Cour de cassation de Belgique Arrêt
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Cour de cassation de Belgique Arrêt
27 NOVEMBRE 2014 C.14.0050.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N° C.14.0050.F C. L., demandeur en cassation, représenté par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l’Athénée, 9, où il est fait élection de domicile, contre 1. C. L., 2. T. L., défendeurs en cassation, en présence de 27 NOVEMBRE 2014 C.14.0050.F/2 J.-M. G, avocat, agissant en qualité d’administrateur provisoire de C. L., partie appelée en déclaration d’arrêt commun. I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 13 février 2013 par le tribunal de première instance de Mons, statuant en degré d’appel. Le 30 octobre 2014, l’avocat général André Henkes a déposé des conclusions au greffe. Le président de section Christian Storck a fait rapport et l’avocat général André Henkes a été entendu en ses conclusions. II. Le moyen de cassation Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées - articles 792, spécialement alinéas 2 et 3, et 1051 du Code judiciaire ; - article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955, et, pour autant que de besoin, cette loi elle-même. Décisions et motifs critiqués Le jugement attaqué dit non recevable, pour cause de tardiveté, l’appel interjeté par le demandeur contre l’ordonnance du juge de paix du canton de Soignies du 8 septembre 2011 désignant Maître J.-M. G. en qualité 27 NOVEMBRE 2014 C.14.0050.F/3 d’administrateur provisoire du demandeur par application de l’article 488bisB du Code civil par les motifs suivants : « En vertu de l’article 488bis-C, § 1er, du Code civil, l’ordonnance rendue le 8 septembre 2011 par le juge de paix a été notifiée à l’administrateur provisoire dans les trois jours du prononcé, à savoir en l’espèce le jour même ; L’administrateur provisoire a fait savoir par une lettre reçue au greffe le 15 septembre 2011 qu’il acceptait sa mission ; Dans les trois jours de cette acceptation, l’ordonnance doit être notifiée par le greffier aux requérants, aux parties intervenantes, à la personne à protéger et, le cas échéant, à la personne de confiance. En l’occurrence, le greffe a procédé aux notifications dans le délai légal par application de l’article 53 du Code judiciaire ; L’appel est introduit plus d’un mois après la réception de la notification de la première ordonnance au sens de l’article 53bis de ce code ; [Le demandeur], qui conteste le principe même de l’administration provisoire, fait valoir que la notification ne mentionne pas le délai dans lequel le recours doit être introduit et que le délai ne commence à courir qu’à dater d’une signification, qui n’a pas eu lieu en l’espèce ; En considérant la personne à protéger comme une partie à un procès contradictoire et en prescrivant pour l’introduction de l’instance l’application des articles 1034bis et suivants du Code judiciaire relatifs à la requête contradictoire, le législateur de 2003 n’a pas été jusqu’à imposer la signification de la décision judiciaire mais a au contraire prévu que cette décision ferait l’objet d’une notification par pli judiciaire. Le système de notification en matière d’administration provisoire des biens de la personne majeure permet d’assurer avec souplesse et rapidité la sécurité et l’effectivité de la mesure à l’égard des intéressés (article 488bis-C, § 1er) et de la société (article 488bis-E). Le caractère urgent par nature de la mesure de protection, la rétroactivité de la protection à la date de la requête en vertu de l’article 27 NOVEMBRE 2014 C.14.0050.F/4 488bis-I, alinéa 2, la saisine permanente du juge de paix découlant de l’article 488bis-D et le système de brefs délais imposé par la loi aux différents acteurs (ainsi, le rapport de l’administrateur provisoire dans le mois de l’acceptation de sa mission, la publication au Moniteur belge et la notification au bourgmestre dans les quinze jours du prononcé) constituent des éléments dont il se déduit qu’au vœu de la loi, la notification possède une efficacité également en ce qu’elle fait courir le délai d’appel, sans frais de signification qui incombent en définitive à la personne protégée. Même à défaut de disposition expresse à cet égard, cette solution est commandée par l’ensemble des dispositions légales en la matière dont les dérogations au droit commun sont justifiées par la plasticité indispensable à la mesure envisagée dans l’intérêt de la personne à protéger […] ; Même s’il faut le regretter, la mention des délais de recours lors de la notification de l’ordonnance n’est pas légalement requise, l’article 792, alinéa 3, du Code judiciaire ne visant pas la notification prévue à l’article 488bis-C du Code civil ; La notification effectuée par le greffe a donc valablement fait courir le délai d’appel, qui était expiré lorsque la requête d’appel a été déposée ». Griefs Première branche Aux termes de l’article 1051 du Code judiciaire, le délai pour interjeter appel est d’un mois à partir de la signification du jugement ou de la notification de celui-ci faite conformément à l’article 792, alinéas 2 et 3. L’article 792, alinéas 2 et 3, ne vise pas la notification imposée par l’article 488bis-C, § 1er, alinéa 9, du Code civil. 27 NOVEMBRE 2014 C.14.0050.F/5 Il s’ensuit que le délai imparti au demandeur pour interjeter appel de l’ordonnance le plaçant sous administration provisoire est d’un mois à compter, non de la notification de l’ordonnance, mais de la signification de celle-ci. En décidant que ce délai court à dater de la notification visée à l’article 488bis-C, § 1er, du Code civil, le jugement attaqué ne justifie pas légalement sa décision (violation des dispositions visées du Code judiciaire). Seconde branche Si, au contraire, il faut considérer que le délai pour interjeter appel court à dater de la notification de l’ordonnance – quod non –, encore la conséquence en serait-elle que, conformément à l’article 792, alinéas 2 et 3, du Code judiciaire, lequel serait alors d’application, à tout le moins par analogie, la notification ne saurait faire courir le délai d’appel dès lors qu’elle ne ferait pas mention des voies de recours, du délai dans lequel ce ou ces recours doivent être introduits ainsi que de la dénomination et de l’adresse de la juridiction compétente pour en connaître, comme cet article l’exige à peine de nullité. Le jugement, qui décide que l’article 792, alinéas 2 et 3, du Code judiciaire n’est pas d’application et que la mention exigée par cet article n’est donc pas requise, ne justifie pas légalement sa décision (violation des dispositions visées du Code judiciaire). En tout état de cause, à défaut de tout avertissement informant le demandeur que, contrairement à la règle générale de l’article 1051 du Code judiciaire, le délai d’appel courrait in casu à compter de la notification, encore le jugement attaqué, en déclarant tardif l’appel du demandeur par les motifs reproduits, violerait-il, alors, le droit du demandeur à un procès équitable (violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales). 27 NOVEMBRE 2014 III. C.14.0050.F/6 La décision de la Cour Quant à la première branche : L’article 57 du Code judiciaire, en vertu duquel le délai d’appel court à partir de la signification de la décision, à moins que la loi n’en ait disposé autrement, ne requiert pas que la disposition dérogatoire dont il réserve l’application soit expresse ; il suffit que la dérogation puisse se déduire des dispositions légales applicables à la procédure en cause. L’article 1051, alinéa 1er, de ce code, qui dispose que le délai pour interjeter appel est d’un mois à partir de la signification du jugement ou de la notification de celui-ci faite conformément à l’article 792, alinéas 2 et 3, instaure certes une dérogation expresse, étrangère à l’espèce, à l’article 57 mais, n’étant pour le surplus qu’une application de cet article, n’a pas pour effet de restreindre la réserve prévue par celui-ci aux seuls cas que lui-même vise. Le jugement attaqué dit irrecevable comme tardif, pour avoir été formé plus d’un mois après la notification de la décision entreprise, l’appel interjeté par le demandeur contre l’ordonnance du juge de paix lui désignant, à la requête des défendeurs, par application de l’article 488bis-B du Code civil, un administrateur provisoire en la personne de la partie appelée en déclaration d’arrêt commun. En vertu de l’article 488bis-C, § 1er, alinéas 6 et 9, du Code civil, l’ordonnance du juge de paix désignant un administrateur provisoire est notifiée à celui-ci par le greffier sous pli judiciaire dans les trois jours de sa prononciation ; l’administrateur provisoire fait savoir par écrit dans les huit jours de sa désignation s’il accepte celle-ci, et, dans les trois jours de la réception de l’acceptation, l’ordonnance est notifiée sous pli judiciaire par le 27 NOVEMBRE 2014 C.14.0050.F/7 greffier aux requérants, aux parties intervenantes, à la personne à protéger et, le cas échéant, à la personne de confiance. En instituant cette notification sous pli judiciaire, le législateur a expressément choisi une procédure rapide de nature à répondre au besoin de protection de la personne qui fait l’objet de la mesure. Dans cette procédure, la notification donne cours au délai d’appel. Le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit. Quant à la seconde branche : L’article 488bis-C, § 1er, alinéa 9, du Code civil se limite à prescrire que la notification de l’ordonnance désignant un administrateur provisoire qui a accepté sa mission sera faite sous pli judiciaire sans faire dépendre sa régularité de quelque autre forme et sans exiger en particulier qu’elle comporte les mentions qui, s’agissant des notifications auxquelles il doit être procédé en vertu de l’article 792, alinéa 2, du Code judiciaire, dans les matières énumérées à l’article 704 de ce code, sont prescrites à peine de nullité au troisième alinéa dudit article 792. Dans la mesure où il soutient que l’article 792, alinéas 2 et 3, du Code judiciaire s’applique à la notification prévue à l’article 488bis-C, § 1er, alinéa 9, du Code civil, le moyen, en cette branche, manque en droit. Pour le surplus, il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur ait soutenu devant le tribunal d’appel que l’absence de ces mentions eût compromis le droit d’accès au juge que protège l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans la mesure où il élève ce grief et où son examen obligerait partant la Cour à une appréciation d’éléments de fait excédant ses pouvoirs, le moyen, en cette branche, est irrecevable. 27 NOVEMBRE 2014 C.14.0050.F/8 Et le rejet du pourvoi prive d’intérêt la demande en déclaration d’arrêt commun. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi et la demande en déclaration d’arrêt commun ; Condamne le demandeur aux dépens. Les dépens taxés à la somme de huit cent douze euros trente centimes envers la partie demanderesse. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, le conseiller Didier Batselé, le président de section Albert Fettweis, les conseillers Gustave Steffens et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du vingt-sept novembre deux mille quatorze par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général André Henkes, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont. P. De Wadripont S. Geubel G. Steffens 27 NOVEMBRE 2014 A. Fettweis D. Batselé C.14.0050.F/9 Chr. Storck
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