Le magazine (PDF 3,57 Mo)

Transcription

Le magazine (PDF 3,57 Mo)
T
O
OR N
le mag santé
trop breizh
?
B
I
B
TOU
sport
plus vite,
plus fort !
Hypnose
entrez
dans la transe
médocs
Tu veux
ou tu veux pas ?
MicheL
CYMES
« la médecine doit s’ouvrir »
OURS :
DR
Rédacteur en chef : Marin du Couëdic. Rédactrice en chef adjointe : Julia Rodriguez.
Journalistes : Rémy Quéméner, Linda Marteau, Ludovic Aurégan, Soizic Meur, Stéphanie Lambert,
Aurélien Lelievre, Baptiste Langlois. Responsable photo : Cora Portais. Maquettistes : Samuel Aupiais,
Zoé Baillet. Directeur de publication : Denis Ruellan. Équipe pédagogique : Gérard Briant, Franck Chambrun,
Philippe Gestin, Olivier Scaglia.
Édité chez Cloitre Imprimeur. Magazine financé avec le concours de la Région Bretagne
edITo’
Pour les jeunes, ces ennemis de la santé
« La santé ? C’est un peu chiant comme sujet non ? ». C’est à peu près la
réaction de l’équipe de Toubib, quand le thème du magazine que vous tenez
entre les mains lui est imposé. Un sujet qui n’emballe pas franchement douze
étudiants pour qui le mot santé fait penser, en vrac, à son médecin traitant,
à des séries télé, au site Doctissimo, à l’augmentation du prix des clopes,
à la nécessité de mettre des capotes, aux 5% de reçus en fac de médecine,
aux médocs qu’on gobe de temps en temps, ou encore à la peur d’attraper
une maladie grave... Bref, l’image de la santé globalement vue par les jeunes
en 2015.
Eh bien, au risque de vous surprendre, on a changé d’avis. Derrière la
prévention, les interdictions et l’odeur aseptisée de la médecine, il y a autre
chose : des histoires, des parcours, des tranches de vie ou des passions.
Alors, on a fait le choix du contraste. En optant pour l’humour, qui, injecté à
petite dose, dédramatise ce sujet souvent sérieux et grave. En choisissant
des couleurs pop opposées à l’univers blanc de la santé. En zoomant sur la
Bretagne, terre où les soins prennent parfois des accents un peu mystiques.
En donnant la parole au thérapeutes du coin, comme à Michel Cymes,
« le médecin préféré des Français ». Et plutôt que de s’arrêter au système de
santé classique, en allant voir du côté des médecines alternatives, ces
mal-aimées de la santé. Un peu comme les jeunes en fait. Enquêtes, portraits
et reportages: ce mag’ fait la part belle à nos interrogations. Comme Hamlet,
on s’est posé la question : Toubib or not toubib ?
Marin du Couëdic
« C’est pas parce que j’ai une blouse blanche
que je me prends pour Dieu le père ».
Comme Zlatan quoi (caché dans la photo).
016
Interview
super Cymes
Cora portais
Il faut de la persévérance pour réussir à se glisser dans l’agenda surchargé de
Michel Cymes... Mais une fois les portes de son bureau grandes ouvertes, il prend le
temps et ne refuse aucun sujet. Consultation sur rendez-vous avec le médecin vedette
où il est question, entres autres, de prévention, de kinésiologie,
et même du Front National.
Dans ce numéro...
Dossier
Le système de santé :
divorce en cours
avec les français ?
Il y a quelque chose de pourri au royaume de la santé.
Un grand nombre de Français abandonne le chemin classique.
Vers quoi se tournent-ils ?
Les médecines alternatives et leurs promesses de traitements naturels
et doux. On a disséqué pour vous les raisons de cette défiance.
022
Enqu'e' te
le sport c’est dans la tête
Quel rapport les sportifs entretiennent-ils avec les médecines
alternatives ? Vouloir toujours rester au top et réduire les temps
d’absence à cause d’une blessure : il y a des limites à ne pas dépasser.
Médecine chinoise, ostéopathie, magnétiseur…
Quelles lignes à ne pas franchir dans le haut niveau ?
034
Reportage
le rêve éveillé
Samuel Aupiais - DR - Marin du Couëdic
On perd le contrôle, notre corps tremble, nos yeux tournent, et cerise
sur le gâteau, on nous manipule. C’est ça l’hypnose? En tout cas,
pas celle qu’on va vous présenter. Oubliez vos représentations,
vos préjugés et vos appréhensions. Fin prêt ? Avec notre cobaye,
entrez dans la transe. Pas celle que vous imaginez...
046
...ET
AUSSI :: 012. Depuis la nuit des temps, la Bretagne est riche d’histoires surprenantes en matière de santé. On vous les a contées.
...ET AUSSI
040. Au pays de l’acupuncture, Isabelle pique votre curiosité. 044. Des étudiants stressés par leur quotidien ont testé et approuvé la médecine
alternative. (Relaaax, comme dirait Mika). 046 Gourou y-es tu ? 050. Thérapeutes d’un autre genre : on se détend en photos. 060. Un type qui pèse
dans l’Ordre des médecins expose son point de vue sur les médecines alternatives. 066. Sophrologie: la petite dernière fait son entrée dans la
cour des grands. 070. Quel est le point commun entre Mireille Dumas, les essais nucléaires, le tennis et l’Ordre des médecins ? Alain Dumas. 074.
La télémédecine ou comment skyper son médecin.
Salle d’attente
Le monde de la santé est riche d’incroyables histoires, d’études farfelues ou encore
de tendances saugrenues. Dans un domaine où le rire n’est pas habituel, on vous a selectionné
quelques histoires un peu barrées, en Bretagne ou à l’étranger. Pour commencer la lecture par
une bonne tranche d’humour.
baptiste langlois
Mater des seins, c’est bon pour la santé
Selon la gérontologue allemande Karen Weatherby, regarder des émissions de téléréalités serait
« bon pour la santé ». Et Nabilla, bimbo siliconée à la poitrine débordante, une thérapeute de
choix. L’étude publiée par la docteur en 2014
dans la revue The New England Journal Of Medecine atteste que regarder des seins serait bon
pour la santé des hommes.
Pendant cinq ans, elle a suivi 200 hommes.
Le premier groupe avait pour instruction
de mater la poitrine des femmes quotidiennement, alors que le second avait l’interdiction d’en
zyeuter. Au final, les hommes invités à se rincer l’oeil seraient moins sujets aux problèmes
cardiaques. Fixer une poitrine dix minutes
par jour équivaudrait même à 30 minutes de jogging ! Un bon moyen d’éviter de se les peler
par -5°C en hiver, non ?
LA Bretagne, co-leader
de la qualité du sperme
Si les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées n’ont pas de quoi pavoiser, la Bretagne fait figure de valeur sûre. Dans quel domaine ?
La qualité du sperme, par Toutatis ! Une étude, publiée en février
2014, par une équipe de scientifiques français a dévoilé une tendance inquiétante : la qualité du sperme décline dans l’Hexagone.
Sauf dans deux irréductibles régions françaises, dont notre chère
Bretagne. Le pourcentage de spermatozoïdes de morphologie
normale y a même augmenté entre 1989 et 2005, contrairement
au reste du pays. La Gaule en berne...
DR
6
Un petit pipi
ne peut pas
faire de mal
Dans Man vs Wild, on a déjà vu Bear Grylls nous
expliquer les bienfaits de l’urine. Et en boire
devant nous, comme si c’était du petit lait. Urgh.
Double urgh. En milieu extrême, on appelle
ça un kit de survie. Dans nos sociétés occidentales, c’est l’urinothérapie. Outre-Rhin, cinq
millions d’Allemands seraient adeptes de l’urine
pour soigner asthme, allergies respiratoires
et autres maux. Certains Français se seraient
même déjà laissés convaincre par ce remède miracle. Les vertus thérapeutiques n’ont cependant
jamais été réellement prouvées.
Chaude et revigorante, l’urine peut accompagner tous les plats : viande, poisson ou fromage.
Il paraît qu’elle est aussi délicieuse à l’apéro.
Allez, c’est décidé, je paie ma tournée.
Le placenta : en lasagne ou en smoothie ?
L’art de dévorer le placenta, tendance en plein
essor outre-Atlantique, semble aussi apprécié
par certains Bretons.
Fin janvier, un vol peu banal s’est déroulé à l’hôpital de Rennes. Le coupable ? Le mari, présent
à la maternité aux côtés de sa femme. Le butin ?
Le placenta de sa bien-aimée, qui a accouché 24
heures plus tôt. Le mobile ? Se préparer un bon
petit plat avec l’organe.
En effet, le placenta, cet amas de tissus spongieux, reliant l’embryon à la paroi utérine, se
révélerait être bon pour la santé. Riche en fer et
en vitamines, il augmenterait la production de lait
et réduirait le baby blues. Bilan : l’hôpital n’a pas
porté plainte contre notre fin gourmet.
Une arrestation sans conséquence qui donnera
peut-être des idées à de futurs top chefs bretons. Bientôt la galette au placenta ?
Toubib
7
Salle d’attente
22, v’là le magnétiseur
Il se définit lui-même comme un « autodidacte de la vie ». Un homme qui a horreur
qu’on lui dise comment faire les choses. Gendarme à la ville, Michel Tubaud pratique
depuis six ans le magnétisme sur ses heures libres. Collectionneur de pierres minérales
et poète exalté, l’homme raconte comment, du jour au lendemain, ou presque, il est devenu
magnétiseur.
rémy quéméner
« Quand je travaille, je ne pense
qu’à la personne. Je cherche tout
ce qui peut m’aider. »
« Vous croyez à l’au-delà ? » Hum... Pas vraiment. Mais bon, on tend l’oreille quand même.
Déjà parce que l’accueil est chaleureux et le
parcours pour le moins improbable. Un sourire
grand comme ça, la marinière sur les épaules
et les manches retroussées, bien confortablement calé au fond de son canapé.
Serein le bonhomme. Pourtant, Michel Tubaud,
52 ans, s’apprête à prendre un virage à 180°.
Depuis six ans, le gendarme affecté au Centre
d’appels d’urgence de Saint-Brieuc s’est lancé
dans le magnétisme. Au point de vouloir
carrément en faire son activité principale, une
fois qu’il aura tiré ses dernières années à
la caserne. « Je me suis toujours senti au
service des gens. Je suis certain d’avoir
eu pour mission de les aider en venant
sur Terre », explique-t-il le sourire aux
lèvres.
« J’ai toujours fait les choses
sans les apprendre »
Son appart’ de fonction, c’est un peu la caverne
d’Ali Baba d’un adepte des médecines douces.
Sur les étagères, des dizaines de pierres minérales sont soigneusement rangées. « Au début,
je les collectionnais juste pour leur aspect extérieur. La lithothérapie, tu connais ? C’est le soin
par la pierre et les minéraux. Je savais pas que
les pierres avaient des vrais pouvoirs de guérison ! », glisse Michel l’oeil rivé sur sa chère
collection.
Sous des allures de monsieur tout le monde, le
gendarme d’expérience est devenu au fil des
années un féru des médecines non-conventionnelles.
Lui, « l’autodidacte de la vie », qui n’a « pas
besoin d’apprendre les choses pour savoir les
faire », se découvre un don pour le magnétisme. Il y a six ans tout juste, un soir de deuil.
« Au décès d’un de mes frères en 2009, j’ai
eu un choc. J’étais bouleversé, raconte Michel.
Ça a révélé des choses en moi. Je ressentais
un tourbillon d’énergie que je ne pouvais pas
maîtriser. »
« Vos mains savent faire »
Un tourbillon donc. Mais comment calmer ce
trouble ? Direction Quiberon, chez une « guérisseuse », pour trouver la réponse.
Son job : remettre les énergies en place.
Et là, c’est la révélation. « Durant le soin, elle
me dit : ‘Vous pouvez soigner votre mère, elle a
un problème à la hanche et au genou gauche.’ »
Improbable mais vrai : la guérisseuse a vu
juste. « À la fois j’étais surpris car je ne lui ai
pas du tout parlé de ça. Et en même temps,
j’avais l’impression d’avoir une réponse à mes
questions sur ce que je ressentais en moi. »
Deux semaines plus tard, alors qu’il assiste
à une conférence sur les EMI (expériences
de mort imminente), Michel est interpellé par
l’animateur. « Il m’a encore parlé de ma mère.
Qu’il fallait que je la soigne. Je me suis dit,
“allez, c’est un signal pour m’y mettre”. »
Mais où, quand et surtout comment ?
« Vos mains savent faire », lui lance l’animateur
de la conférence. Du coup, il se lance. Hasard
ou réel pouvoir ? Toujours est-il qu’en deux
séances, hanches et genoux de la maman
ne couinent plus. « Franchement, j’ai ressenti
un grand bonheur et une énorme confiance,
confie-t-il. En soignant ma mère, je me suis
rendu compte que j’avais assimilé un nouveau
moyen d’aider les gens. »
« L’humain est génial… »
En six ans, Michel a largement étendu son
champ d’intervention. Et mène finalement une
double vie : la nuit, au boulot au Centre
d’appels, le jour, costume de magnétiseur
sur les épaules. Son truc, c’est de se rendre
chez ses clients pour instaurer un climat de
confiance. « Ça permet de faire tomber les
barrières psychologiques, de balayer les
doutes. Si la personne n’est pas réceptive
ou dans de bonnes conditions, ça ne marche
pas ».
L’important, c’est de créer une ambiance
propice au soin. « Il m’arrive aussi de mettre
des bougies ou de la musique », explique
Michel. Les mains se promènent alors sur
l’épaule, le coude, en fonction des douleurs.
« Mais il n’y a pas toujours besoin de toucher le
corps », précise-t-il. Des gourous, des
guérisseurs, des magnétiseurs, il y en a
toujours eu. Même s’il décrit comme « incontournable » la médecine classique, le gendarme devenu magnétiseur persiste et signe.
Les médecines non-conventionnelles ont aussi
leur place dans le paysage de la santé. Et c’est
fait pour durer. « L’humain est génial, lance-t-il
dans un rire.
Il crée ses problèmes tout seul et se les soigne. »
Surtout pour quelqu’un qui a choisi d’en faire
son taf pour les années à venir. D’un geste
franc et assuré, le gendarme aux doigts
d’argent s’apprête à raccrocher le combiné.
Les manches retroussées, Michel Tubaud
a choisi désormais d’en venir aux mains.
Rémy Quéméner - DR
8
Ohé ohé,
Limerzel abandonné
Pendant que certaines recherchent un #dandy,
un #papa ou un #plongeur sur Adopteunmec.
com, à Limerzel, dans le Morbihan, on ferait
tout pour un #docteur. En mars 2014, celui
qui faisait faire « Aaaaah » et écoutait les histoires des petits vieux est parti se la couler
douce avec ses potes retraités. Il a laissé derrière lui un désert médical. Un de plus.
Les 1.400 habitants de la commune auraient
pu tester les vertus thérapeutiques des algues
et de l’eau salée. Ou attendre patiemment,
la goutte au nez. Ils ont préféré tourner un clip
« stéthoscope célibataire recherche médecin ».
Dans un vrai-faux JT de trois minutes, le plâtrier du village répare un bras cassé, deux
pinces croco servent de défibrillateur, et Mamie
Cousetout referme une plaie, armée de ses aiguilles à tricot. Boîte de prod’, budget de 10.
000 euros, effets spéciaux de haut niveau…
On est loin du film de vacances tremblotant,
tourné avec un smartphone.
En moins de deux, la vidéo s’est propagée
sur les réseaux sociaux. Mais un an plus tard,
le cabinet médical flambant neuf du village
demeure désespérément vide. Facebook ou
l’humour, reste à savoir à quoi les médecins
sont allergiques.
Si tu es docteur et que Limerzel a conquis
ton coeur, tu peux leur écrire ici :
[email protected]
À ne pas tester sur papy à la maison.
zoé baillet et soizic meur
Homéopathes
à quatre pattes
Vachement efficace !
Vous pensez que les médecines alternatives sont réservées aux bipèdes ? Raté.
Vétos, labos et animaux s’y mettent. En témoignent ces sites un peu cheap qui foisonnent sur le web (à base de photos de caniches dans des paniers). Et qui proposent de soigner votre toutou et autres bêbêtes avec des remèdes homéopathiques. « Fleurs de Bach », ces elixirs floraux pour les états d’âmes négatifs…,
petites granules, argile et autres extraits de pépins de pamplemousse feront du bien
à nos 30 millions d’amis.
Depuis quelques années, les professionnels de l’agriculture, eux aussi, ont franchi
le pas. L’homéopathie a débarqué dans les élevages de vaches laitières. Avantage
principal : pas de résidus d’antibiotiques dans ton bol de céréales le matin. Utilisées
principalement pour prévenir ou guérir les cas de mammites (des mamelles inflammées qui touchent 15 à 20 % des vaches chaque année), les granules ont d’abord
séduit les éleveurs bio, puis les autres. Un peu d’argile mélangée à de l’huile d’olive,
ou des huiles essentielles de laurier, thym et romarin sur les mamelles et c’est reparti
pour des litres d’or blanc !
Toubib
9
10 Salle d’attente
Dans la vraie vie, la potion
magique était du pinard
« Bonjour ô Panoramix notre druide ». Cette phrase d’Astérix, vous l’avez tous lue
quand vous étiez gosses. Vous savez aussi que Panoramix, c’est celui qui prépare la potion
magique, la boisson qui décuple la force de tout le village et permet à Obélix de dérouiller
du Romain avec des menhirs volants. Mais au fond, ce breuvage cher aux Gaulois était-il
vraiment préparé par les druides à l’époque de nos illustres ancêtres ?
Ludovic Aurégan
Bois sans soif
Dans la fiction, la potion magique est une alternative à la force :
à celle physique des légionnaires de Jules César, Panoramix
répond par le savoir. Une arme dont il est le seul à connaître
la recette. Ici aussi, on se rapproche de la réalité historique.
Le tonneau de la connaissance, tous les vrais Panoramix et autres
guérisseurs étaient tombés dedans quand ils étaient
petits.
Et comme Obélix, ça ne les empêchait pas
de continuer à avoir soif. Car chez
les Celtes, les druides étaient avant
tout des savants, davantage encore que
des mages ou des enchanteurs. Des érudits
qui maîtrisaient philosophie, diplomatie,
droit, médecine et politique.
Ce qui paraissait magique pour la population n’était en fait qu’une accumulation
de savoirs. Exemple : le gui que Panoramix demande à Obélix
dans la Zizanie est
notamment connu
pour ses
propriétés anti-épileptiques, preuves qu’ils n’étaient pas fous ces
Gaulois. Ou du moins qu’ils savaient se soigner.
Pour Myrdhin, néo-barde pionnier du revival de la harpe celtique
dans les 70’s, « les druides ont des pouvoirs. Mais je ne vais
pas changer une cafetière en arbre ! », s’empresse-t-il d’ajouter à Aujourd’hui en France. « En revanche, je sais que ma musique a eu des effets bénéfiques sur des malades. Je sais aussi
que certaines de mes incantations ont pu avoir du succès.
Mais, pour que ça marche, il faut que ce soit pour une bonne
cause, pour faire le bien ». Une démarche tout à fait dans l’esprit
du bon druide Panoramix : au fil des albums, le sage a toujours
refusé de donner de la potion pour les querelles internes du village. Notamment lors des éternels débats autour de la fraîcheur
du poisson.
À chaque époque son Graal ?
L’autorité du druide sur la joyeuse bande de moustachus ne s’arrête pas là. Ces barbus à la panoplie de connaissances riches
et variées étaient considérés comme les personnages centraux
de la vie religieuse. « Si un particulier ou un État ne se référait
pas à leur décision, ils lui interdisaient le sacrifice.
Cette peine est, chez eux, la plus grave de toutes », confiait
dans ses mémoires celui à qui Goscinny attribue la réplique «
Veux-tu rendre à César ce qui m’appartient ?».
Le savoir du druide est si grand qu’il l’emporte bien souvent
sur le chef de clan ou le roi. Un constat valable pour Panoramix et Abraracourcix, mais aussi pour Merlin et Arthur, autres
personnages de fiction inspirés de la réalité. Un parallèle existe
entre le Graal des récits arthuriens et notre potion magique disponible chez le caviste du coin. Si le Graal était constitué d’une
hostie miraculeuse qui se renouvelle chaque jour à une
époque où les Occidentaux souffrait de la famine, rien
d’étonnant à ce qu’à l’ère du body-building et du culte
du corps, les récits fassent de la potion magique une
source surnaturelle. Suffisante pour sortir Excalibur de la
pierre ?
DR
Dans l’imaginaire commun, le druide est vieux, avec une longue
barbe blanche et une robe dans les mêmes tons. On lui ajoute
une petite cape rouge qui volette derrière lui quand le vent souffle
sur les plaines armoricaines et il devient le portrait craché de Panoramix. Un hasard ? Pas du tout ! « Le bon druide Panoramix
est conforme à la réalité historique », confirmait René Goscinny,
le scénariste d’Astérix, dans un ouvrage posthume Goscinny
raconte les secrets d’Astérix : « Les druides, prêtres et autres
savants avaient un rôle à la fois politique, judiciaire et religieux.
Dans Astérix, ils ont en plus un caractère farfelu. »
Personnage effectivement un peu déjanté, on se remémore sans
mal Panoramix jetant des ingrédients dans une grande marmite bouillonnante tandis qu’Obélix se lèche les babines. Scène
que l’on peut presque qualifier d’historique. Les Gaulois, les vrais,
buvaient effectivement un breuvage avant de partir se battre. Pas
de potion magique mais de la bonne vieille piquette pour se donner du courage. C’est donc ivres et à poil que les guerriers partaient au combat. Car dans les croyances, le vin rouge leur conférait une protection divine face à la mort. Pas de quoi faire perdre
son latin à l’empire romain.
Pas de doute, Gérard est lui
aussi accro à la potion magique.
hollywood boulevard
Comme ton voisin ou ta belle-mère, les types qui passent à la télé n’hésitent pas à recourir à la médecine
alternative. Chanteurs, acteurs ou sportifs de haut niveau, pour le meilleur et pour le pire,
les célébrités aussi choisissent les soins non-conventionnels.
MARIN DU COUËDIC
Kate Middleton, duchesse de l’hypnose
Si vous aussi, vous éteignez la télé ou la radio quand vous entendez le nom de Kate Middleton, vous
ne savez peut-être pas que la duchesse anglaise a pratiqué l’auto-hypnose pour la naissance de
son « royal baby » en 2013. Pendant que le prince William sifflait des William Peel pour évacuer le
stress, sa femme utilisait cette technique douce qui permet d’atténuer la douleur et la tension par
la relaxation et la respiration. La nouvelle aurait fait beaucoup d’émules en France. De nombreux
anesthesistes et sages-femme se forment à l’HypnoNaissance, fans de Kate Middleton ou non.
Clint Eastwood en lotus
Quand il ne tourne pas des films de guerre et ne milite pas pour le Parti
républicain, Clint Eastwood s’adonne à la méditation transcendantale,
qu’il pratique chaque matin depuis plus de 40 ans. Le cow-boy de
l’espace à la gâchette facile explique pratiquer son hobby depuis
sa rencontre avec le maître spirituel indien Maharishi Mahesh Yogi,
connu pour être le gourou des Beatles, de Martin Scorsese, Georges
Lucas et Moby, entre autres. Depuis plusieurs années, Eastwood s’implique pour convertir à la méditation les vétérans américains atteints
d’un syndrome post-traumatique. Pourtant, pas de trace de méditation
dans American Sniper.
Tony Parker, élevé au jus d’herbe
Déc
ou
pe
t g ro sse co
mm
t
e
En déplacement
sur sa terre natale,
Jean-Yves Le
Drian, ministre de la
Défense, a visité le
labo d’aromathérapie
Aroma’celte à
Guingamp et s’est vu
offrir le dernier
produit conçu par l’entre
prise : « Tonique », une pilule destinée à booster
la concentration, la vigilance, les performances
physiques et... la libido. A la coule, le ministre
a promis « en faire bon usage ». Gare aux obus.
Anthony Kiedis se prend pour la
stratosphère
on
Mi
tte
rand
!
L’ancien président était fana de médecine
alternative. Atteint d’un cancer, il a eu
recours à l’homéopathie, la chiropractie
et à des thérapies un peu louches en
complément de ses traitements
classiques. Cure d’huile d’olive,
tisane d’orties et de bruyère.
Et même astrologie et prédications divines sur sa santé
(voire sur ses choix politiques
et diplomatiques). Il suivait
notamment les prescriptions
du professeur Beljanski, un biologiste aux méthodes douteuses
condamné pour exercice illégal
de la médecine. La preuve que la politique,
c’est de la poudre aux yeux.
«
étai
!»
Les poudres de perlimpinpin
de tonton Mitterrand
Jean-Yves
Le Vigoureux
le
El
ça
Le kiff de TP pour récupérer rapidement après
les matches ? Les produits d’origine naturelle.
Le basketteur se fait quotidiennement des cocktails
d’huiles essentielles et porte des patchs chauffants
pendant ses rencontres avec les Spurs de San Antonio. La médecine douce, il connaît. Avec une mère naturopathe, Tony baigne dedans depuis qu’il est gamin. Nourri
au jus d’herbe pendant son enfance, il a confié continuer d’en
boire de temps en temps aujourd’hui. Depuis 2013, il est même devenu ambassadeur de la PME française Puressential, spécialiste de l’aromathérapie.
Le basketteur raconte aussi qu’il fait une sieste d’une heure et demie tous les jours.
L’histoire ne dit pas si ses coéquipiers le raillent plus sur ses habitudes de papy
ou sur ses talents de chanteur. Notre cœur balance.
Après avoir fait le nudiste sur scène
et abusé de la dope pendant un quart de
siècle, le chanteur tatoué de Red Hot Chili
Peppers a retrouvé la santé grâce à la musique, le sport et... la médecine alternative.
Végétarien, adepte de la méditation, d’acupuncture et de médecine chinoise, le Californien
raconte dans son autobiographie comment il a soigné son hépatite
C par l’ozonothérapie. Une cure qui consiste à s’injecter de l’ozone
dans les veines. Si c’est sûrement mieux que des shots d’héroïne,
évitez de faire la même chose à la maison... Surtout qu’aucune efficacité n’a encore été reconnue à ce traitement.
Toubib
11
12
1
2
3
Salle d’attente
Tro Breiz, le tour de Bretagne, de lieu saint en lieu saint
Délaissez la vieille bicyclette de maman – oui oui, celle qui vous fait honte
– vous n’en aurez pas besoin. Pour faire le Tro Breiz, un pèlerinage catholique qui relie les villes des sept saints fondateurs de la Bretagne, il y a
juste besoin de ses pieds. Et d’un peu de foi. Sept villes étapes (Quimper,
Saint-Pol-de-Léon, Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dol-de-Bretagne et
Vannes), aucun ordre précis et pas réellement de temps imparti, même s’il a
été décidé en 1994 par l’association « Les Chemins du Tro Breiz » de limiter
la marche à une étape d’une semaine par an. Cette année, elle se déroulera
entre Vannes et Quimper, du 2 au 8 août (Association les chemins du Tro
Breiz /www.trobreiz.com). Paroisses, châteaux, chapelles ou abbayes se
dressent tout le long du parcours. Un peu comme le Tour de France cycliste.
D’ailleurs, on se demande à quoi tourne le Lance Armstrong du Tro Breiz. À
l’eau bénite ?
4
St-Pol- X
de-Leon
Église Saint-Mériadec, en (fe)Stival (près de Pontivy).
Le saint Mériadec n’aurait pas l’oreille dans sa poche. C’est, du moins,
ce que raconte la légende : une femme sourde aurait retrouvé l’ouïe grâce
au son de la cloche de l’église. De plus, la fontaine, située juste à côté
du bâtiment, débite une eau réputée bienfaisante. Même si la fréquentation
de l’église pour ces capacités magiques s’est éteinte dans la seconde moitié
du XXe siècle, elle aurait encore de quoi soigner tous les jeunes adolescents
qui ont perdu l’usage de leurs oreilles en écoutant Baby de Justin Bieber
un peu trop longtemps.
Brest
Finistère
Chapelle de Notre-Dame-Du-Haut, à Trédaniel
(au sud de Saint-Brieuc).
Blanche-Neige se promène dans la forêt. Sur sa route se trouve une chapelle
avec sept saints. Ils sont petits aussi – des statues mesurant entre 70 cm
et 1 m 20 - mais eux ne vont pas bosser au fond de la mine, pioche calée
sur l’épaule. Ils se contentent d’appliquer leurs pouvoirs guérisseurs. Mamert
(pas Noël) s’occupe des maux de ventre ; Lubin, des yeux et des rhumatismes ; Hubert guérit les plaies et blessures ; Livertain soigne les migraines ;
Houarniaule, considéré comme le psy de la bande, traite des peurs, angoisses
et dépression ; Méen bichonne les victimes de « dérangement cérébral » ;
Eugénie, la sage-femme du groupe, est invoquée lors des naissances.
4
Fontaine Saint-Hervé, à côté de Saint-Pol-de-Léon (29).
5
Forêt de Brocéliande, Paimpont (35).
En parlant de miracle, voilà Hervé. Aveugle de naissance, le saint a réussi
un numéro digne du cirque Pinder sans l’aide de ses yeux : dompter un loup
qui venait de dévorer l’âne d’un cultivateur et le transformer en parfait
serviteur. Une fontaine est construite en son honneur près de Saint-Pol-deLéon. Elle est censée guérir les maladies des yeux si l’on se les asperge de
cette eau limpide. La prochaine fois, plus la peine d’attendre six mois pour
avoir un rendez-vous chez l’ophtalmo’. Ni de galérer dix minutes, trois fois par
jour, à viser ses yeux avec les gouttes prescrites. Un petit passage à SaintHervé et c’est réglé.
Bondée de touristes parigots de passage pour le week-end cherchant Merlin
ou quelques lutins. Un endroit que l’on maudit pour sa popularité.
Mais où l’on aime bien se perdre quand même le week-end, à l’image des 32
à 35 000 visiteurs annuels selon les statistiques. Entre la Fontaine de Barenton, le tombeau de Merlin, le Val-Sans-Retour, le chêne à Guillotin, la
Fontaine de jouvence et les histoires médiévales, impossible de ne pas
ressentir l’air chargé de magie et de légende. Sauf quand le cadre-sup
débarqué du 91 il y a tout juste une heure avec son téléphone collé à l’oreille
lance à sa femme : « C’est juste une forêt. On aurait pu faire pareil Porte de
Saint-Cloud ». Assurément un pèlerinage à faire loin des touristes.
QuimperX
1
Pèlerinages légendaires
Les Bretons ont l’humeur vagabonde, c’est indéniable. Il suffit de se balader dans n’importe
quelle région du monde pour voir un Gwenn Ha Du porté par le vent. Des stades brésiliens
lors de la Coupe du monde 2014 aux photos de vacances de potes un peu barjots
dans les montagnes du Tadjikistan (Oui oui, ça existe, voir le site internet Breizh Flag Trip
Tour). Pour autant, pas besoin de s’exiler à l’autre bout du globe pour trouver des lieux
de pèlerinage, de légende, de magie, de croyance. La Bretagne en recèle. Petite sélection
de la rédaction qui pourrait aussi être celle de votre grand-mère et de toutes ses histoires
magiques que vous n’avez jamais vraiment comprises.
baptiste langlois, aurélien lelièvre (CARTE)
X Tréguier
X St-Malo
Dol de
St-Brieuc X
X Bretagne
3
Côtes-d’Armor
2
Morbihan
Rennes
LEGENDE
5
Ille-et-Vilaine
1
Lieu magique
Parcours du
Tro Breiz
X Vannes
X
Ville-étape
du Tro Breiz
Loire-Atlantique
Nantes
Toubib
13
14
diagnostic
en couv’
michel
cymes
Interview
« mon
métier
c’est
d’abord
médecin »
Il squatte les plateaux télés depuis vingt ans. Une gueule, une gouaille, un rire qui détonne
sur France 5 tous les après-midi. Et dans la vie ? Le même tout simplement. Entretien bavard
en quatre thèmes, avec un médecin ouvert qui nous livre sa vision, ses anecdotes et ses doutes
sur la santé. Sans filtre et à grand renfort de vannes, comme à la télé.
M
marin du couëdic, rémy quémener
ai 2015.
Un allerretour en
one shot
à Paris
pour rencontrer
dans son
bureau
le mister
santé de
France
Télé. Ou plus exactement à Issy-les-Moulineaux, au
milieu d’un quartier calme et résidentiel. Ascenseur, portes sécurisées, dédale de couloirs où des types à l’air affairé pianotent
sur leurs ordis. Et au détour d’une porte,
Michel Cymes. Poignée de mains franche, tee-shirt noir, jean, tout sourire.
Le médecin préféré des Français en chair
et en os. Son bureau : un fourre-tout où se
côtoient pêle-mêle des piles de livres, des
peluches du PSG, une citation de Woody Allen
griffonnée sur un pan de mur, des photos de
« médecins » nazis tirées de son dernier livre,
et une affiche grand format de Michel et sa
compère d’Allo Docteurs, Marina
Carrère d’Encausse, pris de fou rire lors d’une
émission sur les hémorroïdes. Ambiance cool,
décontractée. À l’image du doc’. Médecines
alternatives, actu, Bretagne, jeunes…
Michel Cymes ne brade aucun sujet.
Cymes, l’homme médiatique
Une quotidienne, des primes, un livre…
Avec cet emploi du temps de ministre,
vous trouvez encore le temps de donner
des consultations ?
C’est même ma priorité absolue. Tout ce que
je fais en dehors est organisé autour de mes
deux matinées de consultation, le mardi et le
mercredi. Mon métier, c’est médecin. Je suis
spécialiste dans un hôpital parisien mais je ne
dis jamais lequel. Parce qu’après, vous savez,
avec la télé…
Qui sont vos patients ? Des stars,
des proches, des inconnus ?
Mes patients sont des gens lambdas. Quand
vous appelez l’hôpital, que vous avez besoin
d’une consultation dans ma spécialité (ORL),
on vous met avec moi. C’est le principe de la
consultation à l’hôpital. Ceux que je vois sont
pour beaucoup des anciens patients que je
CORA PORTAIS
suis depuis des années pour certains. Le grand public ne sait pas où j’exerce, même
sur Wikipédia il y a des conneries. Je ne suis
pas devenu le médecin des stars ou des fans
pour une simple raison : ma secrétaire, à
l’hôpital, entend immédiatement au téléphone
si les gens viennent me voir à cause de la télé
et dans ces cas-là, c’est barrage immédiat.
La deuxième chose, c’est que je reste le plus
discret possible. Je refuse toute la presse
people. On m’a demandé des reportages en
famille ou en blouse blanche à l’hôpital... C’est
clair, vous ne verrez jamais ça. Je fais deux
métiers différents. Et le fait que je ne médiatise pas mon exercice médical fait qu’il y a des
parois étanches entre les deux.
Certains doivent halluciner de tomber
sur le mec de France 5...
Quand les gens arrivent à avoir un rendezvous avec moi et qu’ils n’ont pas fait le
rapprochement avec le nom du mec qu’ils
voient à la télé, ils sont surpris quand je
débarque dans la salle d’attente. Ils se
demandent si on tourne un film quoi (rires).
A la télé, vous êtes un sacré blagueur...
Vous êtes le même dans votre cabinet
et sur le plateau ?
Ouais, je suis pareil. Après, quand vous êtes
médecin, vous vous adaptez au patient, à la
personnalité, au diagnostic. Il est évident que
je ne vais pas me mettre à déconner avec un
mec à qui j’annonce un cancer du larynx. Je
suis très détendu dans mes conversations,
quand ça a le mérite de l’être. C’est pas parce
que j’ai une blouse blanche que je me prends
pour Dieu le père.
Vous avez toujours été déconneur
ou c’est la télé qui vous a changé ?
Ah oui, ça a toujours été comme ça. L’image
que vous avez de moi à la télé n’est pas
inventée, je ne me suis pas créé un
personnage. Je suis comme ça dans la vie, à
l’hôpital, avec mes gosses et à la télé.
Je me suis servi de ce naturel un peu cabot
et rigolard pour faire passer des messages de
santé publique en me rendant compte que ça
ne décrédibilisait pas le discours. Le danger
en déconnant, en mettant de l’humour dans la
santé, est de ne plus être pris pour quelqu’un
de sérieux.
Toubib
15
16
en couv’
Faire de la télé en quotidienne, ça vous
a aidé à prendre du recul sur votre boulot
de médecin ?
Faire de la médecine générale depuis vingt
ans à la télé m’a permis d’élargir mon horizon.
Comme tous les spécialistes, j’ai tendance
à ne bosser que ma spécialité d’ORL et, par
excès, à ne plus m’apercevoir que mon
domaine de spécialité fait partie d’un organisme plus large. Le fait de bosser à la télé,
de traiter plein de sujets, me permet d’être
à la fois compétent dans ma spécialité, mais
de pouvoir m’ouvrir à autre chose face à un
patient. Tous les thèmes abordés m’ont permis
de m’enrichir
énormément.
Cymes, le guérisseur
En France, il y a un boom des approches
alternatives, complémentaires, douces,
parallèles… Est-ce que vous pensez vraiment
que c’est de la médecine ?
Allo maman bobo...
26
J’ai énormément évolué vis à vis de ça.
Il y a vingt ans, quand j’ai commencé dans
les médias, j’étais comme beaucoup de médecins : très « faculté ». C’est-à-dire que tout
ce qu’on m’avait enseigné à la fac, c’était la
bonne parole et tout le reste était bidon.
On a le cerveau qui est plein, on n’est pas très
titre de la partie
ouvert aux médecines alternatives. D’ailleurs,
à l’époque où je faisais mes études, c’était des
médecines dites parallèles. Et tout ce qui est
parallèle à la médecine classique, c’est pas
très bien vu. Depuis quelques années, l’OMS
(Organisation mondiale de la santé) appelle
ça des « médecines complémentaires ».
Le simple changement de mot montre
l’évolution dans l’esprit, non seulement de
l’OMS mais aussi des médecins. Aujourd’hui,
on est tout à fait prêt à comprendre, à accepter et à écouter ces différentes médecines,
même si on ne comprend pas comment ça
marche. Mais à une condition : qu’elles ne
viennent pas en concurrence avec la médecine classique. Moi, je suis très ouvert à la
médecine complémentaire à partir du moment
où on ne tombe pas sur un mec qui va dire «
on arrête tout le reste ». Pour moi, celui qui fait
ça, c’est de la taule, immédiatement.
Comment ça se passe si un de vos patients
vous dit qu’il compte aller voir le rebouteux
du coin ?
Je suis très ouvert. Si un patient vient
me dire : « Voilà docteur, j’ai un cancer. Les
effets secondaires de la chimio sont trop forts.
Même avec les médicaments, ça ne suffit pas.
Je veux aller voir un magnétiseur,
un acuponcteur, un homéopathe… » Mais là,
je lui dis « allez-y ». Et en courant. Il y a zéro
souci. Je suis sûr qu’en médecine, il y a des
choses qu’on ne peut pas expliquer. Je ne suis
pas certains que les médecins ou thérapeutes
complémentaires en soient capables, eux non
plus. C’est pas parce que je ne comprends pas
que je refuse.
ressentir le besoin d’aller voir un thérapeute
qui va s’occuper d’eux pendant une heure.
C’est aussi ce qui explique le succès de toutes
ces thérapies.
Vous avez testé des trucs un peu barrés ?
Comment devrait réagir la médecine ?
S’humaniser un peu plus ?
Pas vraiment. Je vais chez l’ostéopathe,
régulièrement. Mais je préfère aller chez un
médecin-ostéo, parce que ça me rassure.
Je n’ai jamais été chez un rebouteux ou autre
chose.
En revanche, j’ai eu une très mauvais
expérience. Un type qui prétend faire de la
kinésiologie a essayé de me faire gober des
trucs. J’ai une copine qui en faisait et qui m’a
Toubib
27
Je pense surtout que la médecine doit s’ouvrir.
Vous savez, j’ai envie de comparer cette histoire au Front National. Pendant des années,
on a dit « faut pas parler aux gens qui votent
FN. Ce sont des abrutis, des extrémistes, des
racistes, des antisémites, tout ce que vous
voulez. Ne leur parlons pas, laissons les sur
le bord de la route ». Résultat : on a 25 %
« On n’est pas les chevaliers blancs
de la médecine »
dit de venir à une séance. C’est un mélange
d’homéopathie, d’acuponcture, de médecine
énergétique… Pour moi, c’était une vraie
arnaque. J’ai tout de suite vu le piège à gogos
en voyant le mec ausculter un patient. C’est
n’importe quoi. Je suis ouvert mais pas débile.
Il est fréquent d’associer les médecines
alternatives à des pratiques un peu étranges
ou mystiques, voire carrément sectaires...
Bien sûr, parce que c’est pas palpable. Mais
ce n’est pas parce qu’on ne comprend pas
les choses qu’il faut tout écarter. On apprend
tous les jours des choses sur le cerveau qu’on
ne connaissait pas avant. Le problème, c’est
que ces médecines s’adressent souvent à des
gens faibles psychologiquement, pour certains
condamnés. Ces gens-là, vous pouvez leur
faire gober n’importe quoi. Si demain je vous
apprends que vous avez un cancer au stade
terminal, que je ne peux plus rien pour vous
et que vous êtes mort dans trois mois, vous
pouvez être capable de dépenser des milliers
d’euros pour aller voir ces mecs-là. Ils vont
profiter de vous, de votre désespoir, de celui
de votre famille pour vous faire gober
n’importe quoi. C’est comme ça qu’on rentre
dans les sectes.
Les gens recherchent peut-être aussi une
oreille attentive ?
Quand vous passez une heure avec un
thérapeute, vous avez l’impression qu’on
s’intéresse à vous. Moi, j’ai des consultations
tous les quarts d’heure à l’hôpital, c’est un
autre rythme.
On est parfois comme des coiffeurs. Les
patients aiment bien parler, avoir une relation
sociale. Vous savez, il y a des gens qui sont
très seuls dans la vie. Quand ils vont chez le
coiffeur ou quand ils vont chez le médecin,
c’est une façon de tchatcher, de discuter.
Parfois, quand le médecin vous reçoit, il n’a
qu’un quart d’heure devant lui et il a pas
toujours envie de vous entendre parler de vos
bigoudis. Dans ces cas-là, les patients vont
des Français qui ont voté Front National.
Aujourd’hui, tous les politiques vous disent
« finalement, les gens qui votent FN, c’est
peut-être qu’ils ont un problème dans leur vie
sociale, dans leur vie professionnelle. Et si
on les écoutait, si on discutait avec eux pour
faire en sorte qu’ils ne votent pas dans les
extrêmes? »
Parce qu’on s’est aperçu que ne pas parler,
finalement, y a rien de pire. Si vous faites la
même chose en médecine et que vous
continuez comme il y a vingt ans, de mettre
de côté les médecines complémentaires en
disant : « c’est de la merde l’homéopathie,
l’acupuncture, tout ça. On veut pas discuter
avec eux parce que nous, on a le savoir ».
Vous allez laisser les gens y aller d’autant
plus. La solution, c’est de discuter avec ces
gens-là. Il faut aussi échanger avec les thérapeutes complémentaires, pour voir qui est
sérieux et qui ne l’est pas.
Et vous, il y a des approches
que vous refusez d’aborder à la télé ?
Non aucune, il n’y a pas de souci. On est tous
les deux médecins avec Marina (Carrère
d’Encausse), donc on a un peu de recul
là-dessus. Vous faites du complémentaire,
pas de souci. Vous faites du parallèle à la
place de la médecine classique, là on n’est
pas d’accord. Notre responsabilité est de faire
passer des messages de santé, d’expliquer
des choses. Si on n’en parle pas à la télé, les
gens ne se méfient pas. Il faut les alerter sur
certaines pratiques, autant sur la médecine
alternative que sur les pratiques de certains
médecins de l’Ordre. Y compris sur les tarifs
de certains d’entre-eux.
On n’est pas les chevaliers blancs de la médecine mais ne pas en parler, c’est pire que tout.
Si vous ne parlez pas de ces thérapies que les
gens fréquentent, vous passez à côté de votre
mission.
Toubib
17
18
en couv’
Cymes et la Bretagne
La Bretagne est une région pleine d’histoires
de druides, de guérisseurs, avec le Graal,
la forêt de Brocéliande...
Vous pensez que ça explique l’attrait pour les
médecines alternatives ?
Dans les campagnes, c’est le bouche-à-oreille
qui marche. Si un jour, un lieu a pu être
considéré comme magique, certaines personnes peuvent continuer à y croire par
tradition. Et puis, il y a le problème des déserts
Le problème, c’est qu’on est obligé de passer
par là. Si on ne fait pas de prévention, c’est
encore pire. Après, c’est seulement l’un des
moyens. C’est pas suffisant. Le rôle des
parents est fondamental, mais il y a un
moment où les jeunes ne les écoutent plus.
En fait, c’est le cerveau qui est le meilleur
moyen de faire de la prévention, la maturité
qu’on va acquérir au fil des ans. En espérant
qu’on sera passé à travers tous les dangers.
Moi, j’ai des ados. Je leur ai expliqué depuis
leur plus jeune âge qu’il fallait pas fumer,
que le canabis c’est dangereux, je leur ai
parlé 25 millions de fois de tous les dangers
« Les spots de prévention du style
‘t’as vomi partout, on peut pas baiser’,
ça c’est des trucs qui touchent »
médicaux. L’accessibilité aux médecins est
très difficile dans plusieurs régions.
Dans certains villages bretons, c’est pas forcément facile de trouver un spécialiste. Donc
qu’est ce qu’on fait : on va voir son généraliste
et puis, si ça ne suffit pas, on va voir ailleurs.
C’est logique. Plus il y aura de déserts médicaux, et plus les patients iront au plus simple.
Vers les gens accessibles.
Des chercheurs ont montré qu’il y a des
maladies propres à chaque régions,
notamment en Bretagne. Comment expliquer
cela ?
Il y a deux raisons principales. Les raisons
génétiques, et les facteurs de risques et de
comportements. Dans certaines régions, il y
a par exemple une consommation d’alcool qui
est très importante, comme le Nord. Dans ces
territoires, il y a beaucoup plus de pathologies
liées à l’alcool. Il y a un gradient nord-sud.
Plus on descend et moins il y a de problèmes
de ce côté-là. Il faut aussi prendre en compte
les problèmes génétiques. En Bretagne par
exemple, on sait très bien qu’il y a des gènes
qui circulent et qui entraînent des maladies : la
mucovicidose, le rhume de hanches...
Ou en Normandie. Pendant des années, il y
a eu de gros problèmes parce qu’on mettait
du calva dans les tétines des gamins, ce qui
faisait qu’ils avaient les dents pourries à cause
du sucre, et qu’ils finissaient tous alcooliques.
Donc en fonction des habitudes alimentaires,
du patrimoine génétique, de l’environnement,
on peut avoir plus ou moins de maladies.
Cymes, le p’tit jeune
Dès le collège, les jeunes reçoivent tout un
tas de discours de prévention sur l’alcool, la
drogue, les MST… Vous pensez que c’est le
meilleur moyen de les intéresser ?
26
Je sais pas s’il existe un meilleur moyen
d’intéresser les jeunes à leur santé.
titre de la partie
qui peuvent se présenter. Après, je sais pas
ce qu’ils foutent aujourd’hui, je ne vais pas
les « fliquer » pour savoir s’ils fument. A un
moment, c’est la maturité, c’est l’expérience
qui compte. Je ne sais pas quel est le meilleur moyen mais je crois que tout ce qui peut
toucher les jeunes est important.
On a l’impression qu’avec les jeunes, c’est
surtout « fais pas ci, fais pas ça »... On ne fait
pas un peu fausse route dans le domaine de
la prévention ?
C’est un vrai sujet. Aujourd’hui, on est dans
l’optique d’arrêter de dire non à tout et plutôt
de dire « fais ce que tu veux mais sans tomber
dans l’excès ».
Je pense que pour certaines choses comme
l’alcool fort, le tabagisme, le cannabis, on sait
très bien que dire « tu peux y toucher un petit
peu », c’est pas
si grave. Mais en
même temps, à
cet âge, on est
trop influençable,
pas assez dans
la réflexion et on
peut basculer dans l’addiction. Le tout, c’est
que la l’adolescence se passe sans trop de
dégâts. Quand on est plus vieux, le cerveau
est assez mature et vous vous dites « merde,
j’ai pas envie de me niquer la santé jusqu’à la
fin de ma vie ».
Voilà tout le problème du discours de prévention.
En tant que médecin et homme des médias,
ce serait quoi votre solution pour aider
les jeunes à s’intéresser à leur santé
en 2015 ?
Je pense qu’il faut à la fois faire du restrictif
et du punitif, dire que certaines choses sont
dangereuses, faire peur.
Quand un gamin qui est tétraplégique à la
suite d’un accident de moto ou parce qu’il
avait fait le con en bagnole, va dans un lycée,
ça marque les jeunes.
Et puis, en même temps, c’est important de
parler de la santé de manière légère. Les
spots « Tu t’es vu quand t’as bu » ou du style
«T’as vomi partout, on peut pas baiser »,
ça c’est des trucs qui touchent. Les mecs, il se
disent, « tiens j’ai envie de me faire la petite
là-bas, si je bois trop, j’y arriverai pas ».
Ça c’est des trucs qui peuvent toucher.
Vous avez 58 ans, la retraite, ça vous parle ?
Je vis une aventure absolument incroyable.
Avec le succès, tout ce que je fais aujourd’hui.
Mes projets dans l’avenir, c’est un : prendre
un peu de temps pour moi, et deux : continuer
à m’éclater dans ce que je fais ou ce que je
ferai. Mes choix ils sont faits en fonction de
ma crédibilité en tant que médecin. En soit, la
télé, les médias c’est pas compliqué. Quand
ça marche, tout le monde vient. Vous êtes
bankable donc on vous demande à la radio, à
la télé... Faut faire très attention à ses choix
parce qu’on peut vite basculer dans le n’importe quoi. Des projets ? J’en ai plein. Mais je
n’ai qu’une ligne de conduite : le médical. On
m’a proposé de présenter des émissions de
variété, de jouer des rôles dans des séries qui
n’ont rien à voir avec la médecine. A chaque
fois, il n’y a qu’une question que je me pose :
est-ce que demain matin, quand je serai en
consultation en face de mon patient, il aura
l’impression d’avoir un médecin devant lui.
Pas le proxénète qu’il a vu hier soir dans un
téléfilm. Ça c’est pas possible.
Toubib
27
,
ER...
D
N
A
M
E
D
I
U
L
E
S
ON A O
Les années fac, c’était plutôt grosses
soirées ou révisions jusqu’à 4 heures
du mat’ ?
En première année de médecine, j’étais
en prison. C’était le boulot, du matin au
soir. Je ne m’autorisais même pas un
cinéma.
À partir de la deuxième année, jusqu’à
l’internat, c’était la bamboula tout le
temps.
J’étais patron de l’internat pendant deux
ans à Chartres, c’est moi qui organisais
les tonus, les soirées, etc. C’était terrible.
Je peux vous dire qu’ils s’en souviennent.
En vrai, vous avez fait médecine
pour devenir riche et célèbre ?
Non pas vraiment ! Y’avait pas de plan de
carrière. J’adorais l’anatomie, le corps,
la science... J’ai fait aussi médecine en
partie grâce à la représentation sociale
que ça avait. Parce que j’étais le premier
Cymes à avoir son bac, que mes parents
avaient eu le droit à la Shoah, et que je me
suis dit que ça leur ferait plaisir si je devenais médecin. Finalement, j’ai bien choisi
mon métier.
Oto-rhyno-laryngologue,
y’avait pas quelque chose de plus sexy?
Au départ, je voulais être gynéco ou ORL.
C’est simple, j’ai pris la spécialité dans
laquelle il y avait le plus d’orifices.
Tu veux ma photo ?
Toubib
19
Méfiance, méfiance quand tu nous tiens.
Plus question de se faire piquer contre la rougeole sans
broncher. Le médecin a perdu son aura de sage qu’on
écoute religieusement. On dit non, on poursuit même les
laboratoires pharmaceutiques en justice.
Pourquoi cette défiance ? La faute au système de santé,
trop rigide. La faute aux séries télés et leurs médecins
super-héros qui brouillent notre esprit. Et puis, il y a les
médecines douces en embuscade. Elles sont la voie alternative que vous avez décidé d’emprunter.
Dossier
T
22
Q
consultation / DOSSIER
Le système
de santé :
divorce
en cours
avec les
français ?
Les Français bénéficient-ils vraiment
d’un des meilleurs système de santé
au monde ? C’est en tout cas ce que semble
indiquer les organismes internationaux
qui le citent comme l’un des plus performants. Pour autant, chaque année, près
de 20 % de la population renonce
à se faire soigner. Pour quelles raisons ?
Pour se tourner vers les médecines
alternatives ? À y regarder de plus près, le
phénomène semble avant tout motivé par
des raisons économiques, révélatrices des
inégalités qui subsistent aujourd’hui.
samuel aupiais
1 C’est la Banque mondiale
(données 2014) qui le dit.
2 Là, c’est l’Assurance maladie (données 2014) qui le dit.
3 Un nombre présenté dans
une étude de l’Institut de
recherche et documentation
en économie de la santé (Irdes)
en 2014.
4 Selon un baromètre CSA
Europ assistance.
u’est-ce que la santé ?
Cette question recouvre de nombreuses dimensions. Les premières
impressions qui surgissent font référence au bien-être physique. Puis
s’imposent les mots : « maladie »,
« rhume », « grippe », « cancer »
ou pour les plus atteints « troubles
bipolaires et tendances maniacodépressives ».
La définition de l’OMS elle, qui
figure en préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de
la santé de 1946, propose une approche plus complète de la question :
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social,
et ne consiste pas seulement en une absence de maladie
ou d’infirmité. »
C’est aussi la vision de Jean-Marie André, professeur à l’École des
hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes. À travers ses
recherches, il s’intéresse principalement aux politiques de santé. Plus
particulièrement à la contribution de l’Assurance maladie à l’efficacité
de ces politiques. Il poursuit : « On peut aussi envisager le soin
en intégrant tout ce qui relève du « care » : « prendre soin de »
(l’accompagnement, les infirmiers, les aide-soignants, les proches...).
Ici on va avoir un système qui s’intéresse aussi à l’aspect préventif,
voir à la promotion de la santé. Et à l’autre bout de la chaîne, va se
trouver tout ce qui relève de la réadaptation (retrouver une vie sociale,
se réinsérer professionnellement...) ». Toute l’ambition de notre système de santé publique. La raison pour laquelle toute l’Europe, (et
allons-y... même le monde !) l’envie. Et ce, à juste titre si l’on en juge
par les résultats en terme de santé de la population : l’espérance de vie
est de 82,57 ans en moyenne en France contre 80,89 ans en
Allemagne par exemple1 et concernant la couverture du risque,
le reste à charge est relativement modique pour les populations2.
Inégalités
Pour autant, chaque année, on constate aussi que 15 à 18 % de la
population, soit un Français sur cinq, renonce à se soigner3. Sur un an,
le renoncement a augmenté de 6 % chez nous quand il baissait
en Allemagne, en Italie et en Grande-Bretagne4. Le tout, pour se tourner vers les médecines alternatives ? « Le renoncement au soin est
essentiellement liée à la question économique », répond Jean-Marie
André. En approchant la loupe, on se rend compte en effet que les bons
résultats du système de santé français cachent aussi d’autres résultats
plus mauvais. Tout le monde n’est pas à égalité devant la santé et dans
le détail, encore beaucoup d’inégalités subsistent.
Les données sanitaires montrent donc des différences assez marquées
selon les catégories socio-professionnelles et les zones géographiques.
Ils distinguent ainsi trois catégories de populations concernées par
la qualité de la couverture santé : une première, bien couverte qui peut
se payer une assurance maladie complémentaire. Une deuxième
population plutôt bien couverte, bien que bénéficiant de revenus limités.
La troisième connaît une situation socio-économique défavorable.
C’est aussi elle qui est généralement bénéficiaire de la Couverture
Maladie Universelle (CMU).
Entre les deux populations intermédiaires, une frange trop riche et en
même temps pas assez, pour pouvoir souscrire une assurance maladie
complémentaire et laisse apparaître des renoncements aux soins
relativement nombreux. C’est celle-ci qui déclare renoncer à presque
20 % des soins. Soit plus de trois millions de personnes dans le pays,
découragées essentiellement par des raisons économiques.
Il existe une autre explication, liée notamment à « des problèmes
d’informations, de culture générale par rapport à la santé », explique
Olivier Rolland, lui aussi professeur de l’EHESP. C’est à ce titre qu’il
répond généralement à toutes les questions relatives à la place de
l’usager dans le système de santé : « L’accès à l’information n’est pas
toujours évident. Il y a encore des progrès importants à faire, notamment sur l’information sur les soins qui sont dispensés, sur la pathologie, la compréhension, etc. Il n’y pas encore de réflexe suffisamment
large de l’intégration de la place des usagers dans les organisations
de santé. »
La Santé
et les Bretons
Homéopathie, médecines douces et compagnie.
Derrière les pratiques, une organisation qui donne
le tournis. Les chiffres.
Une population vieillissante :
Etat de santé :
Bretagne
3 259 659 habitants
Amélioration de l'espérance de vie :
soit 5% de la population française
24,2 % de Bretons de moins de 20 ans en 2013
10,2 % ont plus de 75 ans = à 2013 (9 % en France)
3 % ont plus de 85 ans (2,8 %)
Taux de natalité en 2012 : 11,3 pour mille (12,6)
Entre 200 et 2012 :
Entre 2000 et 2012 :
82,4 à 84,4
74,2 à 77,3 ans
(84,8)
884
décès pour 1.000 habitant contre 829 au niveau
national (2009-2011), notamment en santé mentale et
addictions
Dans le champ ambulatoire, la
Bretagne présente une densité de
professionnels de santé du premier
recours comparable voire supérieur à
la moyenne nationale :
Densité de professionnels libéraux pour 100.000 habitants
(2014) :
109,7 (107,3)
193,5 (154,5)
Chirurgiens dentistes : 59,8 (57,5)
Masseurs kinésithérapeutes : 104,1 (96,5)
Sage femmes : 6,6 (6,7)
Officines de pharmacie : 35 (35,5)
37,1
décès par suicide chez les hommes pour 1.000
habitants contre 22,9 en France
12,8 pour les femmes (7,2 %)
Affections psychiatriques de longue durée de 2336 pour 100.000
habitants en 2010 (1.762)
Un taux standardisé de mortalité prématurée pour les trois causes
les plus directement liées à l'alcool de
pour 100.000 habitants (19,8)
Infirmiers :
27,5
Inégalités territoriales renforcées
par le vieillissement de certaines
professions :
Et des taux d'équipements en établissement médico-sociaux
supérieurs. Pour les personnes âgées (en 2013) :
EHPAD :
(93,4)
116,1
EHPAD + USLD :
place pour 1000 habitants de + de 75 ans
121,2 lits médicalisés (99,6)
3,9 places en ESAR pour 1000 habitants de 20 à 59 ans
(3,5)
3,2 places en SESSAD pour 1000 jeunes de moins de 20 ans
(2,9)
Malgré tout des insuffisances: manque de médecins
spécialistes
5.970
médecins libéraux (dont 3.512 généralistes et 2.458
spécialistes)
Densité de généralistes pour 100.000 habitants :
Densité de spécialistes pour 100.000 habitants :
5,45 % des Bretons et 4,4 % des professionnels de santé
libéraux de 1er recours sont concernés par les 21 zones prioritaires
en termes de démographie médicale.
+ de 44 % des médecins généralistes libéraux ont plus de 55
Pour les personnes handicapées (en 2013)
(107,3)
(78,5)
Indicateurs globalement défavorables de santé...
Offre de santé :
Médecins généralistes :
ans
109,1
76,4 (95,3)
ans
(48 % en France)
+ de 49 % des médecins spécialistes libéraux ont plus de 55
ans
(55%)
+ de 33 % des chirurgiens dentistes libéraux ont plus de 55
ans
(36%)
63%
des médecins libéraux ont plus de 55 ans dans le territoire
de santé de Pontivy/Loudéac
Sources : Agence Régionale de Santé Bretagne, Insee 2014
Crédits pictogrammes : Christopher Holm-Hansen, Sebastian Langer,
Wilson Joseph, Venkatesh Aiyulu
Toubib
23
24
consultation / DOSSIER
Les vaccins
sont-ils
tous pourris ?
Le retournement est complet : naguère remède miracle, le vaccin est désormais considéré comme
potentiellement dangereux. Et pas seulement pour les écolos flippés par les nouveautés de la multinationale Monsanto. Pourtant, dans cette affaire, ce n’est pas tant le vaccin qui est à remettre en
question, mais ce que l’on met dedans. Ainsi qu’évidemment, les intérêts économiques qu’il sert.
samuel aupiais
Lucie Lafrance
L
ucie Lafrance a 17 ans
lorsque les médecins
lui annoncent qu’elle
souffre de narcolepsie.
Orignaire de Paimpol,
elle est encore au lycée
lorsqu’à la fin du mois de
juillet 2010, la jeune fille
« fait un arrêt systémique
cardiaque avant de perdre
connaissance quelques
semaines plus tard ».
Après un passage au
service maladie du sommeil à Rennes, elle est
orientée vers un institut parisien où on lui annonce qu’elle est atteinte de cette
maladie. À l’IRM, les médecins lui découvrent
« une masse d’aluminium dans le cerveau ».
De l’aluminum ? « Un résidu contenu dans le
vaccin », répond-elle. À l’institut, on fait le lien
tout de suite.
En 2008, Lucie décide de sa faire vacciner
en prévention du cancer du col de l’utérus.
Jusqu’en 2011, on lui administrera trois doses
de Gardasil, un vaccin élaboré dans les
laboratoires Sanofi. Les problèmes débuteront
quelques semaines plus tard.
Aujourd’hui, Lucie Lafrance a 18 ans. Elle est
étudiante en informatique. Et se déplace en
fauteuil roulant. Sa narcolepsie a déclenché
une cataplexie qui ont affaibli ses muscles.
Pour elle, le lien de causalité entre sa prise
de Gardasil et la détérioration de son état de
santé ne fait pas de doute. Soutenue par sa
famille, elle a d’ailleurs sollicité l’aide d’un
avocat, Me Coubris (qui s’est fait connaître
lors du scandale du Médiator) afin de faire
reconnaître la responsabilité de Sanofi dans
cette affaire.
Du côté du laboratoire, la réponse est claire :
« Pas d’augmentation du risque de survenue
de maladies auto-immunes observée après
vaccination par Gardasil ». Observation :
« Sanofi déplore que le programme de vaccination puisse être compromis par des allégations sans fondement scientifique, exposant
ainsi des jeunes femmes au risque des maladies à papillomavirus. »
Le cas de Lucie Lafrance, illustre bien la
défiance qui s’installe à l’égard de la vaccina-
tion aujourd’hui dans le pays.
En octobre 2014, invitée de la chaîne d’infos
continue i-Télé, la ministre de la Santé Marisol
Touraine a lancé un appel pour que l’ensemble
de la population continue de se faire vacciner : « Il y a un mouvement qui me préoccupe
en France, de méfiance, de défiance même
vis-à-vis des vaccins », a-t-elle déclaré, avant
d’ajouter : « Il y a un mouvement de personnes qui refusent par principe la vaccination
au nom de la liberté. La liberté s’arrête là où
commence la santé publique et la sécurité de
l’ensemble de la population. »
Ses propos ont été largement repris par la
presse, ces derniers intervenant une semaine
avant la comparution devant le tribunal
d’Auxerre de deux parents ayant refusé de
vacciner leur fille de trois ans contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). Pourquoi ? Préoccupés, selon eux, par la présence
d’aluminium dans les vaccins. Un adjuvant
que l’on ajoute afin de permettre une efficacité
maximale du produit.
Au rapport mon adjuvant !
Mis en cause dans les controverses soulevées
Encore eux !
La crainte de possibles effets secondaires... :
« Quels effets secondaires ? », demande le Dr.
Legoff. « Il peut y avoir des allergies, etc, mais
les vaccins sont efficaces. S’il y a un doute, ils
sont retirés du marché. »
L’argument selon lequel les études faites n’ont
jamais démontré de liens entre les adjuvants
contenus dans les vaccins et de possibles
effets secondaires, Me Coubris, l’avocat de
Lucie Lafrance n’y croit pas : « C’est le même
discours que j’entends depuis le Médiator »,
lance-t-il.« Je ne suis pas contre la vaccination, au contraire. Le problème du Gardasil est
un problème lié à sa commercialisation. (…)
Sur le plateau bénéfice je n’ai rien à mettre. »
Liberté individuelle
vs santé publique
Pour Me Coubris, ce n’est donc pas la vaccination qui est à remettre en cause mais les
choix industriels de certains laboratoires qui
utiliseraient l’aluminium en tant qu’adjuvant et
feraient ainsi courir un risque à la population.
« Le seul risque, à ne pas se faire vacciner,
c’est de s’exposer à la maladie », répond le
« 38 % des Français sont défavorables
à la vaccination en général »
ces dernières années, les sels d’aluminium
sont utilisés en petites quantités comme
adjuvants dans certains vaccins. S’il n’est
pas utilisé dans les vaccins antigrippaux par
exemple, cet adjuvant est présent ailleurs.
Il est impossible aujourd’hui de se faire un
rappel de vaccin antitétanos.
Le DTP sans adjuvant, commercialisé pendant
plus de trente ans, a été retiré du marché
en 2008, au profit d’un vaccin plus cher. Les
vaccins adjuvés sur phosphate de calcium ont
toujours leur autorisation de mise sur le marché, mais ne sont plus commercialisés.
On touche là au cœur du débat qui divise la
communauté scientifique depuis plusieurs
années maintenant. Partout dans le monde,
les médecins s’attrapent par la blouse et
s’invectivent à grands renforts d’expertises,
de contre-expertises. Afin de faire la lumière
sur cette question : « les vaccins sont-ils
dangereux ? »
Depuis l’apparition du premier vaccin en 1796,
l’efficacité des produits utilisés s’est considérablement améliorée. Cependant, certaines
polémiques ont terni l’image de la vaccination,
jusqu’à installer une suspicion.
En 1993, le vaccin contre l’hépatite B, très
largement diffusé en France chez les adolescents, a été mis en cause, porteur d’un risque
potentiel de survenue d’une affection neurologique rare, la sclérose en plaques.
Lors de la menace de pandémie grippale en
2009, la suspicion contre la vaccination a
franchi une étape supplémentaire : la
pandémie n’a pas eu lieu et les vaccins ont
rapidement été suspectés d’effets secondaires
liés à certains adjuvants.
D. Legoff, médecin en santé publique et référent vaccination pour l’Agence Régionale de
Santé (ARS) de Bretagne. L’ARS est chargée
de l’animation de la politique vaccinale sur le
territoire, et travaille au quotidien avec des
médecins de pays, médecins libéraux, etc :
« On a une politique de vaccination cadrée par
des recommandations sur propositions des
experts nationaux », explique-t-elle.
« Il existe un calendrier de vaccination avec
des recommandations et aussi certains vaccins qui sont eux, obligatoires. Ce calendrier
doit être appliqué par les médecins qui doivent
éclairer le patient sur les recommandations
liées à la vaccination. Pourquoi ? Parce que ça
protège contre les maladies. » La logique est
imparable.
En tout cas, on peut dire que le mal est fait.
Un rapport sur la question de la vaccination
publié par l’Institut national de prévention et
d’éducation pour la santé, en 2010 annonce
que « 38 % des Français sont défavorables à
la vaccination en général ». Ils étaient moins
de 10 % en 2000 et 2005.
Christian Michelet, professeur en maladie
infectieuse et tropicales au CHU de Rennes,
reconnaît qu’il existe « une grande défiance,
de plus en plus accentuée » vis-à-vis de la
vaccination, « même si celle-ci a toujours
existé ». À ce sujet, il rapporte d’ailleurs que la
critique de l’utilisation de l’aluminium dans les
vaccins constitue « une petite partie des
arguments contre la vaccination. On les
utilisent depuis le début. Concernant
l’aluminium, vous ne retrouvez pas ce débat
aux Etats-Unis ou ailleurs. C’est un problème
franco-français. »
Toubib
25
26
consultation / DOSSIER
SCANDALES
& santé
publique
Le procès du Médiator, le médicament des laboratoires
Servier qui aurait déjà tué plus d’une centaine de personne,
a été reporté. L’instruction avait débuté en 2011. Finalement,
le tribunal a annoncé que ce dernier n’aura pas lieu avant
2018. D’autres affaires de santé publique marquent la mémoire collective, mettant en cause le rôle de l’État et celui
des industriels. Voici une liste non exhaustive des scandales
sanitaires qui ont éclaté depuis la Seconde Guerre mondiale.
samuel aupiais
Le vaccin contre la grippe A
Le 16 juillet, le gouvernement annonce l’achat
de 94 millions de doses du vaccin contre la
grippe A. Deux mois plus tard, 7% de la
population se fait vacciner. Mais rapidement, le
gouvernement annonce l’annulation de la moitié des commandes et la revente à l’étranger
d’une partie du surplus de ce vaccin qui attise
la méfiance d’une partie de la population.
2009
L’Isoméride
Prédécesseur du Médiator, mis sur le marché en 1985 pour lutter contre l’obésité, ce
médicament est aussi un best-seller des laboratoires Servier : cinq millions d’utilisateurs
plus tard, l’Isoméride est retiré de la vente en
France après la découverte de cas d’hypertension artérielle pulmonaire, dès 1995, et
d’anomalies au niveau des valves cardiaques,
en juillet 1997. Il serait responsable d’au
moins 40 morts.
1985
2010 :
Les procès
le Distilbène
1950
-1977
Des millions de femmes enceintes
dans le monde se sont vues prescrire ce produit afin de prévenir les
fausses couches. Entre 1950 et 1977,
elles sont 200.000 en France. Dès
1953, une étude – passée inaperçue – démontre son inefficacité. Les
premiers enfants de mères traitées
avec du Distilbène souffrant de graves
malformations arriveront juste après.
On estime à 160.000 les « bébés
Distilbène » durant cette période. Il
faudra d’ailleurs attendre 1977 avant
de voir le produit retiré du marché.
1991 :
Les procès
L’Isoméride a déjà valu au laboratoire Servier
plusieurs condamnations en justice.
Le 17 septembre, il a été condamné par le
tribunal de grande instance de Nanterre à
verser 210.000 euros de dommages et intérêts
à une patiente qui se plaignait de graves problèmes cardiaques après avoir pris le médicament. Le 20 janvier 2011, la Cour d’appel
de Versailles a confirmé le jugement rendu
en 2006 par le tribunal de Nanterre condamnant Servier à indemniser un plaignant pour
le décès de sa femme, morte en 1995 d’une
Hyper tension artiérielle pulmonaire (HTAP)
consécutive à la prise d’Isoméride pendant
plusieurs années.
La première procédure judiciaire contre le laboratoire belge UCB Pharma, fabricant du Distilbène, remonte à 1976. Après quinze ans de bataille
judiciaire, deux jeunes femmes atteintes d’un adénocarcinome à cellules
claires (ACC) réussiront à porter la responsabilité d’UCB Pharma devant
la Cour de cassation en 2006.
Le médiator
Cinq millions d’utilisateurs dont plus de 300.000 en
France. Commercialisé en 1976, le coupe-faim des
laboratoires Servier est accusé d’être responsable de
nombreux cas de valvulopathies. Il sera finalement retiré
du marché en 2011, responsable de 500 à 2.000 morts
selon l’Agence national du médicament et des produits
de santé (ANSM).
2011 :
Le procès
2009
L’instruction judiciaire avait débuté en
2011. Le laboratoire Servier, venait d’être
poursuivi pour (tenez vous bien) « tromperie aggravée, mise en danger de l’homme,
ingérence, prise illégale d’intérêt, complicité et recel de ces délits, homicides
involontaires par violation manifeste d’une
obligation de sécurité ou de prudence,
blessures volontaires aggravées, complicité de ces délits... » Au mois de mai, la
justice a finalement annoncé le report du
procès à 2018.
2007
2011 :
La loi
Suite à l’affaire du Médiator, de
nouvelles mesures sont prises par
le gouvernement pour renforcer la
sécurtié sanitaire et lutter contre les
conflits d’intérêts. La loi n° 2011-2012
du 29 décembre, transforme ainsi
l’AFSSAPS en Agence nationale de
sécurité du médicament (ANSM),
lui octroyant plus de pouvoir et de
prérogatives.
Gérer
les crises sanitaires
Le 5 mars est promulguée la loi n°
2007-294 visant à mieux gérer les
crises sanitaires de grande ampleur.
Ainsi a été créé un établissement
public de préparation et réponse aux
urgences sanitaires (Eprus) en plus
d’un corps de réserve sanitaire.
2004
l’hormone
de croissance
1985
Ce produit devait aider les enfants trop
petits ou souffrant de nanisme à grandir.
Entre 1985 et 1986, cette hormone prélevée sur des cadavres humains a été injecté à 1.698 enfants. Dès la première année
un premier cas de jeune atteint de la
maladie de Creutzfeldt-Jakob est déclaré.
Si le mode de préparation de l’hormone a
été modifié depuis, on recense aujourd’hui
119 morts en France.
DR - GETTY IMAGES
2015 :
Les procès
Après sept ans de procédure, le 16 mars
2015, le tribunal de grande instance
de Paris reconnaît la responsabilité de
l’Institut Pasteur dans cette affaire. Mais
les deux scientifiques (dont le directeur
du laboratoire Uria, rattaché à l’Institut
Pasteur) responsables de l’élaboration et
du prélèvement de la poudre d’hypophyse
(la glande qui produit l’hormone de croissance), ont été relaxé par la Cour d’appel
en 2011.
l’affaire
du sang
contaminé
1991
Le Vioxx
Lancé en 1998 par la laboratoire
Merck, cet anti-inflammatoire destiné
à traiter les douleurs violentes et les
symptômes de l’arthrose aurait provoqué 40.000 décès aux Etats-Unis.
Dès l’année suivante, la Food and
Drug Administration (FDA), agence
de régulation américaine des médicaments, remarque que les accidents
thromboemboliques, les attaques
cardiaques et les infarctus sont
statistiquement plus fréquents avec le
Vioxx. Septembre 2004 : le scandale éclate
et le produit est retiré du marché.
En France par contre, c’est le mystère
total. Y-a-t-il eu un seul mort ?
C’est un article de l’hebdomadaire
L’Évènement du Jeudi qui a révélé
l’information au mois d’avril. Entre
1984 et 1985, des produits sanguins
contaminés par le virus du Sida
ont été distribués en connaissance
de cause à des hémophiles, par le
Centre national de transfusion sanguine (CNTS).
2003 :
Les procès
Entre le 18 juin et le 6 novembre 2003, une série de non-lieu sont prononcés par la
Cour de cassation en faveur des personnalités – conseillers ministériels et médecins – impliqués dans cette affaire qui a provoqué la mort de plusieurs personnes.
Laurent Fabius et Claude Évin, ex-ministre de la Santé, sont notamment relaxés.
Toubib
27
‘‘
consultation / DOSSIER
Recherche
médecin idéal
désespérément
Qui n’a jamais rêvé de croiser le « Dr Mamour », de Grey’s Anatomy, version française
dans les couloirs de son hôpital ? Ou voir soudain surgir un « Dr House » bien de chez nous
qui trouvera LE remède à cette grippe qui, décidément, ne passe pas. Mais il faut se rendre
à l’évidence, notre médecin traitant est toujours cet homme bedonnant, la cinquantaine
passée. Et non le demi-dieu sans faille que le petit écran nous vend. Ce portrait-robot
du médecin idéal est pourtant bien imprimé dans nos petites cervelles.
Mais passé le pas de la porte, l’individu est introuvable.
1 Aloys Main. La série
télévisée « Urgences »: étude
de son réalisme et de ses
répercussions sur le public
français. 2004
2 « Quand Dr House influence
les malades », Le Figaro,
07/09/2009
julia rodriguez
Le médecin dans les séries télévisées françaises des années 70 à nos jours ».
Le sujet de la thèse de Christelle GuntzGuiberteau prête à sourire.
Elle n’en est pas moins sérieuse.
Une partie des séries analysées n’est pas
de première jeunesse. Vous n’en avez même
probablement jamais entendu parler... Et
comme chacun le sait, nous sommes de toute
façon plus fascinés par les créations venues
d’outre-Atlantique. Mais la France n’est pas
en reste : les cousins de la série Urgences
ou Grey’s Anatomy se comptent par dizaines.
Pour vous donner une idée, on peut parler
de Médecins de nuit, Marc et Sophie, Une
famille formidable dans les années 70 à 90.
Récemment, c’est plutôt Plus belle la vie, ou
encore Le cocon, débuts à l’hôpital. Le boom
intervient réellement à partir des années 90
avec le phénomène Urgences, aux États-Unis.
Mais au fait, pourquoi cet engouement ? Pour
Christelle Guntz-Guiberteau, il s’agit certainement du caractère très réaliste de la série
américaine, qui montre les difficultés des
conditions de travail des urgentistes. C’est
aussi un milieu très particulier, dont on a peu
l’occasion de découvrir les coulisses. Son analyse montre d’ailleurs que depuis les années
2000 « la tendance est au réalisme médical
», les téléspectateurs consommeraient donc
les séries médicales, comme une sorte de
documentaire.
Fiction versus réalité
Nous passons un temps considérable devant
notre téléviseur. Et en particulier devant
nos séries préférées. En 2012, nous avons
consommé 20 % de séries sur notre temps
télévisuel, et 19 fictions ont rassemblé sept
millions de téléspectateurs pour au moins
un épisode. Un passe-temps aussi imposant
et chronophage laisse inévitablement des
séquelles. Petit à petit, la télévision se met à
refléter la société mais aussi à l’influencer. Les
séries médicales ne font pas exception. Christelle Guntz-Guiberteau débute son analyse en
dressant le portrait-robot du médecin de fiction
français. Un homme blanc, trentenaire, plutôt
beau gosse et hétérosexuel. Spécialiste plutôt
que généraliste, il est « sympathique, empathique et professionnel ». C’est en quelque
sorte un ange-gardien envoyé sur terre pour
DR
28
se mettre au service de l’Humanité en souffrance. Un demi-dieu quoi. D’ailleurs, il ne
commet que très rarement des erreurs.
Confrontons maintenant cette image à la réalité. Dans notre monde, la moyenne d’âge des
médecins français en 2010 était de 50 ans, la
part des femmes dans le métier augmente, les
spécialistes ne constituent pas l’essentiel de
notre stock de docteurs et ils restent faillibles,
capables eux aussi de commettre des erreurs.
Bref, rien à voir.
Miroirs de la société
Mais alors ? Zéro réalisme dans les séries
médicales? Bien sûr que si. Parce que, on est
d’accord, les réalisateurs ne couchent pas
comme ça sur le papier tout ce qui leur passe
par la tête. Par exemple, la série Urgences
a été écrite avec la collaboration des médecins. Et pour toutes les autres, c’est la même
chose. On essaie de coller au maximum à la
réalité, c’est d’ailleurs ce qui titille l’intérêt du
public.
Au-delà de l’aspect technique, ces séries
sont aussi le reflet de la situation du monde
médical à un moment donné. Urgences a été
diffusée dans les années 90, à une période où
les critiques fusaient de la part des patients
américains. Files d’attente interminables dans
les hôpitaux, surcharge de travail du personnel
soignant et une relation médecin-patient qui
n’était pas à la hauteur des attentes. Tout ça
crée un terreau parfait pour une série médicale à succès, dans laquelle le public peut se
reconnaître.
L’exemple marche bien pour nos voisins outreAtlantique. Mais en France, c’est une autre
histoire. Nos séries médicales ne montrent
pas toutes ces difficultés. L’image du jeune
médecin dynamique et aimable ne semble pas
vouée à disparaître dans un futur proche. Et
pourtant les critiques ne manquent pas en ce
qui concerne notre système de santé. Déficit
de la sécurité sociale, scandales sanitaires
comme le Médiator ou les implants mammaires. Mais il faut croire que nos réalisateurs
s’échinent à « prendre le contre-pied de ce
sentiment d’insatisfaction et impriment au
personnage du médecin les qualités que luimême et le public aimeraient retrouver chez
leur médecin ». C’est l’analyse de Christelle
Guntz-Guiberteau. Urgences a aussi fait fureur
de ce côté-ci de l’Atlantique. Aloys Main1
explique dans sa thèse que cette série à succès avait eu des répercussions en France sur
la vision des services d’urgence par le public.
Des Parisiens interrogés ont affirmé que
cette série leur a appris à mieux comprendre
l’organisation de ce service particulier au sein
de l’hôpital. En 2003, une étude américaine
démontrait qu’une relation statistique existait
entre le taux d’exposition aux programmes télévisuels médicaux et la perception du médecin dans la vie réelle. Et c’est mathématique :
plus ce taux d’exposition est important et plus
notre avis sur les médecins est négatif. Plus le
personnage du médecin est froid et égocentrique (Dr House bonjour !) et plus notre avis
est critique à l’encontre de l’ensemble de la
profession.
Tiens puisqu’on en parle, le Dr House a égra-
« Avec son caractère
antipathique »
tigné l’image de la médecine moderne. Avec
son caractère antipathique et ses manières de
mufle, il ne dresse pas un portrait avantageux
de notre médecin du XXIe siècle.
Traitements « vus à la télé »
En France, il touche près de huit millions de
téléspectateurs et ses pratiques sont loin de
refléter la réalité, même si l’univers et les
techniques employées dans la série sont très
réalistes. Pourtant, les modes opératoires utilisés dans les épisodes font leur chemin dans la
tête du public. Pour Andrew Holtz, ancien journaliste médical à CNN2, « ce genre de séries
modifie l’image que les téléspectateurs ont
du fonctionnement de la médecine ». Et cette
image est, la plupart du temps, complètement
biaisée. Avouez qu’il faut être bien naïf pour
penser que le genre de diagnostic rendu par
le Dr Greg House puisse naître dans l’esprit
d’un seul homme en quelques heures. En
sachant que les cas étudiés sortent tout droit
de revues médicales et qu’ils sont rarissimes,
il faudrait des jours, voire des semaines à
toute une batterie de spécialistes pour mettre
le doigt sur l’une de ces maladies. Je vous
l’accorde, pour un épisode de 50 minutes il est
compliqué d’un point de vue scénaristique de
détailler toute la procédure, ou de mettre en
scène une équipe élargie. Et puis après tout,
les aficionados de cette série sont accros à
son côté explosif et extravagant. Ce qui est
plus embêtant, c’est que ces fictions amènent
le public à croire que demain, il est en droit de
demander les mêmes prouesses professionnelles. C’est le retour de bâton du pseudoréalisme des séries médicales. On imagine
soudain une batterie de docteurs House prêts
à intervenir dans l’hôpital du coin. Et à grand
coup de médicaments expérimentaux, par dessus le marché. Rappelons simplement qu’en
France, l’utilisation de ces dits médicaments
est soumise à une longue procédure d’essais
cliniques avant tout test sur les humains.
L’Agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé veille. Il faudra donc plus
que l’impétuosité d’un seul médecin pour vous
prescrire un de ces remèdes « magiques ». Et
il en est peut-être mieux ainsi.
Grey’s anatomy et Dr House :
les chouchous des Français
Toubib
29
30
consultation / DOSSIER
au pays
des médecines
alternatives
Homéopathie, médecines douces et compagnie. On en deviendrait presque expert en aiguille
d’acupuncture et autres pilules à base de plantes. Les chiffres sont clairs : un nombre croissant de Français se tourne vers ces remèdes parallèles que l’on espère miraculeux. Surfant
sur le phénomène, certains médecins ajoutent même une spécialité à leur formation de base.
julia rodriguez, aurélien lelièvre (infographie)
Définition
En France comme de dans de nombreux pays, les appellations
« médecine parallèle », « alternative », ou « douce » sont synonymes de médecine traditionnelle.
Elles se rapportent à un vaste
ensemble de pratiques de soins qui
sortent de la médecine classique
et qui ne sont pas intégrés dans le
système de santé.
Mannequin d’acunpuncture :
le Manneken Pis des
médecines alternatives
400
Nombre de types de
médecines alternatives
recensées en France
53 %
des Français font confiance
aux médecines alternatives...
39 %
... pour diminuer la
consommation de médicaments...
28 %
56 %
des Français ont déjà
eu recours à l’homéopathie
77 %
des Français placent l’homéopathie
au même niveau que les médicaments
0
0
0
.
7
1
... pour leur efficacité supposée
4 sur 10
ont déjà
consulté un
osthéopate
Osthéopates en France
Crédits pictogrammes : Dmitry Baranovskiy
Source : Etude Ipsos février 2012
Toubib
31
Il y a seulement quelques années, on regardait l’osthéo du village comme une espèce d’imposteur, se vantant d’être
médecin alors que son diplôme n’était pas reconnu.
Aujourd’hui, on se précipite chez lui au moindre mal
de dos. Parce que finalement, il est vachement plus efficace que le Voltarène ou toutes ces crèmes qui font le
business des pharmacies.
On se plante des aiguilles pour contrer les effets
secondaires d’une chimio, on se fait masser les pieds pour
venir à bout de son stress ou de son manque de sommeil...
Même des athlètes de haut niveau se mettent à préférer la
médecine chinoise et ses drôles histoires d’énergies, plutôt que de se bourrer de médocs. À vous de juger...
A
GO
N
S
34
diagnostic
le sport,
c’est dans la tête
Pour un sportif de haut niveau, une fracture ou une déchirure, c’est la cata.
Est-ce que je vais perdre ma place ? Ou pire, carrément mon niveau ?
Sans se mouiller, on peut dire que la pression qui s’exerce sur l’athlète est énorme.
Pour revenir plus vite, plus haut et plus fort, certains se laissent tenter par les médecines
alternatives. Quels intérêts y trouvent les sportifs ?
De quel œil les médecins voient-ils ces démarches ?
rémy quémener
,,
Enquete
MATHILDE L’AZOU, CORA PORTAIS, Rémy Quéméner
D
éjà deux fois que le portable de Fred Danté vibre, cet après-midi. Entre
deux patients venus de la couronne briochine, c’est du côté de l’Italie
qu’on s’inquiète. À l’autre bout du fil : Gervinho. « Gervais » pour les
intimes. Blessé depuis dix jours, le joueur de foot de l’AS Rome vient
aux nouvelles auprès de son ostéopathe. Installé au rez-de-chaussée
de l’énorme centre d’affaires Eleusis, à Plérin, près de Saint-Brieuc,
Fred Danté est, au premier abord, un ostéo comme les autres. Enfin
presque. Tee-shirt noir sur jean bleu, la poignée de main franche et
l’accueil chaleureux, le Franco-malien a trouvé un moyen de joindre
l’utile à l’agréable. En plus de ses consultations classiques avec ceux
qu’il appelle « les patients du quotidien », ce mordu de foot
accompagne depuis cinq ans la sélection ivoirienne de football. Didier
Drogba, Kolo et Yaya Touré : les maillots Orange et Vert des stars de
la sélection tapissent les murs de son cabinet.
« Les médicaments ? Connais pas ! »
Ça fait presque huit mois que Fred Danté suit de manière individualisée
Gervinho, 56 sélections au compteur. Un taulier. L’enchaînement des
matches, la pression du résultat... Cette saison, le joueur a voulu s’offrir
un suivi personnalisé. Déjà très répandu dans les sports individuels,
ce système tend à s’imposer de plus en plus dans le foot. Aller voir
quelqu’un en dehors de la structure du club n’est plus tabou.
Au contraire. « Le foot devient de plus en plus un sport individuel dans
un collectif, explique l’ostéo de 38 ans. Les joueurs se disent :
qu’est-ce que je vais pouvoir faire pour être meilleur que l’autre à côté
de moi, même si c’est mon partenaire ? Bah, déjà prendre soin de ma
santé ». S’il y en a bien un qui a compris que la santé est une question
centrale dans le sport de haut niveau, c’est assurément Miguel Fillaut.
A 25 ans, le jeune homme de Pipriac (35) a déjà un CV long comme
le bras. Triple champion de Bretagne élites de VTT, champion de Bretagne élites de cyclo-cross à l’hiver 2014.
Toubib
35
36
diagnostic
Le podium, c’est un peu sa deuxième maison. Et les médicaments, il ne
connaît pas. « Mon médecin traitant pratique la médecine chinoise. J’y
vais depuis que j’ai 4 ans, lâche-t-il d’entrée. Ce sont des techniques
ancestrales. Il ne touche jamais le corps, il utilise les énergies. Moi, je
pense que ces médecins sont en avance sur nous ! »
Faut dire que niveau blessures, Miguel a donné. « Je crois que je me
suis quasiment cassé tout ce qui est possible au niveau des bras.
À force, on devient bon en anatomie ! », glisse-t-il en souriant, attablé
dans un petit café rennais, à deux coups de pédales du magasin de
cycles où il bosse la semaine. Deux à trois fois par an, il rend visite au
Dr Fanen, rue Salomon de Brosse. Un petit check-up pour vérifier que
tout est en place. « Les séances durent entre 45 minutes et une heure.
Je trouve ça beaucoup plus qualitatif. Le doc prend le temps de bien
savoir ce qui se passe aussi bien dans le corps qu’autour. » Miguel est
lucide. Il entend bien que cette approche « sans toucher le patient fait
un peu gourou ». Mais quand on aime… Alors qu’il a changé d’équipe
l’hiver dernier (il court aujourd’hui pour le club du VCP Loudéac), le
sportif de haut niveau avoue n’avoir jamais rencontré les médecins de
l’équipe. C’est dire...
Transparence, file d’attente et préparation physique
Le corps, c’est le gagne-pain du sportif. Et ça, la plupart des footeux
l’ont compris. Si certains peuvent être tentés d’aller voir ailleurs, il y a
des limites à ne pas dépasser par rapport à la structure médicale dans
le foot. Et notamment une condition bien précise : la transparence.
« Aller voir le médecin référent du club, c’est la base », lance d’emblée
Yvan Bourgis. Joueur pro durant dix ans, dont huit au Stade Brestois,
le jeune retraité n’a pas quitté les terrains. Il s’occupe aujourd’hui de
la préparation physique des équipes élites jeunes à Brest. Durant sa
carrière, il a aussi été confronté à des petits pépins qui l’ont conduit à
se poser des questions sur sa prise en charge médicale. « J’ai eu des
problèmes de peau. J’en avais parlé au doc et il m’avait dit d’aller voir
un dermato. Mais bon… Moi, j’avais envie de voir autre chose, ça faisait
un moment que je traînais ça. Je lui ai dit que je comptais aller voir
une magnétiseuse, pas loin de chez moi. Il n’y croyait pas trop mais il
ne m’a pas interdit d’y aller. Il m’a dit « si ça te fait du bien, t’as rien à
perdre », raconte l’Auvergnat d’origine, assis dans son séjour. Durant
plusieurs années, Fred Danté a été kiné pour plusieurs clubs pros, dont
Guingamp. Désormais, c’est lui qui se rend dans un club, à Rome, pour
examiner son joueur. Ses visites sont connues de tous. Pour mener à
«Lors d’une biopsie, si le
ligament n’est pas cicatrisé,
c’est repos. Point. »
bien ses interventions, il a aussi besoin d’une parfaite entente avec la
structure médicale de l’AS Rome. « À chaque fois que je suis là-bas,
les kinés du club savent ce que je fais, explique Fred. Comme ça, eux
travaillent ensuite en complément. Je trouve vraiment important que
ça se passe comme ça. Mais le truc, c’est que Gervinho, lui, a quand
même besoin de me voir. Donc je m’organise quand il m’appelle ».
Dans le foot, comme dans les autres sports co, chacun accumule
petits ou gros bobos tout au long de l’année. Il faut prendre son mal en
patience. « On est nombreux à aller voir le kiné, explique Yvan Bourgis,
l’ancien joueur du Stade Brestois. Pour un joueur de haut niveau, tout
temps gagné est bon à prendre. Et là, on est les uns après les autres à
attendre. La séance est courte. Du coup, t’as le sentiment de passer un
peu à la va-vite. » Et dans ce cas-là, le joueur pro est vite tenté d’aller
voir ailleurs. « J’ai été voir un ostéo à l’extérieur quelques fois, ajoutet-il. Je n’y allais pas forcément de ma propre initiative, ça venait aussi
du doc. Le sportif doute beaucoup quand il a un petit pépin, il a envie
d’avoir une réponse juste et avisée. »
Too fast, too dangerous
Un fémur brisé, un muscle froissé, un ligament déchiré. Une
blessure, c’est surtout une course contre la montre qui commence dans
le haut niveau. Et une pression, parfois folle, qui s’abat sur les épaules
du blessé. « Le sportif est pris dans des enjeux qui le dépassent »,
explique Christophe Guégan, médecin du sport à Brest. Et très vite, des
questions. Vais-je réussir à revenir à mon niveau ? Mon équipe va-t-elle
continuer à gagner sans moi ? Vais-je retrouver ma place à mon
retour ? Pour le sportif, le moins long sera le mieux. « L’athlète, intuitivement, a besoin de voir un soigneur, au sens très large du terme, qui
va plutôt aller dans son sens, avance Christophe Guégan, également
entraîneur de handball. Naturellement, on n’aime pas entendre : « il faut
que tu t’arrêtes six semaines’. En général, le sportif va fuir le système
classique, d’autant que les enjeux sont importants. » Les enjeux qui
1
Diego Costa et le placenta de jument
Il fallait bien un coup de génie - ou de folie - pour remporter cette course
contre la montre. Mai 2014, lors du dernier match de Liga, Diego Costa,
l’attaquant vedette de l’Atlético Madrid se blesse aux ischio-jambiers
droits. Problème, dans une semaine, c’est la finale de la Ligue des
champions. Et une finale sans Costa, c’est même pas envisageable pour
l’Atléti. Le club envoie alors le joueur en Serbie à la rencontre du Dr
Marijana Kovacevic. Sa technique : injecter du placenta de jument au
joueur pour accélérer la cicatrisation des cellules. Faut croire que ça n’a
pas complètement fonctionné sur ce coup là. Titulaire pour la finale le
samedi suivant, Costa est sorti après seulement neuf minutes de jeu,
incapable de jouer. Et son équipe a perdu 4-1 contre le Real Madrid…
2
TOP 3
DES RETOURS
IMPROBABLES
Lindsey Voon et son fromage autrichien
Le 2 février 2010, Lindsey Voon se blesse à l’entraînement, victime d’une profonde lésion musculaire au tibia
droit. Problème : les XXIe Jeux Olympiques d’hiver organisés à Vancouver, où elle est très largement favorite,
débutent dans onze jours. C’est le branle-bas de combat
dans le camp de la skieuse. Thérapie laser, antidouleurs...
Et un extra, un petit remède de grand-mère surprenant :
un fromage autrichien crémeux appelé topfen que l’américaine aurait appliqué sur son tibia pour le faire désenfler. Vertus réelles ou effet placebo ? Les médecins sont
sceptiques. Pas la skieuse qui dès la course d’ouverture
remporte la médaille d’or en descente. Elle se classera
aussi troisième en super-G avant d’abandonner sur les
trois autres courses. Pas de quoi en faire tout un fromage.
3
David Luiz et le « traitement incroyable »
Acheté 50 millions d’euros à l’été 2014, David Luiz devait être
le monsieur plus du Paris-Saint-Germain cette année. Problème : dix jours avant LE rendez-vous de l’année du club
de la capitale, en quarts de finale de la Ligue des champions
contre Barcelone, le Brésilien se claque à la cuisse droite.
Verdict du staff médical : un mois d’arrêt. Dur. La « touffe » se
rend alors en Russie, auprès du physiothérapeute brésilien
Eduardo Santos, qui travaille pour le club du Zenith-SaintPétersbourg. « C’était un traitement incroyable. J’ai travaillé
tous les jours pendant douze heures », explique Luiz. Et un
retour express. Le 15 avril, à la grande surprise des observateurs, David Luiz est là pour suppléer Thiago Silva, blessé
après 20 minutes de jeu. Résultat : deux petits ponts, trois
buts encaissés et une élimination. Une belle soirée quoi.
Toubib
37
38
diagnostic
95%
Le pourcentage des élèves
prenant des compléments alimentaires, en parallèle de leurs
études dans une structure
de sport intensif, en Bretagne.
Ce chiffre provient d’une étude
menée par le médecin du sport
à Brest, Christophe Guégan.
Christophe Guégan,
docteur au centre
de médecine du sport
de Brest.
pèsent sur lui peuvent donner des envies d’ailleurs. « Je ne tiens pas
vraiment compte de ce que dit le médecin qui doit opérer, glisse Miguel
Fillaut. Si tu l’écoutes, tu reprends le vélo dans deux ans. Moi, mon
médecin peut faire diminuer le temps de moitié », assure-t-il. Pas sûr
que Christophe Guégan validera. Cartésien, le médecin brestois se
méfie quand même de certaines méthodes. « Je ne mets pas tout le
monde dans le même panier, attention. Mais on peut faire toutes les
approches du monde, toutes les médecines différentes, si lors d’une
biopsie, le ligament n’est pas cicatrisé, c’est repos. Point. »
Quand la machine de guerre tremble
Comme n’importe quel patient, le sportif a envie qu’on l’écoute. Peutêtre même un peu plus. Qu’on prenne soin de lui, qu’on le bichonne.
La pratique du sport à haut niveau, c’est du physique mais aussi, et
surtout, du mental. Un champ de la médecine qui est parfois séparé,
voire oublié lors d’une consultation. Claudie Haxaire, anthropologue à
la faculté de médecine de Brest, a étudié ce qu’on appelle les parcours
de santé. Ou comment des gens sortent du système classique pour
s’essayer à d’autres types de médecine. « Lorsque notre médecine
s’est construite, au Ve siècle avant Jésus-Christ, on s’est uniquement
basé sur le biologique et la maladie, explique-t-elle. Du coup, on a
laissé de côté le porteur de la maladie. C’est-à-dire la personne. Les
médecines douces revendiquent une perspective globale. Où le psychologique, le somatique, c’est-à-dire le corps et le social sont imbriqués.
Les sportifs ont recours à des médecins très pointus, très spécialisés.
Peut-être qu’à un certain moment, c’est aussi cette approche globale
de leur personne qui les intéresse. »
Même s’il n’est clairement pas un féru des approches alternatives
et complémentaires, le docteur Christophe Guégan pointe du doigt
l’irrépressible envie des sportifs de toujours revenir plus vite au niveau.
« Les médecines parallèles sont très désirées parce que c’est de l’ordre
du fantasme culturel», argumente le doc. « On a tous besoin d’avoir des
croyances, officielles ou non, religieuses ou non. Le sportif n’est pas
« Je ne sais pas si c’est placebo
mais ça me fait un bien fou ! »
une machine de guerre qui va tout défoncer sur son passage.
Lui aussi a des angoisses, des anxiétés, est sous la pression. Il lui
faut des éléments qui lui permettent de reprendre confiance en lui. »
Un argument que confirme le champion de Bretagne de cyclo-cross,
Miguel Fillaut. Son doc, il en a besoin pour se soigner le corps mais
aussi l’esprit. « Franchement, je ne sais pas si c’est placebo ou quoi,
mais ça m’a toujours fait un bien fou d’aller le voir », rapporte-t-il.
Derrière son bureau plérinnais, Fred Danté consulte son agenda. À la
demande de Gervinho, il se rendra à Rome en fin de semaine. Trois
patients à annuler, un billet d’avion à réserver. Et une escapade de
l’autre côté des Alpes, 1.830 kilomètres à travers les nuages. Massages, manipulations, discussions… Le programme est chargé. « Gervais va reprendre l’entraînement la semaine prochaine et le kiné du
club va lui dire de retourner sur les terrains. Mais il préfère que ce soit
moi qui lui dise. Les kinés de Rome sont très compétents, hein. Mais,
tout simplement, la relation de confiance qu’on a installée est au-dessus de ça. »
UN SITE
sport-protect.org
« Ce que tu fais à la maison, le médecin ne le voit pas. C’est à tes risques et périls », explique Yvan Bourgis, ancien joueur du Stade Brestois. Du coup, il faut faire attention. Beaucoup de médicaments
du quotidien, ou même de compléments alimentaires, peuvent être considérés comme produits dopants.
Le site sportprotect.org permet aux sportifs de vérifier quels produits peuvent positiver un contrôle
antidopage. De la même manière, des médecins du sport interviennent fréquemment dans les structures
de formation auprès des jeunes pour les sensibiliser, l’automédication restant l’un des risques majeurs
de dopage incontrôlé.
Toubib
39
40 diagnostic
Le talent aiguille
d’Isabelle
Bois, terre, feu, eau …. Quel est votre profil en médecine traditionnelle chinoise ?
Pas de panique, Isabelle Flodrops vous dira tout après vous avoir posé quelques questions,
un peu bizarres d’ailleurs, et établi un bilan énergétique en début de séance d’acupuncture.
« Que mangez-vous au repas du midi ? », « Avez-vous faim, soif ? », « De quelle couleur
est votre urine ? », « Montrez-moi votre langue ? » De son cabinet à Pontrieux, elle cherche
d’une voix douce, parfois à peine audible, la cause profonde des maux de ses patients.
Formée sur le tard après une reconversion à 50 ans, cette toute jeune praticienne soulage
également son mari.
STEPHANIE LAMBERT
cora portais
Portrait
uand j’ai pris son pouls, je me suis dit mon Dieu, c’est pas possible ! »
Un jour, après trois tentatives de suicide, une femme de 19 ans, lasse
et à bout de souffle, vient en dernier recours dans le cabinet
d’acupuncture d’Isabelle Flodrops. Son problème ? Elle confond le jour
et la nuit depuis la naissance. Ça la rend folle. Tout au long d’un
parcours de santé classique, la patiente consulte des spécialistes en
tout genre... Sans succès. À la clinique du sommeil de Rennes, on
lui prescrit même des amphétamines pour l’empêcher de dormir le
jour ! Alors, Isabelle Flodrops, lors d’une première séance, pense à
calmer le cœur, puis tonifie le rein. « C’est tout bête, j’ai apporté de
l’eau au feu ! », dit-elle, bienveillante, comme si cela allait de soi.
Dès le soir même, la femme exténuée, dormait ! La thérapeute n’en
revient toujours pas elle-même d’être parvenue aussi rapidement à
transformer la vie de sa patiente.
Une guérison survenue dans son cabinet, ouvert il y a un an à Pontrieux, « petite cité de caractère » d’environ mille âmes. Au rez-dechaussée, sur la devanture d’une grande maison bourgeoise en granit,
le panneau indique : « Ici, cabinet de médecines naturelles et
acupuncture ». De l’autre côté de la rue, le clapotis du Trieux se fait
discrètement entendre. Un saule pleureur, des bateaux de
plaisance,
français et britanniques. L’endroit est paisible,
même si
la rue est assez fréquentée et, ce jourlà, le ciel orageux. L’accueil est
chaleureux, l’atmosphère calme et
détendue, la décoration feng shui,
les couleurs épurées, la musique
relaxante. Partout dans la pièce,
ça sent bon les huiles essentielles.
Un peu cliché pour un cabinet
d’acupuncture. Normal.
Toubib
41
42
diagnostic
« Isabelle a les yeux bleus et un
tempérament de feu »
L’acupuncture : la révélation
Personnalité plutôt introvertie, la quinquagénaire originaire du
Pas-de-Calais semble bien dans son élément. Pourtant, elle n’exerce
l’acupuncture que depuis quatre ans. Son intérêt pour la médecine
traditionnelle chinoise remonte à 2007, date à laquelle la médecine
conventionnelle lui détecte une hypothyroïdie. Celle qui est alors
assistante sociale opte d’abord pour un traitement lui imposant de
prendre quotidiennement du Lévothyrox. « C’est très contraignant.
Et puis moi, je n’aime pas prendre des médicaments. »
Rapidement se pose la question de l’opération. Elle n’en veut pas.
Isabelle Flodrops cherche une alternative et découvre, après quelques
investigations sur Internet, l’acupuncture. « Je pense qu’il est
fondamental d’écouter son corps qui nous envoie des messages. »
Elle commence par une séance, puis deux, puis trois. Les progrès sont
fulgurants, au point de faire totalement disparaître la maladie.
Son expérience personnelle lui donne alors envie d’approfondir cette
discipline. En dilettante pour commencer. « Depuis qu’on se connaît,
elle s’intéresse à ses huiles essentielles, à ses plantes, à la médecine
naturelle », témoigne Pascal Isart, son compagnon. Mais lorsque le
couple emménage en Bretagne en 2012, Isabelle décide, ni une ni
deux, curieuse et fonceuse, de tout remettre en question pour s’installer
à son compte et soigner les autres.
Déterminée, la mère de trois enfants se forme auprès de « Breizh
Shiatzu », une école installée à Ploeuc-sur-Lié. « Je la soutiens car
c’est tellement formidable de pouvoir faire un métier que l’on aime et se
reconvertir à 50 ans », renchérit celui qui partage sa vie.
Et c’est parti pour trois années d’études assez intensives, à un âge où
d’autres attendent que l’heure de la retraite sonne. Peu importe. Elle y
va et obtient son certificat de praticienne. Pour la jeune diplômée, c’est
la révélation. Elle aurait même aimé commencer plus jeune. Mais même
avec l’acupuncture, impossible de remonter le temps. Dommage.
Anti-douleur contre chimiothérapie
L’acupunctrice de 54 ans cerne rapidement les personnalités.
Comment ? Pas de stéthoscope : elle écoute et elle observe.
« Quand je travaille, je ne pense qu’à la personne. Je suis très concentrée pendant la séance, je ne parle pas beaucoup, je cherche tout ce
qui peut m’aider. » Pour Frédéric Harlay, réflexologue, qui a suivi le
même cursus, la femme aux cheveux blonds et au teint pâle est plutôt
discrète en cours, mais très attentive à ce que dit son entourage.
« Toujours à l’écoute, Isabelle partage ses expériences professionnelles, ce qui nous aide beaucoup pour notre propre pratique. C’est
une personne impliquée, très généreuse et toujours disponible pour
discuter. » Il arrive d’ailleurs régulièrement que son ancien
« camarade de classe » lui demande des conseils.
« C’est très puissant...
Quand vous voyez les effets sous
vos yeux, c’est vraiment incroyable »
Infirmière de formation, l’acupunctrice aime son métier, ça se voit,
ça s’entend, ça se ressent. Elle rassure et donne confiance.
« C’est très puissant... c’est vraiment très puissant, s’étonne-t-elle toujours. Moi, je suis épatée tous les jours.... franchement ! C’est vrai, on
sait s’il faut faire ci ou ça, appuyer sur tel méridien... Mais quand vous
voyez les effets sous vos yeux,... c’est vraiment incroyable ! »
Incroyable en effet lorsqu’on sait qu’elle soigne Pascal avec qui elle vit
depuis huit ans. Cela fait trois ans qu’il est atteint d’un cancer
pneumo-thoracique, déclaré seulement en février. Confiants, ils
décident ensemble de combattre, avec l’acupuncture, les effets
secondaires très lourds des chimio et radiothérapie. « Anti-depresseurs,
anti-inflammatoires … J’ai cinq kilos de médicaments pour trois mois et
je n’en ai pris aucun ! », explique l’artisan au franc-parler.
Sorti de l’hôpital en mars, Pascal marche, respire, conduit, cuisine,
jardine. Le pneumologue n’en revient pas. « Voila les bienfaits de ma
p’tite femme chérie ! », se réjouit, avec tendresse, l’ancien militaire.
Comment Isabelle voit-elle l’avenir ? « Avec plein de monde au
cabinet ! », s’exclame, optimiste, la praticienne aux yeux bleus
perçants. « J’aimerais aussi que les disciplines autour du bien-être
se développent. » Sous son allure douce et posée, la présidente de
l’association Bien-être, nature et santé en Côtes-d’Armor se bouge, et
monte en avril un salon des médecines douces pour la deuxième année
à Penvénan. Ensuite, retour à la formation, direction la Drôme
en septembre, pour passer un diplôme national d’acupuncture.
À 54 ans, sa formation ne fait que commencer.
Toubib
43
44
diagnostic
LA PETITE ANNONCE
QUI SOULAGE
« Propose pratique non conventionnelle contre stress des études, du permis ou du travail… »
C’est le genre de petites annonces que les étudiants peuvent dénicher, sans le chercher.
La promesse ? Des bons plans anti-stress. Pourquoi pas. Ils n’ont pas trouvé le Graal,
mais un sacré bonus quand même, pour améliorer leur quotidien.
,
e
g
a
n
g
i
o
m
Te
Linda Marteau
« Le sourire
vient du pied »
pour Laurence,
réflexologue.
ensions musculaires, troubles du sommeil, comportements addictifs
ou tendance à procrastiner... Ces symptômes te parlent ? Tu es tout
simplement stressé. Rien de bien anormal a priori !
Pour Laurence Gregory, réflexologue de 47 ans, le stress est même
inévitable dans notre société. Mais il faut bien différencier le bon stress
du mauvais : « Le bon stress, c’est celui qui nous fait avancer, qui impulse le corps. Ça devient négatif quand on se sent envahi, quand
on tourne en boucle dans ses problèmes, sans en sortir ».
Elle propose donc des massages des pieds à Lannion. Sa pratique
part du principe que « le pied est l’hologramme du corps ». Il représente tous les organes. Aussi simple qu’étonnant ! Laurence Gregory
ne se considère pas « comme une magicienne ». Elle veut juste que
ses patients puissent « mieux appréhender les petits soucis de la vie ».
La réflexologie, c’est vraiment le pied !
Justement, le « petit » souci de la vie de Camille, 21 ans aujourd’hui,
c’était d’avoir raté son bac. Elle s’apprêtait à le passer une deuxième
fois quand elle a découvert la réflexologie plantaire par hasard :
« J’étais avec un ami, on devait être partis chercher du tabac, quand
on est tombé sur une annonce ». Une réflexologue qui rédigeait un mémoire sur « le stress avant les examens » recherchait des cobayes...
« En plus c’était gratuit, alors je me suis dit ‘pourquoi pas’. »
Elle se lance pour dix séances sans rien y connaître. Camille est
catégorique : la réflexologie l’a complètement changée, du jour au
lendemain ! « J’ai ressenti un confort, de la confiance en moi. Je pense
que le changement a été assez soudain car les séances se sont faites
sur un temps très court. La nuit, mon sommeil était agité. Tu sens
que dans ton corps ça bouge… »
Ce bon plan anti-stress, elle le refile aujourd’hui à des amis, ou même à
sa mère : « Je leur conseille davantage cette pratique que de consulter
un psychologue. Pour moi, l’apport a été bien plus mental que
physique, bien que la réflexologie soit axée sur le toucher. »
Activités extra-professionnelles
Hypnose, homéopathie, acupuncture... Difficile de faire un choix parmi
toutes les autres méthodes qui assurent pouvoir combattre le stress.
« L’essentiel consiste à aller vers ce qui vous attire », conseille la réflexologue plantaire. « Là, il s’agit d’un soin avec une relation au physique, le toucher. Mais si vous n’aimez pas les massages… »
Autant éviter ! Ces pratiques peuvent être complémentaires, comme
c’est le cas de la réflexologie et de la sophrologie. Pas étonnant alors
que Laurence Grégory, la réflexologue, partage son cabinet avec
Brigitte Derrien, la sophrologue. Cette petite femme blonde de 57
ans rayonne d’énergie et de gaieté. Elle se marre à chaque fin de
phrase. La sophrologue reçoit fréquemment des étudiants : « Il y a
un pic de fréquentation lors des rentrées scolaires et au printemps
pour les examens. Ils ont l’impression de ne plus rien savoir.
Alors je suis là pour les préparer, un peu comme des athlètes ».
Sa méthode ? Des exercices reposant sur des techniques de
respiration, de visualisation où l’étudiant se « projette » dans un futur
agréable, l’examen en poche ! Il s’agit de développer la conscience
du corps, améliorer la capacité de concentration, de mémorisation,
et favoriser la confiance en soi.
Plutôt que de pratiquer une activité sportive, certains préfèrent la sophrologie collective, comme « activité extra-professionnelle ».
Ainsi, tous les jeudis soirs, Brigitte propose des séances auxquelles
« J’ai trouvé ça assez... Surprenant.
Et en même temps, ça marche quoi ! »
participent Joachim, 26 ans et Eva, 28 ans. Lorsque le couple
s’installe à Lannion, il entend parler du groupe de sophrologie. Elle
ignore tout de cette pratique. Lui l’a déjà testée lorsqu’il était en fac à
Brest : « J’avais lu l’annonce d’une sophrologue qui lançait son cabinet.
Elle proposait aux étudiants de faire un cycle de dix séances pour un
prix dérisoire.» Il a profité de l’aubaine, même s’il n’avait pas vraiment
de besoin particulier. Finalement, ce n’est pas pour rien que curiosité
rime avec efficacité : « J’ai trouvé ça assez... comment dire ? À la fois
surprenant. Et en même temps, ça marche quoi ! » Lors de la première
séance, il reconnaît être passé complètement à côté... « Mais la deuxième séance, quand je suis ressorti, j’étais bien, relaxé… Je sentais
vraiment l’effet bénéfique », s’enthousiasme-t-il.
« À tout âge et moment de la vie »
Joachim et Eva occupent aujourd’hui un poste dans la télécommunication, tout en préparant une thèse. Ils reconnaissent « être un peu en
stress constant. On est encore étudiants, entre guillemets, jeunes professionnels. Un de nos principaux challenges, c’est de réussir dans la
vie professionnelle ». La sophrologie leur permet d’améliorer leur
quotidien, de mieux se connaître et de repérer les signaux que le corps
envoie. Comme beaucoup, Eva passe ses journées assise, les yeux
rivés à l’écran : « Je suis super crispée. Je ne m’en rends même
pas compte. Je stresse parce que le code que je développe ne marche
pas par exemple». La sophrologie l’a donc aidée à comprendre qu’elle
n’est pas relaxée. « Je peux prendre le temps de m’arrêter, de me
demander si je suis bien détendue. Est ce que je suis bien assise ? »
La jeune femme sépare aussi plus facilement vie pro et perso :
« Il m’arrivait de travailler tout le temps parce que je me mettais la
pression. Maintenant, je me concentre mieux au travail du lundi au
vendredi et je ne m’épuise plus le week-end ». Comme sa copine,
Joachim ne jure plus que par cette pratique « 100 % naturelle, sans
médicamentation. Ses effets sont bénéfiques à n’importe quel âge ou
moment de la vie ». Il regrette presque de ne pas s’y être mis plus petit.
Ce n’est pas Brigitte Derrien qui le contredirait : la sophrologue est déjà
intervenue dans une classe maternelle !
Toubib
45
46
diagnostic
diagnostic
gare au gourou
Phytothérapie, respirianisme, médecine mariale… Des pratiques aux noms bizarres qui,
a priori, ne nous veulent que du bien. Mais ingurgiter des plantes dont même un chien
ne voudrait pas, ou se nourrir de l’air ambiant, de la lumière ou de prières
peut-il vraiment aider à guérir ? Entre bonnes intentions et arnaques, entre vraies thérapies
et charlatanisme : en médecine alternative, les mouvements sectaires ne sont pas un mythe...
,,
Enquete
Soizic Meur et zoé baillet
la manière de Ma sorcière bien-aimée, elle fait frétiller son nez.
Marie-Line, elle aussi, est un peu magicienne. Trench jaune et mini
chignon crépu, elle rayonne. Ce mercredi, à Plouha (22), elle retrouve
Monique et Jean, les parents d’une petite fille qui souffre d’infirmité
motrice cérébrale. Les accolades sont pleines d’affection. Normal,
Marie-Line est la seule à pouvoir lui redonner le sourire. « Quand on
voit que ça ne va pas fort, on sait qui appeler », remarque Monique, en
tendant fièrement le premier texte écrit par sa fille grâce à la
communication facilitée.
C’est en 2002 que le couple découvre cette pratique venue d’Australie.
Comme la kinésiologie, l’acupuncture ou l’hypnose, elle fait partie de
ces médecines douces ou approches alternatives dont on raffole de
plus en plus.
Pourtant, elle ne fait pas l’unanimité. En 2006, le conseil général des
Côtes-d’Armor et l’Agence régionale de santé proscrivaient son usage
au sein d’un foyer d’accueil médicalisé pour handicapés près de
Saint-Brieuc, après l’ouverture d’une information judiciaire contre
X pour exercice illégal de la médecine et escroquerie au préjudice
de personnes particulièrement vulnérables.
Monique et Jean, eux, refusent de s’en passer : « Quand vous êtes
parents d’un enfant handicapé, vous êtes prêts à tout pour qu’il se
sente mieux... »
Légume, fœtus et inconscient
La communication facilitée, voilà comment ça marche : un facilitant
soutient la main du facilité, privé de parole pour qu’il puisse désigner
des mots écrits, voire les écrire lui-même sur un clavier. « On n’utilise
cette technique que pour les besoins du quotidien, genre ‘passe-moi le
sel’ », éclaire Marie-Line.
Cette mère de cinq enfants s’y est formée à Montélimar, il y a plus de
quinze ans, pour échanger avec son fils, atteint de mutisme.
« Au début, ce que j’obtenais était incompréhensible. Je ne m’expliquais pas que mon bébé de deux ans puisse dire ‘j’ai mal au foie’. »
Précoce en SVT le môme ! Mais avec la communication facilitée,
il paraît que tout le monde peut parler. Même d’anatomie...
Et puis un jour, avant de partir en vacances, son enfant n’arrête pas de
pleurer : « J’ai utilisé la CF. Il a écrit ‘Ma tête va exploser’. En cherchant,
j’ai vu que l’arrêt d’un médicament qu’il prenait devait se faire progressivement alors que j’avais stoppé d’un coup » Effet secondaire possible :
migraines… C’est la révélation. « Je n’ai plus eu le sentiment d’être une
mauvaise mère. Je me suis dit peut-être qu’on a une âme, que mon fils
n’est pas qu’un légume. »
« Quand vous êtes parents d’un enfant
handicapé, vous êtes prêts à tout
pour qu’il se sente mieux... »
Marie-Line garde le souvenir heureux de cette expérience avec Andréa,
puis Alizée, deux de ses enfants, aujourd’hui décédés. Ils étaient
atteints du même handicap. Bien dans ses bottines, elle continue
d’aider les gamins des autres. Et puis tout le monde en fait, même ceux
qui peuvent parler : « Au-delà de la communication facilitée,
il y a la psychophanie. Un dialogue de l’inconscient à l’inconscient ».
Même procédé, mais fins différentes. Ici, plus question d’aspects
pratiques : « On met à jour l’âme, on dévoile des mémoires émotionnelles cristallisées dans nos cellules ». Cette ancienne ingénieure de
laboratoire assure pouvoir communiquer avec les fœtus, les personnes
dans le coma… Elle parle d’énergies qui se dégagent des corps, de
connexions, de trucs de plus en plus abstraits, pas très cartésiens.
Là, on sent que ça part vraiment loin. Notre magicienne dévoilerait-elle
son côté maléfique ?
« Secte » , le mot est lâché
« Le vocabulaire utilisé peut en dire beaucoup sur la fiabilité d’une
pratique et d’un praticien ». Les « deux Marie » sont bénévoles à
l’antenne bretonne de l’Adfi, l’Association de défense des familles et
de l’individu victimes de sectes. Des histoires de patients bernés par
de pseudo-thérapeutes, elles en entendent à chaque permanence du
mercredi après-midi, à Rennes.
On vous fait croire que l’air ambiant vous nourrit (respirianisme),
que vous avez été violée par un parent et que c’est pour ça que vous
êtes malade (faux souvenirs induits), que le stress étudiant disparaît
en se masturbant. Ce dernier conseil est celui d’un médecin finistérien,
répertorié à l’Ordre des médecins. Comme 299 autres en Bretagne,
il est soupçonné de soutenir un mouvement sectaire. « Secte », le mot
est lâché et va revenir souvent. Frissons.
Marc* est ceinture noire de karaté. En dehors des tatamis, cet « enfant
du désert » comme il aime se définir, menait aussi un autre combat.
Il nous avoue ne pas savoir pourquoi avoir accepté de nous répondre :
« J’ai raccroché en 2006. Toute cette merde m’a valu des procès, des
menaces de mort… Ça a trop affecté ma vie ». Cette merde : les mouvements sectaires.
Si on se réfère à la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et
de lutte contre les dérives sectaires), ces mouvements correspondent à
« un dévoiement de la liberté de pensée ou d’opinion qui porte
atteinte [...] à la sécurité ou à l’intégrité des personnes », caractérisé
par « la mise en ouvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé,
Toubib
47
48
diagnostic
[...], de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique
ou physique, [...], avec des conséquences dommageables pour cette
personne, son entourage ou pour la société ». Marc et son diplôme
de psychiatre ont leur propre définition : « Des métastases médico-sociales, des pieuvres qui se dispersent de manière insidieuse et sèment
leurs pratiques charlatanesques ». Tout au long de sa carrière, il en a
traqué des « dérapeutes », comme il les appelle. « Les mouvements
sectaires contaminent toutes les institutions médicales et juridiques
françaises », prévient-il.
D’autres thérapeutes auto-proclamés se cachent sous des titres comme
coach de vie, conseiller en relations humaines, consultant… « Ils
changent de nom, ils se déplacent, relèvent Marie et Marie. Ils trouvent
toujours des combines pour continuer d’exercer, même si le terme de
psychothérapeute est réglementé depuis 2010. Au fond, c’est qu’une
histoire de pognon. »
De la petite faille à la grande manipulation
Ta meuf qui te quitte, un pote qui se tue en voiture, un job qui craint,
une grosse fatigue, un petit coup de mou... Une faille en fait.
« La porte d’entrée parfaite pour les thérapeutes malhonnêtes, c’est
justement ces moments de fragilité, précisent les deux bénévoles de
l’Adfi. Et particulièrement quand ils touchent à la santé. »
Au départ, c’est juste un rendez-vous comme un autre, une personne
que tu vas voir, accroché à l’espoir qu’elle puisse t’aider. Tu te sens
écouté, compris, tu es séduit. Alors tu y retournes et, petit à petit, ses
idées deviennent les tiennes : « Il s’agit de vous détourner de tout système, de référence logique pour vous faire adhérer à un autre système,
celui de la secte, détaille Marc. On vous répète ‘Si tu n’y crois pas, ça
ne marchera pas’.» Alors tu y crois.
« Toute cette merde m’a valu
des procès, des menaces de mort... »
Et là, c’est le drame, le piège se referme. « Après cette phase de
séduction, on entre dans la manipulation pure et dure. » Les « deux
Marie » en savent quelque chose. Chacune a connu ça au sein de
sa famille. « Mon frère a disparu pendant des semaines. Il avait tout
plaqué pour rejoindre la secte Moon, se rappelle l’une. Il s’en est sorti,
mais difficilement. »
Le retour sur Terre n’est jamais facile. Quand on te fait claquer
3.000 euros pour aller jeûner dans la jungle et avaler une mixture
d’Iboga, racine qui te fera vomir par tous les trous, le tout pour arrêter
de cloper, dur d’assumer de s’être fait avoir. Et, tout simplement, dur
de s’en rendre compte : « Les gens manipulés ne raisonnent plus qu’à
travers l’affect, ils se sentent incompris, ils se braquent, s’enferment
dans leur bulle. Il est alors très difficile de leur faire ouvrir les yeux ».
« L’iboga a déjà fait deux morts », se révolte Marc, qui, grâce à son
acharnement, a fait classer la plante comme stupéfiant en 2007.
« Montre-moi… »
Retour chez Monique et Jean. La communication facilitée, qu’ils
utilisent avec leur fille, n’a, elle, tué personne. Ce qui n’empêche pas
Marc de nous la présenter comme « une supercherie de premier plan,
comme toutes ces techniques qui ne sont pas conformes aux données
actuelles de la science. Elle n’a aucune valeur, viole l’éthique et la
déontologie, abuse de la vulnérabilité des familles et donne de faux
espoirs ».
Marie-Line trouve que trop de médecins critiquent sa thérapie sans
l’avoir expérimentée - ce qui n’est pas le cas de Marc. Alors nous et
notre curiosité, on a testé.
Après deux bonnes heures de discussion, elle sort son clavier et un
grand livre pour enfants. Là, assise à la table du séjour, elle nous
demande le plus naturellement du monde l’autorisation de se brancher
à notre esprit. Ainsi soit-il.
En nous tendant le livre, elle nous invite à soutenir sa main.
Nous voilà facilitantes, elle, facilitée. Pages 7 et 8 : une mosaïque
pleine de vignettes représentant des villes. Alors qu’elle regarde
ailleurs, on pense, chacune à notre tour, « Montre-moi Séoul.
Montre-moi Bangkok ». À chaque fois, c’est dans le mille. Pas un son
ne sort de notre bouche mais Marie-Line sait exactement quoi nous
montrer. Nous sommes arrivées sceptiques, nous repartons
complètement chamboulées, une bonne migraine en prime.
Cartésiennes que nous sommes, nous demandons à Marc son avis sur
ce qui vient de nous arriver : « Vous avez été séduites et vous ne vous
êtes rendues compte de rien. Comme avec un magicien. C’est une
forme de manipulation, de la suggestion hypnotique. Ces gens sont très
habiles ». Apparemment, Marie-Line nous a eues…
Nous pensions contrôler sa main, la situation. En fait, pas du tout.
« Vous pensez vraiment que si cette technique fonctionnait on la négligerait ? Je crois plutôt que la personne qui l’a inventée aurait reçu un
prix Nobel de médecine ! »
Alors comment savoir : danger, pas danger ? Gourou, pas gourou ?
Les « deux Marie » ont leur avis : « Tout dépend de la personne qui
pratique. Avec l’acupuncture, on n’a jamais eu de plainte. Pour
l’hypnose, la sophrologie, l’homéopathie, il y a des personnes compétentes, d’autres non ». Marie-Line, elle-même, reconnaît que certains
vont trop loin : « L’important, c’est que le praticien ait d’abord fait un
gros travail sur lui-même. Il faut être clean. »
Cependant, Marc accorde que tout n’est pas à jeter : « Les médecins
manquent souvent de pédagogie et oublient qu’avant de soigner, il faut
savoir prendre soin. La bienveillance et l’écoute vont sortir deux fois
plus vite un patient de son merdier ». Alors « la médecine alternative
en complément de la médecine traditionnelle, pas de souci. Mais quand
le médicament est présenté comme un poison, là, ça va trop loin ».
Le point
Allodocteur
Pour Marc, les gourous sont
malades. Ils souffrent de paraphrénie, un trouble qui produit
des délires imaginatifs.
Ils sont narcissiques, se pensent
envoyés de Dieu ou persécutés et incompris de tous. Leur
délire est si bien construit qu’il
se juxtapose au réel et peut être
adopté par d’autres.
*prénom d’emprunt
, mies
Conseils da
• La déco
Outre les ambiances vraiment glauques
style cave, rien qu’un cabinet rempli de
bougies peut être un indice…
• Les gros mots
Des termes comme « harmonie »,
« vérité » ou « purification » doivent
faire tilt. Les manipulateurs prétendent
souvent détenir une « vérité », un « don
divin » ou être investi d’une « mission ».
Pas très concret tout ça, c’est souvent
du vent…
• Le GNOMA
Le Groupement national pour l’organisation des médecines alternatives existe
depuis 1950, pour regrouper les guéris-
seurs de France. Ses adhérents s’engagent à respecter un code de déontologie et une charte. Trouver un praticien via
leur site peut être un bon moyen de se
protéger de faux thérapeutes mais vrais
gourous.
• L’Adfi
Les Adfi sont les antennes régionales de
l’Unadfi : l’Union nationale des associations de défense des familles et de
l’individu victimes de sectes. Constitué
de bénévoles, ce réseau a pour mission
d’épauler celles et ceux qui ont pu être
manipulés, de dénoncer les pratiques
suspectes auprès de l’Ordre des médecins ou d’un tribunal, et d’informer ou
prévenir.
Toubib
49
50
diagnostic
haut
LES MAINS
PEAU DE...
De la tête aux pieds, ils peuvent tout soigner.
Simple question de pathologie.
Le job de ces « médecins » hors normes : créer le contact,
rassurer, apaiser, ou transmettre des énergies...
Et ce, quasi uniquement avec leurs petites mains.
Un outil qui leur permet d’aller plus loin que le système
de santé classique et de renouer le contact avec
les patients. Ils touchent, ils ressentent, ils prient,
certains jouent même de la musique.
Tour d’horizon en compagnie de thérapeutes pur beurre
(salé).
Cora PoRTAIS, marin du couëdic
Portfolio
Pour se relaxer comme il faut, séance
de sophrologie avec des jeunes.
Toubib
51
52
diagnostic
des pieds,
des mains,
des aiguilles
En réflexologie plantaire, chaque partie
du pied correspond à un organe du corps.
Avant la séance, pense à te laver les
pattes...
Montre-moi tes mains
et je te dirai ce que tu fais...
Sophrologue, acupunctrice, magnétiseur
ou ostéopathe, à chacun sa gestuelle.
Toubib
53
54
diagnostic
Des gestes,
des massages,
des papouilles
Les mains : l’outil de travail
indispensable pour la majorité
des thérapeutes en soins
complémentaires.
Jeu de mains, jeu de médecins.
A la frontière entre ostéopathie et guérison
d’antan, l’étiopathie est une médecine
non conventionnelle exclusivement manuelle.
Le port du soutien-gorge est en option.
Toubib
55
56
diagnostic
Séance de magnétisme à la Thaïlandaise. Lors de ses transes,
la jeune femme communique avec son jumeau spirituel,
un serpent. Selon elle, l’animal lui envoie des messages,
des nouvelles de sa famille et la protège.
Paraît même qu’on en a un aussi...
Du mystique,
de la transe,
des cultures
Une ancienne commerciale
reconvertie en magnétiseuse,
c’est original. Son inspiration ?
Les traditions amérindiennes.
Pour communiquer avec
les esprits, elle psalmodie
en frappant sur ses tambours,
qu’elle fabrique artisanalement.
Toubib
57
Chimie ou psycho ? Cette question n’est pas celle d’un étudiant
qui consulte son emploi du temps. C’est plutôt LA question qui
fait débat à propos des pratiques alternatives. Depuis la création de la médecine moderne, le médicament ressemble plus à
un assemblage chimique qu’aux breuvages du druide du village.
Une modernité qui fait fuir certains patients, constate le
Dr. Alain Dumas, dont vous allez faire la connaissance.
Saoulés par les maux de ventre, vomissements ou autres
effets secondaires, ils se tournent vers des pratiques plus
douces, comme l’hypnose ou la sophro. Ces méthodes
« old school », la médecine conventionnelle n’y est pas
hostile. Le DG de l’Ordre des médecins du 35 concède même
l’intégration progressive de certaines pratiques. Mais jusqu’où ?
R
D
N
60
Ordonnance
michel
carsin
Interview
« La société en
demande trop
aux médecins »
Médecine conventionnelle et thérapies alternatives : deux méthodes de santé considérées comme opposées. La science contre le profane ? Pas si sûr. Aujourd’hui, les médecins
n’ont plus de complexe à se former à l’hypnose ou à l’acupuncture.
Et de plus en plus d’hôpitaux proposent des consultations en soins complémentaires.
Les thérapies douces auraient-elles finalement leur place dans le temple de la « médecine
sérieuse » ? En France, c’est à l’Ordre des médecins de trancher. Éclairage avec le docteur
Michel Carsin, secrétaire général du Conseil de l’Ordre des médecins en Ille-et-Vilaine.
marin du couËdic
Quelle est la mission
de l’Ordre des médecins ?
D’où l’attrait pour des thérapeutes,
en complément du médecin ?
Les Ordres sont inscrits dans le code de santé
et dépendent de l’État. Ils sont garants de la
qualité des soins des 300 000 médecins qui
exercent en France. Notre mission principale,
c’est la vérification de la déontologie dans
la profession : chaque médecin fait-il correctement son travail ? Si un patient vient se
plaindre, on met en place une démarche qui
peut mener à un jugement. Les sanctions vont
de l’avertissement à la radiation. Notre rôle,
c’est aussi de vérifier si les gens qui se disent
médecin le sont effectivement. Par exemple,
pour poser sa plaque à Rennes, il faut préalablement nous montrer ses diplômes. Si
l’on repère une anomalie, on peut mettre en
place une instruction pour exercice illégal de la
médecine.
Oui, mais l’Ordre des médecins n’est pas
contre ces pratiques douces. C’est simplement
du commerce. Les gens veulent qu’on les
écoute, ce que font les thérapeutes. En plus,
ces soins sont remboursés par beaucoup de
mutuelles aujourd’hui. C’est attractif pour les
patients, en complément ou en alternative aux
médecins. Les naturopathes, étiopathes, chiropracteurs... toutes ces appellations ne sont pas
officielles mais tolérées, reconnues, et même
organisées par l’État. Il y a des formations
publiques ou privées, en Bretagne notamment,
ouvertes à n’importe qui.
De manière générale, la médecine alternative
est-elle intégrée au système de santé ?
Déjà, je n’appellerai pas cela des « médecines
alternatives ». Ce sont plutôt des techniques
de soins non médicamenteuse. Ça n’empêche
pas ces pratiques de fonctionner sous certaines conditions. L’hypnose a pu être critiquée
mais on s’est aperçu petit à petit que cette méthode a des vertus. Et on l’a intégrée à l’hôpital
et en libéral. Sous réserve que le médecin ait
suivi une formation évidemment. En fait, pour
admettre de telles pratiques dans le système
de santé, il faut des preuves scientifiques. La
médecine est un domaine terre à terre. Avant
validation, il faut une vérification rigoureuse.
C’est un processus qui peut prendre du temps.
Les théories d’un jour ne sont pas forcément
les théories du lendemain. Peut être qu’un jour,
dans certaines conditions, on s’apercevra par
exemple que le cannabis peut être bénéfique,
et l’intégrer aux soins.
La Bretagne est-elle une terre propice
aux soins alternatifs ?
Je dirais que oui. La Bretagne, sur le plan
pathologique, fait face à un fort taux de suicide.
La population connaît aussi de graves problèmes d’alcool. Il y a un mal-être. C’est une
région assez isolée et les gens veulent se
soigner. A partir de là, quand les médecins ne
répondent pas présent, on s’adresse à d’autres
personnes. Des thérapeutes, des guérisseurs,
etc. On ne peut pas empêcher les gens d’aller
voir qui ils ont envie.
On a l’impression que la population
recherche du lien social dans une médecine
qui reste une science dure.
Faut-il une médecine plus affective ?
C’est la société qui évolue. Autrefois, on suivait
les prescriptions du médecin de famille, et il y
avait le curé du village qui soignait les maux.
Aujourd’hui, les gens veulent du dialogue,
un maximum de prise en charge. Le schéma
ordinaire de la médecine peut être un peu frustrant. La consultation, dont le temps est court,
n’a pas vocation à traiter tous les problèmes.
La médecine n’a pas réponse à tout. On n’a
pas forcément le pourquoi, le comment et la
réponse thérapeutique. Si l’on veut du dialogue, du temps long, il vaut mieux se tourner
vers un psychiatre. Il y a aussi Internet qui
a changé la donne. Pour certains, un simple
mal de tête devient une rupture d’anévrisme.
Les patients veulent de l’efficacité et en même
temps quelqu’un qui soit gentil, qui rassure.
Mais on ne peut pas obliger les médecins à
une prise en charge affective. La société en
demande trop aux médecins.
Comment apporter des soins
complémentaires fiables à cette population
qui en est demandeuse ?
C’est à l’État d’en décider. Il faudrait que les
pouvoirs publics aient le courage d’intégrer
officiellement ces pratiques dans le système de
santé. Les thérapeutes bénéficient d’une formation encadrée. Par contre, une fois formés,
c’est le flou sur leur pratique. Il n’y a aucune
vérification. Il faudrait voir des cours d’étiopathie ou de phytothérapie dans les facultés de
médecine. Le problème, c’est que l’on va vers
l’opposé : moins de prise en charge et moins
de médecins.
Toubib
61
LE RÊVE ÉVEILLÉ
Bizarre... Vous avez dit bizarre ? Comme c’est étrange. Rêve, vous avez dit rêve ?
Ce n’est pas vraiment un rêve. Allons faire un tour à Douarnenez. Lieu du rendez-vous ?
L’hôpital de la ville. L’un des seuls en France à accepter une discipline qui laisse songeur.
Cet après-midi, séance spéciale avec un étudiant qui souffre d’anxiété. Laissez vous faire,
détendez vous et respirez profondément. Les yeux fermés, on vous raconte...
Reportage
cora portais
Marin du couëdic
64
Ordonnance
V
alentin, étudiant, a rendez-vous
à l’hôpital de Douarnenez.
Une fois passée la porte d’entrée,
il s’engage dans un univers bien
connu : hall de réception, services
par étages, longs couloirs, alignement de portes, murs blancs, odeur
aseptisée.... Bref, un hôpital comme
les autres. Juste un peu vide… très
vide en fait. En y regardant de plus
près, une banderole sur un pan
de mur attire son regard. L’hôpital
est en grève : pourtant des malades
à Douarnenez, il y en a ! Mais, petit à petit, ils vont faire des bornes
jusqu’à Quimper pour être soignés. Ici, des services ferment... tandis
que d’autres, plus particuliers, ouvrent. Dans cet hôpital, l’hypnose
est exercée depuis 2012, grâce à la volonté d’un homme. Ça tombe
bien, c’est lui que Valentin est venu rencontrer.
À l’étage inférieur de l’établissement se trouve la salle de consultation
du docteur Garandeau. Pièce sobre, blanche, pas bien grande.
Bienvenue au pays de l’hypnose. Olivier Garandeau, orthopédiste,
médecin généraliste et urgentiste, n’a rien d’un magicien. Pas
d’assistant et pas de baguette magique. Aucun spectateur, donc pas
d’applaudissements. C’est le silence. Entre ces quatre murs, seuls
résident les fantômes de tous les patients déjà passés par là...
Le médecin accueille le jeune homme stressé par ses études.
Il s’adresse à lui : « Avec mes patients, on choisit ou non le
vouvoiement. Le fait de se vouvoyer ça vous va ? ». Visiblement oui.
Pour plus de confort, le praticien lui offre son fauteuil. Une fois les
places échangées et Valentin assis, bien détendu, la séance démarre…
Échange, transe et coin cosy
Olivier, c’est donc le docteur, l’hypnotiseur. Il a 37 ans. Valentin,
c’est le patient, l’étudiant cobaye. Il a 22 ans. Qu’est-ce qui relie ces
deux hommes ? Pas grand-chose. Pourtant, un lien va être créé.
Olivier communique mais n’impose pas. Il précise : « Je considère tous
mes patients comme mes enfants. Vous ! Vous pourriez être mon petit
frère ». Dès l’instant où le médecin ouvre la bouche, on se surprend
à se demander s’il hypnotise déjà. Mais c’est quoi cette histoire d’hypnose ? De l’échange, du dialogue, de la confiance, de l’acceptation ?
Pas de gémissements, pas d’yeux
écarquillés, ni de grands délires.
Selon Milton Erickson, « c’est une relation pleine de vie qui a lieu dans
une personne et qui est suscitée par la chaleur d’une autre
personne ». Ce bon vieux Milton avait beau être psychiatre, il avait
quand même raison. L’hypnose est ancrée dans notre quotidien. Et
d’ailleurs, si on en croit le précurseur de cette pratique, on hypnotise
sans en avoir conscience... Et là, ça fait peur. Olivier rassure. C’est un
exercice, un sport, « plus on s’entraîne, plus on s’y habitue ».
Ça y est, Valentin est hypnotisé. Pas d’yeux écarquillés, pas de
gémissements, ni de grands délires. Non. Paupières fermées et corps
immobile. Il est ailleurs. Et petit à petit, il entre dans un état étrange.
Entre la conscience et l’inconscience. Petit à petit, il entre dans
une transe légère et les premiers signes se manifestent. Il dort ? Mais
non ! C’est son attention qui se focalise. « C’est vrai que, pour le
commun des mortels, l’effet d’hypnose est très, très subtil, mais pas
imperceptible », souligne le médecin. Assis face à l’étudiant, il immite
sa posture et le rejoint dans son état, en gardant toujours le contrôle.
Le regard rivé sur lui, c’est en parlant lentement, distinctement, qu’il
l’emmène vers un ancrage, lieu de bien-être enfoui. Au cours de sa
séance, on voit les paupières fermées de Valentin frémir. Il commence à
avoir chaud. Il le dit. Assis sur son fauteuil, paralysé, il s’agite de temps
à autre. Il ouvre les yeux, puis les referme. Il part chez sa grand-mère,
près de la cheminée, dans un endroit « chaud et cosy ». Là, il évacue
tout son stress. Serein. Puis, doucement, « revient » dans la petite
pièce de l’hôpital.
Spécialiste du mal
Le docteur Garandeau veut votre bien, mais au bout du compte c’est
un spécialiste du mal. « Il n’y a pas un seul centre de la douleur,
plusieurs zones existent : les zones affective, sensorielle et celle en lien
avec les phénomènes de mémoire. Le tout se mélange.
C’est très complexe. » Oui c’est compliqué... mais finalement, on comprend qu’il n’y a pas qu’une seule perception de la douleur.
Olivier connaît bien cette dernière, et pour lui, l’hypnose permet de
l’atténuer. « Avec la méthode ericksonienne, on va travailler sur les
ressources des gens. » Mais avant tout, le médecin reste cartésien
et méthodique. Point de salut en dehors de la trilogie : bilan généraliste,
examen clinique, diagnostic orienté. « C’est la base de la médecine
quoi, faut pas l’oublier. » L’hypnotiseur évoque une de ses ex-patientes.
« Elle va super bien maintenant. J’ai considéré qu’elle était guérie
quand elle m’a dit : j’ai mal mais ça c’est normal. » Alors oui, l’hypnose
peut soigner la douleur, mais pas nécessairement l’abolir.
Dans ce domaine, l’hypnose ericksonienne a une concurrente :
la psychanalyse. Deux disciplines mal-aimées de la médecine traditionnelle. Parce qu’elles sont en dehors des explications « raisonnables »,
exclues de la prétendue rationalité classique de la médecine. À part.
Pourtant, leur finalité diffère. Contrairement à la psychanalyse,
l’hypnose ne cherche pas à découvrir l’origine du mal. C’est avec une
métaphore que notre médecin breton explique sa démarche : « Quand
il y a un incendie, mon job n’est pas d’en connaître la cause. Je me
concentre sur les dégâts. J’essaye de les limiter et d’éteindre les
flammes ». Pour lui, l’hypnose n’est pas un don. « On en fait tout le
temps en fait. On s’y forme à force d’entraînement. »
«O» comme Olivier.
« Dessin en état normal et dessin en état de transe »
Dix minutes de break pour un café. Valentin laisse Olivier seul dans
la salle, puis revient. Le médecin lui annonce qu’il vient de s’auto-hypnotiser pendant son absence. Durant cette courte phase, il a griffonné
deux portraits : « Ça, c’est un dessin en état normal et ça, c’est un dessin en état de transe, de conscience modifiée. » Et là… bizarre, bizarre,
on reconnaît le même homme sur les deux papiers. Quelle différence ?
En état de transe, le dessin présente peu de détails. C’est un peu plus
brut, un peu moins réfléchi, mais plus vivant. Grâce à l’hypnose
partielle le docteur dit « partir loin » (comme avec un bon spliff ?).
Revenu de son bref voyage, il ajoute : « Le dessin, ça permet d’être
concentré et de créer quelque chose. On peut faire l’exercice avec
l’écriture aussi. » Question de concentration. Il n’y a pas d’explication
au dessin. « Certains veulent chercher un sens, mais ce n’est pas
ce qui m’intéresse. Tenez, je vais vous raconter une histoire : j’avais
une patiente qui souffrait d’une douleur au niveau du pied depuis
bientôt quatorze ans. Elle restait bloquée là-dedans. En discutant avec
elle, j’ai cherché ses canaux sensoriels : le visuel, le toucher, l’ouïe,
etc. » Avec tout ce qu’elle lui décrit, Olivier prend conscience du
potentiel d’imagination de sa patiente. « Je lui ai demandé : Mais vous
dessinez ? Vous aimez ça ? Si vous voulez, je vous apprends.
Parlez-moi de votre pied, dessinez-moi ce que vous ressentez. » Avec
des dessins automatiques, il a créé un état de conscience modifiée.
« Représentez-moi ce qui vous bloque ». Elle trace une espèce de
cow-boy. « Regardez son dessin. Elle était en état de transe. Elle a
dessiné au bout des bras du cow-boy des petits moignons noirs. »
Olivier ne cherche pas de signification. Donc, n’en cherchez pas non
plus. Sa seule mission : permettre à la patiente d’extérioriser la douleur
de son pied. « Ensuite, elle pourra reproduire l’exercice, seule. » Après
une longue observation du cow-boy, il conclut : « C’est très étrange les
dessins en conscience modifiée. » On n’osait pas le dire…
La boîte-miroir et le pied fantôme
Olivier Garandeau nous parle d'une technique alternative d'hypnose
employée dans la série Grey’s Anatomy : un miroir. « On est bien en
retard sur nos confrères d’Amérique du Nord », sourit-il.
Mais elle sert à quoi cette méthode? Masquer un pied fantôme…
Pas de panique, on vous explique. Son outil est original : une boîte
avec un miroir sur la face extérieure. Pour comprendre son utilité,
imaginez deux secondes : vous sortez de faire les courses, chargé
à bloc. Il pleut. Sur le parking, une voiture roule sur votre pied
(le gauche par exemple). Elle le fait si bien qu’il ressemble à une
palme. Vous hurlez de douleur... Pleurer un bon coup et gueuler
sur l’automobiliste le cas échéant ne changent rien au problème :
vous ne pouvez plus marcher. Une brave personne (car il en reste
dans cette histoire) vous accompagne à l’hôpital. C’est là qu’Olivier,
urgentiste de formation intervient. Ce qu’il veut ? La même chose
que vous : anéantir la douleur. Sa solution ? La fameuse boîte-miroir.
C’est simple : vous placez votre palme dans la boîte. Cachez bien le
membre surtout. Votre autre pied (indemne), va se refléter dans le
miroir. Alors, assis ou allongé, vous verrez vos deux jambes
identiques et en bonne santé. C’est à ce moment précis qu’Olivier
règle votre douleur, sur commande. Votre corps et votre esprit ne
sont plus entièrement souffrance. Il y a dissociation : d’un côté, votre
pied, de l’autre, le reste de votre corps. Amputés, vous pouvez aussi
utiliser la boîte ! Sachez que notre médecin breton l’aime bien. Il la
garde précieusement dans un placard de sa salle. Mais les pieds ne
sont plus dedans.
Fin de la séance. Valentin repart léger : « J’ai l’impression que
l’hypnose relève plus de l’intense concentration, du laisser-aller, que
d’une transe chamanique ou un truc du genre ». Il résume ce qu’il vient
de vivre par « un rêve éveillé ». Le docteur Garandeau le raccompagne
jusqu’au parking de l’hôpital. En sortant, on brûle d’interroger
davantage Valentin. Mais le médecin le préserve de l’avalanche de
questions: « Faut pas secouer la gelée ! » Ok, aucune bousculade
donc. En guise d’au revoir, le docteur glisse : « En fait l’hypnose, c’est
pas le bon mot... »
Toubib
65
66
Ordonnance
ALLEZ VIENS,
ON EST BIEN !
Petit à petit, elle tisse sa toile, fait l’objet de sensibilisation dans les centres hospitaliers
mais laisse toujours de marbre une partie des professionnels de la santé.
La sophrologie s’immisce de plus en plus dans l’univers médical, dans la mouvance
du bien-être et de la relaxation. Une petite dernière qui creuse son sillon.
Enquete
aurélien lelièvre
cora portais
ophrologie ? Connaît pas ! Et pourtant... Sans que vous ne le sachiez,
vous avez déjà peut-être participé à des séances d’initiation à cette
pratique, en spectateur, à l’insu de votre plein gré, bien au chaud dans
le ventre de votre mère. Depuis une trentaine d’années, une grande
partie des maternités françaises propose des initiations à la sophrologie pour les femmes enceintes. Anne Maréchal est sage-femme
au centre hospitalier de Lannion-Trestel : « Dans toutes les maternités,
c’est une discipline qui a pris de l’ampleur, elle s’est développée à
la demande des sages-femmes et certainement des patientes ».
Mais cela n’empêche pas la sophrologie de se retrouver du côté
obscur des médecines alternatives selon la Miviludes. En 2012, le
gendarme des sectes a publié un guide intitulé « Santé et dérives
sectaires ». Dans la liste des 40 spécialités pouvant être une porte
d’entrée vers des dérives sectaires selon la Miviludes, la sophrologie se retrouve aux côtés de l’amaroli (traitement du cancer
par ingestion de sa propre urine) ou de l’ozonothérapie (introduction d’ozone par le rectum. Cette «technique» vient en
complément de l’irrigation du côlon). L’une des raisons de
ce classement peu flatteur est peut-être à chercher dans
l’histoire de la sophrologie. Dans le monde des médecines alternative, la sophrologie passe pour un nourrisson aux côtés de certaines disciplines comme l’acupuncture et ses 5 000 ans d’histoire. Créée au début des
années 1960, elle a été façonnée par un Colombien,
Alfonso Caycedo. Formé à Madrid et ressorti docteur en
médecine et chirurgie, mais aussi en neuropsychiatrie, il
n’est pas parti d’une feuille blanche, recoupant d’autres
techniques pour mettre au point la sienne. Enora Denis
(photo ci-contre) est sophrologue, à Vannes. « Historiquement, le fondateur de la sophrologie, le docteur Caycedo, s’est inspiré de plein de techniques différentes, des
techniques orientales (yoga, zen) qu’il a adaptée au monde
occidental. Il peut y avoir des passerelles mais la sophrologie se suffit à elle-même comme technique. » Sa technique
s’appuie sur quatre degrés de conscience qui sont atteints
au fur et à mesure des séances. Ne mesurant pas le succès de
la technique qu’il inventa, le docteur Caycedo la vit se développer en dehors de ses sentiers battus. Et n’ayant pas prit la peine
de protéger le mot «sophrologie», celui-ci se retrouva accolé à nombre
de formations. Trouvant la chose peu portée sur ses fonts baptismaux,
le Colombien décida de créer une nouvelle chapelle avec la « sophrologie caycédienne », rajoutant deux niveaux de quatre degrés chacun
(portant le nombre à douze), avec cette fois-ci une protection du terme
Enora Denis, sophrologue à Vannes
et formatrice à l’Institut de Sophrologie
de Rennes .
Toubib
67
68
Ordonnance
auprès de l’Organisme mondial des propriétés intellectuelles et droits
d’auteurs. Une vingtaine d’années après, la sophrologie s’immisçait
déjà dans les centres hospitaliers, notamment en france. Anne Maréchal a vécu l’arrivée de la sophrologie dans l’accompagnement des
grossesses. « Ça a été un petit peu une mouvance dans les années 80.
Dans beaucoup de maternités françaises, il y a eu une proposition de
préparer les femmes enceintes à la naissance par méthode de sophrologie. Ca leur permet de profiter des petits moments de répit, certaines
femmes ensuite l’utilisent le soir, car ça les soulage des insomnies.
Ça leur permet aussi de moins appréhender certains examens et de
moins stresser le moment de la naissance ». Mais elle prévient : « Ce
n’est pas miraculeux, ça ne marche pas à chaque fois. La condition est
qu’elles soient perméables, ils faut qu’elles adhèrent à la méthode ».
L’envie d’avoir envie
La porte d’entrée vers la sophrologie est simple, il faut y mettre du
sien. Parole de professionnelle. Enora Denis est sophrologue à Vannes
et formatrice à l’Institut de Sophrologie de Rennes, « Ça fait appel
à notre propre expérience. On travaille sur la globalité, sur les corps et
l’esprit, avec des techniques corporelles comme des stimulations, avec
un travail sur la respiration, sur les niveaux de consciences pour une
meilleure gestion de la vie de tous les jours. Donc, on apprend à libérer
les tensions inutiles, on apprend à gérer un événement à venir difficile
qui peut être source de stress ou d’angoisse ». Vu comme ça, la sophrologie ne va pas vous aider à guérir d’un cancer en phase terminale,
mais elle peut vous aider à faire face à la vie de tous les jours, à tous
les tracas, petits ou gros, qui peuvent venir nous pourrir la vie. « Il y a
deux formules en sophro : soit vous allez choisir la formule de groupe,
soit on choisit la formule individuelle. Quand on choisit la formule de
groupe, on se rend compte que, dans une même séance, alors que
nous stimulons nos outils corporels, on se met en mouvement chacun
chacune, on peut avoir des expériences complètement différentes, donc
on est vraiment dans cette idée de s’affirmer davantage dans notre individualité ».
Des formules qui ne plaisent pas à tout le monde, n’y voyant là aucun
intérêt. À ceux qui la comparent à une méthode Coué, le chéquier
à sortir en plus, la spécialité se heurte aux tenants des preuves scienti-
« Détendez-vous, on est bien bien bien »
fiques sonnantes et trébuchantes. Alors que dans certaines universités,
elle fait l’objet de formation, comme à Lille 2 qui en propose un diplôme
universitaire, dans d’autres, sa simple évocation ne passe pas. Nolwenn, étudiante en psychologie à Brest, ne dit pas autre chose : « Ils
nous l’ont fait comprendre, ils ne l’ont pas dit explicitement.
Mais en gros pour eux, ce n’est pas une méthode qui a eu des résultats positifs prouvée scientifiquement, donc qui n’a pour nos profs
aucun intérêt. La sophrologie est un domaine auquel ils n’adhèrent
pas du tout ». Mais tout professeurs des universités qu’ils sont, ils ne
peuvent aller contre les envies et projets de leurs étudiants. « Lorsque
j’aurai assez d’expérience, j’aimerais travailler en libéral et soigner mes
patients avec de la sophrologie. »
« Il peut y avoir des passerelles,
mais la sophrologie se suffit
à elle-même comme technique »
En haut de l’affiche
Des envies qui parfois se concrétisent à l’Institut de Sophrologie de
Rennes. Crée en 1981, niché dans la campagne rennaise, à GuipryMessac, il voit passer entre ses murs les futurs sophrologues que vous
retrouverez peut-être un jour sur votre chemin. Auparavant, la plupart
des personnes suivant la formation « étaient des gens en reconversion
professionnelle. Désormais, il y en a qui démarrent la formation comme
un nouveau métier et qui donc du coup ont 22/23 ans », dixit Enora
Denis. Une formation qui se veut ouverte et professionnelle. « Ce qui
est vraiment important lorsque l’on souhaite devenir sophrologue, c’est
de regarder la durée de la formation, les heures de présentiel en formation, le travail demandé, s’il y a des évaluations ou pas. C’est hyper
important et même du bon sens de s’intéresser à la qualité de la formation. Aujourd’hui, vous avez des formations en six mois par exemple, ce
qui me semble completement aberrant. »
Car tout n’est pas harmonisé dans le monde de la sophrologie, chacun
pouvant se dire sophrologue et avoir pignon sur rue. « La sophrologie
ça demande beaucoup de pratiques, de répéter, de travailler sur ce
principe de répétition qui permet d’aller tranquillement vers un usage,
un changement. C’est à dire que pour transmettre à l’autre, il faut que
l’on passe par soi, ça demande un sacré travail sur sa personne, en
six mois on a peut-être le temps d’apprendre des choses mais pas
d’intégrer toute une méthode, c’est impossible. Nous ici, la formation
dure deux ans et demi, ce n’est pas l’idéal non plus mais déjà ça laisse
un peu plus de temps ». 50 ans après sa création, la sophrologie
se taille déjà une belle part de notoriété dans le roster des techniques
non reconnues par l’Ordre des médecins. Selon un sondage commandé par la Chambre syndicale de sophrologie en mai 2014, 91%
des français en ont déjà entendu parler, quand 52% savent de quoi il
en retourne. En plus de cette reconnaissance médiatique, vient celle
des institutions. Depuis 2013, la sophrologie est inscrite au Registre
national des certification professionelles. Rien de bien médical dans ce
registre, mais une reconnaissance des formations en sophrologie et du
travail effectué par les formateurs, dont Enora Denis fait partie. « Cette
reconnaissance là, elle est intéressante. Ça a été long et ça assure à
la sophrologie une reconnaissance, donc c’est quelque chose qui est
vraiment important pour nous, et une validation aussi de ce que l’on
fait. Avec cette inscription au RNCP, ça ne change pas grand chose
pour nous, pour les personnes qui sont en libéral. Par contre pour les
personnes qui sont salariées, ça assure un niveau bac+2, donc du coup
une meilleure rémunération .»
En commencant avant le berceau, la sophrologie s’installe de plus
en plus dans le monde de la santé, même s’il y aura toujours une
frontière entre les deux, qui est déjà sémantique. Pour Enora Denis,
« les personnes que l’on reçoit, nous les appelons clients parce que
nous ne sommes pas médecins, sinon ça serait patient ». Et aussi sur
les finalités de la technique « On ne va pas se leurrer, ça ne remplace
pas une antalgie ni une péridurale pour beaucoup de femmes » selon
Anne Maréchal. Mais ça peut aider à y arriver avec le sourire...
La préparation à l’accouchement,
c’est maintenant.
Toubib
69
70
Ordonnance
ALAIN
DUMAS
Interview
« En médecine,
on est formatés
jusqu’à 40 ans »
Passer 25 ans comme médecin opérationnel dans l’Armée de l’air, notamment au côté
de soldats qui travaillaient sur les premiers essais nucléaires. Se convertir à l’homéopathie,
une raquette de tennis à la main. Passer une palanquée de diplômes, à partir de 50 ans.
Continuer d’exercer à Saint-Brieuc, à l’âge de 71 ans. Le plus intrigant dans l’histoire
du frère de Mireille Dumas, c’est qu’il a été attaqué à plusieurs reprises par l’Ordre
des médecins, au sujet de traitements non conventionnels.
Pour finalement obtenir une jurisprudence favorable.
LUDOVIC AURegan
cora portais
lain Dumas,
la médecine
c’est votre
vocation ?
Peut-être
une vocation inconsciente. J’ai
perdu mon
père à l’âge
de 12 ans.
Il est mort
d’une sclérose en plaques et d’une erreur
médicale basique. Je suis issu d’une famille de
six enfants. On était élevé par notre mère qui
était institutrice. Elle n’avait pas les moyens
de me payer des études de médecine. J’y
suis allé presque par hasard : j’avais un ami
qui voulait passer le concours de médecine
militaire, l’idée me plaisait bien, car les études
étaient prises en charge par l’armée. J’y ai fait
une carrière de 25 ans.
Médecin dans l’armée à généraliste
pratiquant des spécialités traditionnelles
dans le privé, c’est un grand écart...
J’ai été médecin de l’Armée de l’air, des expéditions polaires dans l’Antarctique français, de
l’École de l’air, des forces aériennes
stratégiques et du centre d’expérimentation
atomique du Pacifique. En Afrique, j’ai
également été médecin chef de l’Armée de
l’air à Djibouti et pilote de brousse. J’ai terminé
ma carrière militaire comme médecin-chef du
personnel à l’hôpital du Val-de-Grâce. Après,
j’avais la possibilité de continuer une carrière
militaire qui m’aurait amené à faire un beau
général. Mais il fallait dire adieu à la médecine
pour passer à une carrière administrative.
Comme j’étais trop passionné de médecine,
j’ai donné ma démission, pris ma retraite et
je me suis installé dans le privé, en 1990, à
Saint-Brieuc.
Ensuite, j’ai passé d’autres diplômes : homéopathie, immunopathologie, acupuncture, ainsi qu’un diplôme universitaire de
cancérologie il y a plus de 30 ans avec le Pr.
Lucien Israël, qui était un grand maître (au
point d’avoir une page Wikipédia, NDLR). Et
j’ai aussi des compétences en phytothérapie
et en nutrition. Ce qui me donne une approche
complémentaire sur les autres volets de la
médecine : le volet classique et la médecine
disons plus traditionnelle.
Cette envie de vous orienter vers
des médecines traditionnelles,
c’est par soif de diplômes ?
C’est à cause de tous les effets secondaires
toxiques des médicaments. J’y ai été confronté
très tôt, notamment quand j’étais en milieu
hospitalier. Et puis après, dans le privé, c’était
pareil. Il y a eu suffisamment de scandales qui
m’ont interpellé. Le premier, c’est le Distilbène,
prescrit pour des femmes enceintes, qui a occasionné beaucoup de cancers, de stérilités,
de malformations congénitales, etc. Et c’est
encore vrai trois générations après. Ensuite, il
y a eu le sang contaminé par l’hépatite C et le
Sida : on a quand même eu 200 000 personnes contaminées et des milliers de morts.
Et c’est nous, le milieu médical, qui sommes
responsables : on a été un peu légers... Après,
il y a eu le problème de l’hormone de
croissance et de la « vache folle ». Puis le
Viox, qui a reçu en 2002 le prix Medec du
meilleur médicament de l’année, avant qu’il ne
soit enlevé de la circulation quelques années
plus tard pour effets indésirables graves
(plusieurs milliers de morts répertoriés aux
Etats-Unis et en Europe).
Plus récemment, vous avez l’affaire du Mediator qui est plus connue... Le point commun,
c’est qu’il y a toujours un problème
d’autorisation de mise sur le marché (AMM)
qui est trop rapide.
La plupart des exemples que vous donnez
sont plutôt récents. Or votre démarche
remonte à une vingtaine d’années.
Il y avait d’autres motivations ?
Traiter les gens de façon moins agressive. Ne
serait-ce que pour une infection ORL, ou pour
une angine, on donne des antibiotiques. À un
moment, tout le monde se souvient du
message de prévention du ministère disant
que « les antibiotiques, c’est pas
automatique ». On s’est rendu compte qu’on
en prescrivait trop. Ce n’est pas anodin un
antibiotique. Ça peut donner des effets
secondaires au niveau de l’intestin, des
réactions allergiques, etc. Neuf fois sur dix,
Toubib
71
72
Ordonnance
une angine peut être traitée en homéopathie
ou en phytothérapie. Et sans risque d’effets
secondaires.
C’est là où votre démarche est différente
de la médecine classique ?
Dans la médecine classique, pour une même
maladie, on va systématiquement prescrire
le même médicament. Quand les gens ont de
petits problèmes psychologiques, le médecin
n’a plus tellement le temps. Au lieu de passer
trois-quarts d’heure à creuser, trouver les
causes, essayer de voir comment on peut
aborder le problème, par exemple, la facilité
c’est de prescrire des antidépresseurs. C’est
une médecine de maladie, vous traitez une
maladie, pas un malade. C’est efficace, mais
il y a des effets secondaires qui sont quand
même importants. Moi, si j’ai une dépression grave, je vais envoyer le patient chez un
psychiatre. Si j’ai une dépression ordinaire, je
vais la prendre en charge en homéopathie, en
phytothérapie et en psychothérapie. Si vous ne
prenez pas en charge les causes, il n’y a pas
m’intéresse pas ». Et puis une fois, on va jouer
au tennis. J’avais une contracture du mollet :
je m’étais fait une injection. J’étais allé voir le
kiné qui avait fait ce qu’il avait pu. Je lui ai dit :
« Je ne pourrais pas jouer, j’ai mal au mollet ».
Avant de partir, il me donne cinq granules
d’arnica. Un grand classique de la contracture.
Une demi-heure de voiture et on arrive au
terrain de tennis. Je descends : plus rien. Je
me suis dit : « C’est quand même étonnant ».
Une autre fois, j’avais une crampe et il me
dit : « Tiens, prend du cuprum », un remède
homéopathique. Alors, on dit que l’homéopathie ça n’agit pas vite, mais dans les quinze
secondes, la crampe a disparu.
Entre nous, l’homéopathie c’est pourtant
du placebo ?
C’est en tout cas ce que disent beaucoup de
médecins… La médecine, c’est de la chimie :
vous donnez à l’organisme une information qui
lui permet de s’auto-guérir. Or, dans les petits
tubes d’homéopathies, il n’y a quasiment plus
de molécules, d’assemblage chimique : c’est
une substance fortement diluée qui cherche à
« L’effet placebo, c’est la plus
belle guérison qui puisse arriver. »
de redressement de terrain, donc la personne
risque de se retrouver sous traitement à vie.
Les symptômes ne demandent qu’à
réapparaître. C’est la cause qu’il faut traiter.
À quel moment de votre carrière avez-vous
pris conscience de ces choses-là ?
Après 50 ans. En médecine, on est formatés
jusqu’à 40 ans. Complètement formatés. Et
puis après, quand vous voyez ce qui se passe,
vous avez des échecs thérapeutiques, vous
voyez les effets secondaires des
médicaments. Si vous avez un peu l’esprit
éveillé, vous commencez à vous poser des
questions. Ou alors, si vous êtes timorés, vous
préférez ne pas vous en poser. Mais c’est
terrible ! Or, la plupart des médecins n’osent
pas se remettre en question. Il faut avoir une
bonne dose d’inconscience et de courage
pour le faire. Le fait de parler d’homéopathie
fait grimper plein de gens aux arbres. Et ils
disent « ce sont des charlatans ». En France,
il y a des médecins qui disent que 30 000 de
leurs confrères sont des charlatans, ça pose
question quand même.
Pourquoi avoir choisi de vous spécialiser
dans l’homéopathie ?
Un jour, un ami qui était homéopathe m’a dit :
« Tu devrais venir étudier l’homéopathie ».
J’avais 45 ans et je lui ai répondu : « Tu rigoles
avec tes petites granules ». Et pourtant, j’étais
déjà acupuncteur. Je lui ai rétorqué : « Ça ne
peut pas marcher ». C’était le discours que
j’avais reçu, j’étais encore à moitié formaté.
Il insiste deux fois et je lui dit : « Non, ça ne
stimuler les réactions de défense
de l’organisme.
C’est une action
physique qui se
passe. Alors oui,
les détracteurs
vont dire : « Oui, mais c’est un effet placebo ».
Seulement, si le placebo en homéopathie
donne 50% de résultat, moi je dis vive l’effet
placebo, développons l’effet placebo. C’est la
plus belle guérison qui puisse arriver. Vous
prenez quelque chose, il n’y a rien dedans
et en fait, vous guérissez. C’est l’organisme
qui s’auto-guérit, sans intervention chimique.
L’homéopathie, c’est ce but-là : se donner les
moyens de s’auto-guérir. Ce que je préconise,
c’est de toujours démarrer avec des médecines simples – l’homéopathie, la phytothérapie, la nutrition – et de se diriger vers des
médecines plus agressives en cas de maladie
grave.
Vous avez été au bout de votre démarche
en matière de médecine complémentaire,
ce qui vous a valu d’être traduit devant
le Conseil national de l’Ordre des médecins
pour la prescription de thérapeutiques non
éprouvées. Comment s’est passée la procédure ?
J’ai eu quatre procès. À chaque fois, le Conseil
national de l’Ordre a cassé les jugements
régionaux qui me condamnaient. La dernière
fois, ça valait quand même « son pesant de
moutarde ». J’ai été condamné par le Conseil
de l’Ordre national à un mois d’interdiction
d’exercer la médecine. C’était très, très
vicieux : d’une bassesse inimaginable. Cette
condamnation était prononcée en juin, pour
avoir effet le 1er septembre. J’avais décidé de
faire appel auprès du Conseil d’État. Problème : l’été = vacances judiciaires. Ma plainte
n’a donc été reçue qu’en septembre, alors
que j’étais en train de peindre mes garages
puisque j’étais au chômage technique. Au
moins, ce mois où j’ai dû fermer mon cabinet
m’aura permis de ne pas payer le peintre ! Et
comme mon dossier était suffisamment étoffé,
il a cassé le jugement du Conseil de l’Ordre.
Je suis repassé devant le Conseil national,
ce qui a abouti à une jurisprudence qui est
utilisable par tous les médecins (lire ci-contre).
Bien qu’ayant gagné mon procès, s’agissant
d’un tribunal administratif, j’ai dû assumer et
les frais de procédure et l’absence de réparation du préjudice...
C’est une période où l’on réfléchi beaucoup
sur ses pratiques ?
Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Si je
n’avais pas été médecin dans l’armée, ce qui
donne l’habitude de la bagarre, et si je n’avais
pas été secondé de façon indéfectible par
mon épouse, et ben je ne serais pas allé au
bout. Le nombre de médecins pratiquant les
médecines non-conventionnelles qui ont subi
les mêmes procédures, et où cela s’est fini par
des divorces, par des départs à l’étranger ou
par des suicides… La liste est longue. C’est
une procédure très, très lourde et épuisante. Il
faut vraiment avoir un caractère en acier trempé pour survivre. Maintenant, je me consacre
aux patients, à la recherche, et à faire avancer
les choses.
Le fait d’avoir été attaqué, ça vous a renforcé
dans vos convictions ?
Ils m’ont rendu service : ça m’a fait énormément de publicité auprès des patients. Et ça
m’a permis d’apprendre le droit médical et le
droit civil (rires). Et ça m’a renforcé dans mes
convictions. Je n’ai pas changé d’un poil dans
mon exercice. Au contraire, j’ai continué à faire
de la recherche dans d’autres domaines innovants. Actuellement, on vit dans un système
médical très dogmatique et chapeauté par l’industrie pharmaceutique. Si on étudie l’histoire
des sciences médicales et de la pensée, on
s’aperçoit que les révolutions sont intervenues
quand des gens sont venus remettre en cause
les dogmes établis. En physique, on admet le
changement de théories, mais en médecine,
la physique n’a pratiquement pas droit de cité.
Sauf en radiologie. À titre d’exemple, à l’heure
actuelle, la cancérologie, c’est essentiellement
tuer les cellules cancéreuses. Le problème,
c’est qu’elles mettent en place des résistances. Je suis d’ailleurs en train de coécrire
un bouquin de vulgarisation sur le sujet.
La jurisprudence
« Brebis galeuse ». C’est ainsi qu’Alain
Dumas est désigné par ses confrères de la
région briochine. En cause une réputation sulfureuse, acquise dans le courant des années
1990. La raison ? L’usage de produits et de
méthodes aux noms barbares : le vaccin de
Friedmann, du Bioparyl, des produits de type
DPG, Solomides, etc.
Des thérapeutiques « non éprouvés », utilisés
dans le cadre de traitement de cancers, qui lui
ont valu trois procédures auprès du Conseil
départemental de l’Ordre des médecins des
Côtes d’Armor : une en 1996, une autre en
1999, et une dernière en 2001.
Dans la décision de justice favorable, il est
indiqué que ces médicaments « ne représentent pas de danger pour les patients » et qu’ils
ont été prescrits « en complément de traitements médicaux, sans chercher à dissuader
ses patients des méthodes et thérapeutiques
classiques ».
Bilan ? Une jurisprudence qui stipule que le
fait d’utiliser certains produits complémentaires ne constitue pas une faute professionnelle, à partir du moment où ils ne se substituent pas à un traitement officiel.
Toubib
73
74
Guérison
Un médecin
dans ton écran
À l’autre bout du monde ou juste au coin de la rue, vos proches sont toujours à portée
de Skype et on ne se lasse pas de parler à leurs visages pixelisés. Même les employeurs
s’y mettent avec des entretiens d’embauche 2.0. Il devient monnaie courante de défendre
son bifteck dans sa chambre, avec suppléments bibelots ringards en arrière-plan.
Alors pourquoi pas Skyper son médecin ? La télémédecine, c’est un peu ça l’idée.
JULIA RODRIGUEZ
linda marteau
Reportage
M
amie est assise sur un lit, elle parle à son dermatologue de ses
escarres. Son aide-soignante la mitraille de son appareil photo haute
définition. Le spécialiste est derrière son écran à deux heures d’ici :
il attend les clichés pour son diagnostic. La télémédecine est
déroutante mais pas nouvelle si l’on en croit Stéphanie Quiguer, chef
de projet en télémédecine au CHU de Rennes. Depuis le début des
années 2000, les patients profitent des progrès en visioconférence
quand ils ne peuvent pas se déplacer. Mais aujourd’hui, on peut
clairement parler de boom de la télémédecine. Stéphanie Quiguer
explique pourquoi : « C’est la combinaison de l’isolement géographique
des patients, la diminution de la démographie médicale, des médecins
de moins en moins spécialisés et des dispositifs techniques de plus en
plus performants. »
Les Bretons ont eu envie d’aller plus loin, et de surfer sur les
nouvelles technologies. Une plate-forme s’est d’ailleurs créée pour
permettre ce développement au niveau régional. Elle répond au doux
nom de « Sterenn » (« étoile » en breton). Aux établissements de santé
qui veulent développer la télémédecine, Sterenn offre un collectif
de professionnels, du matériel de visioconférence, le logiciel qui va
avec. Un peu comme un bouquet de chaînes Canal+. Il contient un
système de dossiers partagés ainsi qu’un support utilisateur pour aider
les professionnels de santé. Le personnel n’est pas forcément habitué
à manier les outils high-tech. Cette lacune n’entame pourtant pas son
enthousiasme, souligne Stéphanie Quiguer. « Il ne faut pas oublier que
c’est un formidable outil qui permet de faire tomber les barrières entre
les statuts professionnels et de créer la notion d’une équipe répartie
dans différentes structures. C’est très stimulant, on a l’impression de
progresser. »
Diagnostic 2.0
Alors comment ça marche en vrai ? On attend que son médecin soit
connecté et hop on clique sur « lancer l’appel vidéo » ? Eh bien non,
c’est un peu plus compliqué. Nous sommes allés découvrir le Skype
nouvelle génération à l’Ehpad des Champs du Duc, à Saint-Brieuc.
L’établissement lance son installation de télémédecine pour un test
grandeur nature, en ce début d’année. Des personnes âgées et un
système de visioconférence ultra moderne ? À première vue, les deux
semblent incompatibles. Pourtant, la télémédecine se prête particulièrement bien aux pathologies observées dans ces établissements
et à la mobilité réduite des résidants. « La gériatrie, la psychiatrie,
les plaies et la dermatologie sont les pathologies qui reviennent le plus
souvent et qui sont en lien avec les personnes âgées. Un Ehpad c’est
donc l’endroit idéal pour l’application de la télémédecine », explique
Alan Entem, chargé de mission à l’Ehpad des Champs du Duc.
Depuis mai 2013, la petite équipe (une infirmière et deux aidessoignantes) est au taquet et apprivoise avec enthousiasme la salle
atypique dotée d’un écran plat digne d’un home cinéma et de plusieurs
caméras. Le matériel est coûteux mais indispensable pour une qualité
qui rivalise avec un entretien en tête-à-tête sans pour autant le
remplacer. Alan Entem précise d’ailleurs : « La télémédecine ne remplace pas les actes médicaux en présentiel. C’est un complément, ça
permet le tri des patients pour déterminer si une hospitalisation est nécessaire ou pas. » Un planning informatique pour caler les téléconsultations, des caméras à la main pour des diagnostics dermatologiques au
plus près du patient, et un médecin qui s’affiche en grand au milieu
de la pièce. Tout est fait pour gommer les fils électriques et les ordinateurs sans rogner sur la qualité des diagnostics. Pour le reste, rien que
du classique : compte-rendu, prescriptions médicales si besoin, fiches
de renseignements sur les patients. À la différence près que tout est
mis en commun sur le logiciel, comme un Google Drive médical.
La loi est de son côté
L’État lui-même reconnaît cette
pratique médicale depuis un décret
paru en 2009 qui définit les cinq actes
de télémédecine. La téléconsultation
(entre un médecin et un patient),
la télé expertise (entre médecins et
spécialistes), la téléassistance (entre
un médecin et une infirmière par
exemple), la télésurveillance (pour le
suivi médical) et la téléAVC (comme
son nom l’indique, pour diagnostiquer
à distance un cas d’AVC) composent
à elles seules une médecine d’un
nouveau genre.
Et les patients dans tout ça ?
Et sinon, comment explique-t-on à la famille que papy a bien vu son
cardiologue, mais qu’il ne lui a même pas serré la main ? C’est bien
beau tout ça mais encore peu de gens connaissent l’existence de ces
nouveaux actes médicaux qui n’ont plus rien à voir avec le face-à-face
médecin/patient classique. Comme l’explique Stéphanie Quiguer,
« on a encore besoin de communiquer auprès des familles, mais aussi
auprès des médecins et des équipes soignantes, il faut créer un climat
de confiance par rapport à cette technologie entre les professionnels
et avec les patients ». Le projet n’est pas encore tout à fait opérationnel. Mais à ce stade, elle confirme, les premiers patients sont « plutôt
contents ». Y’a pas photo. Quand on n’est pas obligé de faire des
kilomètres pour une consultation d’une demi-heure, y’a de quoi en ravir
plus d’un. Et puis, dans l’histoire, tout le monde est libre de refuser
un acte de télémédecine, médecin ou patient.
Il ne manque plus que les lunettes 3D pour faire d’une téléconsultation
une consultation tout court.
On ne bouge plus,
le petit oiseau va sortir !
Toubib
75
Guérison
Ordonnance
Pas la peine de sortir la boule de cristal pour se rendre compte qu’en matière
de santé, le futur se dessine maintenant ! Aux quatre coins de la planète,
certains imaginent quelles vilaines épidémies nous envahiront...
D’autres inventent objets connectés et applications pour simplifier la vie,
ou conseillent de s’adonner à la fumette. Parce que nous le vallons bien.
S.O.S. poètes
Futur à
haut risque
« On a beau avoir une santé de fer, on finit toujours par rouiller », écrivait Prévert.
En Angleterre et en Écosse, ces gens rouillés,
ces cabossés de la vie bénéficient d’une ambulance un peu particulière. Emergent Poet —
c’est son nom — est un service d’aide aux premiers secours dédié aux personnes atteintes
de maladie mentale ou d’isolement, qui sillonne
les routes du royaume. Son remède ?
Des prescriptions sous la forme de poèmes.
Soigner les bobos avec des vers, le meilleur
moyen de retrouver une santé de fer ?
Mangez connectés !
Pressés, nos pauses dej’ riment souvent avec
rapidité et déséquilibré. Mais quand on fait
attention à sa ligne de mannequin, et donc,
à sa nutrition, il est possible de s’équiper.
Des applis pour scanner votre assiette
et connaître le nombre de calories que ce
gâteau au chocolat va vous faire prendre dans
les ..., des fourchettes qui vibrent et clignotent
quand vous mangez trop vite, ou une cuillère
qui calcule le taux de sel de votre soupe de lentilles bio, autant de gadgets qui vont un peu
loin. Parce que lire un tableau nutritionnel sur
un emballage, non merci !
Épidémies, vaccins introuvables, bactéries
mutantes... Vous pensiez avoir tout entendu ?
Attendez de voir ce que le futur a en réserve.
Courrier International a repris un classement
américain recensant les maladies auxquelles
nous avons le plus de chance d’être confrontés
à l’avenir. Mais ce qui nous pend réellement au
nez c’est le « trouble dissociatif de la réalité ».
Ou, si vous préférez, ne plus savoir si l’on vit
dans le virtuel ou dans le monde réel. Dans la
même veine, la « dysphorie de l’identité » : dans
notre société, tout est facile, et nous sommes
devenus des assistés. Algorithmes et aides numériques causeront notre perte à trop vouloir
dicter notre vie.
Dans un futur pas si lointain, viendra le règne
des nanotechnologies que l’on injecte un peu
partout à tort et à travers, pour notre plus grand
bien, normalement. Ces dispositifs infiniment
petits sont loin d’être inoffensifs. Ils pourraient
se révéler nocifs en causant des réactions allergiques violentes. Le site prédit aussi un avenir à la I-robot : une aversion envers des robots
devenus de plus en plus perfectionnés. Un
nouveau genre de racisme pour ces androïdes
qui occuperont peut-être un jour nos emplois
et reproduiront nos comportements.
La révolution high-tech vous botte toujours ?
DR
76
Ne zappe pas ta pilule !
La wifi pour surveiller
son coeur
En plus des ordinateurs de tous les membres de la famille,
des tablettes ou encore des smartphones reliés à votre WiFi, comptez bientôt sur un dispositif permettant de surveiller
les battements de votre coeur. Si après ça, votre débit ne se
fait pas tout petit… Fadel Adib, doctorant au Massachusetts
Institute of Technology (MIT) a présenté, il y a quelques mois,
ses travaux sur un prototype de surveillance des fonctions
vitales passant par la Wi-Fi du domicile. Le chercheur affirme
qu’il pourra servir à la surveillance respiratoire des nourrissons
ou du rythme cardiaque des seniors. Le système fonctionne
comme un radar : un signal sans fil de faible puissance est
envoyé dans toutes les directions. Quand il rencontre un corps
ou une surface, une partie de ces ondes est renvoyée vers un
capteur. La réflexion des ondes change avec la position de
la cage thoracique entre l’inspiration et la respiration, permettant ainsi de mesurer le rythme cardique grâce aux irrégularités
du cycle de respiration. Les résultats se retrouvent en temps
réel sur une application mobile et, en cas de problème, le système pourra également prévenir l’hôpital ou la police en cas
d’urgence. C’est clair que ça ne va pas être le même prix qu’un
babyphone.
Les sentinelles
sur la toile
C’est une armée comptant dans ses rangs 1.300 médecins
généralistes libéraux. Volontaires et toujours aux aguets.
Leur mission ? Surveiller l’évolution des risques épidémiologiques, de la grippe saisonnière aux allergies printanières.
Chaque semaine, ces vigies de la santé publient sur une plateforme dédiée des données provenant de leurs patients. Analyses, bases de données, tableaux et cartes du territoire : telles
sont leurs armes. Des résultats plutôt utiles pour les médias et
les autorités sanitaires, mais pas seulement. Une section du
site est entièrement dédiée à l’interaction avec les utilisateurs.
Une sorte de forum pour faire court. Chacun peut y poser ses
questions et reçoit une réponse adaptée, 100 % certifiée par
des médecins. Les « Sentinelles », comme ils se sont baptisés,
espèrent avoir trouvé ici la parade aux sites d’informations médicales douteuses, dont regorge Internet. Pas sûr néanmoins
que les huit millions d’utilisateurs de Doctissimo décident de se
ruer sur nos sentinelles virtuelles.
Soutenue financièrement par la fondation de Bill
Gates (et donc généreusement !), la start-up
américaine Micro-Chips a mis au point une
pilule contraceptive révolutionnaire.
Le concept ? Une puce électronique implantée
sous la peau du bras ou de l’abdomen. Dans
son petit réservoir, elle contient de quoi fournir une dose contraceptive quotidienne. Et ce
pendant 16 ans. Selon le besoin (si l’envie vous
prends d’avoir un gosse, par exemple !) vous
pourrez la désactiver ou la réactiver grâce à sa
télécommande fournie. Mise en vente prévue
en 2018.
Cannabis,
le bon plan santé ?
Un débat de plus sur la légalisation du cannabis ? Certes, mais doté d’un argument de choix.
Pour l’infirmier addictologue Jean-François
Hauteville, la plante peut sauver des vies.
Si, si ! La preuve, un quinquagénaire gravement accidenté témoigne de sa « délivrance ».
Son remède pour lutter contre les douleurs?
Les gros pétards. Alors, illégale mais thérapeutique ? Le sujet est toujours aussi touchy : une
« Marche mondiale du cannabis » organisée
chaque année en France depuis 2001, un usage
qui repart à la hausse chez les jeunes, une
interdiction maintenue en France, alors que le
cannabis est autorisé en prescription médicale
au Royaume-Uni ou en Espagne, voir légalisé
aux Etats-Unis...
Bref, on n’a pas fini d’en parler !
Smoke weed everyday.
Toubib
77
... et c’est pas fini !
Une page pour supporter les projets de nos potes de licence pro journalisme, qui bossent comme nous sur le thème de la santé en Bretagne.
Entre reportage long-format, émissions de radio et documentaire télé,
trois groupes différents, pour trois tops. (Allez viens)
WEB
Le groupe
investit vos écrans. Leur mission : présenter un
long-format sur le handicap, aux textes efficaces et aux visuels chouettes.
En trois temps, ils vous causent d'homme bionique (spéciale dédicace
à l'inspecteur Gadget), d'échographie ou encore de l'intégration des personnes
handicapées. Cinq bonnes raisons de les rejoindre sur la planète Internet.
01. Parce que tu les trouvera en un clic sur Rue89. 02. Parce que vous allez enfin
comprendre ce qu’est un implant cochléaire et un exosquelette.
03. Parce qu’ils nous ont bien saoûlé avec leur code html. 04. Parce qu’on était sur
les réseaux sociaux avant eux. 05. Parce qu’on est tous un peu handicapés.
HORS NORMES
Un sujet réalisé par les étudiants en journalisme de l’option web,
à découvrir sur le site Rue89.nouvelobs.com
RADIO
vous ont concocté trois reportages au plus
Nos amis en
près des pros de la santé. Immersion sonore avec les soignants, qu’ils soient
chirurgiens aux urgences, médecins en campagne ou adictologues en HP.
Cinq bonnes raisons de foncer mettre son casque pour écouter leurs sons.
01. Pour rajeunir l’audience d’RCF Rivages (moyenne d’âge : 60 ans).
02. Parce que Plougonven n’a pas été facile à trouver. 03. Parce que se taper des
gardes de nuit doit être récompensé. 04. Parce que « video killed the radio star ».
05. Parce que tu peux l’écouter en dévorant Toubib.
COMMENT VA HIPPOCRATE ?
Trois reportages de 25 mn réalisés par les étudiants en journalisme
de l’option radio, à découvrir sur RCF Rivages.
TV
a choisi de passer cinq jours sur l’île de Molène, histoire
Le groupe
de comprendre comment les habitants se soignent. Ils n’ont pas fait
de tourisme, mais sont revenus avec un reportage rempli de Bretons sympas.
Cinq bonnes raisons de courir regarder leur émission.
01.Parce qu’ils ne vont pas vous jouer un remake de Lost les disparus. 02. Parce que
si vous cherchez bien, vous trouverez forcément une faute d’orthographe dans leur
générique. 03. Parce que ce sera peut-être ta prochaine destination de vacances.
04. Parce que ça te rappelera le film Les Seigneurs, tourné à Molène. 05. Parce qu’une
mamie en quad, c’est plutôt badass.
À LA SANTÉ DES MOLÉNAIS
Un magazine de 26 mn réalisé par les étudiants en journalisme de l’option
télévision, à découvrir sur TébéSud, Tébéo, TV Rennes 35.
l’abus de toubib
ep osutr l abso
n
anté
Magazine réalisé par les étudiants
de la licence professionnelle journalisme
de l’IUT de Lannion 2014-2015