La respiration et la prise de conscience du corps
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La respiration et la prise de conscience du corps
Nouhaud Christelle La respiration et la prise de conscience du corps CEFEDEM Bretagne/Pays-de-le Loire Années 2002-2004 1 Sommaire Avant-propos p.3 Introduction p.5 Première partie : La respiration ; principes et prise de conscience p.6 1. L’inspiration 2. L’expiration Deuxième partie : Le sens artistique de la respiration p.10 1. Le cycle 2. A propos du diaphragme 3. La respiration musicale Troisième partie : L’utilisation du corps p.14 1. la posture a. La stabilité b. Le centre de gravité c. La position assise 2. Le corps comme instrument Conclusion p.23 Annexes p.25 Bibliographie p.31 2 Avant-propos Hommage à toi, Souffle, quand tu respires, Hommage soit à toi, quand tu inspires, Hommage à toi, quand tu t’éloignes, Hommage à toi, quand tu t’approches ! Cet hommage est pour le tout de toi. De la première inspiration du nouveau-né à la dernière expiration du mourant, notre respiration est un appel constant du « va-et-vient ». C’est le lien entre l’environnement intérieur et extérieur. A chaque inspiration, nous absorbons l’environnement extérieur en nous même. A chaque expiration nous libérons notre environnement intérieur vers l’extérieur. Plus nous nous sensibilisons à ce processus dans lequel le dehors devient le dedans et réciproquement, plus nous devenons conscients de la précieuse leçon que nous transmet notre souffle sur l’art de donner et de recevoir. Notre respiration est donc directement liée à nos émotions : celles que l’on reçoit ou celles que l’on transmet. Plusieurs expressions courantes de la langue française s’y réfèrent « à bout de souffle, ça m’a coupé le souffle, c’est suffocant il en reste bouche bée, recueillir un dernier souffle… ». Dans l’inspiration, nous recevons le cadeau de la vie et de la créativité, quand nous expirons nous pouvons offrir notre richesse intérieure ( personnelle ) aux autres. Dès lors l’art devient un don de soi et l’artiste un vecteur qui permet au public de communiquer avec une autre réalité. On peut écouter et percevoir sa respiration, on peut la diriger, on peut l’arrêter quelques instants, lui donner un rythme et aussi l’entraîner, tant sur le plan musculaire que nerveux. Chacun dans la vie a besoin de retenir son souffle, de le rendre moins bruyant, de l’adapter à certaines techniques, de créer des réflexes conditionnés. Les musiciens, les chanteurs, les orateurs, les danseurs ont besoin, comme les sportifs, de connaître leurs possibilités respiratoires et de les adapter à leur art. La respiration autant que les gestes ou l’expression du visage, transmet le sentiment profond de l’être et l’émotion de l’artiste. 3 L’auditeur ou le spectateur calque leur respiration sur celle de l’exécutant et se trouvent en communication avec une autre réalité. Le but de la création artistique est de transmettre des émotions. Je citerais ici les paroles du pianiste Claudio Arrau : « La vanité est la chose la plus terrible, la plus handicapante pour un interprète. Si vous êtes certain d’avoir quelque chose d’exceptionnel à dire, alors vous n’êtes pas là pour séduire, ni pour impressionner. Vous avez votre message et c’est tout. Si ça leur plait tant mieux, sinon…Je ne sais pas si j’ai été clair » 4 Introduction Le sens inné de la respiration, bien qu’il soit un don de sa propre émotion est souvent oublié des artistes. Ceci s’explique notamment chez les instrumentistes à vent et les chanteurs : L’émission du son dépend indubitablement de la respiration. Elle est perçue comme une nécessité intégrée à la technique même de l’instrument. De part mon expérience d’élève et d’enseignante, je prendrais comme exemple l’apprentissage de la flûte traversière. Dès les premières leçons, parmi tous les paramètres ( embouchure, position des lèvres…) qu’il doit intégrer, l’élève doit prendre conscience du mouvement naturel de va-et-vient de la respiration. Ceci intervient comme une notion totalement nouvelle : impatients de pratiquer l’instrument, les élèves sont souvent surpris devant l’importance de la respiration. Ils sont souvent conscients qu’un instrument à vent va induire de souffler, mais ils n’ont pas le réflexe conscient de comprendre que le souffle dépend de la respiration. Il paraît absurde de devoir apprendre à quelqu’un comment respirer.( Et je n’ai pas ici cette prétention). De plus la respiration est différente selon chacun individu, puisqu’elle est liée à ce que l’on ressent. J’ai souhaité alors mieux comprendre comment chaque être pouvait utiliser son corps pour un meilleur rapport avec son instrument au travers de la respiration. Je me suis souvent demandée en tant que flûtiste pourquoi la respiration procurait tant de préoccupations ? Pourquoi après des années de flûte, elle était toujours au centre des préoccupations ? Philippe Bernold confiait pourtant qu’il ne s’était jamais posé toutes ces questions qu’après qu’on ne cesse de les lui poser en tant que professeur. Au travers des paramètres physiologiques, corporels, et émotionnels, je souhaiterais m’interroger sur l’interaction entre la respiration, le corps, l’instrument, et la création artistique. 5 Première partie : La respiration ; principes et prise de conscience 1. L’inspiration L’inspiration dépend du mouvement réflexe de la membrane musculo-tendineuse appelée diaphragme. Dans l’organisme, le diaphragme est à la fois le plancher du thorax et le plafond de l’abdomen. Il peut être comparé à un grand parapluie au mécanisme particulier : lorsque le centre phrénique descend les trois diamètres de l’abdomen ( hautbas, avant-arrière, gauche-droite ) s’élargissent. Cela crée un appel d’air et cet air entre dans les poumons. Cet élargissement se traduit par le gonflement de l’abdomen. ( Le diaphragme pousse les viscères.) Ce phénomène est souvent à l’origine de confusions chez les jeunes instrumentistes à vent qui parlent de respirer par le ventre ou encore qui pensent que l’air arrive dans le ventre. Il ne faut pas oublier alors que lorsque que le diaphragme se tend, il agit sur l’abdomen mais également sur le bas du dos et les côtés du ventre. ( Voir annexe 1) La première étape pour les jeunes instrumentistes à vent est de prendre conscience du mouvement de l’abdomen à l’inspiration. Plusieurs exercices simples, sans l’instrument, peuvent aider dans ce sens. Ce mouvement inné est très facile à percevoir en position couchée : allongé sur le dos, on plie les genoux. Les pieds doivent être légèrement écartés ( pas plus que la largeur du bassin ), et ils ne doivent pas toucher les fesses pour ne pas bloquer le bassin. Une main posée sur le ventre légèrement en dessous du nombril, il est assez aisé de sentir le mouvement de l’abdomen. Pour aider l’élève à se détendre, on peut lui suggérer de fermer les yeux, ou encore lui parler de tout autre chose pour que son esprit se libère. Dans un deuxième temps, dans la même position, on place une main sur l’abdomen, et l’autre dans le dos au niveau de la cambrure ( naturellement réduite dans cette position). L’élève peut ainsi sentir le mouvement haut-bas et avant-arrière de l’inspiration. Lorsqu’on est allongé, les épaules ne se lèvent pas à la prise d’air ( seul le ventre se soulève ) ; C’est l’inspiration la plus naturelle et la meilleure pour jouer d’un instrument à vent. 6 Je limiterai l’objectif de ces deux exercices à la prise de conscience de sa respiration et du mouvement corporel qu’elle implique. C’est une étape fondamentale mais non moins délicate. En effet, j’ai souvent observé qu’il est périlleux à ce stade de reproduire ce mouvement debout ou pire avec l’instrument. Je citerais ici, le traité méthodique de pédagogie instrumentale de Michel Riquier ( Deuxième leçon exercice deux ) : « …Étant debout, vous placez vos mains sur vos hanches en mettant le pouce légèrement derrière, au-dessus du bassin, sous les dernières côtes, et les doigts le plus possible sur le devant. Ensuite vous vous pliez en deux pour que le tronc forme approximativement un angle droit avec les jambes, et dans cette position vous respirez ( toujours par la bouche ) en prenant soin de n’utiliser que la partie inférieure des poumons. » Il faut refaire cet exercice jusqu’à ce que l’on ressente les mêmes sensations que dans les deux exercices précédents. La troisième étape consiste à reprendre la position debout plié en deux, les mains placées comme il est dit dans l’exercice précédent, et à se relever progressivement de quelques degrés. Le but est de garder toujours les mêmes sensations jusqu’à la position horizontale. Il est inutile de passer d’un exercice à l’autre si les sensations ne sont pas trouvées à chaque étape. L’évolution étant différente selon les personnes, il me semble risqué de proposer hâtivement et successivement tous ces mouvements. De plus on peut très vite se retrouver confronté au phénomène de l’inspiration paradoxale. Certaines personnes ne parviennent pas toujours à réaliser cette déformation de l’abdomen. Voulant inspirer, elles font exactement le mouvement inverse : elles rentrent l’abdomen et ouvre la cage thoracique. C’est que, la musculature de l’abdomen ne se relâchant pas, l’abaissement du diaphragme est impossible. Ceci est fréquent dans plusieurs cas : personnes qui redoutent de « sortir » le ventre, ou personne ayant associé l’inspiration avec des mouvements d’élévation des bras ou de redressement dorsal. On constate souvent ce problème chez les flûtistes, qui est dû à la position de l’instrument. C’est pourquoi, il est nécessaire de ne pas brûler les étapes. Il est préférable de pratiquer ces exercices parallèlement à l’apprentissage de l’instrument. Une fois les 7 bonnes sensations intégrées à l’aide des exercices, le lien avec l’instrument se fait de manière plus naturelle. Les blocages peuvent ainsi être évités. 2. L’expiration L’expiration est le temps de l’expression musicale, c’est-à-dire, le moment où le son est produit. De même qu’il existe plusieurs inspirations, il existe plusieurs manières d’expirer. L’expiration naturelle s’exprime par une sensation de détente corporelle. On peut le constater lorsqu’on soupire, lorsqu’on baille ou encore lorsqu’on s’endort. Elle se déroule alors dans un temps relativement court qui ne convient pas au souffle réclamé par la pratique d’un instrument à vent. Lorsque le souffle de l’expiration n’est pas contrôlé, le débit est important mais il est sans pression et très souvent irrégulier. La première étape dans l’apprentissage de la flûte est d’apprendre à souffler de manière régulière. J’utilise souvent comme exemple avec les jeunes élèves l’image « du gâteau d’anniversaire ». Je les invite à éteindre toutes les bougies en un seul souffle. On peut utiliser également une feuille de papier placée à environ quarante centimètres de la bouche. On souffle sur le bas de la feuille en veillant à ce qu’elle garde toujours la même courbure. Il faut bien évidemment rester vigilant sur l’inspiration où les épaules ne doivent en aucun cas se lever. Le but est de faire intervenir l’action de la sangle abdominale qui doit être naturellement sollicitée dans les exercices précédents. Cette action musculaire est consciente par opposition au jeu inconscient du diaphragme. Elle permet de contrôler le débit mais également la vitesse de l’air que nous expirons. Cette contraction ne doit pas bloquer l’expiration mais seulement la réguler. Toute contraction brutale, forcée et maintenue empêcherait le relâchement du diaphragme et donc l’expiration elle-même. Cette poussée peut-être apparentée à une expiration paradoxale. Il y a une action antagoniste et synergique des abdominaux et du diaphragme. Ce dernier contrôle la pression abdominale régulant ainsi le souffle. (Voir annexe 2) Les abdominaux sont en fait composés de plusieurs muscles. On a vu précédemment que l’abaissement du diaphragme provoquait une poussée de l’abdomen du haut vers le bas, ainsi que son élargissement en avant et en arrière, et sur les côtés. Plusieurs muscles vont alors pouvoir freiner la remontée du diaphragme et créer ainsi une pression de l’air expiré. 8 Resituons la cage thoracique, constituée par les douze paires de côtes, le sternum en avant, les vertèbres cervicales et dorsales en arrière. Les dernières côtes, dites flottantes permettent d’amples mouvements entre le thorax et l’abdomen. Des muscles tapissent les espaces intercostaux. Les intercostaux externes soulèvent les côtes, les intercostaux internes les abaissent. Le grand dentelé, le rhomboïde, les muscles dorsaux et l’angulaire, qui s’insèrent sur les omoplates, les vertèbres et les côtes, servent à l’inspiration. Le grand oblique et le petit oblique, muscles abdominaux entourant la région thoracique inférieure et la face latérale et antérieure de l’abdomen, abaissent les côtes et servent à l’expiration. Les muscles grands droits maintiennent et compriment les viscères abdominaux en liaison avec le diaphragme. Tous les muscles expirateurs vont agir sur les trois diamètres abdominaux de l’inspiration pour freiner la remontée du diaphragme pour pouvoir ainsi gérer la vitesse et le débit de l’air expiré. (Voir annexes : 3, 4, 5, 6 ) L’expiration est de loin la phase délicate, aussi bien qualitativement que quantitativement. De la régularité de la pression dépend directement la beauté et la malléabilité du son. La respiration peut se comparer au geste du violoniste, où l’expiration serait toute la période de tenue et de contrôle de l’archet. C’est bien d’un archet éolien dont se sert le flûtiste, et de sa virtuosité dépendent les possibilités d’expression musicale. 9 Deuxième partie : Le sens artistique de la respiration 1. Le cycle La prise de conscience de la respiration se fait toujours en plusieurs étapes. La maîtrise de l’inspiration puis l’expiration. Ce système induit parfois des confusions dans notre perception de la respiration. Il est évident que la création sonore ne s’établit qu’après une inspiration. Il est pourtant fréquent d’entendre des élèves commencer à jouer sans avoir pris la peine d’inspirer ! L’attention se porte alors uniquement sur le souffle de l’expiration pour produire le son. Le son se trouve alors altéré et l’élève n’a souvent pas assez d’air pour s’exprimer librement comme il aurait souhaité. Ce phénomène prouve que le jeune flûtiste n’a pas conscience que l’expiration dépend de son inspiration. Une mauvaise inspiration provoque une expiration de mauvaise qualité. De plus si l’inspiration est mal placée corporellement, l’expiration ne pourra pas être contrôlée par le soutien abdominal. A l’inverse, même si l’inspiration est de bonne qualité, il n’est pas évident que l’expiration face intervenir le soutien abdominal. Plusieurs causes diverses peuvent être à l’origine de ce déséquilibre. Une mauvaise posture, le trac ou encore le stress provoque des tensions au niveau du plexus qui est le centre de nos émotions. Il devient difficile de contrôler l’abdomen qui se retrouve « bloqué en haut ». Toute l’énergie se trouve canalisée au niveau du torse et le contrôle du souffle ainsi que la détente corporelle deviennent impossibles. Seule l’inspiration suivante peut débloquer cette tension et replacer l’énergie au niveau du centre de gravité : le hara. Même si des ruptures peuvent s’installer entre l’inspiration et l’expiration ou entre l’expiration et l’inspiration, il ne faut pas oublier que la respiration est un cycle où l’inspiration et l’expiration dépendent l’une de l’autre. En les dissociant dès le début de l’apprentissage, on oubli de concevoir la respiration comme un cycle, un mouvement de va-et-vient. Il est important de rétablir le naturel du cycle à chaque étape de la prise de conscience. Je me suis souvent posée la question de savoir pourquoi après des années de pratique, le souffle posait toujours des problèmes. Je me suis rendue compte en questionnant les élèves que leur attention n’était portée que sur l’inspiration ou l’expiration, mais qu’ils ne concevaient pas que l’une et l’autre étaient à la fois cause et conséquence. 10 Ce lien me semble important à rétablir pour le bien être de l’instrumentiste et pour qu’il se serve du cycle de la respiration pour son expression musicale personnelle. 2. A propos du diaphragme Le mot diaphragme est souvent employé à tors pour décrire tous les phénomènes de souffle. Une mauvaise utilisation de ce terme entraîne en effet des confusions qui perturbent le rapport du musicien à l’instrument. On entend fréquemment des phrases comme : « soutiens avec ton diaphragme ». Le diaphragme est un muscle réflexe, c’est-àdire qu’il ne répond pas à notre volonté. Il est très souvent mis en relation avec le jeu des instrumentistes à vent comme s’il entrait en jeu dans l’acte de souffler. Ce n’est pas le cas. Les mouvements du diaphragme sont involontaires. Cependant ils sont conditionnés, libérés ou restreints, par tous les muscles qui l’entourent. « Étant donné qu’il n’y a aucune perception sensorielle des mouvements ou de la position du diaphragme, à aucun moment, il n’y a moyen de le contrôler. Je me souviens très bien m’être senti bête et insensible, comme étudiant autant que maintenant, de ne pouvoir ressentir et réagir aux admonestations de professeurs concernant mon copain le diaphragme. » ( Une simple flûte… de Michel Debost ) L’important est de ressentir les mouvements de l’abdomen à l’inspiration. Il ne me semble pas judicieux dans un premier temps de faire un cours d’anatomie aux élèves. Cela peut avoir comme conséquence de compliquer un travail qui doit se faire dans la détente. Nous n’avons aucun moyen d’agir directement sur le diaphragme. La difficulté est de le laisser agir sans gêner son mouvement vers le bas, en détendant l’abdomen. Il ne faut pas confondre détente et relâchement. L’inspiration est la phase de préparation du son ( l’expiration étant la phase de création sonore ). Le phrasé s’inscrit dans la continuité d’une ligne et ne doit pas s’interrompre dans des creux de relâchement. La concentration musicale n’autorise pas de relâchement. La détente est indispensable pour permettre une bonne inspiration. Mais elle doit être un moment de suspension, projetée vers le son, et non un affaissement en arrière du son. L’inspiration est intimement liée au phrasé musical. Il est difficile pour un élève de faire face à toutes ces nouveautés qui se présentent à lui dès le début de sa pratique. Il doit se familiariser avec un objet jusqu’alors totalement 11 étranger, maîtriser l’émission du son, la lecture des notes, l’assimilation des doigtés, la prise de conscience de sa respiration…L’élève en arrive parfois rapidement à oublier la raison première pour laquelle il souhaite jouer d’un instrument : la musique. On peut facilement refaire le lien grâce au chant. Il permet de faire prendre conscience de la place naturelle de l’inspiration dans la musique, et de son sens musical. Il est donc nécessaire d’allier l’inspiration musicale à l’apprentissage de l’inspiration abdominale pour que le résultat reste harmonieux. Cela permet à l’élève de rester en accord avec sa personnalité et de ne pas créer des tensions physiques ou psychologiques ( souvent inconscientes ) qui se répercutent longtemps dans le jeu de la flûte. 3. La respiration musicale La musique est une succession de tensions et de détente. La respiration pose des problèmes et est vécue en musique comme une contrainte technique flûtistique, si elle n’est pas mise directement en relation avec l’expression musicale. Il est courant de voir des jeunes flûtistes négliger la place des inspirations dans une phrase musicale (qu’elle soit extraite d’un exercice ou d’un morceau ). Le simple fait d’inscrire par une notation le temps de l’inspiration sur une partition est perçu par l’élève comme une contrainte technique supplémentaire et non comme un temps d’expression. Le lien souffle-musique n’est pas toujours évident. Si l’élève chante cette même phrase musicale, il respirera plus naturellement avec la musique. Le chant apparaît comme un moyen de rendre naturelle l’inspiration. Il existe plusieurs façon d’inspirer dans une phrase musicale. La respiration doit s’intégrer dans la ligne de chant et tenir compte du discours musical. Au-delà de la prise de conscience physiologique et de la maîtrise de la respiration, chez un jeune flûtiste, le point le plus important sera l’écoute. Il faut écouter beaucoup de musique avant de comprendre intuitivement les notions essentielles de phrasé, cadence, carrure. La première étape est qu’un élève arrive à nommer les différences : discerner « pareil et pas pareil » est déjà un premier vers l’assimilation. La musique vocale dont la longueur des phrases est comparable à celles de la flûte constitue un allié majeur. Grâce à l’écoute du chant, l’élève peut comprendre la notion d’intégration de l’inspiration à un geste musical. Musicaliser la respiration est essentiel. L’imitation occupe une part importante, dans l’enseignement, notamment chez les débutants qui développent de nombreux réflexes inconscients. Ce phénomène peut être 12 exploiter pour musicaliser la respiration. Dans les débuts, le professeur marque inévitablement lui-même les respirations de l’élève. Mais l’exemple sonore permet de dédramatiser l’aspect technique de la notation, en inscrivant la respiration dans un caractère sonore désiré : respiration calme, large, pressée, haletante, dramatique…Il est nécessaire de tester rapidement le goût de l’élève : lui proposer plusieurs choix, voir ses préférences : que penses-tu de cette respiration ? Est-elle au bon endroit ? Est-elle bien prise ? Avec le bon caractère ? Ceci est la première marche vers l’autonomie d’expression musicale de l’élève. Cela doit être renforcé par un minimum de notions techniques qui l’aideront à se justifier et à être en accord avec la musique et lui-même. Il s’agit ensuite d’assimiler les notions de carrure, cadence, phrasé. A travers différentes pièces très formatrices qui présente des carrures régulières et une forme dominante A B A clairement exprimées. Dans un souci de rendre la respiration au service de la musique et donc de l’écoute, ceci doit être appliqué jusque dans les exercices ou les études. A ce stade l’élève peut vérifier lui-même la valeur musicale de ses propositions de respirations en chantant ce qu’il joue. L’instrument, tout comme la respiration non musicale sont un obstacle à l’expression. Chanter permet alors toujours de résoudre des problèmes souvent dus à des blocages. De plus, on apprend toujours par éliminations successives de fausses solutions. Tout ceci à pour but de ne jamais oublier le sens musical de la respiration, trop souvent exclu des cours. Elle doit être présentée comme une nécessité d’expression plutôt que comme une contrainte instrumentale. La notation en devient naturellement musicale. Je tiens néanmoins à ajouter que je considère certaines inspirations comme pédagogiques. Certains élèves, petits, manquent parfois d’air pour s’exprimer jusqu’au bout de la phrase. Au-delà du travail de gestion de l’air, il est parfois nécessaire une respiration d’aisance. Ceci ne doit pas contrarier la musique mais au contraire mais aider l’élève à mieux s’exprimer, tout en respectant le phrasé musical. 13 Troisième partie : l’utilisation du corps 1. La posture Le corps joue un rôle important dans la respiration. Une posture bloquée, déséquilibrée entraîne des tensions qui peuvent gêner la respiration. a) Stabilité : La position du corps est le reflet de notre personnalité. Notre attitude corporelle exprime nos émotions. En situation de malaise, la respiration est affectée et le corps se retrouve perturbé. Une bonne posture peut aider à palier ces gènes. « Avant même que la première phrase soit finie, l’une des choses que le spectateur remarque d’emblée est une posture disgracieuse ou maladroite. » ( Une simple flûte… de Michel Debost ) La stabilité du tronc sur les jambes permet de libérer les épaules. Il n’y a pas de souplesse possible sans une fondation solide. On parle souvent d’ancrage au sol. Mais il faut distinguer ancrage et tassement. On peut observer la position d’un jeune enfant : il présente un ancrage au sol majestueux et une lancée de la colonne vertébrale vers le haut. Cette position est la plus naturelle. A trop penser au contact horizontal avec le sol, on oublie le rôle de la colonne vertébrale : la verticalité. « Pieds nus sur une surface dure, vous vous installez debout, les jambes légèrement écartées ; vous oscillez légèrement, sans soulever les pieds, dans le sens latéral, vous réduisez l’amplitude des oscillations jusqu’à l’arrêt complet : vous avez trouvé une première dimension de la verticale. Vous oscillez maintenant le bassin d’avant en arrière ( sans bouger le haut du corps afin de ne pas perdre l’équilibre ), vous réduisez et stoppez les oscillations : vous avez seconde dimension de la verticale. » ( Traité Méthodique de pédagogie instrumentale de Michel Riquier ) 14 La position « garde à vous » n’apparaît pas non plus comme une solution satisfaisante. Les genoux doivent être légèrement pliés ( déverrouillés ) pour permettre de trouver l’équilibre. L’important est de sentir que tout le pied est en contact avec le sol. Le poids du corps ne doit pas se répartir plus sur l’avant ou l’arrière des pieds. « Ensuite, vous recherchez les sensations au niveau de la plante du pied ; vous devez, ni être trop porté sur la pointe des pieds, ni trop sur les talons. Pas plus sur la tranche intérieure du pied que sur la tranche extérieure, vous devez profiter de toute votre surface de base. Pour mieux ressentir le contact avec le sol, imaginez que vos plantes de pieds s’étalent et s’aplanissent. Il faut que chaque centimètre de votre pied porte le même poids. Lorsque vous aurez réalisé ce parfait équilibre, vous pourrez alors détendre les muscles de vos jambes et ainsi économiser une certaine quantité d’énergie. Cet exercice est important pour la prise de conscience du contact avec le sol, pour la stabilité du corps dans la détente ainsi que pour l’équilibration du tonus musculaire… » ( Traité méthodique de pédagogie instrumentale de Michel Riquier ) b) le centre de gravité « Le centre de gravité d’un joueur de flûte n’est ni le diaphragme ni le plexus, mais un point situé au-dessous du nombril que nous ressentons lorsque nous toussons ou éternuons » Ce point concentre une énergie considérable. Cette énergie peut-être apparentée au soutien ; elle doit être prolongée pour la conduite du son. Une posture stable est indispensable pour ressentir notre centre de gravité. Si on déplace notre poids sur une jambe, le centre de gravité se déplace et il se produit un changement de la vitesse de l’air que nous expirons. En augmentant la sensation de poids sur le sol, la vitesse d’air augmente. Le soutien trouve son origine à ce centre de gravité « Le centre de gravité doit être trouvé aussi près que possible du sol c’est-à-dire dans le bas de l’abdomen » Il est impossible de trouver un équilibre intérieur – le centre de gravité psychique – sans avoir trouvé le centre de gravité du corps. Beaucoup de gens se placent au niveau du 15 thorax. L’attitude « poitrine en avant, épaules en arrière, ventre rentré » n’est pas une posture naturelle ; c’est l’attitude typique de quelqu’un qui cherche à assumer un comportement qui ne lui est pas propre. Cela a pour conséquence une aggravation de la respiration thoracique ainsi qu’une forte tension du haut du corps. Tout ceci a une influence néfaste sur le psychisme. Le musicien à besoin d’être en accord avec lui-même pour exprimer des émotions personnelles. La recherche d’une stabilité corporelle accès sur le centre de gravité peut remédier à certains blocages tant physiques que psychologiques. c) La position assise Dans la position de jeu effective, il est bon d’être debout avec les pieds bien en contact avec le sol, de bien sentir son propre poids, et d’avoir l’impression de repousser le sol. Il faut s’efforcer d’être toujours conscient de la gravité. Il en est de même assis, coudes baissés, épaules basses. C’est le confort et l’efficacité qui priment avant tout. La position de la chaise par rapport au pupitre ne doit pas être un hasard. Le siège ne doit pas être posé à angle droit mais orienté vers la droite de telle sorte que la tête soit tournée légèrement vers le coude gauche. Ainsi le coude droit n’a pas besoin d’être ramené en arrière hors d’alignement avec le torse, ce qui crée une posture contrainte et incommode. La stabilité se trouvera dans l’appui des ischions sur la chaise et des pieds à plat sur le sol. Les reins peuvent être appuyés souplement sur la partie inférieure du dossier afin de libérer l’abdomen pour une bonne aisance de respiration. 2. Le corps comme instrument A trop s’attacher à l’acquisition d’automatismes à travers des processus répétitifs, on oublie trop souvent que jouer d’un instrument, interpréter de la musique mobilise à la fois le psychisme et les ressources corporelles et met en jeu l’être tout entier. Au-delà de la posture et de la respiration le corps entier aide à l’expression. Les chanteurs sont encore un bon exemple puisque leur est leur instrument. Se servir de son corps comme instrument d’expression permet de créer un mien supplémentaire entre l’instrument et soimême. Ce n’est pas l’instrument qui vient vers le corps ni l’inverse, mais l’alliance des deux ( comme un duo ) crée le son. Le corps est un instrument prodigieux qui offre de multiples caisses de résonance. 16 Le but est d’utiliser au maximum toutes les possibilités qu’offre le corps. La boîte crânienne, les sinus, et la bouche sont très utilisés chez les chanteurs et méritent d’être exploités dans le jeu de tous les instruments à vent. Leur rôle n’est peut-être pas flagrant mais on en prend facilement conscience lorsqu’on souffre d’une affection respiratoire. Lorsque nous sommes enrhumés, la sonorité nous paraît alors aussi bouchée que notre nez. Notre perception est altérée : l’oreille interne, les sinus ne peuvent entrer en résonance. Plus bas, l’ouverture de la gorge permet une meilleure aisance dans l’inspiration. La gorge est le passage le plus étroit et l’obstacle le plus inconscient au libre débit de l’air. Lorsque nous sommes anxieux, la gorge se resserre et bloque ainsi le passage de l’air. On peut palier à cette situation en reproduisant le processus du bâillement à l’inspiration comme pendant le jeu. Dans le bâillement le langage du corps nous incite à nous détendre : les épaules tombent, la gorge s’ouvre et le mouvement de l’abdomen ne s’oppose plus au remplissement des poumons. De plus lorsque la gorge est serrée, l’inspiration devient bruyante et inesthétique musicalement. L’ouverture de la gorge aide notamment à l’émission des sons graves. Ils ont besoins d’espace pour résonner. Le thorax est la plus grande caisse de résonance du corps. Elle est souvent bloquée par une contraction des épaules. Si l’assise au sol est suffisante, elle permet de libérer le haut du corps et offre ainsi la liberté à l’air d’entrer en vibration. Notons au passage qu’une position avec les épaules hautes entraîne tes tensions au niveau de la gorge et bloque ses résonances. La pratique du chant diphonique permet de ressentir toutes ces vibrations dont le corps est capable. Dans cette pratique les voyelles ne sont formées que par les lèvres et la langue positionnée le bas possible dans la bouche. Le son « ou » fait vibrer le corps très bas dans l’abdomen, au niveau du centre de gravité. Vient ensuite le son « o », qui résonne dans le plexus. Le son « a » vibre au niveau du sternum. Puis les sons « é », « i », « u » résonne respectivement dans la gorge, les sinus, et la boite crânienne. A effectuée tout d’abord très lentement cette suite doit être dite ensuite de plus en plus rapidement. On peut alors nettement ressentir à quel point le corps tout entier peut entrer en vibration. Ceci peut ouvrir de nouvelles perspectives pour le jeu des instrumentistes à vent. Cela nous fait prendre conscience de l’importance du corps dans l’expression musicale au-delà d’une simple bonne posture. Les sons diphoniques peuvent également aider à ressentir les différents points essentiels du corps dans la respiration. Ils sont utiles dans la maîtrise du son et du timbre. 17 3. La détente La respiration ne peut être de bonne qualité si elle ne prend pas en compte le corps. Et le corps ne peut d’être au service de l’expression que s’il est en harmonie et qu’il sait alterner dynamisme et détente. Plusieurs méthodes se sont développées autour de la prise de conscience du corps et de la respiration comme le yoga, le tai-chi. D’autres s’appliquent de plus en plus dans l’enseignement artistique comme la méthode Alexander ou la méthode Feldenkrais. a) Méthode Alexander : De multiples facteurs sont liés aux problèmes des musiciens : conditions de travail, mode de vie, stress, sièges inadaptés, instrument…Mais pour F.M. Alexander ( 18691955), le plus important n’est pas ce que le musicien subit de l’extérieur mais ce qu’il se fait à lui-même. Alexander considère l’individu comme un tout ; il ne parle pas du corps mais du « soi », pas de posture mais d’usage. Le but de la technique Alexander n’est pas d’apprendre à l’élève ce qui est correcte mais de l’aider à cesser de faire ce qui est incorrecte. En pratiquant la Méthode Alexander, le musicien prend conscience de sa manière de s’utiliser et apprend à atteindre le but recherché par des procédures indirectes. Il développe ainsi ses capacités et son potentiel par un meilleur usage de soi. Dès le début da sa carrière, Alexander acquit le surnom de « l’homme respiration ». A juste titre, Alexander considère la respiration comme un effet et non une cause. On peut dire que la respiration est une des fonctions de l’usage de soi et en tant que telle, en dehors de tout contrôle direct. Ceci est une caractéristique fondamentale de l’idée qu ’Alexander se fait de la respiration ; ce qui place la technique Alexander carrément à contre pied de toutes les doctrines qui reconnaissent un quelconque contrôle direct sur la respiration, telles que le Yoga et de nombreuses méthodes contemporaines d’enseignement vocal. Selon la conception d’Alexander, la respiration dans son ensemble, bonne ou mauvaise, « soutenue » ou pas, et un effet et non une cause : Nous disons d’une personne qu’elle respire mal ou de manière imparfaite. Mais nous devons nous rappeler que cette soi-disant « mauvaise respiration » n’est qu’un symptôme ; ce n’est pas la cause première du problème car les normes de la respiration dépendent des normes de l’usage et de la coordination globale du mécanisme psychophysique. Nous devrions donc plutôt dire qu’une personne est mal coordonnée et non qu’elle respire mal. L’action de 18 respirer n’est pas un élément premier ni même secondaire du processus. En fait, grâce à la parfaite coordination des parties requise par mon système, la respiration est une opération subordonnée qui se fera d’elle-même. La respiration se situe à la limite entre les fonctions volontaires et involontaires. On peut se débarrasser de quelques-unes unes de nos mauvaises habitudes respiratoires et du mauvais usage qui en résulte si on comprend bien les mécanismes de l’inspiration. Alexander a écrit : « L’inspiration n’est pas l’action d’aspirer de l’air jusqu’aux poumons mais c’est une bouffée d’air qui s’engouffre de manière instantanée et spontanée dans le vide crée par la dilatation automatique du thorax. Si la dilatation du thorax se fait correctement, les poumons se rempliront immédiatement d’air du fait de la pression atmosphérique, tout comme le soufflet se rempli d’air lorsque l’on écarte les deus manches. Il n’est pas nécessaire de penser à respirer ; en fait, il est plus ou moins néfaste de le faire. » ( Technique Alexander pour les musiciens de Pedro Alcantara ) Alexander fait remarquer que la plupart des personnes qui font des exercices respiratoires ont une idée fixe - à savoir, dilater largement la poitrine- alors qu’une contraction appropriée a tout autant d’importance. Dans de nombreux cas, les mouvements de l’expiration requièrent plus d’attention que les mouvements inspiratoires. En effet, la dilatation de la poitrine qui provoque l’inspiration devrait se faire de façon réflexe. La conséquence pratique de la conception d’Alexander sur la respiration est que : « Vous ne faites rien pour changer directement votre respiration. Il n’existe pas d’exercices qui vous demandent de changer les mécanismes ou la vitesse de la respiration, de compter les temps d’inspiration et d’expiration, de retenir votre respiration ou de faire des exercices forcés, etc.…Au lieu de cela on vous demande de vous défaire de toute idée préconçue sur la respiration. Aidé de votre professeur, vous devez reconnaître que votre perception sensorielle peur-être erronée. Vous devez aussi prendre conscience de vos mauvais usages habituels. Cessez donc de mal vous utiliser- et laisser votre respiration retrouver son propre équilibre. » Il est vrai que le bon usage de soi est une condition nécessaire à toute bonne respiration. Mais il se trouve aussi que le bon usage de soi est une condition suffisante 19 pour une bonne respiration. Une bonne respiration est simplement une caractéristique du bon usage. Toute personne qui s’utilise bien, automatiquement respire bien. Il nous faut admettre que certaines personnes ont retiré un certain avantage d’avoir travaillé consciemment et consciencieusement sue leur respiration. Cela étant dit, ils en auraient appris plus mieux et plus vite s’ils avaient plutôt travaillé sur leur usage sans se soucier de la respiration. Il ne faut pas oublier ceux qui ont vu leurs problèmes augmenter à cause de leurs exercices de contrôle respiratoire. Il n’y a pas de nouvelle formule que celle d’Alexander lui-même pour souligner le côté positif du non-faire en matière de respiration : « Si j’allais chez quelqu’un pour prendre des leçons de chant, peu m’importerait ce qu’il m’apprendrait, il ne pourrait me faire aucun mal. » b) Méthode Feldenkrais Pour Moshé Feldenkrais, le mouvement est l’indice le plus représentatif de l’activité du système nerveux. Les tremblements spasmodiques, les différents types de paralysies, l’ataxie, les difficultés d’élocution, le manque de contrôle de la masse musculaire en général, sont autant de témoins d’une lésion ou d’un dysfonctionnement du cerveau ou d’autres parties du système nerveux. Il est inutile de faire faire à une personne quelque mouvement que ce soit, si l’on ne cherche pas à encourager le système nerveux à envoyer les impulsions nécessaires à la contraction des muscles concernés pour un mouvement, ou un ensemble de mouvements, corrects, effectués dans la bonne séquence corporelle. Le mouvement ou au contraire l’absence de mouvement, témoignent de l’état du système nerveux, de son aspect héréditaire et de son degré de développement. Sa méthode, ou technique, pour obtenir un meilleur développement du système nerveux, se base sur l’utilisation des relations réversibles de nos muscles et de notre système nerveux. Ceux-ci sont développés en fonction de la gravitation, qui détermine le développement et l’apprentissage de chaque individu. « Pour progresser, nous devons améliorer notre jugement. Mais ceci nous ramène à la case départ, puisque le jugement est le résultat de l’apprentissage, qui, lorsque nous sommes adultes, est déjà loin derrière nous. » ( Moshé Feldenkrais ) 20 Lorsque nous devenons conscients de ce que nous faisons réellement, et non pas ce que nous disons ou pensons, la voie de l’amélioration nous est largement ouverte. La rectification des déviations découvertes est un problème en soi. Mais la tendance ancrée en nous qui nous pousse vers des conditions optimales se charge généralement de le régler dans une certaine mesure. Offrir au corps la possibilité de perfectionner toutes les formes, toutes les configurations possibles de ses membres, change non seulement la longueur et la flexibilité du squelette et des muscles, mais provoque également un profond changement dans l’image de soi et dans la qualité de direction qu’on acquière soi-même. Feldenkrais disait que la prise de conscience devait permettre à l’homme de connaître son « image » et ses possibilités propres. « Lorsque tu sais ce que tu fais, tu peux faire ce que tu veux » Il appliquait cette observation à beaucoup de nos attitudes et actes quotidiens, qui sont très souvent liés à des efforts musculaires et autres tout à fait inutiles. Il considérait la fonction motrice et la fonction cérébrale de l’homme comme une unité inséparable et pensait que des états d’âme tels que le désir, l’ennui, la peur, la joie, le deuil, se traduisent dans la tension et le port de corps. Lorsque l’homme développe une conscience corporelle propre et complète son image corporelle, il peut consciemment musculaire en déséquilibre. « Conscience » est l’un des mots le plus souvent employé durant ses séances. La « prise de conscience par le mouvement » et « l’intégration fonctionnelle » tendent à permettre à l’homme de trouver l’auto responsabilité et la capacité de se guérir soi-même grâce à la compréhension. De plus, Feldenkrais expliquait qu’un bon praticien ( quelqu’un qui a étudié et intégré sa Méthode sous sa direction ) devait se sentir lui-même bien organisé et avoir une bonne forme physique pour pouvoir aider d’autres personnes. La manière dont l’esprit et le corps sont réunis a préoccupé les êtres humains depuis de nombreux siècles. « Un esprit sain dans un corps sain » et autres phrases du même ordre montrent la conception d’une certaine forme d’unité. « Je crois que l’unité de l’esprit et du corps est une réalité objective. Il ne s’agit pas seulement de parties reliées de quelque façon l’une à l’autre mais d’un tout inséparable lors du fonctionnement. Un cerveau sans corps ne peut pas penser ; au minimum, des fonctions motrices assurent les prolongements des fonctions mentales correspondantes. » 21 Conscience tout est là : pour Moshé Feldenkrais, c’est le mot clé. ( La clé de son travail, la clé de notre croissance.) En effet, son but est de nous développer à aller jusqu’au bout de nos potentialités, à utiliser notre cerveau à pleine puissance. Bien comprise, la méthode Feldenkrais doit nous aider à être plus ouverts, plus libres intellectuellement et émotionnellement. 22 Conclusion La respiration n’est pas la préoccupation majeure de notre existence puisqu’elle est naturelle et inconsciente dès la naissance. Néanmoins c’est elle qui rythme notre vie. Elle reflète nos émotions sans que nous en soyons conscients. Nous la subissons dans les moments de vive tension, heureuse ou malheureuse. Plus nous voulons la contrôler dans ces moments forts, plus le corps se crispe. Néanmoins, il faut parler autant de respiration psychique que de respiration corporelle. Lequel du corps ou de l’esprit agit sur notre rythme respiratoire ? En définitive : les deux. Si on ne peut aisément contrôler notre mental, sous peine de pervertir nos émotions, on peut agir sur notre corps. Mais le corps est nié très vite dès que les premiers apprentissages physiques de la vie sont établis. Il est très reconnu que la société, notre mode de vie pervertissent notre corps jusqu’à la négation de celui-ci. On peut donc apprendre à notre corps à désapprendre les mauvaises habitudes afin de retrouver un corps sain dans lequel notre esprit pourra s’exprimer pleinement. Moshé Feldenkrais, dans sa méthode propose ainsi de rééduquer le corps par le mouvement (Qui est commandé par le cerveau ) ? Plutôt que de rééduquer le psychisme, il trouve plus simple et moins périlleux de s’attarder sur le corps. Partant de ce principe, pourquoi les instrumentistes à vent s’obstinent-ils sur leur respiration qui est l’âme de leur sensibilité, quand elle fait entrer le corps entier en mouvement ! La respiration ne peut être dissociée du corps puisqu’elle l’habite. Pour la contrôler il faut donc apprendre à mieux connaître son corps, au lieu de s’attacher à mieux connaître ses « poumons ». Il est vrai que dès le début de l’apprentissage de l’instrument le corps doit apprivoiser un nouveau corps étranger avec lequel il va pouvoir s’exprimer. On ne peut intelligemment pas demander à tous les élèves de faire une rééducation fonctionnelle avant de débuter un instrument ! Mais on peut au contraire, par le biais de l’expression musicale, l’amener à exprimer ses émotions à l’aide de son corps et donc de sa respiration. Le problème pour les instrumentistes à vent, c’est que la respiration a un but double : créer le son, créer l’expression musicale. Vu comme ceci, il est évident que ce double objectif n’en est en fait qu’un seul. Mais ce n’est malheureusement pas le cas dans l’esprit de l’élève qui ne voit qu’une nouvelle contrainte technique à surmonter face à l’instrument. La respiration n’est pas suffisamment enseignée comme une expression 23 personnelle artistique. Elle n’est pas valorisée dans l’apprentissage. Ainsi des blocages entre l’inspiration et l’expiration( et inversement ) s’établissent, contrariant l’expression musicale. La respiration est rarement exposée comme un cycle, où on donne de soit – après ou avant – avoir reçu. Peut-on alors enseigner la flûte sans parler de respiration sans risquer de provoquer d’autres tensions ? La réponse affirmative n’est pas évidente parce qu’il est admis que la respiration doit être bien placée physiquement pour souffler. Néanmoins n’est-il pas possible d’établir, que l’élève, en ne pensant qu’à son expression personnelle, puisse acquérir. Je n’ai moi-même jamais fait cette expérience avec mes propres élèves. Mais au vu de mon propre apprentissage, il est clair que je ne veux pas reproduire le même schéma. Je pense néanmoins que le corps doit être la préoccupation première qui entraînera le naturel de la respiration et de l’expression musicale. 24 Annexe 1 :Variation de la position du diaphragme 25 Annexe 2 : Le diaphragme Colonne vertébrale Sternum Centre phrénique Fibres sternales Fibres vertébrales Fibres costales 26 Annexe 3 : Le petit oblique, muscle expirateur 27 Annexe 4 : Le grand oblique, muscle expirateur 28 Annexe 5 : le grand droit de l’abdomen, muscle expirateur 29 Annexe 6 : le transverse, muscle expirateur le plus profond 30 Bibliographie - Une simple flûte… de Michel DEBOST ( édition les Maîtres de Musique ) - A propos de pédagogie de Pierre-Yves ARTAUD ( édition Billaudot ) - La flûte de Pierre-Yves ARTAUD ( édition J.C Lattès/ Salabert ) - Traité Méthodique de pédagogie instrumentale de Michel RIQUIER ( édition Billaudot ) - L’utilisation de vos ressources intérieures de Michel RIQUIER ( édition Billaudot ) - Technique Alexander pour les Musiciens de Pedro ALCANTARA ( édition Collection Médecine des Arts ) - La technique Alexander : Principes et Pratique de Pedro ALCANTARA (édition Collection Psycho-soma ) - La puissance du moi de Moshé FELDENKRAIS - Le violon intérieur de Dominique HOPPENOT ( édition Van de Velde ) 31