Mémoire du 17 sept
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Mémoire du 17 sept
Mémoire soumis à la Commission de la culture par L’ASSOCIATION NATIONALE DES DOUBLEURS PROFESSIONNELS (ANDP) Le 17 septembre 2008 Monsieur le Président, Mesdames et messieurs les députés, 1. L’Association nationale des doubleurs professionnels (l’ANDP) regroupe 17 entreprises de doublage au Canada dont le chiffre d’affaires est évalué à 24 millions de dollars. Notre industrie emploie plus de 800 personnes dans des postes hautement spécialisés, soit 300 détecteurs, adaptateurs, directeurs de plateau, preneurs de son, mixeurs, techniciens du son, personnel de soutien à la production, et environ 500 comédiens. 2. L’ANDP défend les intérêts de l’industrie doublage depuis plus de 30 ans; depuis tout ce temps, ses membres investissent temps et argent dans le développement d’affaires avec leurs principaux clients, au Canada, à Los Angeles et en Europe. Fondée en 1976, l’Association québécoise des industries techniques du cinéma et de la télévision, l’AQITCT, a signé la première convention de doublage avec l’UDA en 1978. En 2002 est née l’Association des doubleurs professionnels du Québec, devenue en 2005, l’Association nationale des doubleurs professionnels. 3. L’ANDP négocie avec l’UDA la convention collective de doublage pour toute production doublée vers le français ou toute langue autre que l’anglais, et participe à la négociation de l’Independant Production Agreement avec l’ACTRA, pour les productions doublées en anglais. 4. Les longs métrages pour les salles de cinéma représentent un volume d’activités important mais pour la majorité de nos membres, c’est le marché de la télévision qui assure leur subsistance. Alors que la quasi-totalité des émissions dramatiques étrangères diffusées aux heures de grande écoute ne sont pas doublées au Québec parce que ce marché nous échappe complètement, une grande partie des émissions de téléréalité présentées ici aux heures de grande écoute, sont doublées au Québec sans pour autant être admissibles au crédit d’impôt remboursable pour le doublage. De plus, malgré les mesures incitatives mises en place au fil des ans, des émissions canadiennes anglaises diffusées au Québec en version française, demeurent trop souvent doublées à l’étranger. 5. Pourtant l’expertise de nos maisons de doublage est reconnue depuis longtemps. Dans les années 80, des séries américaines à la mode comme Star Trek, Hawaii 5-0, 6 Million Dollar Man et Mannix étaient doublées au Québec et diffusées en France. Cette tradition se poursuit avec le doublage de séries telles que Glurp Attack, Da Vinci et Intelligence, qui sont présentement diffusées en France. 6. Même si nos entreprises ont investi environ trois millions de dollars au cours des trois dernières années pour implanter de nouvelles technologies et continuer d’améliorer leurs équipements, le développement de l’industrie du doublage demeure précaire car les coûts de main d’œuvre augmentent et la concurrence des entreprises européennes se fait de plus en plus vive. La Belgique offre en effet des prix très bas et gagne du terrain partout, ici comme en France. Présentation de l’Association nationale des doubleurs professionnels Commission de la culture, 17 septembre 2008 Page 2 Évolution des coûts de l’industrie du doublage 7. D’après la SODEC, le volume d’activité du doublage se situe à environ 18 millions de dollars au Québec. Nous évaluons le véritable chiffre d’affaires de l’industrie à 24 millions de dollars car les données de la SODEC sont basées uniquement sur le programme de crédit d’impôt. Il faut donc y ajouter le doublage des productions qui ne sont pas admissibles au crédit d’impôt, telles que les bandes annonces pour le cinéma, les téléréalités, les talk show, les jeux télévisés, etc. Qu’elles soient admissibles au crédit d’impôt ou non, pour offrir un doublage de qualité, ces émissions exigent des ressources humaines et matérielles spécialisées et l’embauche de comédiens d’expérience. 8. D’après la valeur des contrats comptabilisés par la SODEC, l’industrie du doublage a connu un taux de croissance élevé entre 1998 et 2002. Nous constatons cependant que cette évolution s’est stabilisée depuis et affichait un taux de croissance annuel moyen de 2% entre 2003 et 2006. 9. Entre 1998 et 2006, l’augmentation générale du coût de la vie et la tendance de plusieurs émissions à contenir davantage de dialogues, ont eu pour effet d’augmenter de 3.3% la part du budget de doublage versée pour la main d’œuvre. Le prix de vente d’un doublage n’ayant pas pu progresser au même rythme, les maisons de doublage ont dû absorber cette hausse à même leur mage de manœuvre, réduisant ainsi leur rentabilité. Évolution des différents marchés 10. Les données récentes démontrent que la proportion de longs métrages doublés au Québec pour le cinéma s’élevait à 68,1% en 2003, à 73,9% en 2005, et 78,5% en 2007. Il n’y a donc pas de signes alarmants qui justifieraient l’adoption de mesures coercitives. 11. Nous sommes d’avis que le projet de loi 193 modifiant la Loi sur le cinéma risquerait de compromettre les relations d’affaires entre l’industrie du doublage et les Majors, une partie importante de notre clientèle. Il ne faut pas oublier par ailleurs que nos clients ne font pas seulement du doublage au Québec, et que toute mésentente pourrait également perturber d’autres secteurs d’activités reliés au cinéma. 12. Il est important de souligner que pour les Majors, le choix de doubler un film ici ou à l’étranger, demeure toujours une décision d’affaires basée sur la rentabilité, l’expectative de revenus sur le marché québécois et la plus value qu’offre le lancement d’une version française au Québec en même temps que la campagne de promotion nord-américaine. 13. Rappelons par ailleurs que dans l’histoire du doublage pour le marché de la télévision, l’arrivée des chaînes spécialisées qui avaient une capacité financière plus limitée, a eu pour effet d’accroître le volume d’activité de productions doublées et d’exercer une pression à la baisse sur la valeur des contrats; donc plus de travail mais à moindre coûts. Présentation de l’Association nationale des doubleurs professionnels Commission de la culture, 17 septembre 2008 Page 3 14. La Belgique s'est installée comme un joueur solide depuis cinq ans, grâce notamment aux cachets dérisoires versés aux comédiens. Ses studios proposent des prix jusqu’à 30% moins élevé et attirent, jusqu’à maintenant, surtout des films et séries télé à plus petit budget. D’importants studios montréalais ont d’ailleurs perdu récemment au profit de l'Europe, le doublage de séries canadiennes telles que Degrassie et Jacob Two Two. Même en diminuant leurs frais pour faire face à la compétition étrangère, les contrats de doublage n’ont pas été accordés à nos entreprises. 15. Le doublage des émissions destinées directement à une sortie DVD (dans les vidéoclubs, par la vente directe aux consommateurs ou la vidéo sur demande, par téléchargement ou autrement) demeure un secteur problématique pour les entreprises du Québec. La décision de doubler ou non une production destinée directement au marché du DVD repose sur la rentabilité. Dans le cas d’un long métrage qui a été doublé pour le cinéma, la publicité entourant son lancement assure une certaine rentabilité dans ce marché. Dans le cas d’un doublage destiné directement au marché du DVD, la publicité est à faire et ces coûts ne sont pas négligeables. Les décideurs ont alors la possibilité de distribuer le DVD en anglais seulement, d’attendre la version européenne ou de payer pour un doublage au Québec. 16. Il est par ailleurs important de rétablir certains faits concernant le marché du DVD : on lisait récemment dans les journaux qu’entre 2002 et 2006, seulement « 460 titres sur 55 000 » étaient doublés ici. Parmi ces milliers de titres, on trouve énormément de productions destinées spécifiquement à des communautés culturelles et bon nombre de productions sportives, vidéoclips, concerts, karaoké, etc. Il nous semble plus pertinent de se pencher sur les séries et les films destinés au « grand public ». Le crédit d’impôt de doublage 17. Le crédit d’impôt remboursable pour le doublage est la mesure la plus importante mise en place suite aux représentations de l’industrie et des recommandations du Rapport Lampron. Elle a donné un nouvel essor à l’industrie du doublage et a créé des effets structurants qui ont contribué à stabiliser la situation. 18. Au fils des ans, l’augmentation annuelle des coûts de main d’œuvre sur un budget de doublage a dû être absorbée par les entreprises car les dépenses admissibles pour le crédit d’impôt reconnues par la SODEC sont limitées à un plafond » de 40,5% de la valeur du contrat. Dans un marché de plus en plus compétitif où les prix doivent être maintenus le plus bas possible, c’est la marge de manœuvre des maisons de doublage qui s’en trouve réduite. 19. En comparaison, pour le calcul du crédit d’impôt, les productions cinématographiques et audiovisuelles québécoises bénéficient d’un plafond de dépenses admissibles beaucoup plus élevé que celui du doublage, soit 50%. Présentation de l’Association nationale des doubleurs professionnels Commission de la culture, 17 septembre 2008 Page 4 20. Enfin, rappelons qu’en 2002, la réduction de 25% du taux de crédit d’impôt a affecté toute l’industrie du cinéma, de la télévision et du doublage. Cette baisse a eu pour effet de diminuer la proportion de crédit d’impôt remboursable sur un budget de doublage, ou le « taux effectif », de 12,8% en 1998 à 11,4% en 2006. La formation professionnelle 21. Le besoin d’une main-d’œuvre qualifiée et compétente en doublage est un enjeu important. Depuis les débuts du doublage au Québec, les entreprises de doublage financent ellesmêmes la formation continue de leur personnel et des pigistes dans différents corps de métiers. De son côté, le Conservatoire d’arts dramatiques qui s’est impliqué dans la formation en doublage pour les comédiens, offre aussi depuis quelques années des cours en adaptation; l’ANDP y a participé en fournissant l’équipement nécessaire. 22. En 2003, la Politique québécoise du cinéma et de l’audiovisuel recommandait de former un plus grand nombre de professionnels du doublage et de mettre sur pied un programme de formation des adaptateurs. Le Conservatoire a répondu à cette demande et suite au rapport Heenan du 29 avril 2008 (Doublage et renouvellement des ententes de distribution), son mandat a été renouvelé, non seulement pour les comédiens et les adaptateurs, mais aussi pour les détecteurs. Nous saluons cette initiative et le fait que la formation se donnera sur des équipements numériques à la fine pointe de la technologie. Conclusion et recommandations 23. L’Association nationale des doubleurs professionnels s’intéresse depuis toujours au développement de l’industrie du doublage, et elle est préoccupée par les enjeux que représentent l’impact des nouvelles technologies, les effets de la concurrence qui exercent une pression à la baisse alors que les coûts augmentent et par la diffusion au Québec d’émissions doublées à l’étranger. Nous sommes heureux de voir que les travaux de la Commission de la culture permettront de mieux cerner la réalité de notre industrie, et d’identifier des pistes de solutions qui amélioreront la situation. 24. L’ANDP considère que la situation actuelle en long métrage ne justifie pas le recours à des mesures coercitives et législatives qui risqueraient en plus, de compromettre les relations d’affaires que nos entreprises entretiennent avec les Majors depuis des années. Comme le souligne le Rapport Heenan, les différents gouvernements du Québec ont « préféré les politiques de soutien et de développement de même que la mise en œuvre de mesures incitatives et le recours à la négociation et à la diplomatie. » Nous sommes d’accord avec cette position. 25. L’ANDP souhaite que le Forum annoncé par la ministre et recommandé dans le rapport Heenan, devienne un véritable lieu de concertation entre les principaux intervenants du secteur. Nous recommandons que l’ANDP, l’UDA, l’Association des distributeurs et la SODEC en fassent aussi partie, et que le mandat du Forum soit élargi. Il est en effet essentiel d’améliorer les mesures incitatives qui sont en place, de trouver des moyens de Présentation de l’Association nationale des doubleurs professionnels Commission de la culture, 17 septembre 2008 Page 5 rendre plus attrayant le doublage au Québec, de développer le marché du DVD et d’identifier les opportunités qu’offrent les nouveaux modes de diffusion numérique, incluant la vidéo sur demande, par téléchargement ou autrement. 26. L’ANDP souhaite vivement qu’à la suite des travaux du Forum, des solutions concrètes soient implantées pour consolider et développer l’industrie du doublage, notamment : a. que la SODEC mette à jour les mécanismes du crédit d’impôt remboursable pour le doublage; b. qu’un ensemble de nouvelles mesures visant les productions destinées directement à une sortie en DVD, soient élaborées et mises en application. 27. Nous appuyons les conclusions du Rapport Heenan concernant le besoin de mieux promouvoir à l’étranger l’expertise des entreprises québécoises et leur capacité de produire des doublages de qualité aussi bien en anglais qu’en français. Pour réaliser ce mandat et appuyer les efforts déployés par nos membres, le gouvernement et le BCTQ peuvent compter sur l’entière collaboration de l’ANDP. 28. L’ANDP souhaite également que la Commission de la culture appuie les démarches qu’elle effectue auprès du gouvernement fédéral, telles que la révision des conditions d’admissibilité et de financement des fonds accordés pour le doublage par Téléfilm Canada et le Fonds canadien de télévision, et la reconnaissance par le CRTC d’une valeur ajoutée au niveau du contenu canadien lorsqu’une production canadienne est doublée au pays. 29. Nous avons annexé à la fin de ce mémoire une brève description des diverses étapes qu’implique un doublage. Nous vous invitons à en prendre connaissance afin de constater à quel point il s’agit d’un travail fascinant qui exige une grande expertise de la part de tous les intervenants. Joey Galimi Président de l’Association nationale des doubleurs professionnels Présentation de l’Association nationale des doubleurs professionnels Commission de la culture, 17 septembre 2008 Page 6 ANNEXE - Étapes d’un doublage Il y a deux types de doublages: Le doublage synchrone : le dialogue doublé coïncide avec le mouvement des lèvres de personnage qu’on voit à l’écran. Le doublage en surimpression vocale : le dialogue doublé est surimposé sur le dialogue original qu’on entend toujours en arrière plan. Étapes pour le doublage synchrone d’un long métrage : Production des copies de travail : Il faut produire des copies de travail pour tous les intervenants qui auront à travailler sur le projet. Détection : Repérage par des signes spécifiques sur une bande électronique des ouvertures et fermeture des bouches et les débuts et fins de phrases de tous les personnages à l’écran afin que l’adaptateur puisse bien les respecter. L’adaptation : L’adaptateur traduit les dialogues de chacun des personnages en respectant les ouvertures et fermetures des bouches, le langage des corps et le contexte socioculturel afin de donner l’illusion que les personnages sur l’écran parlent dans la langue du doublage. Calligraphie et transcription : Après l’adaptation, les données entrées dans le système sont vérifiées afin que la bande rythmo soit prête pour l’enregistrement et une liste des dialogues dans la langue du doublage est préparée. Direction de plateau : Le travail du directeur de plateau consiste à préparer la distribution en choisissant les comédiens qui correspondent le mieux aux voix originales. Il doit connaître les voix des comédiens d’ici afin de bien cibler laquelle serait la plus appropriée. Il doit également faire des recherches pour savoir quel comédien d’ici a déjà doublé tel ou tel acteur ou actrice de la version originale. Ensuite, il dirige le jeu des comédiens en studio. Il doit donc bien connaître le film et les nuances de jeu qu’il doit aller chercher pour chaque ligne de texte. Préparation de l’horaire d’enregistrement : Afin de mieux contrôler le déroulement d’un doublage ainsi que les coûts qui s’y rattachent, tout en respectant les disponibilités des comédiens, il faut préparer l’horaire d’enregistrement qui prévoit la convocation des comédiens, individuellement ou par groupes de 2 ou 3, selon les besoins du doublage. Il est difficile d’enregistrer une chicane sans avoir la personne avec qui on se chicane! Présentation de l’Association nationale des doubleurs professionnels Commission de la culture, 17 septembre 2008 Page 7 L’enregistrement : L’enregistrement se fait dans des studios spécialisé où l’image et la bande rythmo sont projetées simultanément. Les comédiens doivent enregistrer leurs lignes en synchro avec l’image. Le directeur de plateau leur explique le contexte de la scène et dirige leur jeu. Il est merveilleux de voir des comédiens inventer des émotions intenses lorsqu’ils sont simplement débout derrière un micro. Recalage : L’enregistrement avec la bande rythmo permet d’obtenir un très bon synchronisme entre le dialogue et le mouvement des lèvres. Parfois, de petites corrections seront apportées afin de perfectionner le synchronisme. Ces corrections sont obtenues en recalage où les mots et/ou les phrases sont déplacés en fonction de l’image. Visionnage en double-système : Parmi les éléments que le client doit fournir à la maison de doublage est la bande internationale de musique et effets. Cette bande contient la musique ainsi que tous les sons, autres que les dialogues, du film. Par exemple, on entendra de manière isolée le son des pas d’un personnage qui marche tout en parlant. Donc après le montage, les pistes de dialogue montées, l’image et la bande internationale sont projetés ensemble pour s’assurer que tous les éléments sont réunis pour donner le meilleur doublage possible. Mixage: Le mixage est le procédé par lequel les pistes dialogues sont ‘colorées’ par de la réverbération, de la profondeur de champs, par des trucages sonores pour donner l’impression que les dialogues se placent dans l’image. Si on parle dans une cathédrale ou si on parle à l’extérieur, la couleur des sons est totalement différente. Les dialogues sont mixés selon le format requis par le client : Dolby SR-D, DTS, SDDS etc. Transfert optique : Une fois les dialogues mixés avec la bande internationale, il faut photographier le son pour en faire un négatif qui sera jumelé au négatif de l’image pour ensuite en tirer les copies qui seront projetées dans les salles de cinéma. C’est le travail du transfert optique. Production des génériques : Pour compléter la version doublée du film, il faut traduire les génériques de début et de fin et les reproduire dans la langue du doublage. Pour ce faire, il faut que le client fournisse un négatif sans titres de la section des arrière-plans des génériques. Production de la copie zéro : Une fois le transfert optique effectué et les génériques produits, il faut tirer une première copie de la version doublée pour s’assurer que tout est parfait. Ensuite les copies sont tirées pour les salles de cinéma. * Fin du document * Présentation de l’Association nationale des doubleurs professionnels Commission de la culture, 17 septembre 2008 Page 8
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