Le magazine (PDF 3,57 Mo)
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T O OR N le mag santé trop breizh ? B I B TOU sport plus vite, plus fort ! Hypnose entrez dans la transe médocs Tu veux ou tu veux pas ? MicheL CYMES « la médecine doit s’ouvrir » OURS : DR Rédacteur en chef : Marin du Couëdic. Rédactrice en chef adjointe : Julia Rodriguez. Journalistes : Rémy Quéméner, Linda Marteau, Ludovic Aurégan, Soizic Meur, Stéphanie Lambert, Aurélien Lelievre, Baptiste Langlois. Responsable photo : Cora Portais. Maquettistes : Samuel Aupiais, Zoé Baillet. Directeur de publication : Denis Ruellan. Équipe pédagogique : Gérard Briant, Franck Chambrun, Philippe Gestin, Olivier Scaglia. Édité chez Cloitre Imprimeur. Magazine financé avec le concours de la Région Bretagne edITo’ Pour les jeunes, ces ennemis de la santé « La santé ? C’est un peu chiant comme sujet non ? ». C’est à peu près la réaction de l’équipe de Toubib, quand le thème du magazine que vous tenez entre les mains lui est imposé. Un sujet qui n’emballe pas franchement douze étudiants pour qui le mot santé fait penser, en vrac, à son médecin traitant, à des séries télé, au site Doctissimo, à l’augmentation du prix des clopes, à la nécessité de mettre des capotes, aux 5% de reçus en fac de médecine, aux médocs qu’on gobe de temps en temps, ou encore à la peur d’attraper une maladie grave... Bref, l’image de la santé globalement vue par les jeunes en 2015. Eh bien, au risque de vous surprendre, on a changé d’avis. Derrière la prévention, les interdictions et l’odeur aseptisée de la médecine, il y a autre chose : des histoires, des parcours, des tranches de vie ou des passions. Alors, on a fait le choix du contraste. En optant pour l’humour, qui, injecté à petite dose, dédramatise ce sujet souvent sérieux et grave. En choisissant des couleurs pop opposées à l’univers blanc de la santé. En zoomant sur la Bretagne, terre où les soins prennent parfois des accents un peu mystiques. En donnant la parole au thérapeutes du coin, comme à Michel Cymes, « le médecin préféré des Français ». Et plutôt que de s’arrêter au système de santé classique, en allant voir du côté des médecines alternatives, ces mal-aimées de la santé. Un peu comme les jeunes en fait. Enquêtes, portraits et reportages: ce mag’ fait la part belle à nos interrogations. Comme Hamlet, on s’est posé la question : Toubib or not toubib ? Marin du Couëdic « C’est pas parce que j’ai une blouse blanche que je me prends pour Dieu le père ». Comme Zlatan quoi (caché dans la photo). 016 Interview super Cymes Cora portais Il faut de la persévérance pour réussir à se glisser dans l’agenda surchargé de Michel Cymes... Mais une fois les portes de son bureau grandes ouvertes, il prend le temps et ne refuse aucun sujet. Consultation sur rendez-vous avec le médecin vedette où il est question, entres autres, de prévention, de kinésiologie, et même du Front National. Dans ce numéro... Dossier Le système de santé : divorce en cours avec les français ? Il y a quelque chose de pourri au royaume de la santé. Un grand nombre de Français abandonne le chemin classique. Vers quoi se tournent-ils ? Les médecines alternatives et leurs promesses de traitements naturels et doux. On a disséqué pour vous les raisons de cette défiance. 022 Enqu'e' te le sport c’est dans la tête Quel rapport les sportifs entretiennent-ils avec les médecines alternatives ? Vouloir toujours rester au top et réduire les temps d’absence à cause d’une blessure : il y a des limites à ne pas dépasser. Médecine chinoise, ostéopathie, magnétiseur… Quelles lignes à ne pas franchir dans le haut niveau ? 034 Reportage le rêve éveillé Samuel Aupiais - DR - Marin du Couëdic On perd le contrôle, notre corps tremble, nos yeux tournent, et cerise sur le gâteau, on nous manipule. C’est ça l’hypnose? En tout cas, pas celle qu’on va vous présenter. Oubliez vos représentations, vos préjugés et vos appréhensions. Fin prêt ? Avec notre cobaye, entrez dans la transe. Pas celle que vous imaginez... 046 ...ET AUSSI :: 012. Depuis la nuit des temps, la Bretagne est riche d’histoires surprenantes en matière de santé. On vous les a contées. ...ET AUSSI 040. Au pays de l’acupuncture, Isabelle pique votre curiosité. 044. Des étudiants stressés par leur quotidien ont testé et approuvé la médecine alternative. (Relaaax, comme dirait Mika). 046 Gourou y-es tu ? 050. Thérapeutes d’un autre genre : on se détend en photos. 060. Un type qui pèse dans l’Ordre des médecins expose son point de vue sur les médecines alternatives. 066. Sophrologie: la petite dernière fait son entrée dans la cour des grands. 070. Quel est le point commun entre Mireille Dumas, les essais nucléaires, le tennis et l’Ordre des médecins ? Alain Dumas. 074. La télémédecine ou comment skyper son médecin. Salle d’attente Le monde de la santé est riche d’incroyables histoires, d’études farfelues ou encore de tendances saugrenues. Dans un domaine où le rire n’est pas habituel, on vous a selectionné quelques histoires un peu barrées, en Bretagne ou à l’étranger. Pour commencer la lecture par une bonne tranche d’humour. baptiste langlois Mater des seins, c’est bon pour la santé Selon la gérontologue allemande Karen Weatherby, regarder des émissions de téléréalités serait « bon pour la santé ». Et Nabilla, bimbo siliconée à la poitrine débordante, une thérapeute de choix. L’étude publiée par la docteur en 2014 dans la revue The New England Journal Of Medecine atteste que regarder des seins serait bon pour la santé des hommes. Pendant cinq ans, elle a suivi 200 hommes. Le premier groupe avait pour instruction de mater la poitrine des femmes quotidiennement, alors que le second avait l’interdiction d’en zyeuter. Au final, les hommes invités à se rincer l’oeil seraient moins sujets aux problèmes cardiaques. Fixer une poitrine dix minutes par jour équivaudrait même à 30 minutes de jogging ! Un bon moyen d’éviter de se les peler par -5°C en hiver, non ? LA Bretagne, co-leader de la qualité du sperme Si les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées n’ont pas de quoi pavoiser, la Bretagne fait figure de valeur sûre. Dans quel domaine ? La qualité du sperme, par Toutatis ! Une étude, publiée en février 2014, par une équipe de scientifiques français a dévoilé une tendance inquiétante : la qualité du sperme décline dans l’Hexagone. Sauf dans deux irréductibles régions françaises, dont notre chère Bretagne. Le pourcentage de spermatozoïdes de morphologie normale y a même augmenté entre 1989 et 2005, contrairement au reste du pays. La Gaule en berne... DR 6 Un petit pipi ne peut pas faire de mal Dans Man vs Wild, on a déjà vu Bear Grylls nous expliquer les bienfaits de l’urine. Et en boire devant nous, comme si c’était du petit lait. Urgh. Double urgh. En milieu extrême, on appelle ça un kit de survie. Dans nos sociétés occidentales, c’est l’urinothérapie. Outre-Rhin, cinq millions d’Allemands seraient adeptes de l’urine pour soigner asthme, allergies respiratoires et autres maux. Certains Français se seraient même déjà laissés convaincre par ce remède miracle. Les vertus thérapeutiques n’ont cependant jamais été réellement prouvées. Chaude et revigorante, l’urine peut accompagner tous les plats : viande, poisson ou fromage. Il paraît qu’elle est aussi délicieuse à l’apéro. Allez, c’est décidé, je paie ma tournée. Le placenta : en lasagne ou en smoothie ? L’art de dévorer le placenta, tendance en plein essor outre-Atlantique, semble aussi apprécié par certains Bretons. Fin janvier, un vol peu banal s’est déroulé à l’hôpital de Rennes. Le coupable ? Le mari, présent à la maternité aux côtés de sa femme. Le butin ? Le placenta de sa bien-aimée, qui a accouché 24 heures plus tôt. Le mobile ? Se préparer un bon petit plat avec l’organe. En effet, le placenta, cet amas de tissus spongieux, reliant l’embryon à la paroi utérine, se révélerait être bon pour la santé. Riche en fer et en vitamines, il augmenterait la production de lait et réduirait le baby blues. Bilan : l’hôpital n’a pas porté plainte contre notre fin gourmet. Une arrestation sans conséquence qui donnera peut-être des idées à de futurs top chefs bretons. Bientôt la galette au placenta ? Toubib 7 Salle d’attente 22, v’là le magnétiseur Il se définit lui-même comme un « autodidacte de la vie ». Un homme qui a horreur qu’on lui dise comment faire les choses. Gendarme à la ville, Michel Tubaud pratique depuis six ans le magnétisme sur ses heures libres. Collectionneur de pierres minérales et poète exalté, l’homme raconte comment, du jour au lendemain, ou presque, il est devenu magnétiseur. rémy quéméner « Quand je travaille, je ne pense qu’à la personne. Je cherche tout ce qui peut m’aider. » « Vous croyez à l’au-delà ? » Hum... Pas vraiment. Mais bon, on tend l’oreille quand même. Déjà parce que l’accueil est chaleureux et le parcours pour le moins improbable. Un sourire grand comme ça, la marinière sur les épaules et les manches retroussées, bien confortablement calé au fond de son canapé. Serein le bonhomme. Pourtant, Michel Tubaud, 52 ans, s’apprête à prendre un virage à 180°. Depuis six ans, le gendarme affecté au Centre d’appels d’urgence de Saint-Brieuc s’est lancé dans le magnétisme. Au point de vouloir carrément en faire son activité principale, une fois qu’il aura tiré ses dernières années à la caserne. « Je me suis toujours senti au service des gens. Je suis certain d’avoir eu pour mission de les aider en venant sur Terre », explique-t-il le sourire aux lèvres. « J’ai toujours fait les choses sans les apprendre » Son appart’ de fonction, c’est un peu la caverne d’Ali Baba d’un adepte des médecines douces. Sur les étagères, des dizaines de pierres minérales sont soigneusement rangées. « Au début, je les collectionnais juste pour leur aspect extérieur. La lithothérapie, tu connais ? C’est le soin par la pierre et les minéraux. Je savais pas que les pierres avaient des vrais pouvoirs de guérison ! », glisse Michel l’oeil rivé sur sa chère collection. Sous des allures de monsieur tout le monde, le gendarme d’expérience est devenu au fil des années un féru des médecines non-conventionnelles. Lui, « l’autodidacte de la vie », qui n’a « pas besoin d’apprendre les choses pour savoir les faire », se découvre un don pour le magnétisme. Il y a six ans tout juste, un soir de deuil. « Au décès d’un de mes frères en 2009, j’ai eu un choc. J’étais bouleversé, raconte Michel. Ça a révélé des choses en moi. Je ressentais un tourbillon d’énergie que je ne pouvais pas maîtriser. » « Vos mains savent faire » Un tourbillon donc. Mais comment calmer ce trouble ? Direction Quiberon, chez une « guérisseuse », pour trouver la réponse. Son job : remettre les énergies en place. Et là, c’est la révélation. « Durant le soin, elle me dit : ‘Vous pouvez soigner votre mère, elle a un problème à la hanche et au genou gauche.’ » Improbable mais vrai : la guérisseuse a vu juste. « À la fois j’étais surpris car je ne lui ai pas du tout parlé de ça. Et en même temps, j’avais l’impression d’avoir une réponse à mes questions sur ce que je ressentais en moi. » Deux semaines plus tard, alors qu’il assiste à une conférence sur les EMI (expériences de mort imminente), Michel est interpellé par l’animateur. « Il m’a encore parlé de ma mère. Qu’il fallait que je la soigne. Je me suis dit, “allez, c’est un signal pour m’y mettre”. » Mais où, quand et surtout comment ? « Vos mains savent faire », lui lance l’animateur de la conférence. Du coup, il se lance. Hasard ou réel pouvoir ? Toujours est-il qu’en deux séances, hanches et genoux de la maman ne couinent plus. « Franchement, j’ai ressenti un grand bonheur et une énorme confiance, confie-t-il. En soignant ma mère, je me suis rendu compte que j’avais assimilé un nouveau moyen d’aider les gens. » « L’humain est génial… » En six ans, Michel a largement étendu son champ d’intervention. Et mène finalement une double vie : la nuit, au boulot au Centre d’appels, le jour, costume de magnétiseur sur les épaules. Son truc, c’est de se rendre chez ses clients pour instaurer un climat de confiance. « Ça permet de faire tomber les barrières psychologiques, de balayer les doutes. Si la personne n’est pas réceptive ou dans de bonnes conditions, ça ne marche pas ». L’important, c’est de créer une ambiance propice au soin. « Il m’arrive aussi de mettre des bougies ou de la musique », explique Michel. Les mains se promènent alors sur l’épaule, le coude, en fonction des douleurs. « Mais il n’y a pas toujours besoin de toucher le corps », précise-t-il. Des gourous, des guérisseurs, des magnétiseurs, il y en a toujours eu. Même s’il décrit comme « incontournable » la médecine classique, le gendarme devenu magnétiseur persiste et signe. Les médecines non-conventionnelles ont aussi leur place dans le paysage de la santé. Et c’est fait pour durer. « L’humain est génial, lance-t-il dans un rire. Il crée ses problèmes tout seul et se les soigne. » Surtout pour quelqu’un qui a choisi d’en faire son taf pour les années à venir. D’un geste franc et assuré, le gendarme aux doigts d’argent s’apprête à raccrocher le combiné. Les manches retroussées, Michel Tubaud a choisi désormais d’en venir aux mains. Rémy Quéméner - DR 8 Ohé ohé, Limerzel abandonné Pendant que certaines recherchent un #dandy, un #papa ou un #plongeur sur Adopteunmec. com, à Limerzel, dans le Morbihan, on ferait tout pour un #docteur. En mars 2014, celui qui faisait faire « Aaaaah » et écoutait les histoires des petits vieux est parti se la couler douce avec ses potes retraités. Il a laissé derrière lui un désert médical. Un de plus. Les 1.400 habitants de la commune auraient pu tester les vertus thérapeutiques des algues et de l’eau salée. Ou attendre patiemment, la goutte au nez. Ils ont préféré tourner un clip « stéthoscope célibataire recherche médecin ». Dans un vrai-faux JT de trois minutes, le plâtrier du village répare un bras cassé, deux pinces croco servent de défibrillateur, et Mamie Cousetout referme une plaie, armée de ses aiguilles à tricot. Boîte de prod’, budget de 10. 000 euros, effets spéciaux de haut niveau… On est loin du film de vacances tremblotant, tourné avec un smartphone. En moins de deux, la vidéo s’est propagée sur les réseaux sociaux. Mais un an plus tard, le cabinet médical flambant neuf du village demeure désespérément vide. Facebook ou l’humour, reste à savoir à quoi les médecins sont allergiques. Si tu es docteur et que Limerzel a conquis ton coeur, tu peux leur écrire ici : [email protected] À ne pas tester sur papy à la maison. zoé baillet et soizic meur Homéopathes à quatre pattes Vachement efficace ! Vous pensez que les médecines alternatives sont réservées aux bipèdes ? Raté. Vétos, labos et animaux s’y mettent. En témoignent ces sites un peu cheap qui foisonnent sur le web (à base de photos de caniches dans des paniers). Et qui proposent de soigner votre toutou et autres bêbêtes avec des remèdes homéopathiques. « Fleurs de Bach », ces elixirs floraux pour les états d’âmes négatifs…, petites granules, argile et autres extraits de pépins de pamplemousse feront du bien à nos 30 millions d’amis. Depuis quelques années, les professionnels de l’agriculture, eux aussi, ont franchi le pas. L’homéopathie a débarqué dans les élevages de vaches laitières. Avantage principal : pas de résidus d’antibiotiques dans ton bol de céréales le matin. Utilisées principalement pour prévenir ou guérir les cas de mammites (des mamelles inflammées qui touchent 15 à 20 % des vaches chaque année), les granules ont d’abord séduit les éleveurs bio, puis les autres. Un peu d’argile mélangée à de l’huile d’olive, ou des huiles essentielles de laurier, thym et romarin sur les mamelles et c’est reparti pour des litres d’or blanc ! Toubib 9 10 Salle d’attente Dans la vraie vie, la potion magique était du pinard « Bonjour ô Panoramix notre druide ». Cette phrase d’Astérix, vous l’avez tous lue quand vous étiez gosses. Vous savez aussi que Panoramix, c’est celui qui prépare la potion magique, la boisson qui décuple la force de tout le village et permet à Obélix de dérouiller du Romain avec des menhirs volants. Mais au fond, ce breuvage cher aux Gaulois était-il vraiment préparé par les druides à l’époque de nos illustres ancêtres ? Ludovic Aurégan Bois sans soif Dans la fiction, la potion magique est une alternative à la force : à celle physique des légionnaires de Jules César, Panoramix répond par le savoir. Une arme dont il est le seul à connaître la recette. Ici aussi, on se rapproche de la réalité historique. Le tonneau de la connaissance, tous les vrais Panoramix et autres guérisseurs étaient tombés dedans quand ils étaient petits. Et comme Obélix, ça ne les empêchait pas de continuer à avoir soif. Car chez les Celtes, les druides étaient avant tout des savants, davantage encore que des mages ou des enchanteurs. Des érudits qui maîtrisaient philosophie, diplomatie, droit, médecine et politique. Ce qui paraissait magique pour la population n’était en fait qu’une accumulation de savoirs. Exemple : le gui que Panoramix demande à Obélix dans la Zizanie est notamment connu pour ses propriétés anti-épileptiques, preuves qu’ils n’étaient pas fous ces Gaulois. Ou du moins qu’ils savaient se soigner. Pour Myrdhin, néo-barde pionnier du revival de la harpe celtique dans les 70’s, « les druides ont des pouvoirs. Mais je ne vais pas changer une cafetière en arbre ! », s’empresse-t-il d’ajouter à Aujourd’hui en France. « En revanche, je sais que ma musique a eu des effets bénéfiques sur des malades. Je sais aussi que certaines de mes incantations ont pu avoir du succès. Mais, pour que ça marche, il faut que ce soit pour une bonne cause, pour faire le bien ». Une démarche tout à fait dans l’esprit du bon druide Panoramix : au fil des albums, le sage a toujours refusé de donner de la potion pour les querelles internes du village. Notamment lors des éternels débats autour de la fraîcheur du poisson. À chaque époque son Graal ? L’autorité du druide sur la joyeuse bande de moustachus ne s’arrête pas là. Ces barbus à la panoplie de connaissances riches et variées étaient considérés comme les personnages centraux de la vie religieuse. « Si un particulier ou un État ne se référait pas à leur décision, ils lui interdisaient le sacrifice. Cette peine est, chez eux, la plus grave de toutes », confiait dans ses mémoires celui à qui Goscinny attribue la réplique « Veux-tu rendre à César ce qui m’appartient ?». Le savoir du druide est si grand qu’il l’emporte bien souvent sur le chef de clan ou le roi. Un constat valable pour Panoramix et Abraracourcix, mais aussi pour Merlin et Arthur, autres personnages de fiction inspirés de la réalité. Un parallèle existe entre le Graal des récits arthuriens et notre potion magique disponible chez le caviste du coin. Si le Graal était constitué d’une hostie miraculeuse qui se renouvelle chaque jour à une époque où les Occidentaux souffrait de la famine, rien d’étonnant à ce qu’à l’ère du body-building et du culte du corps, les récits fassent de la potion magique une source surnaturelle. Suffisante pour sortir Excalibur de la pierre ? DR Dans l’imaginaire commun, le druide est vieux, avec une longue barbe blanche et une robe dans les mêmes tons. On lui ajoute une petite cape rouge qui volette derrière lui quand le vent souffle sur les plaines armoricaines et il devient le portrait craché de Panoramix. Un hasard ? Pas du tout ! « Le bon druide Panoramix est conforme à la réalité historique », confirmait René Goscinny, le scénariste d’Astérix, dans un ouvrage posthume Goscinny raconte les secrets d’Astérix : « Les druides, prêtres et autres savants avaient un rôle à la fois politique, judiciaire et religieux. Dans Astérix, ils ont en plus un caractère farfelu. » Personnage effectivement un peu déjanté, on se remémore sans mal Panoramix jetant des ingrédients dans une grande marmite bouillonnante tandis qu’Obélix se lèche les babines. Scène que l’on peut presque qualifier d’historique. Les Gaulois, les vrais, buvaient effectivement un breuvage avant de partir se battre. Pas de potion magique mais de la bonne vieille piquette pour se donner du courage. C’est donc ivres et à poil que les guerriers partaient au combat. Car dans les croyances, le vin rouge leur conférait une protection divine face à la mort. Pas de quoi faire perdre son latin à l’empire romain. Pas de doute, Gérard est lui aussi accro à la potion magique. hollywood boulevard Comme ton voisin ou ta belle-mère, les types qui passent à la télé n’hésitent pas à recourir à la médecine alternative. Chanteurs, acteurs ou sportifs de haut niveau, pour le meilleur et pour le pire, les célébrités aussi choisissent les soins non-conventionnels. MARIN DU COUËDIC Kate Middleton, duchesse de l’hypnose Si vous aussi, vous éteignez la télé ou la radio quand vous entendez le nom de Kate Middleton, vous ne savez peut-être pas que la duchesse anglaise a pratiqué l’auto-hypnose pour la naissance de son « royal baby » en 2013. Pendant que le prince William sifflait des William Peel pour évacuer le stress, sa femme utilisait cette technique douce qui permet d’atténuer la douleur et la tension par la relaxation et la respiration. La nouvelle aurait fait beaucoup d’émules en France. De nombreux anesthesistes et sages-femme se forment à l’HypnoNaissance, fans de Kate Middleton ou non. Clint Eastwood en lotus Quand il ne tourne pas des films de guerre et ne milite pas pour le Parti républicain, Clint Eastwood s’adonne à la méditation transcendantale, qu’il pratique chaque matin depuis plus de 40 ans. Le cow-boy de l’espace à la gâchette facile explique pratiquer son hobby depuis sa rencontre avec le maître spirituel indien Maharishi Mahesh Yogi, connu pour être le gourou des Beatles, de Martin Scorsese, Georges Lucas et Moby, entre autres. Depuis plusieurs années, Eastwood s’implique pour convertir à la méditation les vétérans américains atteints d’un syndrome post-traumatique. Pourtant, pas de trace de méditation dans American Sniper. Tony Parker, élevé au jus d’herbe Déc ou pe t g ro sse co mm t e En déplacement sur sa terre natale, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, a visité le labo d’aromathérapie Aroma’celte à Guingamp et s’est vu offrir le dernier produit conçu par l’entre prise : « Tonique », une pilule destinée à booster la concentration, la vigilance, les performances physiques et... la libido. A la coule, le ministre a promis « en faire bon usage ». Gare aux obus. Anthony Kiedis se prend pour la stratosphère on Mi tte rand ! L’ancien président était fana de médecine alternative. Atteint d’un cancer, il a eu recours à l’homéopathie, la chiropractie et à des thérapies un peu louches en complément de ses traitements classiques. Cure d’huile d’olive, tisane d’orties et de bruyère. Et même astrologie et prédications divines sur sa santé (voire sur ses choix politiques et diplomatiques). Il suivait notamment les prescriptions du professeur Beljanski, un biologiste aux méthodes douteuses condamné pour exercice illégal de la médecine. La preuve que la politique, c’est de la poudre aux yeux. « étai !» Les poudres de perlimpinpin de tonton Mitterrand Jean-Yves Le Vigoureux le El ça Le kiff de TP pour récupérer rapidement après les matches ? Les produits d’origine naturelle. Le basketteur se fait quotidiennement des cocktails d’huiles essentielles et porte des patchs chauffants pendant ses rencontres avec les Spurs de San Antonio. La médecine douce, il connaît. Avec une mère naturopathe, Tony baigne dedans depuis qu’il est gamin. Nourri au jus d’herbe pendant son enfance, il a confié continuer d’en boire de temps en temps aujourd’hui. Depuis 2013, il est même devenu ambassadeur de la PME française Puressential, spécialiste de l’aromathérapie. Le basketteur raconte aussi qu’il fait une sieste d’une heure et demie tous les jours. L’histoire ne dit pas si ses coéquipiers le raillent plus sur ses habitudes de papy ou sur ses talents de chanteur. Notre cœur balance. Après avoir fait le nudiste sur scène et abusé de la dope pendant un quart de siècle, le chanteur tatoué de Red Hot Chili Peppers a retrouvé la santé grâce à la musique, le sport et... la médecine alternative. Végétarien, adepte de la méditation, d’acupuncture et de médecine chinoise, le Californien raconte dans son autobiographie comment il a soigné son hépatite C par l’ozonothérapie. Une cure qui consiste à s’injecter de l’ozone dans les veines. Si c’est sûrement mieux que des shots d’héroïne, évitez de faire la même chose à la maison... Surtout qu’aucune efficacité n’a encore été reconnue à ce traitement. Toubib 11 12 1 2 3 Salle d’attente Tro Breiz, le tour de Bretagne, de lieu saint en lieu saint Délaissez la vieille bicyclette de maman – oui oui, celle qui vous fait honte – vous n’en aurez pas besoin. Pour faire le Tro Breiz, un pèlerinage catholique qui relie les villes des sept saints fondateurs de la Bretagne, il y a juste besoin de ses pieds. Et d’un peu de foi. Sept villes étapes (Quimper, Saint-Pol-de-Léon, Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dol-de-Bretagne et Vannes), aucun ordre précis et pas réellement de temps imparti, même s’il a été décidé en 1994 par l’association « Les Chemins du Tro Breiz » de limiter la marche à une étape d’une semaine par an. Cette année, elle se déroulera entre Vannes et Quimper, du 2 au 8 août (Association les chemins du Tro Breiz /www.trobreiz.com). Paroisses, châteaux, chapelles ou abbayes se dressent tout le long du parcours. Un peu comme le Tour de France cycliste. D’ailleurs, on se demande à quoi tourne le Lance Armstrong du Tro Breiz. À l’eau bénite ? 4 St-Pol- X de-Leon Église Saint-Mériadec, en (fe)Stival (près de Pontivy). Le saint Mériadec n’aurait pas l’oreille dans sa poche. C’est, du moins, ce que raconte la légende : une femme sourde aurait retrouvé l’ouïe grâce au son de la cloche de l’église. De plus, la fontaine, située juste à côté du bâtiment, débite une eau réputée bienfaisante. Même si la fréquentation de l’église pour ces capacités magiques s’est éteinte dans la seconde moitié du XXe siècle, elle aurait encore de quoi soigner tous les jeunes adolescents qui ont perdu l’usage de leurs oreilles en écoutant Baby de Justin Bieber un peu trop longtemps. Brest Finistère Chapelle de Notre-Dame-Du-Haut, à Trédaniel (au sud de Saint-Brieuc). Blanche-Neige se promène dans la forêt. Sur sa route se trouve une chapelle avec sept saints. Ils sont petits aussi – des statues mesurant entre 70 cm et 1 m 20 - mais eux ne vont pas bosser au fond de la mine, pioche calée sur l’épaule. Ils se contentent d’appliquer leurs pouvoirs guérisseurs. Mamert (pas Noël) s’occupe des maux de ventre ; Lubin, des yeux et des rhumatismes ; Hubert guérit les plaies et blessures ; Livertain soigne les migraines ; Houarniaule, considéré comme le psy de la bande, traite des peurs, angoisses et dépression ; Méen bichonne les victimes de « dérangement cérébral » ; Eugénie, la sage-femme du groupe, est invoquée lors des naissances. 4 Fontaine Saint-Hervé, à côté de Saint-Pol-de-Léon (29). 5 Forêt de Brocéliande, Paimpont (35). En parlant de miracle, voilà Hervé. Aveugle de naissance, le saint a réussi un numéro digne du cirque Pinder sans l’aide de ses yeux : dompter un loup qui venait de dévorer l’âne d’un cultivateur et le transformer en parfait serviteur. Une fontaine est construite en son honneur près de Saint-Pol-deLéon. Elle est censée guérir les maladies des yeux si l’on se les asperge de cette eau limpide. La prochaine fois, plus la peine d’attendre six mois pour avoir un rendez-vous chez l’ophtalmo’. Ni de galérer dix minutes, trois fois par jour, à viser ses yeux avec les gouttes prescrites. Un petit passage à SaintHervé et c’est réglé. Bondée de touristes parigots de passage pour le week-end cherchant Merlin ou quelques lutins. Un endroit que l’on maudit pour sa popularité. Mais où l’on aime bien se perdre quand même le week-end, à l’image des 32 à 35 000 visiteurs annuels selon les statistiques. Entre la Fontaine de Barenton, le tombeau de Merlin, le Val-Sans-Retour, le chêne à Guillotin, la Fontaine de jouvence et les histoires médiévales, impossible de ne pas ressentir l’air chargé de magie et de légende. Sauf quand le cadre-sup débarqué du 91 il y a tout juste une heure avec son téléphone collé à l’oreille lance à sa femme : « C’est juste une forêt. On aurait pu faire pareil Porte de Saint-Cloud ». Assurément un pèlerinage à faire loin des touristes. QuimperX 1 Pèlerinages légendaires Les Bretons ont l’humeur vagabonde, c’est indéniable. Il suffit de se balader dans n’importe quelle région du monde pour voir un Gwenn Ha Du porté par le vent. Des stades brésiliens lors de la Coupe du monde 2014 aux photos de vacances de potes un peu barjots dans les montagnes du Tadjikistan (Oui oui, ça existe, voir le site internet Breizh Flag Trip Tour). Pour autant, pas besoin de s’exiler à l’autre bout du globe pour trouver des lieux de pèlerinage, de légende, de magie, de croyance. La Bretagne en recèle. Petite sélection de la rédaction qui pourrait aussi être celle de votre grand-mère et de toutes ses histoires magiques que vous n’avez jamais vraiment comprises. baptiste langlois, aurélien lelièvre (CARTE) X Tréguier X St-Malo Dol de St-Brieuc X X Bretagne 3 Côtes-d’Armor 2 Morbihan Rennes LEGENDE 5 Ille-et-Vilaine 1 Lieu magique Parcours du Tro Breiz X Vannes X Ville-étape du Tro Breiz Loire-Atlantique Nantes Toubib 13 14 diagnostic en couv’ michel cymes Interview « mon métier c’est d’abord médecin » Il squatte les plateaux télés depuis vingt ans. Une gueule, une gouaille, un rire qui détonne sur France 5 tous les après-midi. Et dans la vie ? Le même tout simplement. Entretien bavard en quatre thèmes, avec un médecin ouvert qui nous livre sa vision, ses anecdotes et ses doutes sur la santé. Sans filtre et à grand renfort de vannes, comme à la télé. M marin du couëdic, rémy quémener ai 2015. Un allerretour en one shot à Paris pour rencontrer dans son bureau le mister santé de France Télé. Ou plus exactement à Issy-les-Moulineaux, au milieu d’un quartier calme et résidentiel. Ascenseur, portes sécurisées, dédale de couloirs où des types à l’air affairé pianotent sur leurs ordis. Et au détour d’une porte, Michel Cymes. Poignée de mains franche, tee-shirt noir, jean, tout sourire. Le médecin préféré des Français en chair et en os. Son bureau : un fourre-tout où se côtoient pêle-mêle des piles de livres, des peluches du PSG, une citation de Woody Allen griffonnée sur un pan de mur, des photos de « médecins » nazis tirées de son dernier livre, et une affiche grand format de Michel et sa compère d’Allo Docteurs, Marina Carrère d’Encausse, pris de fou rire lors d’une émission sur les hémorroïdes. Ambiance cool, décontractée. À l’image du doc’. Médecines alternatives, actu, Bretagne, jeunes… Michel Cymes ne brade aucun sujet. Cymes, l’homme médiatique Une quotidienne, des primes, un livre… Avec cet emploi du temps de ministre, vous trouvez encore le temps de donner des consultations ? C’est même ma priorité absolue. Tout ce que je fais en dehors est organisé autour de mes deux matinées de consultation, le mardi et le mercredi. Mon métier, c’est médecin. Je suis spécialiste dans un hôpital parisien mais je ne dis jamais lequel. Parce qu’après, vous savez, avec la télé… Qui sont vos patients ? Des stars, des proches, des inconnus ? Mes patients sont des gens lambdas. Quand vous appelez l’hôpital, que vous avez besoin d’une consultation dans ma spécialité (ORL), on vous met avec moi. C’est le principe de la consultation à l’hôpital. Ceux que je vois sont pour beaucoup des anciens patients que je CORA PORTAIS suis depuis des années pour certains. Le grand public ne sait pas où j’exerce, même sur Wikipédia il y a des conneries. Je ne suis pas devenu le médecin des stars ou des fans pour une simple raison : ma secrétaire, à l’hôpital, entend immédiatement au téléphone si les gens viennent me voir à cause de la télé et dans ces cas-là, c’est barrage immédiat. La deuxième chose, c’est que je reste le plus discret possible. Je refuse toute la presse people. On m’a demandé des reportages en famille ou en blouse blanche à l’hôpital... C’est clair, vous ne verrez jamais ça. Je fais deux métiers différents. Et le fait que je ne médiatise pas mon exercice médical fait qu’il y a des parois étanches entre les deux. Certains doivent halluciner de tomber sur le mec de France 5... Quand les gens arrivent à avoir un rendezvous avec moi et qu’ils n’ont pas fait le rapprochement avec le nom du mec qu’ils voient à la télé, ils sont surpris quand je débarque dans la salle d’attente. Ils se demandent si on tourne un film quoi (rires). A la télé, vous êtes un sacré blagueur... Vous êtes le même dans votre cabinet et sur le plateau ? Ouais, je suis pareil. Après, quand vous êtes médecin, vous vous adaptez au patient, à la personnalité, au diagnostic. Il est évident que je ne vais pas me mettre à déconner avec un mec à qui j’annonce un cancer du larynx. Je suis très détendu dans mes conversations, quand ça a le mérite de l’être. C’est pas parce que j’ai une blouse blanche que je me prends pour Dieu le père. Vous avez toujours été déconneur ou c’est la télé qui vous a changé ? Ah oui, ça a toujours été comme ça. L’image que vous avez de moi à la télé n’est pas inventée, je ne me suis pas créé un personnage. Je suis comme ça dans la vie, à l’hôpital, avec mes gosses et à la télé. Je me suis servi de ce naturel un peu cabot et rigolard pour faire passer des messages de santé publique en me rendant compte que ça ne décrédibilisait pas le discours. Le danger en déconnant, en mettant de l’humour dans la santé, est de ne plus être pris pour quelqu’un de sérieux. Toubib 15 16 en couv’ Faire de la télé en quotidienne, ça vous a aidé à prendre du recul sur votre boulot de médecin ? Faire de la médecine générale depuis vingt ans à la télé m’a permis d’élargir mon horizon. Comme tous les spécialistes, j’ai tendance à ne bosser que ma spécialité d’ORL et, par excès, à ne plus m’apercevoir que mon domaine de spécialité fait partie d’un organisme plus large. Le fait de bosser à la télé, de traiter plein de sujets, me permet d’être à la fois compétent dans ma spécialité, mais de pouvoir m’ouvrir à autre chose face à un patient. Tous les thèmes abordés m’ont permis de m’enrichir énormément. Cymes, le guérisseur En France, il y a un boom des approches alternatives, complémentaires, douces, parallèles… Est-ce que vous pensez vraiment que c’est de la médecine ? Allo maman bobo... 26 J’ai énormément évolué vis à vis de ça. Il y a vingt ans, quand j’ai commencé dans les médias, j’étais comme beaucoup de médecins : très « faculté ». C’est-à-dire que tout ce qu’on m’avait enseigné à la fac, c’était la bonne parole et tout le reste était bidon. On a le cerveau qui est plein, on n’est pas très titre de la partie ouvert aux médecines alternatives. D’ailleurs, à l’époque où je faisais mes études, c’était des médecines dites parallèles. Et tout ce qui est parallèle à la médecine classique, c’est pas très bien vu. Depuis quelques années, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) appelle ça des « médecines complémentaires ». Le simple changement de mot montre l’évolution dans l’esprit, non seulement de l’OMS mais aussi des médecins. Aujourd’hui, on est tout à fait prêt à comprendre, à accepter et à écouter ces différentes médecines, même si on ne comprend pas comment ça marche. Mais à une condition : qu’elles ne viennent pas en concurrence avec la médecine classique. Moi, je suis très ouvert à la médecine complémentaire à partir du moment où on ne tombe pas sur un mec qui va dire « on arrête tout le reste ». Pour moi, celui qui fait ça, c’est de la taule, immédiatement. Comment ça se passe si un de vos patients vous dit qu’il compte aller voir le rebouteux du coin ? Je suis très ouvert. Si un patient vient me dire : « Voilà docteur, j’ai un cancer. Les effets secondaires de la chimio sont trop forts. Même avec les médicaments, ça ne suffit pas. Je veux aller voir un magnétiseur, un acuponcteur, un homéopathe… » Mais là, je lui dis « allez-y ». Et en courant. Il y a zéro souci. Je suis sûr qu’en médecine, il y a des choses qu’on ne peut pas expliquer. Je ne suis pas certains que les médecins ou thérapeutes complémentaires en soient capables, eux non plus. C’est pas parce que je ne comprends pas que je refuse. ressentir le besoin d’aller voir un thérapeute qui va s’occuper d’eux pendant une heure. C’est aussi ce qui explique le succès de toutes ces thérapies. Vous avez testé des trucs un peu barrés ? Comment devrait réagir la médecine ? S’humaniser un peu plus ? Pas vraiment. Je vais chez l’ostéopathe, régulièrement. Mais je préfère aller chez un médecin-ostéo, parce que ça me rassure. Je n’ai jamais été chez un rebouteux ou autre chose. En revanche, j’ai eu une très mauvais expérience. Un type qui prétend faire de la kinésiologie a essayé de me faire gober des trucs. J’ai une copine qui en faisait et qui m’a Toubib 27 Je pense surtout que la médecine doit s’ouvrir. Vous savez, j’ai envie de comparer cette histoire au Front National. Pendant des années, on a dit « faut pas parler aux gens qui votent FN. Ce sont des abrutis, des extrémistes, des racistes, des antisémites, tout ce que vous voulez. Ne leur parlons pas, laissons les sur le bord de la route ». Résultat : on a 25 % « On n’est pas les chevaliers blancs de la médecine » dit de venir à une séance. C’est un mélange d’homéopathie, d’acuponcture, de médecine énergétique… Pour moi, c’était une vraie arnaque. J’ai tout de suite vu le piège à gogos en voyant le mec ausculter un patient. C’est n’importe quoi. Je suis ouvert mais pas débile. Il est fréquent d’associer les médecines alternatives à des pratiques un peu étranges ou mystiques, voire carrément sectaires... Bien sûr, parce que c’est pas palpable. Mais ce n’est pas parce qu’on ne comprend pas les choses qu’il faut tout écarter. On apprend tous les jours des choses sur le cerveau qu’on ne connaissait pas avant. Le problème, c’est que ces médecines s’adressent souvent à des gens faibles psychologiquement, pour certains condamnés. Ces gens-là, vous pouvez leur faire gober n’importe quoi. Si demain je vous apprends que vous avez un cancer au stade terminal, que je ne peux plus rien pour vous et que vous êtes mort dans trois mois, vous pouvez être capable de dépenser des milliers d’euros pour aller voir ces mecs-là. Ils vont profiter de vous, de votre désespoir, de celui de votre famille pour vous faire gober n’importe quoi. C’est comme ça qu’on rentre dans les sectes. Les gens recherchent peut-être aussi une oreille attentive ? Quand vous passez une heure avec un thérapeute, vous avez l’impression qu’on s’intéresse à vous. Moi, j’ai des consultations tous les quarts d’heure à l’hôpital, c’est un autre rythme. On est parfois comme des coiffeurs. Les patients aiment bien parler, avoir une relation sociale. Vous savez, il y a des gens qui sont très seuls dans la vie. Quand ils vont chez le coiffeur ou quand ils vont chez le médecin, c’est une façon de tchatcher, de discuter. Parfois, quand le médecin vous reçoit, il n’a qu’un quart d’heure devant lui et il a pas toujours envie de vous entendre parler de vos bigoudis. Dans ces cas-là, les patients vont des Français qui ont voté Front National. Aujourd’hui, tous les politiques vous disent « finalement, les gens qui votent FN, c’est peut-être qu’ils ont un problème dans leur vie sociale, dans leur vie professionnelle. Et si on les écoutait, si on discutait avec eux pour faire en sorte qu’ils ne votent pas dans les extrêmes? » Parce qu’on s’est aperçu que ne pas parler, finalement, y a rien de pire. Si vous faites la même chose en médecine et que vous continuez comme il y a vingt ans, de mettre de côté les médecines complémentaires en disant : « c’est de la merde l’homéopathie, l’acupuncture, tout ça. On veut pas discuter avec eux parce que nous, on a le savoir ». Vous allez laisser les gens y aller d’autant plus. La solution, c’est de discuter avec ces gens-là. Il faut aussi échanger avec les thérapeutes complémentaires, pour voir qui est sérieux et qui ne l’est pas. Et vous, il y a des approches que vous refusez d’aborder à la télé ? Non aucune, il n’y a pas de souci. On est tous les deux médecins avec Marina (Carrère d’Encausse), donc on a un peu de recul là-dessus. Vous faites du complémentaire, pas de souci. Vous faites du parallèle à la place de la médecine classique, là on n’est pas d’accord. Notre responsabilité est de faire passer des messages de santé, d’expliquer des choses. Si on n’en parle pas à la télé, les gens ne se méfient pas. Il faut les alerter sur certaines pratiques, autant sur la médecine alternative que sur les pratiques de certains médecins de l’Ordre. Y compris sur les tarifs de certains d’entre-eux. On n’est pas les chevaliers blancs de la médecine mais ne pas en parler, c’est pire que tout. Si vous ne parlez pas de ces thérapies que les gens fréquentent, vous passez à côté de votre mission. Toubib 17 18 en couv’ Cymes et la Bretagne La Bretagne est une région pleine d’histoires de druides, de guérisseurs, avec le Graal, la forêt de Brocéliande... Vous pensez que ça explique l’attrait pour les médecines alternatives ? Dans les campagnes, c’est le bouche-à-oreille qui marche. Si un jour, un lieu a pu être considéré comme magique, certaines personnes peuvent continuer à y croire par tradition. Et puis, il y a le problème des déserts Le problème, c’est qu’on est obligé de passer par là. Si on ne fait pas de prévention, c’est encore pire. Après, c’est seulement l’un des moyens. C’est pas suffisant. Le rôle des parents est fondamental, mais il y a un moment où les jeunes ne les écoutent plus. En fait, c’est le cerveau qui est le meilleur moyen de faire de la prévention, la maturité qu’on va acquérir au fil des ans. En espérant qu’on sera passé à travers tous les dangers. Moi, j’ai des ados. Je leur ai expliqué depuis leur plus jeune âge qu’il fallait pas fumer, que le canabis c’est dangereux, je leur ai parlé 25 millions de fois de tous les dangers « Les spots de prévention du style ‘t’as vomi partout, on peut pas baiser’, ça c’est des trucs qui touchent » médicaux. L’accessibilité aux médecins est très difficile dans plusieurs régions. Dans certains villages bretons, c’est pas forcément facile de trouver un spécialiste. Donc qu’est ce qu’on fait : on va voir son généraliste et puis, si ça ne suffit pas, on va voir ailleurs. C’est logique. Plus il y aura de déserts médicaux, et plus les patients iront au plus simple. Vers les gens accessibles. Des chercheurs ont montré qu’il y a des maladies propres à chaque régions, notamment en Bretagne. Comment expliquer cela ? Il y a deux raisons principales. Les raisons génétiques, et les facteurs de risques et de comportements. Dans certaines régions, il y a par exemple une consommation d’alcool qui est très importante, comme le Nord. Dans ces territoires, il y a beaucoup plus de pathologies liées à l’alcool. Il y a un gradient nord-sud. Plus on descend et moins il y a de problèmes de ce côté-là. Il faut aussi prendre en compte les problèmes génétiques. En Bretagne par exemple, on sait très bien qu’il y a des gènes qui circulent et qui entraînent des maladies : la mucovicidose, le rhume de hanches... Ou en Normandie. Pendant des années, il y a eu de gros problèmes parce qu’on mettait du calva dans les tétines des gamins, ce qui faisait qu’ils avaient les dents pourries à cause du sucre, et qu’ils finissaient tous alcooliques. Donc en fonction des habitudes alimentaires, du patrimoine génétique, de l’environnement, on peut avoir plus ou moins de maladies. Cymes, le p’tit jeune Dès le collège, les jeunes reçoivent tout un tas de discours de prévention sur l’alcool, la drogue, les MST… Vous pensez que c’est le meilleur moyen de les intéresser ? 26 Je sais pas s’il existe un meilleur moyen d’intéresser les jeunes à leur santé. titre de la partie qui peuvent se présenter. Après, je sais pas ce qu’ils foutent aujourd’hui, je ne vais pas les « fliquer » pour savoir s’ils fument. A un moment, c’est la maturité, c’est l’expérience qui compte. Je ne sais pas quel est le meilleur moyen mais je crois que tout ce qui peut toucher les jeunes est important. On a l’impression qu’avec les jeunes, c’est surtout « fais pas ci, fais pas ça »... On ne fait pas un peu fausse route dans le domaine de la prévention ? C’est un vrai sujet. Aujourd’hui, on est dans l’optique d’arrêter de dire non à tout et plutôt de dire « fais ce que tu veux mais sans tomber dans l’excès ». Je pense que pour certaines choses comme l’alcool fort, le tabagisme, le cannabis, on sait très bien que dire « tu peux y toucher un petit peu », c’est pas si grave. Mais en même temps, à cet âge, on est trop influençable, pas assez dans la réflexion et on peut basculer dans l’addiction. Le tout, c’est que la l’adolescence se passe sans trop de dégâts. Quand on est plus vieux, le cerveau est assez mature et vous vous dites « merde, j’ai pas envie de me niquer la santé jusqu’à la fin de ma vie ». Voilà tout le problème du discours de prévention. En tant que médecin et homme des médias, ce serait quoi votre solution pour aider les jeunes à s’intéresser à leur santé en 2015 ? Je pense qu’il faut à la fois faire du restrictif et du punitif, dire que certaines choses sont dangereuses, faire peur. Quand un gamin qui est tétraplégique à la suite d’un accident de moto ou parce qu’il avait fait le con en bagnole, va dans un lycée, ça marque les jeunes. Et puis, en même temps, c’est important de parler de la santé de manière légère. Les spots « Tu t’es vu quand t’as bu » ou du style «T’as vomi partout, on peut pas baiser », ça c’est des trucs qui touchent. Les mecs, il se disent, « tiens j’ai envie de me faire la petite là-bas, si je bois trop, j’y arriverai pas ». Ça c’est des trucs qui peuvent toucher. Vous avez 58 ans, la retraite, ça vous parle ? Je vis une aventure absolument incroyable. Avec le succès, tout ce que je fais aujourd’hui. Mes projets dans l’avenir, c’est un : prendre un peu de temps pour moi, et deux : continuer à m’éclater dans ce que je fais ou ce que je ferai. Mes choix ils sont faits en fonction de ma crédibilité en tant que médecin. En soit, la télé, les médias c’est pas compliqué. Quand ça marche, tout le monde vient. Vous êtes bankable donc on vous demande à la radio, à la télé... Faut faire très attention à ses choix parce qu’on peut vite basculer dans le n’importe quoi. Des projets ? J’en ai plein. Mais je n’ai qu’une ligne de conduite : le médical. On m’a proposé de présenter des émissions de variété, de jouer des rôles dans des séries qui n’ont rien à voir avec la médecine. A chaque fois, il n’y a qu’une question que je me pose : est-ce que demain matin, quand je serai en consultation en face de mon patient, il aura l’impression d’avoir un médecin devant lui. Pas le proxénète qu’il a vu hier soir dans un téléfilm. Ça c’est pas possible. Toubib 27 , ER... D N A M E D I U L E S ON A O Les années fac, c’était plutôt grosses soirées ou révisions jusqu’à 4 heures du mat’ ? En première année de médecine, j’étais en prison. C’était le boulot, du matin au soir. Je ne m’autorisais même pas un cinéma. À partir de la deuxième année, jusqu’à l’internat, c’était la bamboula tout le temps. J’étais patron de l’internat pendant deux ans à Chartres, c’est moi qui organisais les tonus, les soirées, etc. C’était terrible. Je peux vous dire qu’ils s’en souviennent. En vrai, vous avez fait médecine pour devenir riche et célèbre ? Non pas vraiment ! Y’avait pas de plan de carrière. J’adorais l’anatomie, le corps, la science... J’ai fait aussi médecine en partie grâce à la représentation sociale que ça avait. Parce que j’étais le premier Cymes à avoir son bac, que mes parents avaient eu le droit à la Shoah, et que je me suis dit que ça leur ferait plaisir si je devenais médecin. Finalement, j’ai bien choisi mon métier. Oto-rhyno-laryngologue, y’avait pas quelque chose de plus sexy? Au départ, je voulais être gynéco ou ORL. C’est simple, j’ai pris la spécialité dans laquelle il y avait le plus d’orifices. Tu veux ma photo ? Toubib 19 Méfiance, méfiance quand tu nous tiens. Plus question de se faire piquer contre la rougeole sans broncher. Le médecin a perdu son aura de sage qu’on écoute religieusement. On dit non, on poursuit même les laboratoires pharmaceutiques en justice. Pourquoi cette défiance ? La faute au système de santé, trop rigide. La faute aux séries télés et leurs médecins super-héros qui brouillent notre esprit. Et puis, il y a les médecines douces en embuscade. Elles sont la voie alternative que vous avez décidé d’emprunter. Dossier T 22 Q consultation / DOSSIER Le système de santé : divorce en cours avec les français ? Les Français bénéficient-ils vraiment d’un des meilleurs système de santé au monde ? C’est en tout cas ce que semble indiquer les organismes internationaux qui le citent comme l’un des plus performants. Pour autant, chaque année, près de 20 % de la population renonce à se faire soigner. Pour quelles raisons ? Pour se tourner vers les médecines alternatives ? À y regarder de plus près, le phénomène semble avant tout motivé par des raisons économiques, révélatrices des inégalités qui subsistent aujourd’hui. samuel aupiais 1 C’est la Banque mondiale (données 2014) qui le dit. 2 Là, c’est l’Assurance maladie (données 2014) qui le dit. 3 Un nombre présenté dans une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) en 2014. 4 Selon un baromètre CSA Europ assistance. u’est-ce que la santé ? Cette question recouvre de nombreuses dimensions. Les premières impressions qui surgissent font référence au bien-être physique. Puis s’imposent les mots : « maladie », « rhume », « grippe », « cancer » ou pour les plus atteints « troubles bipolaires et tendances maniacodépressives ». La définition de l’OMS elle, qui figure en préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé de 1946, propose une approche plus complète de la question : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » C’est aussi la vision de Jean-Marie André, professeur à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes. À travers ses recherches, il s’intéresse principalement aux politiques de santé. Plus particulièrement à la contribution de l’Assurance maladie à l’efficacité de ces politiques. Il poursuit : « On peut aussi envisager le soin en intégrant tout ce qui relève du « care » : « prendre soin de » (l’accompagnement, les infirmiers, les aide-soignants, les proches...). Ici on va avoir un système qui s’intéresse aussi à l’aspect préventif, voir à la promotion de la santé. Et à l’autre bout de la chaîne, va se trouver tout ce qui relève de la réadaptation (retrouver une vie sociale, se réinsérer professionnellement...) ». Toute l’ambition de notre système de santé publique. La raison pour laquelle toute l’Europe, (et allons-y... même le monde !) l’envie. Et ce, à juste titre si l’on en juge par les résultats en terme de santé de la population : l’espérance de vie est de 82,57 ans en moyenne en France contre 80,89 ans en Allemagne par exemple1 et concernant la couverture du risque, le reste à charge est relativement modique pour les populations2. Inégalités Pour autant, chaque année, on constate aussi que 15 à 18 % de la population, soit un Français sur cinq, renonce à se soigner3. Sur un an, le renoncement a augmenté de 6 % chez nous quand il baissait en Allemagne, en Italie et en Grande-Bretagne4. Le tout, pour se tourner vers les médecines alternatives ? « Le renoncement au soin est essentiellement liée à la question économique », répond Jean-Marie André. En approchant la loupe, on se rend compte en effet que les bons résultats du système de santé français cachent aussi d’autres résultats plus mauvais. Tout le monde n’est pas à égalité devant la santé et dans le détail, encore beaucoup d’inégalités subsistent. Les données sanitaires montrent donc des différences assez marquées selon les catégories socio-professionnelles et les zones géographiques. Ils distinguent ainsi trois catégories de populations concernées par la qualité de la couverture santé : une première, bien couverte qui peut se payer une assurance maladie complémentaire. Une deuxième population plutôt bien couverte, bien que bénéficiant de revenus limités. La troisième connaît une situation socio-économique défavorable. C’est aussi elle qui est généralement bénéficiaire de la Couverture Maladie Universelle (CMU). Entre les deux populations intermédiaires, une frange trop riche et en même temps pas assez, pour pouvoir souscrire une assurance maladie complémentaire et laisse apparaître des renoncements aux soins relativement nombreux. C’est celle-ci qui déclare renoncer à presque 20 % des soins. Soit plus de trois millions de personnes dans le pays, découragées essentiellement par des raisons économiques. Il existe une autre explication, liée notamment à « des problèmes d’informations, de culture générale par rapport à la santé », explique Olivier Rolland, lui aussi professeur de l’EHESP. C’est à ce titre qu’il répond généralement à toutes les questions relatives à la place de l’usager dans le système de santé : « L’accès à l’information n’est pas toujours évident. Il y a encore des progrès importants à faire, notamment sur l’information sur les soins qui sont dispensés, sur la pathologie, la compréhension, etc. Il n’y pas encore de réflexe suffisamment large de l’intégration de la place des usagers dans les organisations de santé. » La Santé et les Bretons Homéopathie, médecines douces et compagnie. Derrière les pratiques, une organisation qui donne le tournis. Les chiffres. Une population vieillissante : Etat de santé : Bretagne 3 259 659 habitants Amélioration de l'espérance de vie : soit 5% de la population française 24,2 % de Bretons de moins de 20 ans en 2013 10,2 % ont plus de 75 ans = à 2013 (9 % en France) 3 % ont plus de 85 ans (2,8 %) Taux de natalité en 2012 : 11,3 pour mille (12,6) Entre 200 et 2012 : Entre 2000 et 2012 : 82,4 à 84,4 74,2 à 77,3 ans (84,8) 884 décès pour 1.000 habitant contre 829 au niveau national (2009-2011), notamment en santé mentale et addictions Dans le champ ambulatoire, la Bretagne présente une densité de professionnels de santé du premier recours comparable voire supérieur à la moyenne nationale : Densité de professionnels libéraux pour 100.000 habitants (2014) : 109,7 (107,3) 193,5 (154,5) Chirurgiens dentistes : 59,8 (57,5) Masseurs kinésithérapeutes : 104,1 (96,5) Sage femmes : 6,6 (6,7) Officines de pharmacie : 35 (35,5) 37,1 décès par suicide chez les hommes pour 1.000 habitants contre 22,9 en France 12,8 pour les femmes (7,2 %) Affections psychiatriques de longue durée de 2336 pour 100.000 habitants en 2010 (1.762) Un taux standardisé de mortalité prématurée pour les trois causes les plus directement liées à l'alcool de pour 100.000 habitants (19,8) Infirmiers : 27,5 Inégalités territoriales renforcées par le vieillissement de certaines professions : Et des taux d'équipements en établissement médico-sociaux supérieurs. Pour les personnes âgées (en 2013) : EHPAD : (93,4) 116,1 EHPAD + USLD : place pour 1000 habitants de + de 75 ans 121,2 lits médicalisés (99,6) 3,9 places en ESAR pour 1000 habitants de 20 à 59 ans (3,5) 3,2 places en SESSAD pour 1000 jeunes de moins de 20 ans (2,9) Malgré tout des insuffisances: manque de médecins spécialistes 5.970 médecins libéraux (dont 3.512 généralistes et 2.458 spécialistes) Densité de généralistes pour 100.000 habitants : Densité de spécialistes pour 100.000 habitants : 5,45 % des Bretons et 4,4 % des professionnels de santé libéraux de 1er recours sont concernés par les 21 zones prioritaires en termes de démographie médicale. + de 44 % des médecins généralistes libéraux ont plus de 55 Pour les personnes handicapées (en 2013) (107,3) (78,5) Indicateurs globalement défavorables de santé... Offre de santé : Médecins généralistes : ans 109,1 76,4 (95,3) ans (48 % en France) + de 49 % des médecins spécialistes libéraux ont plus de 55 ans (55%) + de 33 % des chirurgiens dentistes libéraux ont plus de 55 ans (36%) 63% des médecins libéraux ont plus de 55 ans dans le territoire de santé de Pontivy/Loudéac Sources : Agence Régionale de Santé Bretagne, Insee 2014 Crédits pictogrammes : Christopher Holm-Hansen, Sebastian Langer, Wilson Joseph, Venkatesh Aiyulu Toubib 23 24 consultation / DOSSIER Les vaccins sont-ils tous pourris ? Le retournement est complet : naguère remède miracle, le vaccin est désormais considéré comme potentiellement dangereux. Et pas seulement pour les écolos flippés par les nouveautés de la multinationale Monsanto. Pourtant, dans cette affaire, ce n’est pas tant le vaccin qui est à remettre en question, mais ce que l’on met dedans. Ainsi qu’évidemment, les intérêts économiques qu’il sert. samuel aupiais Lucie Lafrance L ucie Lafrance a 17 ans lorsque les médecins lui annoncent qu’elle souffre de narcolepsie. Orignaire de Paimpol, elle est encore au lycée lorsqu’à la fin du mois de juillet 2010, la jeune fille « fait un arrêt systémique cardiaque avant de perdre connaissance quelques semaines plus tard ». Après un passage au service maladie du sommeil à Rennes, elle est orientée vers un institut parisien où on lui annonce qu’elle est atteinte de cette maladie. À l’IRM, les médecins lui découvrent « une masse d’aluminium dans le cerveau ». De l’aluminum ? « Un résidu contenu dans le vaccin », répond-elle. À l’institut, on fait le lien tout de suite. En 2008, Lucie décide de sa faire vacciner en prévention du cancer du col de l’utérus. Jusqu’en 2011, on lui administrera trois doses de Gardasil, un vaccin élaboré dans les laboratoires Sanofi. Les problèmes débuteront quelques semaines plus tard. Aujourd’hui, Lucie Lafrance a 18 ans. Elle est étudiante en informatique. Et se déplace en fauteuil roulant. Sa narcolepsie a déclenché une cataplexie qui ont affaibli ses muscles. Pour elle, le lien de causalité entre sa prise de Gardasil et la détérioration de son état de santé ne fait pas de doute. Soutenue par sa famille, elle a d’ailleurs sollicité l’aide d’un avocat, Me Coubris (qui s’est fait connaître lors du scandale du Médiator) afin de faire reconnaître la responsabilité de Sanofi dans cette affaire. Du côté du laboratoire, la réponse est claire : « Pas d’augmentation du risque de survenue de maladies auto-immunes observée après vaccination par Gardasil ». Observation : « Sanofi déplore que le programme de vaccination puisse être compromis par des allégations sans fondement scientifique, exposant ainsi des jeunes femmes au risque des maladies à papillomavirus. » Le cas de Lucie Lafrance, illustre bien la défiance qui s’installe à l’égard de la vaccina- tion aujourd’hui dans le pays. En octobre 2014, invitée de la chaîne d’infos continue i-Télé, la ministre de la Santé Marisol Touraine a lancé un appel pour que l’ensemble de la population continue de se faire vacciner : « Il y a un mouvement qui me préoccupe en France, de méfiance, de défiance même vis-à-vis des vaccins », a-t-elle déclaré, avant d’ajouter : « Il y a un mouvement de personnes qui refusent par principe la vaccination au nom de la liberté. La liberté s’arrête là où commence la santé publique et la sécurité de l’ensemble de la population. » Ses propos ont été largement repris par la presse, ces derniers intervenant une semaine avant la comparution devant le tribunal d’Auxerre de deux parents ayant refusé de vacciner leur fille de trois ans contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). Pourquoi ? Préoccupés, selon eux, par la présence d’aluminium dans les vaccins. Un adjuvant que l’on ajoute afin de permettre une efficacité maximale du produit. Au rapport mon adjuvant ! Mis en cause dans les controverses soulevées Encore eux ! La crainte de possibles effets secondaires... : « Quels effets secondaires ? », demande le Dr. Legoff. « Il peut y avoir des allergies, etc, mais les vaccins sont efficaces. S’il y a un doute, ils sont retirés du marché. » L’argument selon lequel les études faites n’ont jamais démontré de liens entre les adjuvants contenus dans les vaccins et de possibles effets secondaires, Me Coubris, l’avocat de Lucie Lafrance n’y croit pas : « C’est le même discours que j’entends depuis le Médiator », lance-t-il.« Je ne suis pas contre la vaccination, au contraire. Le problème du Gardasil est un problème lié à sa commercialisation. (…) Sur le plateau bénéfice je n’ai rien à mettre. » Liberté individuelle vs santé publique Pour Me Coubris, ce n’est donc pas la vaccination qui est à remettre en cause mais les choix industriels de certains laboratoires qui utiliseraient l’aluminium en tant qu’adjuvant et feraient ainsi courir un risque à la population. « Le seul risque, à ne pas se faire vacciner, c’est de s’exposer à la maladie », répond le « 38 % des Français sont défavorables à la vaccination en général » ces dernières années, les sels d’aluminium sont utilisés en petites quantités comme adjuvants dans certains vaccins. S’il n’est pas utilisé dans les vaccins antigrippaux par exemple, cet adjuvant est présent ailleurs. Il est impossible aujourd’hui de se faire un rappel de vaccin antitétanos. Le DTP sans adjuvant, commercialisé pendant plus de trente ans, a été retiré du marché en 2008, au profit d’un vaccin plus cher. Les vaccins adjuvés sur phosphate de calcium ont toujours leur autorisation de mise sur le marché, mais ne sont plus commercialisés. On touche là au cœur du débat qui divise la communauté scientifique depuis plusieurs années maintenant. Partout dans le monde, les médecins s’attrapent par la blouse et s’invectivent à grands renforts d’expertises, de contre-expertises. Afin de faire la lumière sur cette question : « les vaccins sont-ils dangereux ? » Depuis l’apparition du premier vaccin en 1796, l’efficacité des produits utilisés s’est considérablement améliorée. Cependant, certaines polémiques ont terni l’image de la vaccination, jusqu’à installer une suspicion. En 1993, le vaccin contre l’hépatite B, très largement diffusé en France chez les adolescents, a été mis en cause, porteur d’un risque potentiel de survenue d’une affection neurologique rare, la sclérose en plaques. Lors de la menace de pandémie grippale en 2009, la suspicion contre la vaccination a franchi une étape supplémentaire : la pandémie n’a pas eu lieu et les vaccins ont rapidement été suspectés d’effets secondaires liés à certains adjuvants. D. Legoff, médecin en santé publique et référent vaccination pour l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Bretagne. L’ARS est chargée de l’animation de la politique vaccinale sur le territoire, et travaille au quotidien avec des médecins de pays, médecins libéraux, etc : « On a une politique de vaccination cadrée par des recommandations sur propositions des experts nationaux », explique-t-elle. « Il existe un calendrier de vaccination avec des recommandations et aussi certains vaccins qui sont eux, obligatoires. Ce calendrier doit être appliqué par les médecins qui doivent éclairer le patient sur les recommandations liées à la vaccination. Pourquoi ? Parce que ça protège contre les maladies. » La logique est imparable. En tout cas, on peut dire que le mal est fait. Un rapport sur la question de la vaccination publié par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, en 2010 annonce que « 38 % des Français sont défavorables à la vaccination en général ». Ils étaient moins de 10 % en 2000 et 2005. Christian Michelet, professeur en maladie infectieuse et tropicales au CHU de Rennes, reconnaît qu’il existe « une grande défiance, de plus en plus accentuée » vis-à-vis de la vaccination, « même si celle-ci a toujours existé ». À ce sujet, il rapporte d’ailleurs que la critique de l’utilisation de l’aluminium dans les vaccins constitue « une petite partie des arguments contre la vaccination. On les utilisent depuis le début. Concernant l’aluminium, vous ne retrouvez pas ce débat aux Etats-Unis ou ailleurs. C’est un problème franco-français. » Toubib 25 26 consultation / DOSSIER SCANDALES & santé publique Le procès du Médiator, le médicament des laboratoires Servier qui aurait déjà tué plus d’une centaine de personne, a été reporté. L’instruction avait débuté en 2011. Finalement, le tribunal a annoncé que ce dernier n’aura pas lieu avant 2018. D’autres affaires de santé publique marquent la mémoire collective, mettant en cause le rôle de l’État et celui des industriels. Voici une liste non exhaustive des scandales sanitaires qui ont éclaté depuis la Seconde Guerre mondiale. samuel aupiais Le vaccin contre la grippe A Le 16 juillet, le gouvernement annonce l’achat de 94 millions de doses du vaccin contre la grippe A. Deux mois plus tard, 7% de la population se fait vacciner. Mais rapidement, le gouvernement annonce l’annulation de la moitié des commandes et la revente à l’étranger d’une partie du surplus de ce vaccin qui attise la méfiance d’une partie de la population. 2009 L’Isoméride Prédécesseur du Médiator, mis sur le marché en 1985 pour lutter contre l’obésité, ce médicament est aussi un best-seller des laboratoires Servier : cinq millions d’utilisateurs plus tard, l’Isoméride est retiré de la vente en France après la découverte de cas d’hypertension artérielle pulmonaire, dès 1995, et d’anomalies au niveau des valves cardiaques, en juillet 1997. Il serait responsable d’au moins 40 morts. 1985 2010 : Les procès le Distilbène 1950 -1977 Des millions de femmes enceintes dans le monde se sont vues prescrire ce produit afin de prévenir les fausses couches. Entre 1950 et 1977, elles sont 200.000 en France. Dès 1953, une étude – passée inaperçue – démontre son inefficacité. Les premiers enfants de mères traitées avec du Distilbène souffrant de graves malformations arriveront juste après. On estime à 160.000 les « bébés Distilbène » durant cette période. Il faudra d’ailleurs attendre 1977 avant de voir le produit retiré du marché. 1991 : Les procès L’Isoméride a déjà valu au laboratoire Servier plusieurs condamnations en justice. Le 17 septembre, il a été condamné par le tribunal de grande instance de Nanterre à verser 210.000 euros de dommages et intérêts à une patiente qui se plaignait de graves problèmes cardiaques après avoir pris le médicament. Le 20 janvier 2011, la Cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement rendu en 2006 par le tribunal de Nanterre condamnant Servier à indemniser un plaignant pour le décès de sa femme, morte en 1995 d’une Hyper tension artiérielle pulmonaire (HTAP) consécutive à la prise d’Isoméride pendant plusieurs années. La première procédure judiciaire contre le laboratoire belge UCB Pharma, fabricant du Distilbène, remonte à 1976. Après quinze ans de bataille judiciaire, deux jeunes femmes atteintes d’un adénocarcinome à cellules claires (ACC) réussiront à porter la responsabilité d’UCB Pharma devant la Cour de cassation en 2006. Le médiator Cinq millions d’utilisateurs dont plus de 300.000 en France. Commercialisé en 1976, le coupe-faim des laboratoires Servier est accusé d’être responsable de nombreux cas de valvulopathies. Il sera finalement retiré du marché en 2011, responsable de 500 à 2.000 morts selon l’Agence national du médicament et des produits de santé (ANSM). 2011 : Le procès 2009 L’instruction judiciaire avait débuté en 2011. Le laboratoire Servier, venait d’être poursuivi pour (tenez vous bien) « tromperie aggravée, mise en danger de l’homme, ingérence, prise illégale d’intérêt, complicité et recel de ces délits, homicides involontaires par violation manifeste d’une obligation de sécurité ou de prudence, blessures volontaires aggravées, complicité de ces délits... » Au mois de mai, la justice a finalement annoncé le report du procès à 2018. 2007 2011 : La loi Suite à l’affaire du Médiator, de nouvelles mesures sont prises par le gouvernement pour renforcer la sécurtié sanitaire et lutter contre les conflits d’intérêts. La loi n° 2011-2012 du 29 décembre, transforme ainsi l’AFSSAPS en Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), lui octroyant plus de pouvoir et de prérogatives. Gérer les crises sanitaires Le 5 mars est promulguée la loi n° 2007-294 visant à mieux gérer les crises sanitaires de grande ampleur. Ainsi a été créé un établissement public de préparation et réponse aux urgences sanitaires (Eprus) en plus d’un corps de réserve sanitaire. 2004 l’hormone de croissance 1985 Ce produit devait aider les enfants trop petits ou souffrant de nanisme à grandir. Entre 1985 et 1986, cette hormone prélevée sur des cadavres humains a été injecté à 1.698 enfants. Dès la première année un premier cas de jeune atteint de la maladie de Creutzfeldt-Jakob est déclaré. Si le mode de préparation de l’hormone a été modifié depuis, on recense aujourd’hui 119 morts en France. DR - GETTY IMAGES 2015 : Les procès Après sept ans de procédure, le 16 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris reconnaît la responsabilité de l’Institut Pasteur dans cette affaire. Mais les deux scientifiques (dont le directeur du laboratoire Uria, rattaché à l’Institut Pasteur) responsables de l’élaboration et du prélèvement de la poudre d’hypophyse (la glande qui produit l’hormone de croissance), ont été relaxé par la Cour d’appel en 2011. l’affaire du sang contaminé 1991 Le Vioxx Lancé en 1998 par la laboratoire Merck, cet anti-inflammatoire destiné à traiter les douleurs violentes et les symptômes de l’arthrose aurait provoqué 40.000 décès aux Etats-Unis. Dès l’année suivante, la Food and Drug Administration (FDA), agence de régulation américaine des médicaments, remarque que les accidents thromboemboliques, les attaques cardiaques et les infarctus sont statistiquement plus fréquents avec le Vioxx. Septembre 2004 : le scandale éclate et le produit est retiré du marché. En France par contre, c’est le mystère total. Y-a-t-il eu un seul mort ? C’est un article de l’hebdomadaire L’Évènement du Jeudi qui a révélé l’information au mois d’avril. Entre 1984 et 1985, des produits sanguins contaminés par le virus du Sida ont été distribués en connaissance de cause à des hémophiles, par le Centre national de transfusion sanguine (CNTS). 2003 : Les procès Entre le 18 juin et le 6 novembre 2003, une série de non-lieu sont prononcés par la Cour de cassation en faveur des personnalités – conseillers ministériels et médecins – impliqués dans cette affaire qui a provoqué la mort de plusieurs personnes. Laurent Fabius et Claude Évin, ex-ministre de la Santé, sont notamment relaxés. Toubib 27 ‘‘ consultation / DOSSIER Recherche médecin idéal désespérément Qui n’a jamais rêvé de croiser le « Dr Mamour », de Grey’s Anatomy, version française dans les couloirs de son hôpital ? Ou voir soudain surgir un « Dr House » bien de chez nous qui trouvera LE remède à cette grippe qui, décidément, ne passe pas. Mais il faut se rendre à l’évidence, notre médecin traitant est toujours cet homme bedonnant, la cinquantaine passée. Et non le demi-dieu sans faille que le petit écran nous vend. Ce portrait-robot du médecin idéal est pourtant bien imprimé dans nos petites cervelles. Mais passé le pas de la porte, l’individu est introuvable. 1 Aloys Main. La série télévisée « Urgences »: étude de son réalisme et de ses répercussions sur le public français. 2004 2 « Quand Dr House influence les malades », Le Figaro, 07/09/2009 julia rodriguez Le médecin dans les séries télévisées françaises des années 70 à nos jours ». Le sujet de la thèse de Christelle GuntzGuiberteau prête à sourire. Elle n’en est pas moins sérieuse. Une partie des séries analysées n’est pas de première jeunesse. Vous n’en avez même probablement jamais entendu parler... Et comme chacun le sait, nous sommes de toute façon plus fascinés par les créations venues d’outre-Atlantique. Mais la France n’est pas en reste : les cousins de la série Urgences ou Grey’s Anatomy se comptent par dizaines. Pour vous donner une idée, on peut parler de Médecins de nuit, Marc et Sophie, Une famille formidable dans les années 70 à 90. Récemment, c’est plutôt Plus belle la vie, ou encore Le cocon, débuts à l’hôpital. Le boom intervient réellement à partir des années 90 avec le phénomène Urgences, aux États-Unis. Mais au fait, pourquoi cet engouement ? Pour Christelle Guntz-Guiberteau, il s’agit certainement du caractère très réaliste de la série américaine, qui montre les difficultés des conditions de travail des urgentistes. C’est aussi un milieu très particulier, dont on a peu l’occasion de découvrir les coulisses. Son analyse montre d’ailleurs que depuis les années 2000 « la tendance est au réalisme médical », les téléspectateurs consommeraient donc les séries médicales, comme une sorte de documentaire. Fiction versus réalité Nous passons un temps considérable devant notre téléviseur. Et en particulier devant nos séries préférées. En 2012, nous avons consommé 20 % de séries sur notre temps télévisuel, et 19 fictions ont rassemblé sept millions de téléspectateurs pour au moins un épisode. Un passe-temps aussi imposant et chronophage laisse inévitablement des séquelles. Petit à petit, la télévision se met à refléter la société mais aussi à l’influencer. Les séries médicales ne font pas exception. Christelle Guntz-Guiberteau débute son analyse en dressant le portrait-robot du médecin de fiction français. Un homme blanc, trentenaire, plutôt beau gosse et hétérosexuel. Spécialiste plutôt que généraliste, il est « sympathique, empathique et professionnel ». C’est en quelque sorte un ange-gardien envoyé sur terre pour DR 28 se mettre au service de l’Humanité en souffrance. Un demi-dieu quoi. D’ailleurs, il ne commet que très rarement des erreurs. Confrontons maintenant cette image à la réalité. Dans notre monde, la moyenne d’âge des médecins français en 2010 était de 50 ans, la part des femmes dans le métier augmente, les spécialistes ne constituent pas l’essentiel de notre stock de docteurs et ils restent faillibles, capables eux aussi de commettre des erreurs. Bref, rien à voir. Miroirs de la société Mais alors ? Zéro réalisme dans les séries médicales? Bien sûr que si. Parce que, on est d’accord, les réalisateurs ne couchent pas comme ça sur le papier tout ce qui leur passe par la tête. Par exemple, la série Urgences a été écrite avec la collaboration des médecins. Et pour toutes les autres, c’est la même chose. On essaie de coller au maximum à la réalité, c’est d’ailleurs ce qui titille l’intérêt du public. Au-delà de l’aspect technique, ces séries sont aussi le reflet de la situation du monde médical à un moment donné. Urgences a été diffusée dans les années 90, à une période où les critiques fusaient de la part des patients américains. Files d’attente interminables dans les hôpitaux, surcharge de travail du personnel soignant et une relation médecin-patient qui n’était pas à la hauteur des attentes. Tout ça crée un terreau parfait pour une série médicale à succès, dans laquelle le public peut se reconnaître. L’exemple marche bien pour nos voisins outreAtlantique. Mais en France, c’est une autre histoire. Nos séries médicales ne montrent pas toutes ces difficultés. L’image du jeune médecin dynamique et aimable ne semble pas vouée à disparaître dans un futur proche. Et pourtant les critiques ne manquent pas en ce qui concerne notre système de santé. Déficit de la sécurité sociale, scandales sanitaires comme le Médiator ou les implants mammaires. Mais il faut croire que nos réalisateurs s’échinent à « prendre le contre-pied de ce sentiment d’insatisfaction et impriment au personnage du médecin les qualités que luimême et le public aimeraient retrouver chez leur médecin ». C’est l’analyse de Christelle Guntz-Guiberteau. Urgences a aussi fait fureur de ce côté-ci de l’Atlantique. Aloys Main1 explique dans sa thèse que cette série à succès avait eu des répercussions en France sur la vision des services d’urgence par le public. Des Parisiens interrogés ont affirmé que cette série leur a appris à mieux comprendre l’organisation de ce service particulier au sein de l’hôpital. En 2003, une étude américaine démontrait qu’une relation statistique existait entre le taux d’exposition aux programmes télévisuels médicaux et la perception du médecin dans la vie réelle. Et c’est mathématique : plus ce taux d’exposition est important et plus notre avis sur les médecins est négatif. Plus le personnage du médecin est froid et égocentrique (Dr House bonjour !) et plus notre avis est critique à l’encontre de l’ensemble de la profession. Tiens puisqu’on en parle, le Dr House a égra- « Avec son caractère antipathique » tigné l’image de la médecine moderne. Avec son caractère antipathique et ses manières de mufle, il ne dresse pas un portrait avantageux de notre médecin du XXIe siècle. Traitements « vus à la télé » En France, il touche près de huit millions de téléspectateurs et ses pratiques sont loin de refléter la réalité, même si l’univers et les techniques employées dans la série sont très réalistes. Pourtant, les modes opératoires utilisés dans les épisodes font leur chemin dans la tête du public. Pour Andrew Holtz, ancien journaliste médical à CNN2, « ce genre de séries modifie l’image que les téléspectateurs ont du fonctionnement de la médecine ». Et cette image est, la plupart du temps, complètement biaisée. Avouez qu’il faut être bien naïf pour penser que le genre de diagnostic rendu par le Dr Greg House puisse naître dans l’esprit d’un seul homme en quelques heures. En sachant que les cas étudiés sortent tout droit de revues médicales et qu’ils sont rarissimes, il faudrait des jours, voire des semaines à toute une batterie de spécialistes pour mettre le doigt sur l’une de ces maladies. Je vous l’accorde, pour un épisode de 50 minutes il est compliqué d’un point de vue scénaristique de détailler toute la procédure, ou de mettre en scène une équipe élargie. Et puis après tout, les aficionados de cette série sont accros à son côté explosif et extravagant. Ce qui est plus embêtant, c’est que ces fictions amènent le public à croire que demain, il est en droit de demander les mêmes prouesses professionnelles. C’est le retour de bâton du pseudoréalisme des séries médicales. On imagine soudain une batterie de docteurs House prêts à intervenir dans l’hôpital du coin. Et à grand coup de médicaments expérimentaux, par dessus le marché. Rappelons simplement qu’en France, l’utilisation de ces dits médicaments est soumise à une longue procédure d’essais cliniques avant tout test sur les humains. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé veille. Il faudra donc plus que l’impétuosité d’un seul médecin pour vous prescrire un de ces remèdes « magiques ». Et il en est peut-être mieux ainsi. Grey’s anatomy et Dr House : les chouchous des Français Toubib 29 30 consultation / DOSSIER au pays des médecines alternatives Homéopathie, médecines douces et compagnie. On en deviendrait presque expert en aiguille d’acupuncture et autres pilules à base de plantes. Les chiffres sont clairs : un nombre croissant de Français se tourne vers ces remèdes parallèles que l’on espère miraculeux. Surfant sur le phénomène, certains médecins ajoutent même une spécialité à leur formation de base. julia rodriguez, aurélien lelièvre (infographie) Définition En France comme de dans de nombreux pays, les appellations « médecine parallèle », « alternative », ou « douce » sont synonymes de médecine traditionnelle. Elles se rapportent à un vaste ensemble de pratiques de soins qui sortent de la médecine classique et qui ne sont pas intégrés dans le système de santé. Mannequin d’acunpuncture : le Manneken Pis des médecines alternatives 400 Nombre de types de médecines alternatives recensées en France 53 % des Français font confiance aux médecines alternatives... 39 % ... pour diminuer la consommation de médicaments... 28 % 56 % des Français ont déjà eu recours à l’homéopathie 77 % des Français placent l’homéopathie au même niveau que les médicaments 0 0 0 . 7 1 ... pour leur efficacité supposée 4 sur 10 ont déjà consulté un osthéopate Osthéopates en France Crédits pictogrammes : Dmitry Baranovskiy Source : Etude Ipsos février 2012 Toubib 31 Il y a seulement quelques années, on regardait l’osthéo du village comme une espèce d’imposteur, se vantant d’être médecin alors que son diplôme n’était pas reconnu. Aujourd’hui, on se précipite chez lui au moindre mal de dos. Parce que finalement, il est vachement plus efficace que le Voltarène ou toutes ces crèmes qui font le business des pharmacies. On se plante des aiguilles pour contrer les effets secondaires d’une chimio, on se fait masser les pieds pour venir à bout de son stress ou de son manque de sommeil... Même des athlètes de haut niveau se mettent à préférer la médecine chinoise et ses drôles histoires d’énergies, plutôt que de se bourrer de médocs. À vous de juger... A GO N S 34 diagnostic le sport, c’est dans la tête Pour un sportif de haut niveau, une fracture ou une déchirure, c’est la cata. Est-ce que je vais perdre ma place ? Ou pire, carrément mon niveau ? Sans se mouiller, on peut dire que la pression qui s’exerce sur l’athlète est énorme. Pour revenir plus vite, plus haut et plus fort, certains se laissent tenter par les médecines alternatives. Quels intérêts y trouvent les sportifs ? De quel œil les médecins voient-ils ces démarches ? rémy quémener ,, Enquete MATHILDE L’AZOU, CORA PORTAIS, Rémy Quéméner D éjà deux fois que le portable de Fred Danté vibre, cet après-midi. Entre deux patients venus de la couronne briochine, c’est du côté de l’Italie qu’on s’inquiète. À l’autre bout du fil : Gervinho. « Gervais » pour les intimes. Blessé depuis dix jours, le joueur de foot de l’AS Rome vient aux nouvelles auprès de son ostéopathe. Installé au rez-de-chaussée de l’énorme centre d’affaires Eleusis, à Plérin, près de Saint-Brieuc, Fred Danté est, au premier abord, un ostéo comme les autres. Enfin presque. Tee-shirt noir sur jean bleu, la poignée de main franche et l’accueil chaleureux, le Franco-malien a trouvé un moyen de joindre l’utile à l’agréable. En plus de ses consultations classiques avec ceux qu’il appelle « les patients du quotidien », ce mordu de foot accompagne depuis cinq ans la sélection ivoirienne de football. Didier Drogba, Kolo et Yaya Touré : les maillots Orange et Vert des stars de la sélection tapissent les murs de son cabinet. « Les médicaments ? Connais pas ! » Ça fait presque huit mois que Fred Danté suit de manière individualisée Gervinho, 56 sélections au compteur. Un taulier. L’enchaînement des matches, la pression du résultat... Cette saison, le joueur a voulu s’offrir un suivi personnalisé. Déjà très répandu dans les sports individuels, ce système tend à s’imposer de plus en plus dans le foot. Aller voir quelqu’un en dehors de la structure du club n’est plus tabou. Au contraire. « Le foot devient de plus en plus un sport individuel dans un collectif, explique l’ostéo de 38 ans. Les joueurs se disent : qu’est-ce que je vais pouvoir faire pour être meilleur que l’autre à côté de moi, même si c’est mon partenaire ? Bah, déjà prendre soin de ma santé ». S’il y en a bien un qui a compris que la santé est une question centrale dans le sport de haut niveau, c’est assurément Miguel Fillaut. A 25 ans, le jeune homme de Pipriac (35) a déjà un CV long comme le bras. Triple champion de Bretagne élites de VTT, champion de Bretagne élites de cyclo-cross à l’hiver 2014. Toubib 35 36 diagnostic Le podium, c’est un peu sa deuxième maison. Et les médicaments, il ne connaît pas. « Mon médecin traitant pratique la médecine chinoise. J’y vais depuis que j’ai 4 ans, lâche-t-il d’entrée. Ce sont des techniques ancestrales. Il ne touche jamais le corps, il utilise les énergies. Moi, je pense que ces médecins sont en avance sur nous ! » Faut dire que niveau blessures, Miguel a donné. « Je crois que je me suis quasiment cassé tout ce qui est possible au niveau des bras. À force, on devient bon en anatomie ! », glisse-t-il en souriant, attablé dans un petit café rennais, à deux coups de pédales du magasin de cycles où il bosse la semaine. Deux à trois fois par an, il rend visite au Dr Fanen, rue Salomon de Brosse. Un petit check-up pour vérifier que tout est en place. « Les séances durent entre 45 minutes et une heure. Je trouve ça beaucoup plus qualitatif. Le doc prend le temps de bien savoir ce qui se passe aussi bien dans le corps qu’autour. » Miguel est lucide. Il entend bien que cette approche « sans toucher le patient fait un peu gourou ». Mais quand on aime… Alors qu’il a changé d’équipe l’hiver dernier (il court aujourd’hui pour le club du VCP Loudéac), le sportif de haut niveau avoue n’avoir jamais rencontré les médecins de l’équipe. C’est dire... Transparence, file d’attente et préparation physique Le corps, c’est le gagne-pain du sportif. Et ça, la plupart des footeux l’ont compris. Si certains peuvent être tentés d’aller voir ailleurs, il y a des limites à ne pas dépasser par rapport à la structure médicale dans le foot. Et notamment une condition bien précise : la transparence. « Aller voir le médecin référent du club, c’est la base », lance d’emblée Yvan Bourgis. Joueur pro durant dix ans, dont huit au Stade Brestois, le jeune retraité n’a pas quitté les terrains. Il s’occupe aujourd’hui de la préparation physique des équipes élites jeunes à Brest. Durant sa carrière, il a aussi été confronté à des petits pépins qui l’ont conduit à se poser des questions sur sa prise en charge médicale. « J’ai eu des problèmes de peau. J’en avais parlé au doc et il m’avait dit d’aller voir un dermato. Mais bon… Moi, j’avais envie de voir autre chose, ça faisait un moment que je traînais ça. Je lui ai dit que je comptais aller voir une magnétiseuse, pas loin de chez moi. Il n’y croyait pas trop mais il ne m’a pas interdit d’y aller. Il m’a dit « si ça te fait du bien, t’as rien à perdre », raconte l’Auvergnat d’origine, assis dans son séjour. Durant plusieurs années, Fred Danté a été kiné pour plusieurs clubs pros, dont Guingamp. Désormais, c’est lui qui se rend dans un club, à Rome, pour examiner son joueur. Ses visites sont connues de tous. Pour mener à «Lors d’une biopsie, si le ligament n’est pas cicatrisé, c’est repos. Point. » bien ses interventions, il a aussi besoin d’une parfaite entente avec la structure médicale de l’AS Rome. « À chaque fois que je suis là-bas, les kinés du club savent ce que je fais, explique Fred. Comme ça, eux travaillent ensuite en complément. Je trouve vraiment important que ça se passe comme ça. Mais le truc, c’est que Gervinho, lui, a quand même besoin de me voir. Donc je m’organise quand il m’appelle ». Dans le foot, comme dans les autres sports co, chacun accumule petits ou gros bobos tout au long de l’année. Il faut prendre son mal en patience. « On est nombreux à aller voir le kiné, explique Yvan Bourgis, l’ancien joueur du Stade Brestois. Pour un joueur de haut niveau, tout temps gagné est bon à prendre. Et là, on est les uns après les autres à attendre. La séance est courte. Du coup, t’as le sentiment de passer un peu à la va-vite. » Et dans ce cas-là, le joueur pro est vite tenté d’aller voir ailleurs. « J’ai été voir un ostéo à l’extérieur quelques fois, ajoutet-il. Je n’y allais pas forcément de ma propre initiative, ça venait aussi du doc. Le sportif doute beaucoup quand il a un petit pépin, il a envie d’avoir une réponse juste et avisée. » Too fast, too dangerous Un fémur brisé, un muscle froissé, un ligament déchiré. Une blessure, c’est surtout une course contre la montre qui commence dans le haut niveau. Et une pression, parfois folle, qui s’abat sur les épaules du blessé. « Le sportif est pris dans des enjeux qui le dépassent », explique Christophe Guégan, médecin du sport à Brest. Et très vite, des questions. Vais-je réussir à revenir à mon niveau ? Mon équipe va-t-elle continuer à gagner sans moi ? Vais-je retrouver ma place à mon retour ? Pour le sportif, le moins long sera le mieux. « L’athlète, intuitivement, a besoin de voir un soigneur, au sens très large du terme, qui va plutôt aller dans son sens, avance Christophe Guégan, également entraîneur de handball. Naturellement, on n’aime pas entendre : « il faut que tu t’arrêtes six semaines’. En général, le sportif va fuir le système classique, d’autant que les enjeux sont importants. » Les enjeux qui 1 Diego Costa et le placenta de jument Il fallait bien un coup de génie - ou de folie - pour remporter cette course contre la montre. Mai 2014, lors du dernier match de Liga, Diego Costa, l’attaquant vedette de l’Atlético Madrid se blesse aux ischio-jambiers droits. Problème, dans une semaine, c’est la finale de la Ligue des champions. Et une finale sans Costa, c’est même pas envisageable pour l’Atléti. Le club envoie alors le joueur en Serbie à la rencontre du Dr Marijana Kovacevic. Sa technique : injecter du placenta de jument au joueur pour accélérer la cicatrisation des cellules. Faut croire que ça n’a pas complètement fonctionné sur ce coup là. Titulaire pour la finale le samedi suivant, Costa est sorti après seulement neuf minutes de jeu, incapable de jouer. Et son équipe a perdu 4-1 contre le Real Madrid… 2 TOP 3 DES RETOURS IMPROBABLES Lindsey Voon et son fromage autrichien Le 2 février 2010, Lindsey Voon se blesse à l’entraînement, victime d’une profonde lésion musculaire au tibia droit. Problème : les XXIe Jeux Olympiques d’hiver organisés à Vancouver, où elle est très largement favorite, débutent dans onze jours. C’est le branle-bas de combat dans le camp de la skieuse. Thérapie laser, antidouleurs... Et un extra, un petit remède de grand-mère surprenant : un fromage autrichien crémeux appelé topfen que l’américaine aurait appliqué sur son tibia pour le faire désenfler. Vertus réelles ou effet placebo ? Les médecins sont sceptiques. Pas la skieuse qui dès la course d’ouverture remporte la médaille d’or en descente. Elle se classera aussi troisième en super-G avant d’abandonner sur les trois autres courses. Pas de quoi en faire tout un fromage. 3 David Luiz et le « traitement incroyable » Acheté 50 millions d’euros à l’été 2014, David Luiz devait être le monsieur plus du Paris-Saint-Germain cette année. Problème : dix jours avant LE rendez-vous de l’année du club de la capitale, en quarts de finale de la Ligue des champions contre Barcelone, le Brésilien se claque à la cuisse droite. Verdict du staff médical : un mois d’arrêt. Dur. La « touffe » se rend alors en Russie, auprès du physiothérapeute brésilien Eduardo Santos, qui travaille pour le club du Zenith-SaintPétersbourg. « C’était un traitement incroyable. J’ai travaillé tous les jours pendant douze heures », explique Luiz. Et un retour express. Le 15 avril, à la grande surprise des observateurs, David Luiz est là pour suppléer Thiago Silva, blessé après 20 minutes de jeu. Résultat : deux petits ponts, trois buts encaissés et une élimination. Une belle soirée quoi. Toubib 37 38 diagnostic 95% Le pourcentage des élèves prenant des compléments alimentaires, en parallèle de leurs études dans une structure de sport intensif, en Bretagne. Ce chiffre provient d’une étude menée par le médecin du sport à Brest, Christophe Guégan. Christophe Guégan, docteur au centre de médecine du sport de Brest. pèsent sur lui peuvent donner des envies d’ailleurs. « Je ne tiens pas vraiment compte de ce que dit le médecin qui doit opérer, glisse Miguel Fillaut. Si tu l’écoutes, tu reprends le vélo dans deux ans. Moi, mon médecin peut faire diminuer le temps de moitié », assure-t-il. Pas sûr que Christophe Guégan validera. Cartésien, le médecin brestois se méfie quand même de certaines méthodes. « Je ne mets pas tout le monde dans le même panier, attention. Mais on peut faire toutes les approches du monde, toutes les médecines différentes, si lors d’une biopsie, le ligament n’est pas cicatrisé, c’est repos. Point. » Quand la machine de guerre tremble Comme n’importe quel patient, le sportif a envie qu’on l’écoute. Peutêtre même un peu plus. Qu’on prenne soin de lui, qu’on le bichonne. La pratique du sport à haut niveau, c’est du physique mais aussi, et surtout, du mental. Un champ de la médecine qui est parfois séparé, voire oublié lors d’une consultation. Claudie Haxaire, anthropologue à la faculté de médecine de Brest, a étudié ce qu’on appelle les parcours de santé. Ou comment des gens sortent du système classique pour s’essayer à d’autres types de médecine. « Lorsque notre médecine s’est construite, au Ve siècle avant Jésus-Christ, on s’est uniquement basé sur le biologique et la maladie, explique-t-elle. Du coup, on a laissé de côté le porteur de la maladie. C’est-à-dire la personne. Les médecines douces revendiquent une perspective globale. Où le psychologique, le somatique, c’est-à-dire le corps et le social sont imbriqués. Les sportifs ont recours à des médecins très pointus, très spécialisés. Peut-être qu’à un certain moment, c’est aussi cette approche globale de leur personne qui les intéresse. » Même s’il n’est clairement pas un féru des approches alternatives et complémentaires, le docteur Christophe Guégan pointe du doigt l’irrépressible envie des sportifs de toujours revenir plus vite au niveau. « Les médecines parallèles sont très désirées parce que c’est de l’ordre du fantasme culturel», argumente le doc. « On a tous besoin d’avoir des croyances, officielles ou non, religieuses ou non. Le sportif n’est pas « Je ne sais pas si c’est placebo mais ça me fait un bien fou ! » une machine de guerre qui va tout défoncer sur son passage. Lui aussi a des angoisses, des anxiétés, est sous la pression. Il lui faut des éléments qui lui permettent de reprendre confiance en lui. » Un argument que confirme le champion de Bretagne de cyclo-cross, Miguel Fillaut. Son doc, il en a besoin pour se soigner le corps mais aussi l’esprit. « Franchement, je ne sais pas si c’est placebo ou quoi, mais ça m’a toujours fait un bien fou d’aller le voir », rapporte-t-il. Derrière son bureau plérinnais, Fred Danté consulte son agenda. À la demande de Gervinho, il se rendra à Rome en fin de semaine. Trois patients à annuler, un billet d’avion à réserver. Et une escapade de l’autre côté des Alpes, 1.830 kilomètres à travers les nuages. Massages, manipulations, discussions… Le programme est chargé. « Gervais va reprendre l’entraînement la semaine prochaine et le kiné du club va lui dire de retourner sur les terrains. Mais il préfère que ce soit moi qui lui dise. Les kinés de Rome sont très compétents, hein. Mais, tout simplement, la relation de confiance qu’on a installée est au-dessus de ça. » UN SITE sport-protect.org « Ce que tu fais à la maison, le médecin ne le voit pas. C’est à tes risques et périls », explique Yvan Bourgis, ancien joueur du Stade Brestois. Du coup, il faut faire attention. Beaucoup de médicaments du quotidien, ou même de compléments alimentaires, peuvent être considérés comme produits dopants. Le site sportprotect.org permet aux sportifs de vérifier quels produits peuvent positiver un contrôle antidopage. De la même manière, des médecins du sport interviennent fréquemment dans les structures de formation auprès des jeunes pour les sensibiliser, l’automédication restant l’un des risques majeurs de dopage incontrôlé. Toubib 39 40 diagnostic Le talent aiguille d’Isabelle Bois, terre, feu, eau …. Quel est votre profil en médecine traditionnelle chinoise ? Pas de panique, Isabelle Flodrops vous dira tout après vous avoir posé quelques questions, un peu bizarres d’ailleurs, et établi un bilan énergétique en début de séance d’acupuncture. « Que mangez-vous au repas du midi ? », « Avez-vous faim, soif ? », « De quelle couleur est votre urine ? », « Montrez-moi votre langue ? » De son cabinet à Pontrieux, elle cherche d’une voix douce, parfois à peine audible, la cause profonde des maux de ses patients. Formée sur le tard après une reconversion à 50 ans, cette toute jeune praticienne soulage également son mari. STEPHANIE LAMBERT cora portais Portrait uand j’ai pris son pouls, je me suis dit mon Dieu, c’est pas possible ! » Un jour, après trois tentatives de suicide, une femme de 19 ans, lasse et à bout de souffle, vient en dernier recours dans le cabinet d’acupuncture d’Isabelle Flodrops. Son problème ? Elle confond le jour et la nuit depuis la naissance. Ça la rend folle. Tout au long d’un parcours de santé classique, la patiente consulte des spécialistes en tout genre... Sans succès. À la clinique du sommeil de Rennes, on lui prescrit même des amphétamines pour l’empêcher de dormir le jour ! Alors, Isabelle Flodrops, lors d’une première séance, pense à calmer le cœur, puis tonifie le rein. « C’est tout bête, j’ai apporté de l’eau au feu ! », dit-elle, bienveillante, comme si cela allait de soi. Dès le soir même, la femme exténuée, dormait ! La thérapeute n’en revient toujours pas elle-même d’être parvenue aussi rapidement à transformer la vie de sa patiente. Une guérison survenue dans son cabinet, ouvert il y a un an à Pontrieux, « petite cité de caractère » d’environ mille âmes. Au rez-dechaussée, sur la devanture d’une grande maison bourgeoise en granit, le panneau indique : « Ici, cabinet de médecines naturelles et acupuncture ». De l’autre côté de la rue, le clapotis du Trieux se fait discrètement entendre. Un saule pleureur, des bateaux de plaisance, français et britanniques. L’endroit est paisible, même si la rue est assez fréquentée et, ce jourlà, le ciel orageux. L’accueil est chaleureux, l’atmosphère calme et détendue, la décoration feng shui, les couleurs épurées, la musique relaxante. Partout dans la pièce, ça sent bon les huiles essentielles. Un peu cliché pour un cabinet d’acupuncture. Normal. Toubib 41 42 diagnostic « Isabelle a les yeux bleus et un tempérament de feu » L’acupuncture : la révélation Personnalité plutôt introvertie, la quinquagénaire originaire du Pas-de-Calais semble bien dans son élément. Pourtant, elle n’exerce l’acupuncture que depuis quatre ans. Son intérêt pour la médecine traditionnelle chinoise remonte à 2007, date à laquelle la médecine conventionnelle lui détecte une hypothyroïdie. Celle qui est alors assistante sociale opte d’abord pour un traitement lui imposant de prendre quotidiennement du Lévothyrox. « C’est très contraignant. Et puis moi, je n’aime pas prendre des médicaments. » Rapidement se pose la question de l’opération. Elle n’en veut pas. Isabelle Flodrops cherche une alternative et découvre, après quelques investigations sur Internet, l’acupuncture. « Je pense qu’il est fondamental d’écouter son corps qui nous envoie des messages. » Elle commence par une séance, puis deux, puis trois. Les progrès sont fulgurants, au point de faire totalement disparaître la maladie. Son expérience personnelle lui donne alors envie d’approfondir cette discipline. En dilettante pour commencer. « Depuis qu’on se connaît, elle s’intéresse à ses huiles essentielles, à ses plantes, à la médecine naturelle », témoigne Pascal Isart, son compagnon. Mais lorsque le couple emménage en Bretagne en 2012, Isabelle décide, ni une ni deux, curieuse et fonceuse, de tout remettre en question pour s’installer à son compte et soigner les autres. Déterminée, la mère de trois enfants se forme auprès de « Breizh Shiatzu », une école installée à Ploeuc-sur-Lié. « Je la soutiens car c’est tellement formidable de pouvoir faire un métier que l’on aime et se reconvertir à 50 ans », renchérit celui qui partage sa vie. Et c’est parti pour trois années d’études assez intensives, à un âge où d’autres attendent que l’heure de la retraite sonne. Peu importe. Elle y va et obtient son certificat de praticienne. Pour la jeune diplômée, c’est la révélation. Elle aurait même aimé commencer plus jeune. Mais même avec l’acupuncture, impossible de remonter le temps. Dommage. Anti-douleur contre chimiothérapie L’acupunctrice de 54 ans cerne rapidement les personnalités. Comment ? Pas de stéthoscope : elle écoute et elle observe. « Quand je travaille, je ne pense qu’à la personne. Je suis très concentrée pendant la séance, je ne parle pas beaucoup, je cherche tout ce qui peut m’aider. » Pour Frédéric Harlay, réflexologue, qui a suivi le même cursus, la femme aux cheveux blonds et au teint pâle est plutôt discrète en cours, mais très attentive à ce que dit son entourage. « Toujours à l’écoute, Isabelle partage ses expériences professionnelles, ce qui nous aide beaucoup pour notre propre pratique. C’est une personne impliquée, très généreuse et toujours disponible pour discuter. » Il arrive d’ailleurs régulièrement que son ancien « camarade de classe » lui demande des conseils. « C’est très puissant... Quand vous voyez les effets sous vos yeux, c’est vraiment incroyable » Infirmière de formation, l’acupunctrice aime son métier, ça se voit, ça s’entend, ça se ressent. Elle rassure et donne confiance. « C’est très puissant... c’est vraiment très puissant, s’étonne-t-elle toujours. Moi, je suis épatée tous les jours.... franchement ! C’est vrai, on sait s’il faut faire ci ou ça, appuyer sur tel méridien... Mais quand vous voyez les effets sous vos yeux,... c’est vraiment incroyable ! » Incroyable en effet lorsqu’on sait qu’elle soigne Pascal avec qui elle vit depuis huit ans. Cela fait trois ans qu’il est atteint d’un cancer pneumo-thoracique, déclaré seulement en février. Confiants, ils décident ensemble de combattre, avec l’acupuncture, les effets secondaires très lourds des chimio et radiothérapie. « Anti-depresseurs, anti-inflammatoires … J’ai cinq kilos de médicaments pour trois mois et je n’en ai pris aucun ! », explique l’artisan au franc-parler. Sorti de l’hôpital en mars, Pascal marche, respire, conduit, cuisine, jardine. Le pneumologue n’en revient pas. « Voila les bienfaits de ma p’tite femme chérie ! », se réjouit, avec tendresse, l’ancien militaire. Comment Isabelle voit-elle l’avenir ? « Avec plein de monde au cabinet ! », s’exclame, optimiste, la praticienne aux yeux bleus perçants. « J’aimerais aussi que les disciplines autour du bien-être se développent. » Sous son allure douce et posée, la présidente de l’association Bien-être, nature et santé en Côtes-d’Armor se bouge, et monte en avril un salon des médecines douces pour la deuxième année à Penvénan. Ensuite, retour à la formation, direction la Drôme en septembre, pour passer un diplôme national d’acupuncture. À 54 ans, sa formation ne fait que commencer. Toubib 43 44 diagnostic LA PETITE ANNONCE QUI SOULAGE « Propose pratique non conventionnelle contre stress des études, du permis ou du travail… » C’est le genre de petites annonces que les étudiants peuvent dénicher, sans le chercher. La promesse ? Des bons plans anti-stress. Pourquoi pas. Ils n’ont pas trouvé le Graal, mais un sacré bonus quand même, pour améliorer leur quotidien. , e g a n g i o m Te Linda Marteau « Le sourire vient du pied » pour Laurence, réflexologue. ensions musculaires, troubles du sommeil, comportements addictifs ou tendance à procrastiner... Ces symptômes te parlent ? Tu es tout simplement stressé. Rien de bien anormal a priori ! Pour Laurence Gregory, réflexologue de 47 ans, le stress est même inévitable dans notre société. Mais il faut bien différencier le bon stress du mauvais : « Le bon stress, c’est celui qui nous fait avancer, qui impulse le corps. Ça devient négatif quand on se sent envahi, quand on tourne en boucle dans ses problèmes, sans en sortir ». Elle propose donc des massages des pieds à Lannion. Sa pratique part du principe que « le pied est l’hologramme du corps ». Il représente tous les organes. Aussi simple qu’étonnant ! Laurence Gregory ne se considère pas « comme une magicienne ». Elle veut juste que ses patients puissent « mieux appréhender les petits soucis de la vie ». La réflexologie, c’est vraiment le pied ! Justement, le « petit » souci de la vie de Camille, 21 ans aujourd’hui, c’était d’avoir raté son bac. Elle s’apprêtait à le passer une deuxième fois quand elle a découvert la réflexologie plantaire par hasard : « J’étais avec un ami, on devait être partis chercher du tabac, quand on est tombé sur une annonce ». Une réflexologue qui rédigeait un mémoire sur « le stress avant les examens » recherchait des cobayes... « En plus c’était gratuit, alors je me suis dit ‘pourquoi pas’. » Elle se lance pour dix séances sans rien y connaître. Camille est catégorique : la réflexologie l’a complètement changée, du jour au lendemain ! « J’ai ressenti un confort, de la confiance en moi. Je pense que le changement a été assez soudain car les séances se sont faites sur un temps très court. La nuit, mon sommeil était agité. Tu sens que dans ton corps ça bouge… » Ce bon plan anti-stress, elle le refile aujourd’hui à des amis, ou même à sa mère : « Je leur conseille davantage cette pratique que de consulter un psychologue. Pour moi, l’apport a été bien plus mental que physique, bien que la réflexologie soit axée sur le toucher. » Activités extra-professionnelles Hypnose, homéopathie, acupuncture... Difficile de faire un choix parmi toutes les autres méthodes qui assurent pouvoir combattre le stress. « L’essentiel consiste à aller vers ce qui vous attire », conseille la réflexologue plantaire. « Là, il s’agit d’un soin avec une relation au physique, le toucher. Mais si vous n’aimez pas les massages… » Autant éviter ! Ces pratiques peuvent être complémentaires, comme c’est le cas de la réflexologie et de la sophrologie. Pas étonnant alors que Laurence Grégory, la réflexologue, partage son cabinet avec Brigitte Derrien, la sophrologue. Cette petite femme blonde de 57 ans rayonne d’énergie et de gaieté. Elle se marre à chaque fin de phrase. La sophrologue reçoit fréquemment des étudiants : « Il y a un pic de fréquentation lors des rentrées scolaires et au printemps pour les examens. Ils ont l’impression de ne plus rien savoir. Alors je suis là pour les préparer, un peu comme des athlètes ». Sa méthode ? Des exercices reposant sur des techniques de respiration, de visualisation où l’étudiant se « projette » dans un futur agréable, l’examen en poche ! Il s’agit de développer la conscience du corps, améliorer la capacité de concentration, de mémorisation, et favoriser la confiance en soi. Plutôt que de pratiquer une activité sportive, certains préfèrent la sophrologie collective, comme « activité extra-professionnelle ». Ainsi, tous les jeudis soirs, Brigitte propose des séances auxquelles « J’ai trouvé ça assez... Surprenant. Et en même temps, ça marche quoi ! » participent Joachim, 26 ans et Eva, 28 ans. Lorsque le couple s’installe à Lannion, il entend parler du groupe de sophrologie. Elle ignore tout de cette pratique. Lui l’a déjà testée lorsqu’il était en fac à Brest : « J’avais lu l’annonce d’une sophrologue qui lançait son cabinet. Elle proposait aux étudiants de faire un cycle de dix séances pour un prix dérisoire.» Il a profité de l’aubaine, même s’il n’avait pas vraiment de besoin particulier. Finalement, ce n’est pas pour rien que curiosité rime avec efficacité : « J’ai trouvé ça assez... comment dire ? À la fois surprenant. Et en même temps, ça marche quoi ! » Lors de la première séance, il reconnaît être passé complètement à côté... « Mais la deuxième séance, quand je suis ressorti, j’étais bien, relaxé… Je sentais vraiment l’effet bénéfique », s’enthousiasme-t-il. « À tout âge et moment de la vie » Joachim et Eva occupent aujourd’hui un poste dans la télécommunication, tout en préparant une thèse. Ils reconnaissent « être un peu en stress constant. On est encore étudiants, entre guillemets, jeunes professionnels. Un de nos principaux challenges, c’est de réussir dans la vie professionnelle ». La sophrologie leur permet d’améliorer leur quotidien, de mieux se connaître et de repérer les signaux que le corps envoie. Comme beaucoup, Eva passe ses journées assise, les yeux rivés à l’écran : « Je suis super crispée. Je ne m’en rends même pas compte. Je stresse parce que le code que je développe ne marche pas par exemple». La sophrologie l’a donc aidée à comprendre qu’elle n’est pas relaxée. « Je peux prendre le temps de m’arrêter, de me demander si je suis bien détendue. Est ce que je suis bien assise ? » La jeune femme sépare aussi plus facilement vie pro et perso : « Il m’arrivait de travailler tout le temps parce que je me mettais la pression. Maintenant, je me concentre mieux au travail du lundi au vendredi et je ne m’épuise plus le week-end ». Comme sa copine, Joachim ne jure plus que par cette pratique « 100 % naturelle, sans médicamentation. Ses effets sont bénéfiques à n’importe quel âge ou moment de la vie ». Il regrette presque de ne pas s’y être mis plus petit. Ce n’est pas Brigitte Derrien qui le contredirait : la sophrologue est déjà intervenue dans une classe maternelle ! Toubib 45 46 diagnostic diagnostic gare au gourou Phytothérapie, respirianisme, médecine mariale… Des pratiques aux noms bizarres qui, a priori, ne nous veulent que du bien. Mais ingurgiter des plantes dont même un chien ne voudrait pas, ou se nourrir de l’air ambiant, de la lumière ou de prières peut-il vraiment aider à guérir ? Entre bonnes intentions et arnaques, entre vraies thérapies et charlatanisme : en médecine alternative, les mouvements sectaires ne sont pas un mythe... ,, Enquete Soizic Meur et zoé baillet la manière de Ma sorcière bien-aimée, elle fait frétiller son nez. Marie-Line, elle aussi, est un peu magicienne. Trench jaune et mini chignon crépu, elle rayonne. Ce mercredi, à Plouha (22), elle retrouve Monique et Jean, les parents d’une petite fille qui souffre d’infirmité motrice cérébrale. Les accolades sont pleines d’affection. Normal, Marie-Line est la seule à pouvoir lui redonner le sourire. « Quand on voit que ça ne va pas fort, on sait qui appeler », remarque Monique, en tendant fièrement le premier texte écrit par sa fille grâce à la communication facilitée. C’est en 2002 que le couple découvre cette pratique venue d’Australie. Comme la kinésiologie, l’acupuncture ou l’hypnose, elle fait partie de ces médecines douces ou approches alternatives dont on raffole de plus en plus. Pourtant, elle ne fait pas l’unanimité. En 2006, le conseil général des Côtes-d’Armor et l’Agence régionale de santé proscrivaient son usage au sein d’un foyer d’accueil médicalisé pour handicapés près de Saint-Brieuc, après l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour exercice illégal de la médecine et escroquerie au préjudice de personnes particulièrement vulnérables. Monique et Jean, eux, refusent de s’en passer : « Quand vous êtes parents d’un enfant handicapé, vous êtes prêts à tout pour qu’il se sente mieux... » Légume, fœtus et inconscient La communication facilitée, voilà comment ça marche : un facilitant soutient la main du facilité, privé de parole pour qu’il puisse désigner des mots écrits, voire les écrire lui-même sur un clavier. « On n’utilise cette technique que pour les besoins du quotidien, genre ‘passe-moi le sel’ », éclaire Marie-Line. Cette mère de cinq enfants s’y est formée à Montélimar, il y a plus de quinze ans, pour échanger avec son fils, atteint de mutisme. « Au début, ce que j’obtenais était incompréhensible. Je ne m’expliquais pas que mon bébé de deux ans puisse dire ‘j’ai mal au foie’. » Précoce en SVT le môme ! Mais avec la communication facilitée, il paraît que tout le monde peut parler. Même d’anatomie... Et puis un jour, avant de partir en vacances, son enfant n’arrête pas de pleurer : « J’ai utilisé la CF. Il a écrit ‘Ma tête va exploser’. En cherchant, j’ai vu que l’arrêt d’un médicament qu’il prenait devait se faire progressivement alors que j’avais stoppé d’un coup » Effet secondaire possible : migraines… C’est la révélation. « Je n’ai plus eu le sentiment d’être une mauvaise mère. Je me suis dit peut-être qu’on a une âme, que mon fils n’est pas qu’un légume. » « Quand vous êtes parents d’un enfant handicapé, vous êtes prêts à tout pour qu’il se sente mieux... » Marie-Line garde le souvenir heureux de cette expérience avec Andréa, puis Alizée, deux de ses enfants, aujourd’hui décédés. Ils étaient atteints du même handicap. Bien dans ses bottines, elle continue d’aider les gamins des autres. Et puis tout le monde en fait, même ceux qui peuvent parler : « Au-delà de la communication facilitée, il y a la psychophanie. Un dialogue de l’inconscient à l’inconscient ». Même procédé, mais fins différentes. Ici, plus question d’aspects pratiques : « On met à jour l’âme, on dévoile des mémoires émotionnelles cristallisées dans nos cellules ». Cette ancienne ingénieure de laboratoire assure pouvoir communiquer avec les fœtus, les personnes dans le coma… Elle parle d’énergies qui se dégagent des corps, de connexions, de trucs de plus en plus abstraits, pas très cartésiens. Là, on sent que ça part vraiment loin. Notre magicienne dévoilerait-elle son côté maléfique ? « Secte » , le mot est lâché « Le vocabulaire utilisé peut en dire beaucoup sur la fiabilité d’une pratique et d’un praticien ». Les « deux Marie » sont bénévoles à l’antenne bretonne de l’Adfi, l’Association de défense des familles et de l’individu victimes de sectes. Des histoires de patients bernés par de pseudo-thérapeutes, elles en entendent à chaque permanence du mercredi après-midi, à Rennes. On vous fait croire que l’air ambiant vous nourrit (respirianisme), que vous avez été violée par un parent et que c’est pour ça que vous êtes malade (faux souvenirs induits), que le stress étudiant disparaît en se masturbant. Ce dernier conseil est celui d’un médecin finistérien, répertorié à l’Ordre des médecins. Comme 299 autres en Bretagne, il est soupçonné de soutenir un mouvement sectaire. « Secte », le mot est lâché et va revenir souvent. Frissons. Marc* est ceinture noire de karaté. En dehors des tatamis, cet « enfant du désert » comme il aime se définir, menait aussi un autre combat. Il nous avoue ne pas savoir pourquoi avoir accepté de nous répondre : « J’ai raccroché en 2006. Toute cette merde m’a valu des procès, des menaces de mort… Ça a trop affecté ma vie ». Cette merde : les mouvements sectaires. Si on se réfère à la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), ces mouvements correspondent à « un dévoiement de la liberté de pensée ou d’opinion qui porte atteinte [...] à la sécurité ou à l’intégrité des personnes », caractérisé par « la mise en ouvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, Toubib 47 48 diagnostic [...], de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, [...], avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société ». Marc et son diplôme de psychiatre ont leur propre définition : « Des métastases médico-sociales, des pieuvres qui se dispersent de manière insidieuse et sèment leurs pratiques charlatanesques ». Tout au long de sa carrière, il en a traqué des « dérapeutes », comme il les appelle. « Les mouvements sectaires contaminent toutes les institutions médicales et juridiques françaises », prévient-il. D’autres thérapeutes auto-proclamés se cachent sous des titres comme coach de vie, conseiller en relations humaines, consultant… « Ils changent de nom, ils se déplacent, relèvent Marie et Marie. Ils trouvent toujours des combines pour continuer d’exercer, même si le terme de psychothérapeute est réglementé depuis 2010. Au fond, c’est qu’une histoire de pognon. » De la petite faille à la grande manipulation Ta meuf qui te quitte, un pote qui se tue en voiture, un job qui craint, une grosse fatigue, un petit coup de mou... Une faille en fait. « La porte d’entrée parfaite pour les thérapeutes malhonnêtes, c’est justement ces moments de fragilité, précisent les deux bénévoles de l’Adfi. Et particulièrement quand ils touchent à la santé. » Au départ, c’est juste un rendez-vous comme un autre, une personne que tu vas voir, accroché à l’espoir qu’elle puisse t’aider. Tu te sens écouté, compris, tu es séduit. Alors tu y retournes et, petit à petit, ses idées deviennent les tiennes : « Il s’agit de vous détourner de tout système, de référence logique pour vous faire adhérer à un autre système, celui de la secte, détaille Marc. On vous répète ‘Si tu n’y crois pas, ça ne marchera pas’.» Alors tu y crois. « Toute cette merde m’a valu des procès, des menaces de mort... » Et là, c’est le drame, le piège se referme. « Après cette phase de séduction, on entre dans la manipulation pure et dure. » Les « deux Marie » en savent quelque chose. Chacune a connu ça au sein de sa famille. « Mon frère a disparu pendant des semaines. Il avait tout plaqué pour rejoindre la secte Moon, se rappelle l’une. Il s’en est sorti, mais difficilement. » Le retour sur Terre n’est jamais facile. Quand on te fait claquer 3.000 euros pour aller jeûner dans la jungle et avaler une mixture d’Iboga, racine qui te fera vomir par tous les trous, le tout pour arrêter de cloper, dur d’assumer de s’être fait avoir. Et, tout simplement, dur de s’en rendre compte : « Les gens manipulés ne raisonnent plus qu’à travers l’affect, ils se sentent incompris, ils se braquent, s’enferment dans leur bulle. Il est alors très difficile de leur faire ouvrir les yeux ». « L’iboga a déjà fait deux morts », se révolte Marc, qui, grâce à son acharnement, a fait classer la plante comme stupéfiant en 2007. « Montre-moi… » Retour chez Monique et Jean. La communication facilitée, qu’ils utilisent avec leur fille, n’a, elle, tué personne. Ce qui n’empêche pas Marc de nous la présenter comme « une supercherie de premier plan, comme toutes ces techniques qui ne sont pas conformes aux données actuelles de la science. Elle n’a aucune valeur, viole l’éthique et la déontologie, abuse de la vulnérabilité des familles et donne de faux espoirs ». Marie-Line trouve que trop de médecins critiquent sa thérapie sans l’avoir expérimentée - ce qui n’est pas le cas de Marc. Alors nous et notre curiosité, on a testé. Après deux bonnes heures de discussion, elle sort son clavier et un grand livre pour enfants. Là, assise à la table du séjour, elle nous demande le plus naturellement du monde l’autorisation de se brancher à notre esprit. Ainsi soit-il. En nous tendant le livre, elle nous invite à soutenir sa main. Nous voilà facilitantes, elle, facilitée. Pages 7 et 8 : une mosaïque pleine de vignettes représentant des villes. Alors qu’elle regarde ailleurs, on pense, chacune à notre tour, « Montre-moi Séoul. Montre-moi Bangkok ». À chaque fois, c’est dans le mille. Pas un son ne sort de notre bouche mais Marie-Line sait exactement quoi nous montrer. Nous sommes arrivées sceptiques, nous repartons complètement chamboulées, une bonne migraine en prime. Cartésiennes que nous sommes, nous demandons à Marc son avis sur ce qui vient de nous arriver : « Vous avez été séduites et vous ne vous êtes rendues compte de rien. Comme avec un magicien. C’est une forme de manipulation, de la suggestion hypnotique. Ces gens sont très habiles ». Apparemment, Marie-Line nous a eues… Nous pensions contrôler sa main, la situation. En fait, pas du tout. « Vous pensez vraiment que si cette technique fonctionnait on la négligerait ? Je crois plutôt que la personne qui l’a inventée aurait reçu un prix Nobel de médecine ! » Alors comment savoir : danger, pas danger ? Gourou, pas gourou ? Les « deux Marie » ont leur avis : « Tout dépend de la personne qui pratique. Avec l’acupuncture, on n’a jamais eu de plainte. Pour l’hypnose, la sophrologie, l’homéopathie, il y a des personnes compétentes, d’autres non ». Marie-Line, elle-même, reconnaît que certains vont trop loin : « L’important, c’est que le praticien ait d’abord fait un gros travail sur lui-même. Il faut être clean. » Cependant, Marc accorde que tout n’est pas à jeter : « Les médecins manquent souvent de pédagogie et oublient qu’avant de soigner, il faut savoir prendre soin. La bienveillance et l’écoute vont sortir deux fois plus vite un patient de son merdier ». Alors « la médecine alternative en complément de la médecine traditionnelle, pas de souci. Mais quand le médicament est présenté comme un poison, là, ça va trop loin ». Le point Allodocteur Pour Marc, les gourous sont malades. Ils souffrent de paraphrénie, un trouble qui produit des délires imaginatifs. Ils sont narcissiques, se pensent envoyés de Dieu ou persécutés et incompris de tous. Leur délire est si bien construit qu’il se juxtapose au réel et peut être adopté par d’autres. *prénom d’emprunt , mies Conseils da • La déco Outre les ambiances vraiment glauques style cave, rien qu’un cabinet rempli de bougies peut être un indice… • Les gros mots Des termes comme « harmonie », « vérité » ou « purification » doivent faire tilt. Les manipulateurs prétendent souvent détenir une « vérité », un « don divin » ou être investi d’une « mission ». Pas très concret tout ça, c’est souvent du vent… • Le GNOMA Le Groupement national pour l’organisation des médecines alternatives existe depuis 1950, pour regrouper les guéris- seurs de France. Ses adhérents s’engagent à respecter un code de déontologie et une charte. Trouver un praticien via leur site peut être un bon moyen de se protéger de faux thérapeutes mais vrais gourous. • L’Adfi Les Adfi sont les antennes régionales de l’Unadfi : l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes. Constitué de bénévoles, ce réseau a pour mission d’épauler celles et ceux qui ont pu être manipulés, de dénoncer les pratiques suspectes auprès de l’Ordre des médecins ou d’un tribunal, et d’informer ou prévenir. Toubib 49 50 diagnostic haut LES MAINS PEAU DE... De la tête aux pieds, ils peuvent tout soigner. Simple question de pathologie. Le job de ces « médecins » hors normes : créer le contact, rassurer, apaiser, ou transmettre des énergies... Et ce, quasi uniquement avec leurs petites mains. Un outil qui leur permet d’aller plus loin que le système de santé classique et de renouer le contact avec les patients. Ils touchent, ils ressentent, ils prient, certains jouent même de la musique. Tour d’horizon en compagnie de thérapeutes pur beurre (salé). Cora PoRTAIS, marin du couëdic Portfolio Pour se relaxer comme il faut, séance de sophrologie avec des jeunes. Toubib 51 52 diagnostic des pieds, des mains, des aiguilles En réflexologie plantaire, chaque partie du pied correspond à un organe du corps. Avant la séance, pense à te laver les pattes... Montre-moi tes mains et je te dirai ce que tu fais... Sophrologue, acupunctrice, magnétiseur ou ostéopathe, à chacun sa gestuelle. Toubib 53 54 diagnostic Des gestes, des massages, des papouilles Les mains : l’outil de travail indispensable pour la majorité des thérapeutes en soins complémentaires. Jeu de mains, jeu de médecins. A la frontière entre ostéopathie et guérison d’antan, l’étiopathie est une médecine non conventionnelle exclusivement manuelle. Le port du soutien-gorge est en option. Toubib 55 56 diagnostic Séance de magnétisme à la Thaïlandaise. Lors de ses transes, la jeune femme communique avec son jumeau spirituel, un serpent. Selon elle, l’animal lui envoie des messages, des nouvelles de sa famille et la protège. Paraît même qu’on en a un aussi... Du mystique, de la transe, des cultures Une ancienne commerciale reconvertie en magnétiseuse, c’est original. Son inspiration ? Les traditions amérindiennes. Pour communiquer avec les esprits, elle psalmodie en frappant sur ses tambours, qu’elle fabrique artisanalement. Toubib 57 Chimie ou psycho ? Cette question n’est pas celle d’un étudiant qui consulte son emploi du temps. C’est plutôt LA question qui fait débat à propos des pratiques alternatives. Depuis la création de la médecine moderne, le médicament ressemble plus à un assemblage chimique qu’aux breuvages du druide du village. Une modernité qui fait fuir certains patients, constate le Dr. Alain Dumas, dont vous allez faire la connaissance. Saoulés par les maux de ventre, vomissements ou autres effets secondaires, ils se tournent vers des pratiques plus douces, comme l’hypnose ou la sophro. Ces méthodes « old school », la médecine conventionnelle n’y est pas hostile. Le DG de l’Ordre des médecins du 35 concède même l’intégration progressive de certaines pratiques. Mais jusqu’où ? R D N 60 Ordonnance michel carsin Interview « La société en demande trop aux médecins » Médecine conventionnelle et thérapies alternatives : deux méthodes de santé considérées comme opposées. La science contre le profane ? Pas si sûr. Aujourd’hui, les médecins n’ont plus de complexe à se former à l’hypnose ou à l’acupuncture. Et de plus en plus d’hôpitaux proposent des consultations en soins complémentaires. Les thérapies douces auraient-elles finalement leur place dans le temple de la « médecine sérieuse » ? En France, c’est à l’Ordre des médecins de trancher. Éclairage avec le docteur Michel Carsin, secrétaire général du Conseil de l’Ordre des médecins en Ille-et-Vilaine. marin du couËdic Quelle est la mission de l’Ordre des médecins ? D’où l’attrait pour des thérapeutes, en complément du médecin ? Les Ordres sont inscrits dans le code de santé et dépendent de l’État. Ils sont garants de la qualité des soins des 300 000 médecins qui exercent en France. Notre mission principale, c’est la vérification de la déontologie dans la profession : chaque médecin fait-il correctement son travail ? Si un patient vient se plaindre, on met en place une démarche qui peut mener à un jugement. Les sanctions vont de l’avertissement à la radiation. Notre rôle, c’est aussi de vérifier si les gens qui se disent médecin le sont effectivement. Par exemple, pour poser sa plaque à Rennes, il faut préalablement nous montrer ses diplômes. Si l’on repère une anomalie, on peut mettre en place une instruction pour exercice illégal de la médecine. Oui, mais l’Ordre des médecins n’est pas contre ces pratiques douces. C’est simplement du commerce. Les gens veulent qu’on les écoute, ce que font les thérapeutes. En plus, ces soins sont remboursés par beaucoup de mutuelles aujourd’hui. C’est attractif pour les patients, en complément ou en alternative aux médecins. Les naturopathes, étiopathes, chiropracteurs... toutes ces appellations ne sont pas officielles mais tolérées, reconnues, et même organisées par l’État. Il y a des formations publiques ou privées, en Bretagne notamment, ouvertes à n’importe qui. De manière générale, la médecine alternative est-elle intégrée au système de santé ? Déjà, je n’appellerai pas cela des « médecines alternatives ». Ce sont plutôt des techniques de soins non médicamenteuse. Ça n’empêche pas ces pratiques de fonctionner sous certaines conditions. L’hypnose a pu être critiquée mais on s’est aperçu petit à petit que cette méthode a des vertus. Et on l’a intégrée à l’hôpital et en libéral. Sous réserve que le médecin ait suivi une formation évidemment. En fait, pour admettre de telles pratiques dans le système de santé, il faut des preuves scientifiques. La médecine est un domaine terre à terre. Avant validation, il faut une vérification rigoureuse. C’est un processus qui peut prendre du temps. Les théories d’un jour ne sont pas forcément les théories du lendemain. Peut être qu’un jour, dans certaines conditions, on s’apercevra par exemple que le cannabis peut être bénéfique, et l’intégrer aux soins. La Bretagne est-elle une terre propice aux soins alternatifs ? Je dirais que oui. La Bretagne, sur le plan pathologique, fait face à un fort taux de suicide. La population connaît aussi de graves problèmes d’alcool. Il y a un mal-être. C’est une région assez isolée et les gens veulent se soigner. A partir de là, quand les médecins ne répondent pas présent, on s’adresse à d’autres personnes. Des thérapeutes, des guérisseurs, etc. On ne peut pas empêcher les gens d’aller voir qui ils ont envie. On a l’impression que la population recherche du lien social dans une médecine qui reste une science dure. Faut-il une médecine plus affective ? C’est la société qui évolue. Autrefois, on suivait les prescriptions du médecin de famille, et il y avait le curé du village qui soignait les maux. Aujourd’hui, les gens veulent du dialogue, un maximum de prise en charge. Le schéma ordinaire de la médecine peut être un peu frustrant. La consultation, dont le temps est court, n’a pas vocation à traiter tous les problèmes. La médecine n’a pas réponse à tout. On n’a pas forcément le pourquoi, le comment et la réponse thérapeutique. Si l’on veut du dialogue, du temps long, il vaut mieux se tourner vers un psychiatre. Il y a aussi Internet qui a changé la donne. Pour certains, un simple mal de tête devient une rupture d’anévrisme. Les patients veulent de l’efficacité et en même temps quelqu’un qui soit gentil, qui rassure. Mais on ne peut pas obliger les médecins à une prise en charge affective. La société en demande trop aux médecins. Comment apporter des soins complémentaires fiables à cette population qui en est demandeuse ? C’est à l’État d’en décider. Il faudrait que les pouvoirs publics aient le courage d’intégrer officiellement ces pratiques dans le système de santé. Les thérapeutes bénéficient d’une formation encadrée. Par contre, une fois formés, c’est le flou sur leur pratique. Il n’y a aucune vérification. Il faudrait voir des cours d’étiopathie ou de phytothérapie dans les facultés de médecine. Le problème, c’est que l’on va vers l’opposé : moins de prise en charge et moins de médecins. Toubib 61 LE RÊVE ÉVEILLÉ Bizarre... Vous avez dit bizarre ? Comme c’est étrange. Rêve, vous avez dit rêve ? Ce n’est pas vraiment un rêve. Allons faire un tour à Douarnenez. Lieu du rendez-vous ? L’hôpital de la ville. L’un des seuls en France à accepter une discipline qui laisse songeur. Cet après-midi, séance spéciale avec un étudiant qui souffre d’anxiété. Laissez vous faire, détendez vous et respirez profondément. Les yeux fermés, on vous raconte... Reportage cora portais Marin du couëdic 64 Ordonnance V alentin, étudiant, a rendez-vous à l’hôpital de Douarnenez. Une fois passée la porte d’entrée, il s’engage dans un univers bien connu : hall de réception, services par étages, longs couloirs, alignement de portes, murs blancs, odeur aseptisée.... Bref, un hôpital comme les autres. Juste un peu vide… très vide en fait. En y regardant de plus près, une banderole sur un pan de mur attire son regard. L’hôpital est en grève : pourtant des malades à Douarnenez, il y en a ! Mais, petit à petit, ils vont faire des bornes jusqu’à Quimper pour être soignés. Ici, des services ferment... tandis que d’autres, plus particuliers, ouvrent. Dans cet hôpital, l’hypnose est exercée depuis 2012, grâce à la volonté d’un homme. Ça tombe bien, c’est lui que Valentin est venu rencontrer. À l’étage inférieur de l’établissement se trouve la salle de consultation du docteur Garandeau. Pièce sobre, blanche, pas bien grande. Bienvenue au pays de l’hypnose. Olivier Garandeau, orthopédiste, médecin généraliste et urgentiste, n’a rien d’un magicien. Pas d’assistant et pas de baguette magique. Aucun spectateur, donc pas d’applaudissements. C’est le silence. Entre ces quatre murs, seuls résident les fantômes de tous les patients déjà passés par là... Le médecin accueille le jeune homme stressé par ses études. Il s’adresse à lui : « Avec mes patients, on choisit ou non le vouvoiement. Le fait de se vouvoyer ça vous va ? ». Visiblement oui. Pour plus de confort, le praticien lui offre son fauteuil. Une fois les places échangées et Valentin assis, bien détendu, la séance démarre… Échange, transe et coin cosy Olivier, c’est donc le docteur, l’hypnotiseur. Il a 37 ans. Valentin, c’est le patient, l’étudiant cobaye. Il a 22 ans. Qu’est-ce qui relie ces deux hommes ? Pas grand-chose. Pourtant, un lien va être créé. Olivier communique mais n’impose pas. Il précise : « Je considère tous mes patients comme mes enfants. Vous ! Vous pourriez être mon petit frère ». Dès l’instant où le médecin ouvre la bouche, on se surprend à se demander s’il hypnotise déjà. Mais c’est quoi cette histoire d’hypnose ? De l’échange, du dialogue, de la confiance, de l’acceptation ? Pas de gémissements, pas d’yeux écarquillés, ni de grands délires. Selon Milton Erickson, « c’est une relation pleine de vie qui a lieu dans une personne et qui est suscitée par la chaleur d’une autre personne ». Ce bon vieux Milton avait beau être psychiatre, il avait quand même raison. L’hypnose est ancrée dans notre quotidien. Et d’ailleurs, si on en croit le précurseur de cette pratique, on hypnotise sans en avoir conscience... Et là, ça fait peur. Olivier rassure. C’est un exercice, un sport, « plus on s’entraîne, plus on s’y habitue ». Ça y est, Valentin est hypnotisé. Pas d’yeux écarquillés, pas de gémissements, ni de grands délires. Non. Paupières fermées et corps immobile. Il est ailleurs. Et petit à petit, il entre dans un état étrange. Entre la conscience et l’inconscience. Petit à petit, il entre dans une transe légère et les premiers signes se manifestent. Il dort ? Mais non ! C’est son attention qui se focalise. « C’est vrai que, pour le commun des mortels, l’effet d’hypnose est très, très subtil, mais pas imperceptible », souligne le médecin. Assis face à l’étudiant, il immite sa posture et le rejoint dans son état, en gardant toujours le contrôle. Le regard rivé sur lui, c’est en parlant lentement, distinctement, qu’il l’emmène vers un ancrage, lieu de bien-être enfoui. Au cours de sa séance, on voit les paupières fermées de Valentin frémir. Il commence à avoir chaud. Il le dit. Assis sur son fauteuil, paralysé, il s’agite de temps à autre. Il ouvre les yeux, puis les referme. Il part chez sa grand-mère, près de la cheminée, dans un endroit « chaud et cosy ». Là, il évacue tout son stress. Serein. Puis, doucement, « revient » dans la petite pièce de l’hôpital. Spécialiste du mal Le docteur Garandeau veut votre bien, mais au bout du compte c’est un spécialiste du mal. « Il n’y a pas un seul centre de la douleur, plusieurs zones existent : les zones affective, sensorielle et celle en lien avec les phénomènes de mémoire. Le tout se mélange. C’est très complexe. » Oui c’est compliqué... mais finalement, on comprend qu’il n’y a pas qu’une seule perception de la douleur. Olivier connaît bien cette dernière, et pour lui, l’hypnose permet de l’atténuer. « Avec la méthode ericksonienne, on va travailler sur les ressources des gens. » Mais avant tout, le médecin reste cartésien et méthodique. Point de salut en dehors de la trilogie : bilan généraliste, examen clinique, diagnostic orienté. « C’est la base de la médecine quoi, faut pas l’oublier. » L’hypnotiseur évoque une de ses ex-patientes. « Elle va super bien maintenant. J’ai considéré qu’elle était guérie quand elle m’a dit : j’ai mal mais ça c’est normal. » Alors oui, l’hypnose peut soigner la douleur, mais pas nécessairement l’abolir. Dans ce domaine, l’hypnose ericksonienne a une concurrente : la psychanalyse. Deux disciplines mal-aimées de la médecine traditionnelle. Parce qu’elles sont en dehors des explications « raisonnables », exclues de la prétendue rationalité classique de la médecine. À part. Pourtant, leur finalité diffère. Contrairement à la psychanalyse, l’hypnose ne cherche pas à découvrir l’origine du mal. C’est avec une métaphore que notre médecin breton explique sa démarche : « Quand il y a un incendie, mon job n’est pas d’en connaître la cause. Je me concentre sur les dégâts. J’essaye de les limiter et d’éteindre les flammes ». Pour lui, l’hypnose n’est pas un don. « On en fait tout le temps en fait. On s’y forme à force d’entraînement. » «O» comme Olivier. « Dessin en état normal et dessin en état de transe » Dix minutes de break pour un café. Valentin laisse Olivier seul dans la salle, puis revient. Le médecin lui annonce qu’il vient de s’auto-hypnotiser pendant son absence. Durant cette courte phase, il a griffonné deux portraits : « Ça, c’est un dessin en état normal et ça, c’est un dessin en état de transe, de conscience modifiée. » Et là… bizarre, bizarre, on reconnaît le même homme sur les deux papiers. Quelle différence ? En état de transe, le dessin présente peu de détails. C’est un peu plus brut, un peu moins réfléchi, mais plus vivant. Grâce à l’hypnose partielle le docteur dit « partir loin » (comme avec un bon spliff ?). Revenu de son bref voyage, il ajoute : « Le dessin, ça permet d’être concentré et de créer quelque chose. On peut faire l’exercice avec l’écriture aussi. » Question de concentration. Il n’y a pas d’explication au dessin. « Certains veulent chercher un sens, mais ce n’est pas ce qui m’intéresse. Tenez, je vais vous raconter une histoire : j’avais une patiente qui souffrait d’une douleur au niveau du pied depuis bientôt quatorze ans. Elle restait bloquée là-dedans. En discutant avec elle, j’ai cherché ses canaux sensoriels : le visuel, le toucher, l’ouïe, etc. » Avec tout ce qu’elle lui décrit, Olivier prend conscience du potentiel d’imagination de sa patiente. « Je lui ai demandé : Mais vous dessinez ? Vous aimez ça ? Si vous voulez, je vous apprends. Parlez-moi de votre pied, dessinez-moi ce que vous ressentez. » Avec des dessins automatiques, il a créé un état de conscience modifiée. « Représentez-moi ce qui vous bloque ». Elle trace une espèce de cow-boy. « Regardez son dessin. Elle était en état de transe. Elle a dessiné au bout des bras du cow-boy des petits moignons noirs. » Olivier ne cherche pas de signification. Donc, n’en cherchez pas non plus. Sa seule mission : permettre à la patiente d’extérioriser la douleur de son pied. « Ensuite, elle pourra reproduire l’exercice, seule. » Après une longue observation du cow-boy, il conclut : « C’est très étrange les dessins en conscience modifiée. » On n’osait pas le dire… La boîte-miroir et le pied fantôme Olivier Garandeau nous parle d'une technique alternative d'hypnose employée dans la série Grey’s Anatomy : un miroir. « On est bien en retard sur nos confrères d’Amérique du Nord », sourit-il. Mais elle sert à quoi cette méthode? Masquer un pied fantôme… Pas de panique, on vous explique. Son outil est original : une boîte avec un miroir sur la face extérieure. Pour comprendre son utilité, imaginez deux secondes : vous sortez de faire les courses, chargé à bloc. Il pleut. Sur le parking, une voiture roule sur votre pied (le gauche par exemple). Elle le fait si bien qu’il ressemble à une palme. Vous hurlez de douleur... Pleurer un bon coup et gueuler sur l’automobiliste le cas échéant ne changent rien au problème : vous ne pouvez plus marcher. Une brave personne (car il en reste dans cette histoire) vous accompagne à l’hôpital. C’est là qu’Olivier, urgentiste de formation intervient. Ce qu’il veut ? La même chose que vous : anéantir la douleur. Sa solution ? La fameuse boîte-miroir. C’est simple : vous placez votre palme dans la boîte. Cachez bien le membre surtout. Votre autre pied (indemne), va se refléter dans le miroir. Alors, assis ou allongé, vous verrez vos deux jambes identiques et en bonne santé. C’est à ce moment précis qu’Olivier règle votre douleur, sur commande. Votre corps et votre esprit ne sont plus entièrement souffrance. Il y a dissociation : d’un côté, votre pied, de l’autre, le reste de votre corps. Amputés, vous pouvez aussi utiliser la boîte ! Sachez que notre médecin breton l’aime bien. Il la garde précieusement dans un placard de sa salle. Mais les pieds ne sont plus dedans. Fin de la séance. Valentin repart léger : « J’ai l’impression que l’hypnose relève plus de l’intense concentration, du laisser-aller, que d’une transe chamanique ou un truc du genre ». Il résume ce qu’il vient de vivre par « un rêve éveillé ». Le docteur Garandeau le raccompagne jusqu’au parking de l’hôpital. En sortant, on brûle d’interroger davantage Valentin. Mais le médecin le préserve de l’avalanche de questions: « Faut pas secouer la gelée ! » Ok, aucune bousculade donc. En guise d’au revoir, le docteur glisse : « En fait l’hypnose, c’est pas le bon mot... » Toubib 65 66 Ordonnance ALLEZ VIENS, ON EST BIEN ! Petit à petit, elle tisse sa toile, fait l’objet de sensibilisation dans les centres hospitaliers mais laisse toujours de marbre une partie des professionnels de la santé. La sophrologie s’immisce de plus en plus dans l’univers médical, dans la mouvance du bien-être et de la relaxation. Une petite dernière qui creuse son sillon. Enquete aurélien lelièvre cora portais ophrologie ? Connaît pas ! Et pourtant... Sans que vous ne le sachiez, vous avez déjà peut-être participé à des séances d’initiation à cette pratique, en spectateur, à l’insu de votre plein gré, bien au chaud dans le ventre de votre mère. Depuis une trentaine d’années, une grande partie des maternités françaises propose des initiations à la sophrologie pour les femmes enceintes. Anne Maréchal est sage-femme au centre hospitalier de Lannion-Trestel : « Dans toutes les maternités, c’est une discipline qui a pris de l’ampleur, elle s’est développée à la demande des sages-femmes et certainement des patientes ». Mais cela n’empêche pas la sophrologie de se retrouver du côté obscur des médecines alternatives selon la Miviludes. En 2012, le gendarme des sectes a publié un guide intitulé « Santé et dérives sectaires ». Dans la liste des 40 spécialités pouvant être une porte d’entrée vers des dérives sectaires selon la Miviludes, la sophrologie se retrouve aux côtés de l’amaroli (traitement du cancer par ingestion de sa propre urine) ou de l’ozonothérapie (introduction d’ozone par le rectum. Cette «technique» vient en complément de l’irrigation du côlon). L’une des raisons de ce classement peu flatteur est peut-être à chercher dans l’histoire de la sophrologie. Dans le monde des médecines alternative, la sophrologie passe pour un nourrisson aux côtés de certaines disciplines comme l’acupuncture et ses 5 000 ans d’histoire. Créée au début des années 1960, elle a été façonnée par un Colombien, Alfonso Caycedo. Formé à Madrid et ressorti docteur en médecine et chirurgie, mais aussi en neuropsychiatrie, il n’est pas parti d’une feuille blanche, recoupant d’autres techniques pour mettre au point la sienne. Enora Denis (photo ci-contre) est sophrologue, à Vannes. « Historiquement, le fondateur de la sophrologie, le docteur Caycedo, s’est inspiré de plein de techniques différentes, des techniques orientales (yoga, zen) qu’il a adaptée au monde occidental. Il peut y avoir des passerelles mais la sophrologie se suffit à elle-même comme technique. » Sa technique s’appuie sur quatre degrés de conscience qui sont atteints au fur et à mesure des séances. Ne mesurant pas le succès de la technique qu’il inventa, le docteur Caycedo la vit se développer en dehors de ses sentiers battus. Et n’ayant pas prit la peine de protéger le mot «sophrologie», celui-ci se retrouva accolé à nombre de formations. Trouvant la chose peu portée sur ses fonts baptismaux, le Colombien décida de créer une nouvelle chapelle avec la « sophrologie caycédienne », rajoutant deux niveaux de quatre degrés chacun (portant le nombre à douze), avec cette fois-ci une protection du terme Enora Denis, sophrologue à Vannes et formatrice à l’Institut de Sophrologie de Rennes . Toubib 67 68 Ordonnance auprès de l’Organisme mondial des propriétés intellectuelles et droits d’auteurs. Une vingtaine d’années après, la sophrologie s’immisçait déjà dans les centres hospitaliers, notamment en france. Anne Maréchal a vécu l’arrivée de la sophrologie dans l’accompagnement des grossesses. « Ça a été un petit peu une mouvance dans les années 80. Dans beaucoup de maternités françaises, il y a eu une proposition de préparer les femmes enceintes à la naissance par méthode de sophrologie. Ca leur permet de profiter des petits moments de répit, certaines femmes ensuite l’utilisent le soir, car ça les soulage des insomnies. Ça leur permet aussi de moins appréhender certains examens et de moins stresser le moment de la naissance ». Mais elle prévient : « Ce n’est pas miraculeux, ça ne marche pas à chaque fois. La condition est qu’elles soient perméables, ils faut qu’elles adhèrent à la méthode ». L’envie d’avoir envie La porte d’entrée vers la sophrologie est simple, il faut y mettre du sien. Parole de professionnelle. Enora Denis est sophrologue à Vannes et formatrice à l’Institut de Sophrologie de Rennes, « Ça fait appel à notre propre expérience. On travaille sur la globalité, sur les corps et l’esprit, avec des techniques corporelles comme des stimulations, avec un travail sur la respiration, sur les niveaux de consciences pour une meilleure gestion de la vie de tous les jours. Donc, on apprend à libérer les tensions inutiles, on apprend à gérer un événement à venir difficile qui peut être source de stress ou d’angoisse ». Vu comme ça, la sophrologie ne va pas vous aider à guérir d’un cancer en phase terminale, mais elle peut vous aider à faire face à la vie de tous les jours, à tous les tracas, petits ou gros, qui peuvent venir nous pourrir la vie. « Il y a deux formules en sophro : soit vous allez choisir la formule de groupe, soit on choisit la formule individuelle. Quand on choisit la formule de groupe, on se rend compte que, dans une même séance, alors que nous stimulons nos outils corporels, on se met en mouvement chacun chacune, on peut avoir des expériences complètement différentes, donc on est vraiment dans cette idée de s’affirmer davantage dans notre individualité ». Des formules qui ne plaisent pas à tout le monde, n’y voyant là aucun intérêt. À ceux qui la comparent à une méthode Coué, le chéquier à sortir en plus, la spécialité se heurte aux tenants des preuves scienti- « Détendez-vous, on est bien bien bien » fiques sonnantes et trébuchantes. Alors que dans certaines universités, elle fait l’objet de formation, comme à Lille 2 qui en propose un diplôme universitaire, dans d’autres, sa simple évocation ne passe pas. Nolwenn, étudiante en psychologie à Brest, ne dit pas autre chose : « Ils nous l’ont fait comprendre, ils ne l’ont pas dit explicitement. Mais en gros pour eux, ce n’est pas une méthode qui a eu des résultats positifs prouvée scientifiquement, donc qui n’a pour nos profs aucun intérêt. La sophrologie est un domaine auquel ils n’adhèrent pas du tout ». Mais tout professeurs des universités qu’ils sont, ils ne peuvent aller contre les envies et projets de leurs étudiants. « Lorsque j’aurai assez d’expérience, j’aimerais travailler en libéral et soigner mes patients avec de la sophrologie. » « Il peut y avoir des passerelles, mais la sophrologie se suffit à elle-même comme technique » En haut de l’affiche Des envies qui parfois se concrétisent à l’Institut de Sophrologie de Rennes. Crée en 1981, niché dans la campagne rennaise, à GuipryMessac, il voit passer entre ses murs les futurs sophrologues que vous retrouverez peut-être un jour sur votre chemin. Auparavant, la plupart des personnes suivant la formation « étaient des gens en reconversion professionnelle. Désormais, il y en a qui démarrent la formation comme un nouveau métier et qui donc du coup ont 22/23 ans », dixit Enora Denis. Une formation qui se veut ouverte et professionnelle. « Ce qui est vraiment important lorsque l’on souhaite devenir sophrologue, c’est de regarder la durée de la formation, les heures de présentiel en formation, le travail demandé, s’il y a des évaluations ou pas. C’est hyper important et même du bon sens de s’intéresser à la qualité de la formation. Aujourd’hui, vous avez des formations en six mois par exemple, ce qui me semble completement aberrant. » Car tout n’est pas harmonisé dans le monde de la sophrologie, chacun pouvant se dire sophrologue et avoir pignon sur rue. « La sophrologie ça demande beaucoup de pratiques, de répéter, de travailler sur ce principe de répétition qui permet d’aller tranquillement vers un usage, un changement. C’est à dire que pour transmettre à l’autre, il faut que l’on passe par soi, ça demande un sacré travail sur sa personne, en six mois on a peut-être le temps d’apprendre des choses mais pas d’intégrer toute une méthode, c’est impossible. Nous ici, la formation dure deux ans et demi, ce n’est pas l’idéal non plus mais déjà ça laisse un peu plus de temps ». 50 ans après sa création, la sophrologie se taille déjà une belle part de notoriété dans le roster des techniques non reconnues par l’Ordre des médecins. Selon un sondage commandé par la Chambre syndicale de sophrologie en mai 2014, 91% des français en ont déjà entendu parler, quand 52% savent de quoi il en retourne. En plus de cette reconnaissance médiatique, vient celle des institutions. Depuis 2013, la sophrologie est inscrite au Registre national des certification professionelles. Rien de bien médical dans ce registre, mais une reconnaissance des formations en sophrologie et du travail effectué par les formateurs, dont Enora Denis fait partie. « Cette reconnaissance là, elle est intéressante. Ça a été long et ça assure à la sophrologie une reconnaissance, donc c’est quelque chose qui est vraiment important pour nous, et une validation aussi de ce que l’on fait. Avec cette inscription au RNCP, ça ne change pas grand chose pour nous, pour les personnes qui sont en libéral. Par contre pour les personnes qui sont salariées, ça assure un niveau bac+2, donc du coup une meilleure rémunération .» En commencant avant le berceau, la sophrologie s’installe de plus en plus dans le monde de la santé, même s’il y aura toujours une frontière entre les deux, qui est déjà sémantique. Pour Enora Denis, « les personnes que l’on reçoit, nous les appelons clients parce que nous ne sommes pas médecins, sinon ça serait patient ». Et aussi sur les finalités de la technique « On ne va pas se leurrer, ça ne remplace pas une antalgie ni une péridurale pour beaucoup de femmes » selon Anne Maréchal. Mais ça peut aider à y arriver avec le sourire... La préparation à l’accouchement, c’est maintenant. Toubib 69 70 Ordonnance ALAIN DUMAS Interview « En médecine, on est formatés jusqu’à 40 ans » Passer 25 ans comme médecin opérationnel dans l’Armée de l’air, notamment au côté de soldats qui travaillaient sur les premiers essais nucléaires. Se convertir à l’homéopathie, une raquette de tennis à la main. Passer une palanquée de diplômes, à partir de 50 ans. Continuer d’exercer à Saint-Brieuc, à l’âge de 71 ans. Le plus intrigant dans l’histoire du frère de Mireille Dumas, c’est qu’il a été attaqué à plusieurs reprises par l’Ordre des médecins, au sujet de traitements non conventionnels. Pour finalement obtenir une jurisprudence favorable. LUDOVIC AURegan cora portais lain Dumas, la médecine c’est votre vocation ? Peut-être une vocation inconsciente. J’ai perdu mon père à l’âge de 12 ans. Il est mort d’une sclérose en plaques et d’une erreur médicale basique. Je suis issu d’une famille de six enfants. On était élevé par notre mère qui était institutrice. Elle n’avait pas les moyens de me payer des études de médecine. J’y suis allé presque par hasard : j’avais un ami qui voulait passer le concours de médecine militaire, l’idée me plaisait bien, car les études étaient prises en charge par l’armée. J’y ai fait une carrière de 25 ans. Médecin dans l’armée à généraliste pratiquant des spécialités traditionnelles dans le privé, c’est un grand écart... J’ai été médecin de l’Armée de l’air, des expéditions polaires dans l’Antarctique français, de l’École de l’air, des forces aériennes stratégiques et du centre d’expérimentation atomique du Pacifique. En Afrique, j’ai également été médecin chef de l’Armée de l’air à Djibouti et pilote de brousse. J’ai terminé ma carrière militaire comme médecin-chef du personnel à l’hôpital du Val-de-Grâce. Après, j’avais la possibilité de continuer une carrière militaire qui m’aurait amené à faire un beau général. Mais il fallait dire adieu à la médecine pour passer à une carrière administrative. Comme j’étais trop passionné de médecine, j’ai donné ma démission, pris ma retraite et je me suis installé dans le privé, en 1990, à Saint-Brieuc. Ensuite, j’ai passé d’autres diplômes : homéopathie, immunopathologie, acupuncture, ainsi qu’un diplôme universitaire de cancérologie il y a plus de 30 ans avec le Pr. Lucien Israël, qui était un grand maître (au point d’avoir une page Wikipédia, NDLR). Et j’ai aussi des compétences en phytothérapie et en nutrition. Ce qui me donne une approche complémentaire sur les autres volets de la médecine : le volet classique et la médecine disons plus traditionnelle. Cette envie de vous orienter vers des médecines traditionnelles, c’est par soif de diplômes ? C’est à cause de tous les effets secondaires toxiques des médicaments. J’y ai été confronté très tôt, notamment quand j’étais en milieu hospitalier. Et puis après, dans le privé, c’était pareil. Il y a eu suffisamment de scandales qui m’ont interpellé. Le premier, c’est le Distilbène, prescrit pour des femmes enceintes, qui a occasionné beaucoup de cancers, de stérilités, de malformations congénitales, etc. Et c’est encore vrai trois générations après. Ensuite, il y a eu le sang contaminé par l’hépatite C et le Sida : on a quand même eu 200 000 personnes contaminées et des milliers de morts. Et c’est nous, le milieu médical, qui sommes responsables : on a été un peu légers... Après, il y a eu le problème de l’hormone de croissance et de la « vache folle ». Puis le Viox, qui a reçu en 2002 le prix Medec du meilleur médicament de l’année, avant qu’il ne soit enlevé de la circulation quelques années plus tard pour effets indésirables graves (plusieurs milliers de morts répertoriés aux Etats-Unis et en Europe). Plus récemment, vous avez l’affaire du Mediator qui est plus connue... Le point commun, c’est qu’il y a toujours un problème d’autorisation de mise sur le marché (AMM) qui est trop rapide. La plupart des exemples que vous donnez sont plutôt récents. Or votre démarche remonte à une vingtaine d’années. Il y avait d’autres motivations ? Traiter les gens de façon moins agressive. Ne serait-ce que pour une infection ORL, ou pour une angine, on donne des antibiotiques. À un moment, tout le monde se souvient du message de prévention du ministère disant que « les antibiotiques, c’est pas automatique ». On s’est rendu compte qu’on en prescrivait trop. Ce n’est pas anodin un antibiotique. Ça peut donner des effets secondaires au niveau de l’intestin, des réactions allergiques, etc. Neuf fois sur dix, Toubib 71 72 Ordonnance une angine peut être traitée en homéopathie ou en phytothérapie. Et sans risque d’effets secondaires. C’est là où votre démarche est différente de la médecine classique ? Dans la médecine classique, pour une même maladie, on va systématiquement prescrire le même médicament. Quand les gens ont de petits problèmes psychologiques, le médecin n’a plus tellement le temps. Au lieu de passer trois-quarts d’heure à creuser, trouver les causes, essayer de voir comment on peut aborder le problème, par exemple, la facilité c’est de prescrire des antidépresseurs. C’est une médecine de maladie, vous traitez une maladie, pas un malade. C’est efficace, mais il y a des effets secondaires qui sont quand même importants. Moi, si j’ai une dépression grave, je vais envoyer le patient chez un psychiatre. Si j’ai une dépression ordinaire, je vais la prendre en charge en homéopathie, en phytothérapie et en psychothérapie. Si vous ne prenez pas en charge les causes, il n’y a pas m’intéresse pas ». Et puis une fois, on va jouer au tennis. J’avais une contracture du mollet : je m’étais fait une injection. J’étais allé voir le kiné qui avait fait ce qu’il avait pu. Je lui ai dit : « Je ne pourrais pas jouer, j’ai mal au mollet ». Avant de partir, il me donne cinq granules d’arnica. Un grand classique de la contracture. Une demi-heure de voiture et on arrive au terrain de tennis. Je descends : plus rien. Je me suis dit : « C’est quand même étonnant ». Une autre fois, j’avais une crampe et il me dit : « Tiens, prend du cuprum », un remède homéopathique. Alors, on dit que l’homéopathie ça n’agit pas vite, mais dans les quinze secondes, la crampe a disparu. Entre nous, l’homéopathie c’est pourtant du placebo ? C’est en tout cas ce que disent beaucoup de médecins… La médecine, c’est de la chimie : vous donnez à l’organisme une information qui lui permet de s’auto-guérir. Or, dans les petits tubes d’homéopathies, il n’y a quasiment plus de molécules, d’assemblage chimique : c’est une substance fortement diluée qui cherche à « L’effet placebo, c’est la plus belle guérison qui puisse arriver. » de redressement de terrain, donc la personne risque de se retrouver sous traitement à vie. Les symptômes ne demandent qu’à réapparaître. C’est la cause qu’il faut traiter. À quel moment de votre carrière avez-vous pris conscience de ces choses-là ? Après 50 ans. En médecine, on est formatés jusqu’à 40 ans. Complètement formatés. Et puis après, quand vous voyez ce qui se passe, vous avez des échecs thérapeutiques, vous voyez les effets secondaires des médicaments. Si vous avez un peu l’esprit éveillé, vous commencez à vous poser des questions. Ou alors, si vous êtes timorés, vous préférez ne pas vous en poser. Mais c’est terrible ! Or, la plupart des médecins n’osent pas se remettre en question. Il faut avoir une bonne dose d’inconscience et de courage pour le faire. Le fait de parler d’homéopathie fait grimper plein de gens aux arbres. Et ils disent « ce sont des charlatans ». En France, il y a des médecins qui disent que 30 000 de leurs confrères sont des charlatans, ça pose question quand même. Pourquoi avoir choisi de vous spécialiser dans l’homéopathie ? Un jour, un ami qui était homéopathe m’a dit : « Tu devrais venir étudier l’homéopathie ». J’avais 45 ans et je lui ai répondu : « Tu rigoles avec tes petites granules ». Et pourtant, j’étais déjà acupuncteur. Je lui ai rétorqué : « Ça ne peut pas marcher ». C’était le discours que j’avais reçu, j’étais encore à moitié formaté. Il insiste deux fois et je lui dit : « Non, ça ne stimuler les réactions de défense de l’organisme. C’est une action physique qui se passe. Alors oui, les détracteurs vont dire : « Oui, mais c’est un effet placebo ». Seulement, si le placebo en homéopathie donne 50% de résultat, moi je dis vive l’effet placebo, développons l’effet placebo. C’est la plus belle guérison qui puisse arriver. Vous prenez quelque chose, il n’y a rien dedans et en fait, vous guérissez. C’est l’organisme qui s’auto-guérit, sans intervention chimique. L’homéopathie, c’est ce but-là : se donner les moyens de s’auto-guérir. Ce que je préconise, c’est de toujours démarrer avec des médecines simples – l’homéopathie, la phytothérapie, la nutrition – et de se diriger vers des médecines plus agressives en cas de maladie grave. Vous avez été au bout de votre démarche en matière de médecine complémentaire, ce qui vous a valu d’être traduit devant le Conseil national de l’Ordre des médecins pour la prescription de thérapeutiques non éprouvées. Comment s’est passée la procédure ? J’ai eu quatre procès. À chaque fois, le Conseil national de l’Ordre a cassé les jugements régionaux qui me condamnaient. La dernière fois, ça valait quand même « son pesant de moutarde ». J’ai été condamné par le Conseil de l’Ordre national à un mois d’interdiction d’exercer la médecine. C’était très, très vicieux : d’une bassesse inimaginable. Cette condamnation était prononcée en juin, pour avoir effet le 1er septembre. J’avais décidé de faire appel auprès du Conseil d’État. Problème : l’été = vacances judiciaires. Ma plainte n’a donc été reçue qu’en septembre, alors que j’étais en train de peindre mes garages puisque j’étais au chômage technique. Au moins, ce mois où j’ai dû fermer mon cabinet m’aura permis de ne pas payer le peintre ! Et comme mon dossier était suffisamment étoffé, il a cassé le jugement du Conseil de l’Ordre. Je suis repassé devant le Conseil national, ce qui a abouti à une jurisprudence qui est utilisable par tous les médecins (lire ci-contre). Bien qu’ayant gagné mon procès, s’agissant d’un tribunal administratif, j’ai dû assumer et les frais de procédure et l’absence de réparation du préjudice... C’est une période où l’on réfléchi beaucoup sur ses pratiques ? Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Si je n’avais pas été médecin dans l’armée, ce qui donne l’habitude de la bagarre, et si je n’avais pas été secondé de façon indéfectible par mon épouse, et ben je ne serais pas allé au bout. Le nombre de médecins pratiquant les médecines non-conventionnelles qui ont subi les mêmes procédures, et où cela s’est fini par des divorces, par des départs à l’étranger ou par des suicides… La liste est longue. C’est une procédure très, très lourde et épuisante. Il faut vraiment avoir un caractère en acier trempé pour survivre. Maintenant, je me consacre aux patients, à la recherche, et à faire avancer les choses. Le fait d’avoir été attaqué, ça vous a renforcé dans vos convictions ? Ils m’ont rendu service : ça m’a fait énormément de publicité auprès des patients. Et ça m’a permis d’apprendre le droit médical et le droit civil (rires). Et ça m’a renforcé dans mes convictions. Je n’ai pas changé d’un poil dans mon exercice. Au contraire, j’ai continué à faire de la recherche dans d’autres domaines innovants. Actuellement, on vit dans un système médical très dogmatique et chapeauté par l’industrie pharmaceutique. Si on étudie l’histoire des sciences médicales et de la pensée, on s’aperçoit que les révolutions sont intervenues quand des gens sont venus remettre en cause les dogmes établis. En physique, on admet le changement de théories, mais en médecine, la physique n’a pratiquement pas droit de cité. Sauf en radiologie. À titre d’exemple, à l’heure actuelle, la cancérologie, c’est essentiellement tuer les cellules cancéreuses. Le problème, c’est qu’elles mettent en place des résistances. Je suis d’ailleurs en train de coécrire un bouquin de vulgarisation sur le sujet. La jurisprudence « Brebis galeuse ». C’est ainsi qu’Alain Dumas est désigné par ses confrères de la région briochine. En cause une réputation sulfureuse, acquise dans le courant des années 1990. La raison ? L’usage de produits et de méthodes aux noms barbares : le vaccin de Friedmann, du Bioparyl, des produits de type DPG, Solomides, etc. Des thérapeutiques « non éprouvés », utilisés dans le cadre de traitement de cancers, qui lui ont valu trois procédures auprès du Conseil départemental de l’Ordre des médecins des Côtes d’Armor : une en 1996, une autre en 1999, et une dernière en 2001. Dans la décision de justice favorable, il est indiqué que ces médicaments « ne représentent pas de danger pour les patients » et qu’ils ont été prescrits « en complément de traitements médicaux, sans chercher à dissuader ses patients des méthodes et thérapeutiques classiques ». Bilan ? Une jurisprudence qui stipule que le fait d’utiliser certains produits complémentaires ne constitue pas une faute professionnelle, à partir du moment où ils ne se substituent pas à un traitement officiel. Toubib 73 74 Guérison Un médecin dans ton écran À l’autre bout du monde ou juste au coin de la rue, vos proches sont toujours à portée de Skype et on ne se lasse pas de parler à leurs visages pixelisés. Même les employeurs s’y mettent avec des entretiens d’embauche 2.0. Il devient monnaie courante de défendre son bifteck dans sa chambre, avec suppléments bibelots ringards en arrière-plan. Alors pourquoi pas Skyper son médecin ? La télémédecine, c’est un peu ça l’idée. JULIA RODRIGUEZ linda marteau Reportage M amie est assise sur un lit, elle parle à son dermatologue de ses escarres. Son aide-soignante la mitraille de son appareil photo haute définition. Le spécialiste est derrière son écran à deux heures d’ici : il attend les clichés pour son diagnostic. La télémédecine est déroutante mais pas nouvelle si l’on en croit Stéphanie Quiguer, chef de projet en télémédecine au CHU de Rennes. Depuis le début des années 2000, les patients profitent des progrès en visioconférence quand ils ne peuvent pas se déplacer. Mais aujourd’hui, on peut clairement parler de boom de la télémédecine. Stéphanie Quiguer explique pourquoi : « C’est la combinaison de l’isolement géographique des patients, la diminution de la démographie médicale, des médecins de moins en moins spécialisés et des dispositifs techniques de plus en plus performants. » Les Bretons ont eu envie d’aller plus loin, et de surfer sur les nouvelles technologies. Une plate-forme s’est d’ailleurs créée pour permettre ce développement au niveau régional. Elle répond au doux nom de « Sterenn » (« étoile » en breton). Aux établissements de santé qui veulent développer la télémédecine, Sterenn offre un collectif de professionnels, du matériel de visioconférence, le logiciel qui va avec. Un peu comme un bouquet de chaînes Canal+. Il contient un système de dossiers partagés ainsi qu’un support utilisateur pour aider les professionnels de santé. Le personnel n’est pas forcément habitué à manier les outils high-tech. Cette lacune n’entame pourtant pas son enthousiasme, souligne Stéphanie Quiguer. « Il ne faut pas oublier que c’est un formidable outil qui permet de faire tomber les barrières entre les statuts professionnels et de créer la notion d’une équipe répartie dans différentes structures. C’est très stimulant, on a l’impression de progresser. » Diagnostic 2.0 Alors comment ça marche en vrai ? On attend que son médecin soit connecté et hop on clique sur « lancer l’appel vidéo » ? Eh bien non, c’est un peu plus compliqué. Nous sommes allés découvrir le Skype nouvelle génération à l’Ehpad des Champs du Duc, à Saint-Brieuc. L’établissement lance son installation de télémédecine pour un test grandeur nature, en ce début d’année. Des personnes âgées et un système de visioconférence ultra moderne ? À première vue, les deux semblent incompatibles. Pourtant, la télémédecine se prête particulièrement bien aux pathologies observées dans ces établissements et à la mobilité réduite des résidants. « La gériatrie, la psychiatrie, les plaies et la dermatologie sont les pathologies qui reviennent le plus souvent et qui sont en lien avec les personnes âgées. Un Ehpad c’est donc l’endroit idéal pour l’application de la télémédecine », explique Alan Entem, chargé de mission à l’Ehpad des Champs du Duc. Depuis mai 2013, la petite équipe (une infirmière et deux aidessoignantes) est au taquet et apprivoise avec enthousiasme la salle atypique dotée d’un écran plat digne d’un home cinéma et de plusieurs caméras. Le matériel est coûteux mais indispensable pour une qualité qui rivalise avec un entretien en tête-à-tête sans pour autant le remplacer. Alan Entem précise d’ailleurs : « La télémédecine ne remplace pas les actes médicaux en présentiel. C’est un complément, ça permet le tri des patients pour déterminer si une hospitalisation est nécessaire ou pas. » Un planning informatique pour caler les téléconsultations, des caméras à la main pour des diagnostics dermatologiques au plus près du patient, et un médecin qui s’affiche en grand au milieu de la pièce. Tout est fait pour gommer les fils électriques et les ordinateurs sans rogner sur la qualité des diagnostics. Pour le reste, rien que du classique : compte-rendu, prescriptions médicales si besoin, fiches de renseignements sur les patients. À la différence près que tout est mis en commun sur le logiciel, comme un Google Drive médical. La loi est de son côté L’État lui-même reconnaît cette pratique médicale depuis un décret paru en 2009 qui définit les cinq actes de télémédecine. La téléconsultation (entre un médecin et un patient), la télé expertise (entre médecins et spécialistes), la téléassistance (entre un médecin et une infirmière par exemple), la télésurveillance (pour le suivi médical) et la téléAVC (comme son nom l’indique, pour diagnostiquer à distance un cas d’AVC) composent à elles seules une médecine d’un nouveau genre. Et les patients dans tout ça ? Et sinon, comment explique-t-on à la famille que papy a bien vu son cardiologue, mais qu’il ne lui a même pas serré la main ? C’est bien beau tout ça mais encore peu de gens connaissent l’existence de ces nouveaux actes médicaux qui n’ont plus rien à voir avec le face-à-face médecin/patient classique. Comme l’explique Stéphanie Quiguer, « on a encore besoin de communiquer auprès des familles, mais aussi auprès des médecins et des équipes soignantes, il faut créer un climat de confiance par rapport à cette technologie entre les professionnels et avec les patients ». Le projet n’est pas encore tout à fait opérationnel. Mais à ce stade, elle confirme, les premiers patients sont « plutôt contents ». Y’a pas photo. Quand on n’est pas obligé de faire des kilomètres pour une consultation d’une demi-heure, y’a de quoi en ravir plus d’un. Et puis, dans l’histoire, tout le monde est libre de refuser un acte de télémédecine, médecin ou patient. Il ne manque plus que les lunettes 3D pour faire d’une téléconsultation une consultation tout court. On ne bouge plus, le petit oiseau va sortir ! Toubib 75 Guérison Ordonnance Pas la peine de sortir la boule de cristal pour se rendre compte qu’en matière de santé, le futur se dessine maintenant ! Aux quatre coins de la planète, certains imaginent quelles vilaines épidémies nous envahiront... D’autres inventent objets connectés et applications pour simplifier la vie, ou conseillent de s’adonner à la fumette. Parce que nous le vallons bien. S.O.S. poètes Futur à haut risque « On a beau avoir une santé de fer, on finit toujours par rouiller », écrivait Prévert. En Angleterre et en Écosse, ces gens rouillés, ces cabossés de la vie bénéficient d’une ambulance un peu particulière. Emergent Poet — c’est son nom — est un service d’aide aux premiers secours dédié aux personnes atteintes de maladie mentale ou d’isolement, qui sillonne les routes du royaume. Son remède ? Des prescriptions sous la forme de poèmes. Soigner les bobos avec des vers, le meilleur moyen de retrouver une santé de fer ? Mangez connectés ! Pressés, nos pauses dej’ riment souvent avec rapidité et déséquilibré. Mais quand on fait attention à sa ligne de mannequin, et donc, à sa nutrition, il est possible de s’équiper. Des applis pour scanner votre assiette et connaître le nombre de calories que ce gâteau au chocolat va vous faire prendre dans les ..., des fourchettes qui vibrent et clignotent quand vous mangez trop vite, ou une cuillère qui calcule le taux de sel de votre soupe de lentilles bio, autant de gadgets qui vont un peu loin. Parce que lire un tableau nutritionnel sur un emballage, non merci ! Épidémies, vaccins introuvables, bactéries mutantes... Vous pensiez avoir tout entendu ? Attendez de voir ce que le futur a en réserve. Courrier International a repris un classement américain recensant les maladies auxquelles nous avons le plus de chance d’être confrontés à l’avenir. Mais ce qui nous pend réellement au nez c’est le « trouble dissociatif de la réalité ». Ou, si vous préférez, ne plus savoir si l’on vit dans le virtuel ou dans le monde réel. Dans la même veine, la « dysphorie de l’identité » : dans notre société, tout est facile, et nous sommes devenus des assistés. Algorithmes et aides numériques causeront notre perte à trop vouloir dicter notre vie. Dans un futur pas si lointain, viendra le règne des nanotechnologies que l’on injecte un peu partout à tort et à travers, pour notre plus grand bien, normalement. Ces dispositifs infiniment petits sont loin d’être inoffensifs. Ils pourraient se révéler nocifs en causant des réactions allergiques violentes. Le site prédit aussi un avenir à la I-robot : une aversion envers des robots devenus de plus en plus perfectionnés. Un nouveau genre de racisme pour ces androïdes qui occuperont peut-être un jour nos emplois et reproduiront nos comportements. La révolution high-tech vous botte toujours ? DR 76 Ne zappe pas ta pilule ! La wifi pour surveiller son coeur En plus des ordinateurs de tous les membres de la famille, des tablettes ou encore des smartphones reliés à votre WiFi, comptez bientôt sur un dispositif permettant de surveiller les battements de votre coeur. Si après ça, votre débit ne se fait pas tout petit… Fadel Adib, doctorant au Massachusetts Institute of Technology (MIT) a présenté, il y a quelques mois, ses travaux sur un prototype de surveillance des fonctions vitales passant par la Wi-Fi du domicile. Le chercheur affirme qu’il pourra servir à la surveillance respiratoire des nourrissons ou du rythme cardiaque des seniors. Le système fonctionne comme un radar : un signal sans fil de faible puissance est envoyé dans toutes les directions. Quand il rencontre un corps ou une surface, une partie de ces ondes est renvoyée vers un capteur. La réflexion des ondes change avec la position de la cage thoracique entre l’inspiration et la respiration, permettant ainsi de mesurer le rythme cardique grâce aux irrégularités du cycle de respiration. Les résultats se retrouvent en temps réel sur une application mobile et, en cas de problème, le système pourra également prévenir l’hôpital ou la police en cas d’urgence. C’est clair que ça ne va pas être le même prix qu’un babyphone. Les sentinelles sur la toile C’est une armée comptant dans ses rangs 1.300 médecins généralistes libéraux. Volontaires et toujours aux aguets. Leur mission ? Surveiller l’évolution des risques épidémiologiques, de la grippe saisonnière aux allergies printanières. Chaque semaine, ces vigies de la santé publient sur une plateforme dédiée des données provenant de leurs patients. Analyses, bases de données, tableaux et cartes du territoire : telles sont leurs armes. Des résultats plutôt utiles pour les médias et les autorités sanitaires, mais pas seulement. Une section du site est entièrement dédiée à l’interaction avec les utilisateurs. Une sorte de forum pour faire court. Chacun peut y poser ses questions et reçoit une réponse adaptée, 100 % certifiée par des médecins. Les « Sentinelles », comme ils se sont baptisés, espèrent avoir trouvé ici la parade aux sites d’informations médicales douteuses, dont regorge Internet. Pas sûr néanmoins que les huit millions d’utilisateurs de Doctissimo décident de se ruer sur nos sentinelles virtuelles. Soutenue financièrement par la fondation de Bill Gates (et donc généreusement !), la start-up américaine Micro-Chips a mis au point une pilule contraceptive révolutionnaire. Le concept ? Une puce électronique implantée sous la peau du bras ou de l’abdomen. Dans son petit réservoir, elle contient de quoi fournir une dose contraceptive quotidienne. Et ce pendant 16 ans. Selon le besoin (si l’envie vous prends d’avoir un gosse, par exemple !) vous pourrez la désactiver ou la réactiver grâce à sa télécommande fournie. Mise en vente prévue en 2018. Cannabis, le bon plan santé ? Un débat de plus sur la légalisation du cannabis ? Certes, mais doté d’un argument de choix. Pour l’infirmier addictologue Jean-François Hauteville, la plante peut sauver des vies. Si, si ! La preuve, un quinquagénaire gravement accidenté témoigne de sa « délivrance ». Son remède pour lutter contre les douleurs? Les gros pétards. Alors, illégale mais thérapeutique ? Le sujet est toujours aussi touchy : une « Marche mondiale du cannabis » organisée chaque année en France depuis 2001, un usage qui repart à la hausse chez les jeunes, une interdiction maintenue en France, alors que le cannabis est autorisé en prescription médicale au Royaume-Uni ou en Espagne, voir légalisé aux Etats-Unis... Bref, on n’a pas fini d’en parler ! Smoke weed everyday. Toubib 77 ... et c’est pas fini ! Une page pour supporter les projets de nos potes de licence pro journalisme, qui bossent comme nous sur le thème de la santé en Bretagne. Entre reportage long-format, émissions de radio et documentaire télé, trois groupes différents, pour trois tops. (Allez viens) WEB Le groupe investit vos écrans. Leur mission : présenter un long-format sur le handicap, aux textes efficaces et aux visuels chouettes. En trois temps, ils vous causent d'homme bionique (spéciale dédicace à l'inspecteur Gadget), d'échographie ou encore de l'intégration des personnes handicapées. Cinq bonnes raisons de les rejoindre sur la planète Internet. 01. Parce que tu les trouvera en un clic sur Rue89. 02. Parce que vous allez enfin comprendre ce qu’est un implant cochléaire et un exosquelette. 03. Parce qu’ils nous ont bien saoûlé avec leur code html. 04. Parce qu’on était sur les réseaux sociaux avant eux. 05. Parce qu’on est tous un peu handicapés. HORS NORMES Un sujet réalisé par les étudiants en journalisme de l’option web, à découvrir sur le site Rue89.nouvelobs.com RADIO vous ont concocté trois reportages au plus Nos amis en près des pros de la santé. Immersion sonore avec les soignants, qu’ils soient chirurgiens aux urgences, médecins en campagne ou adictologues en HP. Cinq bonnes raisons de foncer mettre son casque pour écouter leurs sons. 01. Pour rajeunir l’audience d’RCF Rivages (moyenne d’âge : 60 ans). 02. Parce que Plougonven n’a pas été facile à trouver. 03. Parce que se taper des gardes de nuit doit être récompensé. 04. Parce que « video killed the radio star ». 05. Parce que tu peux l’écouter en dévorant Toubib. COMMENT VA HIPPOCRATE ? Trois reportages de 25 mn réalisés par les étudiants en journalisme de l’option radio, à découvrir sur RCF Rivages. TV a choisi de passer cinq jours sur l’île de Molène, histoire Le groupe de comprendre comment les habitants se soignent. Ils n’ont pas fait de tourisme, mais sont revenus avec un reportage rempli de Bretons sympas. Cinq bonnes raisons de courir regarder leur émission. 01.Parce qu’ils ne vont pas vous jouer un remake de Lost les disparus. 02. Parce que si vous cherchez bien, vous trouverez forcément une faute d’orthographe dans leur générique. 03. Parce que ce sera peut-être ta prochaine destination de vacances. 04. Parce que ça te rappelera le film Les Seigneurs, tourné à Molène. 05. Parce qu’une mamie en quad, c’est plutôt badass. À LA SANTÉ DES MOLÉNAIS Un magazine de 26 mn réalisé par les étudiants en journalisme de l’option télévision, à découvrir sur TébéSud, Tébéo, TV Rennes 35. l’abus de toubib ep osutr l abso n anté Magazine réalisé par les étudiants de la licence professionnelle journalisme de l’IUT de Lannion 2014-2015