Sujet :La complicité Corrigé proposé par • ASMAOU
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Sujet :La complicité Corrigé proposé par • ASMAOU
Sujet :La complicité Corrigé proposé par • ASMAOU BOUDIGUE ; • BELING NKOUMBA KATIA ; • MOUN Henri Benjamin. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 1/23 Plan Introduction I. Les conditions de la complicité punissable A. B. La matérialité de l’infraction de complicité 1. Un fait principal punissable 2. Un acte de complicité Une participation intentionnelle Le problème soulevé par une différence entre l’infraction projetée et l’infraction commise 1. Le problème de la volonté d’abandon du complice avant la commission de l’infraction 2. II. La répression de la complicité A. Les explications de la doctrine Le système de l’unité de l’infraction : la criminalité d’emprunt 1. 2. B. Le système de la pluralité d’infractions Les solutions du législateur camerounais Le principe et l’exception de l’article 98, alinéa 1er 1. Le fonctionnement d’atténuation 2. des causes La responsabilité des complices pour les conséquences prévisibles de l’article 99 3. Conclusion kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 2/23 kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 3/23 Introduction Beaucoup d’infractions sont commises à plusieurs en exécution d’un pacte conclu entre les malfaiteurs du fait d’une concertation entre eux. Cette concertation est cependant loin d’être toujours identique : les membres du groupement criminels sont plus ou moins nombreux ; en projetant l’accomplissement d’un nombre variable d’infractions, ils agissent sur un plan d’égalité ou au contraire selon un principe de hiérarchie avec des « cerveaux » et des exécutants (fournisseurs de matériel, chauffeurs, porte-valises). Notre dont tient compte de cette diversité, établissant une distinction entre ce qu’on peut appeler la concertation simple et la concertation renforcée. Si la seconde évoque la notion plus sociologique de criminalité organisée au sens de l’article 2 (a) de la convention des Nations unies de décembre 2000 à Palerme contre la criminalité transnationale organisée, la première quant à elle correspond à la théorie juridique de la complicité, théorie suivant laquelle « une personne (le complice) en a aidé une autre en vue de la réalisation d’une infraction sans cependant accomplir elle-même les actes constituants cette infraction » Jean Pradel. Selon Jean Yves Chevalier, « la complicité est une forme de participation criminelle par laquelle un individu, le complice, sans réunir en sa personne les éléments constitutifs d’une infraction, aide une autre personne, l’auteur principal, à accomplir l’acte délictueux en connaissance de cause ». Cette dernière définition plus globalisante reflète mieux la notion de complicité prévue dans notre code pénal à son article 97 alinéa 1 (a et b) dans la mesure où, en plus de l’élément matériel de l’infraction de complicité, elle relève la nécessité d’une participation intentionnelle. Cet article dispose en son alinéa 1 er que : « est complice d’une infraction qualifiée crime ou délit : a. Celui qui provoque de quelque manière que ce soit à l’infraction ou donne des instructions pour la commettre ; b. Celui qui aide ou facilite la consommation de l’infraction ». préparation kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm ou la 4/23 Cette disposition est d’autant plus importante qu’il faudrait distinguer le complice du comparse en ce sens que la simple participation à une infraction ne constitue pas toujours un acte de complicité punissable. Il faut que cette participation ait pris l’une des formes énumérées à l’article 97 du Code pénal camerounais. Par conséquent, dès l’instant où un individu a participé à une infraction sans avoir connaissance de son existence, il est un simple comparse et ne peut être poursuivi ni être condamné, car tous les éléments constitutifs n’existent pas et particulièrement l’élément intentionnel. Le complice se distingue du coauteur qui, tout comme l’auteur, est celui dont les agissements ont effectivement produit le résultat infractionnel. Bien plus, le législateur camerounais considère le coauteur comme celui qui réunit en sa personne tous les éléments constitutifs de l’infraction commise ; ainsi, les cambrioleurs qui enlèvent en commun un coffre fort sont tous des coauteurs tandis que leur camarade qui, pendant ce temps, fait le guet dans la rue et n'a pas physiquement participé à l’enlèvement du coffre ne sera qu’un simple complice. De même, on distingue le complice du receleur ; celui-ci intervient après la consommation de l’infraction ; alors que le complice apporte son concours à l’auteur de l’infraction avant la fin de commission de ladite infraction. Autrement dit, l’acte de complicité doit être concomitant ou antérieur à la commission de l’infraction. Toutefois, il arrive qu’un même individu après avoir assisté l’auteur, intervienne à nouveau après consommation comme receleur. Le cumul de qualité, de complice et de receleur est possible. Dès lors, si le problème ne se pose pas lorsque l’infraction est le fait d’un seul délinquant, l’établissement de la relation de participation se réduisant à un simple problème de preuve matériel qui relève de la procédure pénale et de la technique policière, la question se complique, par contre lorsque l’infraction a été commise avec la coopération de plusieurs personnes (fait collectif) ; car, il s’agit alors de démasquer et d’individualiser le fait personnel qui est ainsi enchevêtré dans le fait d’autrui et nous invite par conséquent à nous interroger sur le problème de la répression du complice. Autrement dit, la kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 5/23 rétribution de l’acte de complicité doit-elle être solidaire de la répression légale de l’acte de l’auteur ? Bien plus la responsabilité pénale du complice sera-t-elle étroitement commandée au plan de l’incrimination et de la sanction légalement applicable, par l’acte accompli par l’auteur ? Ce questionnement juridique est d’autant plus utile qu’il suscite un triple intérêt. D’abord au plan législatif, en ce sens que la loi pénale s’impose à tous, le complice ne saurait se soustraire à celle-ci ; et par là même, étendre la répression pénale au-delà de l’auteur ou des coauteurs dans le but de dissuader toute velléité « criminelle » et maintenir la paix sociale ; c’est dans cette même optique que la tentative d’une infraction est réprimée au même titre que l’infraction réalisée. Ensuite, au plan de la politique criminelle, dans le but de mieux déjouer les éventuels calculs des complices astucieux. Enfin, au plan pratique, pour une meilleure répression du complice, une bonne individualisation et personnalisation de la sanction serait juste pour ce dernier. Pour mieux répondre à une telle inquiétude, nous nous proposons de clarifier au premier plan les conditions d’une complicité punissable (I) et dans un second la sanction de la complicité (II). I. Les conditions de la complicité punissable Les éléments nécessaires à la complicité se résument pour l’essentiel à la matérialité de l’infraction de complicité (A) et à une participation intentionnelle du complice (B). A. La matérialité de l’infraction de complicité Pour qu’un individu puisse être condamné comme complice, il faut la réunion de deux éléments : un fait principal kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 6/23 punissable auquel le complice emprunte sa criminalité ; c’est l’élément préalable (1) et un élément matériel faisant naître trois cas de complicité (2). 1. Un fait principal punissable Indéniablement, notre positif subordonne la complicité à l’existence d’une infraction principale ; c'est-à-dire un acte qui tombe sous le coup de la loi pénale et constitue un fait répréhensible. La juridiction de jugement doit constater l’existence de ce fait principal punissable pour condamner le complice. Pour ce qui est de la nature de l’infraction, il ne peut s’agir que d’un crime ou d’un délit (article 97 alinéa 1 er du Code pénal), la complicité de contravention ayant été exclue par le législateur camerounais. Encore faut-il que ce crime ou ce délit puisse être puni, soit parce qu’il est consommé, soit parce qu’il a été tenté. La complicité de tentative étant comme la tentative de complicité ; et c’est son article 97 alinéa 2 qui le précise : « la tentative est considérée comme la complicité elle-même » Toutefois, en droit comparé français, la tentative de complicité ne constitue pas une infraction ; ainsi il n’y aurait pas de complicité punissable d’un fait non punissable parce que justifier par l’ordre de la loi ou légitime défense par exemple… ou ne pouvant plus être poursuivi en raison d’une prescription ou d’une amnistie à caractère réel1. Si le fait principal doit être punissable, cela ne signifie pas qu’il soit nécessairement puni. La complicité peut être punissable alors que l’auteur principal ne peut-être puni, soit parce qu’il est mort, soit parce qu’il est inconnu, soit parce qu’il est exonéré de sa responsabilité par la contrainte ou la démence… il suffit que l’acte soit délictueux. Cependant, le législateur camerounais ayant exclu la complicité en matière contraventionnelle, le droit comparé français bien que favorable à cette disposition, a quant à lui 1 Crim ; 17 février 1981, B.C. n°63 ; Jean Pradel et A. Varinard, I, n°33 kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 7/23 admis l’hypothèse d’une complicité de contravention dans le cas d’une complicité par instigation (provocation) au sens de l’article 121-7, alinéa 2, selon l’article R.610-2. Le législateur camerounais gagnerait à suivre son homologue français pour une meilleure répression du complice. Si le fait principal punissable est l’élément préalable de l’infraction de complicité celui-ci exige en plus l’implication matérielle du complice qui s’apparente généralement à un acte de complicité. 2. Un acte de complicité L’implication matérielle entendue comme acte de complicité fait naître trois cas de complicité que sont : l’aide et l’assistance (a), l’instigation (b) et la fourniture de moyen (c). a. La complicité par aide ou assistance Le principe posé par l’article 97 alinéa 1 (b) qui dispose : « est complice d’une infraction qualifiée crime ou délit celui qui aide ou facilite la préparation ou la consommation de l’infraction ». Cela dit, l’aide ou l’assistance présente traditionnellement deux caractères : elle doit consister à un fait positif et elle doit être antérieure ou à la rigueur concomitante à l’infraction principale. Suivant un exemple célèbre, il y’a complicité par aide ou assistance dans le fait de jouer du clairon pour couvrir les cris de la victime pendant que l’auteur principal la viole. Toutefois, ce principe comporte néanmoins un tempérament jurisprudentiel et une contrepartie légale. En France, la Cour de cassation a retenu au titre de complicité punissable, une assistance postérieure à l’infraction en insistant sur l’accord de volonté antérieure au délit en vertu duquel il avait été convenu une aide tardive. C’est le cas d’un chauffeur qui moyennant rémunération, doit assurer la fuite de l’auteur kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 8/23 d’une infraction2. Cette jurisprudence parfaitement judicieuse, a reçu l’approbation de la doctrine (cf. observation. LEGAL, R.S.C., 1964, p.134). Bien plus la complicité par aide ou assistance pose souvent deux problèmes : • Le premier est celui de la complicité par abstention surtout quand on sait que celui qui assiste passivement à la commission d’une infraction n’en est pas complice. Cette conception est conforme au caractère restrictif traditionnellement reconnu au droit pénal. Elle est illustrée par l’article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui dispose que : « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société… ». ce point de vue est en recul aujourd’hui, du moins en ce qui concerne la jurisprudence française qui considère comme complice l’individu qui sans avoir réalisé d’acte positif, a eu un comportement blâmable dans certaines circonstances. Tel est le cas de l’amant qui assiste sa maîtresse pendant l’avortement 3; de l’agent de police qui laisse un collègue commettre un vol4. Ce sont les articles 145 et suivants du Code pénal camerounais qui parle d’abstentions coupables. • Le second problème posé par l’aide ou l’assistance est celui de la complicité indirecte ou complicité de complicité. En s’appuyant sur une interprétation littérale de l’article 97, alinéa 1, le complice du complice échappe à la répression. Ce texte, ne punit en effet, que ceux qui ont aidé l’auteur de l’infraction et non ceux qui ont aidé celui qui a assisté l’auteur, les rapports entre auteurs et complice devant être directs. Mais, l’on peut répondre que l’article 97 alinéa 1 du Code pénal s’exprime de manière générale et n’exige pas une relation directe. D’où le complice du complice qui agit en connaissance 2 Crim, 30 avril 1963, B., 157 3 Crim., 5 novembre 1941, S., I.82, Note P. Bouzat 4 Tribunal. Corr., Aix, 14 janvier 1947, J.C.P., 1947 II 3465, Note Béraud kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 9/23 de cause est punissable5. Alors que celui qui n’entend servir que le complice avec lequel il est en contact n’est pas punissable. Tel est le cas de l’individu qui prête son fusil à celui qui le remettra à l’assassin, mais qui ignore cet usage 6. Cependant, l’acte de complicité peut revêtir la forme de la fourniture de moyens. b. La complicité par fourniture de moyens Considérée par la doctrine comme une variante de l’aide ou de l’assistance, la complicité par fourniture de moyens se caractérise souvent par la fourniture de complicité de fausses clés, d’armes, de substances destinées à la falsification des denrées alimentaires7. Ces moyens sont nécessaires à la commission de l’infraction même si ceux-ci n’ont pas été utilisés, du moment qu’ils ont été fournis l’acte de complicité est caractérisé et à ce titre peut être poursuivi. Certains auteurs avaient jadis prétendu que la fourniture de moyens ne concernait que des objets mobiliers ayant servi à l’infraction. Or, la jurisprudence décidait déjà que se rend coupable de complicité, en matière de duel, celui qui a fourni sciemment la salle où a lieu le combat 8 ou celui qui en connaissance de cause, accepte que l’avortement soit pratiqué dans son domicile9. Toutefois, ces deux précédentes formes de complicités que certains auteurs ont désignées par complicité par collaboration se distinguent de l’instigation. 5 Crim., 30 mai 1989, B.C., n°222, R.S.C, 1990 3325 Observation A. Vitu 6 Crim., 1er septembre 1987, motifs, B.C., n°308 ; 10 octobre 1988, J.C.P. 1990. II. 21416 7 Crim., 27 mai 1988, B.C., n°230 8 Garçon, art. 60. n°216 9 Crim., 12 décembre 1956, B., 830 kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 10/23 c. La complicité par instigation L’instigateur, souvent appelé le cerveau est celui qui, par ses plans et son organisation du fait incriminé facilité sa commission alors que lui-même n’y prend pas part sur place. Selon l’article 97 alinéa 1 (a) « est complice d’une infraction qualifiée crime ou délit celui qui provoque de quelque manière que ce soit à l’infraction ou donne des instructions pour la commettre ». D’où l’instigation peut revêtir deux formes : la provocation et les instructions : -l’instigation par provocation qui peut se faire par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir, machination ou artifice coupable. La provocation doit remplir trois conditions pour être valide. Elle doit être directe (elle suggère sans détour l’infraction) ; individuelle (à une personne) et suivie d’effets. Ainsi, celui qui se borne à entretenir des sentiments d’animosité sans suggérer directement le crime n’est pas complice de ce crime10. • L’instigation par fourniture d’instructions Les instructions doivent être des renseignements donnés par le désormais complice par instigation de l’infraction à son auteur principal. Il n’est pas nécessaire qu’elles s’accompagnent d’un des moyens exigés pour la provocation. Mais l’instruction doit remplir un critère de précision pour guider ou pour situer l’auteur principal de la commission de l’infraction. Ce n’est pas qu’un simple conseil. Aussi de simples conseils donnés en vue de commettre l’avortement sans autres détails ne constituent pas un acte de complicité 11. L’application de ces différents éléments de l’infraction de complicité perdrait leur caractère rétributif si cette dernière était privée de son élément psychologique. Comme la coaction, la complicité ne peut exister sans intention. 10 Crim., 28 octobre 1965, J.C.P., II. 14524 Observ. LEGAL 11 Crim., 24 déc. 1942, S., 1944. I.7 kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 11/23 B. Une participation intentionnelle Elle s’exprime par la volonté de s’associer à la commission de l’infraction, c'est-à-dire que l’acte de complicité doit être intentionnel, conscient et accompli en connaissance de cause. Le complice doit savoir à quelle entreprise criminelle il participe. Ainsi, celui qui prête un fusil de chasse à un ami pour chasser ne sera pas complice du meurtre perpétré avec cette arme par cet ami. Le complice doit simplement s’associer intentionnellement à l’acte délictueux de l’auteur. Au terme de l’article 97, alinéa 1er, l’on en déduit que le complice doit avoir participé « sciemment » à l’infraction principale même si ce mot classique n’apparaît pas au présent article. L’alinéa 1 er (a) visant « celui qui provoque … à l’infraction » implique une action voulue. Quelques difficultés peuvent néanmoins être soulevées : • Le problème soulevé par une différence entre l’infraction projetée et l’infraction commise L’infraction commise diffère de l’infraction projetée quand l’auteur est allé au-delà des prévisions du complice. Lorsque les valeurs sociales protégées ne sont pas les même, la complicité n’est pas punissable. Par exemple, un individu remet un pistolet à un autre afin que celui-ci obtienne par intimidation le remboursement d’un prêt ; si ce dernier rencontre un tiers, se querelle avec lui et le tue, le premier individu, qui ne pouvait envisager cette infraction n’est pas complice de ce meurtre 12. L’autre exemple est le cas où l’instigateur donne des instructions pour étrangler la victime dans son taxi et celle-ci est plutôt exécutée dans son domicile par strangulation. Le donneur d’instructions est complice car la victime est tout de même morte. Il est complice car, cette infraction n’est pas 12 Crim., 13 jan. 1955. D., 1955 291 Note A.Charvante. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 12/23 totalement étrangère au plan initial, puisqu’il s’agit de la même victime et de la même finalité criminelle13. • Le problème soulevé par une volonté d’abandon manifesté par le complice avant la commission de l’infraction. C’est le cas de l’article 95, alinéa 5 qui vise le retrait de l’un des conspirateurs. Par exemple après avoir prêté son concours, en ayant fourni une arme ou un plan des lieux, le complice se ravise et ne veuille plus apporter d’aide à l’auteur principal. Un tel désistement n’assurera l’impunité à ce complice qu’à la seule condition qu’il agisse positivement, qu’il fasse tout pour empêcher l’accomplissement de l’acte principal ; par exemple en avertissant la police ou en alertant la victime de l’imminence de l’agression projetée contre elle. Toutefois, une simple abstention, comme le refus d’assister l’auteur principal au moment du crime ne saurait suffire 14. S’il est vrai que les conditions d’une complicité punissable tiennent à ces différents éléments sus évoqués, la répression de l’infraction de complicité demeure d’une importance capitale. II. La répression de la complicité Le problème de la rétribution du complice ne se pose pas en termes judiciaires mais en terme législatif. Notre Code pénal prévoit en son article 98 alinéa 1 que « les complices sont passibles de la même peine que l’auteur principal ». Il y’a donc assimilation du régime auquel est soumis le complice au régime auquel est soumis l’auteur. On se demande donc si la répression de l’acte de complicité doit être solidaire de la répression légale de l’acte de l’auteur principal ou s’il peut être considéré comme un acte distinct. Les solutions sont variées en doctrines (A) mais le législateur camerounais a pris pour sa part une position nette (B). 13 Cf.arrêt Rochefort 31/01/1974 cass. Crim 1994. B.C. n°54 14 Crim,. 6 fév. 1812, S. Chron. ; add. Observ. A. LEGAL., R.S.C., 1956. 99 à propos de crim., 16 juin 1955 kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 13/23 A. Les explications de la doctrine Elles sont basées sur deux systèmes : le système de l’unité d’infraction d’une part(1), et le système de la pluralité d’infraction d’autre part (2). 1. Le système d’emprunt de l’unité d’infraction : la criminalité Ce principe signifie que la peine pour le fait principal punissable est la même que celle prévue pour le fait de complicité. Selon les tenants de ce système, les actes accomplis par le complice empruntent la criminalité de l’acte de l’auteur ou du coauteur. Le complice n’a pas commis une infraction autonome, il a plutôt favorisé l’entreprise délictueuse de l’auteur, il s’est volontairement associé à l’auteur, il tombe sous le coup de la même qualification pénale et doit donc encourir les mêmes pénalités que ce dernier et cela même si l’acte principal est plus grave qu’il n’aurait prévu. C’est le cas d’un vol simple qui se transforme en vol aggravé en cours d’exécution. Il y’a lieu de noter que cette égalité de traitement de complice et d’auteur n’existe qu’au plan législatif en ce sens que le complice encourt une peine de même nature et de même taux légal que l’auteur principal. Mais cela ne veut pas dire qu’il subira la même condamnation que l’auteur au plan judiciaire. Car les tribunaux se réfèrent aux particularités des cas de chacun des protagonistes de l’infraction pour fixer le quantum de la peine. Mais, ce système de l’emprunt de criminalité est fâcheux par ses résultats ; c’est que du fait qu’il n’y’a qu’une infraction principale, si l’acte principal échappe à l’emprise de la loi, le complice devra être mis en liberté, c'est-à-dire relaxé ou acquitté. Ainsi, en t-il du cas des immunités injustifiées, on sait que l’instigateur d’une infraction n’est pas punissable si l’agent s’est désisté volontairement. De même, le complice d’un vol commis au préjudice de son père profite de l’immunité kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 14/23 accordée au fils. Il n’y’a pas non plus de complice punissable au cas d’amnistie réelle effaçant l’infraction principale. Bien plus cette théorie de la criminalité d’emprunt a été critiquée par les auteurs comme Marc Angel qui estime que le postulat de l’emprunt de criminalité est une fiction qui marque les particularités psychologiques ou criminologiques de l’acte de complicité. Pour cet auteur, le droit pénal qui est proche de l’humain ne s’accommode pas de la fiction. Quant à Carbonnier, il démontre comment cette théorie se rattache sur le terrain de l’analyse de la causalité plus à la théorie de l’équivalence des conditions évoquées. En d’autres termes, Carbonnier estime que la participation du complice a joué dans la production du résultat délictueux, un rôle équivalent à celui de l’auteur ou du coauteur. Certaines législations pour tenir compte de ces distinctions ont recours à un système d’emprunt relatif de criminalité en ce sens que la pénalité légale est toujours qualitativement identique pour tous les délinquants en concours, mais quantitativement différente, c'est-à-dire le taux de la peine applicable au complice est atténué. Dès lors, qu’en est-il du système de pluralité d’infractions ? 2. Le système de pluralité d’infractions Ici, la complicité est considérée comme un délit distinct de l’infraction principale. A la suite de Getz, une partie de la doctrine a cru pouvoir résoudre la question en proposant de considérer le complice comme auteur d’une infraction autonome, juridiquement distincte de l’auteur ou du coauteur. Autrement dit, le fait collectivement accompli par tous les participants serait fractionné en autant de délits particuliers qu’il y a de délinquants en concours. Toute distinction nominale entre l’auteur, le coauteur et le complice serait même abolie, faute d’utilité pratique. Et chacun jugé en fonction de son activité réelle. Mais cette position supprime même la notion de complicité. Elle ne kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 15/23 se conçoit précisément que par rapport à une personne et à un objet et implique par essence une relation avec un acte principal. Bien plus, la doctrine contemporaine soutient l’idée selon laquelle la complicité est considérée comme un délit dépendant de l’infraction principale. C'est ainsi que Carbonnier parle de « délit conditionné ». Selon lui, le délit d’autrui s’incorpore à la définition du contrat de complicité. Carbonnier observe que ce délit conditionné s’apparente à un « délit cadre ». Et il s’établit un rapport d’affinité entre différents délits et les pénalités applicables au complice devront être tarifiées par référence à la peine prévue par l’acte principal. Le législateur camerounais pour sa part a pris sa position à l’article 98 du Code pénal. B. Les solutions du législateur camerounais C'est l’article 98, alinéa 1er du Code pénal qui dégage le principe et son exception (1), en plus des alinéas 2 et 3 qui envisagent les causes d’atténuation, d’aggravation et d’exemption de responsabilité (2), alors que l’article 99 du même code énonce les cas des complices des infractions dont la commission ou la tentative est une conséquence prévisible (3). 1. Le principe et l’exception de l’article 98, alinéa 1 er du Code pénal a. Le principe de l’article 98, alinéa 1er Le principe de l’article 98 alinéa 1 er énoncé en ces termes : « … les complices sont passibles de la même peine que l’auteur principal ». Une interprétation littérale de l’expression « passible de la même peine » ferait ressortir ici la théorie révolue et abandonnée de la pénalité d’emprunt. En ce sens que le complice sera puni de la même peine que l’auteur principal. Mais une telle interprétation hâtive serait très kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 16/23 maladroite. Seule l’interprétation téléologique nous permet de comprendre que par cet article, le législateur camerounais y consacrait le principe de la criminalité d’emprunt. Suivant ce dernier, il faut plutôt entendre que le complice est passible des peines qu’il aurait encouru s’il avait été lui-même auteur de l’infraction. Eu égard à cette dernière idée, faut-il déclarer que cet article a été mal rédigé et préconiser par conséquent une solution législative du genre « sera puni comme auteur le complice de l’infraction au sens de l’article 97, alinéa 1 er du même code ». (Texte définissant le complice). • Cet article 98, alinéa 1er éveille néanmoins en nous quelques inquiétudes au sujet des infractions internationales par élément de rattachement. Il s’agit notamment des infractions présentation un élément d’extranéités prévues à l’article 9 du Code pénal. C'est ainsi qu’il dispose en son alinéa (a) que sont soumis à la loi pénale de la République : « les faits constitutifs de complicité, … réalisés sur le territoire de la République en vue de commettre une infraction à l’étranger si cette infraction est également réprimée par la loi étrangère ». Et son alinéa (b) de renchérir : « les mêmes faits réalisés à l’étranger en vue de commettre une infraction sur le territoire de la République ». Il est donc précisé in fine de l’alinéa (a) que la complicité réalisée au Cameroun en vue de commettre une infraction à l’étranger n'est punissable que si cette infraction est également punissable à l’étranger. Cet article a été rédigé pour remédier au principe de territorialité puisque le complice est censé avoir agi à l’étranger. • Cet article 98, alinéa 1er pose également le problème de la complicité des personnes morales qui n’a pas été prévue par le législateur camerounais, peut être, compte tenu du fait que les personnes morales ne peuvent se voir appliquer les mêmes peines que les personnes physiques. Faut-il en conclure hâtivement que les personnes morales ne peuvent faire l’objet de complicité à l’égard des personnes physiques ? kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 17/23 En droit comparé français par contre, lors de ses travaux préparatoires tenant à l’admission de la responsabilité pénale des personnes morales, le Sénat apporte une solution plus ou moins satisfaisante : comme les personnes morales n’encourent pas les mêmes peines que les individus et comme elles peuvent être auteurs d’une infraction dont les individus peuvent être les complices, ces derniers ne pourraient pas être punis comme la personne morale (contre laquelle est prévue, par exemple, la dissolution ou les différentes déchéances). Aussi, le législateur français a dû recourir à cette fiction selon laquelle le complice est assimilé à l’auteur. b. L’exception de l’article 98, alinéa 1er in fine L’article 98, alinéa 1er recèle également sa propre exception, notamment lorsqu’il dispose in fine : « … sauf dans les cas où la loi en dispose autrement ». Il ne s’agit ici qu’un rappel de l’article 2 de ce même code. Il signifie que dans les cas prévus par la loi, le complice peut être passible d’une peine différente de celle qui vise l’auteur principal. Ce dernier fragment de disposition nous invite par là même à envisager le fonctionnement des causes d’aggravation, d’atténuation ou d’exemption de la peine. 2. Le fonctionnement des causes d’atténuation ou d’exemption de peine d’aggravation, C'est l’article 98 dans ces alinéas 2 et 3 qui a fait ressortir les circonstances personnelles (a), et en plus, il faudrait en déduire certaines circonstances réelles (b) et mixtes (c). a. Les circonstances personnelles L’alinéa 2 de l’article 98 précise que les circonstances personnelles d’exonération de responsabilité sont individuelles. C'est dans ce sens qu’il dispose : « les circonstances kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 18/23 personnelles d’où résultent exonération de responsabilité, exemption, atténuation ou aggravation de peine n’ont d’effet qu’à l’égard de l’auteur ou du complice en la personne de qui elles se rencontrent ». Le quantum se fera donc en fonctionnement de chaque cas individuel. Les circonstances personnelles sont celles qui ne peuvent s’expliquer que par un fait personnel à l’agent lui-même, lorsque les causes d’aggravation ou d’atténuation ou d’impunité qui sont personnelles à l’auteur principal ne se communiquent pas au complice par leur effet. C’est ainsi que la circonstance aggravante de récidive, l’excuse atténuante de minorité ne produisent leur effet qu’à l’égard de celui qui l’auteur ou complice. Sous l’article précédent, quelques exemples des circonstances personnelles ont déjà été donnés. On peut ajouter qu’en cas de meurtre, si la victime est le père soit de l’auteur principal, soit du complice, et sous réserve que cette circonstance figure au Livre II du code comme une aggravation du crime de meurtre et non comme élément d’un crime distinct ; seul le fils est passible de la peine de mort, bien que les complices aient eu connaissance de cette circonstance (article 98, alinéa 2). Dès lors, qu’en est-il des circonstances réelles définies par l’alinéa 3 de l’article 98 ? b. Les circonstances réelles Elles se rattachent à l’infraction elle-même, lorsqu’elles modifient la nature de celle-ci. C’est ainsi que, suivant l’article 98, alinéa 3 du Code pénal, il existe des causes d’aggravation, d’atténuation et d’impunité réelles. Ces causes produisent des effets aussi bien à l’égard du complice qu’à l’égard de l’auteur principal. C'est en ce sens que l’alinéa 3 dispose : « les circonstances réelles n’ont d’effet à l’égard du complice que s’il pouvait les prévoir ». Toutefois, le complice d’un vol simple ou d’un vol aggravé sera passible des peines criminelles quand bien même il n’aurait pas prévu ces actes d’aggravation. C'est kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 19/23 ainsi qu’en cas de vol à main armée, tout complice qui a pu connaître l’existence de l’arme est passible de l’aggravation de peine, quel que soit le porteur de l’arme. De même, dans le cas de l’aggravation, en raison de la minorité de la victime, tous ceux qui auraient pu connaître son âge sont passibles de l’aggravation (alinéa 3), cette circonstance étant certes personnelle à l’égard de la victime, mais réelle à l’égard des coupables. Bien plus, il y a ici dérogation au principe de l’article 74 selon lequel c'est l’intention, voire la connaissance qui est nécessaire, et non seulement la possibilité de connaissance. Si tel est le cas, qu’en est-il des circonstances mixtes ? c. Les circonstances mixtes Les circonstances mixtes pour leur part sont celles qui, tout en procédant de la personne de l’auteur, touchent à l’infraction principale elle-même dont elles constituent une circonstance aggravante. Ces circonstances modifient légalement la pénalité applicable à l’auteur et au complice. C'est ainsi que le complice d’un parricide subit la peine applicable au parricide même s’il n’a pas de lien avec la victime15 Il est également jugé constamment que la préméditation qui est une circonstance aggravante personnelle : « résulte des circonstances des crimes ». Elle peut donc être retenue à l’égard des complices mêmes lorsque l’auteur est inconnu 16. 3. La responsabilité des complices pour les conséquences prévisibles de l’article 99 Selon l’article 99 alinéa 1 du Code pénal, « les complices d’un crime ou d’un délit ou d’une tentative de crime ou de délit 15 Crim. 24 mars 1853, B. 110 ; Crim., 9 juin 1943, B. 49. 16 Comp. CL. Pen Art. 59-69 Num. 184 et S ; Garraud JR. Dr. Pen III, p. 975. V. aussi Carbonnier, art. préc. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 20/23 sont également responsables de toute autre infraction dont la commission ou la tentative est une conséquence prévisible de l’accord ou de la complicité ». De ce dernier alinéa, il ressort que dès qu’il y a accord et participation à la commission d’un crime ou d’un délit, ou provocation ou aide à cette commission, les complices sont éventuellement responsables de tout autre crime, délit ou tentative même non voulue qu’il pouvait prévoir comme conséquence de l’accord ou de la complicité (alinéa 1). Ainsi, deux voleurs, dont l’un, à la connaissance de l’autre, est armé : l’usage de l’arme et même son usage mortel, est une conséquence prévisible de leur accord, et tous deux sont responsables du meurtre éventuellement commis. Bien entendu non seulement les éléments matériels de l’infraction, mais encore l’intention doivent avoir été prévisibles (cf. article 74 Code pénal). Si au contraire le voleur armé profite de cette occasion (même avec préméditation), pour tuer un ennemi personnel, ce qui n’a rien à voir avec le vol prévu, son complice de vol n’est pas responsable de ce meurtre. • Selon l’alinéa 2 de l’article 99 : « sont également punis comme complices, ceux qui connaissant la conduite criminelle des malfaiteurs leur fournissant habituellement lieu de retraite ou de réunion ». Ce second alinéa de l’article 99 crée une responsabilité spéciale à l’égard de celui qui, connaissant l’activité criminelle de plusieurs individus, pouvait prévoir la commission d’un crime quelconque de leur part. • L’occupant des lieux n’est pas complice au sens de l’article 97, des crimes commis s’il ne sait quel crime ceux qu’il abrite vont commettre ; mais s’il sait qu’ils ont l’habitude de commettre des crimes, il est responsable au même titre que s’il avait eu l’intention de faciliter la commission des crimes effectivement commis. Ce dernier alinéa ne s’applique qu’aux crimes. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 21/23 Conclusion Tout compte fait, que retenir de la répression de l’infraction de complicité ? Il convient de préciser de prime abord, qu’en l’état actuel de notre droit, toutes personnes jugées complices d’une infraction en cours au sens de l’article 98 du Code pénal les mêmes peines qui pourraient frapper l’auteur principal de l’infraction, c’est la théorie dite de la criminalité d’emprunt, creuset de notre législation pénale. Cette théorie veut-elle dire que le complice subira en fait la même condamnation que l’auteur ? L’on serait donc en droit de s’interroger sur l’intérêt de distinguer le complice de l’auteur principal. Le législateur camerounais gagnerait beaucoup à s’arrimer à la modernité, au nouvelles données de la société pénale en générale et à la croissance exponentielle du droit internationale des Droits de l'Homme en particulier ; qui par là même constitue un credo politique quasi-universel de l’humanisation, de l’individualisation de la personnalisation des peines infligées au délinquant. Car en effet, chacun d’entre eux se présente devant les juges avec sa personnalité propre, sa structure mentale, ses mobiles, ses circonstances aggravantes ou atténuante, son âge, son passé. Tout ceci grâce à la prise en considération des circonstances réelles, personnelles et même mixtes et qui ne saurait cependant faire place à l’arbitraire et à l’accroissement de la criminalité. Il serait alors judicieux pour le législateur camerounais dans un souci d’établir une justice plus équitable et plus respectueuse des Droits de l'Homme pris « ut singuli », de considérer chaque délinquant singulièrement notamment en ce qui concerne l’infraction de complicité. kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 22/23 Bibliographie Ouvrages généraux • Roger Merle et Andre Vitu Criminel., Quatrième Edition Cujas. • Jean Pradel, Droit Penal Général, Edition 2000-2001 Cujas • Gerard Lopez et Stamatios Tzitzi Dictionnaire des sciences criminelles Edition Dalloz 2004 • Xavier Raufer et Stéphane Quere, le crime organisé Codes • Code pénal camerounais • Code de procédure pénale Convention des Nations transnationale organisée Unies contre la criminalité Cours • Cours de Droit pénal Général, Dr NLEM MVA • Cours de Droit Pénal spécial, Dr NLEM MVA kalata - Préparation Supérieure Privée aux concours administratifs – www.kalata.cm 23/23