Les poèmes de la médecine - poesie erotique et autres amusement

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Les poèmes de la médecine - poesie erotique et autres amusement
Les poèmes de la médecine
Abdelkader El Jabri, Pharmacien
Taourirt (Maroc), décembre 2008
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Le véritable toubib !
La médecine, c’est une affaire de pognon !
Une affreuse et fiévreuse femelle noctambule !
Dans le doute, consulter un toubib
Un régime contraignant
Fille des vignes
Charlatanisme
Cardiopathies incurables
Noble toubib !
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Lassé par un train de vie stressant et infernal, pris dans le tourbillon du vacarme morbide
de l’exercice quotidien, le toubib se trouve - en ces temps où le temporel prend le dessus sur le
spirituel, où le matériel imbibe nos mentalités jusqu’à l’os - dans un état de manque de sensations
euphoriques et d’obnubilations poétiques.
Pour lui, un moment de détente, un répit de poésie, une pause de versification, un sursis de
lyrisme, un déclic de romantisme, est un bienfait certain, fût-ce furtif et éphémère.
Qui mieux que la poésie arabe, peut redonner vie et plaisir à ce forçat frileux et calculateur,
qu’est le toubib !
On vous emmène donc dans ce fugitif voyage à travers ces morceaux d’anthologie de la
poésie arabe dont le sujet n’est autre que le toubib et la médecine.
Cependant, peut-être avons-nous corrompu par une traduction excessivement littéraliste la
beauté et la profondeur de ces vers et les avons ainsi vidé de leur substance. Ne dit-on pas selon un
hadith prophétique que « l’éloquence est une magie et la poésie est une sagesse ».
Sans plus tarder, laissons la parole aux vers et à la poésie…
Le véritable toubib !
Le grand poète ‘Antarah al-‘Absî inaugure ce bouquet de vers en jetant le doute sur la compétence des
médecins de son temps ; lui qui fût pourtant un véritable partisan des procédés amputatifs, même lorsqu’il
s’agit de maux les plus banaux !
En vérité, le toubib te dira toujours qu’il
possède ton remède,
Et ce, dès qu’il te palpe la main et le bras
Hélas ! Si le toubib connaissait le remède du
Mal,
Celui qui préserve de la mort ; alors certes, il
n’agonisera point
Puis mon glaive fut, alors que la bataille faisait
rage, un véritable toubib,
Il délivrait de son mal, quiconque souffrait de
céphalées !
‘Antarah al-‘Absî
La médecine, c’est une affaire de pognon !
Docteur Dirham dissipe sûrement le souci et protège, sans nul doute, des maladies !
Dites à Avicenne : de nos jours, point de
toubib, si ce n’est le Dirham !
Il fut, avant même que tu n’existes, toi-même et
Hippocrate, une véritable onction pour les plaies
C’est que, depuis leur existence, les gens ne font
que tourner et tournoyer autour du Dirham.
Ahmad Chaouqî
Constat amer, confirmé par un autre poète.
Ces temps sont vraiment lamentables et de
sombre présage,
Ainsi le constates-tu, ils sont injustes et cruels,
L’absurdité y est une véritable qualité,
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et la sagesse un vice reprochable
Le pognon n’est qu’un mirage,
mais gravitant autour des ignobles
Badîe az-Zamâne al-Hamadânî
Que dire alors de ceux qui souffrent de misère noire.
Ô toubib ! moi qui ne peut voir de toubibs !
C’est une misère noire qui me prive du toubib
Maarouf ar-Rouçâfî
Une affreuse et fiévreuse « femelle noctambule » !
Sans transition, le plus grand des poètes al-Moutanabbî nous confit les aventures nocturnes de celle qui a
élu domicile dans ses fragiles os de poète. Cette « affreuse femelle » ne lui rendait en effet visite que la nuit
tombée. Epouvantable fièvre et terrifiante imagination !
Le corps souffrant, ne pouvant point me
redresser,
ivre mort, quoique n’ayant rien picolé
Ma visiteuse, on dirait qu’elle était toute pudeur,
elle ne rendait visite que la nuit
Je lui ai préparée matelas et autres couvertures,
elle qui préfère mes os pour squat nocturne !
J’appréhende son rancard sans le moindre désir,
pathétique, fébrile, enflammé et soupirant
Et elle tient cruellement sa promesse ;
ô exécrable ponctualité !
lorsque celle-ci te plonge dans d’horribles
souffrances
al-Moutanabbî
Dans le doute, consulter un toubib
Lorsque mon serviteur présenta un oedème,
je me suis précipité vers le cabinet du médecin,
comme il se devait
Il me dit : qu’Allah te le préserve, n’ait
crainte pour lui !
Cet oedème est d’étiologie inconnue !
Liçân-ed-Dine al-Khatîb
Un régime contraignant
Le médecin lui a proscrit les délices de la table,
et lui a prescrit un régime dégoûtant
As-Sariye Rafâe
Révolté, ce dernier rejette en bloc médecins et médecine.
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Eclipsez donc le toubib de ma vue et dites,
en la médicine et aux médecins, je suis
viscéralement mécroyant
À moi ! où est le kébab, ou sont les fritures ?
où sont les méchouis et autres quédirs
Abou Tâleb al-Maamounî
Fille des vignes
Quant à abou Nouass – célèbre et turpide poète - il nous met en garde contre tout usage de produits
enivrants.
Fille des vignes, orpheline de mère,
elle fut froissée et humiliée sous leurs pieds
Malheur à eux, de la vengeance des opprimés,
lorsque ceux-ci statuent
Abou Nouass
Pour Kajâshim, la balance bénéfice/risque de cet « anxiolytique » est nettement défavorable.
Ô vous ! les amis intimes, délivrez-moi de ce
nectar,
je ne peux supporter le nectar
Je sais avec certitude qu’il expulse les soucis
et mène vers la gaieté
Mais, au vin, je trouve cependant une flamme
qui embrase corps et humeur sensibles
Si j’en fais goûter mon âme,
alors, par son ardeur, elle m’enflamme de fond
en comble
Abou al-Fath Kajâchim
Charlatanisme
Il était un toubib charlatan,
qui triturait médecine et charlatanisme !
Al-Hakam ibn abî aç-Çelt
Cardiopathies incurables !
Mon toubib avait dit,
or mon toubib est malicieux !
Souffre de ce que bon te semble, hormis
l’amour, car j’en suis insouciant
La maladie d’amour est dérisoire,
mais ô combien son remède est précieux !
Al-Bouhtourî
Mon cas relève de la « médecine interne », et
c’est Toi mon toubib,
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et qui d’autre peut me guérir, si ce n’est Toi !
‘Alî ibn abî Tâleb
Ô mon toubib ! qu’on m’ensorcelle !
Mohyî-ed-Dine ibn ‘Arabî
Noble toubib !
Pour clore ce bouquet de vers, rendons un vibrant hommage à nos valeureux toubibs.
O toi toubib ! à la culture parfaite,
et aux qualités singulières
Bon sang, sincère dans ses dires, vérace dans
ses actes,
Passionné, charitable et original
Que la grâce te soit accordée pour ta dignité et
ton bel agir,
et ton souvenir sera toujours agréable à
susciter
Jabrâne Khalîl Jabrâne
Ibn Sina (Avicenne) 980-1037
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