont vu leur revenu mensuel retomber à 47 000 roubles (1120 euros). En Russie, le salaire moyen a perdu 118 roubles en octobre 2011 pour s’arrêter à 23 300 roubles (555 euros). A titre de comparaison, un employé dans le secteur de la santé touche 17 000 roubles (405 euros) et dans l’industrie textile, où les salaires sont tra- ditionnellement bas, 11 200 roubles (266 euros). Les secteurs bancaire et pétrolier ont toujours été à la lutte concernant le niveau de leurs rémunérations. Le décalage qui s’opère aujourd’hui est intimement lié aux difficultés que connaît le secteur bancaire sur le plan mondial et aux incertitudes qui entourent la conjoncture mondiale. C’est le temps des vaches maigres et les employeurs sont devenus plus sélectifs : les salaires dépendent aujourd’hui de la compétence et du professionnalisme de l’employé. S’agissant de la hausse que connaissent les ouvriers du secteurs pétrolier, elle s’explique elle aussi par une raison structurelle : l’industrie se concentre sur l’optimisation de la production. Ce type de personnel est mieux rémunéré que les gestionnaires de projets. Kommersant, 21/11/ 2011 es utilisateurs russes de Facebook peuvent désormais écouter gratuitement et légalement de la musique. Le réseau social a en effet mis à disposition de ses membres russes la totalité du catalogue musical « Yandex Muzika » qui compte 2,6 millions de titres d’artistes russes et étrangers. Jusqu’à présent, la firme californienne n’avait passé de tels accords qu’avec Spotify, Slacker et MOG. Les amis Facebook de ceux qui recourront à ce service pourront découvrir dans leurs nouvelles le titre que leur ami est en train d’écouter et ils auront eux aussi la possibilité d’écouter ce morceau. Des titres russes et étrangers provenant de toutes les majors (Universal Music Group qui vient de racheter EMI Group, Sony Music Entertainment, Warner Music Group) figurent au catalogue de « Yandex Muzika ». La musique est disponible légalement depuis le mois de septembre dernier, lorsque la firme de Palo Alto a offert la possibilité d’intégrer des applications de musique à sa plateforme. Kommersant, 17/11/ 2011 Monopole de la banque postale dans les bureaux de poste L a banque postale russe, actuellement en gestation, sera la seule habilitée à fournir des prestations bancaires à l’intérieur des bureaux de poste russes. A l’heure actuelle, plus d’une trentaine de banques parmi les plus importantes du pays sont habilitées à fournir des prestations bancaires aux clients de la poste. Mais en vertu de la déci- sion avalisée par le gouvernement sous la direction du vice-premier ministre russe Sergueï Ivanov, ces autorisations seront révoquées dès que la banque postale sera opérationnelle. Les contrats de toutes les banques qui collaborent aujourd’hui avec la poste russe seront résiliés. A l’exception toutefois de Sviaz Bank, dont la structure servira de base à la future banque postale. Marker.ru, 23/11/ 2010 Aeroflot va perdre 75% de son bénéfice Le Bolchoï limite les ventes de billets L permettre aux citoyens ordinaires de pouvoir assister à des ballets ou des opéras pour un prix abordable. Ekaterina Novikova, porte-parole du Bolchoï déplore en effet que des billets « vendus entre 1000 et 3000 roubles se retrouvent sur internet à partir de 30'000 roubles ». Assigner un numéro de passeport à un billet devrait donc permettre d’éradiquer les fraudes et de tuer le marché noir. Vedomosti, 16/11/ 2011 Evgeniy Shevlyakov e célèbre théâtre du Bolchoï a décidé de prendre des mesures drastiques pour freiner la flambée du prix de ses billets et limiter les risques de marché noir. Pour pouvoir acheter un billet, les fans de l’institution devront indiquer leur numéro de passeport, à l’image de ce qui se fait pour l’achat des billets de train en Russie, et ne pourront se procurer que deux billets au maximum. Cette mesure devrait E n entrant dans l’OMC, la Russie s’apprête à renoncer à plusieurs rentes de situation. L’une des premières à tomber sera sans doute la taxe imposée aux compagnies aériennes qui survolent la Sibérie. Elvira Nabioullina, la ministre russe du développement économique a en effet promis au Commissaire européen au commerce, Karel de Gucht, d’abolir totalement ce prélèvement. Conformément aux accords intergouvernementaux, les revenus de cette taxe – près de 400 millions de dollars – sont alloués à la première compagnie aérienne russe Aeroflot au titre d’indemnisation de ses droits commerciaux non utilisés. Inacceptable pour l’Union européenne, cette pratique l’est tout autant devant l’OMC et constituait le dernier obstacle insurmontable à l’entrée de la Russie dans l’organisation multilatérale. Les nouvelles lignes seront exemptées de cette taxe tandis que les lignes préexistantes en seront complètement libérées d’ici 2013. Son abolition entraînera une diminution de 75% du bénéfice d’Aeroflot. En mars dernier, l’UE avait ouvert une procédure d'infraction contre l’Estonie, la Grèce, la Hon- grie, la Lituanie, Malte et la Slovénie concernant des accords bilatéraux sur les services aériens conclus avec la Russie. La Commission a envoyé à chacun de ces États membres une demande officielle d'informations, appelée «lettre de mise en demeure». Elle estimait déjà que ces accords pourraient nuire à l’égalité de traitement et à la concurrence entre les compagnies aériennes européennes et servir de base à des redevances pour le survol de la Sibérie, peut-être en violation des règles de l'Union européenne en matière d'ententes. Expert, 21/11/ 2011 TRANSPORT ET LOGISTIQUE TRANSPORT ET LOGISTIQUE TRANSPORT ET LOGISTIQUE TRANSPORT ET LOGISTIQUE TRANSPORT ET LOGISTIQUE TRANSPORT ET LOGISTIQUE Annoncez dans la nouvelle rubrique « Logistique » et facilitez à vos clients la recherche de partenaires ! Logistics all in! Tel. : + 7 (495) 787 99 85 www.group-esi.com Contactez-nous par e-mail [email protected] ou par téléphone +7 (495) 690-64-39 Vous partez à l’étranger ? Profitez de notre expérience en déménagement depuis 1903. Ici, on parle français. 95a, Leninsky prospect 119313 Moscow Tel. +7 (495) 936 26 64 Fax +7 (495) 936 26 16 E-mail: [email protected] www.hasenkamp.ru www.hasenkamp.com N°201 с 25 ноября по 9 декабря 2011 w w w. l e c o u r r i e rd e r u s s i e . c o m Франсуаз Ригар: «Жизнь за пределами родины учит смирению – где бы ты ни был» Франсуаз Ригар (Françoise Rigard) встретила меня утром в своей квартире на Чистых прудах. Она приехала в Россию в 1998 году, успела побыть главой московского представительства Moulinex, пережить на этой должности банкротство 2001 года и увидеть многочисленные покупки предприятий, в которых она работала. Рассказ бойца. Le Courrier de Russie: Расскажите, как вы попали сюда? Франсуаз Ригар: Я приехала в Россию в 1998 году вместе с группой Moulinex, где с 1988 года я работала в отделе маркетинга. До этого я была в Италии и Канаде—внедряла там культуру нашей компании, разрабатывала коммерческую стратегию… Вернувшись в Торонто в 1996 году, я стала работать в совместных промышленных предприятиях, затем занялась коммерческим развитием в Латинской Америке. Так что вся моя жизнь проходила в самолетах и отелях. А потом мой начальник предложил мне Россию—мы тогда начали сдавать позиции на рынке, и передо мной стояла задача удвоить торговый оборот. Я приехала в апреле 1998 года, а в августе грянул кризис. Афиша Жак Лакан, отражение Ксения Фесенко Употребив в 1896 году впервые понятие «психоанализ», Зигмунд Фрейд создал новый мир. Описав в середине двадцатого века «стадию зеркала» и триптих «воображаемое-символическоереальное», Жак Лакан изменил фрейдовский мир до неузнаваемости. Обнажая и препарируя душевную жизнь homo sapiens, Лакан стал вдохновителем для многих сотен философов, психологов, математиков, специалистов по психоанализу, литераторов и даже киноведов. В России, где в течение многих лет проходят лакановские семинары, француз вызывает интерес, сравнимый по силе разве что с его собственной увлеченностью бессознательным. Осуществленный в сотрудничестве с переводчиком Александром Черноглазовым и дочерью Лакана, проект «Русский Лакан»—это попытка воссоздать портрет человека, превратившего европейскую культуру «в свои охот- ничьи угодья». Лакан по-русски— кто это? Его внутреннее или внешнее, его работы или влияния, это он сам или его отражение—а может, и то, и другое? Проект «Русский Лакан» издательства «Гнозис», В рамках ярмарки Non-fiction 3 декабря, 13:00, в зоне семинаров № 2, ЦДХ Адрес: ул. Крымский вал, 10 Тел.: (499) 238 96 34 www.moscowbookfair.ru Киномания Что для одних в диковинку, то для других—привычное дело: еще неделю назад парижане простаивали длинные очереди, чтобы посмотреть редкие фильмы в рамках фестиваля русского кино. И вот настала очередь москвичей наслаждаться теперь уже французским кинематографом, но того же редкого розлива. Семь художественных лент, среди которых не только фильмы, уже идущие в прокате,—«Неприкасаемые» и «Я объявляю войну»,—но и «Черная Венера» и «Неслышное касание», получившие одобрительные отзывы на родине, а также восемнадцать короткометражек нескольких последних лет. Добавить сюда встречи с режиссерами и актерами, среди которых Венсан Перез, Даниэль Дюваль и Ева Ионеско—и вот уже свежайшее, как божоле нуво, французское кино идет в массы, чтобы скрасить темные ноябрьские вечера. Фестиваль «Французское кино сегодня» 7-9 декабря Кинотеатр 35 мм Адрес: ул. Покровка, 47/24 Тел.: (495) 780 91 45 www.kino35mm.ru 10 Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Лягушки в водке Беседовала Нина Фасьо Перевод: Екатерина Литвинцева Имейте смирение для того, чтобы слушать голос других, и вместо того, чтобы сравнивать его тембр и мелодику со своим собственным, просто слушайте его. Слушайте просто потому, что он говорит. Жан-Мари Адиаффи Франсуаз Ригар: «Жизнь за пределами родины учит смирению – где бы ты ни был» LCDR: Как вы его пережили? Ф. Р.: Мы потеряли 95% торгового оборота: за четыре месяца не было продано ничего. Я была вынуждена пойти на крайне неприятные меры: увольнять людей, обсуждать с оставшимися 50-процентное сокращение их зарплаты и т.д… LCDR: И вы не захотели убежать? Ф. Р.: У меня был контракт на три года… И вот на дворе 2011 год, а я все еще в в России! Начало 1999 года было очень трудным, но понемногу бизнес наладился, потому что бренд Moulinex был действительно влиятельным. С Moulinex у людей были какие-то человеческие, эмоциональные отношения. Например, они говорили: «это друг семьи» или «это почтальон, который пришел к нам утром выпить кофе»… LCDR: Когда Moulinex впервые вышла на российский рынок? Ф. Р.: В 1988 году. Я хорошо помню эту дату, потому что одна коллега-француженка, отвечающая за экспорт в Россию, попросила у меня инструкцию для овощерезок. Учитывая, что этот прибор появился в продаже во Франции в 1930-х годах и что он был у всех французских домохозяек, мы никогда не делали инструкций к нему. Но в СССР он был новинкой. Пришлось идти в музеи и откапывать инструкции к старым моделям! LCDR: И дела пошли? Ф. Р.: Поначалу да. В 1992 году государственные магазины и торговые центры были проданы частным компаниям, а в России в то время находилось 70% наших складов. Знаете, именно Россия все эти годы спасала Moulinex от банкротства. В 1990-х годах если у кого-то в запасе был товар, то его продавали. В то время вам мог позвонить клиент и без всяких вступлений сказать: «Я тебе деньги перечислил, давай товар». И все расходилось. А товара у нас хватало. После 1998 года все изменилось. Когда я пришла, в компании работали 45 сотрудников. Я оставила все- Ф. Р.: В эпоху смартфонов люди больше не способны расставлять приоритеты: мы заняты на работе, отвечаем на мейлы, все время спешим… Время больших решений прошло. Выбор поставщиков часто отходит на второй план. LCDR: Вы пережили столько испытаний. Никогда не хотелось уехать? Ф. Р.: Я пробовала уехать, я об этом думала. Но после 13 лет в России я «проштампована» этой страной… Когда я искала что-то другое, то поняла, что мне будет сложно выйти за рамки этого опыта. го десять и сократила региональные представительства. Потом я смогла нанять еще десять человек. В таком составе мы и проработали до 2001 года, а потом обанкротились. Мне пришлось закрыть филиал… LCDR: Как вы справились с этим? Ф. Р.: Для меня это стало шоком. Я возвращалась из Иркутска, где была на празднике, посвященном десятилетию нашего сотрудничества с одним клиентом. Я произнесла прекрасную речь о нашем совместном радужном будущем как минимум на 10 лет. А когда вернулась в Москву, позвонила коллега и сказала: «Ты уже в курсе катастрофы?». Я сразу представила себе пожар в нашем офисе, несчастный случай… «Moulinex банкрот!». И все. У нас не было ни копейки, чтобы заплатить сотрудникам, на следующий день мы все остались без работы, на продажу товаров марки был наложен запрет. Мне пришлось продать мебель и принтеры, чтобы выплатить зарплаты. И объяснять русским, которые уже заплатили у нас за товар, что они не получат ни денег, ни товара… LCDR: А потом? Ф. Р.: Год я ничего не делала. Я проработала в Moulinex 14 лет, и теперь мне было необходимо хорошенько все проанализировать. Через некоторое время меня пригласило на работу другое предприятие—Brandt, которое через три года было выкуплено компанией Fagor. На этот раз закрытие группы произошло без меня, меня уволили, как и всех остальных! Потом два года я работала директором по маркетингу в «Для Душа и Души». А затем ушла в Saeco, итальянскую компанию, занимающуюся изготовлением кофемашин. Когда я только начинала там работать, у российского дистрибьютера было 2,5 млн евро долга, у украинского два года хранились на складе товары, практически вышедшие из употребления... То же самое в Узбекистане. Я помогла им встать на ноги. Продавать очень дорогие кофемашины в стране, где исторически развита культура потребления чая… Вы только представьте себе это! Каждая деловая встреча начиналась тем, что мне приносили чашку чая! LCDR: И ваша стратегия удалась? Ф. Р.: Saeco был выкуплен Philips в 2010 году. Они были на грани банкротства. LCDR: Ну понятное дело… Ф. Р.: Да. Но потом я работала во множестве компаний, которые или перекупались или становились банкротами. Вообще я заметила, что в России на рынке товаров широкого потребления, в частности, товаров для хозяйства и продуктов французское присутствие минимально. Именно от этого факта я отталкиваюсь, когда помогаю предприятиям зарекомендовать себя в этих секторах. Но с французскими мелкими и средними предприятиями работать трудно. Они требуют увеличения товарооборота, но не хотят—или не могут—вкладываться. LCDR: Почему? Ф. Р.: Они все еще крайне осторожно действуют на российском рынке. Они боятся задолженностей. А русские, со своей стороны, гораздо медлительнее французов в том, что касается принятия решений. Они тратят время на салоны, выставки, видят кучу всего и получают огромное количество предложений. С этой точки зрения они всегда принимают решения в срочном порядке. LCDR: Что вы имеете в виду? LCDR: Что вам нравится в этой стране? Ф. Р.: Я люблю зиму. Я словно возрождаюсь, когда наступает холод. Но я привязана к этой стране не больше, чем к любой другой. LCDR: Чем отличается ваш опыт здесь от опыта, который накопился у вас от предыдущих поездок за границу? Ф. Р.: Разница в степени доступа к достоверной информации. Здесь все—коммерческая тайна! Более того, люди не привыкли вести статистику и вообще не всегда имеют ясное видение рынка. Сколько российских компаний могут предоставить вам данные о своем обороте? Очень мало! LCDR: А что еще вам нравится здесь? Ф. Р.: Снег. Он здесь идет не так, как в Канаде. Там невероятные снежные бури: выпадает сразу метр снега, а потом тишина. А здесь снег идет каждый день, но по чуть-чуть. LCDR: Какая черта характера в русских вам импонирует? Ф. Р.: Умение проявить солидарность. Особо теплые отношения с семьей, которые распространяются и на близких друзей… Во Франции это уже утрачено. LCDR: Россия вас изменила? Ф. Р.: Я повзрослела на 10 лет! (смеется) Знаете, я думаю, что в какой бы стране ты не жил, надо понять одну вещь: тебя здесь не ждут. Мы считаем себя нефтяными королями и уверены, что повсюду нас будут встречать с распростертыми объятиями. Но никто не обязан этого делать! У людей здесь свои собственные друзья, свои семьи, своя жизнь… Вообще жизнь за пределами родины учит смирению—здесь или в любой другой стране. LCDR: Так что же вас здесь удержало? Ф. Р.: Я хотела увидеть что-то другое! Например, может ли трава быть зеленее… LCDR: И что, может? Ф. Р.: Нет. Все думают, что когда уезжают, оставляют все проблемы позади, но это не так. Их тащат за собой. Но мне бы хотелось увидеть что-то новое. Я еще не была на Камчатке, например. Мой тур по России еще не закончен. Общество Текст : Екатерина Мартемьянова По материалам lemonde.fr и lepoint.fr ВСЕМ МИРОМ, или новая эра потребления Пользоваться материальными и нематериальными благами в одиночку уже не модно. Модно – делиться. Жильем, поездками и даже работой. Причем увлечение совместным времяпрепровождением с незнакомым человеком свойственно не только студентам, но вполне взрослым людям – служащим, имеющим стабильную зарплату, и даже пенсионерам. На гребне волны—всевозможные сайты и агентства, предлагающие подобные услуги. Так, «встретить» попутчика для путешествия можно через сайт Covoiturage.fr, с помощью которого за прошедшие 11 месяцев было организовано 1 млн поездок—в два раза больше, чем в прошлом году. Найти нужную работу, услугу или жилье поможет сайт Leboncoin.fr. А если вы в поиске временного пристанища на время путешествия, то добро пожаловать в сеть couchsurfing. org. Еще недавно принцип свободного обмена разделяли только члены профсоюзов или представители богемы. Теперь, по мнению социолога Эрвана Лекера [Erwan Lecoeur], эту идею переняли «посредники»—предприятия, крупные сообщества и организации. Во многих районах появляются специальные промежуточные паркинги. С ними путешествие с постоянно меняющейся компанией существенно облегчается. «Таким образом проще доказать в глазах окружающих право на существование»,—добавляет ученый. Французы прибегают к путешествиям и покупкам «вскладчину» по вполне определенным причинам. Во-первых, для многих сам по себе факт, что можно делать что-то «сообща», говорит о формировании нового образа жизни. Для Дельфин Тизи [Delphine Thizy], 29-летней жительницы Брюсселя, это способ улучшать жизнь собственными силами. Она путешествует с попутчиками уже пять лет не только из соображений экономии, но и для того, чтобы не ехать в одиночку, а в компании единомышленников. Будучи независимым консультантом, она пользуется платформой «активного сообщества» для собственного дела. На этой платформе разменной монетой могут стать собственные умения. « Я кому-то помогаю делать сайт,— говорит Дельфин,—а взамен получаю юридическую консультацию». Во-вторых, это простой способ сэкономить. Юрист Поль Мерье [Paul Mérieux] уже два года ездит с попутчиками— как только закончилось право ездить железными дорогами по льготным проездным. «Уже 10 лет экологи-активисты ездят «попуткой»,—считает Поль.—В качестве протеста против подорожавшего транспорта». Поездку в Нант из Парижа можно легко разнообразить: в одну сторону поехать на поезде, обратно вернуться в компании. Решиться поехать на выходных, например, покататься на лыжах около Лиона можно в самый последний момент. Начальник складского помещения на стройке Оливье Дюпюи [Olivier Dupuis] на собственном опыте убедился в эффективности сайтов-сообществ, например, e-loue. Теперь он по максимуму пользуется сайтами обмена и дарения вещей, а также аренды жилья. «Я могу купить больше, ведь я знаю, где это можно сделать»,—говорит Оливье. Иногда экономия становится вынужденной: из-за чрезмерно высоких тарифов SNCF [Société Nationale des Chemins de fer Français, SNCF—Национальная компания французских железных дорог, прим. пер.] некоторые прибегают к «попутной» езде для того, чтобы добраться до работы. 34-летняя Мари, психолог по образованию, временно работающая на заводе морепродуктов, ездит на работу с попутчиками. Это обходится в два раза дешевле, чем на электричке. Ей не надо больше планировать свой отпуск за три месяца, как это необходимо, чтобы выиграть в цене билетов. Двадцатипятилетняя Од, будущий психолог, выбирает «попутку»: даже со студенческим билетом цена поездки на поезде оказывается в четыре раза дороже. Помимо всего прочего, совместные проекты привносят в жизнь разнообразие, позволяют завязать знакомства. «Приготовить овощной суп—это очень хорошо,—говорит Клэр, которая работает по контракту в регионе Иль-деФранс.—Но вот поездка на рынок на велосипеде в одиночестве и готовка лишь для себя одной—все это совершенно не способствует здоровому питанию». По мнению 29-летней Клэр, многие считают, что снимать с кем-то квартиру вовсе не необходимость, это образ жизни. Клэр также часто ездит, пользуясь предложениями на Covoiturage, потому что так она может пересекаться с новыми людьми и радоваться общению с ними. Камиль работает в пригороде Тулузы. Она большой фанат совместных путешествий. «Закончились времена, когда я чувствовала себя как в вакууме, сидя в своей машине одна»,—говорит Камиль. До работы ей ехать всего 50 минут утром и вечером, но она все равно предпочитает проводить это время в компании. «По понедельникам я всегда с утра недовольна,—шутит Камиль.—Но уже к четвергу я просто пою от счастья». Во франко-германской комедии «А почему бы нам не пожить всем вместе?» [« Et si on vivait tous ensemble? », 2010, прим. пер.] герои пробуют жить под одной крышей. В реальности жизни многие уже решились на это. 11 Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com «Розовый» процесс Лесбиянки, живущие в гражданском браке, обладают всеми родительскими правами. Такое решение, принятое на днях одним из французских судов, вновь оживило разговоры о юридическом статусе «голубых» и «розовых» пар. Суд Байонны, города в департаменте Атлантические Пиренеи, удовлетворил запрос двухгодовалой давности о предоставлении двум женщинам статуса полноправной семьи, чье «образовательное и воспитательное» влияние признано позитивным. Многие однополые семьи уже получили в судебном порядке статус полноправных, но недавний процесс в Байоне представляет особый интерес. «Впервые судья подтверждает родительские права такой семьи без каких-либо оговорок»,—уверяет адвокат семейной пары Селин Кампи [Céline Campi]. Что касается юридической стороны дела, то 377 статья Гражданского кодекса предполагает передачу родительских прав третьему человеку в случае, если этого требуют особые «условия». В 2006 году эти «условия» были ужесточены решением Кассационного суда. Впоследствии ограничения усилились. 8 июля 2010 года Высшая юридическая инстанция отвергла запрос о признании родительских прав лесбийской пары: обстоятельства не были достаточными для положительного решения. «Во время судебного разбирательства судья не раз упоминал постоянные вынужденные переезды биологической матери,—говорит адвокат.—Их на самом деле было не так много. Но для того, чтобы соблюсти букву и дух закона, судья постоянно подчеркивал это обстоятельство». В целом, решающими факторами в этом деле стали только стабильность и прочность семейной пары. «Особые условия» играли второстепенную роль. 2011 год стал знаковым в понимании и изучении взаимоотношения полов и сексуальной идентичности. В понедельник, 7 ноября, министерство Национального образования объявило, что тема «однополые семьи» будет изучатся на уроках биологии в некоторых лицеях. С другой стороны, на такие семьи не прекращаются нападки со стороны консервативных политиков. «В течение нескольких месяцев накапливались негативные явления, и мне неприятно осознавать, что этот процесс не просто случайность, не единичный случай»,—с сожалением комментирует решение суда Байонны депутат Филипп Госселен [Philippe Gosselin], представитель партии «Союз за народное движение» [L'Union pour un Mouvement Populaire, UMP, прим. пер.] от фракции «гуманистов» [Droite humaniste de l’UMP, прим. пер.]. Со своей стороны депутат фракции «общественников» [Droite populaire de l’UMP, прим. пер.], Филипп Менье [Philippe Meunier] призывает государство обратить внимание на этот процесс и взять на себя ответственность для принятия окончательного решения. Он считает, что чиновник местной магистратуры не должен решать дела такого характера. В течение месяца решение суда может быть оспорено общественным обвинителем. «В большинстве дел, которые мне попадались, прокуратура не подавала протестов,—отмечает Селин Кампи.—Но чем больше политической шумихи, тем больше вероятность, что прокуратура озаботится этой темой». На данный момент Генеральная прокуратура По [Pau—главный город департамента Атлантические Пиренеи, прим. пер.] не предприняла никаких действий. «Мы пока раздумываем,—говорит представитель прокуратуры.—Нам надо выяснить, насколько обоснованным было решение, исходя из данных, представленных обеими сторонами». Если прокуратура не станет опротестовывать решение судьи, это дело станет настоящим переворотом в судебной практике. 12 Des grenouilles dans la vodka Il faut avoir l’humilité d’écouter la voix des autres et plutôt que d’en comparer le timbre et la mélodie avec la nôtre, il faut l’entendre par ce qu’elle dit. Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Jean Maria Adiaffi Propos recueillis par Nina Fasciaux Françoise Rigard : « L’expatriation apprend l’humilité, ici ou ailleurs » Françoise Rigard me reçoit dans son appartement de Chistye Proudy, un matin. Arrivée en Russie en 1998, elle a dirigé le bureau de représentation de Moulinex à Moscou, géré sa faillite en 2001 et fait face, ensuite, à des rachats en cascade d’entreprises pour lesquelles elle travaillait. Récit d’une battante. F.G : À l’heure des smartphones, plus personne n’est capable de prioriser les tâches : on est pris dans son boulot, on répond à ses mails, on est pressé… il n’y a plus de temps pour les grandes décisions. Et le choix des fournisseurs passe souvent au second plan. Le Courrier de Russie : Comment êtesvous arrivée ici ? Françoise Rigard : Je suis arrivée en Russie en 98 avec le groupe Moulinex, pour lequel je travaillais depuis 1988 au département marketing. Avant, j’avais été envoyée en Italie et au Canada pour inculquer la culture du groupe, établir la stratégie commerciale... Rentrée de Toronto en 96, j’ai travaillé sur des jointventures industrielles et sur le développement commercial en Amérique latine : je passais alors ma vie dans les avions et les hôtels. Le patron à l’export m’a ensuite proposé la Russie : nous nous faisions piquer nos parts de marché et j’avais pour mission d’y doubler le chiffre d’affaires. Je suis arrivée en avril 98, et la crise elle, est arrivée en août. LCDR : Vous n’avez jamais voulu partir, après toutes ces épreuves ? F.G : J’ai essayé de partir, j’y ai pensé. Mais j’ai treize ans de Russie et je suis estampillée « Russie »... Quand j’ai cherché autre chose, je me suis rendue compte qu’il était difficile de se défaire des étiquettes. LCDR : Quel attachement avez-vous à ce pays ? F.G : J’aime l’hiver. Je commence à revivre dès qu’il fait froid. Mais je n’ai pas plus d’attachement à la Russie qu’à un autre pays du monde... LCDR : Que s’est-il passé ? F.G : On a perdu 95% de chiffre d’affaires : on est resté quatre mois sans rien vendre. J’ai dû me charger rapidement de tâches très désagréables : licencier des gens, négocier avec d’autres des baisses de 50% de leur salaire, etc... LCDR: Ça ne vous a pas fait fuir ? F.G : J’avais signé pour trois ans... On est en 2011 et je suis toujours là ! Début 99, c’était laborieux c’est vrai, mais l’activité a repris peu à peu, car la marque avait une vraie force. Les gens avaient avec Moulinex une relation affective, ils disaient : « c’est un ami de la famille » ou « c’est le facteur qui vient boire le café le matin »... LCDR : Quand la société Moulinex a-telle fait ses premiers pas en Russie ? F.G : En 1988. Je m’en souviens, car une collègue française chargée de l’export en Russie m’avait à l’époque demandé le mode d’emploi des moulins à légumes. Vu que le produit avait été lancé en France dans les années 30 et que tous les ménages français en possédaient un, on n’avait jamais vraiment eu de notice. Mais en Russie, c’était nouveau : il a fallu aller dénicher des modes d’emploi de vieux modèles dans des musées ! LCDR : Et ça a marché ? F.G : Au début, oui. En 92, le responsable du groupe en Russie avait réussi la transition de la vente des centrales d’achat gouvernementales aux sociétés privées, et la Russie représentait 70% de notre marge. Vous savez, c’est la Russie qui a sauvé Moulinex de la faillite pendant toutes ces années. En gros, dans les années 90 ici, si vous aviez des produits en stock, vous les vendiez. À l’époque, un client vous appelait pour dire, sans se préoccuper des formalités : « Je t’ai viré des sous, envoie le stock. » Tout partait. Et les marges étaient phénoménales. Après 98, ça a changé. On était 45 employés quand je suis arrivée, on est passé à 10 ensuite et on a réduit les structures régionales. Puis, j’ai pu réengager une dizaine de personnes. Jusqu’en 2001, où le groupe Station de métro Tchistye Proudy a fait faillite. J’ai dû fermer la filiale... LCDR : Comment avez-vous géré cela ? F.G : Ça a été un choc : je revenais d’Irkoutsk où j’avais fêté les dix ans d’existence d’un de nos clients. J’avais fait un beau discours, sur l’avenir radieux de notre collaboration pour au moins dix ans de plus ! Là-dessus, de retour à Moscou, une collègue m’appelle et me dit : « Tu es au courant de la catastrophe ? ». J’ai pensé à un incendie au bureau, un accident... « Moulinex fait faillite ! Ils ont déposé le bilan ! ». Et voilà. On n’avait plus un sou pour payer les employés, on se retrouvait sans travail du jour au lendemain, avec interdiction de distribuer les produits de la marque. J’ai dû vendre les meubles et les imprimantes pour pouvoir virer les salaires, et expliquer aux Russes qui avaient déjà payé leur marchandise qu’ils ne pourraient récupérer ni l’argent, ni les produits... LCDR : Et ensuite ? F.G : Pendant un an, je n’ai rien fait. Après 14 ans chez Moulinex, j’avais besoin d’y voir clair. Puis j’ai été sollicitée par une autre entreprise, Brandt... qui, trois ans plus tard, était rachetée par Fagor. Cette fois, la fermeture c’était sans moi, j’ai été licenciée comme tout le monde ! J’ai donc travaillé comme directrice marketing chez Dlia Doucha i Douchi pendant deux ans. Ensuite, j’ai été embauchée par Saeco, une boîte italienne qui fabrique des machines à espresso. Quand j’ai commencé, le distributeur russe avait 2,5 millions d’euros de dettes, le distributeur ukrainien deux ans de produits quasi-ob- J’aurais pu vous dire que quand Françoise m’a accueillie, elle était encore en chaussons. Mais c’était des tapochkis. Et ici, c’est normal. Une simplicité, une force se dégage de son récit décomplexé sur cette série douloureuse de faillites, crises économiques, licenciements. Françoise collectionne les défis mais aussi les théières, les chats, les chapeaux, les thés. Et les tapochkis – signe qu’elle sait recevoir. Retrouvez sur lecourrierderussie. com l’interview de Nicolas Mégrelis, directeur de Dlia Doucha i Douchi « La Russie, antidote contre l’ennui » solètes en stock, en Ouzbékistan même tableau. Je les ai aidés à se refaire. Vendre des machines à espresso super chères dans un pays qui est culturellement un marché à thé... vous imaginez le travail ! À chaque rendez-vous, on commençait par m’apporter une tasse de thé ! LCDR : Et ça a marché ? F.G : Saeco s’est fait racheter par Philips... en 2010. Ils étaient au bord de la faillite. LCDR : Décidément... F.G : Eh oui. Mais là j’en ai eu marre des boîtes qui se faisaient racheter ou qui mettaient la clé sous la porte. Et j’avais remarqué qu’en Russie, au niveau des produits de grande consommation, notamment l’équipement ménager et l’alimentation, la présence française était très faible. Je suis partie de ce constat pour aider des entreprises à être représentées dans ces secteurs, justement. Mais c’est dur de travailler avec des PME françaises : elles exigent toujours plus de chiffre d’affaires sans vouloir – ou sans pouvoir – investir. LCDR : Pourquoi ? F.G : Elles sont encore frileuses sur le marché russe, elles ont peur des impayés. Et les Russes, de leur côté, sont beaucoup plus lents qu’avant dans leurs processus de décision : ils passent du temps à visiter les salons, ils voient beaucoup de choses, reçoivent énormément de propositions. À côté de ça, ils sont dans une logique de gestion de l’urgence. LCDR : C’est-à-dire ? LCDR : Avez-vous noté des différences avec vos précédentes expériences à l’étranger ? F.G : La différence touche à l’obtention d’une information fiable. Ici, tout est un secret commercial ! De plus, les gens n’ont pas l’habitude des statistiques, et ce n’est pas évident d’avoir une bonne visibilité économique. Combien de responsables de boîtes russes sont capables de vous donner leur chiffre d’affaires ? Très peu ! LCDR : Autre chose ? F.G : La neige. Elle tombe ici différemment qu’au Canada : là-bas, vous avez d’énormes tempêtes de neige où il en tombe un mètre et puis ça se calme. Ici, c’est chaque jour un petit peu. LCDR : Un trait particulier qui vous plaît chez les Russes ? F.G : La solidarité. Un sens de la famille qui s’étend aux amis proches...on a perdu ça en France. LCDR : La Russie vous a changée ? F.G : J’ai pris dix ans ! (rires) Vous savez, je pense que quel que soit le pays, la chose à comprendre, c’est qu’on ne vous attendait pas. Nous, on est convaincu d’être les rois du pétrole et que tout le monde va nous accueillir à bras grand ouverts : mais ils n’ont pas besoin de nous ! Ils ont leurs amis, leurs familles, leur vie... d’une manière générale, l’expatriation apprend l’humilité, ici ou ailleurs. LCDR : Qu’est-ce qui justifie votre présence ici, dans ce cas ? F.G : J’avais envie de voir autre chose ! Je voulais voir si l’herbe était plus verte... LCDR : Et alors, elle est plus verte ? F.G : Non. On croit laisser ses problèmes derrière soi et c’est faux. On les trimballe. Mais j’aime découvrir des choses nouvelles, et je ne connais pas encore le Kamchatka ! Je n’ai pas fini de faire le tour de la Russie. Rémuneration annuelle des DF, bonus et avantages compris; par %1 des interrogés et par pays Suisse2 Italie9 3 Allemagne Russie10 Autriche4 Pologne11 Pays-Bas5 France12 Luxembourg6 Suède13 Turquie7 Espagne14 Belgique8 Portugal15 Moins de €120K €120K et plus 1) Moins de 100% = pas de response; 2) N = 156; 3) N = 185; 4) N = 40; 5) N = 81; 6) N = 30; 7) N = 36; 8) N = 167; 9) N = 181; 10) N = 197; 11) N = 139; 12) N = 371; 13) N = 105; 14) N = 249; 15) N = 84 Source: Michael Page International Who’s who ? 13 Carrière Le Courrier de Russie Propos recueillis par Vera Gaufman Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Yasha, Bruno et Bill sont sur un bateau Bien connaître la comptabilité et avoir une expérience de la gestion financière à l’étranger : l’équation ne suffit pas toujours pour réussir sa carrière de directeur financier en Russie. Pour en savoir plus sur les spécificités de la fonction dans son contexte, Le Courrier de Russie a recueilli les témoignages de trois « mordus de la finance » – Yasha Haddaji, Bruno Lafon et Bill Finn – qui travaillent à Moscou depuis plusieurs années. Yasha Haddaji Directeur de Nintendo Russie 1981 : Naissance 2003 : Maîtrise en affaires internationales – Ecole des Hautes études internationales, Paris 2003-2006 : Assistant spécial du porte-parole du Ministère des Affaires étrangères français au bureau des dépêches – Paris 2005 : Maîtrise en finance d’entreprise – Conservatoire national des arts et métiers, Paris 2006 : Contrôleur de gestion, Cetelem, filiale de BNP Paribas spécialisée dans le crédit à la consommation – Paris 2006 : Arrivée en Russie. Responsable de la planification et du contrôle de gestion, Cetelem Russie – Moscou 2008 : Directeur financier Michael Page Russie – Moscou 2011 : Directeur de la filiale russe, Nintendo Europe – Moscou Plat russe préféré : pelmeni au saumon recrute UN(E) RÉDACTEUR(RICE) DES SUPPLÉMENTS THÉMATIQUES Profil : Vous êtes Français. Vous avez de l’expérience dans la presse écrite. Vous avez un goût prononcé pour l’économie et une certaine connaissance de la Russie et du monde des affaires. Vous êtes Russe. Vous avez fait des études de linguistique ou en lettres (de préférence à la faculté des lettres à la MGU Lomonossov) et vous maîtrisez parfaitement le français écrit. Vous vous intéressez à l’économie. Mission : Vous êtes responsable des suppléments et assurez l’interface avec le département commercial. Vous rédigez des articles pour les suppéments thématiques et en assurez le contenu dans sa totalité. Conditions : CDI à temps plein à Moscou. Pour postuler, envoyez votre CV, une lettre de motivation à nina. [email protected] ainsi qu’un édito sur un fait d’actualité russe et un article sur un aspect de l’économie russe, tous deux de 5000 signes. Yasha Haddaji est arrivé en Russie en 2006 pour y monter CETELEM, la filiale start-up de crédit à la consommation de la banque BNP Paribas. Seul étranger au sein de l’équipe russe de contrôle de gestion, il a entamé son immersion par des cours de langue intensifs : « Une petite société ne peut pas se permettre d’avoir un directeur qui ne parle pas russe », assure-t-il. Yasha progresse et, rapidement, parvient à ne communiquer avec ses employés que dans leur langue maternelle. Sans cela, Yasha doute qu’il aurait pu mener à bien sa mission. « Il faut apprendre la comptabilité russe sur le bout des doigts et la contrôler régulièrement, ce qui n’est possible qu’à condition de parler russe. Dans le cas contraire, c’est votre comptable qui vous imposera ses règles », prévient-il. « Les comptables ne sont pas tous des affreux ; le problème, c’est qu’ils sont, en Russie, pénalement responsables : ce qui les rend désespérément frileux. Pour ne courir aucun risque, ils commencent par dire « non » à tout. Mais en leur obéissant et en appliquant les règles comptables de façon aveugle, vous risquez tout bonnement de bloquer le développement de votre boîte. » Pour réussir sa carrière en Russie, Bruno Lafon, directeur financier de Rockwool, a feuilleté, outre des manuels de russe, quelques ouvrages sur la guerre de 1812 : « La première chose que j’ai faite en arrivant, c’est de bouquiner tout ce que je pouvais trouver sur les guerres napoléoniennes, se souvient-il. Les Russes y font tout le temps référence. En France, on est assez mauvais sur cette partie de notre histoire. Alors qu’il y a des choses passionnantes sur la bataille de Borodino, sur les maréchaux… Mon conseil : documentez-vous sur le sujet – ça aide ! » Comptable… et polyvalent Mais apprendre le russe et se renseigner sur les spécificités culturelles ne sont pas les seules difficultés qu’un directeur financier devra affronter en Russie. L’instabilité de la situation financière l’impliquera naturellement dans le management de crise, prévient Olga Emelyanova, manager exécutif finance et comptabilité de Michael Page. « Directeur financier en Russie, c’est un rôle multi-facettes, phénomène que l’on retrouve beaucoup moins en Europe », commente-t-elle. « Il y a une différence nette par rapport à la France, confirme Bruno Lafon. Elle se situe au niveau du risque de changement. En France, vous n’avez tout simplement jamais à vous demander des choses du type : « Et si la monnaie s’effondre demain, ça signifie quoi pour mes affaires ? ». « Travailler en Russie est toujours un défi pour les expatriés », résume Olga Emelyanova. Un jugement que Bill Finn, directeur financier de Rousskiï Alkogol, partage totalement. Arrivé en Russie en août 1998 – une semaine avant le début de la crise – comme directeur financier de Coca-Cola, il a dû commencer son activité par des licenciements de masse. « C’était terrible », se souvient-il. Si la nature de ses tâches a changé, elles demeurent tout aussi lourdes, et imprévisibles : « Je ne sais pas si c’est parce que je suis expatrié, mais tout le monde vient toujours me demander des solutions pour tout. Le moindre problème, c’est pour moi : que ça vienne du marketing, des ventes ou du département juridique, râle-t-il en riant. Les gens ici ont du mal à prendre des décisions de façon autonome. Quelle que soit la taille de l’entreprise, tout finit toujours par « embouteiller » en haut. Les directeurs financiers, en Russie, semblent devoir s’impliquer dans à peu près tout : IT, juridique, administration... Quand j’en parle à mes collègues qui sont en Irlande ou en Grande-Bretagne, ils ne comprennent même pas ce que je veux dire : c’est quelque chose qui n’existe pas là-bas. » perdez irrémédiablement tout crédit, et toute autorité. » Pourtant, à en croire Bruno Lafon, le management « à la française » est exportable : « Chez Rockwool, le directeur financier est un pilote, mais la prise de décision se fait en équipe. Il est possible de mettre en place une culture de délégation dans l’entreprise, les gens se rendent compte qu’ils ne sont pas dans l’Armée rouge, ils sortent de la mentalité « c’est moi le chef donc c’est moi qui décide » et ils s’adaptent. » Une facture pour un yaourt Les trois financiers sont au moins d’accord sur un point : il ne faut surtout pas arriver en Russie en « néocolonialiste ». Une approche qui, selon Yasha Haddaji, caractérise trop souvent les expatriés. « D’accord, on sait tous combien il y a de règles « inutiles » dans la comptabilité russe. On exige de vous une note de frais quand une assistante a payé le yaourt de son chef ? Faitesla, ça ne coûte pas grand-chose. Et puis, ces règles peuvent aider à mieux contrôler le cash, à éviter des pertes, explique-t-il. Il faut accepter de mettre de côté ses certitudes : une pratique peut être différente des standards européens – ça ne signifie pas qu’elle n’est pas valable. » Choc des civilisations Les directeurs financiers habitués à ce que leur jugement soit toujours aisément entendu risquent d’être déçus en Russie, estime Yasha Haddaji. « En Europe, quand la direction financière dit quelque chose, il n’y pas de discussion. Ici, les rapports de force au sein de l’entreprise sont tout autres, souligne-t-il. La confrontation peut être violente. Il faut parfois élever la voix et taper du poing sur la table. » Flexible avec ses supérieurs mais implacable avec ses employés : serait-ce le portrait du directeur financier idéal en Russie ? Yasha n’a aucun doute là-dessus : « Les Russes veulent des responsables très stricts, qui donnent des ordres clairs, des gens intègres, poursuit-il. Il faut savoir se faire respecter, s’imposer sans brutalité mais en montrant que vous ne changerez pas de cap. Surtout, il faut être capable d’appliquer ces règles à soi-même. Si vous ne faites pas preuve d’honnêteté – financière mais aussi intellectuelle –, vous « La grande erreur, confirme Bruno Lafon, ce serait de dire : « J’arrive de France, là-bas on fait comme ceci ou cela, on va faire la même chose ici ». Il faut au contraire être humble, observer, prendre le temps de comprendre comment les gens travaillent. » Bill Finn recommande de ne pas arriver en Russie la veille de son entrée en fonctions : « Il faut venir une semaine avant, voire un mois : afin de s’accoutumer, de voir comment les choses se passent. Si vous devez travailler pour une grosse multinationale, vous pouvez être tranquille : ce sera une petite bulle tout confort. Mais si c’est pour un poste dans une entreprise russe, réfléchissez-y à deux fois. Et faites le voyage avant de vous décider : la question, c’est est-ce que vous pourrez vivre ici ? Il faut aller au banya, faire un tour sur un marché, aller voir au-delà du MKAD et en province… Et demandez à un Russe de vous accompagner : mais surtout trouvez-en un qui ne parle pas bien anglais ! » Comment construire son parcours professionnel en Russie ? Retrouvez tous nos articles de la rubrique Carrière sur www.lecourrierderussie.com/category/economie/carriere-economie/ recrute RESPONSABLE COMMERCIAL Mission En charge d’un portefeuille de secteurs, vous recherchez activement de nouveaux annonceurs pour développer votre base de clients. Vous êtes l’interlocuteur privilégié des annonceurs du Courrier de Russie, et gérez entièrement les processus de vente et de négociation. Vous proposez toute l’offre de services du Courrier de Russie (journal, suppléments et site internet), et supervisez des projets ponctuels (éditions spéciales, suppléments). Profil De formation supérieure, vous avez déjà une expérience réussie (2 ans minimum) dans la vente. Vous avez un excellent contact professionnel et un sens poussé du service-client. Vous êtes familier avec les techniques de négociation, vous aimez relever des défis à court et long terme. Vous maîtrisez assez bien le français pour pouvoir mener une négociation dans cette langue. L’anglais est un plus. Vous êtes très organisé, aimez travailler en équipe et savez motiver vos collaborateurs. Conditions - Travail à temps plein - CDI avec période d’essai de 3 mois - Rémunération : fixe + % sur les ventes Envoyez votre candidature à [email protected] ou téléphonez au 8 (495) 690 01 28. www.lecourrierderussie.com 14 Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com France-Russie Mais qu’est-ce qu’un conte, sinon une vision différente de la réalité? Jean Van Hamme Propos recueillis par Maria Gorkovskaya Traduit par Julia Breen La Table ronde ossète Laurent Alibert enseigne la littérature au Collège Universitaire Français de Moscou. Ses recherches visent à comparer le cycle arthurien et les légendes nartes des Ossètes. Il explique au Courrier de Russie pourquoi il regrette que les Français connaissent l’Ossétie par la prise d’otage de Beslan et la guerre russo-géorgienne de 2008, mais non pour sa culture qu’il juge passionnante. Le Courrier de Russie : À quel moment et pour quelles raisons vous êtes-vous intéressé à la culture ossète ? Laurent Alibert : Il y a plusieurs raisons, directes et indirectes. Tout d’abord, je me suis intéressé à la culture ossète par le biais de mes recherches et lectures personnelles. Cela remonte à bientôt dix ans et c’est lié à ma passion pour les mythologies. J’ai lu une traduction des Narty Kaddžytæ (légendes nartes des Ossètes) du grand chercheur français Georges Dumézil, ainsi que ses études sur ces légendes. Alors qu’il s’agit d’un matériau important et passionnant, cette mythologie était bien moins connue en France que les légendes celtiques ou scandinaves. Et j’étais intrigué. Quelques années plus tard, après les légendes, j’ai découvert la langue et la culture ossètes. Le goût de la langue m’est venu par la sonorité particulièrement exotique des noms de personnages et de lieux. L’ossète est d’ailleurs un objet intéressant pour les linguistes, car c’est la dernière langue vivante de la branche nord-est iranienne. J’ai alors commencé à fréquenter les cours d’ossète de l’INALCO (Institut des langues et civilisations orientales) à Paris, puis j’ai fait connaissance avec des gens de l’« Association Ossète en France ». Ainsi, j’ai bientôt pu commencer à lire les légendes nartes dans le texte original. LCDR : Quid des raisons indirectes ? L.A. : Elles transparaissent dans le sujet de ma thèse de doctorat : j’y compare les légendes nartes au Roman de Jaufré, une œuvre du cycle arthurien écrite en occitan par un auteur anonyme de la fin XIIe-début XIIIe siècle. Les deux cultures, pour moi, ne sont pas qu’un objet d’étude. La sensibilité aux langues minoritaires me vient de ma famille : mes grands-parents parlaient occitan et ils me l’ont appris rallèles entre le cycle arthurien et les légendes nartes ? L.A. : Les deux œuvres présentent des traits communs dans la description de certains personnages. On retrouve ainsi un seul prototype derrière le Narte Syrdon et le sénéchal Keu, chevalier de la Table Ronde, particulièrement tel qu’il apparaît dans le Roman de Jaufré. Ils incarnent tous deux la parole trompeuse. Ils sont redoutés de tous, ils se moquent des gens, et leur classification morale est toujours problématique. Un autre chercheur a mis en parallèle les personnages féminins, la Dame du Lac des romans arthuriens et la Narte Satana : elles sont quand j’étais adolescent. Ainsi, je me dirige en quelque sorte naturellement vers les langues peu parlées. de langues indo-européennes. J’ai voulu prolonger ce travail dans le domaine que je connaissais bien. LCDR : Pourquoi comparer les contes nartes précisément au Roman de Jaufré ? L.A. : Un lien évident entre mes deux sujets de recherches s’est établi par la méthode de comparaison dite « dumézilienne » : j’ai remarqué qu’il était fructueux de comparer les traces mythiques qui subsistaient dans ce roman occitan médiéval – que je connaissais bien pour l’avoir étudié en Master d’études romanes – avec certains motifs merveilleux des légendes des Ossètes. Au premier regard, le Roman de Jaufré et les cycles nartes sont très différents culturellement et linguistiquement. Mais en réalité, ils présentent des parallèles assez surprenants. Dumézil avait mis à jour des structures communes aux légendes des Ossètes et à celles d’autres peuples indo-européens. Il les a comparées avec des mythes indiens, celtes et surtout scandinaves et a révélé une survivance de ce qu’il nomme la « trifonctionnalité » de la pensée ancienne des locuteurs LCDR : Par exemple ? L.A. : Dans la légende scythe de fondation de la royauté rapportée par Hérodote, le souverain est désigné grâce à trois talismans d’or tombés du ciel. Ces talismans correspondent aux trois fonctions propres à la conception de l’univers et de la société chez les Indo-européens. Les fonctions sont hiérarchisées : la première est suprême et magique, la deuxième est guerrière, et la troisième est productive et fertile. Les talismans scythes sont une coupe d’or pour la fonction souveraine, une hache pour la guerre, un joug et une charrue pour la fertilité. Les Ossètes reprennent ce motif scythe dans la légende qui relate la désignation du meilleur d’entre les Nartes : Batradz. Et l’on trouve également, dans le Roman de Jaufré, un écho de ces talismans. Dans la légende occitane, un Chevalier-Enchanteur doit recevoir du roi Arthur des présents selon la même structure : une coupe d’or, le meilleur de ses chevaux (pour la guerre) et le baiser d’une demoiselle, qui symbolise la fonction reproductrice. LCDR : Cette symbolique est-elle spécifique aux représentants des anciennes cultures indo-européennes ? L.A. : Selon G. Dumézil, ces structures sont entrées dans l’imaginaire mental des sociétés indo-européennes et s’y sont, parfois, maintenues longtemps. G. Duby montre ainsi comment la société médiévale et même l’Ancien Régime continuent d’être divisés en ordres correspondant à ces trois fonctions : oratores (ceux qui prient), milites (ceux qui combattent) et laboratores (ceux qui travaillent). Ce seront, plus tard, les « trois États » : clergé, noblesse et peuple. LCDR : D’autres exemples de pa- qu’il considère ne plus rien pouvoir apporter à son peuple. C’est un trait caractéristique des Scythes, et qui entre d’ailleurs en contradiction avec la tradition caucasienne de respect des Anciens, par ailleurs tout à fait adoptée par les Ossètes. LCDR : D’autres différences ? L.A. : L’évolution de certains traits stylistique anciens dans les deux textes est intéressante. Les contes oraux ossètes étaient destinés au peuple, tandis que le roman médiéval s’adressait à la société courtoise. De fait, les personnages n’y sont pas présentés de la même manière, les procédés stylistiques diffèrent. L’hy- La sensibilité aux langues minoritaires me vient de ma famille : mes grandsparents parlaient occitan et ils me l’ont appris quand j’étais adolescent. Ainsi, je me dirige en quelque sorte naturellement vers les langues peu parlées. toutes deux associées à la mort et au monde aquatique ; elles protègent leurs neveux, héros élevés sous le lac ou au fond de la mer. Le personnage de la fée de Gibel, dans le Roman de Jaufré, possède de nombreux traits de cet être féminin associé à l’Autre monde aquatique. LCDR : Quelle est l’origine de tels parallèles ? L.A. : On peut évoquer soit un emprunt des Celtes à la tradition scythe ou sarmato-alaine dont les Ossètes sont des héritiers, soit des structures communes aux peuples indo-européens. Les emprunts auraient pu avoir lieu lors des contacts entre les Celtes continentaux et les Scythes. Mais ce ne sont là que des hypothèses : on ne dispose pas, actuellement, de matière suffisante pour appuyer ou écarter une proposition en particulier. LCDR : À présent, en quoi les mythologies se distinguent-elles ? L.A. : Les Alains (ancêtres des Ossètes dont proviennent les légendes nartes) et les Européens médiévaux n’ont pas toujours défendu les mêmes valeurs dans leurs mythes. Une différence importante réside dans le fait que les Alains n’attachaient que peu d’importance aux rois. Et leurs descendants ossètes n’en avaient pas, au contraire de ce qui se passe dans la culture médiévale occidentale. Chez les Ossètes, ce sont principalement des guerriers qui sont mis en valeur. Le chef narte Uryzmæg, par exemple, n’est pas un roi, c’est un ancien guerrier : il prend certains traits de la fonction royale mais c’est essentiellement lors d’expéditions conquérantes qu’il conduit son peuple. La mort du roi, dans la culture européenne médiévale, est une catastrophe : elle remet en cause l’ordre cosmique. Chez les Ossètes, le personnage d’Uryzmæg tente même de se suicider, dès lors perbole, très utilisée dans les deux mythologies, révèle cet écart. Le roman occitan a recours à des hyperboles épiques : on utilise les chiffres pour mettre en valeur la force d’un personnage : le héros pouvait « battre milles guerriers », etc… Mais le plus souvent, elles servent plutôt à dévoiler le degré de courtoisie : il est « supérieur à mille hommes » parce qu’il est amoureux ! Dans les légendes nartes, on observe un autre phénomène : la frontière entre l’hyperbole et le motif merveilleux est plus « poreuse », la limite n’est pas claire. On peut citer l’exemple d’un tout jeune enfant qui est le seul homme de sa famille et doit de ce fait, selon la coutume, aller à la guerre. Sa mère refuse de le laisser partir, mais l’enfant lui-même brise son berceau pour partir au combat. La façon dont l’événement est décrit se développe sur plusieurs lignes. Ainsi, dans un des contes, la planche droite du berceau est éjectée si loin qu’elle détruit une montagne noire qui se trouve derrière, tandis que la planche gauche s’enfonce dans la mer, etc. Le degré de puissance est à ce point développé par le conteur qu’il devient un motif merveilleux, il n’est plus une simple hyperbole. LCDR : Quel est le premier objectif de vos recherches ? L.A. : Je vous répondrais : chercher pour chercher plus que pour trouver… Pour n’évoquer que le côté ossète, j’aimerais développer les études nartes en France. Par ailleurs, en annexe de ma thèse, j’ai traduit en français quelques légendes nartes inédites. Je souhaite poursuivre ce travail afin de faire connaître la culture ossète. La France ne connaît l’Ossétie principalement que par la prise d’otage de Beslan et la guerre russo-géorgienne de 2008. Pourtant, c’est tout un autre univers – celui de la culture – qu’il est indispensable de découvrir. Expérience Texte : Nina Fasciaux Illustration : Semen Faibisovitch. presqu’une icone. Courtesy Regina Gallery, London & Moscow 15 Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Bien-aimés vagabonds La légende dit que Youri Loujkov, ancien maire de Moscou, s’est rendu à Paris et qu’enthousiasmé par le système des patrouilles mobiles du Samu social, il a crée, de retour dans sa ville, les patrouilles sociales de Moscou, qui viennent en aide aux sans-abris depuis 2009. Le 16 novembre, le nouveau maire Sobianine a donné rendez-vous aux media pour qu’ils constatent en direct l’action menée par ces travailleurs sociaux. Reportage. A vant même d’y être, je m’imaginais assez bien une scène qui s’est déroulée précisément comme je le prévoyais : défilé de camions flambant neufs de la patrouille sociale et vice-président du département de la protection sociale municipale, Sergueï Logounov, récitant péniblement son discours sur la nécessité d’aider les plus démunis et le succès de l’action entamée il y a deux ans. Huit fois moins de SDF sont morts de froid entre 2003 et 2010, soit respectivement 1223 et 151 personnes à Moscou. La quinzaine de journalistes équipés de caméras avaient hâte d’en finir – ce froid !, c’est vrai, comment ils font les sans-abris ? – mais c’était sans compter sur la farandole de bénévoles qui avaient tant attendu ce moment de gloire pour toutes ces heures passées à accompagner des ivrognes. Ni sur la police, toute fière de prendre part à une mission valorisante, pour une fois. Bien décidée à jeter un œil derrière la façade, je me glisse dans un des camions de patrouille. Et me retrouve en compagnie de Sergueï, chauffeur, et d’un médecin, Anton. Sergueï m’explique que le service de patrouille dispose de neuf camions en tout – soit six de moins que le chiffre annoncé quelques minutes plus tôt face aux caméras. L’équipe : une vingtaine de personnes pour gérer… 10 à 15 000 sans-abris moscovites, selon les chiffres officiels. « Il y en a beaucoup plus en réalité, précise Sergueï. Peut-être le double. Avant, sous l’URSS, on n’en avait presque pas : tout le monde travaillait. Si vous n’aviez pas de boulot, vous étiez hors-la-loi, et les mendiants risquaient jusqu’à trois ans de prison. » Les patrouilles répondent aux appels de citoyens qui les alertent lorsqu’un SDF semble avoir besoin de secours et, le reste du temps, elles sillonnent la ville et jouent les ambulanciers, transportant les sans-abris de foyer en foyer. Alors que les premiers SDF s’approchent lentement du camion, stationné derrière la gare de Iaroslavl, on me tend un masque afin que je ne sois pas trop indisposée par l’odeur. Je le prends mais hésite, réticente : comment parler à des gens si je me protège ? Cependant, Youri, l’homme qui monte alors dans le camion, bonnet enfoncé jusqu’au sommet du nez et long manteau sale, me met à l’aise : il enfile lui aussi un masque. Et, sans attendre, se confie : « Les foyers, vous savez, c’est seulement pour les Moscovites : il faut être enregistré pour bénéficier de soins et d’une place en centre. » Les autres, ceux qui viennent de tous les coins de Russie ou même de CEI [soit 90% des SDF de Moscou, ndlr] et qui ne peuvent prouver qu’ils sont établis dans la capitale, ne sont acceptés en foyer que pour passer la nuit ; et les places sont chères. La ville dispose de six centres comprenant chacun entre 200 et 600 places. « Il y a même des foyers où ils nous font travailler !, poursuit Youri. Moi je ne peux pas, je suis invalide. Et puis, il y est interdit de boire, de fumer… » À Moscou, malgré le climat, pas de « trêve hivernale » [cette pratique française qui interdit, entre le 31 octobre et le 15 mars, l’expulsion de personnes ne payant pas leur loyer, ndlr]. Je questionne un autre SDF qui nous a rejoints dans le camion : - Comment vous vous êtes retrouvé à la rue ? - Un soir, j’ai trop bu, je me suis endormi dehors. En me réveillant, j’ai vu qu’on m’avait coupé les orteils, à cause du froid… je ne pouvais plus travailler, et j’ai tout perdu. - Ça fait combien de temps ? - Trois ans. - Et vous dormez où, l’hiver ? - La nuit ? Dans le métro… quand il ferme, on s’allonge sur des cartons, ou bien dans les halls d’immeuble… près des canalisations de chauffage. Les gares sont dangereuses : mais je ne veux pas en parler, j’ai trop peur. Les gares sont des points de ralliement des SDF. Mais elles effraient un grand nombre d’entre eux. Un travailleur social, Sergueï, me raconte que c’est le lieu où les gens voient leur vie basculer… pour la rue. « Ils arrivent à Moscou par le train, des gens normaux. On leur propose à boire, on les drogue, puis on leur vole tout. Lorsqu’ils se réveillent, ils n’ont plus rien : plus de papiers, plus de téléphone, plus d’argent, parfois plus de mémoire. Plus d’autre alternative, en somme, que la rue. Effrayés, ils squattent dans la gare même… aussi parce que c’est un bon endroit pour voler à leur tour. » La majorité des SDF que nous rencontrons marchent à l’aide de cannes : « C’est à cause du froid, ou de l’alcool, explique Sergueï, le chauffeur de patrouille. Leurs autres blessures sont dues à des coups : soit ils se battent entre eux, soit ils se font frapper par la police ou, plus souvent, par des groupes de jeunes. Certains mettent le feu à leur corps pendant qu’ils dorment ! Il arrive aussi qu’ils se fassent exploiter par des bandes : surtout les invalides – ils peuvent récolter jusqu’à plusieurs milliers de roubles par jour en mendiant. » La durée de vie des sans-abris est courte, du fait de la piètre qualité de l’alcool qu’ils ingurgitent et des maladies qui circulent : « Ceux qui passent le premier hiver ont généralement quelques années devant eux, mais jamais plus », constate Sergueï. Je me tourne alors vers le médecin de patrouille : - Ça sert à quelque chose, cette journée de sensibilisation ? - Je n’en sais rien. - Pourquoi vous faites ça, vous ? - C’est mon travail. Avant j’étais aussi médecin, mais dans les prisons. Ces gars-là, je les ai côtoyés toute ma vie. - Vous vous sentez utile ? - Comme toute personne qui fait son travail. C’est mon boulot, ça s’arrête là. » Et son boulot, c’est de ramasser les sansabris et de les conduire dans des centres où ils pourront se laver, trouver des vêtements et manger. Survivre. Et aussi d’aider certains à faire valoir leurs droits à un logement en foyer. C’est le cas de Stanislav, Moscovite, ancien acteur de théâtre, à qui on fait passer un test de dépistage de la tuberculose avant de déposer son dossier dans le centre censé l’accueillir pour l’hiver. Il demande à me parler : Stanislav est fan de Stendhal, Alexandre Dumas, Mireille Mathieu et quelques autres. Il a connu son heure de gloire au théâtre de Taganka, dans les années 70, aux côtés de Vladimir Vyssotky, et s’exprime avec une grande éloquence. Il me demande des nouvelles de Michèle Mercier. « Après l’effondrement de l’URSS, la profession d’acteur s’est essoufflée, car il y avait beaucoup moins de subventions pour les théâtres. Tout le monde devait se débrouiller, monter son business, alors j’ai fait pareil : j’avais une librairie. Mais à l’époque, des bandes armées attaquaient et pillaient tout : ils m’ont menacé, frappé, et ont pris ma société. Je suis devenu invalide. Puis, ils m’ont pris mon appartement. » Pendant de nombreuses années, Stanislav a réussi à se faire héberger par des proches. « L’important, c’est de rester enregistré à Moscou quoi qu’il arrive : ça me permet de toucher une petite pension. Mais toujours pas assez pour prendre un appartement. Je vis dans la rue depuis 2006, je ne peux plus importuner les gens qui m’ont déjà aidé pendant si longtemps… » Je lui demande ce qui est le plus dur pour lui, aujourd’hui. Il part d’un rire triste : - Le pire ? C’est la nostalgie ! - Qu’est-ce qui vous aide à vivre ? - La poésie… et ma dignité. » Lorsque nous arrivons au foyer pour y déposer Stanislav, la coordinatrice des patrouilles nous propose de le visiter et d’interroger quelques-uns de ses occupants. Mais c’était sans compter sur l’avis du directeur : visiblement, observer les conditions de vie des sans-abris dans les centres n’est pas au programme de la journée de sensibilisation. Il faut une autorisation : le grand public ne devra voir que ce qui aura été dûment sélectionné au préalable par la mairie de Moscou. Pour découvrir une journée d’une patrouille sociale en photos, rendez-vous sur lecourrierderussie.com 16 Guide C’est de la dissidence comme on s’en régale, ça attaque les grands méchants dirigeants soviétiques et russes, ça se moque de l’Autorité. Julia Breen sur l’exposition de Dmitry Tsvetkov Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Texte : Julia Breen Pour les irréconciliables ROCK Pour les civilisateurs PHOTO S Z emfira, pourtant Bachkire, c’est un peu un concentré de la capitale du Nord. De Saint-Pétersbourg elle a la pluie, la grisaille, l’entre-deux, l’indécrottable nostalgie. Poète maudit, ériger sa souffrance en bannière, se complaire à gratter les blessures, surtout ne jamais cicatriser, au grand jamais guérir. Sombre, frêle, maladroite. Mais le talent, l’énergie, l’intransigeance. Sauf qu’un rocker désespéré, c’est fait pour mourir avant 30 ans, malheureux, incompris ; c’est fait pour rester une idole. Sinon, après, il faut composer. On se retrouve la chanteuse la mieux payée de la scène russe, on ne fait que des salles immenses, on devient juste une emmerdeuse. Il faut grandir. Car le pathos qui plaisait tant prend un désagréable air de surjoué. Et pourtant restent le talent, l’intransigeance. Un peu moins d’énergie peut-être mais plus de professionnalisme. On est loin de la môme écorchée qui chantait dans les rues d’Oufa, certes. Mais ses spectacles, même à prix d’or, sont d’authentiques shows. La dame est bien une légende, son seul tort est d’en être une encore vivante. Et que faire ? Nul n’est épargné et Jésus aurait sans doute perdu tout son crédit à mourir peinard dans un lit. Alors rendez-vous au club Arena. Zemfira, le 12 décembre, à 21h. Klub Arena 1, Leningradsky prospekt, d.31, str. 4 www.zemfira.ru www.a1.arenagroup.ru aint-Pétersbourg invite Moscou. Celle de la fin des années 30. Celle qu’observe derrière un objectif une Américaine, fille d’ambassadeur : Emlen Knight Davies. Le papa Davies aimait bien Staline, il croyait dur comme fer à la ligne prosoviétique. À la culpabilité de tous les déportés, à la légitimité des Grandes purges. Et à sa femme qui disait « les coups de feu incessants la nuit », il répondait « les explosions de dynamite pour la construction du métro ». Pendant que sa fille sillonnait la capitale, prenait des photos, tenait un journal. Drapeau américain en coin, depuis la fenêtre de l’hôtel particulier diplomatique : Moscou est basse, vaste et étonnamment vide. Les grosses voitures croisent les carrioles à chevaux. Et les tanks, ça et là dans la neige, ont l’air tout petits. Sous les bannières rouges appelant à la Révolution socialiste internationale, derrière les vitrines dorées GOUM : Moscou est étonnamment provinciale. Les photos sont d’une étrangère, une privilégiée, et toute photo n’est qu’un regard. Mais celles-ci disent un contraste fort, elles disent le vernis moderne sur une ville qui n’est qu’un grand village. Ancestral, paysan. Elles disent que le XXè siècle a transformé l’Empire russe féodal en une nation industrielle moderne. À vitesse grand V et à grands coups de trique. Mais si jusqu’aujourd’hui, tout n’était que vernis… Le Moscou des années 1937-1938 dans les yeux de la fille de l’ambassadeur des USA, jusqu’au 15 décembre. Musée public d’histoire de Saint-Pétersbourg, forteresse Pierre et Paul www.spbmuseum.ru Pour Faust Pour des mammouths ROCK L e label Geometria, c’est Auktsion. Groupe mythique. La BO de Brat 2. Depuis les années 80, ils s’essaient à tous les genres, inclassables, toujours là. Poètes et nihilistes. Le label Geometria, c’est encore le groupe Vezhlyvy otkaz (« Refus poli »), tout aussi impossibles à mettre dans des cases. Le label Geometria, c’est beaucoup d’autres musiciens encore, c’est LE label des deux dernières décennies du rock russe. Qui est moins un genre musical qu’une ligne de pensée, une position philosophique. Indépendance coûte que coûte, liberté et sa solitude, révolte permanente, apolitique et amorale. C’est se foutre de tout et boire pour oublier qu’on boit. Jamais rien d’acquis et pas grandchose à construire. Même plus l’espoir d’un ailleurs. Avec un humour décapant et un génie de l’auto-dérision. Chanter et faire des barbecues pour encaisser les coups de cette chienne de vie. Le label Geometria se paie un concert anniversaire. Avec tous les groupes qu’il a soutenus. Et, même si les jubilées sonnent souvent la fin des époques qu’ils célèbrent, le festival du label Geometria, c’est inratable. Festival GEOMETRIA : 10 ans de musique juste, le 2 décembre à 19h. Klub Hleb, Zvenigorodskoe chosse, 11. www.clubhleb.ru SPECTACLE ’histoire du soldat, c’est Tchaïkovsky coincé en exil suisse, entre deux mondes et deux périodes. Une petite partition de C-F. Ramuz pour trois récitants et une poignée d’instruments. C’est, dans un conte russe traditionnel, l’éternel mythe de l’innocent qui vend son âme au Diable. Et c’est, même avec une deuxième chance, la victoire finale du démon. L’âme ici est un violon, et les puissances du Mal sont toujours aussi séduisantes : beauté, confort, richesse matérielle, facilité. Le projet Platforma, c’est Winzavod qui a offert, pour cinq ans et à perte, un espace au réalisateur Sergey Serebrennikov. Un lieu où accueillir des créations qui, entre théâtre, danse, musique, performance ou art contemporain, ne trouvent leur place dans aucun cadre. Tchaïkovsky version Platforma, ça donne une Histoire du soldat au nouveau texte et à la musique nouvelle, prolongement plus qu’adaptation, avec les deux chorégraphes hollandais de la compagnie Club Guy & Roni et le compositeur russe Alekseï Syssoev. Un soldat, revenu du front, est écartelé entre désir de tuer et inadmissibilité du crime. L’histoire d’une âme fragile et d’un dilemme moral. Parce que le bien authentique ne peut se mesurer qu’à l’épreuve du mal. Partition pour lits métalliques. Spectacle Istoria soldata, projet Platforma, du 25 au 30 novembre, à 20h. TsSI Winzavod, 4-y Syromyatnitchesky per., 1, str. 6. L Pour les chapeaux des mamans ART CONTEMPORAIN mitry Tsvetkov, c’est cette génération des Kulik et Osmolovksy, arrivés en art dans les années 90, provocateurs et insolents. De ceux, nés dans l’Empire en flammes, qui dansent sur ses ruines, ne respectent rien, dissèquent haut et fort, s’agitent. Dmitry Tsvetkov et cette exposition, presque rétrospective, ça plaira – au premier abord – beaucoup à l’Ouest. C’est de la dissidence comme on s’en régale, ça attaque les grands méchants dirigeants soviétiques et russes, ça se moque de l’Autorité. Ça raille la représentation du pouvoir, ça met en lumière tout le kitsch de sa symbolique. À coups de manteaux de parades brejneviennes rose fuschia ou bleu pétard et médailles fantaisie. De décorations de guerre revues en perles et strass, de carabines en laine de feutre ou de mausolées à Barbie. Pourtant, Dmitry Tsvetkov, c’est un peu plus complexe que ça. Ou plus simple. C’est de la dérision sans aucun doute, mais la cible est plus large. Tsvetkov, parce qu’il ne prend rien au sérieux, pourrait être resté un enfant. Un gamin qui joue avec des objets d’adultes. Et s’il n’y avait que des enfants ? Si nos vies n’étaient que mimiques ? Si tous nos grands principes, combats, amours, chagrins ne ressemblaient qu’à cette petite fille, face au miroir, au maquillage grotesque, qui fait semblant de fumer et titube dans des escarpins trop grands ?.. Dmitriï Tsvetkov, Gosudarstvo (« État »), du 22 novembre au 8 janvier. MMSI, Petrovka, 25. www.mmoma.ru D 17 Moscou en bouteille Les bouteilles apparaissant – et disparaissant – à toute vitesse, je ne parviens rapidement plus à en faire le compte, pas plus qu’à compter mes propres verres. Le Courrier de Russie Textes : Vera Gaufman Illustration : Pablo Picasso, Jeane Fille Endormie Vera Gaufman sur la fête du Beaujolais nouveau au Bistrot Canaille Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Le Beaujolais nouveau est arrivé ! LES CONCERTS DU CONSERVATOIRE DE MOSCOU Après le numéro sur l’ivresse, épuisée par l’obligation – si, si ! – de me saouler pour écrire mes articles, je sentais pourtant comme un manque, j’étais torturée par un gestalt inachevé... Mais bien sûr ! Le vin français n’avait pas visité mes entrailles. La fête du Beaujolais nouveau au Bistrot Canaille m’a paru une excellente occasion de remédier à cette lacune dans mon éducation. M es collègues français de la rédaction n'étaient pas enchantés à l’idée de cette célébration. « C’est juste un coup marketing, un attrape-touristes », a décrété Nina, rédac chef du site internet, haussant les épaules. Bon, mais moi, je suis Russe, et je me laisse volontiers arnaquer par un tel événement. Situé sur la rue Bolchaïa Bronnaïa, près de la synagogue (on a les références qu’on peut), le Bistrot Canaille a été ouvert il y a sept mois par l’ancien chef cuisinier de l’ambassadeur de France, Frédéric Hennin. Je suis arrivée largement en avance à cette soirée pour laquelle les tables étaient presque toutes réservées depuis une semaine. L’intérieur bourdonnait déjà d’hôtes en grande partie français, assortis pourtant d’un groupe de Russes. Petites tables aux nappes à carreaux rouges, jolies photos sur les murs : rien d’extravagant et le tout très cosy. Je me retrouve à la table « des chefs » : tous des anciens du restaurant Eldorado qui, au zénith de sa gloire, invitait de grands chefs français, notamment Frédéric Hennin, Jérôme Rigaut, chef actuel de Medvedev, ou Fabrice Lecoin, chef cuisinier de la résidence de l’ambassadeur. Ce dernier – Fabrice, pas l’ambassadeur – est assis près de moi. Il arrive, d’ailleurs, avec un peu de retard : le plateau de gourmandises « maison » – saucisson à l’ail, pâté de campagne, rillettes du Mans et gâteau de foie blond – a déjà été entièrement englouti par moi, et moi seule, armée d’une baguette croustillante et d’un Beaujolais Village primeur. Les cuisiniers à ma table semblent apprécier le vin et je confie donc qu’il me plaît bien aussi. Et c’est vrai ! Même si tous les Français de la rédaction m’avaient mise en garde, assurant que le Beaujolais, c’est « dégueulasse par principe », et que je m’étais préparée à avaler du vinaigre pur. J’ai été épargnée. Les bouteilles apparaissant – et disparaissant – à toute vitesse, je ne parviens rapidement plus à en faire le compte, pas plus qu’à compter mes propres verres. Les hôtes français de la table entament d’ailleurs des chansons traditionnelles, pour être interrompus par des mélodies russes. Là, juste avant l’entrée en scène de la blanquette de veau à l’ancienne, Fabrice Lecoin me confie : « En pratique, la fête du Beaujolais, ce n’est qu’un prétexte pour boire ». Je me réjouis à l’idée que les Russes ne sont pas les seuls à s’inventer des occasions de beuverie. Les chefs commencent à égrener les souvenirs de leur « jeunesse » à l’Eldorado : « Le propriétaire était complètement fou, il frappait les serveurs, sa femme... Mais on ne peut pas lui retirer ceci : il a fait venir plusieurs chefs michelinés qui sont en majorité restés en Russie par la suite. » Entre temps, la marquise au chocolat et le chou à la crème ont débarqué dans mon assiette. Et le Beaujolais continue de se marier à ravir avec tous ces régals. Le concours de chant entre les Français et les Russes se fait de plus en plus intense. Ayant finalement vaincu ma timidité, je demande à Fabrice comment sa femme parvient à lui faire à manger. « Oh, ce n’est pas si compliqué – j’adore les pirojkis ». Je note. Et de lancer : « Viens boire un café à l’ambassade un de ces jours, je t’offrirai de bons croissants français » (je rapporte exprès l’invitation ici – pour avoir des preuves). Passée la séance photos, après minuit, je dis au revoir à Frédéric en essayant tant bien que mal de garder l’équilibre. Rien à dire : le Beaujolais nouveau est bien arrivé. Bistrot Canaille Bolshaïa Bronnaïa, 11 +7(499) 391 01 78 http://www.bistrotcanaille.com/ Pour en savoir plus sur les hauts et les bas des cuisiniers français en Russie, retrouvez l’interview de Frédéric Hennin « 150 millions de Russes ne peuvent pas bouffer que des patates » et le reportage aux cuisines du Kremlin avec Jérôme Rigaut « Cuisine top secrète » sur lecourrierderussie.com Jeudi, 1 décembre, 19h (Grande Salle) : La chapelle académique symphonique d’Etat. Au programme : Beethoven Vendredi, 2 décembre 19h (Salle Malyï) : Soirée dédiée au piano. Au programme : Chopin, Schumann Samedi, 3 décembre, 19h (Grande Salle) : Cameristi della Scala. Au programme : Vivaldi, Bach, Mozart, Piazzolla Dimanche, 4 décembre, 19h (Grande Salle) : L’orchestre symphonique d’Etat Nouvelle Russie. Chef d’orchestre : Youri Bachmet Mercredi, 7 décembre, 19h (Grande Salle) : Festival de la Grande Salle. Au programme : Verdi, Bellini, Wagner, Puccini, Massenet Vendredi, 9 décembre, 19h (Grande Salle) : Le grand orchestre symphonique Tchaikovsky. Au programme : Dvořák , Franck Lundi, 12 décembre, 19h (Salle Malyï) : L’orchestre de chambre Veritas. Au programme : Mozart Samedi, 24 décembre, 19h (Grande Salle) : Soirée de chant avec Anna Netrebko Dimanche, 25 décembre, 19h (Salle Rakhmaninov) : Poésie de la musique romantique. Au programme : Liszt, Brahms Billets en vente : 11, Bolchaïa Nikitskaïa www.mosconsv.ru Nuit du Nouvel An à La Marée La Marée, c’est LE restaurant de poissons dans la capitale L e réseau de restaurants La Marée appartient au plus gros fournisseur de poissons et fruits de mer de Russie. Huîtres, langoustines et crabes extra-frais, bulots noirs exotiques, oursins, Saint-Jacques ultra-moelleuses, homards, poulpes et encore une cinquantaine de sortes de poissons divers venant du monde entier reposent dans la glace ou nagent dans les aquariums de ces restaurants et échoppes à poisson. Nouveau : La Marée propose désormais un service unique – le 1er catering de la mer. À la tête de l'équipe des cuisiniers : le chef titre des restaurants La Marée, Abdessattar Zitouni, qui possède une expérience de près de 40 années dans les meilleurs restaurants du monde. En 2007, le restaurant La Marée de la rue Petrovka fut le premier à rejoindre la Chaîne des Rôtisseurs française, autorité en la matière, la plus ancienne des associations gastronomiques existantes. Par la suite, les restaurants ouverts sur la Malaïa Gruzynskaïa et dans la ville de Jukovka ont rejoint à leur tour les rangs de la Chaîne des Rôtisseurs, respectivement en 2010 et 2011. Une autre des fiertés de La Marée : la carte des vins, récompensée pour la cinquième année d’affilée par un diplôme de la prestigieuse revue de vin Wine Spectator, véritable autorité dans le domaine. Pour la 2ème année de suite, La Marée vous invite à fêter la Nuit du Nouvel An dans son restaurant de la rue Malaïa Gruzynskaïa. La fête promet d’être somptueuse et riche autant par son programme de divertissements que par le généreux menu du chef-cuisinier Zitouni avec tous ses mets fins : délices de la mer, foie gras, truffes, cailles… Vous serez agréablement surpris par l’authentique royaume des neiges avec bar de glace et figurines maritimes gelées : vous pourrez vous réchauffer avec de la oukha (soupe de poissons) bien chaude et de la viande au grill. La Nuit du Nouvel An 2012 à La Marée : c’est aussi, naturellement, huîtres et champagne à volonté. Pour les divertissements : le collectif Dedov Morozov, l’ensemble tsigane Chtar avec un programme de ses morceaux les plus passionnés, le groupe Pina Colada ou encore la danseuse Monica Mendes Correas, inscrite au Guinness des records. La Marée À Moscou : Petrovka, 28/2, M. Gruzynskaïa, 23, str.1 Rublevo-Uspenskoe chosse, d. Jukovka, 201 À Saint-Pétersbourg : Suvorovky prospekt, 34 Tel: +7(800)555 04 35 www.lamaree.ru 18 Du côté de chez vous Texte : Mikhaïl Mochkine, Evgueny Gladine, Moskovskye novosti Traduit par Julia Breen Photo : Ilya Epishkin, i-narodny.livejournal.com, www.onlife.me Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com La ceinture de l’espoir Des dizaines de milliers de personnes ont fait une queue de plus de 12 heures pour se recueillir devant la Sainte Ceinture de la Mère de Dieu RANET CLEANING & OUTSOURSING Nettoyage de bureaux Travaux d’intérieur Entreprises et particuliers +7 (495) 646 62 51 (fr), +7 (964) 646 62 51 [email protected] www.ranetclean.ru MOSCOU, SAINT-PETERSBOURG, +10 AUTRES VILLES ANNONCEZ ICI 690-64-39 L ’arrivée de la Sainte Ceinture de la Vierge à Moscou était la dernière étape du voyage de la relique à travers le pays. Le 20 octobre, la Ceinture avait été apportée depuis le mont Athos à Saint-Pétersbourg, où elle avait été accueillie par le Premier ministre Vladimir Poutine, le gouverneur Gueorgy Poltavchenko et le vice-Premier ministre Dmitry Kozak. La confrérie des moines grecs de Vatoped, qui possède la relique, avait toujours opposé un refus à toutes les demandes de la déplacer hors du monastère. La Russie fut le premier pays autorisé à accueillir la Sainte Ceinture de la Vierge, vénérée dans tout le monde chrétien. Cette « visite » n’aurait pas été possible sans la collaboration entre le clergé et l’État. Le fonds de l’apôtre Andreï Pervozvanny et le Centre de la gloire nationale de Russie, qui ont fait venir Appartements : Location Varsonofyevsky per., 133 m2. Charmant 4 pièces dans immeuble ancien restauré du quartier de Kitaï Gorod. Entièrement rénové design, matériaux naturels, meubles en bois. Le coût inclut les services d’une femme de ménage et une place dans le parking souterrain. 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Au long de tout son itinéraire, la Ceinture a été accompagnée par une quantité innombrable de fidèles : à Saransk, par exemple, modeste capitale régionale, l’objet saint a été honoré par au moins 70 000 personnes. À Pétersbourg, le délai moyen d’attente dans la queue était de 14 heures. À Samara, les fidèles (parmi lesquels des femmes portant des enfants dans les bras), ne supportant plus d’attendre debout dans le froid, ont brisé le cordon de police ; et, à Stavropol, une pèlerine de 84 ans venue de la ville ossète nord de Mozdok est morte dans la file d’attente. Vente Sretensky bd, 360 m2. Appartements somptueux dans immeuble historique de Chystie Prudy. Situation prestigieuse en plein cœur de la capitale, aménagement bien pensé, 6 pièces (salle de séjour, cuisine-salle à manger, 4 chambres), 3 salles d’eau, 2 cheminées. Non meublé. Surveillance 24/7. ID 18503, 8-903-667-7912, www.intermarksavills.ru/fr/ prestigieux quartier Arbat-Kropotkinsky. 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Tel. 8-929-999-15-77, 8(495) 924-25-88 Petites annonces 19 Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Les pèlerins étaient guidés non seulement par la foi, mais aussi par les paroles du patriarche Kyrill sur le fait que « de nombreuses maladies non soignées, notamment oncologiques, disparaîtront lors de la prière ardente face à cet objet saint ». C’est justement la prière pour une bonne santé qui a constitué la principale demande des croyants, pour le confort desquels les autorités moscovites avaient bloqué à la circulation presque toutes les rues adjacentes à la cathédrale du Christ Sauveur. Le long de la file d’attente ont été installées 350 cabines de toilettes. 14 fourgons d’aide d’urgence étaient en service et 6 points de ravitaillement en nourriture ont été disposés sur la rue Volkhonka et 39 sur les quais Prechtchistenka et Frunzenskaïa. Pour autant, il était extrêmement difficile de contrôler toute la masse des pèlerins présents (plus de 70 000 fidèles s’étaient déplacés pour la seule journée du 20 novembre). Aleksandr Doubinine est arrivé à la cathédrale du Christ Sauveur depuis la ville de Chelkovo en périphérie de Moscou à cinq heures du matin et ne comptait rentrer chez lui que 21 heures plus tard. « Je demanderai à la Vierge un dirigeant sage », confiait-il. « Nous allons prier pour la guérison de mes tics, sinon maman dit qu’ils vont finir par me tuer d’épuisement », expliquait de son côté Anton, un adolescent dans la queue. « Qu’est-ce qu’on vient demander à la Sainte Ceinture ?– Seulement une bonne santé !, affirmait enfin Youlya Demyanova, retraitée originaire de Lipetsk, avant d’ajouter : Espérons juste qu’on n’attrapera pas une pneumonie en attendant. » Les couvents russes conservent aussi des reliques de la Vierge qui, du point de vue de l’Église elle-même, ne le cèdent ni en signification ni en force curative à la Ceinture. Sans pour autant susciter de pèlerinages de masse. « Un morceau de la chasuble de la Sainte Mère de Dieu repose dans l’église du Christ Sauveur, et une petite partie de la Ceinture est conservée à la laure de la Sainte Trinité », rappelle Elena Jossul, professeur à l’Institut orthodoxe russe de Saint-Jean-Baptiste. Mais elle remarque que le voyage de la relique à travers la Russie a soulevé l’intérêt général, et attiré dans les lieux saints un public non familier des églises. « Énormément de gens sont venus voir la Ceinture, qui ne sont pas des paroissiens réguliers de l’église », déclare Jossul. L’événement a été utilisé par l’Église notamment aussi pour le lobbying de ses programmes sociaux. Comme on peut le lire dans le communiqué officiel du patriarcat : « Les villes qu’a visitées la Sainte Ceinture ont accueilli des manifestations s’inscrivant dans le cadre du programme « Sainteté de la maternité », qui vise à défendre les valeurs familiales traditionnelles et à mettre fin à la crise démographique et à la dépopulation du pays. » Dans certaines villes, la relique a été apportée dans les Centres de protection de la maternité et de l’enfance, qui « portent un réel secours matériel, psychologique et juridique aux femmes enceintes, contribuant à faire reculer l’avortement. » La loi récente « Sur la protection de la santé des citoyens » n’a pas été adoptée dans la version qui aurait convenu totalement à la hiérarchie orthodoxe : ainsi l’accent est-il mis aujourd’hui sur les campagnes publiques contre l’avortement et le phénomène des mères porteuses. Par ailleurs, la venue de centaines de milliers de croyants lors du transport en Russie de la relique orthodoxe vient confirmer le poids de l’Église orthodoxe, son statut d’institution sociale. On peut d’ores et déjà constater que le nombre d’orthodoxes qui se sont rendus dans l’église du Christ Sauveur dépasse la quantité de fidèles musulmans qui fêtaient récemment le Kurban Bayram dans les rues autour de la Grande Mosquée de la capitale. À en croire les sondages du VTsIOM, en une seule année (entre 2009 et 2010), la part de Russes déclarant appartenir à l’orthodoxie est passée de 70 à 75 %. Il faut dire cependant que, dans le même temps, 49 % des sondés reconnaissent ne pas lire les Saintes Écritures ; 17 % seulement de croyants vont à l’église, 11 % observent le carême et les fêtes religieuses, et 7 % prient et reçoivent les sacrements. PETITES ANNONCES Services juridiques Soloviev & Partners Conseil juridique; Droit des affaires; Droit du travail. 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Moscou Aéroport Cheremetievo F,E Les vols Aeroflot entre Paris / Nice / Bruxelles / Genève et Moscou Au départ des vols Air France à destination de Paris/ Marseille Swiss International Business Lounge, aéroport Domodedovo Cafés, bars, restaurants Akademia ArteFaq Bilingua Bistrot Canaille Bouillabaisse Boulangerie les frères Karavaevy Milyutinskiï Bulka Café Bouchon Café de Ville Café Gogol’ Café Michel Café Tchaikovsky Café Wolkonsky Bol.Sadovaïa, Moroseïka, Sretenka Champagne Bar Cappuccino Express Carré Blanc Chez Géraldine Coffee Bean Piatnitskaïa, Pokrovka, Sretenka, Leningradskiï pr., Khatchaturiana, Selskokhoziaïctvennaïa Courvoisier Crêperie de Paris Daïkon Ded Pikhto Delis Café Nikitskiï blvd. Dourov art-café Eat and Talk Filial Funky Lime Gavroch Glazur’ Il Forno In Vino Khlam Khleb i vino KM-19 Krisis Janra Kvartira 44 La Marée La Scaletta Lunchbox Le Pain Quotidien Les z’amis de JeanJacques Leonchio Marseille Mi Piace Bol. 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Contactez-nous au 8 (495) 690-64-39 ou sur [email protected] 20 Le Courrier de Russie Du 25 novembre au 9 décembre 2011 www.lecourrierderussie.com Enigma Texte choisi par Jean-Félix de La Ville Baugé Illustration : Giorgio Barbarelli da Castelfranco (Giorgione), Portrait of a Young Patrician Holding a Seville Orange with his Servant in the Background, 1502 Si vous trouvez l’auteur de ces lignes, envoyez un e-mail à [email protected]. Le premier à envoyer la bonne réponse gagnera deux tickets pour le ballet de Diana Vichneva au théâtre Stanislavski ou un abonnement internet gratuit au journal de trois mois. « Le cancer ne respecte pas l’argent. Offre-lui des milliards, il ne reculera pas. Une chose au moins devant laquelle tout le monde est à égalité. » « Il n’est pas naïf au point d’imaginer que le poète russe l’aimait. Peut-être pensait-il qu’il l’aimait bien, et en effet, il l’aimait bien, ne le trouvait ni stupide ni odieux. Il n’avait rien, personnellement, contre lui. Mais il se tenait devant lui, comme le moujik qui, tout en servant le barine, attend son heure, et quand cette heure sera venue, entrera par la grande porte dans la belle demeure pleine d’objets d’art du barine, saccagera ses objets d’art, violera sa femme, jettera le barine à terre et le rouera de coups de pied en riant de triomphe. La grandmère de Steven lui avait décrit la stupeur des nobles d’ancien régime quand ils ont vu se déchaîner ainsi leurs braves Vanias si dévoués, si fidèles, qui avaient vu naître leurs enfants, qui étaient si gentils avec eux, et Steven a dû, je pense, éprouver à son tour cette stupeur en lisant le livre de son ancien serviteur. Pendant près de deux ans, il avait côtoyé sans méfiance cet homme placide, souriant, sympathique, qui était au plus profond de son âme, son ennemi. J’imagine Steven lisant et se rappelant le jour -il l’avait totalement oublié- où il s’est emporté contre son serviteur pour une histoire de pantalon pas revenu à temps du nettoyage. L’autre a encaissé, le visage pâle, muré dans son expression impassible de Mongol. Une heure après, Steven s’est excusé, l’incident était clos, on en a ri - enfin, lui. Ce qu’il n’a pas soupçonné, c’est que si l’algarade avait duré quelques secondes de plus, son serviteur serait allé chercher le couteau à découper rangé dans le tiroir de la cuisine et l’aurait saigné, d’une oreille à l’autre, comme un goret (c’est du moins ce qu’il dit). Et le jour de la réception chez le haut fonctionnaire de l’ONU ! Il habitait la maison mitoyenne. Steven a fait un saut, en voisin. Il a bu du champagne dans le jardin éclairé par des photophores, parlé avec des diplomates, des épouses de diplomates, des congressmen, quelques chefs d’Etat africains. Ce qu’il n’a pas soupçonné, comment l’aurait-il soupçonné ?, c’est que de sa lucarne, là-haut, son serviteur les observait et que cette fête de puissants à laquelle il n’avait aucune chance d’être jamais convié l’a mis dans une telle rage qu’il est allé chercher à la cave un fusil de chasse de son maître, l’a sorti de son étui, chargé et s’est mis à en promener le viseur d’un invité à l’autre. Il en a reconnu un qu’il avait vu à la télévision : c’était le secrétaire général de l’ONU, Kurt Waldheim -celui dont on devait vingt ans plus tard, déterrer le passé nazi. Steven a échangé quelques mots avec lui, ce soir-là. Pendant qu’il lui parlait, son serviteur les tenait en joue. Quand ils se sont éloignés l’un de l’autre, il a suivi Waldheim de groupe en groupe, dans la petite croix du viseur. Son doigt se crispait sur la détente. C’était terriblement tentant. S’il tirait, il serait célèbre du jour au lendemain. Tout ce qu’il avait écrit serait publié. Son Journal d’un raté deviendrait un livre culte, la bible de tous les losers haineux de la planète. Il a joué avec cette idée, il s’est tenu au bord du geste fatal comme on se tient au bord de la jouissance, puis Waldheim est rentré à l’intérieur de la maison et, après un instant d’atroce déception, le serviteur s’est dit : « Au fond, tant mieux. Je n’en suis pas encore là. » Le pire, c’est ce qu’écrit le serviteur sur le petit garçon leucémique. C’était le fils d’autres voisins (...) : « Eh bien, il mourra de son cancer, le petit, et puis merde ! Oui, il est beau, oui, quelle pitié, mais je maintiens : et puis merde ! Tant mieux, même. Qu’il crève, le gosse de riche, je m’en réjouirai. Pourquoi devrais-je feindre l’attendrissement et la pitié alors que ma propre vie, sérieuse et unique, est saccagée par ces fumiers, tous autant qu’ils sont ? Meurs, petit garçon condamné ! Ni le cobalt, ni les dollars n’y pourront rien. Le cancer ne respecte pas l’argent. Offre-lui des milliards, il ne reculera pas. Et c’est très bien comme ça : une chose au moins devant laquelle tout le monde est à égalité. » Nous félicitons Monsieur Vincent Piron pour avoir été le premier à trouver la solution de notre dernière enigma : "Moscou-Petushki" de Venedict Erofeev.
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