LE CONTENTIEUX DE L`AMENDE FORFAITAIRE
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LE CONTENTIEUX DE L`AMENDE FORFAITAIRE
Texte & photos : Remy Josseaume Juriste CHRONIQUE LE CONTENTIEUX DE L’AMENDE FORFAITAIRE ombreuses sont les difficultés relatives aux conditions de recevabilité des contestations d'amende forfaitaire constatant des infractions au Code de la Route. De nombreux contrevenants se heurtent à certains officiers du Ministère Public, voire autorités de police (Commissaires de Police, Préfet de Police), qui rejettent sans droit, ni aucun titre, les réclamations des contrevenants, s'arrogeant ainsi le droit, que la loi ne leur a jamais conféré, de juger de la recevabilité et de la pertinence des motifs invoqués. N En conséquence, de très nombreux contrevenants demeurent poursuivis par voie d'amende forfaitaire majorée, commandement de payer ou autre avis d'opposition administrative et se voient amputer de points de leur permis de conduire par le seul fait de l'émission illégale d'un titre exécutoire, alors que leur réclamation a été régulièrement portée, et le plus souvent réitérée, par-devant l'Officier du Ministère Public. MOTO 2 fait le point sur ce scandale de la procédure pénale et vous arme contre ces pratiques. MOTO2 96 LA CONTESTATION DE L’AMENDE Dans le délai de 45 jours suivant la constatation de l’infraction, le contrevenant peut, soit s'acquitter du montant de l'amende forfaitaire ou contester la réalité et la légalité de l’infraction. Pour ce faire, il doit formuler dans le même délai une requête tendant à son exonération auprès du service indiqué dans l'avis de contravention. Cette requête est transmise au Ministère Public du Tribunal de Police compétent. A défaut de paiement ou d'une requête présentée dans le délai de 45 jours, l'amende forfaitaire est majorée de plein droit et recouvrée au profit du Trésor Public en vertu d'un titre rendu exécutoire par le Ministère Public. En conséquence, si le contrevenant formule dans le délai de 45 jours, une réclamation accompagnée de l'original de l'avis d'amende forfaitaire, l'amende ne peut, en aucun cas, être majorée. De la même manière, en cas d’amende forfaitaire majorée, de commandement de payer, le contrevenant dispose d’un délai de trente jours suivant l'envoi de l'avis invitant le contrevenant à payer l'amende forfaitaire majorée, pour former auprès du Ministère Public une réclamation motivée qui a pour effet d'annuler de plein droit le titre exécutoire de l'amende contestée. En effet, les dispositions de l'article R.49-8 du Code de procédure pénale prévoient que l’Officier du Ministère Public saisi d'une réclamation recevable informe sans délai le comptable direct du Trésor de l'annulation du titre exécutoire en ce qui concerne l'amende contestée. Les textes étant pourtant très précis, comment de nombreux contrevenants subissent-ils encore les foudres des majorations illégales et la perte de points de leur permis de conduire ? LES PRATIQUES ILLÉGALES DES OFFICIERS DU MINISTÈRE PUBLIC Pourtant, nombreux sont les usagers qui, malgré une contestation en bonne et due forme, sont poursuivis et se voient retirer des points de leur permis de conduire. Il est de jurisprudence constante qu'il n'appartient pas à l'Officier du Ministère Public d'apprécier la motivation de la réclamation formulée par devant lui sans contrevenir aux dispositions de l'article L.529 et suivants du Code de procédure pénale (dans ce sens Cour de Cassation 20 mars 2002) ; et de surcroît encore moins à l’agent de police du service verbalisateur ou aux services du Préfet de Police. La Cour suprême a clairement précisé qu'une requête ne pouvait être rejetée par l'Officier du Ministère Public que dans les cas limitativement prévus par la loi : à savoir le défaut de motivation et le défaut d'avis de majoration original (Cour de Cassation 29 octobre 1997). Une fois encore, l'Etat français a été condamné par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation des droits de la défense. Dans une affaire relative à la procédure française d'amende forfaitaire, une décision de la Cour consacre sans appel, le droit, pour chaque contrevenant, à ce que sa cause soit contradictoirement entendue par un tribunal. Dans l'affaire appelée à la cause, un contrevenant aux dispositions du Code de la Route engage et formule successivement un recours en indulgence puis une réclamation auprès des services de l'Officier du Ministère Public. L'Officier du Ministère Public croit pouvoir rejeter son recours et ordonner par l’émission du titre exécutoire la majoration de l'amende forfaitaire. Les faits exposés à la Cour ne sont qu'une sombre révélation d'une pratique administrative largement répandue et arrangée par certains services des Officiers du Ministère Public près les tribunaux de police en France, qui méconnaissant les textes en vigueur, commettent cette erreur grossière de droit en fournissant à l'appui de leur refus un motif de rejet non prévu par les textes en vigueur. La réclamation a pour seuls effets prévus par loi d'entraîner soit le classement sans suite de l'affaire, soit l'appel à l'instance de la cause par la saisine du Tribunal de Police compétent et le sursis des poursuites par l'administration fiscale. Ainsi à réception de la requête en exonération ou de la réclamation qui lui sont transmises, l'Officier du Ministère Public peut, soit renoncer à l'exercice des poursuites pénales, soit recourir à la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale ou de saisine du Tribunal de Police, soit aviser l'intéressé de l'irrecevabilité de la réclamation non motivée ou non accompagnée de l'avis. Dans ce dernier cas, l'article 155 de la loi du 4 janvier 1993 prévoit que le Ministère Public avise l'intéressé de l'irrecevabilité de sa réclamation non motivée ou non accompagnée de l'avis. L'Officier du Ministère Public n'a aucune autre compétence et ne peut s'arroger un quelconque droit d'appréciation et d'opportunité des éléments soulevés, par-devant lui, par le contrevenant, ni être juge de la forclusion. SEULE UNE JURIDICTION EST JUGE DE LA DIFFICULTÉ L'Officier du Ministère Public ne peut, tout au plus, que constater la carence de toute motivation ou l'absence d'avis accompagnant la réclamation et inviter, sans délai, le requérant, sur ce dernier point, à régulariser sa contestation. Toute décision ou pratique contraire contreviendrait assurément aux dispositions du Code de procédure pénale et toute majoration de l'amende et autre retrait de points constitueraient une conséquence concomitante de cette illégalité. Dans l'affaire PELTIER, la pratique de l'Officier du Ministère Public est contestée et condamnée pour avoir écarté la réclamation du contrevenant aux seuls motifs que “l'infraction étant parfaitement constituée et le procès-verbal transmis au Ministère Public parfaitement régulier en la forme, [...] la réclamation étant alors irrecevable car juridiquement non fondée [...].” La Cour européenne des droits de l'homme rappelle que “le droit à un tribunal, dont le droit d'accès constitue un aspect, n'est pas absolu et qu'il se prête à des limitations implicites, notamment en ce qui concerne les conditions de recevabilité d'un recours. Celles-ci ne peuvent toutefois pas en restreindre l'exercice d'une manière ou à un point tels qu'il se trouve atteint dans sa substance même. Elles doivent tendre à un but légitime et il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.” La Cour estime que le requérant a subi une entrave excessive à son droit d'accès à un tribunal en raison des décisions successives de l'Officier du Ministère Public qui ont empêché la saisine par le requérant du tribunal compétent, excluant ainsi tout contrôle de pleine juridiction sur la réalité de l'infraction à l'origine de l'amende forfaitaire. Il est intéressant de relever que devant l'instance européenne, le Gouvernement français a reconnu que “concernant le droit d'accès au Tribunal, l'Officier du Ministère Public n'a pas la faculté d'entraver l'accès du prévenu au Tribunal de Police [...] il résulte en effet clairement des termes de l'article L.530-1 du Code de procédure pénale que, lorsqu'il est saisi d'une réclamation dirigée contre une contravention, il ne peut déclarer celle-ci irrecevable que dans les cas précis (précités) [...] dans les autres cas l'Officier du Ministère Public est tenu de saisir le Tribunal de Police de la réclamation du contrevenant [...] le gouvernement estime que les décisions de l'Officier du Ministère Public refusant l'accès au Tribunal peuvent s'analyser en des restrictions illicites du droit d'accès au Tribunal”. Enfin et pour démontrer que l’Etat Français a fait évolué la procédure et les pratiques depuis, il est intéressant de savoir que la France a été une nouvelle fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour des faits identiques : arrêt BESSEAU C/ France 7 mars 2006. Consternant ! JURIDIQUE LA CONTRE ATTAQUE DU CONTREVENANT Pour faire annuler une amende majorée ou tout retrait de point consécutifs à l’émission illégale d’un titre exécutoire, dès lors qu’ils sont intervenus en violation des droits de la défense, tout contrevenant peut demander par voie de saisine directe du Président du Tribunal de Police statuant en Chambre du Conseil la constatation du caractère illégal du titre exécutoire et en demander l'annulation. Le Tribunal de Police statuant à juge unique en Chambre du Conseil est compétent pour trancher des questions de légalité des titres exécutoires Aux termes des dispositions de l'article L.710 du Code de Procédure Pénale tous incidents contentieux relatifs à l'exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence. Aux termes des dispositions de l'article L.711 du Code de Procédure Pénale le tribunal ou la cour, sur requête [...] de la partie intéressée, statue en Chambre du Conseil. Il convient d’adresser en courrier recommandé AR une requête en saisine de la Chambre du Conseil en demandant l’annulation du titre exécutoire. La jurisprudence est constante depuis : Tribunal de Police Reims 4 mai 1998 - Cour d'appel de Paris 20 juin 2002 - Cour de Cassation 29 mai 2002 - Cour d'appel de Paris 29 novembre 2002. Enfin sachez que la pratique de l’avis à tiers détenteur pour le recouvrement forcé des amendes a été jugé illégale (Cour de Cassation 12 mai 2004) ; il convient de faire référence à cet arrêt pour obtenir l’annulation de la procédure de recouvrement. ■ PROCHAIN NUMERO : Les règles du droit de priorité. 97 MOTO2
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