Sans-abris: la saison a commencé page 15

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Sans-abris: la saison a commencé page 15
*
N°201 Du 25 novembre au 6 décembre 2011
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п р и л о ж е н и е м
Elizabeth Glinka :
Médecin des rues
pages 3-4
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р у с с к о м
OMC :
Entrée libre
pages 6-7
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Bimensuel
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Beaujolais
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Dans ce numéro
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Comment s’imp
en Russie ?
Sans-abris:
la saison
a commencé
Alba, Clochard
* Evropa Plious est la radio commerciale privée N°1 sur le territoire de la Russie. Elle émet depuis le 28 avril 1990 (licence radio obtenue le 9 avril 1992).
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15 ans en Russie
page 15
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02
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
Éditorial
On ne fait pas de gros noeud
avec de la petite ficelle.
Dicton normand
Texte : Jean-Luc Pipon
www.lecourrierderussie.com
Pipinnides
croire qu’on peut s’affranchir d’une nécessaire rectitude de pensée, on devient inintelligible pour les
autres.
17 novembre 2011, un jour à marquer d’une pierre
blanche ! Je ne suis pas parvenu à distinguer un vrai
français de quatre autres mélanges improbables.
Que les lecteurs bien-pensants se rassurent, il ne
s’agit que de vin et personne ne nie encore qu’il soit
rouge, rosé ou blanc. Couleur framboise, goût acidulé et fruité, le Beaujolais Nouveau se boit comme
de la grenadine durant six mois.
Sans grande complexité aromatique, difficile de
différencier le cru 2011 du mélange ayant retenu à
tort mes faveurs : un mélange « gamay de Touraine,
vin chilien » de l’année précédente. Certains diront :
qu’importe pourvu qu’on ait l’ivresse. Pas si sûr ! Si
le Beaujolais fleure le vin jeune, il n’en est pas moins
le fruit d’un terroir français et du travail d’hommes
qui méritent d’être salués.
Les maux du corps donnent l'idée de
la mort, les peines de l'âme celles de
l'éternité.
Plus on boit, plus on a soif.
Ovide - Les fastes
Ce soir-là, au restaurant La Parisienne à Moscou,
toute l’assemblée était justement venue déguster ce
Beaujolais dont tout le monde en France se moque
ou presque. Pas ou peu de Français, mais des
Russes, dont une Viktoria déguisée en Dalida, robe
longue et chignon façon choucroute, venue fêter ses
vingt-trois ans avec dix copines, un ami originaire
d’Odessa, un autre, Libanais élevé chez les Maristes
de Beyrouth, qui partage son temps depuis vingt ans
entre Saint-Germain en Laye et Moscou, une Tadjik
bien connue, et bien d’autres encore. Tous ont bu,
porté des toasts, dansé sur des chansons françaises.
En un mot, les convives ont célébré la France. Et
pour une fois, la France était loin de l’image trop
souvent présente dans l’esprit des Russes : un pays
aux rues sales voire dangereuses, plein de chômeurs,
d’étrangers et de bars gays.
L’instant d’un dîner, j’ai cru retrouver la Russie
d’il y a quinze ans où les gens qui vous regardaient,
vous renvoyaient immédiatement leur rêve de pays
de cocagne, leur admiration pour Voltaire, Diderot
et Alexandre Dumas. Sans parler de Napoléon ou
De Gaulle.
Aujourd’hui les Russes ne regardent plus les
Français avec les mêmes yeux. A qui la faute ? Aux
Russes eux-mêmes qui viennent en France et découvrent que la réalité n’est pas celle qu’ils imaginaient. Aux Français eux-mêmes non pas à cause de
ce qu’ils sont, mais de l’image qu’ils donnent d’euxmêmes. De belles paroles et des écarts incroyables
pour un résultat bien médiocre.
Des mots, seulement des mots. Comme ce modèle social sans cesse justifié par des valeurs déjà
anciennes et qu’aucun contemporain ne se risque
plus à décortiquer pour en comprendre le sens. Les
Français sont loin de Montesquieu, Tocqueville ou
Jaurès. A tout tordre, à tout justifier envers et contre
tout, y compris la logique la plus élémentaire, à
Astolphe de Custine
D’abord cette forte disparité de mœurs au sein de la
société civile et du monde politique.
D’un côté, des hommes politiques, écrivains ou
philosophes, au comportement très (trop) ouvert, et
pas seulement ceux qui fréquentent les grands hôtels à New-York ou à Lille. Nul doute que la publicité
de ces comportements débridés, conjuguée à une
pornographie omniprésente et des réseaux sociaux
incontrôlés, incite les plus jeunes à imaginer pouvoir
consommer du sexe comme on fait le plein de son
scooter, parfois en jetant le bidon après usage.
De l’autre côté, les adeptes du paradis perdu, de
gauche ou de droite : « le gouvernement du peuple
par le peuple pour le peuple » sinon « Dieu, la Patrie, le Roi». Mais qu’ils soient contemplatifs d’extrême-droite ou idéologues d’extrême-gauche, reste
à savoir ce qu’ils entendent par peuple. Le sentiment d’identité nationale est une contrevérité philosophique. Mise à toutes les sauces depuis 1789
: sous Napoléon, durant la première guerre mondiale, la deuxième guerre mondiale sous Pétain ou
avec De Gaulle, l’identité nationale n’engage que
ceux qui s’y laissent prendre. Seule, l’unité nationale considérée comme acte politique a un sens. En
outre, les nations doivent faire face à un nouveau
défi : un monde globalement plus large et plus interactif qu’elles-mêmes. Les hommes s’unissent et
se rassemblent en fonction de centres d’intérêt, de
modes de vie, de moyens de communication, indépendamment de leurs nationalités. Ce n’est un problème que pour les hommes politiques qui doivent
désormais considérer des questions globales qu’ils
ne contrôleront jamais que partiellement. Ce n’est
qu’une mise à l’épreuve supplémentaire de l’action
politique, mais d’autant plus difficile qu’elle est généralement comparative.
Comment ne pas voir que la promesse d’un paradis terrestre envers et contre tous est une parfaite
utopie ? Mais rien n’y fait. Les socialistes affichés,
contestataires façon « rose rouge à la main », croient
toujours qu’ils peuvent promettre la lune. Qu’ils
consultent les Russes pour savoir combien coûtent
les rêves. Aujourd’hui encore, malgré beaucoup de
pragmatisme et de prudence, les Russes apprennent
ce que signifie faire face aux difficultés. Savoir encaisser encore et toujours, comme avec les récents problèmes de lanceurs Soyouz ou la perte prématurée de
la sonde Phobos Grunt. A tout seigneur, tout honneur. Il n’y a plus qu’eux pour ravitailler l’ISS. Si les
étoiles coûtent si cher, peut-être vaut-il mieux suivre
M. Mélenchon, l’ancien trotskiste, lambertiste, socialiste, etc..., qui, d’une voix sucrée, qualifie François Hollande de capitaine de pédalo ? Prudence. Il y
a plus de cinq ans deux journalistes préféraient comparer M. Hollande à un culbuto et il se pourrait bien
que celui-ci se rétablisse avant que M. Mélenchon
n’émerge lui-même de son nouveau courant.
Il y a aussi les « EELV » encore plus rapides
à se diviser qu’une éolienne à détruire un paysage.
Adeptes des terroirs et des coutumes locales, des
produits bio (y compris le carburant dont le premier
effet est de détruire la forêt partout dans le monde),
du développement durable (comprenez non-rentable), ils veulent faire table rase de l’énergie nucléaire, l’EPR, le MOX, des nitrates et autres engrais. Comment ? Nul ne sait vraiment, sinon par
une évidente « OGMisation » de la société : tous
pareils, taxés, vaccinés, calibrés et labellisés, aidés
et probablement bientôt tous frigorifiés.
Il y a enfin ceux qui nous gouvernent et qui
taxent les sodas, augmentent le prix du tabac et de
l’express du matin. Rien de mirobolant. Il faut dire
qu’ils n’ont pas le temps, trop occupés à gérer la
crise et la paix du monde. Qu’ils disent et fassent
ce qu’ils veulent, la France et l’Europe sont en
pleines Pipinnides. Pareils aux Mérovingiens d’autrefois, les gouvernants tombent du fait de l’absence
de réel pouvoir. Impossible de dilapider plus avant
les ressources des Etats pour s’attirer la fidélité des
peuples. De nouveaux maires du palais risquent
de prendre la place tôt ou tard. A moins qu’ils ne
parviennent à changer le modèle, mais sur quelles
bases ?
Je ne comprends décidément pas pourquoi il est plus glorieux de bombarder de
projectiles une ville assiégée que d'assassiner quelqu'un à coups de hache.
Fiodor Dostoïevski
La culture française, c’est tout le contraire de
quelques idées nouvelles. La culture française, c’est
avant tout des principes universels, tels que les droits
de l’homme. Contemplant son verre de Beaujolais et
s’adressant au Français, le Russe songera admiratif
au principe de liberté des peuples à disposer d’euxmêmes. Mais là surprise, le Français lui annoncera
qu’il a un train de retard depuis que BHL est sorti
de sa boîte et part en guerre où bon lui semble. En
Lybie, en Syrie. BHL, prétendu défenseur de la dignité de l’homme pour lequel l’art de la philosophie
ne vaut que s’il est un art de la guerre. De là à combattre tous ceux qui ne pensent pas comme lui.
Le droit d’ingérence : la belle affaire. Il ne s’agit
bien souvent que de belligérence. Que la France
fasse preuve de retenue car c’est toute sa culture
qu’elle fait aujourd’hui vaciller. Demain, les Chinois
auront beau jeu de bombarder la France ou l’Allemagne quand, comme à Madrid ou Barcelone, des
indignés occuperont toutes les places de Paris ou
de Berlin. Alors, la France ? Tout un symbole, rien
qu’un symbole ? La Chine, l’Inde, les BRICS peuvent toujours s’éveiller, ce qui compte pour l’Europe,
c’est d’abord de trouver ou retrouver ses valeurs.
Tranches de mort
Franck Vinchon vit à
Moscou depuis 5 ans
et travaille comme
directeur stratégique au
sein du Groupe BBDO. Il
a travaillé dans plusieurs
pays en Europe, dans
de grandes agences
internationales, et a
participé à des projets
ayant reçus de nombreux
prix publicitaires. Sa
carrière l’a emmené en
Russie en 2006. Cette
rencontre avec le pays
aura tout changé. Revue
d’inventaire rapide.
Il occupe la plus grande
partie de son temps libre
à développer des projets
artistiques. Observant
une difficulté des Russes
à s’enthousiasmer sur
des projets de création
alternatifs, il lance le magazine gratuit unleash.
pdf qui met en avant
des projets puisés dans
toutes les sphères artistiques internationales
et locales. Frustré par
le manque de moyens
donnés aux jeunes en
Et Franck a toujours été
intéressé par les grands
sujets de ce monde mais
son style décalé et la
création d’un imaginaire
surprenant fait de ses
projets, des expériences
inédites.
‘Tranches de Mort’, son
premier livre, est un
contre-pied aux idées
reçues et emprunte
Russie, il crée le collectif beaucoup à l’absurde
Ipeka, pour aider des
d’auteurs russes comme
artistes russes sans réelle Sorokine ou Pelevine.
visibilité, les mettant
Mourir devient alors
en relation ou en leur
toute une histoire. Tous
donnant accès à des
les personnages permetpersonnes confirmées.
tent de pointer du doigt
Franck a aussi écrit et
des dérives de notre
participé à de nombreux
société mais aussi de
courts-métrages, dont un mettre en scène un uniest en préparation avec
vers des plus cyniques,
une jeune maison de
décalés, divertissants et
production moscovite, il
bourrés de références
a développé des projets
pop. Un reflet imaginaire
artistiques avec le MOMA et distancié qui a été
et d’autres galeries de
influencé par une Russie
Moscou. Il est un peu
en pleine crise d’adolesdifficile à suivre…c’est
cence.
l’énergie d’un pays en
Livre disponible sur Amazon
pleine mutation qui le
et toutes les librairies en
pousse toujours plus loin. France.
Rédactrice en chef
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[email protected]
Rédacteurs
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Maria Gorkovskaya, Vera Gaufman
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Edité par
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(Nouveau Siècle Média)
Enregistré auprès du TsTU
du Ministère de la presse et des
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PI N. 1-01029
Directeur de la publication
Jean-Félix de La Ville Baugé
Fondateurs
Philippe Pelé Clamour
Jean-Luc Pipon
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Le journal est distribué
gratuitement et sur abonnement.
Il est imprimé à partir de films au
OAO Moskovskaia Gasetnaia
Tipografiia,
123995, Moscou,
Oulitsa 1905 goda, dom 7.
Volume 3 p.l.
Tirage 22 000 exemplaires
Commande N° 4335
Donné à imprimer
le 23 novembre 2011
Éminence
La misère d’un enfant intéresse une mère, la misère d’un
jeune homme intéresse une jeune fille, la misère d’un
vieillard n’intéresse personne
Victor Hugo, Les Misérables
Propos recueillis par Jean-Félix de La Ville Baugé
Photo : Galina Kouznetsova
03
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
Elizabeth Glinka « Les Russes ne sont
pas plus cruels que les Américains »
Le docteur Elizabeth Glinka, après avoir été médecin aux États-Unis et en Ukraine, est revenue vivre à Moscou où elle a fondé l’association Secours Juste qui vient en aide aux sansabris et aux malades démunis.
Le Courrier de Russie : Parlez-nous de
votre enfance.
Elisabeth Glinka : J’ai grandi dans une famille soviétique normale, ma mère était médecin et mon père était militaire. J’ai fait la
faculté de médecine de Moscou.
LCDR : Et après ?
E.G : Je me suis mariée et suis partie vivre
aux États-Unis pour suivre mon mari. J’y ai
fini mes études. Il y a cinq ans, je suis revenue en Russie.
LCDR : Pour quelles raisons ?
E.G : Pour des raisons personnelles. [Dans
d’autres media russes, Elizabeth Glinka a
déclaré qu’elle était revenue pour s’occuper
de sa mère âgée et malade et que, découvrant
les lacunes du système médical russe, elle
avait décidé de créer son organisation, ndlr.]
LCDR : Pourquoi alors avoir créé votre association Secours Juste ?
E.G : J’ai toujours aimé porter secours là où
il n’est pas porté.
LCDR : Mais pourquoi particulièrement les
sans-abris ?
E.G : Il n’y a pas d’autres domaines où le niveau d’aide est aussi faible. Il y a deux niches,
les mourants et les sans-abris.
LCDR : Comment vous êtes-vous organisés au début ?
E.G : Ma toute première organisation était
en Ukraine, nous avons créé là-bas le pre-
mier hospice gratuit, de vingt-cinq places,
pour donner aux cancéreux des soins palliatifs. Le gouvernement nous a donné une salle,
un téléphone et cent dossiers de malades.
pour ce qui ressort des soins palliatifs, quantité de malades qui augmente, capacités
d’accueil limitées, bas salaires dans le domaine hospitalier.
LCDR : Vous avez fait ça pendant longtemps ?
E.G : Dix, onze ans, avant de rentrer en Russie.
LCDR : L’État vous aide-t-il dans le financement de votre association ?
E.G : Non. Je ne reçois aucune subvention.
Je ne travaille que grâce à des dons privés.
« Les systèmes médicaux russe
et ukrainien souffrent des mêmes
lacunes »
LCDR : Voyez-vous des différences entre
le système médical ukrainien et le système
russe ?
E.G : Aucune. Ce sont toujours les mêmes
problèmes : contraintes financières surtout
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LCDR : Et c’est assez ?
E.G : Non ce n’est pas assez, je n’aide pas
tout le monde et les malades sont de plus en
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04
Éminence
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
Propos recueillis par Jean-Félix de La Ville Baugé
Elizabeth Glinka « Les Russes ne sont
pas plus cruels que les Américains »
LCDR : Pourquoi ?
E.G : Parce que notre fondation devient de plus en plus
connue et de plus en plus de gens s’adressent à nous.
Pour les fêtes de
fin d’année,
offrez une vision
différente de
la Russie
LCDR : Comment s’organise votre vie ? Parvenezvous à avoir une vie privée ?
E.G : En hiver, mon travail m’occupe complètement
mais en été, il y a moins de malades et moins de SDF,
ils sont au chaud et peuvent trouver de la nourriture, j’ai
alors plus de temps pour mes propres enfants.
LCDR : Et le gouvernement dans tout ça ?
E.G : Mon initiative ne s’appuie sur aucun projet général en la matière, même s’il y avait vingt-cinq organisations comme la mienne, ça ne changerait rien et la
dernière loi sur la santé ne me donne aucun espoir sur
le développement de la médecine d’État.
« La nouvelle loi sur la santé m’inquiète »
LCDR : Pourquoi ?
E.G : Elle ne garantit rien aux infirmes, certains services
deviennent payants et les gens devront finalement payer
pour tout. Cette loi s’applique à compter du 1er décembre
prochain et à partir de cette date, il y aura encore plus de
gens qui ne pourront pas s’offrir de soins.
LCDR : Quels services deviennent payants ?
E.G : En fait la loi est floue et dit que certains standards
minimums doivent être respectés mais ils ne sont pas
détaillés...
LCDR : Etes-vous aidée par d’autres organisations ?
E.G : Non.
LCDR : Vous connaissez le Samu Social ?
E.G : On se croise dans les gares.
LCDR : Quels sont les domaines d’activité de votre
organisation ?
E.G : Elle s’adresse aux mourants, aux infirmes démunis, aux condamnés par une longue maladie et aux SDF.
« En Russies »
livre de photographies de
James Hill
commentées en français,
russe et anglais
LCDR : Comment traitez-vous particulièrement les
mourants démunis ?
E.G : Nous allons les voir chez eux et nous leur procurons des soins médicaux. Nous en avons huit mais le
mois dernier, quatre sont morts.
LCDR : Et les patients démunis et condamnés ?
E.G : Nous avons cinquante-sept familles à qui nous
apportons une aide surtout alimentaire.
LCDR : Et les SDF ?
E.G : Cent par jour.
LCDR : Pourquoi faire ce que vous faites ?
E.G : Je ne sais pas. J’aime bien mon travail.
« Je suis une nounou et une surveillante »
LCDR : Le sentiment de faire ce que vous devez faire ?
E.G : Non. J’aimerais travailler comme médecin
comme je l’ai fait auparavant. Ici je suis une nounou,
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LCDR : Comment décririez-vous l’attitude de la population envers les mourants et les infirmes ?
E.G : L’attitude envers les mourants et les infirmes
change très lentement, en Russie, ils sont toujours
considérés comme des débris de la société. On en parle
beaucoup avant chaque élection mais rien ne change,
il n’y a toujours pas de rampes pour handicapés devant
les pharmacies, les magasins, les musées... et dans les
régions, c’est encore pire, il y a des centaines d’infirmes
qui ne sortent pas de chez eux. Vous savez, je ne crois
pas que les gens soient plus cruels en Russie qu’aux
États-Unis, la différence est qu’ici le gouvernement ne
veut pas dépenser plus et préfère mettre tous les gens
qui le dérangent dans un coin sombre pour ne pas les
voir.
LCDR : Quelle relation avez-vous avec tous ces gens
que vous aidez ?
E.G : En fait, comme me l’a dit une fois un collègue
aux États-Unis, ce sont nos amis, c’est ainsi que je les
reçois et ainsi que je tente de les traiter.
LCDR : Votre organisation a-t-elle des objectifs chiffrés ?
E.G : Je n’ai pas de projet et vis au jour le jour comme
mes patients.
LCDR : Quel est votre sentiment sur la Russie d’aujourd’hui ?
E.G : Je ne fais pas de commentaires politiques. Je note
trois points négatifs : l’augmentation du nombre de SDF,
de gens démunis et la situation catastrophique dans les
régions. Et trois points positifs : les gens qui me proposent leur aide sont plus nombreux qu’au début, d’autres
essayent de faire comme moi dans les régions et tout le
monde espère.
LCDR : Comment expliquez-vous cette augmentation du nombre de SDF et de gens démunis ?
E.G : Il y a deux grandes catégories de SDF : les gens
sortis de prison et d’orphelinat. La charnière est le moment où une personne perd son appartement, à partir
de ce moment-là, il ne sait plus où revenir, il se retrouve
dans la rue et disparaît. En fait, le problème principal est
le chômage, le chômage oblige les gens à aller dans la
rue. Il y a d’ailleurs moins de femmes et plus d’hommes
dans les rues.
LCDR : Pourquoi ?
E.G : Les femmes périssent plus que les hommes dans
la rue et ont de plus grandes capacités de survivre sans
y aller, en lavant les escaliers par exemple, les hommes,
quand ils perdent leur travail, sombrent dans la drogue,
l’alcool et forcément la mort.
LCDR : Y-a-t-il des SDF qui retournent à la vie normale ?
E.G. : Sur dix SDF, un seul va s’en sortir et seulement
si on lui offre une chance. Nous essayons toujours de
trouver leurs familles et de les renvoyer chez eux. Ils
vous disent tous qu’ils veulent en finir avec leur vie dans
la rue mais tous n’ont pas les moyens de le faire.
LCDR : Quel type de relation entretenez-vous avec
la Russie ?
E.G : Evidemment, à l’étranger, je me sentais aussi
russe et je me sens mieux ici.
« La Russie évoque pour moi l’amour »
LCDR : Quelle image la Russie évoque-t-elle pour
vous ?
E.G : L’amour, c’est quelque chose que je vois et c’est
quelque chose qui me semble pouvoir la résumer.
LCDR : Vous avez des rêves ?
E.G : Mon rêve est d’avoir une maison à part pour recevoir les gens et les nourrir. En fait, nous louons nos
locaux à la ville. Vous voyez comme c’est petit et mal
chauffé ici.
LCDR : Des regrets ?
E.G : Non.
LCDR : Et la religion dans tout ça ?
E.G : C’est une question compliquée, je suis orthodoxe
et si mon organisation est laïque, la religion existe dans
ma vie privée.
LCDR : Avez-vous des demandes à formuler à des
gens qui voudraient vous aider ?
E.G : Je ne veux rien demander. S’ils veulent m’aider ils
n’ont qu’à trouver notre adresse et venir.
Retrouvez notre interview du fondateur du Samu
Social International Xavier Emmanuelli « Je ne
suis qu’un petit corse sentimental » sur lecourrierderussie.com
À la une
Le spectacle du monde ressemble à celui des Jeux
Olympiques: les uns y tiennent boutique; d’autres paient
de leur personne; d’autres se contentent de regarder.
Pythagore, extraits des Fragments
Texte : Dmitriy Maïorov, Viktor Dyatlikovitch,
Russkiy reporter
Traduit par Julia Breen
05
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
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Les deux vies de Sotchi
À quel point le projet architectural olympique de la ville est-il un succès ?
Le fait que le Sotchi habituel cesserait définitivement d’exister est devenu évident au moment précis où la Russie a remporté le
concours pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2014. Aujourd’hui, non seulement la ville mais également toute la région ont
des airs de chantier géant. Et l’on peut déjà deviner à quel point le projet Sotchi se révèlera efficace. Le « nouveau Sotchi » sera-t-il
confortable et agréable à vivre, ou bien se crée-t-il exclusivement pour les athlètes et les invités des Jeux Olympiques ?
« Le sens de n'importe quel projet d'urbanisme réside dans l’amélioration, en définitive, de la vie des citadins. Quand je regarde
Sotchi, je ne peux pas dire si oui ou non la vie
des gens sera meilleure ici », déclare Eleonora
Chevtchenko, directrice adjointe de l'Institut
scientifique de théorie de l'architecture et de
l'urbanisme.
Les exemples de villes que l'on a transformées en vue des Jeux Olympiques (JO)
et où l'on ne sait plus que faire de l’héritage
olympique ne manquent pas. À Athènes, qui a
accueilli les JO en 2004, la vie ne bat – et faiblement du reste – que dans six des 22 sites
olympiques. Cet exemple ne risque-t-il pas de
se répéter à Sotchi ?
Succès
« Des JO sans embouteillages ! Je le promets »,
annonçait Vladimir Poutine en 2007 lors de la
conférence de présentation de « Sotchi 2014 »
au Guatemala.
Les habitants de Sotchi assurent que
leurs embouteillages concurrencent ceux de
Moscou. La cause en est la dépendance de la
ville à une route unique longeant la berge de
la Mer noire. La tentative de résoudre le problème du transport par le recours à des routes
de contournement constitue peut-être la
tâche la plus ambitieuse du projet olympique.
La première d’entre elles est parallèle à la
voie automobile reliant Adler à Krasnaïa Polyana. Avec la ligne de chemin de fer, elle nécessite un budget de 200 milliards de roubles.
La deuxième route qui soulagera l’avenue
Kourortny de Sotchi, doit traverser la ville de
part en part. Elle doit compter neuf tunnels et
13 estacades, coûtera 100 milliards supplémentaures au budget fédéral.
Les doublons jouent leur rôle. Ce fait est
reconnu même par les adversaires les plus
enragés de leur tracé. Ces derniers ne peuvent que contester leur coût : le jeu en vautil la chandelle ? Dans le cas du doublon de
l’avenue Kourortny par exemple, des sommes
énormes sont dépensées pour percer la route
à travers des zones urbaines densément
construites. Les uns sont relogés, les autres
devront vivre près de l’autoroute.
« Parmi les infrastructures non sportives, j’isolerais sans doute la multigare de
cinq étages à Adler, déclare le directeur de
la Société nationale d’urbanisme, Aleksandr
Krivov. L’intérêt, là, réside dans la réunion,
sur un ensemble unique, des terminaux maritimes et terrestres. »
Dans la conception de ses promoteurs, ce
complexe de 30 000 mètres carrés deviendra
le plus gros nœud de croisement de la région,
réunissant tous les types de transport de passagers : chemin de fer, transport automobile
et transport maritime. Et des trains express le
relieront à l’aéroport international de Sotchi.
La multigare, semble-t-il, est une entreprise tout à fait valable. C’est une construction qui n’est ni strictement sportive ni purement commerciale : elle continuera de
fonctionner aussi après les JO, attirant les
touristes, aidant les citadins.
La deuxième composante essentielle du
projet Sotchi, ce sont les équipements sportifs,
à proprement dit et la question se complique
avec le cluster sportif principal, qui s’étend
dans le Parc olympique sur la vallée Imeretin.
Ce sont les Grande et Petite pistes de glace,
le centre de patinage et la piste de curling, le
Stade olympique central. Se demander à quoi
ils pourront bien être employés après les JO
tient du casse-tête. Les Chinois, de leur côté,
ont par exemple fait du stade olympique « Nid
d’oiseau » un centre commercial et de loisirs :
il n’est utilisé qu’à de très rares occasions
dans sa vocation première.
Pour l'heure, la construction a apporté
aux habitants de Sotchi des avantages quotidiens évidents.
« Ça va un tout petit mieux avec l'eau et
l'électricité. Ils les coupent moins souvent »,
admet la rédactrice en chef de la revue Architecture de Sotchi, Natalia Zakharova.
Les anciens circuits de canalisation d'eau
ont commencé d'être rénovés et un nouveau
système de canalisations est promis pour
2014. En outre, on construit des stations
d'épuration et des collecteurs d'eau : et personne ne pourra plus surnommer Sotchi la «
ville sans canalisations ».
Déboires
La question la plus douloureuse quant à
l'entreprise de construction est la suivante :
pourquoi un Parc olympique dans la réserve
de la vallée Imeretin, que le gouvernement de
Nikolaï II considérait déjà, en 1911, comme
une zone naturelle spécialement protégée ?
« Je ne sais pas pourquoi ils ont choisi
cet espace en particulier et je ne considère
pas que ce soit la meilleure des décisions,
juge Edouard Tovmassian, directeur de la
planification urbaine pour le développement
du territoire au sein de l’Institut central de
recherches en urbanisme près de l’Académie russe d’architecture et des sciences
de la construction. Si on n’a rien construit
là pendant des siècles, considérant le lieu
comme une réserve naturelle, il doit bien y
avoir une raison, bon sang ! » Les militants
de la « Loge pour le Caucase Nord » sont
d’humeur encore plus sombre. À côté de
l’aspect strictement écologique, ils attirent
l’attention sur le fait que la vallée Imeretin
n’est, au fond, qu’un vaste marais. Ce qui
donne toutes les raisons de douter de la viabilité de stades construits sur un tel sol.
« Toute entreprise d'une envergure semblable à celle de la préparation des JO se
trouve nécessairement des ennemis. C'est
un élement qu'il faut absolument prendre en
compte quand on se trouve face à de telles
accusations, répond Aleksandr Krivov. Et,
plus largement, toute construction d’envergure implique des conséquences négatives
sur l’écologie. Il faut certes les réduire, mais
leur existence est inévitable ; c’est une chose
qu’il faut accepter. »
Les ingénieurs de l’université de Moscou
du bâtiment (MGSU) ont ajouté, le mois
dernier, de l’huile sur le feu en déclarant que
le coefficient de réduction – qui détermine
le maintien d’un édifice en cas de tremblement de terre – a été mal calculé lors de la
construction des tours dans la capitale des
futurs JO. Il a été, à des fins d’économie, surélevé. C’est-à-dire que le doute plane sur
la solidité des constructions non seulement
dans la vallée Imeretin, mais également en
pleine ville ; les constructions faites pour résister à un tremblement de terre de force 9
pourraient déjà s’effondrer avec une force 6-7.
En réponse, l’architecte en chef de Sotchi,
Oleg Cheveïko, a qualifié ces déclarations de
« bêtises de gens éloignés de la réalité ».
Mais c’est, visiblement, plutôt de l’ordre
du détail. Autrement significatif est le grief
des spécialistes et des habitants de Sotchi à
l’égard des constructions olympiques sur le
fait que la conception de ces dernières n’a
pas été coordonnée avec la planification générale du développement de la ville.
« Les sites qui se bâtissent en vue des JO
sont construits selon une ligne commune,
ils sont reliés et forment un système plus
ou moins harmonieux, mais qui n’a, avec
le développement global de la ville, qu’un
rapport minimal, déplore Natalia Zakharova.
Sotchi vit aujourd’hui dans deux réalités parallèles. D’un coté, c’est vrai, on assiste à
la réalisation de toute une série de projets
intéressants mais coûteux. Et de l’autre, les
habitants se retrouvent souvent exclus de
la rénovation de la ville. On érige en masse
des sites commerciaux, de nouveaux hôtels,
des centres de loisirs, mais du côté des immeubles municipaux, on repeint simplement
les façades. »
« Je suis stupéfait par le caractère fermé
de ce chantier du siècle, déclare Youri Ko-
riakine, membre de la Société des experts de
l'Union russe des architectes. Les concours
se sont déroulés de façon purement formelle.
On ressent l'isolement autant des citoyens
que de la communauté professionnelle. »
Ce fossé entre la construction olympique
et la vie de la ville est aggravé par le fait que
les habitants de Sotchi ne travaillent pratiquement pas sur les chantiers.
« Ce n’est pas parce qu’ils ne le veulent
pas qu’ils n’y travaillent pas, mais parce qu’il
n’y a pas de place. Les ouvriers, les ingénieurs, les managers… sont tous amenés par
les entrepreneurs », insiste Natalia Zakharova.
Pourtant, sur le papier, le chantier devait
donner une impulsion au développement de
Sotchi précisément en attirant les locaux : en
qualité de constructeurs, chefs de chantier,
fournisseurs. Mais les PME de Krasnodar
n’ont pas été invitées à la distribution des
parts du gâteau olympique.
Lecture comparée
Le projet Sotchi ne pourra éviter la comparaison avec d'autres villes ayant accueilli les JO.
Évidemment, si on se limite aux seules capitales des Jeux d'hiver, Sotchi éclipse toutes
les autres par l'ampleur de ses ambitions et
de ses dépenses.
Vu le volume de financement de ses ambitions, Sotchi 2014 doit plutôt être comparée aux villes ayant accueilli les JO d'été. En
matière de dépenses pour les infrastructures
de transport, par exemple, Sotchi et Londres
sont à égalité : la capitale britannique a investi 6,5 milliards de livres dans de nouvelles
routes et bifurcations, soit à peu près l'équivalent des investissements russes dans les
routes de contournement.
Pourtant, le caractère des tâches qui se
dressaient face aux autorités à Sotchi et à
Londres était différent. En effet, les JO 2012
ont transfiguré seulement la partie orientale
de la ville : un secteur au passé récent dépressif et criminel, une zone industrielle abandonnée entourée de quartiers pauvres. Le projet
de Sotchi, quant à lui, vise à donner une impulsion au développement non d’une partie
de la ville, mais de toute la région.
Il reste à espérer que le potentiel économique, constructeur et technologique mobilisé par le projet « JO-2014 » sera réalisé aussi
dans l’intérêt des simples habitants. Car,
dans le cas contraire, Sotchi risque de devenir
précisément cette « ville des contrastes » où
hôtels chics et routes grandioses côtoieront
une vie de tous les jours parallèle – et pas
olympique pour un sou.
06
Secteur
Le commerce unit les hommes, tout ce qui les unit les
coalise, le commerce est donc essentiellement nuisible
à l’autorité.
Napoléon Bonaparte
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
Propos recueillis par Jean-Didier Revoin
L’adhésion à l’OMC relance la
Russie sur la scène internationale
Ça y est presque. Après 18 années de négociations – et à moins d’une grosse
surprise –, la Russie intègrera l’OMC (Organisation mondiale du commerce)
dans le courant de l’année prochaine. Figurant parmi les principaux exportateurs de matières premières, la Russie a-t-elle vraiment besoin de rejoindre l’organisme international de régulation des échanges commerciaux ? Et quelle
influence cette adhésion aura-t-elle sur son économie ? Deux chercheurs de la
Haute école d’économie de Moscou, Alexeï Portanskiï et Maxim Braterskiï, répondent aux questions du Courrier de Russie.
L’OMC en bref
Le Courrier de Russie : L’adhésion à l’OMC estelle une bonne chose pour la Russie ?
L’OMC, ou Organisation
mondiale du commerce,
siège en Suisse, à Genève, et a pour vocation
de fixer les règles auxquelles doivent obéir les
échanges commerciaux
entre ses États membres.
Succinctement, ces
règles se basent sur
deux grands principes.
Le premier est celui de
non-discrimination entre
les États membres : les
normes (sanitaires, techniques, etc...) autorisant
un pays membre de
l’organisation à exporter
dans un autre pays
membre doivent être les
mêmes pour l’ensemble
des pays adhérents.
Deuxièmement, les pays
membres ne peuvent
percevoir, lors de l’entrée
de marchandises étrangères sur leur territoire,
de droits de douane
supérieurs à ceux fixés
par l’OMC. Il existe
cependant des dérogations – pour certains
pays, secteurs économiques ou types de
marchandises – dont la
durée peut aller jusqu’à
plusieurs années.
Maxim Braterskiï (MB) : Avant de se demander
si c’est ou non une bonne chose, il faut se pencher
sur les raisons qui ont poussé la Russie à vouloir
y adhérer. Juste après l’effondrement de l’Union
soviétique, les exportations du pays étaient dominées à 95% par le pétrole et le gaz, marchandises
qui s’échangent indépendamment des règles de
l’OMC. Il n’y avait donc aucun intérêt concret à y
adhérer, même si les autorités russes avaient déjà
déposé leur candidature. Il a fallu attendre la crise
de 1998 – avec le défaut de paiement de la Rus-
sie – et la dévaluation du rouble qu’elle a entraîné
pour que la production domestique connaisse
un véritable développement et que d’autres secteurs économiques songent à exporter. Et comme
cette même période voyait l’adhésion à l’OMC
de la Chine, l’intégration de la Russie est devenue une priorité pour un Vladimir Poutine qui se
désolait de voir les produits d’exportation russes
discriminés à l’entrée sur les marchés américain
ou européen, par exemple. Aujourd’hui, ce qui
touche à l’énergie – et n’est de fait pas concerné
par les règles de l’OMC – ne constitue plus que
la moitié des exportations russes. Actuellement,
la question est de savoir si la Russie doit ou non
ouvrir son marché intérieur pour assurer le développement de secteurs qui gagneront à pouvoir
exporter. Mais, dans le même temps, cette ouverture ne signerait-elle pas l’arrêt de mort de certaines autres branches ?
Alexeï Portanskiï (AP) : C’est une bonne chose,
oui. L’intégration signifie la suppression des barrières à l’exportation pour les entreprises russes.
Et, surtout, l’abolition des obstacles techniques.
Les produits russes ne se verront plus interdire
l’accès aux marchés étrangers sous prétexte qu’ils
ne respectent pas les normes techniques ou sanitaires des pays déjà membres de l’organisation
Siège de l'OMC à Genève
Secteur
07
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
Usurpation des
noms de marques
sur Internet
Le business étant de plus en
plus localisé sur Internet, les
cyber-violations se multiplient
et se perfectionnent
Les céréaliers russes attendent beaucoup de l'entrée de leur pays à l'OMC
internationale. C’est encore une bonne chose car
la Russie, en tant que membre du G8, ne peut
plus rester en dehors des institutions de gouvernance mondiale que sont l’OMC, le FMI (Fonds
monétaire international) ou la Banque mondiale
(BM). Actuellement, le président est mal à l’aise
lorsque, lors des réunions du G20 par exemple, il
ne peut s’exprimer sur certains points de l’ordre
du jour du fait de la non appartenance russe à
l’OMC. Une adhésion viendra rétablir l’équilibre.
LCDR : Plus concrètement, quels changements positifs peut-on attendre en Russie
après l’adhésion ?
MB : L’adhésion permettra aux entreprises exportatrices actives dans d’autres domaines que
l’énergie d’accéder aux différents marchés mondiaux aux mêmes conditions que leurs concurrents. Mais au-delà, cette entrée dans l’OMC
est signe que la Russie accepte les règles qui
organisent le commerce mondial. Et qu’elle
devient, dès lors, plus sûre, plus fiable, plus accueillante aux yeux des investisseurs étrangers :
ces derniers auront moins de réticences à faire
des investissements directs en Russie, ce qui
ne peut que constituer un plus pour l’économie
nationale.
AP : Vous savez, les Russes ne verront pas de
changements flagrants dans leur quotidien dès
le lendemain de l’adhésion. Pourtant, ses effets
se feront sentir sur le système juridique : les
règles de l’OMC vont primer sur le droit national, ce qui entraînera de facto une amélioration
de la justice russe. Ce renforcement du système judiciaire offrira à son tour des garanties
accrues de sécurité du droit aux investisseurs
étrangers, qui seront ainsi plus enclins à développer leurs activités dans le pays. Enfin, grâce à
ces nouvelles règles unanimement reconnues à
l’échelle internationale, les entreprises « transparentes » pourront mieux se défendre face à ce
que j’appelle « l’économie de l’ombre ».
LCDR : Quels sont les risques qu’encourt la
Russie ?
MB : Les inconvénients, comme les avantages,
seront répartis sur l’ensemble de l’économie nationale. La Russie a toujours fait savoir qu’elle
n’était pas prête à une intégration à n’importe
quel prix. Si elle décide aujourd’hui de rejoindre
l’organisation, c’est qu’elle n’a pas beaucoup
à y perdre. Elle a pu négocier des délais pour
abaisser progressivement au niveau des minima
fixés par l’OMC les taxes qu’elle prélève sur certains biens (sept ans pour les automobiles, par
exemple). En matière d’agriculture, la Russie
a obtenu le droit de maintenir des subventions
plus élevées que ce qu’elle dépensait traditionnellement pour le secteur. D’autre part, il est
encore tôt pour savoir quels domaines d’activité seront touchés par l’ouverture des frontières
russes à la production étrangère. Quant aux
consommateurs russes, ils ne doivent pas se réjouir trop vite. Dans de nombreuses branches –
comme les vêtements, les textiles ou certains
produits de consommation courante –, les
droits de douane sont déjà au niveau minimal
fixé par l’OMC.
AP : Selon les termes de l’accession de la Russie
à l’OMC, aucune industrie en tant que telle ne
sera perdante. Certes, des entreprises disparaîtront une fois que le pays sera membre, mais on
ne peut pas imputer ces faillites à la seule en-
trée dans l’OMC : elles sont le résultat de nombreux autres facteurs. En matière d’agriculture,
la Russie fait partie du top 5 mondial des pays
exportateurs de céréales et dispose d’un potentiel intéressant concernant la viande de porc
et les huiles végétales. Et le secteur n’est pas
massivement subventionné, comparé aux agricultures des pays de l’Union européenne. Enfin,
les branches qui ont le plus à gagner sont la sidérurgie, la métallurgie, la fabrication d’engrais
et de produits chimiques, la construction, l’automobile et l’aviation.
LCDR : Dans un contexte de perspectives de
croissance mondiale très incertaines, la Russie a-t-elle choisi le bon moment pour intégrer l’OMC ?
MB : Évidemment, la période n’est pas idéale.
En matière d’échanges internationaux, les ères
de forte croissance sont plus propices. Mais
mieux vaut adhérer maintenant que jamais. De
plus, l’intégration jouera un rôle moteur dans la
politique de modernisation prônée par le président russe : car la Russie devra se conformer à
l’environnement institutionnel mondial. Pourtant, l’OMC n’est pas tout ; seule la volonté
politique est capable d’insuffler réellement le
changement. Le problème, à mon sens, est de
nature socio-politique. Notre pays ne propose
pas assez d’emplois correctement rémunérés
pour l’ensemble de la population. Tout le monde
évoque, en Europe, la « fin de l’État social ».
Depuis 20 ans, les dépenses des Européens
n’ont pas beaucoup progressé ; et la question
que se posent les gens, c’est « qui va payer désormais pour les retraites, les routes ou le système scolaire ? » C’est un problème auquel est
confronté le monde occidental et qu’une simple
entrée dans l’OMC ne peut pas résoudre. Les
organismes internationaux, pas plus en Russie
qu’ailleurs, ne peuvent se substituer aux pouvoirs nationaux.
AP : Nous avons aujourd’hui une chance d’adhérer à l’OMC et il faut la saisir. Depuis le GATT
[ancêtre de l’OMC, ndlr], l’expérience montre
que plus on attend, plus il est difficile d’y accéder. De plus, les institutions de gouvernance
mondiale traversent, dans leur ensemble, une
période de crise, qui conduit à une révision des
mécanismes et procédures de leur fonctionnement. Il est impossible d’y défendre ses intérêts
sans en faire partie. L’adhésion, enfin, offre la
possibilité de remédier aux dysfonctionnements
du système juridique dont souffrent les PME. A
la différence des grands groupes, ces dernières
n’ont souvent pas les moyens financiers nécessaires pour s’attirer la bienveillance du système
judiciaire.
Plusieurs fabricants étrangers se sont
déjà trouvés confrontés à cette situation désagréable : leurs marques sont
utilisées dans des domaines qui leur
sont parfaitement étrangers.
Prenons un exemple : un
consommateur qui se rendrait sur le
site à l’adresse tm-defence.com aurait
toutes les raisons de supposer que le
portail internet est géré et administré
par l’entreprise du même nom. Pourtant, la réalité peut être tout autre.
En effet, dans le but d’abuser de
la confiance des consommateurs, il
arrive que des escrocs enregistrent
des noms de domaine en utilisant
des marques déjà célèbres, sous lesquelles ils vendent leur propre marchandise. Les produits sont parfois
des originaux, mais il s’agit la plupart
du temps d’articles de contrefaçon.
Quoiqu’il en soit, le fabricant original
est lésé financièrement. Sans compter que sa réputation souffre des services peu consciencieux fournis aux
consommateurs par les usurpateurs.
À l’heure actuelle, les tribunaux
russes ont accumulé une pratique
considérable en examinant des litiges
sur les noms de domaines.
Les fabricants originaux ont
toutes les chances d’obtenir que le
domaine utilisant leur marque soit
fermé, s’il est prouvé que :
1) La marque est protégée en Russie
et appartient au fabricant original,
2) Le fabricant original n’a jamais
donné d’autorisation pour l’utilisation
de sa marque par un tiers,
3) L’usurpateur utilise la marque pour
le même type de marchandises ou de
services que ceux que propose le fabricant original
La dernière condition peut devenir objet de contestation. Il arrive
souvent qu’une marque enregistrée
pour un certain type de marchandises
(par exemple des bijoux) soit utilisée
pour un type de services (vente, par
exemple). En de pareilles circonstances, il est très complexe de faire
fermer le site, car les usurpateurs
n’enfreignent pas, formellement, les
droits sur la marque.
Une autre circonstance qui peut
compliquer sérieusement le combat
de fabricants voulant faire valoir leurs
droits dans ce domaine : le manque
du régulation légale. On se réfère en
premier lieu au Code civil, qui n’établit que des normes très générales en
la matière.
Cependant, de nombreux fabricants sont déjà parvenus à faire valoir
leurs droits et à prouver que de tels
sites leur nuisent et violent la loi.
Grâce au recours en justice, plusieurs sites violant les droits de propriété intellectuelle ont été contraints
de fermer, les fabricants exerçant leur
droit d’enregistrement prioritaire.
Oleg Joukov
TM Defence Legal Services
08
Cinq sur cinq
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
Textes : Jean-Didier Revoin
Musique : Facebook
choisit Yandex en Russie
Quand le pétrole détrône la finance
L
L
es employés les mieux rémunérés de l’économie russe ne se
trouvent plus dans le secteur de la
finance mais dans celui du pétrole.
C’est du moins ce que démontrent
les dernières statistiques de Rosstat, le Service russe de statistiques
fédérales. Les chiffres publiés par
cette organisation démontrent que
les travailleurs les mieux payés
de l’industrie pétrolière ont reçu
cet automne un salaire de 61 000
roubles (environ 1453 euros) alors
que dans le même temps ceux qui
opèrent dans la finance ont vu leur
revenu mensuel retomber à 47 000
roubles (1120 euros). En Russie, le
salaire moyen a perdu 118 roubles
en octobre 2011 pour s’arrêter à 23
300 roubles (555 euros). A titre de
comparaison, un employé dans le
secteur de la santé touche 17 000
roubles (405 euros) et dans l’industrie textile, où les salaires sont tra-
ditionnellement bas, 11 200 roubles
(266 euros). Les secteurs bancaire
et pétrolier ont toujours été à la
lutte concernant le niveau de leurs
rémunérations. Le décalage qui
s’opère aujourd’hui est intimement
lié aux difficultés que connaît le secteur bancaire sur le plan mondial
et aux incertitudes qui entourent
la conjoncture mondiale. C’est le
temps des vaches maigres et les employeurs sont devenus plus sélectifs :
les salaires dépendent aujourd’hui
de la compétence et du professionnalisme de l’employé. S’agissant
de la hausse que connaissent les
ouvriers du secteurs pétrolier, elle
s’explique elle aussi par une raison structurelle : l’industrie se
concentre sur l’optimisation de la
production. Ce type de personnel
est mieux rémunéré que les gestionnaires de projets.
Kommersant, 21/11/ 2011
es utilisateurs russes de Facebook peuvent désormais écouter
gratuitement et légalement de la
musique. Le réseau social a en effet
mis à disposition de ses membres
russes la totalité du catalogue musical « Yandex Muzika » qui compte
2,6 millions de titres d’artistes
russes et étrangers. Jusqu’à présent, la firme californienne n’avait
passé de tels accords qu’avec Spotify, Slacker et MOG. Les amis
Facebook de ceux qui recourront à
ce service pourront découvrir dans
leurs nouvelles le titre que leur ami
est en train d’écouter et ils auront
eux aussi la possibilité d’écouter
ce morceau. Des titres russes et
étrangers provenant de toutes les
majors (Universal Music Group
qui vient de racheter EMI Group,
Sony Music Entertainment, Warner
Music Group) figurent au catalogue
de « Yandex Muzika ». La musique
est disponible légalement depuis le
mois de septembre dernier, lorsque
la firme de Palo Alto a offert la possibilité d’intégrer des applications de
musique à sa plateforme.
Kommersant, 17/11/ 2011
Monopole de la banque
postale dans les bureaux
de poste
L
a banque postale russe, actuellement en gestation, sera la
seule habilitée à fournir des prestations bancaires à l’intérieur des
bureaux de poste russes. A l’heure
actuelle, plus d’une trentaine de
banques parmi les plus importantes
du pays sont habilitées à fournir des
prestations bancaires aux clients de
la poste. Mais en vertu de la déci-
sion avalisée par le gouvernement
sous la direction du vice-premier
ministre russe Sergueï Ivanov, ces
autorisations seront révoquées dès
que la banque postale sera opérationnelle. Les contrats de toutes les
banques qui collaborent aujourd’hui
avec la poste russe seront résiliés. A
l’exception toutefois de Sviaz Bank,
dont la structure servira de base à la
future banque postale.
Marker.ru, 23/11/ 2010
Aeroflot va perdre 75% de son bénéfice
Le Bolchoï limite les ventes de billets
L
permettre aux citoyens ordinaires
de pouvoir assister à des ballets ou
des opéras pour un prix abordable.
Ekaterina Novikova, porte-parole
du Bolchoï déplore en effet que des
billets « vendus entre 1000 et 3000
roubles se retrouvent sur internet à
partir de 30'000 roubles ». Assigner
un numéro de passeport à un billet
devrait donc permettre d’éradiquer
les fraudes et de tuer le marché noir.
Vedomosti, 16/11/ 2011
Evgeniy Shevlyakov
e célèbre théâtre du Bolchoï
a décidé de prendre des mesures drastiques pour freiner
la flambée du prix de ses billets et
limiter les risques de marché noir.
Pour pouvoir acheter un billet, les
fans de l’institution devront indiquer
leur numéro de passeport, à l’image
de ce qui se fait pour l’achat des
billets de train en Russie, et ne pourront se procurer que deux billets au
maximum. Cette mesure devrait
E
n entrant dans l’OMC, la
Russie s’apprête à renoncer
à plusieurs rentes de situation. L’une des premières à tomber
sera sans doute la taxe imposée aux
compagnies aériennes qui survolent
la Sibérie. Elvira Nabioullina, la ministre russe du développement économique a en effet promis au Commissaire européen au commerce,
Karel de Gucht, d’abolir totalement
ce prélèvement. Conformément aux
accords intergouvernementaux, les
revenus de cette taxe – près de 400
millions de dollars – sont alloués
à la première compagnie aérienne
russe Aeroflot au titre d’indemnisation de ses droits commerciaux non
utilisés. Inacceptable pour l’Union
européenne, cette pratique l’est tout
autant devant l’OMC et constituait
le dernier obstacle insurmontable à
l’entrée de la Russie dans l’organisation multilatérale. Les nouvelles
lignes seront exemptées de cette taxe
tandis que les lignes préexistantes en
seront complètement libérées d’ici
2013. Son abolition entraînera une
diminution de 75% du bénéfice d’Aeroflot. En mars dernier, l’UE avait
ouvert une procédure d'infraction
contre l’Estonie, la Grèce, la Hon-
grie, la Lituanie, Malte et la Slovénie
concernant des accords bilatéraux
sur les services aériens conclus avec
la Russie. La Commission a envoyé
à chacun de ces États membres une
demande officielle d'informations,
appelée «lettre de mise en demeure».
Elle estimait déjà que ces accords
pourraient nuire à l’égalité de traitement et à la concurrence entre les
compagnies aériennes européennes
et servir de base à des redevances
pour le survol de la Sibérie, peut-être
en violation des règles de l'Union européenne en matière d'ententes.
Expert, 21/11/ 2011
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N°201
с 25 ноября по 9 декабря 2011
w w w. l e c o u r r i e rd e r u s s i e . c o m
Франсуаз Ригар: «Жизнь за пределами
родины учит смирению – где бы ты ни был»
Франсуаз Ригар
(Françoise Rigard)
встретила меня
утром в своей квартире на Чистых прудах. Она приехала
в Россию в 1998
году, успела побыть
главой московского
представительства
Moulinex, пережить
на этой должности
банкротство 2001
года и увидеть многочисленные покупки
предприятий, в которых она работала.
Рассказ бойца.
Le Courrier de Russie: Расскажите, как вы попали сюда?
Франсуаз Ригар: Я приехала
в Россию в 1998 году вместе с
группой Moulinex, где с 1988
года я работала в отделе маркетинга. До этого я была в Италии
и Канаде—внедряла там культуру нашей компании, разрабатывала коммерческую стратегию…
Вернувшись в Торонто в 1996
году, я стала работать в совместных промышленных предприятиях, затем занялась коммерческим
развитием в Латинской Америке.
Так что вся моя жизнь проходила
в самолетах и отелях. А потом
мой начальник предложил мне
Россию—мы тогда начали сдавать позиции на рынке, и передо
мной стояла задача удвоить торговый оборот. Я приехала в апреле 1998 года, а в августе грянул
кризис.
Афиша
Жак Лакан,
отражение
Ксения Фесенко
Употребив в 1896 году впервые
понятие «психоанализ», Зигмунд Фрейд создал новый мир.
Описав в середине двадцатого
века «стадию зеркала» и триптих
«воображаемое-символическоереальное», Жак Лакан изменил
фрейдовский мир до неузнаваемости. Обнажая и препарируя
душевную жизнь homo sapiens,
Лакан стал вдохновителем для
многих сотен философов, психологов, математиков, специалистов по
психоанализу, литераторов и даже
киноведов. В России, где в течение
многих лет проходят лакановские
семинары, француз вызывает интерес, сравнимый по силе разве что
с его собственной увлеченностью
бессознательным. Осуществленный
в сотрудничестве с переводчиком
Александром Черноглазовым и
дочерью Лакана, проект «Русский
Лакан»—это попытка воссоздать
портрет человека, превратившего
европейскую культуру «в свои охот-
ничьи угодья». Лакан по-русски—
кто это? Его внутреннее или
внешнее, его работы или влияния,
это он сам или его отражение—а
может, и то, и другое?
Проект «Русский Лакан» издательства «Гнозис»,
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Что для одних в диковинку, то для
других—привычное дело: еще
неделю назад парижане простаивали длинные очереди, чтобы
посмотреть редкие фильмы в
рамках фестиваля русского кино.
И вот настала очередь москвичей
наслаждаться теперь уже французским кинематографом, но того
же редкого розлива. Семь художественных лент, среди которых
не только фильмы, уже идущие
в прокате,—«Неприкасаемые»
и «Я объявляю войну»,—но и
«Черная Венера» и «Неслышное
касание», получившие одобрительные отзывы на родине, а также
восемнадцать короткометражек
нескольких последних лет. Добавить сюда встречи с режиссерами
и актерами, среди которых Венсан
Перез, Даниэль Дюваль и Ева
Ионеско—и вот уже свежайшее,
как божоле нуво, французское
кино идет в массы, чтобы скрасить
темные ноябрьские вечера.
Фестиваль «Французское кино
сегодня»
7-9 декабря
Кинотеатр 35 мм
Адрес: ул. Покровка, 47/24
Тел.: (495) 780 91 45
www.kino35mm.ru
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Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
Лягушки в водке
Беседовала Нина Фасьо
Перевод: Екатерина Литвинцева
Имейте смирение для того, чтобы слушать голос других,
и вместо того, чтобы сравнивать его тембр и мелодику
со своим собственным, просто слушайте его. Слушайте
просто потому, что он говорит.
Жан-Мари Адиаффи
Франсуаз Ригар: «Жизнь за пределами
родины учит смирению – где бы ты ни был»
LCDR: Как вы его пережили?
Ф. Р.: Мы потеряли 95% торгового оборота: за четыре месяца не было продано
ничего. Я была вынуждена пойти на крайне неприятные меры: увольнять людей,
обсуждать с оставшимися 50-процентное
сокращение их зарплаты и т.д…
LCDR: И вы не захотели убежать?
Ф. Р.: У меня был контракт на три года…
И вот на дворе 2011 год, а я все еще в в
России! Начало 1999 года было очень
трудным, но понемногу бизнес наладился,
потому что бренд Moulinex был действительно влиятельным. С Moulinex у людей
были какие-то человеческие, эмоциональные отношения. Например, они говорили:
«это друг семьи» или «это почтальон, который пришел к нам утром выпить кофе»…
LCDR: Когда Moulinex впервые вышла
на российский рынок?
Ф. Р.: В 1988 году. Я хорошо помню эту дату,
потому что одна коллега-француженка,
отвечающая за экспорт в Россию, попросила у меня инструкцию для овощерезок.
Учитывая, что этот прибор появился в
продаже во Франции в 1930-х годах и что
он был у всех французских домохозяек, мы
никогда не делали инструкций к нему. Но в
СССР он был новинкой. Пришлось идти в
музеи и откапывать инструкции к старым
моделям!
LCDR: И дела пошли?
Ф. Р.: Поначалу да. В 1992 году государственные магазины и торговые центры
были проданы частным компаниям, а в
России в то время находилось 70% наших
складов. Знаете, именно Россия все эти
годы спасала Moulinex от банкротства. В
1990-х годах если у кого-то в запасе был
товар, то его продавали. В то время вам
мог позвонить клиент и без всяких вступлений сказать: «Я тебе деньги перечислил, давай товар». И все расходилось. А
товара у нас хватало. После 1998 года все
изменилось. Когда я пришла, в компании
работали 45 сотрудников. Я оставила все-
Ф. Р.: В эпоху смартфонов люди больше
не способны расставлять приоритеты: мы
заняты на работе, отвечаем на мейлы, все
время спешим… Время больших решений
прошло. Выбор поставщиков часто отходит на второй план.
LCDR: Вы пережили столько испытаний. Никогда не хотелось уехать?
Ф. Р.: Я пробовала уехать, я об этом думала. Но после 13 лет в России я «проштампована» этой страной… Когда я искала что-то другое, то поняла, что мне будет
сложно выйти за рамки этого опыта.
го десять и сократила региональные представительства. Потом я смогла нанять еще
десять человек. В таком составе мы и проработали до 2001 года, а потом обанкротились. Мне пришлось закрыть филиал…
LCDR: Как вы справились с этим?
Ф. Р.: Для меня это стало шоком. Я возвращалась из Иркутска, где была на
празднике, посвященном десятилетию нашего сотрудничества с одним клиентом. Я
произнесла прекрасную речь о нашем совместном радужном будущем как минимум
на 10 лет. А когда вернулась в Москву, позвонила коллега и сказала: «Ты уже в курсе
катастрофы?». Я сразу представила себе
пожар в нашем офисе, несчастный случай…
«Moulinex банкрот!». И все. У нас не было
ни копейки, чтобы заплатить сотрудникам,
на следующий день мы все остались без
работы, на продажу товаров марки был
наложен запрет. Мне пришлось продать
мебель и принтеры, чтобы выплатить зарплаты. И объяснять русским, которые уже
заплатили у нас за товар, что они не получат ни денег, ни товара…
LCDR: А потом?
Ф. Р.: Год я ничего не делала. Я проработала в Moulinex 14 лет, и теперь мне
было необходимо хорошенько все проанализировать. Через некоторое время
меня пригласило на работу другое предприятие—Brandt, которое через три года
было выкуплено компанией Fagor. На
этот раз закрытие группы произошло без
меня, меня уволили, как и всех остальных!
Потом два года я работала директором по
маркетингу в «Для Душа и Души». А затем
ушла в Saeco, итальянскую компанию, занимающуюся изготовлением кофемашин.
Когда я только начинала там работать, у
российского дистрибьютера было 2,5 млн
евро долга, у украинского два года хранились на складе товары, практически вышедшие из употребления... То же самое в
Узбекистане. Я помогла им встать на ноги.
Продавать очень дорогие кофемашины в
стране, где исторически развита культура
потребления чая… Вы только представьте
себе это! Каждая деловая встреча начиналась тем, что мне приносили чашку чая!
LCDR: И ваша стратегия удалась?
Ф. Р.: Saeco был выкуплен Philips в 2010
году. Они были на грани банкротства.
LCDR: Ну понятное дело…
Ф. Р.: Да. Но потом я работала во множестве компаний, которые или перекупались
или становились банкротами. Вообще я
заметила, что в России на рынке товаров
широкого потребления, в частности, товаров для хозяйства и продуктов французское присутствие минимально. Именно от этого факта я отталкиваюсь, когда
помогаю предприятиям зарекомендовать
себя в этих секторах. Но с французскими
мелкими и средними предприятиями работать трудно. Они требуют увеличения
товарооборота, но не хотят—или не могут—вкладываться.
LCDR: Почему?
Ф. Р.: Они все еще крайне осторожно действуют на российском рынке. Они боятся
задолженностей. А русские, со своей стороны, гораздо медлительнее французов в том,
что касается принятия решений. Они тратят
время на салоны, выставки, видят кучу всего и получают огромное количество предложений. С этой точки зрения они всегда принимают решения в срочном порядке.
LCDR: Что вы имеете в виду?
LCDR: Что вам нравится в этой
стране?
Ф. Р.: Я люблю зиму. Я словно возрождаюсь, когда наступает холод. Но я привязана к этой стране не больше, чем к любой
другой.
LCDR: Чем отличается ваш опыт
здесь от опыта, который накопился
у вас от предыдущих поездок за границу?
Ф. Р.: Разница в степени доступа к достоверной информации. Здесь все—коммерческая тайна! Более того, люди не
привыкли вести статистику и вообще
не всегда имеют ясное видение рынка.
Сколько российских компаний могут предоставить вам данные о своем обороте?
Очень мало!
LCDR: А что еще вам нравится здесь?
Ф. Р.: Снег. Он здесь идет не так, как в
Канаде. Там невероятные снежные бури:
выпадает сразу метр снега, а потом тишина. А здесь снег идет каждый день, но по
чуть-чуть.
LCDR: Какая черта характера в русских вам импонирует?
Ф. Р.: Умение проявить солидарность.
Особо теплые отношения с семьей, которые распространяются и на близких друзей… Во Франции это уже утрачено.
LCDR: Россия вас изменила?
Ф. Р.: Я повзрослела на 10 лет! (смеется)
Знаете, я думаю, что в какой бы стране ты
не жил, надо понять одну вещь: тебя здесь
не ждут. Мы считаем себя нефтяными королями и уверены, что повсюду нас будут
встречать с распростертыми объятиями.
Но никто не обязан этого делать! У людей
здесь свои собственные друзья, свои семьи, своя жизнь… Вообще жизнь за пределами родины учит смирению—здесь или в
любой другой стране.
LCDR: Так что же вас здесь удержало?
Ф. Р.: Я хотела увидеть что-то другое! Например, может ли трава быть зеленее…
LCDR: И что, может?
Ф. Р.: Нет. Все думают, что когда уезжают, оставляют все проблемы позади, но
это не так. Их тащат за собой. Но мне бы
хотелось увидеть что-то новое. Я еще не
была на Камчатке, например. Мой тур по
России еще не закончен.
Общество
Текст : Екатерина Мартемьянова
По материалам lemonde.fr и lepoint.fr
ВСЕМ МИРОМ,
или новая эра
потребления
Пользоваться материальными и нематериальными
благами в одиночку уже не модно. Модно –
делиться. Жильем, поездками и даже работой.
Причем увлечение совместным времяпрепровождением с незнакомым человеком свойственно не
только студентам, но вполне взрослым людям –
служащим, имеющим стабильную зарплату, и
даже пенсионерам.
На гребне волны—всевозможные сайты и агентства, предлагающие подобные услуги. Так, «встретить» попутчика для путешествия можно через сайт
Covoiturage.fr, с помощью которого за
прошедшие 11 месяцев было организовано 1 млн поездок—в два раза больше, чем в прошлом году. Найти нужную
работу, услугу или жилье поможет сайт
Leboncoin.fr. А если вы в поиске временного пристанища на время путешествия,
то добро пожаловать в сеть couchsurfing.
org.
Еще недавно принцип свободного обмена разделяли только члены профсоюзов или представители богемы. Теперь,
по мнению социолога Эрвана Лекера
[Erwan Lecoeur], эту идею переняли
«посредники»—предприятия, крупные
сообщества и организации.
Во многих районах появляются специальные промежуточные паркинги. С
ними путешествие с постоянно меняющейся компанией существенно облегчается. «Таким образом проще доказать в
глазах окружающих право на существование»,—добавляет ученый.
Французы прибегают к путешествиям и покупкам «вскладчину» по вполне
определенным причинам.
Во-первых, для многих сам по себе
факт, что можно делать что-то «сообща»,
говорит о формировании нового образа жизни. Для Дельфин Тизи [Delphine
Thizy], 29-летней жительницы Брюсселя,
это способ улучшать жизнь собственными силами. Она путешествует с попутчиками уже пять лет не только из соображений экономии, но и для того, чтобы
не ехать в одиночку, а в компании единомышленников. Будучи независимым консультантом, она пользуется платформой
«активного сообщества» для собственного дела. На этой платформе разменной
монетой могут стать собственные умения. « Я кому-то помогаю делать сайт,—
говорит Дельфин,—а взамен получаю
юридическую консультацию».
Во-вторых, это простой способ сэкономить. Юрист Поль Мерье [Paul Mérieux]
уже два года ездит с попутчиками— как
только закончилось право ездить железными дорогами по льготным проездным.
«Уже 10 лет экологи-активисты ездят
«попуткой»,—считает Поль.—В качестве протеста против подорожавшего
транспорта».
Поездку в Нант из Парижа можно
легко разнообразить: в одну сторону
поехать на поезде, обратно вернуться
в компании. Решиться поехать на выходных, например, покататься на лыжах
около Лиона можно в самый последний
момент.
Начальник складского помещения на
стройке Оливье Дюпюи [Olivier Dupuis]
на собственном опыте убедился в эффективности сайтов-сообществ, например, e-loue. Теперь он по максимуму
пользуется сайтами обмена и дарения
вещей, а также аренды жилья. «Я могу
купить больше, ведь я знаю, где это можно сделать»,—говорит Оливье.
Иногда экономия становится вынужденной: из-за чрезмерно высоких
тарифов SNCF [Société Nationale des
Chemins de fer Français, SNCF—Национальная компания французских железных дорог, прим. пер.] некоторые прибегают к «попутной» езде для того, чтобы
добраться до работы. 34-летняя Мари,
психолог по образованию, временно
работающая на заводе морепродуктов,
ездит на работу с попутчиками. Это обходится в два раза дешевле, чем на электричке. Ей не надо больше планировать
свой отпуск за три месяца, как это необходимо, чтобы выиграть в цене билетов.
Двадцатипятилетняя Од, будущий
психолог, выбирает «попутку»: даже со
студенческим билетом цена поездки на
поезде оказывается в четыре раза дороже.
Помимо всего прочего, совместные
проекты привносят в жизнь разнообразие, позволяют завязать знакомства.
«Приготовить овощной суп—это очень
хорошо,—говорит Клэр, которая работает по контракту в регионе Иль-деФранс.—Но вот поездка на рынок на
велосипеде в одиночестве и готовка лишь
для себя одной—все это совершенно не
способствует здоровому питанию».
По мнению 29-летней Клэр, многие
считают, что снимать с кем-то квартиру
вовсе не необходимость, это образ жизни. Клэр также часто ездит, пользуясь
предложениями на Covoiturage, потому
что так она может пересекаться с новыми людьми и радоваться общению с
ними.
Камиль работает в пригороде Тулузы.
Она большой фанат совместных путешествий. «Закончились времена, когда
я чувствовала себя как в вакууме, сидя в
своей машине одна»,—говорит Камиль.
До работы ей ехать всего 50 минут утром
и вечером, но она все равно предпочитает проводить это время в компании. «По
понедельникам я всегда с утра недовольна,—шутит Камиль.—Но уже к четвергу я просто пою от счастья».
Во франко-германской комедии «А
почему бы нам не пожить всем вместе?»
[« Et si on vivait tous ensemble? », 2010,
прим. пер.] герои пробуют жить под
одной крышей. В реальности жизни многие уже решились на это.
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Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
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«Розовый» процесс
Лесбиянки, живущие в гражданском браке, обладают
всеми родительскими правами. Такое решение, принятое
на днях одним из французских судов, вновь оживило разговоры о юридическом статусе «голубых» и «розовых» пар.
Суд Байонны, города в департаменте
Атлантические Пиренеи, удовлетворил
запрос двухгодовалой давности о предоставлении двум женщинам статуса полноправной семьи, чье «образовательное и
воспитательное» влияние признано позитивным.
Многие однополые семьи уже получили
в судебном порядке статус полноправных,
но недавний процесс в Байоне представляет особый интерес. «Впервые судья
подтверждает родительские права такой
семьи без каких-либо оговорок»,—уверяет адвокат семейной пары Селин Кампи
[Céline Campi].
Что касается юридической стороны дела,
то 377 статья Гражданского кодекса предполагает передачу родительских прав третьему человеку в случае, если этого требуют особые «условия».
В 2006 году эти «условия» были ужесточены решением Кассационного суда.
Впоследствии ограничения усилились. 8
июля 2010 года Высшая юридическая
инстанция отвергла запрос о признании
родительских прав лесбийской пары:
обстоятельства не были достаточными
для положительного решения. «Во время судебного разбирательства судья не
раз упоминал постоянные вынужденные
переезды биологической матери,—говорит адвокат.—Их на самом деле было не
так много. Но для того, чтобы соблюсти
букву и дух закона, судья постоянно подчеркивал это обстоятельство». В целом,
решающими факторами в этом деле стали
только стабильность и прочность семейной пары. «Особые условия» играли второстепенную роль.
2011 год стал знаковым в понимании и
изучении взаимоотношения полов и сексуальной идентичности. В понедельник,
7 ноября, министерство Национального
образования объявило, что тема «однополые семьи» будет изучатся на уроках
биологии в некоторых лицеях. С другой
стороны, на такие семьи не прекращаются нападки со стороны консервативных
политиков.
«В течение нескольких месяцев накапливались негативные явления, и мне
неприятно осознавать, что этот процесс
не просто случайность, не единичный
случай»,—с сожалением комментирует
решение суда Байонны депутат Филипп
Госселен [Philippe Gosselin], представитель партии «Союз за народное движение»
[L'Union pour un Mouvement Populaire,
UMP, прим. пер.] от фракции «гуманистов» [Droite humaniste de l’UMP, прим.
пер.]. Со своей стороны депутат фракции «общественников» [Droite populaire
de l’UMP, прим. пер.], Филипп Менье
[Philippe Meunier] призывает государство
обратить внимание на этот процесс и взять
на себя ответственность для принятия
окончательного решения. Он считает, что
чиновник местной магистратуры не должен решать дела такого характера.
В течение месяца решение суда может
быть оспорено общественным обвинителем. «В большинстве дел, которые мне
попадались, прокуратура не подавала
протестов,—отмечает Селин Кампи.—Но
чем больше политической шумихи, тем
больше вероятность, что прокуратура озаботится этой темой».
На данный момент Генеральная прокуратура По [Pau—главный город департамента Атлантические Пиренеи, прим.
пер.] не предприняла никаких действий.
«Мы пока раздумываем,—говорит представитель прокуратуры.—Нам надо выяснить, насколько обоснованным было решение, исходя из данных, представленных
обеими сторонами».
Если прокуратура не станет опротестовывать решение судьи, это дело станет
настоящим переворотом в судебной практике.
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Des grenouilles dans la vodka
Il faut avoir l’humilité d’écouter la voix des autres et
plutôt que d’en comparer le timbre et la mélodie avec la
nôtre, il faut l’entendre par ce qu’elle dit.
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
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Jean Maria Adiaffi
Propos recueillis par Nina Fasciaux
Françoise Rigard : « L’expatriation
apprend l’humilité, ici ou ailleurs »
Françoise Rigard me reçoit dans son appartement de Chistye Proudy, un matin. Arrivée en
Russie en 1998, elle a dirigé le bureau de représentation de Moulinex à Moscou, géré sa
faillite en 2001 et fait face, ensuite, à des rachats en cascade d’entreprises pour lesquelles
elle travaillait. Récit d’une battante.
F.G : À l’heure des smartphones, plus
personne n’est capable de prioriser les
tâches : on est pris dans son boulot, on
répond à ses mails, on est pressé… il n’y a
plus de temps pour les grandes décisions.
Et le choix des fournisseurs passe souvent
au second plan.
Le Courrier de Russie : Comment êtesvous arrivée ici ?
Françoise Rigard : Je suis arrivée en
Russie en 98 avec le groupe Moulinex,
pour lequel je travaillais depuis 1988 au
département marketing. Avant, j’avais
été envoyée en Italie et au Canada pour
inculquer la culture du groupe, établir
la stratégie commerciale... Rentrée de
Toronto en 96, j’ai travaillé sur des jointventures industrielles et sur le développement commercial en Amérique latine : je
passais alors ma vie dans les avions et les
hôtels. Le patron à l’export m’a ensuite
proposé la Russie : nous nous faisions piquer nos parts de marché et j’avais pour
mission d’y doubler le chiffre d’affaires. Je
suis arrivée en avril 98, et la crise elle, est
arrivée en août.
LCDR : Vous n’avez jamais voulu partir,
après toutes ces épreuves ?
F.G : J’ai essayé de partir, j’y ai pensé. Mais
j’ai treize ans de Russie et je suis estampillée « Russie »... Quand j’ai cherché
autre chose, je me suis rendue compte qu’il
était difficile de se défaire des étiquettes.
LCDR : Quel attachement avez-vous à
ce pays ?
F.G : J’aime l’hiver. Je commence à revivre dès qu’il fait froid. Mais je n’ai pas
plus d’attachement à la Russie qu’à un
autre pays du monde...
LCDR : Que s’est-il passé ?
F.G : On a perdu 95% de chiffre d’affaires :
on est resté quatre mois sans rien vendre.
J’ai dû me charger rapidement de tâches
très désagréables : licencier des gens, négocier avec d’autres des baisses de 50%
de leur salaire, etc...
LCDR: Ça ne vous a pas fait fuir ?
F.G : J’avais signé pour trois ans... On est
en 2011 et je suis toujours là ! Début 99,
c’était laborieux c’est vrai, mais l’activité
a repris peu à peu, car la marque avait une
vraie force. Les gens avaient avec Moulinex une relation affective, ils disaient :
« c’est un ami de la famille » ou « c’est le
facteur qui vient boire le café le matin »...
LCDR : Quand la société Moulinex a-telle fait ses premiers pas en Russie ?
F.G : En 1988. Je m’en souviens, car une
collègue française chargée de l’export en
Russie m’avait à l’époque demandé le
mode d’emploi des moulins à légumes.
Vu que le produit avait été lancé en
France dans les années 30 et que tous
les ménages français en possédaient un,
on n’avait jamais vraiment eu de notice.
Mais en Russie, c’était nouveau : il a
fallu aller dénicher des modes d’emploi de
vieux modèles dans des musées !
LCDR : Et ça a marché ?
F.G : Au début, oui. En 92, le responsable
du groupe en Russie avait réussi la transition de la vente des centrales d’achat gouvernementales aux sociétés privées, et la
Russie représentait 70% de notre marge.
Vous savez, c’est la Russie qui a sauvé
Moulinex de la faillite pendant toutes ces
années. En gros, dans les années 90 ici,
si vous aviez des produits en stock, vous
les vendiez. À l’époque, un client vous appelait pour dire, sans se préoccuper des
formalités : « Je t’ai viré des sous, envoie
le stock. » Tout partait. Et les marges
étaient phénoménales. Après 98, ça a
changé. On était 45 employés quand je
suis arrivée, on est passé à 10 ensuite
et on a réduit les structures régionales.
Puis, j’ai pu réengager une dizaine de
personnes. Jusqu’en 2001, où le groupe
Station de métro Tchistye Proudy
a fait faillite. J’ai dû fermer la filiale...
LCDR : Comment avez-vous géré cela ?
F.G : Ça a été un choc : je revenais
d’Irkoutsk où j’avais fêté les dix ans
d’existence d’un de nos clients. J’avais
fait un beau discours, sur l’avenir radieux
de notre collaboration pour au moins dix
ans de plus ! Là-dessus, de retour à Moscou, une collègue m’appelle et me dit :
« Tu es au courant de la catastrophe ? ».
J’ai pensé à un incendie au bureau, un
accident... « Moulinex fait faillite ! Ils ont
déposé le bilan ! ». Et voilà. On n’avait
plus un sou pour payer les employés, on
se retrouvait sans travail du jour au lendemain, avec interdiction de distribuer les
produits de la marque. J’ai dû vendre les
meubles et les imprimantes pour pouvoir
virer les salaires, et expliquer aux Russes
qui avaient déjà payé leur marchandise
qu’ils ne pourraient récupérer ni l’argent,
ni les produits...
LCDR : Et ensuite ?
F.G : Pendant un an, je n’ai rien fait. Après
14 ans chez Moulinex, j’avais besoin d’y
voir clair. Puis j’ai été sollicitée par une
autre entreprise, Brandt... qui, trois ans
plus tard, était rachetée par Fagor. Cette
fois, la fermeture c’était sans moi, j’ai
été licenciée comme tout le monde ! J’ai
donc travaillé comme directrice marketing chez Dlia Doucha i Douchi pendant
deux ans. Ensuite, j’ai été embauchée par
Saeco, une boîte italienne qui fabrique
des machines à espresso. Quand j’ai
commencé, le distributeur russe avait 2,5
millions d’euros de dettes, le distributeur
ukrainien deux ans de produits quasi-ob-
J’aurais pu vous
dire que quand
Françoise m’a
accueillie, elle
était encore
en chaussons.
Mais c’était des
tapochkis. Et
ici, c’est normal.
Une simplicité,
une force se dégage de son récit décomplexé
sur cette série
douloureuse de
faillites, crises
économiques,
licenciements.
Françoise
collectionne les
défis mais aussi
les théières, les
chats, les
chapeaux, les
thés. Et les
tapochkis –
signe qu’elle
sait recevoir.
Retrouvez sur lecourrierderussie.
com l’interview
de Nicolas Mégrelis, directeur
de Dlia Doucha
i Douchi « La
Russie, antidote
contre l’ennui »
solètes en stock, en Ouzbékistan même
tableau. Je les ai aidés à se refaire. Vendre
des machines à espresso super chères
dans un pays qui est culturellement un
marché à thé... vous imaginez le travail !
À chaque rendez-vous, on commençait
par m’apporter une tasse de thé !
LCDR : Et ça a marché ?
F.G : Saeco s’est fait racheter par Philips...
en 2010. Ils étaient au bord de la faillite.
LCDR : Décidément...
F.G : Eh oui. Mais là j’en ai eu marre des
boîtes qui se faisaient racheter ou qui
mettaient la clé sous la porte. Et j’avais
remarqué qu’en Russie, au niveau des
produits de grande consommation, notamment l’équipement ménager et l’alimentation, la présence française était très
faible. Je suis partie de ce constat pour
aider des entreprises à être représentées
dans ces secteurs, justement. Mais c’est
dur de travailler avec des PME françaises :
elles exigent toujours plus de chiffre d’affaires sans vouloir – ou sans pouvoir –
investir.
LCDR : Pourquoi ?
F.G : Elles sont encore frileuses sur le
marché russe, elles ont peur des impayés.
Et les Russes, de leur côté, sont beaucoup
plus lents qu’avant dans leurs processus
de décision : ils passent du temps à visiter
les salons, ils voient beaucoup de choses,
reçoivent énormément de propositions. À
côté de ça, ils sont dans une logique de
gestion de l’urgence.
LCDR : C’est-à-dire ?
LCDR : Avez-vous noté des différences
avec vos précédentes expériences à
l’étranger ?
F.G : La différence touche à l’obtention
d’une information fiable. Ici, tout est un
secret commercial ! De plus, les gens n’ont
pas l’habitude des statistiques, et ce n’est
pas évident d’avoir une bonne visibilité
économique. Combien de responsables de
boîtes russes sont capables de vous donner
leur chiffre d’affaires ? Très peu !
LCDR : Autre chose ?
F.G : La neige. Elle tombe ici différemment qu’au Canada : là-bas, vous avez
d’énormes tempêtes de neige où il en
tombe un mètre et puis ça se calme. Ici,
c’est chaque jour un petit peu.
LCDR : Un trait particulier qui vous
plaît chez les Russes ?
F.G : La solidarité. Un sens de la famille
qui s’étend aux amis proches...on a perdu
ça en France.
LCDR : La Russie vous a changée ?
F.G : J’ai pris dix ans ! (rires) Vous savez,
je pense que quel que soit le pays, la chose
à comprendre, c’est qu’on ne vous attendait pas. Nous, on est convaincu d’être
les rois du pétrole et que tout le monde
va nous accueillir à bras grand ouverts :
mais ils n’ont pas besoin de nous ! Ils ont
leurs amis, leurs familles, leur vie... d’une
manière générale, l’expatriation apprend
l’humilité, ici ou ailleurs.
LCDR : Qu’est-ce qui justifie votre présence ici, dans ce cas ?
F.G : J’avais envie de voir autre chose ! Je
voulais voir si l’herbe était plus verte...
LCDR : Et alors, elle est plus verte ?
F.G : Non. On croit laisser ses problèmes
derrière soi et c’est faux. On les trimballe. Mais j’aime découvrir des choses
nouvelles, et je ne connais pas encore le
Kamchatka ! Je n’ai pas fini de faire le tour
de la Russie.
Rémuneration annuelle des DF, bonus et avantages
compris; par %1
des interrogés et
par pays
Suisse2
Italie9
3
Allemagne
Russie10
Autriche4
Pologne11
Pays-Bas5
France12
Luxembourg6
Suède13
Turquie7
Espagne14
Belgique8
Portugal15
Moins de €120K
€120K et plus
1) Moins de 100% = pas de
response; 2) N = 156; 3) N = 185;
4) N = 40; 5) N = 81; 6) N = 30;
7) N = 36;
8) N = 167; 9) N = 181;
10) N = 197; 11) N = 139;
12) N = 371; 13) N = 105;
14) N = 249; 15) N = 84
Source: Michael Page International
Who’s who ?
13
Carrière
Le Courrier de Russie
Propos recueillis par
Vera Gaufman
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
Yasha, Bruno et Bill sont
sur un bateau
Bien connaître la comptabilité et avoir une expérience de la gestion financière à l’étranger : l’équation ne suffit pas toujours pour réussir sa carrière
de directeur financier en Russie. Pour en savoir plus sur les spécificités de la
fonction dans son contexte, Le Courrier de Russie a recueilli les témoignages
de trois « mordus de la finance » – Yasha Haddaji, Bruno Lafon et Bill Finn –
qui travaillent à Moscou depuis plusieurs années.
Yasha Haddaji
Directeur de Nintendo Russie
1981 : Naissance
2003 : Maîtrise en affaires internationales – Ecole des Hautes
études internationales, Paris
2003-2006 : Assistant spécial du
porte-parole du Ministère des
Affaires étrangères français au
bureau des dépêches – Paris
2005 : Maîtrise en finance d’entreprise – Conservatoire national
des arts et métiers, Paris
2006 : Contrôleur de gestion,
Cetelem, filiale de BNP Paribas
spécialisée dans le crédit à la
consommation – Paris
2006 : Arrivée en Russie. Responsable de la planification et du
contrôle de gestion, Cetelem
Russie – Moscou
2008 : Directeur financier Michael
Page Russie – Moscou
2011 : Directeur de la filiale russe,
Nintendo Europe – Moscou
Plat russe préféré : pelmeni au
saumon
recrute
UN(E) RÉDACTEUR(RICE)
DES SUPPLÉMENTS
THÉMATIQUES
Profil : Vous êtes Français. Vous
avez de l’expérience dans la
presse écrite. Vous avez un goût
prononcé pour l’économie et une
certaine connaissance de la Russie et du monde des affaires.
Vous êtes Russe. Vous avez fait
des études de linguistique ou en
lettres (de préférence à la faculté
des lettres à la MGU Lomonossov) et vous maîtrisez parfaitement le français écrit. Vous vous
intéressez à l’économie.
Mission : Vous êtes responsable
des suppléments et assurez l’interface avec le département commercial. Vous rédigez des articles
pour les suppéments thématiques
et en assurez le contenu dans sa
totalité.
Conditions : CDI à temps plein
à Moscou.
Pour postuler, envoyez votre CV,
une lettre de motivation à nina.
[email protected] ainsi qu’un édito
sur un fait d’actualité russe et un
article sur un aspect de l’économie russe, tous deux de 5000
signes.
Yasha Haddaji est arrivé en Russie en 2006 pour y monter CETELEM, la filiale start-up de crédit à
la consommation de la banque BNP
Paribas. Seul étranger au sein de
l’équipe russe de contrôle de gestion, il a entamé son immersion
par des cours de langue intensifs :
« Une petite société ne peut pas se
permettre d’avoir un directeur qui ne
parle pas russe », assure-t-il. Yasha
progresse et, rapidement, parvient à
ne communiquer avec ses employés
que dans leur langue maternelle.
Sans cela, Yasha doute qu’il aurait
pu mener à bien sa mission. « Il
faut apprendre la comptabilité russe
sur le bout des doigts et la contrôler régulièrement, ce qui n’est possible qu’à condition de parler russe.
Dans le cas contraire, c’est votre
comptable qui vous imposera ses
règles », prévient-il. « Les comptables ne sont pas tous des affreux ;
le problème, c’est qu’ils sont, en
Russie, pénalement responsables :
ce qui les rend désespérément frileux. Pour ne courir aucun risque,
ils commencent par dire « non » à
tout. Mais en leur obéissant et en
appliquant les règles comptables
de façon aveugle, vous risquez tout
bonnement de bloquer le développement de votre boîte. »
Pour réussir sa carrière en Russie, Bruno Lafon, directeur financier
de Rockwool, a feuilleté, outre des
manuels de russe, quelques ouvrages sur la guerre de 1812 : « La
première chose que j’ai faite en arrivant, c’est de bouquiner tout ce que
je pouvais trouver sur les guerres
napoléoniennes, se souvient-il. Les
Russes y font tout le temps référence. En France, on est assez mauvais sur cette partie de notre histoire.
Alors qu’il y a des choses passionnantes sur la bataille de Borodino,
sur les maréchaux… Mon conseil :
documentez-vous sur le sujet – ça
aide ! »
Comptable… et
polyvalent
Mais apprendre le russe et se renseigner sur les spécificités culturelles ne sont pas les seules difficultés qu’un directeur financier devra
affronter en Russie. L’instabilité de
la situation financière l’impliquera
naturellement dans le management
de crise, prévient Olga Emelyanova, manager exécutif finance
et comptabilité de Michael Page.
« Directeur financier en Russie, c’est
un rôle multi-facettes, phénomène
que l’on retrouve beaucoup moins
en Europe », commente-t-elle. « Il
y a une différence nette par rapport
à la France, confirme Bruno Lafon.
Elle se situe au niveau du risque
de changement. En France, vous
n’avez tout simplement jamais à
vous demander des choses du type :
« Et si la monnaie s’effondre demain,
ça signifie quoi pour mes affaires ? ».
« Travailler en Russie est toujours
un défi pour les expatriés », résume
Olga Emelyanova.
Un jugement que Bill Finn, directeur financier de Rousskiï Alkogol, partage totalement. Arrivé en
Russie en août 1998 – une semaine
avant le début de la crise – comme
directeur financier de Coca-Cola, il
a dû commencer son activité par des
licenciements de masse. « C’était
terrible », se souvient-il. Si la nature de ses tâches a changé, elles
demeurent tout aussi lourdes, et
imprévisibles : « Je ne sais pas si
c’est parce que je suis expatrié, mais
tout le monde vient toujours me demander des solutions pour tout. Le
moindre problème, c’est pour moi :
que ça vienne du marketing, des
ventes ou du département juridique,
râle-t-il en riant. Les gens ici ont
du mal à prendre des décisions de
façon autonome. Quelle que soit la
taille de l’entreprise, tout finit toujours par « embouteiller » en haut.
Les directeurs financiers, en Russie,
semblent devoir s’impliquer dans à
peu près tout : IT, juridique, administration... Quand j’en parle à mes
collègues qui sont en Irlande ou en
Grande-Bretagne, ils ne comprennent même pas ce que je veux dire :
c’est quelque chose qui n’existe pas
là-bas. »
perdez irrémédiablement tout crédit,
et toute autorité. »
Pourtant, à en croire Bruno Lafon, le management « à la française »
est exportable : « Chez Rockwool,
le directeur financier est un pilote,
mais la prise de décision se fait en
équipe. Il est possible de mettre
en place une culture de délégation dans l’entreprise, les gens se
rendent compte qu’ils ne sont pas
dans l’Armée rouge, ils sortent de
la mentalité « c’est moi le chef donc
c’est moi qui décide » et ils s’adaptent. »
Une facture pour un
yaourt
Les trois financiers sont au moins
d’accord sur un point : il ne faut surtout pas arriver en Russie en « néocolonialiste ». Une approche qui,
selon Yasha Haddaji, caractérise
trop souvent les expatriés. « D’accord, on sait tous combien il y a de
règles « inutiles » dans la comptabilité russe. On exige de vous une
note de frais quand une assistante a
payé le yaourt de son chef ? Faitesla, ça ne coûte pas grand-chose.
Et puis, ces règles peuvent aider à
mieux contrôler le cash, à éviter des
pertes, explique-t-il. Il faut accepter
de mettre de côté ses certitudes :
une pratique peut être différente des
standards européens – ça ne signifie pas qu’elle n’est pas valable. »
Choc des civilisations
Les directeurs financiers habitués à
ce que leur jugement soit toujours
aisément entendu risquent d’être
déçus en Russie, estime Yasha
Haddaji. « En Europe, quand la direction financière dit quelque chose,
il n’y pas de discussion. Ici, les rapports de force au sein de l’entreprise
sont tout autres, souligne-t-il. La
confrontation peut être violente. Il
faut parfois élever la voix et taper
du poing sur la table. » Flexible
avec ses supérieurs mais implacable
avec ses employés : serait-ce le
portrait du directeur financier idéal
en Russie ? Yasha n’a aucun doute
là-dessus : « Les Russes veulent
des responsables très stricts, qui
donnent des ordres clairs, des gens
intègres, poursuit-il. Il faut savoir se
faire respecter, s’imposer sans brutalité mais en montrant que vous
ne changerez pas de cap. Surtout,
il faut être capable d’appliquer ces
règles à soi-même. Si vous ne faites
pas preuve d’honnêteté – financière
mais aussi intellectuelle –, vous
« La grande erreur, confirme Bruno
Lafon, ce serait de dire : « J’arrive
de France, là-bas on fait comme
ceci ou cela, on va faire la même
chose ici ». Il faut au contraire être
humble, observer, prendre le temps
de comprendre comment les gens
travaillent. »
Bill Finn recommande de ne pas
arriver en Russie la veille de son entrée en fonctions : « Il faut venir une
semaine avant, voire un mois : afin
de s’accoutumer, de voir comment
les choses se passent. Si vous devez
travailler pour une grosse multinationale, vous pouvez être tranquille :
ce sera une petite bulle tout confort.
Mais si c’est pour un poste dans
une entreprise russe, réfléchissez-y
à deux fois. Et faites le voyage avant
de vous décider : la question, c’est
est-ce que vous pourrez vivre ici ?
Il faut aller au banya, faire un tour
sur un marché, aller voir au-delà du
MKAD et en province… Et demandez à un Russe de vous accompagner : mais surtout trouvez-en un
qui ne parle pas bien anglais ! »
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Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
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France-Russie
Mais qu’est-ce qu’un conte, sinon une vision
différente de la réalité?
Jean Van Hamme
Propos recueillis par Maria Gorkovskaya
Traduit par Julia Breen
La Table ronde ossète
Laurent Alibert enseigne la littérature au Collège Universitaire Français de Moscou. Ses
recherches visent à comparer le cycle arthurien et les légendes nartes des Ossètes. Il explique au Courrier de Russie pourquoi il regrette que les Français connaissent l’Ossétie par
la prise d’otage de Beslan et la guerre russo-géorgienne de 2008, mais non pour sa culture
qu’il juge passionnante.
Le Courrier de Russie : À quel moment et pour quelles raisons vous
êtes-vous intéressé à la culture ossète ?
Laurent Alibert : Il y a plusieurs
raisons, directes et indirectes. Tout
d’abord, je me suis intéressé à la
culture ossète par le biais de mes
recherches et lectures personnelles.
Cela remonte à bientôt dix ans et
c’est lié à ma passion pour les mythologies. J’ai lu une traduction des
Narty Kaddžytæ (légendes nartes des
Ossètes) du grand chercheur français Georges Dumézil, ainsi que ses
études sur ces légendes. Alors qu’il
s’agit d’un matériau important et
passionnant, cette mythologie était
bien moins connue en France que les
légendes celtiques ou scandinaves.
Et j’étais intrigué.
Quelques années plus tard, après
les légendes, j’ai découvert la langue et
la culture ossètes. Le goût de la langue
m’est venu par la sonorité particulièrement exotique des noms de personnages et de lieux. L’ossète est d’ailleurs
un objet intéressant pour les linguistes,
car c’est la dernière langue vivante de
la branche nord-est iranienne. J’ai
alors commencé à fréquenter les cours
d’ossète de l’INALCO (Institut des
langues et civilisations orientales) à
Paris, puis j’ai fait connaissance avec
des gens de l’« Association Ossète en
France ». Ainsi, j’ai bientôt pu commencer à lire les légendes nartes dans
le texte original.
LCDR : Quid des raisons indirectes ?
L.A. : Elles transparaissent dans le
sujet de ma thèse de doctorat : j’y compare les légendes nartes au Roman de
Jaufré, une œuvre du cycle arthurien
écrite en occitan par un auteur anonyme de la fin XIIe-début XIIIe siècle.
Les deux cultures, pour moi, ne sont
pas qu’un objet d’étude. La sensibilité aux langues minoritaires me vient
de ma famille : mes grands-parents
parlaient occitan et ils me l’ont appris
rallèles entre le cycle arthurien et
les légendes nartes ?
L.A. : Les deux œuvres présentent
des traits communs dans la description de certains personnages. On
retrouve ainsi un seul prototype derrière le Narte Syrdon et le sénéchal
Keu, chevalier de la Table Ronde,
particulièrement tel qu’il apparaît
dans le Roman de Jaufré. Ils incarnent tous deux la parole trompeuse.
Ils sont redoutés de tous, ils se moquent des gens, et leur classification
morale est toujours problématique.
Un autre chercheur a mis en
parallèle les personnages féminins,
la Dame du Lac des romans arthuriens et la Narte Satana : elles sont
quand j’étais adolescent. Ainsi, je me
dirige en quelque sorte naturellement
vers les langues peu parlées.
de langues indo-européennes. J’ai
voulu prolonger ce travail dans le domaine que je connaissais bien.
LCDR : Pourquoi comparer les
contes nartes précisément au Roman de Jaufré ?
L.A. : Un lien évident entre mes
deux sujets de recherches s’est établi
par la méthode de comparaison dite
« dumézilienne » : j’ai remarqué qu’il
était fructueux de comparer les traces
mythiques qui subsistaient dans ce
roman occitan médiéval – que je
connaissais bien pour l’avoir étudié
en Master d’études romanes – avec
certains motifs merveilleux des légendes des Ossètes. Au premier regard, le Roman de Jaufré et les cycles
nartes sont très différents culturellement et linguistiquement. Mais en
réalité, ils présentent des parallèles
assez surprenants.
Dumézil avait mis à jour des
structures communes aux légendes
des Ossètes et à celles d’autres
peuples indo-européens. Il les a
comparées avec des mythes indiens,
celtes et surtout scandinaves et a
révélé une survivance de ce qu’il
nomme la « trifonctionnalité » de
la pensée ancienne des locuteurs
LCDR : Par exemple ?
L.A. : Dans la légende scythe de
fondation de la royauté rapportée par
Hérodote, le souverain est désigné
grâce à trois talismans d’or tombés
du ciel. Ces talismans correspondent aux trois fonctions propres à la
conception de l’univers et de la société chez les Indo-européens. Les fonctions sont hiérarchisées : la première
est suprême et magique, la deuxième
est guerrière, et la troisième est
productive et fertile. Les talismans
scythes sont une coupe d’or pour la
fonction souveraine, une hache pour
la guerre, un joug et une charrue
pour la fertilité.
Les Ossètes reprennent ce motif scythe dans la légende qui relate
la désignation du meilleur d’entre
les Nartes : Batradz. Et l’on trouve
également, dans le Roman de Jaufré,
un écho de ces talismans. Dans la
légende occitane, un Chevalier-Enchanteur doit recevoir du roi Arthur
des présents selon la même structure :
une coupe d’or, le meilleur de ses
chevaux (pour la guerre) et le baiser
d’une demoiselle, qui symbolise la
fonction reproductrice.
LCDR : Cette symbolique est-elle
spécifique aux représentants des
anciennes cultures indo-européennes ?
L.A. : Selon G. Dumézil, ces structures sont entrées dans l’imaginaire
mental des sociétés indo-européennes et s’y sont, parfois, maintenues longtemps. G. Duby montre
ainsi comment la société médiévale
et même l’Ancien Régime continuent
d’être divisés en ordres correspondant à ces trois fonctions : oratores
(ceux qui prient), milites (ceux qui
combattent) et laboratores (ceux
qui travaillent). Ce seront, plus tard,
les « trois États » : clergé, noblesse
et peuple.
LCDR : D’autres exemples de pa-
qu’il considère ne plus rien pouvoir
apporter à son peuple. C’est un trait
caractéristique des Scythes, et qui
entre d’ailleurs en contradiction avec
la tradition caucasienne de respect
des Anciens, par ailleurs tout à fait
adoptée par les Ossètes.
LCDR : D’autres différences ?
L.A. : L’évolution de certains traits
stylistique anciens dans les deux
textes est intéressante. Les contes
oraux ossètes étaient destinés au
peuple, tandis que le roman médiéval s’adressait à la société courtoise.
De fait, les personnages n’y sont pas
présentés de la même manière, les
procédés stylistiques diffèrent. L’hy-
La sensibilité aux langues minoritaires me vient de ma famille : mes grandsparents parlaient occitan et ils me l’ont appris quand j’étais adolescent. Ainsi,
je me dirige en quelque sorte naturellement vers les langues peu parlées.
toutes deux associées à la mort et au
monde aquatique ; elles protègent
leurs neveux, héros élevés sous le lac
ou au fond de la mer. Le personnage
de la fée de Gibel, dans le Roman de
Jaufré, possède de nombreux traits
de cet être féminin associé à l’Autre
monde aquatique.
LCDR : Quelle est l’origine de tels
parallèles ?
L.A. : On peut évoquer soit un emprunt des Celtes à la tradition scythe
ou sarmato-alaine dont les Ossètes
sont des héritiers, soit des structures
communes aux peuples indo-européens. Les emprunts auraient pu
avoir lieu lors des contacts entre les
Celtes continentaux et les Scythes.
Mais ce ne sont là que des hypothèses : on ne dispose pas, actuellement, de matière suffisante pour
appuyer ou écarter une proposition
en particulier.
LCDR : À présent, en quoi les mythologies se distinguent-elles ?
L.A. : Les Alains (ancêtres des Ossètes dont proviennent les légendes
nartes) et les Européens médiévaux
n’ont pas toujours défendu les mêmes
valeurs dans leurs mythes. Une différence importante réside dans le fait
que les Alains n’attachaient que peu
d’importance aux rois. Et leurs descendants ossètes n’en avaient pas, au
contraire de ce qui se passe dans la
culture médiévale occidentale. Chez
les Ossètes, ce sont principalement
des guerriers qui sont mis en valeur.
Le chef narte Uryzmæg, par exemple,
n’est pas un roi, c’est un ancien guerrier : il prend certains traits de la fonction royale mais c’est essentiellement
lors d’expéditions conquérantes qu’il
conduit son peuple. La mort du roi,
dans la culture européenne médiévale, est une catastrophe : elle remet
en cause l’ordre cosmique. Chez les
Ossètes, le personnage d’Uryzmæg
tente même de se suicider, dès lors
perbole, très utilisée dans les deux
mythologies, révèle cet écart.
Le roman occitan a recours à
des hyperboles épiques : on utilise
les chiffres pour mettre en valeur
la force d’un personnage : le héros
pouvait « battre milles guerriers »,
etc… Mais le plus souvent, elles servent plutôt à dévoiler le degré de
courtoisie : il est « supérieur à mille
hommes » parce qu’il est amoureux ! Dans les légendes nartes, on
observe un autre phénomène : la
frontière entre l’hyperbole et le motif merveilleux est plus « poreuse »,
la limite n’est pas claire. On peut citer
l’exemple d’un tout jeune enfant qui
est le seul homme de sa famille et doit
de ce fait, selon la coutume, aller à la
guerre. Sa mère refuse de le laisser
partir, mais l’enfant lui-même brise
son berceau pour partir au combat. La
façon dont l’événement est décrit se
développe sur plusieurs lignes. Ainsi,
dans un des contes, la planche droite
du berceau est éjectée si loin qu’elle
détruit une montagne noire qui se
trouve derrière, tandis que la planche
gauche s’enfonce dans la mer, etc.
Le degré de puissance est à ce point
développé par le conteur qu’il devient
un motif merveilleux, il n’est plus une
simple hyperbole.
LCDR : Quel est le premier objectif
de vos recherches ?
L.A. : Je vous répondrais : chercher
pour chercher plus que pour trouver… Pour n’évoquer que le côté ossète, j’aimerais développer les études
nartes en France. Par ailleurs, en annexe de ma thèse, j’ai traduit en français quelques légendes nartes inédites.
Je souhaite poursuivre ce travail afin
de faire connaître la culture ossète. La
France ne connaît l’Ossétie principalement que par la prise d’otage de
Beslan et la guerre russo-géorgienne
de 2008. Pourtant, c’est tout un autre
univers – celui de la culture – qu’il
est indispensable de découvrir.
Expérience
Texte : Nina Fasciaux
Illustration : Semen Faibisovitch. presqu’une icone.
Courtesy Regina Gallery, London & Moscow
15
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
Bien-aimés vagabonds
La légende dit que Youri Loujkov, ancien maire de Moscou, s’est rendu à Paris et qu’enthousiasmé par le système des patrouilles mobiles du Samu social, il a crée, de retour dans
sa ville, les patrouilles sociales de Moscou, qui viennent en aide aux sans-abris depuis 2009.
Le 16 novembre, le nouveau maire Sobianine a donné rendez-vous aux media pour qu’ils
constatent en direct l’action menée par ces travailleurs sociaux. Reportage.
A
vant même d’y être, je m’imaginais assez bien une scène
qui s’est déroulée précisément
comme je le prévoyais : défilé
de camions flambant neufs de la
patrouille sociale et vice-président du département de la protection sociale municipale,
Sergueï Logounov, récitant péniblement son
discours sur la nécessité d’aider les plus démunis et le succès de l’action entamée il y a
deux ans. Huit fois moins de SDF sont morts
de froid entre 2003 et 2010, soit respectivement 1223 et 151 personnes à Moscou.
La quinzaine de journalistes équipés de
caméras avaient hâte d’en finir – ce froid !,
c’est vrai, comment ils font les sans-abris ? –
mais c’était sans compter sur la farandole de
bénévoles qui avaient tant attendu ce moment de gloire pour toutes ces heures passées à accompagner des ivrognes. Ni sur la
police, toute fière de prendre part à une mission valorisante, pour une fois.
Bien décidée à jeter un œil derrière la
façade, je me glisse dans un des camions de
patrouille. Et me retrouve en compagnie de
Sergueï, chauffeur, et d’un médecin, Anton.
Sergueï m’explique que le service de
patrouille dispose de neuf camions en tout –
soit six de moins que le chiffre annoncé
quelques minutes plus tôt face aux caméras.
L’équipe : une vingtaine de personnes pour
gérer… 10 à 15 000 sans-abris moscovites,
selon les chiffres officiels.
« Il y en a beaucoup plus en réalité, précise Sergueï. Peut-être le double. Avant, sous
l’URSS, on n’en avait presque pas : tout le
monde travaillait. Si vous n’aviez pas de boulot, vous étiez hors-la-loi, et les mendiants
risquaient jusqu’à trois ans de prison. »
Les patrouilles répondent aux appels
de citoyens qui les alertent lorsqu’un SDF
semble avoir besoin de secours et, le reste
du temps, elles sillonnent la ville et jouent les
ambulanciers, transportant les sans-abris de
foyer en foyer.
Alors que les premiers SDF s’approchent
lentement du camion, stationné derrière la
gare de Iaroslavl, on me tend un masque afin
que je ne sois pas trop indisposée par l’odeur.
Je le prends mais hésite, réticente : comment
parler à des gens si je me protège ? Cependant, Youri, l’homme qui monte alors dans le
camion, bonnet enfoncé jusqu’au sommet du
nez et long manteau sale, me met à l’aise : il
enfile lui aussi un masque. Et, sans attendre,
se confie : « Les foyers, vous savez, c’est
seulement pour les Moscovites : il faut être
enregistré pour bénéficier de soins et d’une
place en centre. »
Les autres, ceux qui viennent de tous les
coins de Russie ou même de CEI [soit 90%
des SDF de Moscou, ndlr] et qui ne peuvent
prouver qu’ils sont établis dans la capitale,
ne sont acceptés en foyer que pour passer la
nuit ; et les places sont chères. La ville dispose de six centres comprenant chacun entre
200 et 600 places.
« Il y a même des foyers où ils nous font
travailler !, poursuit Youri. Moi je ne peux
pas, je suis invalide. Et puis, il y est interdit
de boire, de fumer… »
À Moscou, malgré le climat, pas de
« trêve hivernale » [cette pratique française
qui interdit, entre le 31 octobre et le 15 mars,
l’expulsion de personnes ne payant pas leur
loyer, ndlr]. Je questionne un autre SDF qui
nous a rejoints dans le camion :
- Comment vous vous êtes retrouvé à la
rue ?
- Un soir, j’ai trop bu, je me suis endormi dehors. En me réveillant, j’ai vu qu’on
m’avait coupé les orteils, à cause du froid… je
ne pouvais plus travailler, et j’ai tout perdu.
- Ça fait combien de temps ?
- Trois ans.
- Et vous dormez où, l’hiver ?
- La nuit ? Dans le métro… quand il ferme,
on s’allonge sur des cartons, ou bien dans les
halls d’immeuble… près des canalisations de
chauffage. Les gares sont dangereuses : mais
je ne veux pas en parler, j’ai trop peur.
Les gares sont des points de ralliement
des SDF. Mais elles effraient un grand
nombre d’entre eux. Un travailleur social,
Sergueï, me raconte que c’est le lieu où les
gens voient leur vie basculer… pour la rue.
« Ils arrivent à Moscou par le train, des
gens normaux. On leur propose à boire, on
les drogue, puis on leur vole tout. Lorsqu’ils
se réveillent, ils n’ont plus rien : plus de papiers, plus de téléphone, plus d’argent, parfois plus de mémoire. Plus d’autre alternative,
en somme, que la rue. Effrayés, ils squattent
dans la gare même… aussi parce que c’est un
bon endroit pour voler à leur tour. »
La majorité des SDF que nous rencontrons marchent à l’aide de cannes : « C’est à
cause du froid, ou de l’alcool, explique Sergueï,
le chauffeur de patrouille. Leurs autres blessures sont dues à des coups : soit ils se battent
entre eux, soit ils se font frapper par la police
ou, plus souvent, par des groupes de jeunes.
Certains mettent le feu à leur corps pendant
qu’ils dorment ! Il arrive aussi qu’ils se fassent
exploiter par des bandes : surtout les invalides –
ils peuvent récolter jusqu’à plusieurs milliers
de roubles par jour en mendiant. »
La durée de vie des sans-abris est courte,
du fait de la piètre qualité de l’alcool qu’ils
ingurgitent et des maladies qui circulent :
« Ceux qui passent le premier hiver ont généralement quelques années devant eux, mais
jamais plus », constate Sergueï.
Je me tourne alors vers le médecin de
patrouille :
- Ça sert à quelque chose, cette journée
de sensibilisation ?
- Je n’en sais rien.
- Pourquoi vous faites ça, vous ?
- C’est mon travail. Avant j’étais aussi médecin, mais dans les prisons. Ces gars-là, je
les ai côtoyés toute ma vie.
- Vous vous sentez utile ?
- Comme toute personne qui fait son travail. C’est mon boulot, ça s’arrête là. »
Et son boulot, c’est de ramasser les sansabris et de les conduire dans des centres où
ils pourront se laver, trouver des vêtements et
manger. Survivre. Et aussi d’aider certains à
faire valoir leurs droits à un logement en foyer.
C’est le cas de Stanislav, Moscovite, ancien acteur de théâtre, à qui on fait passer
un test de dépistage de la tuberculose avant
de déposer son dossier dans le centre censé
l’accueillir pour l’hiver.
Il demande à me parler : Stanislav est fan
de Stendhal, Alexandre Dumas, Mireille Mathieu et quelques autres. Il a connu son heure
de gloire au théâtre de Taganka, dans les années 70, aux côtés de Vladimir Vyssotky, et
s’exprime avec une grande éloquence. Il me
demande des nouvelles de Michèle Mercier.
« Après l’effondrement de l’URSS, la profession d’acteur s’est essoufflée, car il y avait
beaucoup moins de subventions pour les
théâtres. Tout le monde devait se débrouiller,
monter son business, alors j’ai fait pareil :
j’avais une librairie. Mais à l’époque, des
bandes armées attaquaient et pillaient tout :
ils m’ont menacé, frappé, et ont pris ma société. Je suis devenu invalide. Puis, ils m’ont
pris mon appartement. »
Pendant de nombreuses années, Stanislav a réussi à se faire héberger par des
proches. « L’important, c’est de rester enregistré à Moscou quoi qu’il arrive : ça me
permet de toucher une petite pension. Mais
toujours pas assez pour prendre un appartement. Je vis dans la rue depuis 2006, je ne
peux plus importuner les gens qui m’ont déjà
aidé pendant si longtemps… »
Je lui demande ce qui est le plus dur pour
lui, aujourd’hui. Il part d’un rire triste :
- Le pire ? C’est la nostalgie !
- Qu’est-ce qui vous aide à vivre ?
- La poésie… et ma dignité. »
Lorsque nous arrivons au foyer pour y
déposer Stanislav, la coordinatrice des patrouilles nous propose de le visiter et d’interroger quelques-uns de ses occupants. Mais
c’était sans compter sur l’avis du directeur :
visiblement, observer les conditions de vie des
sans-abris dans les centres n’est pas au programme de la journée de sensibilisation. Il faut
une autorisation : le grand public ne devra voir
que ce qui aura été dûment sélectionné au préalable par la mairie de Moscou.
Pour découvrir une journée d’une patrouille sociale en photos, rendez-vous
sur lecourrierderussie.com
16
Guide
C’est de la dissidence comme on s’en régale, ça attaque les grands
méchants dirigeants soviétiques et russes, ça se moque de l’Autorité.
Julia Breen sur l’exposition de Dmitry Tsvetkov
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
Texte : Julia Breen
Pour les irréconciliables
ROCK
Pour les civilisateurs
PHOTO
S
Z
emfira, pourtant Bachkire, c’est un peu un concentré de la capitale du Nord. De Saint-Pétersbourg elle a la pluie, la grisaille, l’entre-deux, l’indécrottable nostalgie. Poète maudit,
ériger sa souffrance en bannière, se complaire à gratter les blessures, surtout ne jamais
cicatriser, au grand jamais guérir. Sombre, frêle, maladroite. Mais le talent, l’énergie, l’intransigeance. Sauf qu’un rocker désespéré, c’est fait pour mourir avant 30 ans, malheureux,
incompris ; c’est fait pour rester une idole. Sinon, après, il faut composer. On se retrouve la
chanteuse la mieux payée de la scène russe, on ne fait que des salles immenses, on devient juste une
emmerdeuse. Il faut grandir. Car le pathos qui plaisait tant prend un désagréable air de surjoué. Et
pourtant restent le talent, l’intransigeance. Un peu moins d’énergie peut-être mais plus de professionnalisme. On est loin de la môme écorchée qui chantait dans les rues d’Oufa, certes. Mais ses
spectacles, même à prix d’or, sont d’authentiques shows. La dame est bien une légende, son seul tort
est d’en être une encore vivante. Et que faire ? Nul n’est épargné et Jésus aurait sans doute perdu tout
son crédit à mourir peinard dans un lit. Alors rendez-vous au club Arena.
Zemfira, le 12 décembre, à 21h. Klub Arena 1, Leningradsky prospekt, d.31, str. 4
www.zemfira.ru
www.a1.arenagroup.ru
aint-Pétersbourg invite Moscou. Celle de la fin des années 30.
Celle qu’observe derrière un objectif une Américaine, fille d’ambassadeur : Emlen Knight Davies. Le papa Davies aimait bien Staline,
il croyait dur comme fer à la ligne prosoviétique. À la culpabilité de
tous les déportés, à la légitimité des Grandes purges. Et à sa femme
qui disait « les coups de feu incessants la nuit », il répondait « les
explosions de dynamite pour la construction du métro ». Pendant
que sa fille sillonnait la capitale, prenait des photos, tenait un journal. Drapeau
américain en coin, depuis la fenêtre de l’hôtel particulier diplomatique : Moscou
est basse, vaste et étonnamment vide. Les grosses voitures croisent les carrioles
à chevaux. Et les tanks, ça et là dans la neige, ont l’air tout petits. Sous les
bannières rouges appelant à la Révolution socialiste internationale, derrière les
vitrines dorées GOUM : Moscou est étonnamment provinciale. Les photos sont
d’une étrangère, une privilégiée, et toute photo n’est qu’un regard. Mais celles-ci
disent un contraste fort, elles disent le vernis moderne sur une ville qui n’est
qu’un grand village. Ancestral, paysan. Elles disent que le XXè siècle a transformé l’Empire russe féodal
en une nation industrielle
moderne. À vitesse grand V
et à grands coups de trique.
Mais si jusqu’aujourd’hui,
tout n’était que vernis…
Le Moscou des années
1937-1938 dans les yeux
de la fille de l’ambassadeur
des USA, jusqu’au 15 décembre. Musée public d’histoire de Saint-Pétersbourg,
forteresse Pierre et Paul
www.spbmuseum.ru
Pour Faust
Pour des mammouths
ROCK
L
e label Geometria, c’est Auktsion. Groupe mythique. La BO
de Brat 2. Depuis les années
80, ils s’essaient à tous les
genres, inclassables, toujours
là. Poètes et nihilistes. Le label Geometria, c’est encore le groupe Vezhlyvy otkaz
(« Refus poli »), tout aussi impossibles à
mettre dans des cases. Le label Geometria,
c’est beaucoup d’autres musiciens encore,
c’est LE label des deux dernières décennies
du rock russe. Qui est moins un genre musical qu’une ligne de pensée, une position
philosophique. Indépendance coûte que
coûte, liberté et sa solitude, révolte permanente, apolitique et amorale. C’est se
foutre de tout et boire pour oublier qu’on
boit. Jamais rien d’acquis et pas grandchose à construire. Même plus l’espoir
d’un ailleurs. Avec un humour décapant
et un génie de l’auto-dérision. Chanter
et faire des barbecues pour encaisser les
coups de cette chienne de vie. Le label
Geometria se paie un concert anniversaire.
Avec tous les groupes qu’il a soutenus. Et,
même si les jubilées sonnent souvent la fin
des époques qu’ils célèbrent, le festival du
label Geometria, c’est inratable.
Festival GEOMETRIA : 10 ans de musique
juste, le 2 décembre à 19h. Klub Hleb, Zvenigorodskoe chosse, 11.
www.clubhleb.ru
SPECTACLE
’histoire du soldat, c’est Tchaïkovsky coincé
en exil suisse, entre deux mondes et deux
périodes. Une petite partition de C-F. Ramuz
pour trois récitants et une poignée d’instruments. C’est, dans un conte russe traditionnel, l’éternel mythe de l’innocent qui vend son âme au Diable.
Et c’est, même avec une deuxième chance, la victoire
finale du démon. L’âme ici est un violon, et les puissances du Mal sont toujours aussi séduisantes : beauté,
confort, richesse matérielle, facilité. Le projet Platforma, c’est Winzavod qui a offert, pour cinq ans et à perte,
un espace au réalisateur Sergey Serebrennikov. Un lieu
où accueillir des créations qui, entre théâtre, danse,
musique, performance ou art contemporain, ne trouvent leur place dans aucun cadre. Tchaïkovsky version
Platforma, ça donne une Histoire du soldat au nouveau texte et à la musique nouvelle, prolongement plus
qu’adaptation, avec les deux chorégraphes hollandais
de la compagnie Club Guy & Roni et le compositeur
russe Alekseï Syssoev. Un soldat, revenu du front, est
écartelé entre désir de tuer et inadmissibilité du crime.
L’histoire d’une âme fragile et d’un dilemme moral.
Parce que le bien authentique ne peut se mesurer qu’à
l’épreuve du mal. Partition pour lits métalliques.
Spectacle Istoria soldata, projet Platforma, du 25 au
30 novembre, à 20h. TsSI Winzavod, 4-y Syromyatnitchesky per., 1, str. 6.
L
Pour les chapeaux des mamans
ART CONTEMPORAIN
mitry Tsvetkov, c’est cette génération des
Kulik et Osmolovksy, arrivés en art dans
les années 90, provocateurs et insolents.
De ceux, nés dans l’Empire en flammes,
qui dansent sur ses ruines, ne respectent
rien, dissèquent haut et fort, s’agitent.
Dmitry Tsvetkov et cette exposition, presque rétrospective,
ça plaira – au premier abord – beaucoup à l’Ouest. C’est
de la dissidence comme on s’en régale, ça attaque les grands
méchants dirigeants soviétiques et russes, ça se moque de
l’Autorité. Ça raille la représentation du pouvoir, ça met en
lumière tout le kitsch de sa symbolique. À coups de manteaux
de parades brejneviennes rose fuschia ou
bleu pétard et médailles fantaisie. De décorations de guerre revues en perles et strass, de
carabines en laine de feutre ou de mausolées à
Barbie. Pourtant, Dmitry Tsvetkov, c’est un peu
plus complexe que ça. Ou plus simple. C’est
de la dérision sans aucun doute, mais la cible
est plus large. Tsvetkov, parce qu’il ne prend
rien au sérieux, pourrait être resté un enfant.
Un gamin qui joue avec des objets d’adultes.
Et s’il n’y avait que des enfants ? Si nos
vies n’étaient que mimiques ? Si tous nos
grands principes, combats, amours, chagrins ne ressemblaient qu’à cette petite fille,
face au miroir, au maquillage grotesque, qui
fait semblant de fumer et titube dans des
escarpins trop grands ?..
Dmitriï Tsvetkov, Gosudarstvo (« État »),
du 22 novembre au 8 janvier. MMSI, Petrovka, 25.
www.mmoma.ru
D
17
Moscou en bouteille
Les bouteilles apparaissant – et disparaissant – à toute
vitesse, je ne parviens rapidement plus à en faire le
compte, pas plus qu’à compter mes propres verres.
Le Courrier de Russie
Textes : Vera Gaufman
Illustration : Pablo Picasso, Jeane Fille Endormie
Vera Gaufman sur la fête du Beaujolais nouveau au Bistrot Canaille
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
Le Beaujolais nouveau est arrivé !
LES CONCERTS DU
CONSERVATOIRE
DE MOSCOU
Après le numéro sur l’ivresse, épuisée par l’obligation – si, si ! – de me saouler pour écrire mes articles, je sentais
pourtant comme un manque, j’étais torturée par un gestalt inachevé... Mais bien sûr ! Le vin français n’avait pas visité mes entrailles. La fête du Beaujolais nouveau au Bistrot Canaille m’a paru une excellente occasion de remédier
à cette lacune dans mon éducation.
M
es collègues français de la rédaction n'étaient pas enchantés à l’idée de cette célébration.
« C’est juste un coup marketing,
un attrape-touristes », a décrété Nina, rédac chef du site internet, haussant
les épaules. Bon, mais moi, je suis Russe, et je
me laisse volontiers arnaquer par un tel événement. Situé sur la rue Bolchaïa Bronnaïa, près de
la synagogue (on a les références qu’on peut), le
Bistrot Canaille a été ouvert il y a sept mois par
l’ancien chef cuisinier de l’ambassadeur de France,
Frédéric Hennin.
Je suis arrivée largement en avance à cette
soirée pour laquelle les tables étaient presque
toutes réservées depuis une semaine. L’intérieur
bourdonnait déjà d’hôtes en grande partie français,
assortis pourtant d’un groupe de Russes. Petites
tables aux nappes à carreaux rouges, jolies photos
sur les murs : rien d’extravagant et le tout très cosy.
Je me retrouve à la table « des chefs » : tous
des anciens du restaurant Eldorado qui, au zénith
de sa gloire, invitait de grands chefs français, notamment Frédéric Hennin, Jérôme Rigaut, chef
actuel de Medvedev, ou Fabrice Lecoin, chef cuisinier de la résidence de l’ambassadeur. Ce dernier –
Fabrice, pas l’ambassadeur – est assis près de
moi. Il arrive, d’ailleurs, avec un peu de retard : le
plateau de gourmandises « maison » – saucisson à l’ail, pâté de campagne, rillettes du Mans et
gâteau de foie blond – a déjà été entièrement englouti par moi, et moi seule, armée d’une baguette
croustillante et d’un Beaujolais Village primeur.
Les cuisiniers à ma table semblent apprécier le vin
et je confie donc qu’il me plaît bien aussi. Et c’est
vrai ! Même si tous les Français de la rédaction
m’avaient mise en garde, assurant que le Beaujolais, c’est « dégueulasse par principe », et que je
m’étais préparée à avaler du vinaigre pur. J’ai été
épargnée.
Les bouteilles apparaissant – et disparaissant – à toute vitesse, je ne parviens rapidement
plus à en faire le compte, pas plus qu’à compter
mes propres verres. Les hôtes français de la table
entament d’ailleurs des chansons traditionnelles,
pour être interrompus par des mélodies russes.
Là, juste avant l’entrée en scène de la blanquette
de veau à l’ancienne, Fabrice Lecoin me confie :
« En pratique, la fête du Beaujolais, ce n’est qu’un
prétexte pour boire ». Je me réjouis à l’idée que
les Russes ne sont pas les seuls à s’inventer des
occasions de beuverie.
Les chefs commencent à égrener les souvenirs
de leur « jeunesse » à l’Eldorado : « Le propriétaire
était complètement fou, il frappait les serveurs, sa
femme... Mais on ne peut pas lui retirer ceci : il a
fait venir plusieurs chefs michelinés qui sont en
majorité restés en Russie par la suite. »
Entre temps, la marquise au chocolat et le
chou à la crème ont débarqué dans mon assiette.
Et le Beaujolais continue de se marier à ravir avec
tous ces régals. Le concours de chant entre les
Français et les Russes se fait de plus en plus intense. Ayant finalement vaincu ma timidité, je demande à Fabrice comment sa femme parvient à lui
faire à manger. « Oh, ce n’est pas si compliqué –
j’adore les pirojkis ». Je note. Et de lancer : « Viens
boire un café à l’ambassade un de ces jours, je t’offrirai de bons croissants français » (je rapporte exprès l’invitation ici – pour avoir des preuves).
Passée la séance photos, après minuit, je dis
au revoir à Frédéric en essayant tant bien que mal
de garder l’équilibre. Rien à dire : le Beaujolais
nouveau est bien arrivé.
Bistrot Canaille
Bolshaïa Bronnaïa, 11
+7(499) 391 01 78
http://www.bistrotcanaille.com/
Pour en savoir plus sur les hauts et les bas
des cuisiniers français en Russie, retrouvez
l’interview de Frédéric Hennin « 150 millions
de Russes ne peuvent pas bouffer que des
patates » et le reportage aux cuisines du
Kremlin avec Jérôme Rigaut « Cuisine top
secrète » sur lecourrierderussie.com
Jeudi, 1 décembre, 19h
(Grande Salle) : La
chapelle académique
symphonique d’Etat. Au
programme : Beethoven
Vendredi, 2 décembre
19h (Salle Malyï) :
Soirée dédiée au piano.
Au programme : Chopin,
Schumann
Samedi, 3 décembre, 19h
(Grande Salle) : Cameristi
della Scala. Au
programme : Vivaldi, Bach,
Mozart, Piazzolla
Dimanche, 4 décembre,
19h (Grande Salle) :
L’orchestre symphonique
d’Etat Nouvelle Russie.
Chef d’orchestre : Youri
Bachmet
Mercredi, 7 décembre,
19h (Grande Salle) : Festival de la Grande Salle. Au
programme : Verdi, Bellini,
Wagner, Puccini, Massenet
Vendredi, 9 décembre,
19h (Grande Salle) : Le
grand orchestre symphonique Tchaikovsky. Au programme : Dvořák , Franck
Lundi, 12 décembre, 19h
(Salle Malyï) : L’orchestre
de chambre Veritas. Au
programme : Mozart
Samedi, 24 décembre,
19h (Grande Salle) :
Soirée de chant avec Anna
Netrebko
Dimanche, 25 décembre,
19h (Salle Rakhmaninov) :
Poésie de la musique romantique. Au programme :
Liszt, Brahms
Billets en vente :
11, Bolchaïa Nikitskaïa
www.mosconsv.ru
Nuit du Nouvel An à La Marée
La Marée, c’est LE restaurant de poissons dans la capitale
L
e réseau de restaurants
La Marée appartient au
plus gros fournisseur de
poissons et fruits de mer
de Russie. Huîtres, langoustines
et crabes extra-frais, bulots noirs
exotiques, oursins, Saint-Jacques
ultra-moelleuses, homards, poulpes
et encore une cinquantaine de
sortes de poissons divers venant
du monde entier reposent dans la
glace ou nagent dans les aquariums
de ces restaurants et échoppes à
poisson.
Nouveau : La Marée propose
désormais un service unique –
le 1er catering de la mer.
À la tête de l'équipe des cuisiniers :
le chef titre des restaurants La
Marée, Abdessattar Zitouni, qui
possède une expérience de près de
40 années dans les meilleurs restaurants du monde.
En 2007, le restaurant La Marée de la rue Petrovka fut le premier
à rejoindre la Chaîne des Rôtisseurs
française, autorité en la matière, la
plus ancienne des associations gastronomiques existantes. Par la suite,
les restaurants ouverts sur la Malaïa
Gruzynskaïa et dans la ville de
Jukovka ont rejoint à leur tour les
rangs de la Chaîne des Rôtisseurs,
respectivement en 2010 et 2011.
Une autre des fiertés de La Marée : la carte des vins, récompensée
pour la cinquième année d’affilée
par un diplôme de la prestigieuse
revue de vin Wine Spectator, véritable autorité dans le domaine.
Pour la 2ème année de suite, La
Marée vous invite à fêter la Nuit
du Nouvel An dans son restaurant
de la rue Malaïa Gruzynskaïa.
La fête promet d’être somptueuse et
riche autant par son programme de
divertissements que par le généreux
menu du chef-cuisinier
Zitouni avec tous ses
mets fins : délices de la
mer, foie gras, truffes,
cailles…
Vous serez agréablement surpris par
l’authentique royaume
des neiges avec bar
de glace et figurines
maritimes gelées : vous
pourrez vous réchauffer avec de la oukha
(soupe de poissons) bien chaude
et de la viande au grill. La Nuit
du Nouvel An 2012 à La Marée :
c’est aussi, naturellement, huîtres
et champagne à volonté. Pour les
divertissements : le collectif Dedov
Morozov, l’ensemble tsigane Chtar
avec un programme de ses morceaux les plus passionnés, le groupe
Pina Colada ou encore la danseuse
Monica Mendes Correas, inscrite
au Guinness des records.
La Marée
À Moscou :
Petrovka, 28/2, M. Gruzynskaïa, 23, str.1
Rublevo-Uspenskoe chosse, d. Jukovka, 201
À Saint-Pétersbourg :
Suvorovky prospekt, 34
Tel: +7(800)555 04 35
www.lamaree.ru
18
Du côté de chez vous
Texte : Mikhaïl Mochkine, Evgueny Gladine, Moskovskye novosti
Traduit par Julia Breen
Photo : Ilya Epishkin, i-narodny.livejournal.com, www.onlife.me
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
www.lecourrierderussie.com
La ceinture de l’espoir
Des dizaines de milliers de personnes ont fait une
queue de plus de 12 heures pour se recueillir devant la
Sainte Ceinture de la Mère de Dieu
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L
’arrivée de la Sainte Ceinture de la Vierge à
Moscou était la dernière étape du voyage de
la relique à travers le pays. Le 20 octobre, la
Ceinture avait été apportée depuis le mont
Athos à Saint-Pétersbourg, où elle avait été accueillie par le Premier ministre Vladimir Poutine, le gouverneur Gueorgy Poltavchenko et le vice-Premier ministre
Dmitry Kozak.
La confrérie des moines grecs de Vatoped, qui possède
la relique, avait toujours opposé un refus à toutes les demandes de la déplacer hors du monastère. La Russie fut le
premier pays autorisé à accueillir la Sainte Ceinture de la
Vierge, vénérée dans tout le monde chrétien. Cette « visite »
n’aurait pas été possible sans la collaboration entre le clergé et l’État. Le fonds de l’apôtre Andreï Pervozvanny et le
Centre de la gloire nationale de Russie, qui ont fait venir
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la relique, sont patronnés par le président des Chemins
de Fer russes Vladimir Yakounine ; et au conseil de tutelle
siègent le secrétaire présidentiel Vladimir Kojine et le vice
Premier ministre Sergueï Ivanov.
La Sainte Ceinture a été transportée de Kaliningrad à
Vladivostok et de Norilsk à Rostov-sur-le Don. Au long de
tout son itinéraire, la Ceinture a été accompagnée par une
quantité innombrable de fidèles : à Saransk, par exemple,
modeste capitale régionale, l’objet saint a été honoré par
au moins 70 000 personnes. À Pétersbourg, le délai moyen
d’attente dans la queue était de 14 heures. À Samara, les
fidèles (parmi lesquels des femmes portant des enfants
dans les bras), ne supportant plus d’attendre debout dans
le froid, ont brisé le cordon de police ; et, à Stavropol, une
pèlerine de 84 ans venue de la ville ossète nord de Mozdok
est morte dans la file d’attente.
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19
Le Courrier de Russie
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Les pèlerins étaient guidés non seulement par la
foi, mais aussi par les paroles du patriarche Kyrill sur le
fait que « de nombreuses maladies non soignées, notamment oncologiques, disparaîtront lors de la prière
ardente face à cet objet saint ». C’est justement la
prière pour une bonne santé qui a constitué la principale demande des croyants, pour le confort desquels
les autorités moscovites avaient bloqué à la circulation presque toutes les rues adjacentes à la cathédrale
du Christ Sauveur. Le long de la file d’attente ont été
installées 350 cabines de toilettes. 14 fourgons d’aide
d’urgence étaient en service et 6 points de ravitaillement en nourriture ont été disposés sur la rue Volkhonka et 39 sur les quais Prechtchistenka et Frunzenskaïa.
Pour autant, il était extrêmement difficile de contrôler
toute la masse des pèlerins présents (plus de 70 000
fidèles s’étaient déplacés pour la seule journée du 20
novembre).
Aleksandr Doubinine est arrivé à la cathédrale du
Christ Sauveur depuis la ville de Chelkovo en périphérie de Moscou à cinq heures du matin et ne comptait
rentrer chez lui que 21 heures plus tard. « Je demanderai à la Vierge un dirigeant sage », confiait-il. « Nous
allons prier pour la guérison de mes tics, sinon maman
dit qu’ils vont finir par me tuer d’épuisement », expliquait de son côté Anton, un adolescent dans la queue.
« Qu’est-ce qu’on vient demander à la Sainte Ceinture ?–
Seulement une bonne santé !, affirmait enfin Youlya Demyanova, retraitée originaire de Lipetsk, avant
d’ajouter : Espérons juste qu’on n’attrapera pas une
pneumonie en attendant. »
Les couvents russes conservent aussi des reliques
de la Vierge qui, du point de vue de l’Église elle-même,
ne le cèdent ni en signification ni en force curative à
la Ceinture. Sans pour autant susciter de pèlerinages
de masse. « Un morceau de la chasuble de la Sainte
Mère de Dieu repose dans l’église du Christ Sauveur,
et une petite partie de la Ceinture est conservée à la
laure de la Sainte Trinité », rappelle Elena Jossul, professeur à l’Institut orthodoxe russe de Saint-Jean-Baptiste. Mais elle remarque que le voyage de la relique à
travers la Russie a soulevé l’intérêt général, et attiré
dans les lieux saints un public non familier des églises.
« Énormément de gens sont venus voir la Ceinture, qui
ne sont pas des paroissiens réguliers de l’église », déclare Jossul.
L’événement a été utilisé par l’Église notamment
aussi pour le lobbying de ses programmes sociaux.
Comme on peut le lire dans le communiqué officiel du
patriarcat : « Les villes qu’a visitées la Sainte Ceinture
ont accueilli des manifestations s’inscrivant dans le
cadre du programme « Sainteté de la maternité », qui
vise à défendre les valeurs familiales traditionnelles et à
mettre fin à la crise démographique et à la dépopulation
du pays. » Dans certaines villes, la relique a été apportée dans les Centres de protection de la maternité et de
l’enfance, qui « portent un réel secours matériel, psychologique et juridique aux femmes enceintes, contribuant à faire reculer l’avortement. » La loi récente
« Sur la protection de la santé des citoyens » n’a pas été
adoptée dans la version qui aurait convenu totalement
à la hiérarchie orthodoxe : ainsi l’accent est-il mis aujourd’hui sur les campagnes publiques contre l’avortement et le phénomène des mères porteuses.
Par ailleurs, la venue de centaines de milliers de
croyants lors du transport en Russie de la relique orthodoxe vient confirmer le poids de l’Église orthodoxe,
son statut d’institution sociale. On peut d’ores et déjà
constater que le nombre d’orthodoxes qui se sont rendus dans l’église du Christ Sauveur dépasse la quantité
de fidèles musulmans qui fêtaient récemment le Kurban Bayram dans les rues autour de la Grande Mosquée de la capitale.
À en croire les sondages du VTsIOM, en une seule
année (entre 2009 et 2010), la part de Russes déclarant appartenir à l’orthodoxie est passée de 70 à 75 %.
Il faut dire cependant que, dans le même temps, 49 %
des sondés reconnaissent ne pas lire les Saintes Écritures ; 17 % seulement de croyants vont à l’église, 11 %
observent le carême et les fêtes religieuses, et 7 %
prient et reçoivent les sacrements.
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20
Le Courrier de Russie
Du 25 novembre au 9 décembre 2011
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Enigma
Texte choisi par Jean-Félix de La Ville Baugé
Illustration : Giorgio Barbarelli da Castelfranco
(Giorgione), Portrait of a Young Patrician Holding a Seville Orange with his Servant in the
Background, 1502
Si vous trouvez l’auteur de ces lignes, envoyez un e-mail à [email protected].
Le premier à envoyer la bonne réponse gagnera deux tickets pour le ballet
de Diana Vichneva au théâtre Stanislavski ou un abonnement internet gratuit au journal de trois mois.
« Le cancer ne respecte pas l’argent. Offre-lui des milliards, il ne reculera
pas. Une chose au moins devant laquelle tout le monde est à égalité. »
« Il n’est pas naïf au point d’imaginer
que le poète russe l’aimait. Peut-être
pensait-il qu’il l’aimait bien, et en
effet, il l’aimait bien, ne le trouvait
ni stupide ni odieux. Il n’avait rien,
personnellement, contre lui. Mais il
se tenait devant lui, comme le moujik
qui, tout en servant le barine, attend
son heure, et quand cette heure sera
venue, entrera par la grande porte
dans la belle demeure pleine d’objets
d’art du barine, saccagera ses objets
d’art, violera sa femme, jettera le barine à terre et le rouera de coups de
pied en riant de triomphe. La grandmère de Steven lui avait décrit la
stupeur des nobles d’ancien régime
quand ils ont vu se déchaîner ainsi
leurs braves Vanias si dévoués, si fidèles, qui avaient vu naître leurs enfants, qui étaient si gentils avec eux,
et Steven a dû, je pense, éprouver à
son tour cette stupeur en lisant le
livre de son ancien serviteur. Pendant
près de deux ans, il avait côtoyé sans
méfiance cet homme placide, souriant, sympathique, qui était au plus
profond de son âme, son ennemi.
J’imagine Steven lisant et se
rappelant le jour -il l’avait totalement
oublié- où il s’est emporté contre son
serviteur pour une histoire de pantalon pas revenu à temps du nettoyage.
L’autre a encaissé, le visage pâle,
muré dans son expression impassible
de Mongol. Une heure après, Steven
s’est excusé, l’incident était clos, on
en a ri - enfin, lui. Ce qu’il n’a pas
soupçonné, c’est que si l’algarade
avait duré quelques secondes de plus,
son serviteur serait allé chercher le
couteau à découper rangé dans le
tiroir de la cuisine et l’aurait saigné,
d’une oreille à l’autre, comme un goret (c’est du moins ce qu’il dit).
Et le jour de la réception chez
le haut fonctionnaire de l’ONU ! Il
habitait la maison mitoyenne. Steven a fait un saut, en voisin. Il a bu
du champagne dans le jardin éclairé
par des photophores, parlé avec des
diplomates, des épouses de diplomates, des congressmen, quelques
chefs d’Etat africains. Ce qu’il n’a
pas soupçonné, comment l’aurait-il
soupçonné ?, c’est que de sa lucarne,
là-haut, son serviteur les observait
et que cette fête de puissants à laquelle il n’avait aucune chance d’être
jamais convié l’a mis dans une telle
rage qu’il est allé chercher à la cave
un fusil de chasse de son maître, l’a
sorti de son étui, chargé et s’est mis
à en promener le viseur d’un invité à
l’autre. Il en a reconnu un qu’il avait
vu à la télévision : c’était le secrétaire
général de l’ONU, Kurt Waldheim
-celui dont on devait vingt ans plus
tard, déterrer le passé nazi. Steven a
échangé quelques mots avec lui, ce
soir-là. Pendant qu’il lui parlait, son
serviteur les tenait en joue. Quand
ils se sont éloignés l’un de l’autre,
il a suivi Waldheim de groupe en
groupe, dans la petite croix du viseur. Son doigt se crispait sur la détente. C’était terriblement tentant.
S’il tirait, il serait célèbre du jour au
lendemain. Tout ce qu’il avait écrit
serait publié. Son Journal d’un raté
deviendrait un livre culte, la bible de
tous les losers haineux de la planète.
Il a joué avec cette idée, il s’est tenu
au bord du geste fatal comme on se
tient au bord de la jouissance, puis
Waldheim est rentré à l’intérieur
de la maison et, après un instant
d’atroce déception, le serviteur s’est
dit : « Au fond, tant mieux. Je n’en
suis pas encore là. »
Le pire, c’est ce qu’écrit le serviteur sur le petit garçon leucémique.
C’était le fils d’autres voisins (...) : «
Eh bien, il mourra de son cancer, le
petit, et puis merde ! Oui, il est beau,
oui, quelle pitié, mais je maintiens :
et puis merde ! Tant mieux, même.
Qu’il crève, le gosse de riche, je m’en
réjouirai. Pourquoi devrais-je feindre
l’attendrissement et la pitié alors que
ma propre vie, sérieuse et unique, est
saccagée par ces fumiers, tous autant qu’ils sont ? Meurs, petit garçon
condamné ! Ni le cobalt, ni les dollars n’y pourront rien. Le cancer ne
respecte pas l’argent. Offre-lui des
milliards, il ne reculera pas. Et c’est
très bien comme ça : une chose au
moins devant laquelle tout le monde
est à égalité. »
Nous félicitons Monsieur Vincent Piron pour
avoir été le premier à trouver la solution de
notre dernière enigma : "Moscou-Petushki" de
Venedict Erofeev.