Les multiples dimensions du Chien jaune de Mongolie I/ Le tissage
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Les multiples dimensions du Chien jaune de Mongolie I/ Le tissage
Les multiples dimensions du Chien jaune de Mongolie Le Chien jaune de Mongolie s’inscrit dans la lignée parfaite de films comme Nanouk l’esquimau (de Flaherty) ou de Chang (de Cooper et Schoedsack), pour ne citer que des films au catalogue d’Ecole et cinéma. Ils lient la tradition des frères Lumière de montrer des paysages lointains à une histoire, autrement dit, ils mêlent documentaire et fiction. De quelle manière Byambasuren Davaa s’empare-t-elle de cette dialectique ? Comment cela est-il figuré dans Le Chien jaune de Mongolie ? Et surtout, comment la réalisatrice rajoute- t-elle une dimension supplémentaire à cette base du récit documentaire-fiction ? C’est ce que nous allons explorer ensemble, durant cette intervention. I/ Le tissage documentaire-fiction Apprendre à lire les signes Au terme de la projection, le spectateur rassemble les informations disséminées tout au long du film sur la vie des nomades. Il saura, par exemple, reconnaître les gestes sacrés, les rituels de la vie quotidienne des nomades. Ce travail de lecture est lié au choix de la réalisatrice de ne pas insérer de cartons ou de voix-off explicative. Au préalable à toute analyse plus poussée, avec les enfants, il conviendra d'arriver à différencier ce qui est du domaine du documentaire et ce qui est du domaine de la fiction, afin de percevoir, dans un second temps, comment la réalisatrice tisse les deux très étroitement. L'aspect documentaire du film est traité avec beaucoup de pédagogie par la réalisatrice : gestes, lieux, objets. Définir ce qu'est la vie quotidienne des nomades. Le documentaire pose la question du regard : le regard que l'on porte sur l'Autre, mais aussi, en miroir, celui que l'Autre porte sur nous, citadins. Un documentaire émaillé de fiction Comment Nansal devient l'héroïne du film, figure d'identification pour les enfants, comment Byambasuren Davaa mêle l'humour et le suspens au documentaire : dégager l'histoire du film. Les dimensions du récit Verticalité et horizontalité sont présentes dès le générique, ces dimensions, entre tradition et modernité, entre mode de vie nomade et monde de la ville, entre spiritualité et matérialisme, nombreuses sont les dualités du film, qui ne sont pas contradictoires, ni traitées de manière opposées, au contraire, elles s'enrichissent mutuellement. La verticalité, autorisant un rapport avec une possible transcendance, se traduit de manière figurative par des positions de caméra en plongée. II/ Cercles, circulations, recyclages Figures récurrentes, le cercle et ses déclinaisons se déploient dans tout le film, pour évoquer le caractère infini du cycle de la vie et plus largement, celui de la croyance bouddhiste en la réincarnation. Voir, à l'inverse, comment un élément moderne, la louche en plastique, qui a un cycle de vie limité, elle fond, ne peut pas s'intégrer à ce mode de vie. Un cercle se définissant par son centre, nous nous attacherons à analyser comment la yourte, parfaitement ronde, est le centre qui aspire et recycle toutes les informations et objets venant de l'extérieur. III/ Le principe d'incertitude ou la figuration du mystère Séquence mystérieuse La première séquence, l'enterrement du chien est explicitement posée en terme d'énigme : qui est ce chien jaune de Mongolie ? Est-ce celui-ci ? Ou bien Tatoué, ou celui de l'histoire racontée par la grand-mère ou encore le chien rapporté de la ville par le père ? Nansal comme figure des interrogations Comment elle progresse sur le chemin de la connaissance qu'elle se trace ellemême par sa curiosité et son goût de la liberté. Les métaphores visuelles en tant que réponses aux questions existentielles : les grains de riz et se mordre la paume de la main. L'usage du montage alterné Byambasuren Davaa use du montage alterné de manière classique, nous nous attacherons à le définir, mais également en tant que lien secret, mystérieux qui nous oblige à reconsidérer les raccords comme l'expression d'un lien plus spirituel, lié peut-être au « destin » dont parle la mère, qui serait une force supérieure. Nous verrons également combien la figure maternelle est déclinée, à travers les personnages de la mère, mère nourricière, « Mère la Terre », la grand-mère, qui transmet la connaissance et Nansal, comme héritière de ce savoir philosophique. Nous analyserons plus en détail la séquence de l'escapade de Nansal, en nous attachant principalement aux raccords et ce qu'ils suggèrent. En guise de conclusion, une phrase tirée du premier film de Byambasuren Davaa, L'Histoire du chameau qui pleure : « Nous ne sommes pas les derniers habitants de la terre, après nous viendront d'autres... »