LE CHIEN JAUNE DE MONGOLIE

Transcription

LE CHIEN JAUNE DE MONGOLIE
LE CHIEN JAUNE
DE MONGOLIE
DE BYAMBASUREN DAVAA
FICHE TECHNIQUE
MONGOLIE/ALLEMAGNE - 2005 1h33
Réalisatrice :
Byambasuren Davaa
Image :
Daniel Schönauer
Montage :
Sarah Clara Weber
Musique :
Dagvan Ganpurev
Interprètes :
Urjindorj Batchuluun
(le père)
Buyandulam Daramdadi
Batchuluun
(la mère)
Nansa Batchuluun
(la fille aînée)
Nansalmaa Batchuluun
(la fille cadette)
Batbayar Batchuluun
(le fils)
Tsrenpuntsag Ish
(la vieille dame)
SYNOPSIS
fiche film
DIE HÖHLE DES GELBEN HUNDES
Nansal, une gamine de six ans, est l’aînée d’une famille
de nomades du Nord de la Mongolie. Un jour, elle ramène
chez elle un chien abandonné, mais son père pense qu’il
va leur porter malheur et veut qu’elle s’en débarrasse.
Nansal tente de le cacher, mais le jour où la famille déménage, elle doit abandonner le chien…
CRITIQUE
Byambasuren Davaa dit que son premier long métrage,
L’Histoire du chameau qui pleure, n’a pas marché en
Mongolie, «car tous connaissent le rituel que je montre
dans le film. Dans mon pays, chacun sait que si une chamelle rejette son nouveau-né, il se peut que la musique
la bouleverse, au point de pleurer et de se réconcilier
avec son petit». Elle dit que ce film a fini par être jugé
«intéressant», bien que peu diffusé, grâce à sa nomina1
tion aux oscars. «Car en Mongolie,
tout ce qui vient de l’Ouest est
forcément attirant.» En Mongolie,
comme dans d’autres endroits du
globe, le cinéma visible se résume
en «de grosses machines américaines et des histoires à l’eau de
rose».
Byambasuren Davaa, environ 35
ans, et qui vit à Munich, ne filme
pas l’eau des roses, mais «le cycle
du lait», la vache qu’on trait, la
roue d’une carriole sous laquelle
le fromage s’assèche, le fromage
qu’on découpe, et les tranches
accrochées à l’extérieur et battues
par le vent. En temps réel. S’agitil d’un documentaire destiné à
être acheté par les divers musées
des arts et traditions populaires ?
Pas du tout. Car si la plus connue
des cinéastes mongoles filme son
pays comme s’il était en train de
disparaître avec en hors champ
une urbanisation ravageuse, on se
laisse prendre par la trame narrative, qui rappelle aux Européens
l’histoire de Chien bleu, le célèbre
album pour enfant de Nadja. (…)
Byambasuren Davaa n’exploite pas
le suspens mélodramatique mais
s’attache avant tout à filmer la
vie réelle d’une famille de nomades, menacée par l’urbanisation
qui sédentarise les familles, les
chiens qui font alliance avec les
loups pour attaquer les troupeaux.
Pas d’acteurs dans son film, donc.
Elle explique : «Rien ne peut se
planifier. Il y a eu des jours, voire
des semaines, où Nansa, la fillette de 6 ans, était de mauvaise
humeur, lointaine. Alors on s’intéressait à sa petite sœur jusqu’à ce
que Nansa se réintéresse à nous.
Les équipes allemandes veulent
tout organiser, mais c’était à nous
de nous adapter à leur mode de
vie. On avait une yourte en face
de la leur, et on a partagé des
semaines durant leur quotidien,
sans rien filmer.»
La cinéaste ajoute qu’en Mongolie,
le terme de documentaire a
mauvaise presse, car il évoque
les films de propagande soviétique, longtemps unique structure de production. Elle dit que
la petite Mongolie compte deux
millions et demi d’habitants, plusieurs écoles de cinéma, et aucun
cinéaste «actif». Mais il existe
des réalisateurs fantômes qui
se débrouillent, hors de l’infrastructure politique. Face à la fascination que suscitent les nouveaux biens de consommation,
Byambasuren Davaa élit un plan
de son film : «Le démantèlement
de la yourte. En deux heures,
un foyer disparaît. Cela montre
à quel point les nomades n’accordent aucune valeur aux biens
matériels. C’est assez symbolique
de notre culture, que j’essaie de
filmer, avant sa disparition.»
Anne Diatkine
Libération – 1er février 2006
La réalisatrice mongole qui a étudié le cinéma à UlaanBatar et à
Munich reprend le principe de
son film de fin d’études, L’Histoire
du chameau qui pleure. Forte
d’une réalisation qui dépasse
le clivage documentaire/fiction,
Byambasuren Davaa offre à voir
la vie d’une famille de mongols
nomades. La grâce de la cinéaste
sert à merveille cette humanité
tranquille riche d’une culture et
d’un mode de vie millénaires. Le
Chien jaune de Mongolie, qui célèbre la beauté des paysages comme
des soieries, est aussi intelligemment filmé qu’il est accessible aux
plus jeunes.
(…) La mise en scène du Chien
jaune de Mongolie ignore les prétentions pédagogiques ou militantes de la dichotomie nature/culture et rejette en miroir l’opposition
de deux cinémas antagonistes. Le
film nous interroge ainsi brillamment autant sur la nature du film,
ses enjeux que sur le point de
vue de la cinéaste. Quel regard,
du spectateur, des acteurs ou du
cinéaste fait du film un documentaire ? Les acteurs n’ont aucun
mal à jouer leur quotidien et à
tracer devant la caméra les signes
de leur croyance (les gestes religieux qui accompagnent le départ
du père ou la levée du camp...). Le
choix du conte mongol éponyme
du titre du film renvoie autant à la
transmission d’une culture orale,
mise en scène à l’écran, qu’à l’origine narrative du long métrage
qui s’évapore peu à peu.
Les distances esthétiques (la
question du réalisme cinématographique) et réelles (la topographie de la fiction) sont abolies. Si
les plans à l’intérieur de la yourte
possèdent des cadres plus serrés, la profondeur de champ ne
joue aucun rôle ni dedans, ni au
dehors de l’habitation, comme
pour signifier la quiétude des
lieux et l’inexistence de menace extérieure. La ville, absente à 2
l’image, n’est pas davantage un
danger. Cette absence est polysémique : elle signifie sans doute
défiance, sûrement résistance, à
l’origine du film lui-même, mais
elle implique aussi que la cinéaste se refuse à diaboliser le hors
champ citadin. «L’intrusion» de la
ville est évoquée avec les vacances scolaires de Nansa (elle empile les bouses pour représenter les
immeubles des villes à sa petite
sœur), au moment du départ et
du retour du père et enfin dans
le plan final où l’éloignement des
nomades est couvert par les voix
d’un haut-parleur installé sur un
camion.
Rien n’est diabolique, ni le progrès, ni la ville ; ce qui est figé (le
quotidien des nomades) est traversé par le prochain déménagement, par les cadeaux de la ville
et par l’imagination vagabonde et
l’intrépidité de l’héroïne. Le spectateur peut ainsi véritablement
construire sa propre voie à l’intérieur de cette culture et de ces
paysages et glaner comme il veut
des informations documentaires.
Au regard de La Terre abandonnée qui isole les êtres entre eux
et avec leur culture, jusqu’au
risque du contemplatif mortifère, Le Chien jaune de Mongolie
crée, à travers une langueur qui
se refuse à signifier la protestation, une harmonie entre une
technique artistique, un environnement géographique et culturel
et la célébration d’un mode de
vie. L’ensemble rend ainsi hommage en creux à la rencontre des
sociétés qui a permis de faire
exister ce film et à la cohabitation
possible (à distance) de la tradition et de la modernité. Rarement
Homme et animal, Homme et culture, Homme et progrès ont été
transcrits avec si peu de naïveté
et de manichéisme.
Claudine Le Pallec Marand
http://www.critikat.com
(…) On ne sait pas ce qu’aurait
donné Le Chien jaune de Mongolie
s’il avait accordé la même attention à un intérieur familial du
Val-d’Oise. Mais Nansa vit avec
sa famille sous une yourte, que
l’on monte et démonte au gré de
la transhumance des yacks et des
moutons dont son père est le propriétaire. Lorsqu’il faut du combustible, la petite fille et sa sœur
sont de corvée de bouses séchées,
qui font également d’admirables
éléments de jeu de construction.
Quelques incidents font apparaître la précarité de cette vie-là,
soumise, comme depuis toujours,
aux diktats d’une nature violente,
mais aussi menacée par la marche du temps, que suggèrent de
temps à autre les irruptions d’objets saugrenus — une vieille moto,
une écuelle de plastique — dans
l’harmonie ancienne de la yourte
et des enclos de bois.
Cette chronique des gestes quotidiens se double d’un conte
enfantin qui lui-même renvoie à
une légende ancienne. Le père de
Nansa ne veut pas du chien qu’elle a recueilli, craignant qu’il n’attire les loups autour du troupeau.
La jeune cinéaste ne parvient pas
tout à fait à entrelacer ces deux
thèmes, sans doute parce que, par
honnêteté, elle se refuse à exiger trop de ses acteurs amateurs.
Moins le film est arrangé, plus il
se tient près de la captation de
gestes insignifiants, plus il est
passionnant. Mais il reste attachant même dans la gaucherie
de sa narration, et évoque souvent le charme un peu désuet de
la collection de livres de photos
«Enfants du monde» que publiait
jadis Fernand Nathan et qui
ouvrait aux plus jeunes des fenêtres sur d’autres mondes.
Thomas Sotinel
Le Monde - 1er février 2006
A PROPOS DU FILM
Les croyances
En Mongolie, nous croyons au
cycle éternel de la réincarnation.
L’âme passe d’un corps à un autre,
d’une plante à un animal, puis du
chien à l’homme.
A l’époque contemporaine, ces
croyances se perdent, ce qui
affecte la relation qu’entretient
l’homme avec l’animal. De nombreuses familles nomades abandonnent leur chien, lorsqu’elles
partent s’installer en ville. Les
chiens pactisent alors avec les
loups, et ensemble ils attaquent
les nomades encore présents. En
tuant leur troupeau, ils mettent
en péril leur survie.
Le conte
C’est en septembre 2003, lors de
la première projection de mon
film L’histoire du chameau qui
3
Le centre de Documentation du Cinéma[s] Le France,
qui produit cette fiche, est ouvert au public
du lundi au jeudi de 9h à 12h et de 14h30 à 17h30
et le vendredi de 9h à 11h45
et accessible en ligne sur www.abc-lefrance.com
Contact : Gilbert Castellino, Tél : 04 77 32 61 26
[email protected]
pleure à Ulaanbatar, que quelqu’un m’a rappelé ce conte de
Gantuya Lhagva, “La Cave du chien
jaune“, que j’avais oublié, et dont
la force poétique et émotionnelle
m’est soudain apparue.
J’ai aussitôt décidé d’en faire la
base de mon prochain film. Jadis,
une famille très riche vivait dans
ce pays. Les parents chérissaient
leur enfant, une jeune fille ravissante. Un jour, elle tomba très
malade. Aucun médecin ne parvenait à la soigner. Son père
demanda conseil à un sorcier,
qui déclara : «Le chien jaune est
fâché. Chassez-le de votre maison.» Le père, incrédule, répondit : «Pourquoi ? Il protège les
miens et notre troupeau. Ma fille
l’aime tendrement.» “J’ai dit ce
que j’avais à vous dire, il n’y a
point d’autre remède.» Insista le
sorcier. «Vous savez ce que vous
devez faire.» Le père n’eut pas
le cœur de tuer son chien jaune.
Mais sa fille devait absolument
guérir. Alors il décida de cacher
le chien dans une cave dont il ne
pourrait s’échapper, et où nul ne
le retrouverait.
Chaque jour, il quittait la maison
pour aller lui apporter à manger.
La santé de sa fille commençait
à s’améliorer, chaque jour, elle
reprenait des forces. Un matin,
lorsque le père arriva devant la
cave, le chien avait disparu. Sa
fille se rétablit complètement. Le
secret de sa guérison était le suivant : elle était tombée amoureuse
d’un jeune homme, qu’elle rencontrait parfois, secrètement. Grâce
au chien jaune, qui éloignait son
père quotidiennement de la mai-
son, elle put chaque jour retrou- bois également, fait toujours face
au Sud, à l’opposé des vents mauver le garçon qu’elle aimait...
vais. Face à la porte, à l’intérieur,
La Mongolie en chiffres et la vie se trouve l’autel qui rend hommage aux ancêtres. La cheminée
des nomades
La Mongolie est un pays indé- occupe la place centrale. L’alcool
pendant depuis 1921. Elle compte préféré des nomades, à base de
plus de 2 millions et demi d’ha- lait fermenté, l’airag, a selon eux
bitants pour une superficie de des vertus curatives. Les Mongols
1 566 500 km2. Les pays fronta- pratiquent un bouddhisme très
liers sont au nord, la Russie, et influencé par le Dalaï Lama.
Dossier de presse
au sud, la Chine. Les températures
sont continentales mais il existe
une grande amplitude thermique
entre l’hiver et l’été. Sa capitale,
Ulaanbatar, abrite près de 850 000
habitants. En dehors de quelques FILMOGRAPHIE
grandes villes, la population est
bien plus éparse.La plupart des Longs métrages :
Mongols vivent dans des régions L’histoire du chameau qui pleu2004
agricoles et appartiennent à la re
Le
chien
jaune
de
Mongolie
2006
culture nomade. La population
est plutôt jeune : deux tiers des
Mongols ont moins de 30 ans.
Malgré leur pauvreté, ils sont avides de culture. 99% de la population de plus de 15 ans sait lire et
écrire.
Les nomades se déplacent souvent à la recherche de pâturages pour nourrir leur élevage et
leur famille. Les chevaux sont
essentiels à leurs déplacements.
Mais d’autres animaux tels que
les moutons, les chèvres, les chameaux et les yaks sont essentiels à leur survie. Ils permettent
de fabriquer du fromage, des
yoghourts, du lait, de la graisse Documents disponibles au France
et de la viande. Les animaux leur
servent à se nourrir, à s’habiller Revue de presse importante
Positif n°540
et à se chauffer.
Les nomades vivent dans des Fiches du cinéma n°1814/1815
yourtes, de simples tentes posées
sur un cadre en bois. La porte, en
4