le mémoire de Jennifer. - Campus de la Fonderie de l`Image
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1 De la magie dans nos technologies Jennifer Larran Direction de mémoire Émeline Brulé Formation Mastère International en Design Graphique Campus Fonderie de l’Image 80 rue Jules Ferry 93170 Bagnolet France Mars 2015 2 Typographies Heuristica (texte courant et notes) de Andrej Panov Blocus (titres) de Martin Desinde Licences : SIL Open Font License 3 In memory of Sir Terry Pratchett, who helped me see the world, and John Luck, who gave me my first Discworld book. 4 Sommaire 6 INTRODUCTION 12 FILIATION HISTORIQUE DE L’OBJET ANIMÉ 42 13 De la Préhistoire au Moyen Âge 22 La Renaissance et le Siècle des Lumières 30 De la Révolution Industrielle croyances technologiques aux DES OBJETS DE MÉDIATION ENTRE LES FORCES MYSTIQUES ET LES ESPRITS 43 Une relation animiste aux objets 54 Une connexion à d’autres esprits, morts ou vivants 68 Entretien avec Audrey Breuer, thérapeute médium 72 L’importance des forces fondamentales créant le monde 5 86 LA CRÉATION D’OBJETS MAGIQUES 89 Les objets de fiction et la magie du futur 102 Les objets pour le « soi » 112 Les objets communiquant avec « l’autre » 122 Les objets analysant l’environnement 130 CONCLUSION 138 BIBLIOGRAPHIE 152 REMERCIEMENTS 154 ANNEXE 155 Trois questions à Nicholas Nova 158 English version 6 Introduction 7 S i je le pouvais, je serais un mage, capable de manipuler des forces intangibles qui prennent le contrôle de mon environnement et des autres. Cette force est communément appelée la magie, un terme défini par le Le Trésor de la Langue Française comme : L’art fondé sur une doctrine qui postule la présence dans la nature de forces immanentes et surnaturelles, qui peuvent être utilisées par souci d’efficacité, pour produire, au moyen de formules rituelles et parfois d’actions symboliques méthodiquement réglées, des effets qui semblent irrationnels.1 La magie serait donc le contrôle de la nature, par des moyens méthodiques, pour produire un résultat plus efficace que sans ce recours. La magie est reconnue comme étant extérieure à l’humain. Or, elle a imprégné la vie des Humains depuis la préhistoire sous différentes formes, et des systèmes de croyance divers. Une des premières formes se qualifie de religion. A la différence de la magie, la religion se caractérise par une organisation de la croyance autour de pôles ou dogmes communs à de multiples cultures. Ceci garantit que les participants croient aux mêmes choses, qu’ils espèrent ou redoutent les répercussions de leurs actes. Toutefois, nous pouvons également trouver des similitudes entre la magie et la religion. 1 « Magie », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1203293235; 8 La plupart des religions font appel à des êtres et des actes appelés divins. Ces phénomènes sont généralement considérés comme ineffables, dominant l’Humanité, et leurs auteurs doivent être vénérés. Tout comme la magie, l’Humain ne pourra pas comprendre ni expliquer comment ces phénomènes sont apparus, ni pourquoi. De plus, on attribue à la religion les miracles et, comme le fait la magie, fait appel à des actes ritualisés2. Pour une personne athée, la religion est une croyance en la magie. Outre la croyance organisée, la magie se trouve aussi concentrée dans le folklore d’un grand nombre de sociétés. Proposé en 1846 par l’écrivain et spécialiste du sujet William Thoms (alias Ambrose Merton), ce mot est un hybride de deux mots anglais : « folk » ou le peuple, et « lore » ou le savoir, connaissances et sciences3. Beaucoup de rituels incluant la croyance en la magie font partie des lois de ces peuples. Ces croyances sont traditionnellement transmises oralement, et ce n’est que récemment dans l’histoire humaine qu’elles ont été transcrites à l’écrit, en 1250 avant l’an zéro chez les Égyptiens4. Comme la religion, on trouve dans le folklore des « êtres » ne faisant pas partie du plan terrestre. On y côtoie esprits, sorcières, fées, démons… Certains ont un impact positif sur la vie des croyants, d’autres négatif et doivent être craints et évités. On pourrait citer, comme manifestation du folklore, le jeter de 2 « Religion », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?113;s=1203293235;r=5;nat=;sol=2; 3 MERTON Ambrose (pseud. William J. Thoms), « Folk-Lore », The Athenæum, n° 983, 29 Août 1846, p. 886–87 4 GREEN Thomas, Folklore: An Encyclopedia of Beliefs, Customs, Tales, Music, and Art, Volume 1, ABC-CLIO, 1997, p.363 9 sel par-dessus son épaule pour éloigner les mauvais esprits. Aujourd’hui, un genre littéraire qui fait fureur, avec 350 millions de ventes au monde en 20145, prouve que la magie existe toujours dans l‘imagination collective : la fantasy. Cette littérature comprend généralement « un aspect mythique qui est souvent incarné par l’irruption ou l’utilisation de la magie.6 » Nous vivons dans un monde où la plupart des phénomènes sont expliqués par une logique cartésienne appelée la « Science ». Cette force pourrait donc être aussi appelée vent, marée, électricité, ondes radios, comme bien d’autres phénomènes intangibles à l’œil humain, mais révélés par des études dites scientifiques. Ces sciences sont aujourd’hui acceptées dans la plupart des sociétés comme étant des vérités expliquant le monde autour de nous. Cela est discuté par un certain nombre de penseurs (Latour, Lyotard…), mais reste malgré tout l’aune à laquelle nous mesurons le savoir. Or, elles ne réussissent pas toujours à expliquer ce qui se passe autour et même en nous. De plus, très peu d’entre nous comprennent vraiment les discours scientifiques expliquant les principes sous-jacents. Nous ne comprenons pas tous ce qu’est « réellement » l’électricité. Un transfert de particules, un truc sortant d’une prise, l’essence de la vie… ? 5 KOWALCZYK Ola, « Most popular book genres of all time (infographic) », Ebook Friendly, 28 octobre 2014, [en ligne], http://goo.gl/fsSs3B 6 RUAUD André-François, Cartographie du Merveilleux, Denoël, 2001, p.10 10 L’humain a créé des outils pour augmenter ses capacités naturelles depuis plus de 2.6 millions d’années7. En effet, n’ayant pas la force ni le tranchant pour pouvoir lacérer la peau de bête, ou casser des os, l’Australopithecus Garhi8 a dû inventer des extensions de lui-même. Ces outils sont les premiers objets techniques ou : La traduction en matière d’un ensemble de notions et de principes scientifiques séparés les uns des autres en profondeur, et rattachés seulement par leurs conséquences qui sont convergentes pour la production de l’effet recherché.9 En résumé, ces objets ont une utilité pour ceux qui les ont créés et les assistent dans l’accomplissement d’une tâche. Ils seraient donc surnaturels : ce n’est pas la nature qui les a créés. La magie ayant fasciné les êtres humains depuis des millénaires, et ayant un coté surnaturel tout comme les objets techniques qu’ils ont inventés, on peut donc se poser la question : Quels sont les rapports entre la fantasy et les objets techniques ? Nous allons tenter de répondre à cette question en examinant plusieurs aspects de la magie dans le monde du design. Pour commencer, nous regarderons leurs liens à travers l’Histoire, particulièrement celle de l’Europe occidentale. Les croyances sont 7 « Early Stone Age Tools », Smithsonian National Museum of Natural History, 18 février 2015, [en ligne], http://goo.gl/pXatN5 8 « Australopithecus garhi », Smithsonian National Museum of Natural History, 18 février 2015, [en ligne], http://goo.gl/O552mR 9 SIMONDON Gilbert, Du mode d’existence des objets techniques [1989], Aubier, 2001, p. 46 11 multiples, du monde Antique jusqu’à aujourd’hui, en passant par la renaissance et le Siècle des Lumières. Nous analyserons ensuite l’objet en tant que médiateur entre forces mystiques et esprits. Nous verrons comment l’animisme se présente de nos jours, si les esprits d’autres entités sont connectés, et quelles forces sont utilisées pour gérer ces objets. Enfin, nous ferons une comparaison de plusieurs types d’objets, d’un point de vue cartésien au point de vue paranormal. Ces études nous permettront de trouver les liens entre l’imaginaire magique et la pensée du designer. Nous vivons dans un monde fait de magie, mais nous ne l’acceptons pas. 12 1 Filiation historique de l'objet animé Ce monde de magie a commencé très tôt dans l’histoire de l’être humain. Provenant d’un même continent, puis se dispersant sur Terre, les croyances en cette force mystique semblent avoir une origine commune en Afrique10. Elles se sont ensuite diversifiées pour ne plus être reconnaissables, ainsi on peut trouver une multitude de folklore ou de croyances à travers le monde. Dans cette étude, nous allons nous concentrer essentiellement sur l’Europe, même si quelques références à d’autres cultures seront exposées, telles que certaines dites primitives. 10 « Human Family Tree », Smithsonian National Museum of Natural History, 18 février 2015, [en ligne], http://goo.gl/hKtPmx 13 De la Préhistoire au Moyen Âge D ébutons nos recherches quelques millions d’années avant l’an zéro. 790 000 ans auparavant, les hominidés découvrent le feu, se posent des questions sur la vie après la mort11. Ils subissent la nature et tous les phénomènes possibles sans les protections que nous connaissons aujourd’hui, ni les savoirs scientifiques que nous avons. Ils vivaient dans une autre réalité. Tous les aspects de leurs vies ont eu besoin d’explications qui leurs sont propres et proviennent d’une « compréhension » acquise. Celles-ci ont pris la forme de forces intangibles et seulement partiellement contrôlables par l’humain, tel que le vent contrôlé par les voiles mais pas pendant les tempêtes. Le peu de contrôle qu’ils trouvent devient un acte ritualisé. Pensant que l’âme d’un animal reste dans ses abats, ses os, sa peau, ils s’en servent pour augmenter leur force. Ceci marque le début de l’animisme. L’animisme est défini comme : « Système de pensée qui considère que la nature est animée et que chaque chose y est gouvernée par une entité spirituelle ou âme.12 » L’objet, une entité artificielle façonnée par l’être humain, n’a aucun organe pour réfléchir de manière autonome se retrouve avec une conscience ou une âme qui lui est propre. 11 « Tools & Food », Smithsonian National Museum of Natural History, 18 février 2015, [en ligne], http://goo.gl/i83pKI 12 « Animisme », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/animisme 14 Comme l’explique le philosophe Américain Erik Davis dans son livre Techgnosis: Myth, Magic, Mysticism in the Age of Information : L’interdépendance de la culture et de la technologie signifie que les technologies du monde pré-moderne, en dépit d’être les plus logiques des objets artisanaux, devaient néanmoins partager la scène cosmique avec un certain nombre de dieux, sortilèges, et pouvoirs animistes.13 Ainsi la quasi-totalité des objets créés pendant cette ère ont une double utilité : une aide pour survivre dans la nature ainsi qu’une manière de contrôler les forces intangibles. Ces hominidés sont surtout intéressés par l’utilisation des forces qu’ils peuvent voir et reconnaître. Ils utilisent les pouvoirs des animaux et plantes qu’ils côtoient. Nous voyons donc l’arrivée de totems et autres objets dont la seule utilité est la liaison entre deux mondes le réel, et celui des esprits14. Ces totems et statuettes auraient été vénérés en tant que représentation de plantes ou d’animaux15 dans l’espoir d’apaiser une puissance maléfique ou en colère, ou pour demander de l’aide à un esprit bienfaisant. Nous pouvons retrouver ce totémisme dans certaines populations primitives toujours présentes à ce jour, dans les cultures amérindiennes, aborigènes 13 DAVIS Erik, Techgnosis: Myth, Magic, Mysticism in the Age of Information, Serpent’s Tail, 1998 p.10. Traduit de l’anglais par l’auteur de : « The interdependence of culture and technology means that the technologies of the premodern world, despite being the most logical of crafted objects, nonetheless had to share the cosmic stage with any number of gods, sorceries, and animist powers. » 14 ALUN JONES Robert, The Secret of the Totem: Religion and Society from McLennan to Freud, Columbia University Press, 2013, p. 85 15 « Totem », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/etymologie/totem 15 australiennes ou néo zélandaises (fig. 1). Tout comme les humains de la Préhistoire, ces tribus sont en rapport très étroit avec la nature. Dans certaines, il est impensable de manger l’animal représenté en totem16. Les hommes préhistoriques utilisaient leurs propres représentations comme objets magiques. Les historiens ont plusieurs théories autour des différentes « Vénus » préhistoriques qui apparaissent autour des 40 000 ans avant l’an zéro (fig. 2). Ces statuettes en pierre de femmes nues aux traits distendus, auraient pu être des simples représentations artistiques de la femme idéale ou du corps féminin pendant la grossesse. 1 Fig. 2 Fig. Une autre théorie voit ces objets comme amulette, ou un « petit objet que l’on porte sur soi et auquel on attribue le pouvoir de préserver des maladies, des accidents, des maux les plus divers.17 » Si cela avait été le cas, on pourrait supposer que la statuette représentait une femme enceinte, et aurait pu protéger l’utilisatrice de tous les risques liés à l’accouchement18, extrêmement dangereux et incompris jusqu’à très récemment. Ces actes dits de magie faisaient partie d’un système de croyances qui nécessitait une transmission de génération en génération. L’écriture étant apparue vers 5000 ans avant l’an zéro en Mésopotamie19, ces 16 JAMES Diana, ROSE Deborah, WATSON Christine, Indigenous kinship with the Natural World in New South Wales, NSW National Parks and Wildlife Service, 2003, p.26 17 « Amulette », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/amulette, 18 HAVILAND William, MCBRIDE Bunny, PRINS Harald, WALRATH Dana, Evolution and Prehistory: The Human Challenge, Cengage Learning, 2013, p. 215 19 « L’aventure des écritures, Le dossier pédagogique », BNF, [en ligne], http:// goo.gl/IYVqzR 16 croyances ont dû être transmises oralement. Pour s’en rappeler et faciliter leurs transmissions, l’Humain de l’antiquité créa les mythes et le folklore. Les mythes sont définis par le Trésor de la Langue Française comme : Un récit relatant des faits imaginaires non consignés par l’histoire, transmis par la tradition et mettant en scène des êtres représentant symboliquement des forces physiques, des généralités d’ordre philosophique, métaphysique ou sociale.20 Basés ainsi sur des faits réels, les mythes commencent à expliquer des phénomènes autres que ceux causés par la nature. C’est surtout le cas pour les mythes grecs et romains. En effet, avec un grand nombre de découvertes scientifiques, telles que l’horizon, la géométrie, et la masse, certains phénomènes magiques ont été expliqués. Cette ère voit ainsi un mélange de rationalité et de recherche au côté d’écriture mythique. Ainsi l’auteur et chercheur en fantasy André-François Ruaud explique : Utilisées par les Anciens pour comprendre le monde et s’interroger sur leur place en son sein, elles vont lentement évoluer de l’édifiant au divertissant, tout en continuant de jouer sur des symboles admis de tous. Les premiers grands récits partaient généralement d’une commémoration historique qui, transmise de manière orale, s’enrichissait au fil du temps.21 20 « Mythe », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?83;s=1203293235; 21 RUAUD, op. cit., p.10 17 L’Odyssée et L’Iliade d’Homère, écrits au xième siècle avant l’an zéro, sont issus de transmissions orales, composées de formules connues par le peuple grec, puis ensuite regroupées pour en faire une narration poétique et rythmique22. Il est probable que différents auteurs aient contribué à l’écriture de ces épopées, récits attribués généralement à Homère. L’inventivité a un rôle important dans l’imaginaire grec et romain. En effet, chez les grecs et plus particulièrement leur théâtre, nous voyons l’invention de machines d’effets spéciaux pour le théâtre. Ces engins mécaniques peuvent être considérés comme les ancêtres des effets spéciaux que nous connaissons aujourd’hui. Ceux-ci, ainsi que les inventions de l’empereur romain Héron, seront étudiés plus tard. Durant la Préhistoire et l’Antiquité, la distinction entre la fantasy et la religion était quasi inexistante. Au Moyen Âge, rares étaient les livres recopiés à la main par les moines, seuls lettrés de l’époque, à part la Bible. En Occident, on assiste à l’émergence d’une magie contrôlée par un livre ainsi que par des « maîtres ». Par contre, l’oralité ayant toujours une importance, car peu savent lire, le folklore persiste. Ainsi, les croyants chrétiens de l’époque, ainsi que beaucoup d’autres religions, trouvent une importance capitale dans certains objets qui auraient été créés par leur dieu ou touchés par leur prophète. D’après les légendes arthuriennes, ce serait à cette époque que les recherches du Saint Suaire et du Graal auraient commencé (fig. 3). On voit donc le début d’œuvres fantastiques basées sur la légende du Roi Arthur, suivies de très près par la Chanson 22 ONG Walter J., Orality and Literacy [1982], Routledge, 2005, p. 23 3 Fig. 18 d’Alexandre Le Grand en Italie et des romances autour de Charlemagne, connues sous le nom de La Chanson de Roland, en France23. Ces histoires sont surtout transmises oralement, mais certaines ont pu être transcrites, formant les prémices du genre fantasy en littérature. Tout comme Arthur et les chevaliers de la Table Ronde à la recherche du Saint Graal, les chevaliers de l’Europe chrétienne partirent en Croisades afin de propager leur foi et protéger certaines reliques : les objets sacrés. À Jérusalem se trouvait le Saint Sépulcre, une collection d’objets incluant la vraie croix de Jésus. Or, au Moyen Âge, la ville sacrée était aux mains des Arabes puis ensuite des Turcs qui ne toléraient pas la présence des pèlerins et les massacrèrent. Ainsi, des chrétiens partirent en guerre pour des objets sacrés, façonnés depuis plusieurs centaines d’années. L’importance de leur foi et façon de vivre confirmait cette nécessité24. Ces chevaliers ont dû partir très loin de leur terres natales, et, sur leur chemin, ont découvert de nouvelles cultures mais aussi une faune et une flore jusque-là inconnues. Leurs rapports et cartes, ainsi que ceux des premiers explorateurs européens, contiennent très souvent des monstres mythiques provenant de l’imagination (fig. 4). Un exemple est la légende de Saint George, saint patron des Anglais, et son dragon (fig. 5), une histoire qui fut ramenée des Croisades au xiième siècle25. Fig . 4 Fig . 5 23 RUAUD, op. cit., p.11 24 RILEY-SMITH Jonathan, The Crusades: A History, Yale University Press, 2005, p.12-13 25 DALE Thomas E. A., Relics, Prayer, and Politics in Medieval Venetia: Romanesque Painting in the Crypt of Aquileia Cathedral, Princeton University Press, 1997, p. 70 19 La science n’étant pas assez avancée au Moyen Âge pour expliquer tous les phénomènes naturels, les contemporains avaient à leur disposition deux manières de les comprendre. La première résidait dans la magie folklorique qui varie de régions en régions, voir même de village en village dans un même pays. La seconde, tout aussi magique, se trouvait dans la religion, ses actes divins et ses miracles. Les deux vivaient côte à côte, non pas en harmonie, car chacun essayait de supprimer l’autre pour accroître son contrôle et le nombre de croyants. Afin de mieux s’intégrer aux sociétés du Moyen Âge, la chrétienté s’appropria certains rituels associés au paganisme et au folklore de l’époque, tel que le baptême emprunté aux rites de renaissance26. La foi religieuse se base sur très peu d’objets mais les rendent extrêmement puissants pour leurs croyances. Toute religion dont les dogmes ont été écrits donne aux livres une importance spirituelle très forte. Ces livres dirigent les vies de ceux qui les lisent, et sont parfois utilisés comme objet de divination en ouvrant une page au hasard, un art de divination appelé bibliomancie27. Malgré les différences qui séparent le folklore de la religion, elles ont un point commun : l’animisme des objets. 26 CARPENTER Edward, Pagan & Christian Creeds: Their Origin and Meaning, The Floating Press, 2014, p. 103 27 « Bibliomancie », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/ dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=417823620; 20 Fig. 2 - La Vénus de Hôhle Fels, datée de -35 000 ans à -40 000 ans, elle est considérée la plus vieille statuette pour le moment. Fig. 1 - Totem de la Colombie Britannique, bois de cèdre rouge, 1850, British National Museum Fig. 3 - Le Roi Arthur et les Chevaliers de la Table Ronde, Monty Python and the Holy Grail, 1975, Python (Monty) Pictures 21 Fig. 4 - Détail de la Carte de l’Atlantique, Domingo Sanches, 1618, BNF. Nous pouvons y voir un monstre marin sous les points cardinaux. Fig. 5 - Vitrail de Saint George et le Dragon, 1800, St George’s Hall, Liverpool 22 La Renaissance et le Siècle des Lumières L es humains, de la Préhistoire au Moyen Âge, voyaient leurs vies comme dictées par des forces intangibles. Ils n’avaient pas le pouvoir de décision sur leur futur, la religion ou le folklore leur ôtaient cette possibilité. Or, au xvème siècle, cet état de fait est questionné. En effet, la Renaissance vit le début de l’Humanisme : « la doctrine qui prend pour fin la personne humaine.28 » Les chercheurs de l’époque se posèrent des questions sur leurs conditions et leurs raisons d’être. On découvre le corps au travers des dissections. On relit les textes grecs et romains et on explore leurs concepts. Ainsi, on redécouvre la géométrie. Malgré la présence de la logique scientifique des chercheurs et leurs découvertes expliquant un certain nombre de phénomènes jusqu’alors attribués à la magie ou le divin, le mysticisme conserve son attraction. Paola Zambelli explique : En effet, il y avait des liens entre la magie et les diverses sciences, certains plus forts que d’autres. La médecine, plus que les autres sciences, a toujours été affectée par les théories astrologiques dominantes.29 28 REY Alain,« Humanisme », Dictionnaire Historique de la Langue Française, Le Robert, 2010, p. 4594, 29 ZAMBELLI Paola, White Magic, Black Magic in the European Renaissance, Brill, 2007 p.19, traduit de l’anglais par l’auteur de : « To be sure, there were connections between magic and the various sciences, some stronger than others. Medicine, more than other sciences, had always been affected by the dominant astrological theories. » 23 D’après cette historienne moderne, les questionnements que se posent les scientifiques européens se basent sur les phénomènes mystiques et magiques. L’astrologie se transforme en astronomie. La magie des plantes devient rationnelle. Or, au même moment, de nouvelles formes de magie voient le jour. Historien en philosophie, Cesare Vasoli a étudié le sujet : La société Européenne de la Renaissance continuait à maintenir le coté primitif de la sorcellerie paysanne et populaire et contribuait ainsi à nourrir l’imagination savante des philosophes et théologiens bien aguerri à la lecture des classiques de la magie néoplatonicienne et hermétique.30 Attirés par les créations des grecs, les chercheurs de la Renaissance découvrent le dieu Hermès, surtout connu comme messager des dieux et gardien des routes, des carrefours et des voyageurs. Ce dieu se retrouve aussi en Egypte sous le nom de Thoth jusqu’à ce que les deux se fondent, pendant l’occupation du pays par les grecs, pour créer une unique divinité sous le nom d’Hermès Trismégiste (fig. 6). Défini comme « Trois fois très grand », ce dieu serait maître des trois philosophies naturelles : minérale, animale et végétale. Il en connaîtrait leurs manipulations et mélanges afin de créer de nouvelles substances. On lui attribue la création de l’alchimie qui vit le jour pendant l’époque de la Renaissance. 6 Fig. 30 VASOLI Cesare, « Le tradizione magiche ed esoteriche nel Quattrocento », Le filosofie del Rinascimento, Bruno Mondadori, 2002, p. 136. Traduit de l’italien par Aurélien Cassirame : « La società dell’Europa rinascimentale continuava a mantenere l’aspetto rozzo e inconditoto della stregoneria contadina e popolare, ma anche nutrire la dotta immaginazione di filisofi e teologi educati alla lettura dei classici della magia neoplatonica ed ermetica. » 24 Cette manipulation de matières amène un nouvel objet mythique, la pierre philosophale, capable de transmuter les métaux vulgaires en métaux nobles, de guérir les malades et même de donner la vie éternelle. Cette pierre fut recherchée par beaucoup de scientifiques de la Renaissance ce qui en fait, d’après l’ingénieur chimiste et journaliste Jacques Bergier, « la seule pratique para-religieuse ayant enrichi véritablement notre connaissance du réel.31 » Pendant leurs recherches pour des objets et matières de type magique, les chercheurs trouvent également des substances réelles et utiles telles que l’acide sulfurique, l’acide chlorhydrique et le phosphore. D’une part, nous trouvons pendant la Renaissance une magie blanche naturelle et divine, et jamais condamnée par la religion principale européenne, le christianisme. Elle fut utilisée par l’Église pour se différencier de la magie noire et de la nécromancie32, un « art magique des arcanes » qui est interdit par les maîtres de la foi chrétienne. La chasse aux sorcières débute dans de nombreux pays contre les pratiquants des magies occultes. De ce fait, nous pouvons dire que les contemporains de la Renaissance étaient avides de savoir et tentait de contrôler la magie à laquelle ils croyaient. Malgré cette forte croyance en l’arcane qui réside à cette époque, René Descartes publie tout de même son Discours sur la Méthode (fig. 7) qui pose les bases d’une méthodologie de recherche pour obtenir des résultats dits « logiques et démontrables ». Cette édition n’aurait Fig . 7 31 BURCKHARDT Titus, « L’alchimie, science et sagesse », Encyclopédie Planète, Retz, 1964, p. 219 32 ZAMBELLI , op. cit., p. 245 25 pas été aussi populaire sans l’aide d’une nouvelle machine qui voit le jour en Europe en 1450 : Gutenberg offre au monde sa machine à impression, rendant les livres et pamphlets plus accessibles à la population. Descartes profite de cette invention, accessible en France, pour publier son œuvre dans une langue dite vulgaire à l’époque : le français. Des textes non-bibliques deviennent donc plus accessibles que le contenu de la Bible pendant quelques temps, la bible étant traduite 26 ans plus tard33. D’autres livres voient également le jour : L’auteur médiéval semble l’écrire pour un public à qui la magie, comme la chevalerie errante, est une partie du mobilier de la romance : l’élisabéthain, pour un public qui estime qu’il pourrait en trouver dans une rue voisine. [...] La négligence de ce point a produit des lectures étranges de The Tempest, qui est en réalité [...] la pièce de Shakespeare sur la magia [magie] tout comme Macbeth est sa pièce sur goeteia [la sorcellerie].34 La magie reste donc une partie intégrante du quotidien des européens de la Renaissance, que cela soit dans la science ou dans la vie de tous les jours. Leurs croyances en ces forces surnaturelles sont fortes et ancrées dans leurs cultures. Or, à la différence des générations antérieures, ils ne veulent plus la subir, 33 « Nouveau Testament », Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes, [en ligne], http://goo.gl/yWRzFc 34 LEWIS Clive S., English Literature in the Sixteenth Century: Excluding Drama [1954], Oxford Paperbacks/Oxford University Press, 1973, p.8. Traduit de l’anglais par l’auteur de : « The medieval author seems to write for a public to whom magic, like knight-errantry, is part of the furniture of romance: the Elizabethan, for a public who feel that it might be going on in the next street. [...] Neglect of this point has produced strange readings of The Tempest, which is in reality [...] Shakespeare’s play on magia as Macbeth is his play on goeteia. » 26 mais plutôt la contrôler et donc avoir un pouvoir de décision sur leur vie. Un peu plus tard, la méthodologie de Descartes a pris le dessus sur la croyance mystique pour créer un peuple au semblant cartésien. Cette époque de l’histoire Européenne se nomme le Siècle des Lumières. Cette rationalité repose sur une « confiance absolue en l’homme et dans les progrès indéfinis de la science et de l’esprit humain.35 » Ainsi, d’après les philosophes des Lumières, l’Homme serait le maître complet de son destin. Pendant cette période de l’Histoire, une contestation, voire une résistance, se forme autour de trois pôles traditionnels de la société française : la monarchie, l’État en hiérarchie pyramidale et l’Église. En effet, la religion chrétienne était devenue un régime oppressant et corrompu plutôt qu’une croyance organisée. En rejetant la chrétienté, nous pourrions penser que la croyance en la magie et le folklore subirait le même sort. La religion, le folklore et la superstition étant raillés par les écrivains, politiques et philosophes de l’époque, l’humain se retrouva seul face à un monde et ‘soi’ simplifiés en partie par les pensées de Descartes, mais aussi très inégalitaires. Michel Maffesoli site Max Weber qui parle de « ‘rationalisation de l’existence’. C’est celle-ci qui aboutit au fameux ‘désenchantement du monde.’36 » À la différence de leurs ancêtres, les européens de l’époque reconnaissent déjà la science dans beaucoup de faits naturels. Les réponses autour de leur raison d’Être, 35 PIERRARD Pierre, L’Eglise bouleversée— de 1789 à 1945, Editions de l’Atelier, 1992, p. 10 36 MAFFESOLI Michel, Imaginaire et postmodernité, Synergie de l’archaïsme et du développement technologique, « Modélisations des imaginaires », Manucius, 2013, p. 11 27 donc du « soi » de Descartes ne leur apportaient pas de satisfaction. Le désenchantement fut tel qu’en France on vit la Révolution en 1789 marquer la fin du Siècle des Lumières. Ce n’est pas surprenant de pouvoir constater, pendant cette époque, le pic d’une vague de pensée magique qualifiée d’Illuminisme par les historiens. Tout comme leurs contemporains rationnels, ces illuminés cherchent la lumière venant de l’intérieur, généralement de leur Dieu37. Le professeur de langue et littérature Elizabeth Boucé explique : « L’Illuminisme répond à une demande de surnaturel et d’irréel car la réalité parait comme insuffisante.38 » Donc, tout en gardant un degré d’Humanisme acquis durant la Renaissance, cet esprit de magie était gardé afin d’apporter une autre dimension à leur vie que le Siècle des Lumières leur avait dépouillé. L’idée de la magie n’a pas complètement disparu de la culture au Siècle des Lumières. Nous trouvons peu de diversité dans les écrits « fantastiques », alors que l’écriture «des contes de fées » est extrêmement prolifique. Boucé continue : « Ainsi, par exemple, c’est à la veille de la Révolution que Charles-Joseph de Mayer publie son Cabinet des Fées (fig. 8) en quarante et un volumes, vaste compilation de contes de fées.39 » Cette collection inclut des récits de Charles Perrault, Madame D’Aulnoy ainsi que Jean Jacques Rousseau, et sera ensuite complétée par les récits des Frères Grimms. On peut y lire, entre autres, les histoires du Chaperon Rouge, Les Contes des Milles et Une Nuits ou La Belle et la Bête. 8 Fig. 37 « Illuminisme », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/ illuminisme 38 BOUCÉ Elizabeth, Spectres des Lumières : du frissonnement au frisson: Mutations gothiques du xviiie au xxie siècle, Publibook, 2012, p. 23 39 Ibid, p.23-24 28 La grande majorité de ces contes sont considérés comme polis, très conformistes et à fort potentiel de moralité. Ils sont, pour la plupart, basés sur des histoires de folklore, transmis à l’oral et mis par écrit entre autre par Charles Perrault dans ses Contes de ma mère l’Oye en 1697 (fig. 9). Aujourd’hui, les Européens connaissent la plupart de ces histoires, lues au chevet des enfants par les parents, ou vues en film ou animation. Nous pouvons donc en conclure que le Siècle des Lumières, malgré son rejet apparent de la religion et des croyances mystiques, n’a pas tout à fait réussi à effacer les mondes imaginaires de la culture européenne. Fig . 9 L’auteur et spécialiste du folklore Terri Windling explique cette ténacité : Comme les sorciers qui rôdent dans les forêts magiques, les contes eux-mêmes sont des « changeformes » : fuyants, mystérieux, malléables, capables de revêtir des aspects très variés. C’est là que réside le cœur de leur puissance, la force de leur longévité.40 Puisque ces contes peuvent changer de forme, ils peuvent s’adapter à la plupart des cultures géographiques et temporelles. Du moment que les valeurs morales, les mythologies, que ces contes décrivent sont à même de « parler » au plus grand nombres ils peuvent se répandre aisément dans la culture occidentale, un concept qu’étudie Roland Barthes dans son livre Mythologies41. 40 WINDLING Terri, « La Quête du Héros », Yellow Submarine, n° 129, (Les sentiers de la Faërie), Bifrost/Etoiles Vives, 1999, p. 47 41 BARTHES Roland, Mythologies [1957], Points Essais, 2014 29 Fig. 6 - Hermès Trismégiste, gravure de la Renaissance Fig. 8 - « Barbe Bleue », Cabinet des Fées de Charles Perrault, 1697, Claude Barbin, BNF, Fig. 9 - Le Chat Botté, d’une version manuscrite et illustré des Contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault. Fig. 7 - Première page de la première édition du Discours de la Méthode de René Descartes’, 1637, publié par Ian Maire 30 De la Révolution Industrielle aux croyances technologiques A u long du xviiième siècle le rejet de l’ésotérisme a pris une place prépondérante dans la pensée occidentales, malgré une croyance dans les forces mystiques toujours présente. Or depuis un moment, l’humain est tourné vers lui-même grâce à l’Humanisme de la Renaissance et au Rationalisme du Siècle des Lumières. La fin du xviiième et début du xixème siècle marquent un changement de direction dans les recherches. La Révolution Industrielle est amorcée avec de nombreuses inventions qui marquent le début de la modernisation de l’Europe. La Révolution Industrielle, a vu la création d’une nouvelle « force naturelle » - cette fois contrôlable. Ainsi sont nées les locomotives, objets animés utiles aux transports de biens ou de personnes, aux alentours de 1830 (fig. 10). Dès son arrivée sur les rails, cette machine fut l’objet de beaucoup d’histoires42. Elle commença par apeurer les gens. Ces colosses créaient beaucoup de fumée, de bruits sonores divers, crachaient de la cendre et étaient généralement peints de couleurs sombres. Elle pouvait atteindre des vitesses jusqu’alors inégalées par l’Homme et parcourir des distances immenses tout en transportant des tonnes de biens ainsi que des passagers. Cette frayeur fut traduite plusieurs fois dans la culture de l’époque, entre autres en poésie : Fig . 10 42 LE BERRE Aline, De Prométhée à la machine à vapeur : cosmogonies et mythes fondateurs à travers le temps et l’espace, Presses Univ. Limoges, 2004, p. 218 31 Admirons le colosse au torride gosier Abreuvé d’eau bouillante et nourri de brasier Cheval de fer que l’homme dompte43 Ce morceau du poème « Le chemin de fer » d’Auguste Villiers de l’Isle-Adam, reprit en 1893 dans Le Magazine Littéraire44, montre une machine transformée en bête de feu. Elle est un animal que l’humain doit contrôler afin de pouvoir en tirer profit : Fierce-throated beauty! Roll through my chant with all thy lawless music, thy swinging lamps at night, Thy madly-whistled laughter, echoing, rumbling like an earthquake, rousing all45 D’après le poète Walt Whitman et son poème « To a Locomotive in Winter46 », la locomotive est non seulement un monstre mais aussi femelle. Tout comme les bateaux, ces monstres de plusieurs tonnes sont considérés comme étant du genre féminin. Lorsque l’on parle d’une locomotive en anglais, on lui attribue le pronom she47 normalement réservé à la femme, plutôt que le it utilisé pour les objets. Un exemple de cette personnification se trouve dans la littérature de l’époque dans une œuvre phare d’Emile Zola : 43 VILLIERS DE L’ISLE-ADAM, Poésies, Oeuvres Complètes II, Alain Raitt et Pierre-Georges Castex, 1986, « Chemins de fer », p. 848 44 MIRBEAU Octave, Correspondance Générale, L’Âge d’Homme, 2005, Note de bas de page, p.651 45 WHITMAN Walt, Green Leaves [1861], Penguin Classics, 1961, « To a Locomotive in Winter », « Beauté à la gorge féroce ! Roule à travers mon chant avec toute ta musique anarchique, tes lampes battantes dans la nuit, Ton rire sifflé fou, en écho, grondant comme un tremblement de terre, réveillant tous. » 46 À une locomotive l’hiver 47 elle 32 La Bête Humaine, publié en 1890. Le personnage principal peut être considéré comme étant la locomotive de Jacques Lantier, nommée la Lison. Pendant la narration, cette machine suscite la jalousie d’autres femmes en devenant la représentation d’une maîtresse pour son conducteur. Cette âme féminine lui aurait été donnée lors de sa construction : Il y avait l’âme, le mystère de la fabrication, ce quelque chose que le hasard du martelage ajoute au métal, que le tour de main de l’ouvrier donne aux pièces : la personnalité de la machine, la vie.48 Malgré sa forte au appartenance naturalisme, Zola a souvent inclut une notion de magie dans ces narrations. Un concept de la ville telle que des bâtiments ou nouvelles inventions se retrouvent antropomorphés afin de consommer ses personnages. Cette âme contenue dans les éléments de leur environnement se rapproche des esprits qui fascinent les Européens de l’époque. En effet, ils avaient une fascination morbide pour les fantômes et les revenants. Les histoires d’esprits foisonnaient. Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer cette fascination49. La première vient de la découverte de la photographie que nous étudierons dans le prochain chapitre. La deuxième théorie se base autour de la lumière. Les Victoriens sont passés de l’utilisation de la bougie à l’éclairage au gaz. La lumière étant beaucoup plus stable que son ancêtre, la lampe à gaz demandait tout de même plus 48 ZOLA Emile, La Bête Humaine, Les Rougon-Macquart [1890], Bibliothèque de la Pléiade, 1966, p. 1127-1128 49 ROBBINS Ruth, « The Victorian Ghost », LeedsMetUni, 29 octobre 2013, [en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=Bg94bRJLLj4 33 de maintenance. Une lampe mal entretenue créait des fuites de monoxyde de carbone. Une personne inhalant ce gaz toxique était prise d’hallucinations, apparition de membres défunts, phénomènes paranormaux ou même magique50. Pendant la Révolution Industrielle, une autre invention fit son apparition qui bouleversa, entre autre, la façon dont ils s’éclairaient : L’électricité. La création d’une nouvelle force artificielle qui anime des objets normalement inertes ou illumine plus encore des coins normalement sombres (fig. 11). Cette invention incomprise par la plupart de ses utilisateurs reste l’une des plus importantes de notre Histoire. Nous explorerons cette force mystique dans le deuxième chapitre de notre étude. Ce que nous pouvons affirmer dès maintenant est que l’électricité est une puissance que nous, membres de pays développés, ne pouvons nous passer. Aujourd’hui, les sociétés développées insistent et promeuvent une vision cartésienne du monde. La plupart des phénomènes naturels connus ont une explication scientifique, et ceux découverts sont rapidement expliqués. Les rares situations que nous n’arrivons pas à expliquer sont appelées à être résolues lors de nouvelles avancées technologies et scientifiques. En même temps, nous découvrons que les faits que nous ayons auparavant ne le deviennent plus. Comme l’explique Lyotard dans La condition postmoderne, chaque découverte scientifique ou historique est faite par un humain, avec ses émotions, sa position politique, sa situation financière qui vont tous influencer sur sa position et donc 50 Ibid. 1 1 Fig. 34 les résultats de ses recherches51. Ces derniers sont de plus limités par le langage utilisé par le domaine, les chercheurs n’auront tendance qu’à regarder dans cette zone, et ne pourront donc pas trouver toutes les vérités. Il appel ceci des « jeux de langages52 ». Ainsi, d’après Lyotard, les vérités sur lesquelles est posée la société postmoderne sont en fait des interprétations, les grands mythes ont pris fin. Dans le même temps, la magie domine notre culture populaire. La plupart des films, livres et jeux vidéo sont basés sur la magie. En effet, l’académicien et spécialiste en littérature fantastique moderne Thomas Shippey affirme : « Le mode littéraire dominant du xxème siècle a été le fantastique.53 » Avec les avancés dans la technologie de la création des effets spéciaux, ou représentation de la magie, il n’est pas étonnant de voir que les 10 films générant le plus de revenus au monde en 2014 sont tous des films de fantasy/ science-fiction54 (fig. 12). Les jeux vidéo sont pour la plupart créés dans la même veine. Fig . 12 Nous avons donc une attraction pour cette force, un résidu de nos millions d’années d’histoire. D’après Sigmund Freud : 51 WARD Glenn, Postmodernism, Teach Yourself, 2003, p. 170 52 LYOTARD Jean-François, The Postmodern Condition: A Report on Knowledge [1979], Manchester University Press, 1984, traduit du français par Geoff Bennington et Brian Massumi, p. 10 53 SHIPPEY Tom, J. R. R. Tolkien: Author of the Century, Harper Collins, 2000, p. vii, traduit de l’anglais par l’auteur de : « The dominant literary mode of the twentieth century has been the fantastic. » 54 « Yearly Box Office: 2014 Worldwide grosses », Box Office Mojo, [en ligne], http://goo.gl/8ThPdi 35 La maigre satisfaction qu’il peut arracher à la réalité ne fait pas son compte. ‘II est impossible de se passer de constructions auxiliaires’, dit quelque part Th. Fontane. La création du royaume psychique de la fantaisie trouve sa complète analogie dans l’institution de ‘réserves naturelles’ là où les exigences de l’agriculture, des communications, de l’industrie menacent de transformer, jusqu’à le rendre méconnaissable, l’aspect primitif de la terre. La ‘réserve naturelle’ perpétue cet état primitif qu’on a été obligé, souvent à regret, de sacrifier partout ailleurs à la nécessité. Dans ces réserves, tout doit pousser et s’épanouir sans contrainte, tout, même ce qui est inutile et nuisible. Le royaume psychique de la fantaisie constitue une réserve de ce genre, soustraite au principe de réalité.55 Nous aurions, pour la plupart d’entre nous, le besoin de laisser libre cours à notre imagination et nos rêves. Le genre Fantasy sous toutes ses formes permettraient de faire ce que Freud appelait des rêves éveillés. Ces derniers sont importants pour l’Homme car ils lui permettent d’imaginer des « phantasies » et tenter de les rendre réels. Ethan Gilsdorf, journaliste et geek, dans son livre de recherche Fantasy Freaks and Gaming Geeks nous donne dix raisons possibles pour s’échapper dans un monde imaginaire : 55 FREUD Sigmund, Introduction à la psychanalyse [1916], Cégep, 2002, « Troisième partie : Théorie générale des névrose », Traduit de l’Allemand par le Dr. S. Jankélévitch en 1921, revue par Sigmund Freud. p. 93. 36 1. Une évasion flagrante (des problèmes émotionnels, civil, terrorisme sociétal, économique) 2. Sentiments d’impuissance (lié au point 1) 3. Désir de ne pas se sentir ordinaire, de se sentir ‘héroïque’, de sentir faire partie d’un grand récit (l’immortalité ?) 4. Trop de temps de loisirs (par rapport à la vie paysanne / agriculteur - la ‘ communauté autonome ’ des Monty Python [et le Sacré Graal]) 5. Une urgence (génétique ?) à jouer aux luttes humaines primitives - la trahison, la vengeance, et surmonter d’énormes dangers 6. Un moyen sûr d’exprimer ses besoins, craintes et désirs 7. Le fantastique = le bien contre le mal. Réalité = trop gris. Besoin d’une vision du monde simpliste. 8. Se connecter avec la nature/magie - un Éden perdu. Temps préindustriel ? 9. Une réalité écrasante. Une saturation d’informations. 10. Régresser à l’enfance / revivre l’enfance.56 Cette liste serait non-exhaustive, elle n’inclut pas la simple nécessité du plaisir esthétique ou l’envie d’histoires, mais toutes les raisons évoquées semblent questionner la place de l’humain face au monde devant lui. Peut-il s’en échapper ? Quelle est sa place, 56 GILSDORF Ethan, Fantasy Freaks and Gaming Geeks: An Epic Quest for Reality Among Role Players, Online Gamers, and Other Dwellers of Imaginary Realms, Rowman & Littlefield, 2009, p. 41, traduit de l’anglais par l’auteur de : « 1. Blatant escapism (from problems: emotional, marital, societal-terrorism, economic). 2. Feelings of powerlessness (related to 1). 3. Desire to not feel ordinary, to feel ‘heroic’: to feel part of larger narrative (immortality?). 4. Too much leisure time (compared to peasant/farmer life - Monty Python ‘autonomous collective’?) 5. Urge (genetic?) to play-act primal human struggles - betrayal, revenge, and overcoming great odds. 6. Safe way to express needs, fears and wishes. 7. Fantasy = good vs evil. Reality = too gray. Need simplistic worldview. 8. Connect with nature/magic - lost Eden? Preindustrial time? 9. Reality overwhelming. News saturation. 10. Regress to childhood / relive childhood. » 37 et est-elle centrale ? Comme ces ancêtres, l’humain d’aujourd’hui a l’option d’explorer comment la magie peut répondre à ses questionnements. [Tolkien et Lovecraft57] ont tous deux soutenu la notion que le fantasme était un complément nécessaire à la réalité, pour assouvir le désir de ‘merveilles imaginées’ que le monde Primaire ne pouvait pas satisfaire.58 Par contre, ni Freud, ni Tolkien, ni Lovecraft n’ont connu le monde de la technologie numérique. Ce monde basé sur la manipulation de chiffres pour créer des effets visibles opère sur un plan invisible à l’œil humain. Or il permet la création d’un nombre inimaginable d’autres mondes dites Secondaires59. À la différence des générations anciennes, nous donnons une dimension totalement artificielle et scientifique à ces autres mondes dans lesquels nous passons quotidiennement beaucoup de temps. Dans son livre de recherche As If: Modern Enchantment and the Literary Prehistory of Virtual Reality, le professeur en Histoire et spécialiste en culture Européenne Michael Saler étudie cette ambivalence d’avoir besoin de relâcher son imagination dans des mondes imaginaires tout en restant dans une logique cartésienne. 57 John Ronald Reuel Tolkien est un auteur britannique de fantasy du début du xxème siècle, connu pour sa trilogie phare : Le Seigneur des Anneaux. Howard Phillips Lovecraft, son contemporain, est un auteur de fiction d’horreur américain connu pour son œuvre L’Appel du Cthulhu. Tous deux ont une renommée internationale dans le monde de la fiction. 58 SALER Michael, As If: Modern Enchantment and the Literary Prehistory of Virtual Reality, Oxford University Press, 2012, p. 182, traduit de l’anglais par l’auteur de : « [Tolkien and Lovecraft] both argued that fantasy was a necessary complement to reality, gratifying the desire for ‘imagined wonders’ that the Primary World could not satisfy. » 59 Ibid, p. 31 38 Il explique : Cette stratégie consciente d’embrasser les illusions tout en reconnaissant leur statut artificiel, de se tourner vers le ‘comme si’, est devenue une partie intégrante de l’enchantement moderne …60 Il semblerait que la logique scientifique et technologique ait pris le dessus sur l’imagination des Européens, et que l’animisme serait considérée comme primitive, voire archaïque, par de nombreux anthropologues. Toutefois, selon le sociologue Bruno Latour nous n’avons jamais été modernes, c’est à dire que nous vivons dans un monde de connaissances scientifiques pures. De plus, le philosophe britannique Gilbert Ryle détruit le mythe cartésien en le remplaçant par le dogme du fantôme dans la machine : Avec les exceptions douteuses des mentalement incompétents et les nourrissons, chaque être humain possède à la fois un corps et un esprit. […] Le corps et l’esprit sont habituellement attelés ensemble, mais après la mort du corps l’esprit peut continuer à exister et de fonctionner.61 Le corps et l’âme ne seraient donc pas séparés comme le souhaitait Descartes. Le corps ne peut pas vivre sans âme, tandis que l’âme peut continuer après la mort du corps. En outre, Lyotard affirme dans La condition postmoderne que nous avons perdu foi en 60 Ibid, p. 13, traduit de l’anglais par l’auteur : « This self-conscious strategy of embracing illusions while acknowledging their artificial status, of turning to the « as if », has become an integral to modern enchantment… » 61 RYLE Gilbert, The Concept of Mind [1949], The University of Chicago Press, 2002, p 11, traduit de l’anglais par l’auteur de : « With the doubtful exceptions of the mentally-incompetent and infants-in-arms, every human being has both a body and a mind. ... The body and the mind are ordinarily harnessed together, but after the death of the body the mind may continue to exist and function. » 39 la science, et nous avons tendance aujourd’hui à se tourner vers d’autres recherches pour obtenir d’autres formes de compréhension62. Nous sommes tout de même enchantés même en étant conscient de l’état irréel de l’enchantement. Si nous continuons dans cette logique, les objets techniques que nous utilisons devraient donc permettre une explication cartésienne de leurs créations et utilisations. La plupart des inventions trouvées pendant la Révolution Industrielle sont des ancêtres d’un grand nombre d’objets que nous utilisons quotidiennement aujourd’hui. Comme expliqué précédemment, la plupart de ces objets ont suscité un élément de paranormal. En effet, comme l’auteur de science-fiction Arthur C. Clarke affirme dans Hazards of Prophecy: The Failure of Imagination, « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.63 » Quand une technologie avance, généralement il y a très peu de personnes qui comprennent entièrement son fonctionnement. Très peu de personnes aujourd’hui comprennent l’électricité, malgré ses 100 ans d’existence, mais l’utilisent en ne connaissant que les résultats que créée cette force. Depuis, nous avons découvert entre autre l’énergie nucléaire ainsi qu’inventé différentes manières de transmission de données dont le wifi, Bluetooth et GPS. Ces technologies ont évolué et restent majoritairement incomprises de leurs utilisateurs. En effet, la majorité de ces objets contiennent des composants, d’autres objets, qui assurent leur bon 62 WARD, op. cit., p. 173 63 CLARKE Arthur C., ‘The Hazard of Prophecy: the failure of imagination’, Futurists, Random House, 1972, Traduit de l’anglais par l’auteur : « Any sufficiently advanced technology is indistinguishable from magic. » 40 fonctionnement, ils deviennent donc des appareils64. Le philosophe contemporain Vilém Flusser apporte une définition au terme appareil qui « est un jouet complexe, tellement complexe que ceux qui jouent avec lui ne peuvent le percer à jour.65 » Cette définition peut être facilement appliquée sur les objets à composants numériques que nous pouvons trouver aujourd’hui. Chaque composant de ces objets est créé par différentes entreprises ou dans différents départements de la même entreprise. Chacun de ces composants demande un niveau de connaissance technologique et scientifique assez élevé (fig. 13), du moins hors de portée des personnes n’ayant pas fait de longues études sur le sujet. Ainsi, chaque composant est créé par un spécialiste de son domaine, qui ne connait pas forcément les univers des autres composants. Nous pouvons conclure que même les fabricants ne connaissent pas eux même tous les mécanismes de l’objet pour lequel ils ont participé à son invention. Fig . 13 Ces objets créent donc un lien entre une force toujours mystique pour nous et une réaction visible à l’œil humaine. Nos ancêtres expliquaient cette incompréhension consciemment en donnant une âme à l’objet qu’ils utilisaient. Aujourd’hui, nous le faisons inconsciemment. Par exemple, nous avons tendance à blâmer l’ordinateur pour un bug, et non le programmeur qui en est responsable. De ce fait, nous pratiquons tous, inconsciemment, l’animisme. 64 « Appareil », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=2439922875;r=1;nat=;sol=0; 65 FLUSSER Vilém, Pour une philosophie de la photographie, traduit de l’allemand par J. Mouchard, Circé, 1996, p.40 41 Fig. 10 - Un train dans la neige, Claude Monet, 1875, huile sur toile, Musée Marmottan Fig. 11 - premières ampoules électriques à filament incandescente inventés par Thomas Alva Edison en 1879 Fig. 12 - Transformers : L’Age de l’Extinction, Michael Bey, 2014, Paramount Pictures, à fait le plus de ventes l’année de sa sortie. Fig. 13 - Décomposition du Samsung S2, sortie en 2011 par Samsung. 42 2 Des objets de médiation entre les forces mystiques et les esprits Nous venons de voir les mutations de la croyance magique au cours de notre histoire. Nous pouvons remarquer une constante dans ces transformations : l’animisme prédomine. Aujourd’hui, celui-ci peut se manifester de plusieurs façons : L’objet lui-même possède une âme, ou peut devenir un médiateur entre l’utilisateur et d’autres âmes. De plus, dans nos temps technologiques, la plupart des objets que nous utilisons tous les jours sont animés par des forces que nous nommerons « mystiques ». 43 Une relation animiste aux objets T el qu’il a été défini dans le premier chapitre de cette analyse, un objet est la traduction d’une nécessité en matière. Selon Marshall McLuhan, un média (sa définition d’un objet) est « l’extension de l’homme66 ». Ainsi, ils ont été créés pour terminer une tâche qui ne peut être accomplie par le corps humain. Un objet ajoute au corps une ou des actions qu’il ne peut pas faire seul, et pourrait donc être vu comme inhérent à ce dernier. Selon Simondon, cela peut s’appréhender sur deux niveaux : soit inconsciemment durant la petite enfance quand une personne apprend à utiliser un objet, accepte ses fonctions sans les remettre en cause ou consciemment lorsque l’utilisation de l’objet est appris à l’âge adulte. Dans ce cas, la personne saura s’interroger sur la façon dont il ou elle utilise l’objet, et pourra même le changer pour l’adapter à son propre corps ou sa façon de penser67. Ce deuxième niveau se voit chez l’individu, et dans l’espèce humaine. Permettez-moi de vous donner un exemple à travers un condensé historique des changements morphologiques d’un objet (fig. 14) : une pierre a été aiguisée pour couper dans une peau que les mains humaines ne pouvaient pas déchirer, puis une branche a été transformée en perche et ajoutée à la pierre aiguisée afin de créer une lance pour tuer proies et prédateurs à une distance de sécurité. Le fer a été découvert et la 4 1 Fig. 66 MCLUHAN Marshall, Understanding Media: The extensions of man, The MIT Press, 1994 67 SIMONDON, op. cit., p.85 44 lance a nécessité d’être trempée. La lame a été allongée et une poignée ajoutée, l’épée a été créée68. Pendant tout ce processus, les humains qui ont conçu l’objet ont aussi gardé à l’esprit son but tout en espérant qu’il ne leur fera pas défaut. Ils ont établi une relation très intime avec les outils utilisés et créés au point qu’ils leur ont donné une âme. L’auteur de fantasy Terry Pratchett et la spécialiste du folklore Jacqueline Simpson se sont alliés pour écrire The Folklore of Discworld dans lequel ils donnent un exemple d’une telle relation : L’un de nous se rappelle d’un atelier de forgeron tenu par des hommes très vieux. Lorsque l’un d’eux meurt, ses outils personnels sont laissés intacts sur le banc où il les a placés, et sont progressivement enfouis sous les débris de l’atelier. Une imagination fiévreuse n’est pas nécessaire pour voir qu’à l’époque où les outils étaient un investissement cher et pour la vie, façonnés au fil des années par la main de son propriétaire, il y aurait un certain dégoût inexpliqué de les manipuler après la mort d’un collègue de travail.69 Le scientifique allemand Georg Ernst Stahl appelle cet effet l’animisme ou « la croyance religieuse aux âmes actifs hors de l’Être vivant.70 » Pour un être humain, une 68 LEROI-GOURHAN André, Milieu et technique, Albin Michel, 1998, p.26 69 PRATCHETT Terry et SIMPSON Jacqueline, The Folklore of Discworld [2008], Corgi Books, 2014, p. 72, traduit de l’anglais par l’auteur de : « One of us recalls a metalworker shop staffed by very old men. When one of them died, his personal tools were left on the bench where he’d put them, untouched, and were gradually buried under workshop debris. It does not need a fevered imagination to see that in the days when tools were an expensive lifetime investment, shaped over the years to the owner’s hand, there would be a certain unfocused distaste for handling them after a workmate’s death. » 70 REY, op. cit., p. 600, « Animisme » 45 âme est synonyme de personnalité et donc un nom. Un très bon exemple de cela est l’épée. La maitrise de la création d’une lame assure au porteur de meilleures chances de survie. Une lame créée par un maître indique la richesse de son titulaire. Dans son Encyclopedia of the Sword71, Nick Evangelista explique « L’un des outils les plus anciens et précieux à l’humain, pour le Viking, l’épée a été son compagnon nommé, pour le samouraï, son âme.72 » Elle a eu une telle importance que, dans de nombreuses cultures du monde entier, la lame reçoit un nom et ensuite une personnalité, la plus célèbre d’entre eux en Europe étant Excalibur. Cette épée fictive a également des pouvoirs magiques qui ne sont activés que par son propriétaire désigné, le roi Arthur. Malgré les multiples versions de l’histoire sur ce roi légendaire, tous sont d’accord sur l’existence de cette dernière. Nommer et donner une âme à un objet, comme analysé dans le premier chapitre, a existé tout au cours de notre histoire. En effet, même aujourd’hui, nous constatons une tendance à considérer nos objets comme ayant une âme propre. Toute personne ayant possédé un ordinateur ou une tablette a probablement, à un certain moment de leur utilisation, insulté l’outil lorsqu’il se comportait de manière inattendue (fig. 15). De nombreux termes anthropomorphiques sont utilisés pour décrire les objets à composants numériques, surtout quand ils ne réagissent pas de la façon que 5 1 Fig. 71 Encyclopédie de l’épée 72 EVANGELISTA Nick, The Encyclopedia of the Sword, Greenwood Publishing Group, 1995, p. xxiii, traduit de l’anglais par l’auteur de : « One of man’s oldest, most valued tools, for the Viking, the sword was his named companion, for the samurai, his very soul. » 46 nous attendons d’eux. Par exemple, un ordinateur qui réagit à un problème dans sa programmation en raison de logiciels malveillants est dit d’avoir un virus, une « substance organique (pus, salive, etc.) susceptible de transmettre une maladie.73 » Un téléphone avec une batterie épuisée est généralement appelé « mort », un terme généralement utilisé pour quelque chose qui a été vivante74. Aujourd’hui, nous pouvons constater que la pensée animiste progresse chez certains spécialistes en anthropologie. D’après certaines de ses définitions, le modernisme se caractérise par son dualisme. Il utilise la pensée cartésienne pour séparer le corps de l’âme, l’environnement de l’humain, la culture de la nature, et finalement, le sujet de l’objet75. L’animisme ne serait donc pas un processus de pensée acceptable car il fusionne tout ce que les penseurs philosophes ont séparé. Cependant, dans la société d’aujourd’hui, et comme expliqué ci-dessus, nous avons une propension à créer des relations d’homme à homme avec des objets et entités non-humaines tels que les animaux domestiques, les peluches, ou même nos technologies numériques. Nous les avons donc transformés en sujets. Animaux et objets techniques, en particulier, communiquent avec nous (fig. 16), ils répondent à nos actions en nous donnant des informations ou en modifiant leurs comportements, les rendant animés. Comme expliqué précédemment, nous semblons Fig . 16 73 « Virus », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?24;s=317551755;r=2;nat=;sol=2; 74 « Technologie et magie », Place de la Toile, France Culture, émission de radio du 08 juin 2013, 18h56, en présence de Vincenzo Susca, Xavier de la Porte et Thibault Henneton 75 VAN HULLE Dirk, « Modernism, Mind, and Manuscripts », In : RABATÉ Jean-Michel, A Handbook of Modernism Studies, Wiley-Blackwell, 2013, p. 227 47 avoir accepté d’autres formes de compréhension76, y compris l’animisme. Une autre explication à notre pensée animiste dans notre société numérique a été donnée par Vincenzo Susca, chercheur au Centre d’Études sur l’Actuel et le Quotidien, qu’il appelle la « technomagie ». Il apporte l’exemple de quelqu’un qui jette un téléphone à travers une pièce lorsque la personne à l’autre bout de la ligne l’énerve. On place le blâme sur l’objet d’abord, et ensuite, plus tard, sur l’humain77. A cause de, ou grâce à, la science et le rationalisme, nous n’avons plus besoin d’explications à la plupart des phénomènes qui nous entourent. Malgré cela, nous semblons nous tourner vers l’expérience et l’émotion78. En effet, selon Susca, quand un objet à composants numériques ne réagit pas de la façon que nous attendions, nous voyons cela comme une trahison de sa part. C’est à nouveau la preuve d’une projection de nos émotions humaines dans des objets fabriqués par l’humain, il démontre également comment ces objets sont devenus profondément intimes. Susca explique cette intimité en définissant la différence entre la pensée rationnelle et la pensée magique. La pensée rationnelle s’appuie sur la logique et semble donc être la créatrice de la technologie, à savoir : la technique de la logique. Toutefois, comme nous venons de le voir, on ne semble pas avoir une interaction logique avec nos objets techniques qui utilisent la technologie. Susca défini ces objets comme « technomagiques » car leurs propriétaires n’utilisent plus le cerveau ou la 76 WARD, op. cit., p. 173 77 Place de la Toile, op. cit., 2013 78 Ibid 48 rationalisation comme le centre du processus de pensée79, ceci est la base de la pensée magique. Un exemple que donne le chercheur est l’utilisation d’écrans tactiles dans la plupart des technologies numériques. En effet, un bouton non-tactile aura sa forme modifiée une fois enfoncé, provoquant ainsi une réaction en chaîne. Toucher un panneau avec un doigt sans modifier sa forme, mais toujours provoquer une réaction dans l’objet appelle à une sensation au lieu du rationalisme. Malgré cette réaction illogique, nous avons facilement accepté la technologie tactile. Aujourd’hui, la plupart des nouvelles inventions ont un écran tactile plutôt que des boutons. En effet, lors du lancement du premier iPhone en 2007, Apple a choisi le slogan « Touching is believing80 » (fig. 17). Ainsi, selon Susca, nous sommes passés de la rationalisation cartésienne du Siècle des Lumières à ce que nous pourrions appeler le sensorialisme. Les sensations étant une réaction corporelle subjective, cela explique à quel point les objets contenant des réactions à nos sens, tel que les écrans tactiles, sont devenus intimes. Poursuivant les prémices de McLuhan que les médias sont l’extension de l’humain, cette intimité a encore brouillé la frontière entre le corps et l’objet technique. Par exemple, les objets de santé connectés permettent une interface visible de fonctions corporelles normalement invisibles à l’utilisateur, ou toute autre personne sans au moins une forme de contact physique. Certains de nos objets nous suivent partout, dans des endroits Fig . 17 79 Ibid. 80 BOHRER Clemens, « Les Techniques de l’adjuration », traduit de l’allemand par David Dilmaghani, Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 113. « Toucher c’est croire ». 49 où la technologie n’a normalement pas sa place : un lecteur mp3 sur la table de chevet utilisé comme un réveil, un ordinateur portable sur les genoux dans son lit pendant une session de travail de nuit, un smartphone dans les toilettes pour se divertir pendant ces moments de pause. Insuffler de l’animisme dans un objet est donc lui attribuer une caractéristique magique. Telle que définie précédemment, la magie comprend un aspect de ritualisme fort, c’est à dire un certain nombre d’actions prédéfinies, à effectuer à des moments spécifiques, afin d’obtenir le résultat demandé. Normalement réservés aux cérémonies religieuses81, des rituels se sont répandus dans notre vie de tous les jours, même chez les agnostiques et les athées82. En une matinée numérique, nous vérifions nos téléphones pour des messages, allumons la télévision pour les nouvelles du monde, validons notre carte de voyage sur une borne pour accéder au quai de notre train (fig. 18). Nous pourrions appeler cela habitude plutôt que rituel. 8 1 Fig. Or d’une part, l’habitude est une action auto-imposée à partir de laquelle la personne peut se détourner consciemment. D’autre part, un rituel est généralement imposé par une entité autre que l’individu faisant les actions. Toutefois, les objets techniques et à composants numériques ont tous été conçus par des designers qui ont réfléchi à leur ergonomie et aux actions que l’utilisateur devra faire afin de les utiliser correctement, ainsi qu’à la façon dont ils seront utilisés, en imposant des actions et donc 81 « Rite », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/ scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1771450320; 82 NOVA Nicolas, Curious Rituals: Gestural Interaction In The Digital Everyday, 2012, [en ligne], http://curiousrituals.wordpress.com/ 50 créer des rituels plutôt que des habitudes. Comme le sociologue Stéphane Hugon affirme : « Acte technique, acte physique, acte magico-religieux sont confondus.83 » En outre, les humains ont une tendance instinctive, comme de nombreux animaux, à trouver des patterns, ou des schémas, dans l’environnement autour d’eux. Selon le journaliste et fondateur du Skeptic Magazine, Michael Schermer, cette recherche de patterns aurait aidé un animal à décider si une situation est sécurisante ou dangereuse, et ainsi aider les espèces à survivre84. Toutefois, certains phénomènes apparaissent au hasard. Au cours de son expérience avec un pigeon dans une boîte, qui reçoit de la nourriture à des moments aléatoires, le scientifique Burrhus Skinner a découvert que son sujet d’essai, faute d’un motif, créait un rituel qu’il répétait jusqu’à ce qu’il reçoive de la nourriture85 (fig. 19). Fig . 19 Cette création de rituels est quelque chose que les humains subissent aussi, par exemple autour de l’ordinateur. En effet, quand un ordinateur tombe en panne un être humain (qui n’est pas technicien en informatique), essaiera généralement deux rituels en espérant que la machine va revenir à ce qu’il considère être son état normal. Il ou elle va d’abord essayer le ctrl + alt + del rite qui consiste à appuyer les boutons Contrôle, Alternative et Supprimer du clavier puis choisir de mettre fin à un processus, forçant ainsi 83 HUGON Stéphane, « Soudain : la technique », Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 64 84 SCHERMER Michael, « The pattern behind self-deception », TED, février 2010, [en ligne], http://goo.gl/cCtAsL 85 SKINNER Burrhus, « Superstition in the pigeon » [1947], Classics in the History of Psychology, [en ligne], http://psychclassics.yorku.ca/Skinner/Pigeon/ 51 un programme à fermer. Si les choses vont vraiment mal, et que l’ordinateur ne réagit plus, la cérémonie d’éteindre puis rallumer la machine commence (fig. 20), généralement accompagnée de grognements et même par la colère de l’utilisateur. Même si le bug en programmation existe toujours et peut donc de nouveau causer le problème, éteindre et rallumer un ordinateur se fait dans l’espoir que la machine fonctionne comme elle le fait habituellement lorsque le bouton de démarrage est utilisé. Selon Nicolas Nova, beaucoup plus de rituels ont été créés autour des objets techniques86, dont certains seront étudiés de plus près dans le chapitre suivant. Nous pouvons donc voir que, malgré notre soi-disant hyper-rationalisme restant du Siècle des Lumières, nous continuons toujours à insuffler de l’animisme dans nos nouvelles inventions. En outre, non seulement les objets à composants numériques sont de moins en moins bien compris par les utilisateurs, ils sont également de plus en plus autonomes avec leur esprits propres. On pourrait donc dire que plus nous continuons vers l’automatisation complète, plus notre technologie devient magique. 86 NOVA, op. cit. 0 2 Fig. 52 Fig. 15 - Allumé un ordinateur par la voix ne fonctionne pas toujours. IT Crowd, épisode 1, saison 1, 2006, Channel 4. Fig. 14 - L’évolution des armes à travers les siècles, Musée McCord . Fig. 16 - Un chat à des réactions humaines ? Fig. 17 - Publicité pour l’iPhone 6, 2014, Apple. 53 Fig. 18 - Nos objets numériques nous suivent partout. Fig. 19 - Le pigeon de Skinner dans sa boîte attendant sa nourriture. Fig. 20 - La cérémonie d’éteindre puis rallumer joué par The IT Crowd, 2006, Channel 4 54 Une connexion à d'autres esprits, morts ou vivants L orsque nous ajoutons un esprit à nos objets, nous avons aussi une tendance à utiliser nos inventions pour communiquer avec d’autres âmes, mortes ou vivantes. Alors que le téléphone est l’un des meilleurs exemples d’un objet contenant une âme, en particulier le smartphone, c’est aussi le meilleur exemple d’une communication avec une âme. En effet, comme Erik Davis déclare : Dans un sens, le téléphone est la technologie animiste ultime. Nous associons la vie consciente avec ce qui communique, et là était une chose inerte mais pleine de voix.87 Si nous suivons une manière rationnelle de penser alors on pourrait suivre l’équation suivante : ce qui communique est conscient, le téléphone communique, ainsi le téléphone est conscient. Lorsqu’une personne utilise un téléphone, il ou elle va entendre la voix de leur correspondant dans la petite boîte, donnant l’impression que l’objet a piégé une partie de son âme. Cela démontre une pensée animiste. Or, le téléphone peut « piéger » une multitude d’âmes dans sa boîte. 87 DAVIS, op. cit., p. 66, traduit de l’anglais par l’auteur de : « In a sense, the telephone is the ultimate animist technology. We associate sentient life with what communicates, and here was an inert thing full of voices. » 55 Le téléphone a toujours eu un lien avec le spiritisme. En effet, ces inventeurs présumés Graham Bell et Thomas Watson ont expérimenté d’abord en demandant à douze personnes de se tenir la main et de créer ainsi un circuit parcouru par un courant faible, permettant à Bell et Watson de se parler avec succès depuis différentes salles88 (fig. 21). En imaginant, on pourrait se rappeler des séances où plusieurs personnes sont assises autour d’une bougie ou une ampoule en silence se tenant la main dans l’espoir que leurs énergies cumulées leur permettront de communiquer avec des défunts. Nés pendant une période obsessionnelle sur les fantômes et le spiritisme, il n’est pas surprenant que les inventeurs du téléphone aient également eu une fascination pour les esprits qui nous ont quittés. Il est donc presque logique qu’ils inventent un objet qui permet à deux âmes de communiquer ensemble sans être dans la même pièce, ou pays. 1 2 Fig. Erik Davis estime que : Ces jours-ci, bien sûr, nous sommes habitués aux machines parlantes, et l’omniprésence et le pragmatisme du téléphone a chassé ces perceptions animistes dans la brousse.89 Le sociologue explique d’abord que, dans la société d’aujourd’hui, nous ne ressentons plus cette relation entre l’esprit et le téléphone, nous comprenons apparemment la façon dont il fonctionne. S’appuyant sur 88 Ibid., p. 66, traduit de l’anglais par l’auteur de : « In a sense, the telephone is the ultimate animist technology. We associate sentient life with what communicates, and here was an inert thing full of voices. » 89 Ibid, p. 67, traduit de l’anglais par l’auteur de : « These days, of course, we are used to talking machines, and the ubiquity and pragmatism of the telephone has chased such animist perceptions back into the bush. » 56 l’analyse du chapitre précédent, je suis en désaccord. En effet, seuls les scientifiques ayant de nombreuses années d’études dans des domaines technologiques, comprennent parfaitement comment les voix sont transmises d’un périphérique à un autre. Tout comme les ordinateurs, un téléphone sans batterie est mort. De plus, si nous prenons un téléphone et n’obtenons pas de tonalité, nous dirons généralement que la ligne est morte. Le téléphone a été au centre de notre imagination (fig. 22), et peut-être même considéré comme un objet effrayant. Prenez la fameuse scène dans Scream lorsque le personnage principal, Sidney, répond au téléphone et entend une voix angoissante (fig. 23). On aurait pu penser que raccrocher et ensuite ignorer le téléphone serait une bonne idée (rendant le film très court). Toutefois, Sidney ne le fait pas. La sonnerie incessante ordonne presque de ramasser le récepteur et de parler à l’âme maléfique au bout du fil90. On peut également constater dans la vie de tous les jours, lorsque nous cherchons frénétiquement notre téléphone pendant qu’il sonne de manière impérative, alors qu’il serait simple de rappeler une fois le téléphone retrouvé. Téléphones et autres dispositifs nous relies à d’autres par des forces que la plupart d’entre nous comprennent peu. Entendre la voix de quelqu’un au téléphone donne déjà un sens à la communication avec une âme sans corps. Les écrans ajoutent à l’impression de l’interaction avec les autres et offres de plus un stimulus visuel. Pour cette analyse, nous étudierons les écrans des appareils numériques. 90 CRAVEN Wes, Scream, Dimension Films, 1996 Fig . 22 Fig . 22 57 Jay David Bolter et Diane Gromala avancent : Quand on regarde dans le miroir, nous nous voyons, et nous voyons la pièce derrière et autour de nous - c’est à dire - nous dans un contexte. Les interfaces numériques sont comme des miroirs dans le sens où ils reflètent l’utilisateur dans un contexte, y compris son environnement physique, son milieu de travail ou à la maison, et l’environnement plus large défini par sa langue et sa culture.91 Ainsi, l’écran d’ordinateur peut afficher des représentations graphiques de ce qui ne peut être ressenti par le corps. Il interagit avec le spectateur non seulement en lui permettant de choisir ce qu’il veut voir ou entendre, mais aussi en lui laissant la possibilité de créer. L’écran est maintenant considéré comme une fenêtre sur le monde, tout comme la fantasy. En effet, la plupart des jeux vidéo se passent dans des mondes fantastiques, et beaucoup d’entre eux ont créé une base de fans participatifs. Selon Vincenzo Susca, qui rejoint les pensées de Gilsdorf, participer à travers des écrans avec les autres est aussi « s’abandonner à quelque chose de plus grand que soi.92 » En plus de permettre à l’utilisateur de visualiser des choses normalement invisibles ou non ressenties, 91 BOLTER Jay David et GROMALA Diane, Windows and Mirrors: Interaction Design, Digital Art, and the Myth of Transparency, MIT Press, 2003, p 27, traduit de l’anglais par l’auteur de : « When we look in the mirror, we see ourselves, and we see the room behind and around us – that is, ourselves in context. Digital interfaces are like mirrors in the sense that they reflect the user in context, including her physical surroundings, her immediate working or home environment, and the larger environment defined by her language and culture. » Jay David Bolter est un professeur en New Media à l’Université de Georgia Tech. Diane Gromala est la directrice de Canada Research à l’école de Interactive Arts and Technology à l’Université de Simon Fraser. 92 Place de la Toile, op. cit., 2013 58 l’écran numérique lui permet également d’interagir avec les autres d’une façon que les autres médiums ne permettent pas. Le professeur d’Histoire Theodore Roszak nous donne une image de quelqu’un qui utilise un écran : La vision est la suivante : on est assis devant un écran lumineux, caressant les touches, en regardant des choses remarquables sur l’écran à la vitesse de la lumière. Des mots, des photos, des images apparaissent de nulle part. Comme un enfant, on commence à croire à la magie une fois de plus. Et parce que l’on fait de la magie, un sens enivrant de pouvoir accompagne l’action. On a la culture de toute la planète, là, au bout des doigts ! Toutes les banques de données, les bibliothèques, les archives, les films, les musées d’art, les panneaux d’affichage, les téléphones et télécopieurs dans le monde sont dans cette seule boîte.93 L’écran numérique permet une autre forme de sensorialisme, un partage illusoire d’expérience. Cet appareil est donc doublement magique. Non seulement il a une âme mais permet également à de multiples âmes de communiquer entre elles. Contrairement au téléphone qui ne fonctionne que sur les sens auditifs, l’écran numérique fonctionne aussi sur la vue et le toucher. Une expérience que certains d’entre nous recherchent est le contact avec d’autres esprits et âmes, par exemple ceux de personnes décédées. Selon l’anthropologue britannique E. B. Tylor, la religion a été en partie créée pour expliquer ce que nous devenons après la mort : 93 ROSZAK Theodore, The Cult of Information: A Neo-Luddite Treatise on High Tech, Artificial Intelligence, and the True Art of Thinking, University of California Press, 1994, p. 186 59 À partir de l’observation des primitifs, [il] explique par l’expérience du sommeil, du rêve et de la mort, l’origine et la succession des principales croyances religieuses de l’humanité : idée de l’âme distincte du corps, culte des morts et des ancêtres, croyance aux esprits, puis à des divinités supérieures, enfin à un Dieu unique. 94 Les êtres humains se demandent ce que deviennent nos âmes une fois que nos corps meurent, et si d’autres esprits évoluent autour de nous. Pour certains, nos âmes existent encore, comme décrit par Gilbert Ryle, et, avec d’autres types d’esprits, elles ont des interactions avec les objets que nous avons créés dans ce but, ou à travers des objets que nous utilisons tous les jours. Un objet avec une relation forte aux fantômes est l’ordinateur. Pour le mathématicien et philosophe Kurt Gödel, c’est la preuve que nos âmes continuent d’exister même après notre passage sur terre. Ce philosophe du début xxème siècle avait une imagination très singulière, ce qui l’a conduit à devenir paranoïaque au point qu’il ne mangeait que ce que sa femme préparait pour lui, était hypocondriaque, et croyait que les fantômes vivaient dans les buissons de l’Université de Princeton où il travaillait. Il a aussi prouvé grâce à l’utilisation de la théorie de la relativité d’Einstein que le voyage dans le temps était possible. Cependant, Gödel n’était pas fou, son théorème a eu un grand retentissement sur la pensée scientifique et philosophique : le théorème d’incomplétude qui compare les ordinateurs aux humains. D’une part l’ordinateur est régi par des états, ou axiomes, que 94 « Animisme », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/ animisme 60 les humains ont programmés, il est donc incapable de travailler ou évoluer sans intervention humaine. D’autre part, les humains ont un nombre infini d’états et peuvent trouver des axiomes accidentellement, dû au fait que nous sommes incapables de nous comprendre complètement. Nous avons besoin des autres pour déverrouiller ce que nous savons surement déjà, mais n’en avons pas forcément conscience. Nous ne sommes donc jamais complets. Selon Gödel, il existe des êtres conscients et logiques qui vivent indéfiniment, leur permettant de trouver tous les axiomes possibles afin d’atteindre la complétude, et donc réfuter son théorème. Gödel croît aussi en la vie après la mort, où nos âmes vivent indéfiniment dans un monde de mathématiques à la recherche de ces axiomes95. Ainsi, en utilisant les exemples du dogme du « Fantôme dans la Machine » de Ryle et le théorème d’incomplétude de Gödel, on peut voir que les objets techniques sont soumis à l’attraction des esprits, il n’est pas étonnant que nous essayons de communiquer avec eux. Certains objets nous ont permis de voir des âmes. Un bon exemple est l’appareil photographique, inventé par Nicéphore Niépce en 1826 en utilisant des plaques d’étain96. Le lien entre l’âme et la photographie est très forte, comme nous pouvons le voir au travers certaines civilisations primitives, et existantes, qui croient se faire prendre en photo signifiait avoir son âme volée et piégée dans la boîte. Parallèlement, la photographie a été rapidement 95 CASSOU-NOGUES Pierre, « Gödel, Wiener, la cybernétique et les fantômes », Média Médium, Conférence à l’YGREC, Paris, 28 novembre 2014 96 GERNSHEIM H. and A., A Concise History of Photography, Thames and Hudson, 1971, p. 20 61 adoptée par les contemporains de Niépce, et utilisée par des portraitistes. La technologie inventée pour créer une photo demandait aux personnes de rester immobiles pendant plusieurs minutes. L’image qui en sortait ne pouvait jamais être parfaitement nette. Par contre, la photographie d’une personne parfaitement immobilisée par rigor mortis par exemple n’aura pas ce problème. Les victoriens d’Angleterre connaissaient cet aspect de la photo et en profitaient pour prendre des images de leurs membres de la famille récemment morts (fig. 24). De l’autre côté de l’exposition, une personne en mouvement ne laissait qu’une trace blanchâtre et floue sur les premier négatifs (fig. 25), donnant l’effet d’un spectre. Dans les deux cas, la photographie et les photos confrontaient les Européens à la vie après la mort et à la possibilité que des personnes disparues récemment soient toujours présentes autour d’eux97. 4 2 Fig. 5 2 Fig. Ainsi que d’essayer de voir des âmes immatérielles, nous avons également voulu communiquer avec eux. Yves Citton98, explique une théorie que le professeur Eugene Thacker a mis au point : Eugene Thacker accouple les récits d’horreur surnaturelle avec l’ontologie médiévale ou kantienne. Il en tire une théorie de l’antimédiation, qui cherche à faire apparaître en quoi, derrière leur apparence banale en fonctionnelle, les appareils de communication nous mettent 97 Ibid 98 Yves Citton est professeur de littérature française du xviiie siècle à l’université de Grenoble-3 et co-directeur de la revue Multitudes, et collabore régulièrement à la Revue des Livres. Un des sujets qu’il enseigne est la Média-archéologie qui regarde les inventions qui sont sortie des imaginaires du xixe et xxe siècles. 62 en contact avec un autre monde, une autre réalité, où la médiation renvoie toujours à ce qui dépasse la hante.99 Cette tentative de contacter ce que certains appellent « un autre plan d’existence » semble être aussi vieille que l’humanité, comme on peut le voir avec l’existence des chamans depuis la préhistoire, et encore aujourd’hui. La journaliste pour la BBC, et elle même chamane (fig. 26), Corine Sombrun donne une définition du chamanisme et de son utilité : « Ce que je sais du chaman à l’époque, c’est qu’il est une sorte de lien entre le monde des humains et le monde des esprits.100 » Au cours de la Préhistoire, ainsi que ceux qui existent aujourd’hui, les chamans utilisent des objets fabriqués en matériaux bruts pour se connecter et communiquer avec le monde des esprits, comme des totems et amulettes par exemple. Fig . 26 Aujourd’hui, nous avons créé de nouveaux objets pour nous permettre une telle connexion. Un exemple est la planche d’ouija utilisée à l’aide de l’écriture hantée lors de séances, aussi connue comme psychographie ou l’art d’écrire inconsciemment ou sous la direction d’un esprit. Initialement inventée par les chinois pendant la dynastie Ming entre le xivème et xviième siècle pour remplacer l’écriture hantée à l’aide d’un tamis, cette technique connue sous le nom de fuji utilise une planche tout comme l’ouija d’aujourd’hui101. 99 CITTON Yves, NEYRAT Frédéric, QUESSADA Dominique, « Envoûtements médiatiques », Multitudes, n° 51, 2012/4, p. 61 100 SOMBRUN Corine, « La transe chamanique, capacité du cerveau ? », TEDxParis, décembre 2012, [en ligne], http://goo.gl/hXpgFp 101 MARTIN ELLIS Melissa, 101 Ways to Find a Ghost: Essential Tools, Tips, and Techniques to Uncover Paranormal Activity, Adams Media, 2011, p. 88 63 Ce dispositif de communication avec les esprits demande aux participants de toucher ensemble une palette en forme de pointeuse, qui est ensuite passée sur une carte ou un papier inscrit avec des lettres, des chiffres et deux mots, oui et non (d’où le nom ouija, le oui français, et le ja allemand) (fig. 27). Normalement, un esprit guidera la palette des participants, formant un mot ou une réponse oui ou non. Si l’on croit en l’ésotérisme, les esprits existent donc et peuvent communiquer à travers un objet. Il est toutefois possible que les participants inconsciemment, ou plutôt consciemment, écrivent les mots en prenant le contrôle de la palette sans que les autres en aient connaissance. 7 2 Fig. Les esprits essaieraient de communiquer avec nous à travers d’autres objets, modifiés de leur fonction principale, une action appelée phénomène de voix électroniques, ou EVP. Un exemple est la bande audio qui, dans certaines circonstances, permet aux gens d’entendre les voix de personnes décédées102. La télévision non accordée semble aussi permettre aux gens d’entendre les âmes par le bruit blanc créé par l’écran. On peut également prendre l’exemple du répondeur et sa faculté de nous permettre d’entendre la voix de notre correspondant en sachant qu’il n’est pas présent à ce moment-là. Davis apporte plusieurs questions sur le téléphone : « Est-ce qu’il parle, est-ce que nous parlons à travers lui, ou est-ce que ces vibrations sont uniquement les fantômes de nous-mêmes ?103 » Il 102 Ibid. 103 DAVIS, op. cit., p. 67, traduit de l’anglais par l’auteur : « Does it talk, do we talk through it, or are those vibrations only the ghosts of ourselves? » 64 poursuit en décrivant la sensation d’entendre sur son répondeur la voix de quelqu’un qui vient de décéder. Même si l’utilisateur sait que la personne est défunte, sa voix dans le répondeur transforme l’objet en un récipient pour son âme, ce qui explique sa réticence à effacer le message. 65 66 Fig. 21 - Alexandre Graham Bell appelant Chicago depuis New York, 1862, Gilbert H., Library of Congress. Fig. 22 - Le premier téléphone portable ?, Jacques Tati, Jour de Fête, 1949, Francinex Fig. 23 - Sidney au téléphone, Wes Craven, Scream, 1996, Dimension Films 67 Fig. 24 - Photo d’une femme défunte et de sa famille du xixème siècle. Fig. 25 - Photo d’une femme se déplaçant du xixème siècle. Fig. 26 - Corine Sombrun construisant son tambour de chaman. Fig. 27 - Planche de ouija, 1871 68 Entretien avec Audrey Breuer, thérapeute médium J.L. : Pourriez-vous, en premier lieu, expliquer votre activité ? En quoi êtes-vous médium ? A.B. : La médiumnité est, pour moi, une forme accrue de sensibilité à laquelle nous avons tous accès. Nous accédons à un niveau de conscience différent sur qui nous sommes et ce qui nous entoure. En fait, il s’agit d’être « en phase » avec les ressentis du corps et du cœur. Il y a différents types/ manifestations de « médiumnité » : Dans mon cas, je suis capable de communiquer avec les défunts, et d’avoir accès aux mémoires cellulaires ou transgénérationnelles d’une personne - à son subconscient profond - en me « connectant » à elle par l’intention (avec son accord bien sûr !). Ensuite, je l’aide à libérer cette mémoire si cela peut l’aider à avancer dans sa vie. C’est délicat d’expliquer cela en quelques lignes ! J.L. : Vous semblez avoir une relation particulière aux objets que vous touchez / côtoyez. Serait-il possible d’expliquer cette relation ? Comment vous la vivez ? A.B : Si l’on part du principe que tout sur notre planète est information, alors toucher un objet revient à « toucher »/entrer en contact avec l’information qu’il porte. En gros, une réaction/résonnance se fait entre moi et mon énergie/information, et celle que porte l’objet lorsque je le touche. Ma réaction indique si nous sommes « compatibles » ou non, en gros si cet objet me fait du bien, est neutre ou est mauvais pour moi. Cela peut être de la nourriture, des cosmétiques, des 69 objets anciens ou nouveaux. Par exemple, il m’arrive régulièrement de ressentir comme une sensation de « brûlure » lorsque je touche des vêtements chimiques, ou des cosmétiques avec beaucoup de chimie. Il m’arrive également de sentir lorsque quelque chose ne « va pas » avec ce que je mange : L’autre jour par exemple je mangeais un cheesecake que l’on m’avait donné. Je ressentais dans mes mains à la sensation que ce cheesecake n’était pas « compatible » avec moi, mais ne voulant pas embêter mes hôtes, je l’ai mangé. Le résultat ne s’est pas fait attendre, et la première bouchée avait à peine atteint mon estomac, que je pouvais ressentir que « quelque chose n’allait pas » : sensation de lourdeur, plexus solaire serré, émotions, comme de la tristesse. Je suis allée voir les ingrédients, et j’ai découvert qu’ils contenaient de la gélatine (je suis végétarienne). Il m’est également arrivé d’acheter des bracelets faits au Népal par une association. Pourtant, dès le moment où je les ai mis, je les ressentais comme très lourds, et ils me « brûlaient » aussi. Je me sentais triste, mon plexus solaire réagissait. Plus tard, en me « connectant » à l’information que contenait ce bracelet, j’ai pu « voir » que quelque chose d’horrible était arrivé à celle qui l’avait fabriqué, pendant son enfance. Le bracelet était imprégné des émotions qu’elle n’avait jamais pu exprimer. J’ai donc dû « libérer » ces émotions du bracelet et le « formater » pour pouvoir le porter. Pour enfin citer un exemple concernant un objet moderne, je suis capable de sentir les émissions des téléphones portables. L’année dernière, en changeant de smartphone, je fus assez horrifiée par l’intensité de ses émissions. Un ami pouvait se mettre dans la pièce voisine, je pouvais sentir lorsqu’il allumait ou éteignait 70 l’objet. Je sentais les émissions « remonter mon bras », et pareil, une grande sensation de lourdeur et d’étouffement au niveau du plexus solaire. En vérifiant sur internet, j’ai effectivement pu constater que des tous les téléphones disponibles sur le marché à cette époque, ce téléphone avait les taux d’émissions les plus élevés. J’ai remédié au problème en mettant un autocollant sur mon téléphone qui modifie son information (certaines pierres ont des propriétés similaires mais cet autocollant vendu par des amies fonctionnait mieux et avait surtout l’avantage d’être plus discret). J.L. : Pouvez-vous contrôler cette relation ? A.B. : Je peux essayer de l’ignorer mais généralement je le regrette par la suite. C’est un peu comme si vous me demandiez si j’étais capable de ne pas sentir : oui je peux me boucher le nez, mais est-ce vraiment bon pour moi d’ignorer ce que me disent mon cœur et mon corps, surtout lorsqu’il s’agit de mon bien-être ? J.L. : Y-a-t-il des types d’objets auxquels vous avez une relation plus forte (négative ou positive) ? A.B. : Les cristaux et pierres, quand ils sont de très bonne qualité. Sinon je n’ai jamais aimé les antiquités. En général, les réactions fortes se font surtout avec des objets (quels qu’ils soient) qui résonnent fortement avec moi, de manière positive ou négative. Cela peut-être n’importe quel objet. J.L. : Je concentre mon mémoire sur les objets dits connectés. Avez-vous déjà eu une réaction à ce type d’objet ? 71 A.B. : Oui, mon téléphone, comme expliqué plus haut. Parfois, certains phénomènes paranormaux peuvent interagir avec la connexion internet pour attirer mon attention, et j’ai certains amis dont la simple présence peut perturber la connexion. Je ressens la plupart des smartphone négativement. J.L. : Comment pensez-vous que cette relation soit créée ? A.B. : Tout est une question d’intention. Un plat identique préparé par deux personnes ou dans deux états d’esprit différents (joie/colère) n’aura pas exactement le même goût, car tout est information. Il en est de même pour les livres, qui ne sont rien d’autre que de l’information que nous « ingérons » par la lecture. Il y a des livres qui résonnent très fortement en nous, nous les adorons ou nous les détestons ! C’est exactement le même principe de résonance. 72 L'importance des forces fondamentales créant le monde Q ue ce soit pour communiquer avec d’autres esprits, ou pour obtenir sa propre âme, l’objet technique a besoin d’avoir accès à une ou plusieurs forces fondamentales. Ce sont des énergies puissantes, et la plupart du temps artificielles, qui ne sont que partiellement contrôlées et comprises par l’utilisateur, et parfois même par son créateur. On peut dénombrer un grand nombre de ces forces, la plupart d’entre elles ont été découvertes ou inventées durant les cent dernières années. Pour cette analyse, nous allons nous concentrer sur les forces qui ont un fort impact sur notre vie numérique quotidienne. Nous regarderons notamment l’électricité ainsi que le Wifi, y compris d’autres forces connectives. L’électricité, depuis ses premières recherches au xviième siècle par William Gilbert104, a été une fascination et un mystère pour la plupart des gens. McLuhan définit cette force puissante et magique comme un mythe : Car le mythe est la vision instantanée d’un processus complexe qui s’étend habituellement sur une longue période. Le mythe est la contraction ou l’implosion de tout processus, et la vitesse instantanée de l’électricité lui 104 HEILBRON J. L., Electricity in the 17th and 18th Centuries: A Study of Early Modern Physics, University of California Press, 1979, p. 169 73 confère la dimension mythique sur l’action industrielle et sociale ordinaire aujourd’hui.105 La plupart de nos objets habituels nécessitent de l’électricité sous une forme ou une autre, batterie ou une source d’alimentation externe, on peut dire que nous vivons dans un monde de mythes. En effet, quand elle a été découverte, l’électricité a été décrite comme « la fée électricité106 » (fig. 28). Une fée est un être du folklore qui aidait les humains dans leurs tâches en échange de nourriture ou de cadeaux. Selon une superstition, on peut laisser du lait et du pain à la porte le soir pour les fées et lutins dans l’espoir qu’ils effectueront pendant la nuit une tâche qui nous est pénible. Cette croyance a été transcrite dans un conte de fées des frères Grimm nommé Les Lutins. Ces êtres magiques sortaient la nuit afin de réaliser pour un cordonnier les meilleures chaussures que la ville avait connues. En échange de leur aide, le cordonnier et son épouse leur ont laissé des vêtements, ce que les lutins ont appréciés. 8 2 Fig. Depuis lors, on ne les a plus revus ; mais pour le cordonnier tout allât bien jusqu’à son dernier jour, et tout lui réussit dans ses activités comme dans ses entreprises.107 L’électricité se comporte de la même manière. 105 MCLUHAN Marshall, Understanding Media: The extensions of man, The MIT Press, 1994, p.25, traduit de l’anglais pas l’auteur : « For myth is the instant vision of a complex process that ordinarily extends over a long period. Myth is contraction or implosion of any process, and the instant speed of electricity confers the mythic dimension on ordinary industrial and social action today. » 106 D’ARSONVAL A., « L’avenir de l’électricité », Revue Scientifique, n°28, 17 septembre 1881, p. 370 107 GRIMM Frères, The Fairy Tales of the Brothers Grimm, Andrews UK Limited, 2011, traduit de l’anglais pas l’auteur de : « The good couple saw them no more; but everything went well with them from that time forward, as long as they lived. » 74 En effet, l’électricité est devenue une force indispensable pour notre vie, nous ne pouvons pas concevoir plus d’une journée sans et encore moins une nuit. Malgré l’Humanisme de la Renaissance qui visait à se délier de l’asservissement à Dieu, et la supposée hyper-rationalité du Siècle des Lumières, nous nous retrouvons tout de même dans une forme de dépendance. Durant la Renaissance, nous essayâmes de devenir maîtres de soi et de notre destin. Aujourd’hui, notre forme de dépendance a changé. La plupart des personnes habitant dans les pays développés ne peuvent plus vivre sans électricité voir objets à composants numériques108. Ainsi, en dépit de notre humanisme et rationalisme, nous avons encore une tendance à dépendre de forces hors de notre contrôle total, comme nous l’avons fait avec la religion et l’environnement. D’après nos découvertes dans le premier chapitre de notre analyse, la croyance en la magie existait encore durant les périodes de fort rationalisme. En effet, les humains ne peuvent pas vivre sans dépendre d’une force mystique, donc sans une croyance magique, même s’ils ne la contrôlent que partiellement. Selon McLuhan, cela est particulièrement vrai pour les objets à composants numériques : Beaucoup de gens reviennent à l’occulte, à la perception extrasensorielle et à toute forme de savoir mystérieux, pour répondre à ce nouvel encerclement de l’informatique électronique.109 108 Place de la Toile, op. cit., 2013 109 CRISTANTE Stefano, « Le mystique du réseau », Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 111 75 L’électricité a entraîné une nouvelle relation avec nos objets, ou a renouvelé une relation préexistante si l’on compare la technologie numérique avec les totems et objets primitifs animistes. Ils ne sont plus uniquement utilitaires, les objets peuvent désormais changer de fonction selon notre environnement, nousmêmes et nos sens. Prenez un smartphone avec ses multiples applications qui sont utilisées pour « aider » la vie de l’utilisateur. Elles changent et mutent grâce à des conceptions de développements, mais peuvent également être retirées lorsqu’elles deviennent indésirables pour l’utilisateur. Pendant toutes ces mutations, le smartphone reste un smartphone mais se retrouve avec des fonctions différentes. Sans l’électricité qui court dans ses circuits, l’objet technique serait inanimé, si j’ose dire : sans vie, une boîte sans fonction qui ne peut être modifiée en fonction de l’utilisateur qu’à travers la décoration ou des dégâts, mais ne fera rien de plus. Non seulement l’électricité créé l’animisme, elle a également permis à notre imagination d’inventer des liens entre nous et les esprits et même des objets. Selon Davis : Vibrant dans l’écart entre la vie et la physique, entre la matière et l’éther invisible, l’électricité habite une zone liminaire qui appelle les esprits et sublimités de l’air.110 L’électricité est un phénomène naturel qui semble sortir du ciel. Prenez les éclairs par exemple qui 110 DAVIS, op. cit., p. 40, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Vibrating in the gap between life and physics, between matter and the unseen ether, electricity inhabits a liminal zone that calls down spirits and sublimities out of thin air. » 76 semblent se matérialiser dans les nuages pour être ensuite envoyés sur terre. Il n’est pas étonnant qu’on puisse les prendre pour des colères divines comme Thor des croyances norse ou le dieu chrétien. Lorsque l’électricité a été découverte et que l’on a tenté de la contrôler, ce n’était pas une source d’alimentation stable111. Par exemple, les ampoules ont eu tendance à scintiller comme les bougies font avec le passage d’un vent, ou d’un esprit. Il n’est pas étonnant que l’électricité ait été largement utilisée au cours de séances victoriennes. Ceci est confirmé par Davis : Depuis le xviième siècle, l’imaginaire électromagnétique s’est infiltrée dans la religion, la médecine et la technologie, et avec le temps a probablement conduit à plus de spéculations métaphysiques, plusieurs revendications hérétiques, et gadgets farfelus que toute autre force naturelle.112 En effet, l’électricité permettant la pensée animiste et dont les mouvements non-mécaniques et/ou autonomes, beaucoup d’objets magiques sont devenus réels, signifiants et apparaissent dans notre vie plutôt que dans des récits. Le philosophe Edgar Morin ajoute à la troisième loi de Clarke sur la technologie en déclarant : « La technologie rend possible aujourd’hui ce qui était magique hier.113 » Une découverte majeure, permettant de telles inventions magiques, est l’électricité, qui, comme nous venons de voir, est considérée comme de la magie. On pourrait donc conclure que les 111 « Incandescent light bulb », Wikipedia, [en ligne], http://goo.gl/aOMHO0 112 DAVIS, op. cit., p. 41, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Since the seventeenth century, the electromagnetic imaginary has seeped into religion, medicine, and technology, and over that time has probably led to more metaphysical speculations, heretical claims, and wacky gizmos than any other natural force. » 113 D’après Susca dans Place de la Toile, op. cit., 2013 77 designers inventent encore aujourd’hui des objets magiques. Un autre philosophe, Ellul, décrit le processus que ces créateurs prennent au cours de ces inventions : Tout se passe comme si dans un monde de rêves, le grand sorcier découvre une nouvelle technique magique, applique celle-ci à la réalité, et tout à coup, tout est transformé.114 Ces sorciers de notre monde sont donc les scientifiques et les concepteurs. Le premier découvre les techniques ou les forces tandis que le second trouve les moyens de les appliquer à nos objets et donc à nos vies quotidiennes. Accompagnant ces maîtres de la sorcellerie se trouvent les magiciens, spécialistes qui savent comment exercer le pouvoir, mais ne savent ni inventer ni découvrir. Avant, c’étaient les chamans qui pouvaient communiquer avec les esprits, ou les hommes de médecine qui connaissaient les herbes et la nature. Selon Susca, ce sont aujourd’hui les nerds et les geeks115. Nous les appelons quand nous ne comprenons pas pourquoi un objet à composants numériques ne fonctionne pas correctement. Parfois, surtout avec l’électricité, des appareils étranges sont créées. L’une d’elles est la sensation de communication entre l’humain et l’objet à travers des champs électriques invisibles et intangibles. Cette sensation semble être seulement ressentie par les personnes qui ont une acuité particulière. Ainsi, la médium Audrey Breuer explique qu’elle détecte les bonnes ou mauvaises forces du monde grâce 114 BOHRER, op. cit., p. 117 115 LE QUÉAU Pierre, « La mémoire des pierres », Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 44 78 aux champs électromagnétiques émanant d’un objet qu’elle touche, d’une personne proche d’elle ou qu’elle regarde à travers un écran. Nous semblons ainsi vivre dans un monde de communication magique. Aujourd’hui, les gens peuvent instantanément bavarder ensemble dans le monde entier. La technologie créant les réseaux de communication, le GSM, a permis le développement de centaines de fournisseurs de réseaux mobiles, dont la plupart intègrent également des connexions Internet dans leurs forfaits116. On peut maintenant être relié au reste du monde par des forces immatérielles (fig. 29). Fig . 29 L’auteur et télépathe, David Porush avance une théorie intéressante : À chaque fois la culture réussit à révolutionner ses technologies cybernétiques, à élargir massivement la bande passante de sa tech-pensé, elle invite à la création de nouveaux dieux.117 Les dieux monothéistes n’auraient pu exister sans l’invention de l’écriture, qui a permis d’universaliser leurs dogmes afin d’assurer une homogénéisation de la croyance. Lorsqu’Internet a été inventé et déployé dans le monde entier, on peut dire qu’un ancien dieu a été ressuscité : le porteur de chaussures ailées, le dieu Hermès, fils de Zeus et la Pléiade Maia, messager pour ses frères. Il a été dit être aussi « rapide 116 GSMA, 2015, [en ligne], http://www.gsma.com/aboutus/gsm-technology 117 PORUSH David, « Hacking the Brainstem: Postmodern Metaphysics and Stephenson’s Snow Crash », Configurations 2, n° 3, 1994, p. 537-571, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Every time culture succeeds in revolutionizing its cybernetic technologies, in massively widening the bandwidth of it’s thought-tech, it invites the creation of new gods. » 79 que la pensée118 », comme sont les emails lorsque la connexion Internet fonctionne correctement. Davis explique : Hermès gouverne le monde trans-temporelle de l’échange d’informations auquel vous et moi participons en ce moment, moi-même quand je créé des polices pixélisées et dont vous absorbez dans votre cerveau leurs jumeaux imprimés grâce à vos yeux.119 Il semble incarner la distribution d’information rapide. Tout comme Hermès (fig. 30) est un dieu donc un être créé par la magie de l’imagination, le Wifi et d’autres forces de communication sont des entités qui pourraient également être classées comme « magique ». Tout comme l’électricité, elles sont intangibles et souvent mal comprises. 0 3 Fig. J’ai vu mon professeur s’extasier devant l’exécution de la procédure, cherchant des yeux le raccordement de câbles entre mon ordinateur portable et l’imprimante de réseau et, n’en trouvant pas, il finit par n’y rien comprendre du tout. Pour lui, qui ne réussissait pas à trouver une explication logique à la situation, cela relevait tout simplement de la sorcellerie.120 Alors que les humains utilisent la technologie numérique pour communiquer entre eux, les objets à composants numériques utilisent la Wifi et d’autres forces connectives tels que Bluetooth ou infrarouge pour 118 DAVIS, op. cit., p. 14, traduit de l’anglais par l’auteur de : « fleet as thought ». 119 Ibid, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Hermes rules the trans-temporal world of information exchange that you and I are participating in right now, myself as I tap out there pixelated fonts and you as you absorb their printed twins through your eyeballs into your brain. » 120 BOHRER, op. cit., p. 113 80 communiquer entre eux. Non seulement cela peut être décrit comme une forme d’animisme, même de conscience, elle se produit également sans notre pleine compréhension, et même de manière autonome. Beaucoup d’entre nous ont essayé de mettre en place une connexion sans fil entre un ordinateur et une imprimante seulement pour obtenir des messages d’erreur. J’aurais tendance à être d’accord avec le comédien britannique Hugh Dennis qui déclare « Mon ordinateur, par exemple, me dit souvent qu’il est impossible pour lui de se connecter avec mon imprimante. Manifestement, il y a bien un certain bouleversement affectif qui se passe.121 » Ce qui est, encore une fois, une déclaration animiste. Les designers et chercheurs d’aujourd’hui créent de plus en plus d’objets techniques connectés. Ces systèmes prennent leurs informations de différentes sources qui sont ensuite envoyées à un « centre de commandement » central. Un exemple est la montre connectée (fig. 31) qui nous donne non seulement l’heure, mais aussi communique avec le smartphone de l’utilisateur pour obtenir des notifications de mails ainsi que les prévisions météorologiques. Ces objets physiquement séparés sont connectés et communiquent via une force, Wifi ou autre, et ce automatiquement. Nous pouvons donc voir trois aspects magiques à ces systèmes : l’électricité pour les faire fonctionner, la Wifi ou 3G pour leur permettre d’accumuler l’information, et l’automatisation afin qu’ils puissent offrir de telles informations sans la demande de l’utilisateur. Fig . 31 121 DENNIS Hugh et PUNT Steve, The Now Show, BBC Radio 4, 9 Mai 2014, traduit de l’anglais par l’auteur de : « My computer for, example, frequently tells me that he’s unable to connect with my printer. Clearly there’s some emotional turmoil going on. » 81 Le designer Dan Hill ajoute un quatrième niveau de magie à ces objets techniques : notre corps. Nos propres corps façonnent nos interactions numériques. Nous faisons partie du Réseau, et non pas seulement intellectuellement, en termes de notre persona et d’identité projetée, mais physiquement. Le corps rend le Réseau visible, lisible. [...] Nous avons une longue compréhension de comment le corps interagit de façon créative avec des forces invisibles. Si vous regardez des images de Jimi Hendrix, vous pouvez voir comment il a utilisé son corps pour façonner le feedback de sa guitare ; le son est produit par le jeu de sa guitare, son micro, les haut-parleurs, la salle, et son corps dans un champ électrique, dans l’espace, dans le temps. De la même façon, les capteurs et actionneurs jouent aussi dans des champs invisibles, également façonnés par le corps, ainsi que par les objets et des espaces.122 Alors que l’électricité pourrait être classée comme une force utilitaire, la Wifi, 3G et autres réseaux de connexion sont devenus des pouvoirs immersifs. Nous, les utilisateurs quotidiens d’objets connectés à composants numériques, avons trouvé notre corps absorbé par ce que Hill appelle le Réseau. Non seulement nous les utilisons, construisons, et participons 122 HILL Dan, « 21st Century Gestures Clip’art Collection » In NOVA Nicholas, op. cit., p. 35, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Our very bodies are shaping our digital interactions. We are part of The Network, and not just intellectually, in terms of our projected persona and identity, but physically. The body is making The Network visible, legible. [...] We have a long understanding of how the body creatively interacts with invisible forces. If you watch footage of Jimi Hendrix, you can see how he used his body to shape his guitar’s feedback; the sound is produced by the interplay of his guitar, its pickup, the speakers, the room, and his body within an electric field, in space, over time. In similar fashion, sensors and actuators are also at play within invisible fields, equally shaped by the body, as well as objects and spaces. » 82 en son sein, le Réseau se nourrit aussi de nous. La plupart des utilisateurs de Google et Facebook sont déjà au courant du fait que les informations qu’ils ont mentionné sont collectées, analysées puis revendues à d’autres entreprises. Ils pourraient ne pas être conscients que ces informations peuvent également provenir des objets qui « interagissent » avec leur corps. À travers des objets à composants numériques connectés, nous sommes surveillés et même probablement manipulés par l’information qui est mise à notre disposition. En effet, via Wifi, 3G et d’autres réseaux connectés à Internet, nous pouvons amasser une grande quantité d’informations que nous devons ensuite trier pour en extraire les parties qui nous intéressent. Citton utilise de l’imagerie magique pour expliquer cela. Si les médias nous « informent », c’est bien plutôt dans la mesure où ils donnent forme à une communication spirituelle relevant davantage de l’envoûtement que du savoir. [...] Les bribes de paroles, de sons, d’images qui nous parviennent du monde « réel » ressemblent aux voults des sorciers (ces mèches de cheveux, ongles, ou reliques à travers lesquelles ils espèrent affecter la vie de personnes distantes) – bien davantage qu’a des « faits » (« objectifs ») par l’accumulation desquels nous pourrions mieux « comprendre » notre monde.123 En créant Internet et les réseaux, nous avons ouvert un livre magique que nous souhaitons utiliser sans vraiment comprendre comment fonctionnent les sorts. Pour parer à cette incompréhension, nous avons créé des objets, ou amulettes, qui aident à contrôler 123 CITTON, op. cit., p. 59 83 ces sorts, sans les connaissances nécessaires. Cette incompréhension est telle que de multiples rituels sans effets, du moins prouvés, ont été créés autour des connections. Je ne pense pas être la seule à me déplacer, mon téléphone à bout de bras comme une baguette de sorcier, à essayer d’attraper quelques rubans de réseaux afin de passer un appel (fig. 32). Pour les PCs portables, les utilisateurs ont surement tenté différents endroits d’une pièce afin d’y avoir une meilleure connexion Wifi. 2 3 Fig. Alors que l’électricité fut utilisée pour tenter de soigner certaines maladies, telles que ceux atteignant les muscles124, les réseaux connectés ont vu une tendance inverse. Certaines personnes se disent avoir une intolérance au réseau Wifi. Elles subiraient la maladie du Wifi qui causerait des maux de têtes, des palpitations et même des vertiges, et se trouveraient dans l’obligation de vivre loin des villes afin d’échapper aux radiations125. Certaines expériences ont été mises en place afin de prouver la légitimité de cette maladie, qui pour l’heure n’ont rien prouvées126. Cette maladie psychosomatique ou pas, le Wifi suscite beaucoup de questionnements face à l’incompréhension sur son fonctionnement et sur les effets secondaires sur le corps humain. Il se peut que, tout comme beaucoup de substances et de découvertes anciennes, ces questions trouvent des réponses et dans ce cas les réseaux connectés perdront leurs aspects magiques. 124 DE CAZELES Marsans, Second mémoire sur l’électricité médicale, et histoire du traitement de quarante-deux malades entierement guéris, ou notablement foulagés par ce remede, Mequignon l’aîné, 1782 125 MORFORD MARK, « Is Wifi making you sick? », Huff Post Tech, 28 juillet 2013, [en ligne], http://goo.gl/VRpV4K 126 PRESTON Elizabeth, « How to Convince People WiFi Is Making Them Sick », Inkfish, 13 mai 2013, [en ligne], http://goo.gl/a7emHH 84 Fig. 28 - La Fée Electricité, Lithographie de Tamagno, Imprimerie Camis, 1900 Fig. 29 - Binet, Les Bidochons usent le forfait, Tome 17, Fluide Glacial, 2000, p. 15 85 Fig. 31 - Concept de montre connectée, Luan Gjokaj Fig. 30 - Giovanni da Bologna Hermès en vol, résine et bronze Fig. 32 - Quand on cherche du réseau. 86 3 La création d'objets magiques En plus d’une affinité historique pour la pensée magique incluant l’animisme et le rituel, nous avons aussi tendance à non seulement créer des objets dans un but ésotérique, mais aussi à manipuler des forces que nous pouvons considérer comme mystique. En prenant en compte les désirs humains d’émerveillement, nous allons étudier les objets faisant toujours partie de notre imaginaire, n’ayant jamais vu le jour, mais qui ont une importance culturelle. Ensuite, nous ferons une analyse sémiotique d’objets existants. 87 Petit entracte sur les études sémiotiques. Les études des signes ont commencé en 1690 par les œuvres philosophiques de John Locke, tel que Essay Concerning Human Understanding. Elles ont été continuées par l’américain Charles Sanders Peirce ainsi que le suisse Ferdinand de Saussure à la fin du xixème siècle, la période où la sémiotique américaine et la sémiologie suisse se sont développées.127 Pour Saussure, nous pensons dans un langage de signes et de signifiés. Le premier est la forme que prend le mot, alors que le second est le concept qu’il peut représenter. Un animal domestique à fourrure avec quatre pattes, des moustaches et une longue queue, le signifié associé, est appelé chat, cat ou bien gato, en fonction de la langue que connait la personne qui le caresse (fig. 33). La langue, ainsi que l’éducation et la culture, est très importante pour Saussure car elle va dicter la réaction de l’être humain face au signifié. L’ethnie saami en Scandinavie ont 180 versions du mot neige, et encore plus pour le mot renne128. Cette population aura une perception beaucoup plus nuancée devant un renne dans la neige qu’un européen du sud devant le même tableau. 3 3 Fig. D’après Peirce, « Nous ne pensons qu’en signes.129 » Pour l’américain, il y aurait trois niveaux de reconnaissance de notre monde. Nous regardons tout d’abord le Representamen ou la forme que prend le signe ou le mot, et ensuite l’Interpretant ou le sens de ce mot. 127 CHANDLER Daniel, Semiotics: The Basics [2002], Routledge, 2007, p. 2 128 MAGGA Ole Henrik, « Diversity in Saami terminology for reindeer, snow, and ice », International Social Science Journal, Volume 58, n° 187, Mars 2006, p. 25–34. 129 CHANDLER, op. cit., p. 13, traduit de l’anglais par l’auteur de : « we think only in signs. » 88 Le troisième niveau est l’Objet, qui est représenté par le signe130. Pour Saussure et Peirce, la relation entre le signe et le sujet est très importante. L’américain en trouve trois qui sont : • • • Iconique, le signe ressemble au signifié mais utilise une autre forme d’expression telle qu’une description, un dessin ou même une musique. Il décrit ce que l’on peut voir de l’objet. Symbolique, un mode arbitraire basé sur la culture du spectateur, tel que sa langue et son éducation. Il représente ce que l’on doit apprendre pour avoir une certaine compréhension du sujet. Indexical, le signe est directement lié au signifié par des moyens qui touchent nos sens. Ainsi, on est tous, plus ou moins, apte à en comprendre les relations.131 Nous allons utiliser ces trois relations pour notre étude sémiotique d’objets. 130 Ibid, p. 29 131 Ibid, p. 36-37 89 Les objets de fiction et la magie du futur I l est possible que lorsque nous créons un objet, nous lui ajoutions un émerveillement pour l’utilisateur. En tout cas, nous semblons utiliser des codes d’un langage magique dans nos designs. David Rose, designer au MIT, décrit six formes de magie que nous rechercherions dans nos objets. • • • • • • L’omniscience. Le désir de grandes connaissances. Nous aurions un appétit vorace pour la connaissance et des choses qui vont au-delà des faits et de l’information. Nous aimerions être en mesure de prédire l’avenir. La télépathie. Nous aurions un puissant désir de pouvoir nous connecter aux pensées et aux sentiments des autres, et être en mesure de communiquer avec eux en toute aisance, richesse, et transparence. Nous voulons connaître les autres et nous faire reconnaitre d’eux. La conservation. Nous désirons ardemment être protégés contre les dangers afin de nous sentir paisible, sûr et à l’aise. L’immortalité. Nous voulons être en bonne santé, fort et avec toutes nos capacités. Nous rêvons d’une grande longévité, jusqu’à la dernière minute de notre vie. La téléportation. Nous cherchons le mouvement, être transporté facilement, rapidement, joyeusement d’un endroit à un autre, et à vivre sans contraintes physiques ni frontières. L’expression. Nous souhaitons tous être créatifs, nous exprimer pleinement en utilisant de nombreuses formes et de médias - le théâtre, la musique, 90 l’art, l’écriture, la cuisine, la danse, documenter nos vies.132 Les designers d’aujourd’hui sont en constante recherche d’objets techniques qui aideraient au maximum les utilisateurs, tout en assurant à l’inventeur des revenus conséquents. Ils auraient tendance à jouer avec l’un de ces six désirs magiques, et probablement avec d’autres encore non cités par Rose. Avant la découverte de l’électricité, la puissance qui animait les objets sans la nécessité d’un effort humain ou animal, les inventeurs avaient imaginé des forces pouvant créer le même effet. Grâce à la pensée magique, on a pu trouver à travers notre histoire des exemples d’inventeurs qui ont influencé les designers d’aujourd’hui. L’un des premiers inventeurs ayant eu une grande influence sur nos technologies d’aujourd’hui est l’ingénieur Héron d’Alexandrie (fig.34). Ce mathématicien et mécanicien de l’antiquité créa beaucoup d’objets animés demandant un minimum de force Fig . 34 132 ROSE David, Enchanted Objects: Design, human desire, and the Internet of things, Scribner, 2014, p. 132, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Omniscience. This is the desire to have great knowledge. We have a voracious appetite to know as much as possible and to know about things that go beyond facts and information. We would love to be able to predict what will happen in the future. Telepathy. We have a powerful desire to connect to the thoughts and feelings of others, and to be able to communicate with ease, richness, and transparency. We want to know others and to feel known by them. Safekeeping. We fervently wish to be protected from harm. To feel comfortable, safe, and at ease. Immortality. We want to be healthy, strong, fully capable. We dream of living long lives, vital to the last moment. Teleportation. We crave movement, to be transported easily and swiftly and joyfully from one place to another, and to live unconstrained by physical limits or boundaries. Expression. We all wish to be generative, to fully express ourselves in many forms and media—acting, music making, art, writing, cooking, dancing, documenting our lives. » 91 à l’être humain, tous des ancêtres d’objets que nous connaissons aujourd’hui. Nous pouvons citer comme exemple les distributeurs automatiques ou même les pompes à incendies133. Alors que la plupart de ces inventions avaient une utilité primaire pour les grecs anciens « la plupart de [ses] gadgets étaient merveilleux plutôt qu’utiles - des machines magiques qui ont paradoxalement érodé l’autorité culturelle du savoir-faire très rationnel qui a stimulé l’origine de leur conception.134 » Héron créa surtout des automates pour les temples et lieux religieux, tout d’abord pour simplifier la vie des prêtres, mais aussi pour ajouter de la spiritualité à l’architecture et à la vie des personnes qui y résidaient. Nous pouvons trouver des inventions telles qu’un distributeur automatique d’eau sacrificiel135, ou même une trompette qui sonne à l’ouverture des portes du temple136 (fig. 35). Héron serait également à l’origine de beaucoup de mécanismes et automates pour le théâtre tels que des statues en mouvement, ou les effets sonores137. Dans tous les cas, ces automates donnaient aux contemporains de Héron l’impression de voir leurs dieux animer leurs objets, donnant un autre sens à l’expression théâtrale Deux Ex Machina, ou le dieu dans la machine. Héron tentait d’apporter un émerveillement dans la culture 5 3 Fig. 133 WOODCROFT Bennet, The Pneumatics of Hero of Alexandria, Taylor Walton and Maberly, 1851, p. 23 134 DAVIS, op. cit., p. 19, traduit de l’anglais par l’auteur de : « But most of [Heron’s] gadgets were wondrous rather than useful – magical machines that paradoxically eroded the cultural authority of the very rational know-how that stimulated their design in the first place. » 135 WOODCROFT, op. cit., p. 51 136 Ibid., p. 37 137 McDONALD Marianne et WALTON Michael, The Cambridge Companion to Greek and Roman Theatre, Cambridge University Press, May 31, 2007, p. 154 92 grecque, un mécanisme qui foisonne dans le cinéma et même certaines pièces de théâtre d’aujourd’hui. Les mythes étaient aussi la base des inventions des grecs. « Les anciens bardes qui ont collectivement composé les épopées homériques sont allés jusqu’à imaginer des objets fabriqués par l’homme qui pourraient reproduire les sortilèges démiurges de leurs propres chants.138 » Dans L’Iliade, les druides ont imaginé la création d’un bouclier sur lequel sont sculptées des scènes de batailles, d’agriculture et de célébrations qui prennent vie comme un dessin animé (fig. 36). On peut y voir les prémisses de la télévision. Fig . 36 Si nous évoquons les grands inventeurs de notre histoire, nous ne pouvons pas omettre de mentionner l’imaginaire de Léonard de Vinci. À la différence de Héron, de Vinci était particulièrement concentré sur l’amélioration du quotidien de ses contemporains, et n’avait aucune volonté de les émerveiller. Cela peut expliquer pourquoi la plupart de ses inventions est aujourd’hui reconnues comme étant des améliorations d’objets existants139, l’émerveillement étant pris en charge par l’inventeur d’origine. La Révolution Industrielle est synonyme de nombreuses découvertes et d’une avancée technologique importante. De nombreux concepts ont vu le jour pendant ce siècle, mais aussi beaucoup de tentatives d’inventeurs qui imaginaient le monde en l’an 2000. Ces inventions ratées sont le centre d’un nouveau 138 DAVIS, op. cit., p. 13, traduit de l’anglais par l’auteur de : « The ancient bards who collectively composed the Homeric epics even went so far as to imagine manmade objects that could reproduce the demiurgic spellcraft of their own chants. » 139 GIBBS-SMITH Charles, The Inventions of Leonard da Vinci, Charles Scribner’s Sons, 1978, p. ix 93 courant de recherche nommé la média-archéologie. Ces chercheurs ont par exemple déniché la description d’une île contenant des objets futuristes pour son auteur, Charles Tiphaigne de la Roche. Ce dernier a prédit le visiophone sous forme d’un miroir qui permet à l’utilisateur de voir les gens proches ou lointains, ainsi que la photographie à travers une toile enduite140. Beaucoup de recherches développent de nouveaux concepts qui ne sont pas concrétisables. La Révolution Industrielle était, entre autre, une époque de fascination pour l’au-delà. Selon Yves Citton, les contemporains du xviiième siècle ont inventé de nombreux objets médiateurs entre les vivants et les défunts. Il y a ainsi des média imaginaires destinés à communiquer avec le divin, avec le monde des esprits, avec différentes formes d’« Autres » ; d’autres qui visent à transcender l’espace et l’absence par des dispositifs de télécommunication ou à transcender le temps en permettant de parler avec des morts ou de voir des villes disparues ; certains participent de rêves d’abondance, d’autres de rêves de délivrance ou d’émancipation politique.141 Ces objets sont restés des œuvres de fiction, mais gardent l’esprit d’émerveillement décrit par Rose. Les domaines de l’apprentissage, la lecture et l’impression ont aussi eu le droit à leurs inventions farfelues. En 1894, Octave Uzanne, auteur et bibliophile, imagine un monde où la sonore prône sur les sens (fig. 37). 7 3 Fig. 140 TIPHAIGNE DE LA ROCHE Charles, Giphantie, A. Babylone, 1760, p. 132-133 141 CITTON Yves, « Les Lumières de l’archéologie des média », Dix-huitième Siècle, n° 44, 2014, p.3 94 Uzanne décrit un futur monde de l’édition qui ne compte plus sur la page imprimée « statique », offrant à la place tout le contenu par la voix (à la fois en direct et enregistrée) en utilisant une plate-forme qui aujourd’hui serait mieux décrite comme « à la demande ».142 Il n’aurait pu savoir que nous sommes passés, entre autre grâce à l’électricité, par un monde visuel pour arriver à un monde d’informations. Cette force mystique animiste a changé la façon dont les inventeurs ont pensé leurs futurs, et donc leurs objets techniques. Beaucoup d’entre eux ont trouvé l’inspiration des appareils se trouvant dans les livres de fantasy et de science-fiction. En effet, l’artefact a une importance dans ces genres, plus que dans l’autre. Ils font partie intégrante des narrations. Les objets dans la littérature de fantasy sont pour la plupart basés sur des objets existant puis améliorés. Nous pouvons prendre l’exemple de l’épée iconique des œuvres de Tolkien, Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux. Appartenant aux personnages principaux Bilbo et Frodon, l’épée Dard n’est pas seulement une arme, elle est aussi un détecteur de présence d’orcs ou de gobelins (fig. 38). La trilogie ayant été écrite pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est possible que Tolkien se soit inspiré d’une technologie nouvelle à l’époque : le radar. Ce dernier fut beaucoup utilisé sur les bateaux de guerres des Alliés pour localiser les UBoats de l’armée allemande, tout comme l’ont fait Fig . 38 142 LUDOVICO Allesandro, Post-Digital Print: The mutation of Publishing since 1894, Ram Publications, 2013, p. 16-17, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Uzanne wrote of a future world of publishing which would no longer rely on the ‘static’ printed page, delivering instead all content through voice (both live and recorded) using a platform which nowadays would best be described as ‘on demand’. » 95 ses personnages de fiction. À la différence des radars qui ne font que détecter, Dard est aussi une arme, et a donc une double fonction. Il est d’ailleurs possible de trouver sur le marché une épée en plastique à la forme de Dard qui permet à l’utilisateur de détecter les réseaux Wifi non-sécurisés.143 Certains auteurs de fantasy se sont inspirés de nos nouvelles technologies qu’ils ont modifiées pour exacerber leur composant animiste, et ajouter plus de fonctionnalités qui pourraient devenir réelles. Un bon exemple est Sir Terry Pratchett, auteur britannique de renom, avec sa série Le Disque Monde. Il décrit l’une de ses inventions : Enfin, il a été dit que sur le Disque, il y a certains démons bas de grade qui restent en permanence dans le monde humain, et travaillent dans les montres de poche, appareils photographiques, désorganisateurs personnels et d’autres machines similaires. Certains sont désireux de plaire, d’autres nettement hargneux. Les grands seigneurs de l’Enfer ne vont jamais, jamais, en parler.144 Nous pouvons reconnaître ici les montres digitales avec alarmes, les appareils photo Polaroid ainsi que les agendas personnels, qui sont plus amplement décrits dans ses livres et deviennent plus similaires au smartphone. Dans le cas de Pratchett, les objets qui sont pour nous numériques gagnent une vraie âme. Comme décrit 143 ROBERTSON Adi, « Bilbo’s sword Sting can detect unsecured Wi-Fi, not just orcs », The Verge, 31 décembre 2014,[en ligne], http://goo.gl/p8rlZx 144 PRATCHETT et SIMPSON, op. cit., p. 54, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Finally it has to be said that on the Disc there are certain low-grade demons who stay permanently in the human world, working inside pocket watches, picture-making devices, personal disorganizers, and similar contraptions. Some are eager to please, others distinctly surly. The lords of Hell never, ever, mention this. » 96 dans l’œuvre Thud! de la série, ils peuvent aussi apprendre sans l’intervention humaine.145 La science-fiction, un cousin de la fantasy, est aussi une source d’inspiration pour les designers d’aujourd’hui. L’une des plus grande source est la série télévisée Star Trek. Créée en 1966 par Gene Roddenberry, Star Trek imagine un univers remplit de technologies non découvertes à ce jour, mais aussi de quelques-unes que nous utilisons aujourd’hui. L’une d’elles est le téléphone portable. Le designer du tout premier téléphone nomade, Dr Martin Cooper de la société Motorola, annonce clairement qu’il s’est fortement inspiré des Communicators utilisés par le Capitaine Kirk et son équipage pour dialoguer à distance (fig. 39).146 Fig . 39 D’après Nova dans Futurs ? La panne des imaginaires technologiques, la science-fiction peut être utilisée pour prédire l’avenir de nos technologies et la direction dans laquelle nos cultures vont. « Il y a évidemment, en parallèle à un futur magnifique et opulent, des visions de futurs apocalyptiques, puisque la science-fiction sert souvent de lanceur d’alerte.147 » Pour savoir ce que nous devrions éviter, il faudrait puiser nos inspirations dans des films tels que Le Terminator. Reprenons la remarque d’Edgar Morin : « La technologie rend possible aujourd’hui ce qui était magique hier.148 » Aujourd’hui, il serait normal que toutes nos pensées magiques soient remplacées 145 PRATCHETT Terry, Thud!, Doubleday, 2005 146 LAYTNER Lance, « Did Steve Jobs Study Star Trek? », Edit International, 2011, [en ligne], http://goo.gl/05mp7A 147 NOVA Nicholas, Futurs ? La panne des imaginaires technologiques, Les Moutons électriques, 2014, p. 50 148 D’après Susca in « Technologie et magie », Place de la Toile, 2013 97 par nos avancées technologiques, nous ne serions plus émerveillés. Or, d’après Susca il existe un « glissement de la pensée et la conception de celui qui a créé une technique et la manière dont elle est vécue.149 » En effet, suite à la complexification du fonctionnement, l’utilisateur ne comprend que l’utilisation de l’objet, et quelquefois trouve de nouvelles applications. Un exemple est l’apparition des appareils photos sur les téléphones portables. Tout d’abord créé pour nous permettre de prendre des photos de ce qui nous entoure, cette fonction a été détournée par les adolescents pour prendre des photos d’eux-même, et ensuite les poster sur les réseaux sociaux. Le selfie est inventé alors que le téléphone portable reste un objet aux aspects animistes pour ses utilisateurs. Nous ne sommes donc pas complètement démystifiés de nos objets technologiques. Afin d’illustrer cet émerveillement envers les objets à composantes numériques que nous utilisons aujourd’hui, nous allons en étudier quelques exemples. Pour cela, et aussi organiser notre pensée, nous allons analyser ces objets sur trois niveaux ontologiques. Nous les classifierons dans ce que Wittgenstein appellerait des familles simples d’objets150. Le premier concerne des objets technologiques utiles à une personne à la fois, qui devient le seul sujet du système. Nous les appellerons les objets pour le « soi ». Le deuxième à plusieurs sujets, et est généralement destiné à être utilisé pour la communication. Nous 149 Ibid. 150 GLOCK Hans-Johann, A Wittgenstein Dictionary, Wiley-Blackwell, 1996, p.120 98 appellerons cette famille d’objets communiquant avec « l’autre ». Pour le troisième, on va s’éloigner des systèmes n’intervenant que sur l’être humain, pour regarder les appareils qui examinent l’environnement autour d’eux. Cette famille sera nommé objets analysant l’environnement. 99 100 Fig. 34 - Héron d’Alexandrie, Codex de Saint Grégoire de Nazianze, manuscrit grec du ixe siècle. Fig. 33 - Chat, cat, gato, neko, shimii, quoi qu’on l’appel, ce n’est pas un chien. Fig. 36 - Le Bouclier d’Achilles, Encyclopédie de Diderot Fig. 35 - Gravure explicatif de l’ouverture des portes d’un temple. 101 Fig. 37 - Un fabriquant de livres selon Octave Uzanne, Albert Robida, La Fin des Livres, 1894 Fig. 38 - Bilbo tenant Dard qui brille pour indiquer la présence de gobelins, Peter Jackson, The Hobbit: An Unexpected Journey, 2012, Warner Bros. Fig. 39 - Capitaine Kirk avec un Communicator, Star Trek, Gene Roddenberry, 1966 102 Les objets pour le « soi » R egardons tout d’abord une nouveauté dans la technologie d’écriture, le stylo numérique Inkling de Wacom151 (fig. 40). Rappelons-nous de la citation de Porush expliquant l’importance de nouvelles inventions permettant une communication plus approfondie, créant de nouveaux dieux. L’écriture étant une invention primordiale, le stylo, et ses ancêtres, serait un créateur de divin. En effet, d’après Walter J. Ong, professeur en littérature anglaise, « Plus que toute autre invention unique, l’écriture a transformé la conscience humaine.152 » Grâce à elle, l’Histoire peut commencer, les faits inscrits sur papier, et la communication bouleversée. Pour écrire, il faut un outil très spécifique. À l’origine un tube de roseau, le stylo devient une plume d’oiseau, puis de métal, pour ensuite revenir à sa forme tubulaire en tant que porteplume à la fin du xixème siècle. Le stylo-bille, inventé en 1938, sera massivement répandu pendant les années 50s153. Aujourd’hui, nous avons pratiquement tous un stylo en cas de nécessité. Fig . 40 Du point de vue descriptif nous remarquons d’abord que Inkling est tubulaire avec une pointe et des boutons, accompagné d’un boîtier formant un clip aussi doté de poussoirs. Il faut utiliser l’objet pour comprendre son niveau iconique. En glissant la pointe de ce tube sur une surface plane, dure et légèrement absorbante tel 151 « Inkling », Wacom, [en ligne], http://inkling.wacom.eu/ 152 ONG, op. cit., p. 77, traduit de l’anglais par l’auteur de : « More than any other single invention, writing has transformed human consciousness. » 153 « Stylo », Wikipédia, [en ligne], http://fr.wikipedia.org/wiki/Stylo 103 que le papier, on remarque qu’il dispense de l’encre en ligne fine. Grâce à notre éducation occidentale, nous pouvons reconnaître dans cet objet un stylo. Le clip par contre nécessite une étape supplémentaire pour en reconnaître l’utilité. Après avoir dessiné des formes, des lettres ou autres, il faut connecter le clip à un périphérique externe muni d’un écran afin de pouvoir visualiser le dessin numérisé (fig. 41). Connecter le câble qui relie le clip au périphérique représente symboliquement le deuxième niveau de Peirce. Le transfert d’un dessin composé de papier et d’encre, bien tangible, vers un médium numérique donne une autre définition à l’Inkling. Le dessin est vectorisé (fig. 41) par l’application en charge, qui calcule les courbes pour en retranscrire les formes. Il y a donc des équations mathématiques en cours de calcul, une partie du niveau symbolique du système. Or, pour comprendre le mode de fonctionnement du stylo Inkling, il faut lire sa notice qui n’explique qu’une infime partie du système, celle qui en permet l’utilisation et non son fonctionnement. La description du stylo Inkling ne permet pas de tout comprendre de l’objet. Nous pouvons voir si le langage magique nous apporte des solutions différentes. Par contre, si l’on se situe sur le plan d’une « pensée magique », on peut distinguer de nouvelles analogies qui explique le dernier niveau de Peirce, le niveau indexical. Glisser la pointe du tube pour créer des signes peut faire penser à une baguette magique créant des signes de sortilège autour du sorcier. Ce stylo aux fonctionnalités multiples ressemble aux plumes magiques apparaissant dans les œuvres de J. K. Rowling, Harry Potter. On y trouve des plumes anti-triches, qui répondent automatiquement à la question, qui gravent le texte écrit dans la peau de l’utilisateur, ou qui transcrivent des paroles 1 4 Fig. 104 directement sur papier154. Inkling, grâce au boitier, à une fonction de plus qu’un stylo non « magique ». D’après Davis, l’écriture, et son outil, peut être considéré comme un acte magique : Bien que l’écriture soit devenue la plus courante des technologies de l’information, elle reste à bien des égards la plus magique. [ ... ] En fait, il est très difficile de regarder intentionnellement une page de mots écrits dans une langue connue et ne pas commencer automatiquement sa lecture.155 Cela renforce le concept de Porush, rendant l’écriture et son outil mystique. Le stylo numérique serait donc doublement magique, dans l’acte qu’il permet, ainsi que ses nouvelles fonctionnalités qui lui donnent une composante animiste. En effet, il faudra utiliser cette notion pour expliquer les capacités du système Inkling, plutôt que d’essayer de trouver des réponses dans la notice. Nous pourrions penser que l’encre à une qualité magique permettant au clip de scanner la page et ensuite transmettre les traces d’encre à l’ordinateur. Or, une solution plus simple peut être trouvée. Au travers du câble, le stylo et le boîtier communiquent. Comme il nous est impossible de nous joindre au dialogue, un lien intime est créé entre le stylo et le périphérique. L’ordinateur interprète ce qui lui est rapporté pour créer une version immatérielle du morceau de papier. Nos dessins provoquent une réaction en dehors du support d’où ils proviennent. 154 ROWLING Joanne K., Harry Potter, Bloomsbury, 2000 155 DAVIS, op. cit., p. 23, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Though writing has become the most commonplace of information technologies, it remains in many ways the most magical. […] In fact, it is very difficult to gaze intentionally upon a page of script written in a known language and not automatically begin reading it. » 105 Cette possibilité a été imaginée bien avant la sortie de l’Inkling, entre autre dans le manga de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata Death Note, en 2003 (fig. 42). Le personnage principal Light Yagami trouve un cahier aux qualités magiques. Ce dernier lui permet d’écrire les noms de personnes qu’il souhaite voir mourir, en indiquant une date, une heure et une méthode. Death Note reprend bien l’expression « la plume est plus forte que l’épée », Light inscrit plusieurs centaines de noms dans ce cahier, sans jamais avoir à toucher les personnes qu’il veut tuer156. 2 4 Fig. Rose donne une explication de notre émerveillement pour ce type d’objet : [Le stylo numérique] réalise une belle fusion entre analogique et numérique tout en préservant les caractéristiques familières qui font d’un stylo un outil agréable . Il ressemble à un stylo, fonctionne comme un stylo, mais est beaucoup plus qu’un stylo. Bien que vous l’aimiez pour ses capacités supplémentaires, l’essence qui fait de lui un stylo n’est pas compromise.157 Inkling permet de réaliser l’un des désirs décrit par Rose : la possibilité de s’exprimer pleinement sous différentes formes. Le stylo prend une deuxième fonctionnalité, tout comme bon nombre de nos objets technologiques. 156 OBATA Takeshi, Death Note [2003], Shonen Jump Advanced, 2007 157 ROSE, op. cit., p. 102, traduit de l’anglais par l’auteur : « The Livescribe pen achieves a nice fusion between analog and digital while preserving all the familiar characteristics that make a pen such a pleasing tool. It looks like a pen, works like a pen, but is much more than just a pen. Although you love it for its extra capabilities, its essential “pen-ness” isn’t compromised. » 106 Un autre type d’objet numérique utile à l’individu peut être trouvé dans le domaine médical. Toujours d’après Rose, nous serions constamment à la recherche de la vie éternelle. Il semblerait, d’après le Time Magazine, que les enfants naissant aujourd’hui aient une espérance de vie de 142 ans158 (fig. 43). Pour cela, de multiples appareils voient le jour pour nous aider à maintenir un mode de vie propice à notre longévité. L’un d’eux est le Cue développé par la société américaine éponyme159. Cue (fig. 44) est un système composé d’une petite boite de couleur dans laquelle on glisse un bâtonnet contenant un échantillon de notre corps et que l’on insère ensuite dans un boitier plus grand. D’un point de vue cartésien ainsi que symbolique, nous pouvons comprendre que chaque couleur correspond à une analyse différente et que chacune donne un code spécifique à la boîte blanche centrale, afin de lui indiquer l’examen à pratiquer. L’utilisateur fera ses propres analyses et enverra les résultats à un site qui les représentera sous une forme graphique, et donc compréhensible à ce dernier non-médecin. Fig . 43 Fig . 44 Cue contient divers éléments symboliques, comme par exemple les différentes couleurs des boîtes. Associer une couleur à une pathologie donne une propension d’association de cette couleur à une molécule de notre organisme. Le test de carence en vitamine D se fait à l’aide de la boîte jaune, la couleur du soleil dont les rayons facilite la production naturelle de cette vitamine. 158 CARSTENSEN Laura, « This baby could live to be 142 years old », Time Magazine, février/mars, 2015, en couverture. 159 Cue, [en ligne], https://cue.me/#inflammation 107 Un deuxième niveau de lecture nous apporte des éléments supplémentaires. Grâce à cette couleur ainsi qu’à la data-vision créée par le site web recevant les informations, nous avons l’impression de voir cette substance organique et ses variations quantitatives. Non seulement nous nous passons du laboratoire, du microscope et les connaissances en médecine normalement nécessaires pour comprendre les chiffres obtenus par les analyses. On suppose que la boîte blanche contient les substances nécessaires pour faire apparaître des molécules dans l’échantillon, et comporte les algorithmes pour les analyser. Comme le stylo numérique et son boîtier, une connexion est faite entre Cue et un appareil extérieur. D’après Whitney Erin Bosel, auteur au Cyborgology : La biomédicalisation n’a pas complètement remplacée la médicalisation. Bien que son médecin est ‘l’expert’ sur les questions de la médecine générale, grâce à l’observation, la production de données, et des dossiers chiffrés par la technologie, l’auto-tracker est certain d’être l’expert de lui-même.160 À travers ce système, on devient son propre médecin et technicien de laboratoire, dans certaines situations bien particulières, l’utilisateur peut prendre la décision d’améliorer sa qualité de vie. Dans la quantité d’informations données et la facilité pour les obtenir, l’utilisateur devra faire le choix de suivre, ou non, tout ou partie, des conseils proposé par l’application. 160 BOSEL Whitney Erin, « Empowerment Through Numbers? Biomedicalization 2.0 and the Quantified Self », Cyborgology, [en ligne], http://goo.gl/bfJqLZ, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Biomedicalization has not fully replaced medicalization. Though his doctor may be the ‘expert’ on matters of medicine-most-generally, through technology-enabled observation and detailed, quantified records, the self-tracker is certain of being the expert on himself. » 108 Un troisième niveau de lecture nous permet de découvrir des aspects magiques au Cue. Pour comprendre son fonctionnement, il faut, comme le stylo numérique, émettre des hypothèses. Il est tout d’abord certain qu’il y a quelque chose dans la boîte blanche qui agit sur les échantillons, de sang, de muqueuse buccale ou nasale, séparant les molécules qui s’y trouvent pour examiner seulement celles qui l’intéressent pour l’analyse demandée. Cette séparation moléculaire se fait aujourd’hui généralement en laboratoire grâce à des processus chimiques, mécaniques ou électriques, l’alchimie des temps modernes. En effet, non seulement cette boîte pratique des interactions chimiques se rapprochant de l’alchimie, son but est aussi de prolonger la durée de vie de l’utilisateur, ce qui s’apparente à la recherche de la Pierre Philosophale. Il se peut que les créateurs du Cue aient réussit à créer une boîte contenant des lutins dans un laboratoire miniaturisé qui effectuent les examens en un temps record. Nous trouvons ce genre d’êtres dans la série Disque-Monde de Terry Pratchett161, où de minuscules démons constitués de gaz sont enfermés dans des boîtes pour devenir peintre (l’appareil photo) ou également des organiseurs (agendas électroniques). Il se peut aussi que Cue ne fasse pas ces séparations. Il analyserait l’ensemble et enverrait toutes les informations qui seront ensuite triées par l’application installée sur le périphérique externe. Cette fonctionnalité ressemble au Tricorder162 (fig. 45), des appareils à analyses multiples, que l’on retrouve dans Star Trek. Fig . 161 PRATCHETT, op. cit. 162 « Tricorder », Memory Beta, [en ligne],http://goo.gl/IQyZyP 45 109 Dans les deux cas, les informations collectées par le cube blanc se retrouvent dans notre smartphone ou ordinateur. Cette fois, le manuel d’utilisation (ou le site associé) explique que cette connexion se fait à travers la technologie Bluetooth, dent bleu en anglais. Celui-ci requiert la proximité de deux objets pour que l’information soit transférable. Il y a donc une relation de contrainte entre ces deux objets. Tout comme l’échange entre humains, les boîtes ont besoin d’être en vue l’une de l’autre pour effectuer le transfert. De plus, elles le font sans le contrôle de l’utilisateur du Cue, et ceci de façon autonome. Nous retrouvons donc des aspects animistes dans ce système. Après ces deux exemples d’objets technologiques qui se concentrent autour de l’utilisateur, nous allons en explorer deux qui se focalisent sur la communication avec autrui. 110 Fig. 40 - Inkling de Wacom, 2011 Fig. 42 - Takeshi Obata, Death Note, Tome 2, Shonen Jump Advanced, p. 18 Fig. 41 - La numérisation d’un dessin par le système Inkling, Wacom. 111 Fig. 43 - Couverture du Time Magazine, février/mars, 2015 Fig. 45 - Un tricorder médical de Star Trek: The Next Generation Fig. 44 - Le système Cue 112 Les objets communiquant avec « l'autre » C omme nous l’avons vu dans le deuxième chapitre de cette analyse, le téléphone est l’objet animiste parfait. À l’origine, vers la fin du xixème siècle, des boîtes à manivelle reliées par des fils, cet appareil devient de plus en plus indépendant pour être aujourd’hui complètement mobile. La version la plus utilisée de nos jours dans les pays développés est le smartphone, un téléphone futé. Le modèle qui a fait le plus de ventes en 2014 est le S5 de la marque Samsung163 (fig. 46) et sera donc l’objet étudié164. Fig . 46 Au premier niveau iconique de Peirce, le smartphone S5 est une boîte rectangulaire noire, blanche ou de couleur, en plastique ou métal, avec un bouton dessus et d’autres sur les côtés. Des objets étudiés jusqu’à maintenant, il est le plus simple. Il n’a pas de parties pouvant s’assembler, et n’est pas composé de plusieurs éléments. Il faudra donc appuyer sur un de ses poussoirs qui se trouve au centre du boîtier pour allumer le téléphone. Ce bouton central sur la face écran est aussi le plus gros. Nous pouvons penser, avec quelques connaissances ergonomiques, que ce dernier met en marche l’appareil. Du fait qu’il n’y ait pas d’autres boutons formant un clavier, l’écran semble tactile. Il faut toucher les images qui y apparaissent pour utiliser les fonctionnalités. Ces images, des icones, ouvrent des applications et de nouvelles fonctionnalités au sein du boitier. Le S5 devient un objet soudainement très complexe. 163 « Smartphone Vendor Market Share, Q4 2014 », IDC, [en ligne],http://goo. gl/O9Qh5I 164 « Samsung Galaxy S5 », Samsung, [en ligne], http://goo.gl/2xEXaI 113 Pour tenter de le comprendre, il faudra l’étudier en utilisant le niveau symbolique de Peirce. À travers le réseau, le S5 permet et la communication téléphonique, et la Visio conférence pour ceux qui ont payé ce service. Il permet aussi d’autres formes de communication qui sont apparues ces dix dernières années, incluant texte, images, vidéo, et toutes combinaisons de ces éléments possibles. De plus, ces réseaux qui étaient dédiés à la communication vocale permettent aussi à l’utilisateur de se connecter à Internet à travers de la 2.5/3/4G165, Wifi, Bluetooth ou bien infrarouge. Nous pourrons utiliser notre smartphone pour nous informer, jouer ou même établir un agenda. Le téléphone seul ne pourra assurer toutes ces fonctions, il lui faudra l’aide des applications (fig. 47) qui viennent s’inscrire dans son code. Les icones, et leur activation, transforment donc la fonction du boîtier. Il réunit de multiples objets dans un seul appareil, tout en gardant la même ergonomie. D’après Rose, cette multifonctionnalité cache tout de même une certaine froideur d’utilisation. 7 4 Fig. Les écrans ne réussissent pas à répondre aux attentes parce qu’ils n’améliorent pas notre relation avec les ordinateurs. L’évolution de l’interface humain/machine ne profite pas des ressources matérielles, qui doublent chaque année. Les appareils restent passifs, sans personnalité. La machine est inactive, en attente d’ordres. Le Monde des Terminaux amène une froideur esthétique dans notre monde, plutôt que de répondre à nos besoins. Même les produits Apple, célébrés pour leur design branché, sont froids et masculins par rapport à la matérialité du bois, de la pierre, du liège, du tissu et des surfaces que nous choisissons pour nos maisons et 165 GPRS ou General Packet Radio Service 114 nos corps. Peu d’entre nous demandent des vêtements en aluminium anodisé avec une finition super-lisse.166 Il n’y aurait donc que du rationnel dans un S5, les sensations n’en faisant pas partie. Or, Susca nous a démontré précédemment qu’en utilisant le tactile, on appelle au sensoriel et donc le niveau indexical de Peirce. Le toucher délicat transforme la boîte en un objet semblant pouvoir tout faire (sauf le café, chercher le journal, et sortir le chien). Le S5 permet à son utilisateur de se connecter à de multiples personnes, connues ou non, et donc de constituer un réseau de connaissances dans la paume de sa main. Comme un téléphone, il emprisonne les voix des personnes avec lesquelles on communique, et leurs visages. Il les rendent disponibles pour communiquer à l’aide d’un bouton et à la caresse d’un écran. Nous sommes bien loin de la nécessité d’antan d’avoir un opérateur face à un tableau de fils répondant aux demandes de connexion avec un correspondant. Grâce aux applications que nous pouvons trouver sur le marché telles que Facebook ou Find My Friends, tout comme une boule de cristal, un smartphone permet d’observer des faits et gestes parfois à l’insu des personnes. Nous pouvons presque avoir les capacité de télépathie, de savoir ce qu’une personne pense sans que celle-ci nous le dise. Nous acquerrons 166 ROSE, op. cit., p. 50.,traduit de l’anglais par l’auteur : « Screens fall short because they don’t improve our relationship with computing. The interfaces don’t take advantage of the computational resources, which double yearly. The devices are passive, without personality. The machine sits on idle, waiting for your orders. The Terminal World asserts a cold, blue aesthetic into our world, rather than responding to our own. Even the Apple products, celebrated for their hipness, are cold and masculine compared to the materiality of wood, stone, cork, fabric, and the surfaces we choose for our homes and bodies. Few of us long for garments constructed of anodized aluminum with a super-smooth finish. » 115 le pouvoir d’omniscience avec une connexion Internet et grâce aux applications qui se trouvent dans le smartphone. Rose continue : Le smartphone ne dispose pas de prédécesseurs dans nos folklores et contes de fées. Il n’existe aucun dispositif magique que je connaisse qui encourage son possesseur à le regarder fixement, comme un zombie, jouer à un jeu insensé, ou envoyer des textos sans objet. Il ne satisfait pas de façon enchanteresse les désirs humains les plus fondamentaux.167 Or, nous venons de voir que le S5 répond au moins à deux désirs d’émerveillement. Je suis tout de même en accord avec Rose sur le fait que le smartphone risque d’induire des comportements automatisés et répétitifs chez l’utilisateur, et donc une certaine dépendance. Ce phénomène, observé chez certaines générations peut affecter tout utilisateur. Il a été exploré par le journaliste Pierre-Olivier Labbé, sortie en février 2015 et nommé Digital Detox. Explorant la possibilité de vivre 90 jours sans Internet, et sans smartphone, Labbé en découvre la peur de la mort numérique mais aussi plusieurs nouvelles phobies telles que le FOMO, Fear Of Missing Out, ou la nomophobie, No Mobile Phobia168. En plus des signaux sonores exigeant une réaction immédiate, nos smartphones sont devenus des dictateurs pour grand nombre de leurs utilisateurs. Nous ne 167 Ibid, traduit de l’anglais par l’auteur de : « The smartphone does not have a predecessor in our folklore and fairy tales. There is no magic device I know of whose possessor stares zombielike into it, playing a meaningless game, or texting about nothing. It does not fulfill a deep fundamental human desire in an enchanting way. » 168 LABBÉ Pierre-Olivier, Digital Detox, Canal+, 25 février 2015 116 sommes pas émerveillés par cette technologie numérique, mais plutôt envoûtés et, probablement emprisonnés, dans le Réseaux de Dan Hill. Si le S5 a tendance à nous asservir, nous pourrions penser que Google Glass169 (fig. 48) accroît cette dépendance. Inventé par l’équipe Google X pour la société éponyme, celui-ci fut lancé sur le marché américain en version initiale en 2013. Deux ans plus tard, à cause de la chute des ventes, Google retire ses Glass et les donne en développement, confiant leur design à l’ancien d’Apple, Tony Fadell170. Fig . 47 À quoi ressemble les Glass ? Nous pouvons y trouver deux verres cerclés dans une monture épaisse. L’un des cotés possède un petit rectangle passant devant un des verres. Toute personne, férue d’optique, pourra y reconnaitre une paire de lunettes. Ils n’auront pas forcément la possibilité d’identifier ce rectangle suspendu. Rose, qui a pu tester les Glass avant le retrait du marché, nous les décrits : Sa particularité est le petit écran, un carré d’environ un centimètre, enchâssé dans la monture et positionné à environ une dizaine de millimètres en face de mon œil droit.171 Ce rectangle est donc un écran qui a la possibilité d’afficher des informations. Tout comme le smartphone, les Google Glass sont simples au niveau iconique. 169 Glass, [en ligne], http://goo.gl/LrkHMU 170 D’ONFRO Jillian, « An insider’s look at the tumultuous launch of Google Glass », Business Insider UK, 28 février 2015, [en ligne], http://goo.gl/GQ9Q0E 171 ROSE, op. cit., p. 66, traduit de l’anglais par l’auteur de : « The distinguishing feature is the small screen, about one centimeter square, built into the frame and positioned about a half inch in front of my right eye. » 117 Or pour les utiliser, une formation est nécessaire d’après Google qui créa des Basecamps afin de permettre aux utilisateurs d’être formés par des employés de la société. Au niveau indexical, nous devons apprendre que les Glass réagissent au toucher ainsi qu’à la voix. Pour les allumer on doit prononcer « Ok, Glass ! » tout comme dans ces publicités où l’on entend l’acteur prononcer : « Ok Google montre moi des photos de glaçage de cupcakes.172 » Un menu apparait sur le petit écran, et l’on choisit soit en touchant verticalement ou horizontalement la monture coté écran, soit en prononçant un des mots du menu. Les Glass utilisent donc la technologie Head-up Display173, qui, d’après la définition de L’Internaute, est un « système de projection sur le pare-brise d’informations relatives au véhicule, permettant de ne pas détourner le regard du conducteur.174 » Par-delà sa vision et audition du monde, il ou elle perçoit aussi les informations sur ce petit écran. Il ou elle entend les sons des vidéos grâce à de petites enceintes dans les branches. On serait pour le moins distrait par cet appareil : Donc, même si nous ne regardons pas directement notre smartphone ou la télévision, notre vision périphérique sera saturée et distraite par des informations denses, colorées et rapides qui tourbillonnent au bord de notre champ visuel, comme le Glass le souhaitait.175 172 « Appli Google : Des cupcakes presque parfaits », Google France, 9 juin 2014, [en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=s5_h2t2YsIE 173 Affichage tête haute. 174 « HUD », L’Internaute, [en ligne], http://goo.gl/XDMIvm 175 ROSE, op. cit., p. 41, traduit de l’anglais par l’auteur de : « So, even if we’re not staring directly into our smartphone or television, our peripheral vision will be saturated and distracted by dense, fast, colorful information and content that swirls at the edge of our view—as Google Glass would have it. » 118 Pour atteindre ces informations, les Glass peuvent se connecter aux réseaux utilisant les smartphones. Avec ses enceintes, microphone et appareil photo, tous intégrés dans la monture, ce système a toutes les capacités d’un smartphone. Nous pouvons passer un appel par commande vocale sans sortir d’objet ressemblant à un smartphone quelconque, ou prendre une photo sans appareil. Les Google Glass changent donc de fonction dès que l’on prononce « OK Glass ! » et créent un double niveau visuel et sonore pour l’utilisateur (fig. 49). Il aurait donc une lecture cartésienne similaire au smartphone, mais sensiblement différente de celle de la pensée magique. Cette dernière se traduit sous la forme de la relation indexicale entre les Glass et ce qu’il représente pour l’utilisateur. La forme de la monture avec son espace pour le nez et les branches invitent l’utilisateur à mettre ses lunettes sur son nez avec les verres devant les yeux, tout comme certains casques mythiques. Un exemple est le Tarnhelm que l’on retrouve dans l’opéra Der Ring des Nibelungen de Wagner qui peut rendre invisible ou changer la forme de son porteur176 (fig. 50). L’utilisation des Glass par la voix et le toucher génère plus de sens et d’émotions que l’écran tactile simple. Ainsi, on retrouve encore une fois la théorie de Susca. Tout comme le smartphone, les Glass emprisonnent de multiples âmes dans leurs haut-parleurs. Il va de plus automatiquement envoyer des notifications à son utilisateur, et lui répondre par écrit sur son petit écran, comme le fait la recherche Google sur les smartphones, ou Siri pour les modèles d’iPhone. On peut Fig . 49 Fig . 50 176 BASSETT Peter, The Nibelung’s Ring: A Guide to Wagner’s Der Ring Des Nibelungen, Wakefield Press, 2003, p. 40 119 faire l’expérience d’une conversation avec les Glass tout comme celle avec un être humain. Pendant une conversation les réponses de l’autre nous reviennent par écrit devant notre œil. Nous avons une âme externe à la notre, posée sur notre visage, qui agirait sur notre monde en nous distrayant. Nous risquons, une fois de plus, d’être envoûtés par cette âme, qui pourrait nous envoyer des ordres sonores auxquels nous devons obéir, mais aussi visuels, rendant l’appareil dangereux dans toute activité humaine. Les Glass nous permettent une omniscience du monde et provoquent, malgré ses défauts de conception, une sensation magique pour son utilisateur. En plus de nous donner la possibilité de communiquer avec autrui, il nous partage des informations concernant l’environnement, des lieux intéressants ou la météo. D’autres objets à composantes numériques sont spécifiquement conçus pour analyser l’environnement, et seront le centre de notre prochaine étude. 120 Fig. 46 - Le smartphone S5 de Samsung Fig. 47 - Exemples d’icones sur le Samsung S5. 121 Fig. 48 - Les Google Glass Fig. 49- Une représentation de l’utilisation des Glass. Fig. 50 - Alberich met le Tarnhelm et disparait, Arthur Rackman, 1910, Illustration Das Rheingold de Wagner 122 Les objets analysant l'environnement L e premier objet que nous allons étudier nous guide dans nos déplacements : le GPS ou Global Positioning System177 utilisé par exemple par le système TomTom178 (fig. 51). Dans un premier niveau de lecteur, le TomTom est composé d’une boîte, de boutons et un écran tactile qui, une fois allumée, nous affiche une carte routière. Lorsque l’on se déplace, une flèche s’affiche pour indiquer dans quelle direction aller, quel chemin suivre. Une option est donnée à l’utilisateur de pouvoir ajouter du son, une voix qui indique l’itinéraire ainsi que des alertes. La carte se repositionne pour nous informer des prochains changements de direction. Afin de calculer l’itinéraire à partir de la carte pré-chargée dans sa mémoire, l’utilisateur n’a besoin que d’indiquer sa destination finale. Avec la localisation qui permet de trouver le point de départ, le GPS calcule l’itinéraire le plus court entre ces deux points. En vue des informations présentées par le TomTom, on suppose qu’en plus des routes, la mémoire contient aussi des informations sur la localisation des péages, des zones de danger (anciennement radars de vitesse) ainsi que d’autres points intéressants pour le voyageur. En connaissant le système GPS, et en utilisant le deuxième niveau de lecture du Peirce, nous savons qu’au 177 GPS, [en ligne], http://www.gps.gov/ 178 TomTom, [en ligne], http://www.tomtom.com/fr_fr/ Fig . 51 123 dessus de la boîte se trouve une constellation de satellites qui participent à cette localisation. Nous voyageons donc en regardant une représentation graphique du monde qui nous entoure. Ces cartes ne donnent au voyageur qu’une route directe vers sa destination en affichant quelques noms et numéros de routes. Will Pavie du Times a remarqué : Les automobilistes qui suivent Google Maps pour traverser le Wiltshire vont entendre « sortie sur l’A303 vers Andover », mais n’auront aucune idée qu’ils croisent la route de Stonehenge.179 L’utilisateur du GPS n’aura pas l’opportunité de découvrir les sites remarquables qu’il frôle. En vue de l’automatisation du TomTom, l’utilisateur ne ressentira jamais le besoin d’acheter une carte papier qui nécessitera de sa part un aller-retour constant entre celleci et la route. Il y aurait une perte de contexte pour le voyageur ; un vide se formerait dans sa perception du monde entre son point de départ et son point d’arrivé. En effet, lorsque l’on conduit en étant guidé par la voix et l’écran, l’utilisateur n’a que le réflexe de s’assurer qu’il est en sécurité derrière son volant et qu’il se conforme aux lois de la circulation routière. En outre, l’interface du TomTom se doit d’être simple, de façon à faciliter une compréhension rapide. Le voyageur aura moins d’incitations à regarder autour de lui pour repérer les éléments du paysage remarquables qui pourrait le guider vers sa destination (fig. 52). 2 5 Fig. 179 PAVIA Will, « Heritage wiped off the map as sat-nav puts motorists on road to ignorance. », The Times, 29 août 2008, [en ligne], http://goo.gl/PfIodM, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Motorists following Google Maps through Wiltshire may be told to “exit on to the A303 toward Andover”, but they may have no idea that they are passing Stonehenge. » 124 Nous pourrions dire que le GPS a tendance à désenchanter l’utilisateur. Or, si nous le regardons d’un point de vue indexical, nous pouvons constater l’utilisation d’un langage de pensée magique. En étudiant de cette façon cet appareil, nous allons mettre en évidence des notions d’émerveillement. Tout d’abord, le GPS semble contenir le monde en lui. Bien qu’il faille télécharger une collection de cartes, lorsque l’on se dirige vers un endroit inconnu, le système sait nous guider. De plus, comme le TomTom affiche ce que l’œil ne voit pas et ce que nous ne pouvons prévoir, il modifie les capacités de perception du corps humain en le rendant omniscient. L’objet devient luimême omniscient. Certains systèmes GPS ont une mise à jour automatique inclus. Ainsi, lorsque de nouvelles routes sont construites ou de nouvelles zones de danger installés (radar), le TomTom en a connaissance. Ceci pourrait nous faire penser à de nombreux objets magiques qui sont plus vastes à l’intérieur que vu de l’extérieur. Nous pouvons citer le sac de Mary Poppins (fig. 53), la cabine de police du Doctor Who (fig. 54) ou même l’armoire des Chroniques de Narnia (fig. 55). Dans cette boîte plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur, on peut aussi y entendre une voix. Nous se sommes plus guidés uniquement par le visuel graphique d’une carte, mais aussi par des instructions sonores. Les voix d’acteurs sont généralement enregistrées pour simuler une conversation normale. On a donc bien l’impression d’avoir un petit être omniscient assis sur le tableau de bord de la voiture. Quand celui-ci n’est pas mis à jour automatiquement et que les routes sont modifiées, ou que l’utilisateur décide de prendre un autre trajet que celui suggéré, il se Fig . 53 Fig . 54 Fig . 55 125 peut que le voyageur se perde. L’excuse généralement donnée est « Il y a eu un problème avec le GPS. » Tout comme notre réaction aux conversations qui nous déplaisent au téléphone, nous avons tendance à incriminer l’objet et ensuite la personne qui ne l’a pas utilisé correctement. La fonctionnalité du TomTom est d’indiquer la route au voyageur. Il analyse seulement un seul aspect de l’environnement humain. Il existe, par contre, des objets technologiques qui englobent d’autres aspects. Un exemple est le Mother (fig. 56) de la société Sen.se, créée par Franck Biehler et Rafi Haladjian, ce dernier à également inventé le Nabaztag180. En première analyse, Mother est un système composé d’une figurine en plastique blanc et de petites plaquettes avec un embout de couleur. Après lecture de la notice, on apprend que l’on a besoin, en plus, d’un périphérique externe, afin de visualiser les informations que va produire Mother. Pour utiliser Mother, il faut choisir l’objet nous voulons contrôler, lui attribuer une plaquette de couleur et l’attacher à cet objet. Ainsi, toujours d’après cette notice, le système Mother pourra aider l’utilisateur à contrôler entre autres sa consommation de café (fig. 57), le brossage des dents ou même le passage par une porte. Comme le Cue précédemment analysé, Mother utilise la data-vision, nous permettant d’interpréter rapidement un ensemble de données qui peut être complexe à étudier. Les plaquettes de couleurs sont des capteurs qui envoient les informations à la figurine centrale, le Mother. Les informations sont ensuite 180 « Mother », Sen.se, [en ligne], https://sen.se/store/mother/ 6 5 Fig. 7 5 Fig. 126 envoyées de cette statuette vers une application. Ces capteurs, appelés Cookies par Sen.se, sont décrits par le site comme étant multifonctions. Nous pouvons émettre l’hypothèse que chaque Cookie contient une collection de détecteurs différents tels que thermique ou accéléromètrique. Le site explique que chaque Cookie analyse tout ce qui ce passe dans la maison. C’est uniquement quand l’utilisateur aura attribué une fonction au Cookie à travers l’application que les informations seront triées. L’utilisation du système Mother parait très simple. C’est une passerelle entre le mouvement d’objets domestiques et leurs utilisateurs. Mother elle transforme la maison en foyer connecté. Or, plus que les autres objets étudiés, elle semble utiliser de nombreux codes de la pensée magique. Cette figurine fait allusion aux statuettes préhistoriques de femmes comme par exemple la Vénus de Hôhle Fels (fig. 58 et 59). Tout comme ces œuvres antiques, Mother a des formes simples mais distendues. Deux points et un trait sont dessinés, on y reconnait un visage et sa tête est suggérée sur un corps bien rond. De plus, cette statuette est au centre du système, sans elle l’utilisateur ne recevra aucune information. Elle aurait les mêmes capacités magiques que les Vénus : une amulette de protection de la famille. Cette hypothèse est soutenue par le nom du système. Mother est l’anglais pour « mère », le membre de la famille qui représente généralement la personne bienveillante et protectrice du foyer. Elle aurait donc une propension animiste, une autre petite âme qui a connaissance de ce qui se passe dans toute la maison, qui la protège et améliore le cadre de vie. Ceci est renforcé par le fait que le visage de la figurine s’éclaire quand elle reçoit des données ou veut Fig . 58 Fig . 59 127 informer l’utilisateur que de nouvelles données sont disponibles. Mother communique avec nous grâce à des signaux lumineux et sonores (fig. 60). Ses yeux et son sourire s’éclairent, on entend le carillon qu’elle émet, et, grâce à un service payant, peut déclencher la sonnerie du téléphone. De plus, le système créé de nouveaux rituels, on lit les données envoyés par les Cookies. Or, cette « mère » ne peut travailler seule. Elle est entourée d’autres petits êtres qui l’informent de ce qui se passe dans le foyer. Tous ces Cookies fonctionnent de façon identique, ils sembleraient pouvoir déterminer leur propre utilité. Les protocoles de communication entre Mother et les Cookies ne sont pas visibles. Mother semble assouvir les désirs de Rose : • L’omniscience, elle génère celle de l’utilisateur, et sait ce qui se passe partout dans la maison. • La télépathie, l’informe de la position des membres du foyer avec un Cookie localisateur. • L’immortalité, en l’aidant à l’améliorer de son cadre de vie. • La conservation, en le prévenant des ouvertures et fermetures de portes inhabituelles. Les objets étudiés sont des exemples, parmi d’autres, de systèmes incorporant des composants numériques. La plupart suivent de près des codes de pensée magique au niveau indexical de lecture. Ils nous permettent de réaliser que nous sommes en effet bien plus émerveillés par leur utilisation que nous le pensions. 0 6 Fig. 128 Fig. 51 - Le GPS de TomTom Fig. 52 - En utilisant un GPS, on risque de ne pas voir Stonehenge. Fig. 53 - Le sac de Mary Poppins Fig. 54 - La cabine du Docteur Who Fig. 55 - L’armoire des Chroniques de Narnia 129 Fig. 56 - Le Mother de Sen.se Fig. 57 - Le système contrôle la consommation de café de l’utilisateur. Fig. 58 - La figurine Mother Fig. 59 - La Vénus de Hôhle Fels Fig. 60 - Mother éclairée. 130 Conclusion 131 A près cette analyse de différents objets techniques et à composants numériques, nous pouvons voir que la pensée magique se base énormément sur l’incompréhension de ces derniers par l’utilisateur. Or, si nous voulions vraiment une explication complète de leurs fonctionnements il faudra se rappeler de la citation de l’astrophysicien Carl Sagan : « Si vous souhaitez faire une tarte aux pommes à partir de rien, vous devez d’abord inventer l’univers.181 » Il faudrait partir du Big Bang pour avoir une explication complète des objets techniques, mais une seule personne n’a pas tous les savoirs nécessaires pour comprendre l’ensemble des technologies. C’est pour cette raison que les systèmes utilisés ne sont expliqués que par leurs usages et leurs fonctionnalités. Nous avons découvert que les appareils qui nous ont intéressés sont composés chacun d’objets techniques, qui ont été conçus par différentes personnes. Ils n’auront pas toutes les connaissances scientifiques pour pouvoir expliquer l’ensemble d’un appareil. La « science » elle-même ne peut encore répondre à toutes les questions que nous nous posons. En effet, les recherches, même si elles sont très avancées à ce jour, n’ont pas encore tout découvert du monde. Certaines découvertes réfutent des hypothèses que l’on pensait démontrées. Un exemple est la croyance populaire des heaumes à cornes des Vikings. Il a été découvert récemment que cette croyance provient d’une faute d’analyse archéologique qui s’est ensuite propagée dans la 181 SAGAN Carl, Cosmos [1980], Random House, 2013, p. 485, traduit de l’anglais par l’auteur de : « If you wish to make an apple pie from scratch, you must first invent the universe. » 132 culture occidentale, par exemple à travers le Tarnhelm dans Der Ring des Nibelungen de Wagner. Aujourd’hui, les archéologues ont trouvé des preuves qui indiquent que les casques des Vikings étaient démunis de cornes182. Nous ne pouvons être certains de nos connaissances, nous devons compter sur d’autres types d’analyses pour concevoir le monde. Face à certains types d’objets techniques, nous choisissons de rester dans un état de méconnaissance et de grande naiveté. Comme Peter Parker, aussi connu sous le nom de Spiderman, apprend : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.183 » Or, d’après de multiples dogmes, lois, citations, le savoir est synonyme de pouvoir. Nous ne serions pas prêts, pour la plupart d’entre nous, à endosser cette responsabilité. Ceci nous permettrait de rester dans un état d’émerveillement, bien plus confortable. Ces états sont regroupés dans une forme de compréhension du monde que Susca appelle la pensée magique. Comme nous venons de le découvrir, cette pensée semble se trouver en chacun de nous et se manifeste sous différentes formes à différents moments lors de l’utilisation d’objets techniques. D’après Rose, l’émerveillement, et donc la pensée magique, serait l’un des désirs humain fondamentaux. La rationalité de la science, la sociologie, l’anthropologie, et toutes autres formes de recherches utilisant une méthodologie cartésienne ne seraient pas suffisante pour assouvir nos besoins de compréhension du monde. 182 J. P. P., « Did Vikings wear horned helmets? », The Economist, 15 février 2013, [en ligne], http://goo.gl/UckXHts 183 LEE Stan, « Spiderman », Amazing Fantasy, n°15, 5 juin 1962, traduit de l’anglais : « With great power comes great responsibility. » 133 Certains humains doivent être rassurés, ils aiment à penser qu’ils ne sont pas les seuls êtres conscients dans l’univers. À travers nos objets techniques, nous essayons de contacter d’autres âmes, défuntes, extra-terrestres, divines, ou tout simplement immatérielles. Comme la religion, l’émerveillement donne une autre dimension à notre vie, une sensation de participer à quelque chose qui nous transcende. Nous pourrions même savoir ce que nous devenons après notre mort. La pensée magique nous permet de dépasser les limites physiques imposées par notre corps. Grâce à nos objets techniques, nous découvrons de nouveaux pouvoirs tels que l’omniscience, la télépathie ou même la régénération. Ces objets transforment le corps humain, ou du moins la relation que nous entretenons avec eux, et deviennent les « extensions » remarquées par McLuhan. Comme l’épée prolonge le bras, les objets à composantes numériques connectés étendent non seulement notre corps, mais aussi nos sensations et émotions. Avec ces objets nous passons de l’Âge de l’Information, créé grâce l’Internet, à celui des sensations. Cela, d’après Susca, se ressent déjà dans notre façon de parler quand nous disons : « Je ne sens pas ce type.184 » Tout comme Audrey Breuer et son rapport aux objets, nous semblons aussi, d’une façon moins emphatique, chercher une relation humaine avec nos objets. Afin de pouvoir répondre à nos désirs de relation, l’objet doit posséder une âme, une constante des êtres dits conscients. Nous avons découvert que nous avons un fort rapport à l’animisme. Ce dernier semble 184 Place de la Toile, op. cit., 2013 134 exister tout au long de notre Histoire avec plus ou moins d’intensité. En effet, ce mode de pensée a été l’un des premiers à expliquer les phénomènes naturels et humains. Jusqu’à la Révolution Industrielle, beaucoup d’objets et appareils utilisés avaient une importance capitale dans la vie des utilisateurs car ils étaient chers à fabriquer, difficiles à remplacer, et souvent nécessaires à leur survie. Aujourd’hui, nous avons tendance à jeter et remplacer nos objets beaucoup plus facilement provoquant une perte de cette relation. Or, les objets à composants numériques, les plus chers des biens de consommation conservent un aspect animiste, non seulement par la place intime qu’ils occupent dans nos vies, mais aussi par leurs fonctionnalités autonomes. Ils demandent toute notre attention et nous fournissent les informations demandées. L’animisme et l’autonomie ne seraient pas possible sans la participation de forces mystiques telles que l’électricité ou le Wifi. Non seulement elles animent les objets mais elles leur permettent de communiquer entre eux. Cet animisme est issu d’une pensée magique. Comme nous l’a indiqué la définition du Trésor de la Langue Française, la magie inclue une notion de rituel. Grâce à des actions faites de différentes manières à différents moments, on peut induire des réactions de l’objet technique par exemple. Soit par la volonté du designer, soit par la réappropriation de l’objet par l’utilisateur, les rituels foisonnent dans les appareils que nous utilisons. A certains moments, tout comme le pigeon de Skinner, nous créons des rituels lorsque que l’on ne comprend pas la réaction de l’objet et que nous souhaitons soit son retour à l’état que nous considérons comme normal, soit la continuation de 135 cette réaction. En répétant ce rituel sur l’objet, même lorsque le premier ne marche pas et que le dernier ne réagit toujours pas de la bonne façon, on a la sensation d’en prendre le contrôle. Nous cherchons le sentiment de maîtrise de l’objet. Cette dernière quelquefois nous échappe, et nous nous retrouvons sous l’emprise de l’objet. A ce moment, nous ne sommes plus émerveillés par la magie qu’il produit, mais envoûté par ses fonctionnalités qui imposent leur diktats sonores et visuels. Rituels, animisme, émerveillements, ne sont que quelques uns des mots de la lexicographie qui décrivent les objets techniques que nous avons découvert au cours de notre analyse. Tous font partie d’un même état d’esprit, la pensée magique. Or nous n’utilisons pas la même définition que celle proposée par Lucien Lévy-Bruhl185. Par-delà notre présente recherche, la pensée magique ne serait qu’une forme de pensée déséquilibrée, qu’un résidu des temps primitifs. Ayant bien une origine archaïque, elle a tout de même évolué avec la technique, lui permettant d’explorer d’autres formes d’explications du monde. D’après Susca, nous ne vivons plus dans la magie noire du Moyen Âge ou de la Renaissance, mais plutôt dans la magie quotidienne que nous sommes en train de redécouvrir186. Comme nous l’avons appris de Lyotard et Latour, nous n’avons jamais été moderne, et donc complètement rationnel comme le souhaitait Descartes. De plus, nous avons, pour la plupart d’entre nous, cette forme de pensée magique bien ancrée. 185 LÉVY-BRUHL Lucien, La Mentalité Primitive [1922], Champs Classique, 2010 186 Place de la Toile, op. cit., 2013 136 En vue de l’importance historique de ce mode de pensée, nous n’allons pas pouvoir y échapper rapidement. Certains designers l’ont bien compris et tentent de créer des objets merveilleux plutôt qu’envoûtant, afin d’ôter le stress continue que les objets à composants numériques peuvent provoquer. En tant que designer graphique, industriel, ou culinaire, nous pouvons nous pencher sur nos créations pour nous demander comment l’utilisateur, le spectateur, ou le gastronome, seraient enchantés par leurs consommations, sensations qui remplaceront l’incompréhension. Selon Susca, « Le designer exprime à voix haute ce que nous vivons sans en avoir véritablement conscience.187 » A nous, designer, de créer ce nouveau monde magique. 187 Ibid. 137 138 Bibliographie Livres ALUN JONES Robert The Secret of the Totem: Religion and Society from McLennan to Freud, Columbia University Press, 2013 BARTHES Roland Mythologies [1957], Points Essais, 2014 BASSETT Peter The Nibelung’s Ring: A Guide to Wagner’s Der Ring Des Nibelungen, Wakefield Press, 2003 BOLTER Jay David et GROMALA Diane Windows and Mirrors: Interaction Design, Digital Art, and the Myth of Transparency, MIT Press, 2003 BOUCÉ Elizabeth Spectres des Lumières : du frissonnement au frisson: Mutations gothiques du xviiie au xxie siècle, Publibook, 2012 BURCKHARDT Titus Encyclopédie Planète, Retz, 1964 CARPENTER Edward Pagan & Christian Creeds: Their Origin and Meaning, The Floating Press, 2014 CHANDLER Daniel Semiotics: The Basics [2002], Routledge, 2007 139 DALE Thomas E. A. 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Figure 56 http://goo.gl/ j9iIYx Figure 57 Figure 39 http://goo.gl/ LNiYql http://goo.gl/ xYDGMn Figure 58 Figure 40 http://goo. gl/0IFDtf http://goo.gl/ D75tY6 Figure 59 Figure 41 http://goo.gl/ aGWpYu http://goo.gl/ G0jA6z Figure 60 Figure 42 Takeshi Obata, Death Note, Tome 2, Shonen Jump Advanced, p. 18 http://goo.gl/ apfXXM Figure 61 http://goo. gl/9P0ADL Figure 62 http://goo.gl/ Pn8LFh Figure 43 http://goo.gl/ B3wq0w Figure 44 http://goo.gl/ X3apU8 Figure 45 http://goo.gl/ sgZvF0 Figure 46 http://goo.gl/ shkQ5b Figure 47 http://goo.gl/ Bf0zMq Figure 48 http://goo.gl/ SG0sdW 152 Remerciements Tous mes remerciements vont aux personnes suivantes : Émeline Brulé, ma directrice de mémoire, pour m’avoir donner confiance quand celle-ci était bien basse. Sylvie Morero, qui à pris beaucoup de temps à relire mon mémoire franglais afin de le transformer en texte français. Jean-Paul Larran, pour son aide pointilleuse et précise avec l’écriture. Audrey Breuer et Nicholas Nova pour m’avoir donner de leur temps précieux à répondre à mes questions. Roman Haïçaguer pour avoir cuisiné mes repas pendant toutes ces longues soirées de travail. Et enfin mon chat Coco pour avoir bien voulu ronronner sur mes genoux pendant que je travaillais. 153 154 Annexes 155 Trois questions à Nicholas Nova J.L. : Comme pour la médium que j’ai interviewé : Quelle est votre relation aux objets ? N.N. : J’ai comme tout le monde une relation d’abord d’usager des objets qui m’entoure, mais celle-ci est combinée à un fort intérêt analytique pour ceuxci. A cet égard, c’est moins leur mécanisme et leur fonctionnement qui m’intéresse mais plutôt la façon dont ils véhiculent des normes, des idées, une esthétique, une histoire (évolution au fil du temps) ou des usages détournés par les autres utilisateurs qui me passionne. Du coup, pour certains objects qui m’intéressent particulièrement, j’ai un rapport très “documentaire” à ceux-ci: prise de photographies, accumulation de documentations liés à leur existence, usage et évolution, etc. J.L. : Y a t’il des objets qui possèdent des caractéristiques magiques pour vous ? Si oui, les quelles ? Si non, pourquoi ? N.N. : Je vois moins la magie dans le sens qu’on lui donne classiquement. Pour moi les objets ont un attrait particulier, qui ne cesse de m’étonner, dans le sens où ils traversent le temps et véhicule à travers eux des éléments particuliers (potentiel d’usage, esthétique, histoire)… que l’on peut reconstituer via des généalogies et des circulations. Je ne sais pas si cela répond à votre question, si c’est de la magie mais c’est une sorte de transcendance qui me fascine. Par exemple, suivre le cheminement d’une planche à laver (washboard) de l’Europe moyenâgeuse vers le Sud 156 des États-Unis et la retrouver de nos jours sur une scène musicale utilisée comme instrument est un cas intéressant. On voit là une circulation et un détournement fascinant. D’autre part, dans le champ du numérique (qui est celui qui me préoccupe le plus), il me semble que le degré de complexité des objets devient croissant… et laisse justement croire à un fonctionnement ou un comportement qui relève de phénomènes proche de croyances magiques ou de l’animisme. Je ne suis pas certain cela dit que ce soit une bonne chose mais c’est un phénomène curieux et prépondérant. C’est peut être le renouveau d’une pensée sauvage envers les objets techniques qui deviennent si complexes qu’ils en sont inexplicables. J.L. : Quelle est, pour vous, l’influence de l’électricité et les autres forces mystiques (comme le Wifi ou même le nucléaire) sur l’imaginaire du designer ? N.N. : Je ne pense pas qu’il faille les qualifier de « mystiques » car c’est un terme polysémique. Par contre, je vois ce que vous voulez dire, il y a ici l’idée que des techniques au fonctionnement complexe puisse exercer un attrait, une curiosité (ou un refus) chez les designers… et du coup amener à des propositions curieuses. Dans tous les cas, il me semble que les designers (et les artistes) s’emparent de ces objets sans forcément comprendre le détail de leur fonctionnement, mais, dans le meilleur des cas, produisent des objets, des interfaces, des services ou des installations qui peuvent questionner ces techniques… ou nous rendre attentifs à leurs enjeux. (Et cela au-delà bien sûr de créer des produits ou services innovants commerciaux). 157 Il doit y avoir ici une forme de fascination envers ces objets intangibles, et la qualité d’une contribution de designer provient justement d’une synthèse créative entre des enjeux techniques (pas forcément toujours compris à 100%) et une articulation avec des contextes, des usages… 158 English Version Let’s do this all again, but in English. 159 160 Introduction 161 I f I could, I would be a mage capable of handling the intangible forces that take control of my environment and others. These forces is commonly called magic, a term defined by the Trésor de la Langue Française as The art based on a doctrine which postulates the presence in nature of immanent and supernatural forces, which can be used for efficiency, to produce, through ritual formulas and sometimes methodically set symbolic actions, effects that seem irrational.1 Magic is thus the control of nature by methodical means, to produce a more effective result than without this remedy. Magic is recognized as foreign to the human body. However, it has permeated the lives of humans since prehistoric times in different forms and different belief systems. An early form is religion. Unlike magic, religion is characterised by an organisation of belief around poles or dogmas common to many cultures. This ensures that participants believe the same things, they hope or fear the consequences of their actions. However, we can also find similarities between magic and religion. Most religions call upon beings and acts called divine. These phenomenons are generally considered ineffable, dominating humanity, and their perpetrators should be revered. Like magic, humans 1 « Magie », Trésor de la Langue Française, [on ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1203293235;, translated from French by the author: «L’art fondé sur une doctrine qui postule la présence dans la nature de forces immanentes et surnaturelles, qui peuvent être utilisées par souci d’efficacité, pour produire, au moyen de formules rituelles et parfois d’actions symboliques méthodiquement réglées, des effets qui semblent irrationnels.» 162 cannot understand or explain how these phenomena have appeared, or why. Moreover, miracles are attributed to religion and, as does magic, uses ritualised acts2. For an atheist, religion is a belief in magic. In addition to organized belief, magic is also concentrated in the folklore of many cultures. Proposed in 1846 by writer and expert on the topic William Thoms (aka Ambrose Merton), this word is a hybrid of two others: “folk” or the people, and “lore” or knowledge, thus knowledge and science3. Many rituals including belief in magic are part of the laws of these peoples. These beliefs are traditionally transmitted orally, and it is only recently in human history that they have been transcribed and written, in 1250 BCE among Egyptians4. Like religion, one can find in folklore “beings” that are not part of Earth’s plane. This includes spirits, witches, fairies, demons ... Some have a positive impact on the lives of believers, some negative and should be feared and avoided. One example of manifestation of folklore is the ritual of throwing salt over one’s shoulder to ward off evil spirits. Today, a literary genre has become all the rage, with 350 million sales in the world in 20145, proving that magic still exists in the collective imagination: fantasy. This literature typically includes “a mythical 2 « Religion », Trésor de la Langue Française, [on ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?113;s=1203293235;r=5;nat=;sol=2; 3 MERTON Ambrose (pseud. William J. Thoms), « Folk-Lore », The Athenæum, n° 983, 29 Août 1846, p. 886–87 4 GREEN Thomas, Folklore: An Encyclopedia of Beliefs, Customs, Tales, Music, and Art, Volume 1, ABC-CLIO, 1997, p.363 5 KOWALCZYK Ola, « Most popular book genres of all time (infographic) », Ebook Friendly, 28 octobre 2014, [on ligne], http://ebookfriendly.com/most-popular-book-genres-infographic/ 163 appearance and is often displayed by the outbreak or the use of magic.6” We live in a world where most phenomena are explained by a Cartesian logic called “Science”. These forces could also be called wind, tide, electricity, radio waves, as with many other intangible phenomena to the human eye, but revealed by so-called scientific studies. These sciences are now accepted in most cultures as truths explaining the world around us. This is discussed by a number of thinkers (Latour, Lyotard ...), but nevertheless remains the yardstick by which we measure knowledge. However, they do not always manage to explain what is happening around and even in us. Moreover, very few of us really understand the scientific discourse explaining the principles behind phenomena. We do not all understand what «really is» electricity. A transfer of particles, something coming out of a plug, the essence of life ...? Humans has created tools to increase their natural capacity for more than 2.6 million years7. Indeed, not having the strength nor the edge to be able to lacerate the skin of animal, or break bones, Australopithecus Garhi8 had to invent extensions of himself. These tools are the first technical objects or “the translation in terms of a set of concepts and scientific principles deeply separated from each other, 6 RUAUD André-François, Cartographie du Merveilleux, Denoël, 2001 p.10, translated from French by the author: «un aspect mythique et est souvent incarné par l’irruption ou l’utilisation de la magie.» 7 « Early Stone Age Tools », Smithsonian National Museum of Natural History, 18 février 2015, [on ligne], http://humanorigins.si.edu/evidence/behavior/tools/ early-tools 8 « Australopithecus garhi », Smithsonian National Museum of Natural History, 18 février 2015, [on ligne], http://humanorigins.si.edu/evidence/human-fossils/ species/australopithecus-garhi 164 and linked only by their consequences that are converging to produce the desired effect.9” In summary, these objects have utility for those who have created them and assist in the accomplishment of a task. They would therefore be supernatural: it is not nature that created them. Magic has fascinated humans for thousands of years, and having a supernatural side as technical objects invented by them, we can ask the question: What is the relationship between fantasy and technical objects? We will try to answer this question by examining several aspects of magic in the world of design. To begin, we will look at their relationship throughout history, especially that of Western Europe. Beliefs are multiple, the Roman world until now, through to the Renaissance and the Enlightenment Ages. We will then analyse the object as a mediator between mystical forces and spirits. We will see how animism appears today, if other minds from other entities are connected, and what forces are used to manage these objects. Finally, we will compare several types of objects, through a Cartesian perspective then a paranormal one. These studies will allow us to find the links between magical imagination and the designer’s thought process. 9 SIMONDON Gilbert, Du mode d’existence des objets techniques [1989], Aubier, 2001, p. 46, translated from French by the author: « la traduction en matière d’un ensemble de notions et de principes scientifiques séparés les uns des autres en profondeur, et rattachés seulement par leurs conséquences qui sont convergentes pour la production de l’effet recherché. » 165 166 1 A historical relationship to animated objects We live in a world of magic, but we do not accept this. This magic world started very early in human history. Starting from the same country and then dispersing on Earth, beliefs in this mystical force therefore had a common origin in Africa10. They then diversified to no longer be recognisable. For this study, we will focus mainly on Europe, although some references to other cultures will be used, such as so-called primitive cultures. 10 « Human Family Tree », Smithsonian National Museum of Natural History, 18 février 2015, [on ligne], http://humanorigins.si.edu/evidence/human-family-tree 167 From Prehistory to the Middle Ages Let us start our research a few million years BCE. 790,000 years ago, the hominids of the time discovering fire, wondered about life after death11. They endure nature and all possible phenomena without the protections, nor scientific knowledge, that we know have today. They lived in another reality. All aspects of their lives have needed their own explanations and come from a given “understanding”. These have taken the form of intangible forces only partially controllable by humans, such as wind controlled by sails, but deadly during storms. What little control they find become ritualized acts. Thinking that the soul of an animal remains in its offal, bones, skin, they use it to increase their strength. This marks the beginning of animism. Animism is defined as: “a system of thought that believes that nature is animated and that everything is governed by a spiritual entity or soul.12” The object, an artificial entity fashioned by man has no body to think independently is left with a conscience or a soul of its own. As explained by the American philosopher Erik Davis in his book Techgnosis: Myth, Magic, Mysticism in the Age of Information: 11 « Tools & Food », Smithsonian National Museum of Natural History, 18 février 2015, [on ligne], http://humanorigins.si.edu/human-characteristics/tools-food, 12 « Animisme », CNRTL, [on ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/animisme, translated from French by the author: « Système de pensée qui considère que la nature est animée et que chaque chose y est gouvernée par une entité spirituelle ou âme. » 168 The interdependence of culture and technology means that the technologies of the pre-modern world, despite being the most logical of crafted objects, nonetheless had to share the cosmic stage with any number of gods, sorceries, and animist powers.13 Thus almost all objects created during that era have a dual purpose: to help survive in the wild as well as a way to control the intangible forces. These hominids are mostly interested in the use of forces they can see and recognise. They use the power of plants and animals around them. Thus we see the arrival of totems and other objects whose sole purpose is the link between the real world and the spirit world14. These totems and statuettes have been revered as a representations of a plant or animal15 in the hopes of appeasing an evil or angry power, or seek the help of a good spirit. We can find this totem-ism in some primitive cultures still present to this day, such as Native American tribes (fig. 1), the aborigines of Australia or New Zealand. As with all humans in Prehistory, these tribes have a very close relationship with nature. In some, it is unthinkable to eat an animal that had been represented as a totem.16 Prehistoric men used also their own representations as magical objects. Historians have several theories about different prehistoric “Venus” appearing around 40,000 years BCE (fig. 2). These stone statues of naked women 13 DAVIS Erik, Techgnosis: Myth, Magic, Mysticism in the Age of Information, Serpent’s Tail, 1998 p.10. 14 ALUN JONES Robert, The Secret of the Totem: Religion and Society from McLennan to Freud, Columbia University Press, 2013, p. 85 15 « Totem », CNRTL, [on ligne], http://www.cnrtl.fr/etymologie/totem 16 JAMES Diana, ROSE Deborah, WATSON Christine, Indigenous kinship with the Natural World in New South Wales, NSW National Parks and Wildlife Service, 2003, p.26 169 with distended features could have been simple artistic representations of the ideal woman or the female body during pregnancy. Another theory sees these objects as an amulet or a “small object that is worn on the body, and to whom is attributed the power to preserve from diseases, accidents, and various ailments.17” If this were the case, one might assume that the statue was a pregnant woman, and could have protected the wearer of all the risks associated with childbirth18, an extremely dangerous and misunderstood act until only recently. These so-called magical acts were part of a belief system that required transmission from generation to generation. Writing having appeared around 5000 years BCE in Mesopotamia19, these beliefs had to be transmitted orally. To remember and to facilitate their transmission, the prehistoric Human created myths and folklore. Myths are defined by the Treasury of the French Language as: A story depicting imaginary facts unrecorded by history, handed down by tradition and featuring beings symbolically representing physical forces, philosophical, metaphysical or social generalities.20 17 « Amulette », CNRTL, [on ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/amulette, translated from French by the author: « petit objet que l’on porte sur soi et auquel on attribue le pouvoir de préserver des maladies, des accidents, des maux les plus divers. » 18 HAVILAND William, MCBRIDE Bunny, PRINS Harald, WALRATH Dana, Evolution and Prehistory: The Human Challenge, Cengage Learning, 2013, p. 215 19 « L’aventure des écritures, Le dossier pédagogique », BNF, [pn ligne], http:// classes.bnf.fr/dossiecr/in-ecrit.html 20 « Mythe », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?83;s=1203293235;, (consulté le 16/12/2014), translated from French by the author: «Un récit relatant des faits imaginaires non consignés par l’histoire, transmis par la tradition et mettant en scène des êtres représentant symboliquement des forces physiques, des généralités d’ordre philosophique, métaphysique ou sociale.» 170 As based on real facts, myths begin to explain phenomena other than those caused by nature. This is especially the case for Greek and Roman myths. Indeed, with many scientific discoveries, such as the horizon, geometry, and mass, many magical phenomena were explained. This era thus sees a mixture of rationality and research alongside legendary writing, as the author and researcher in fantasy André-François Ruaud explains: Used by the ancients to understand the world and question their place in it, they will slowly evolve from edifying to entertaining, while continuing to play on symbols recognised by all. The first grand narratives generally took a historical commemoration, transmitted orally, and were enriched over time.21 Homer’s The Odyssey and The Iliad of Homer, written during the VIth century BCE, are oral based works composed of formulas, known by the ancient Greek, assembled into a narrative poetic and rhythmic22. It is likely that different authors have contributed to the writing of these epics, stories usually thought to be Homer’s. Invention has an important role in Greek and Roman imagination. Indeed, among the Greeks and especially their theatre we see the invention of machines creating special effects for the theatre. These mechanical devices can be considered as the ancestors of the special effects that we know in films today. These, as well as 21 RUAUD, op. cit., p.10, translated from French by the author: Utilisées par les Anciens pour comprendre le monde et s’interroger sur leur place en son sein, elles vont lentement évoluer de l’édifiant au divertissant, tout en continuant de jouer sur des symboles admis de tous. Les premiers grands récits partaient généralement d’une commémoration historique qui, transmise de manière orale, s’enrichissait au fil du temps. 22 ONG Walter J., Orality and Literacy [1982], Routledge, 2005, p. 23 171 inventions from the Alexandrian engineer Heron, will be discussed in the last chapter. During prehistory and antiquity, the distinction between fantasy and religion was almost non-existent. In the Middle Ages, few books were copied by hand by monks, the only scholars of the time, except for the Bible. In Europe during this era, we thus see the emergence of a controlled imaginary magic through a book as well as its “masters”. However, orality still remained important, as few knew how to read, folklore persisted. Thus, Christian believers of the time, and many other religions, found paramount importance in certain objects that were supposedly created by their god or touched by their prophet. According to the Arthurian legends, it would be at this time that the research of the Shroud and the Holy Grail would have started (fig. 3). We can see the beginning of fantastic works based around the legends of King Arthur of Brittany, followed closely by the Song of Alexander the Great in Italy and romances around Charlemagne, known as The Song of Roland, in France23. These stories were mostly transmitted orally, but some have been transcribed in writing, forming the beginnings of the fantasy genre of literature. Like Arthur and the Knights of the Round Table in search of the Holy Grail, the knights of Christian Europe went on Crusades to spread their faith and protect certain relics or sacred objects. One can find in Jerusalem was the Holy Sepulchre, a collection of objects including Jesus’ true cross. However, during parts of the Middle Ages the sacred city was in the hands of the Arabs and then Turks who did not tolerate the 23 RUAUD, op. cit., p.11 172 presence of pilgrims and subsequently had them massacred. Thus, Christians went to war for sacred objects fashioned several hundred years before their births. The objects’ importance to the crusaders faith and way of life confirmed this need24. These knights had to go far from their land of birth and, along the way, discovered new cultures but also previously unknown flora and fauna. Their reports and maps, as well as the first European explorers exploring the world, often contain mythical monsters from the imagination (fig. 4). An example is the legend of St. George, England’s patron saint, and his dragon (fig. 5), a story that was brought back from the Crusades in the XIIth century25. Science was not advanced enough in the Middle Ages to explain all the natural phenomenon, the people who lived during that era had at their disposal two ways to understand them. The first lay in magical folklore that varies from region to region and even from village to village in the same country. The second, equally magical, was religion, divine acts and miracles. The two lived side by side, however not in harmony as each was trying to remove the other to increase its control and number of believers. To better integrate into the societies of the Middle Ages, Christianity appropriated certain rituals associated with paganism and folklore at the time, such as baptism which took over rebirth rites26. Religious faith is based on very few objects but has made them extremely 24 RILEY-SMITH Jonathan, The Crusades: A History, Yale University Press, 2005, p.12-13 25 DALE Thomas E. A., Relics, Prayer, and Politics in Medieval Venetia: Romanesque Painting in the Crypt of Aquileia Cathedral, Princeton University Press, 1997, p. 70 26 CARPENTER Edward, Pagan & Christian Creeds: Their Origin and Meaning, The Floating Press, 2014, p. 103 173 powerful for their believers. For any religion whose dogmas were written, books received a very strong spiritual significance. These books run the lives of those who read them, and are sometimes used as a divination objects, opening a page at random, a divination technique called bibliomancy27. Despite the differences between the folklore of religion, they have something in common: animistic objects. 27 « Bibliomancy », Trésor de la Langue Française, [on ligne], http://atilf.atilf.fr/ dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=417823620; 174 From the Renaissance to the Age of Enlightenment H umans from prehistory to the Middle Ages, saw their lives dictated by intangible forces. They did not have the power to decide on their future, as religion and folklore took away that possibility. However, in the XVth century, this fact is questioned. Indeed, the Renaissance saw the beginning of Humanism: “the doctrine that takes as end the human person.28” The searchers of that time asked questions about their conditions and their reasons for being. We discover the body through dissections. They read Greek and Roman texts again and explored their concepts. Thus, they rediscovered geometry. Despite the presence of scientific logic used by researchers and their discoveries explaining a number of phenomena previously attributed to magic or divine action, mysticism retained its attraction. Paola Zambelli explains: To be sure, there were connections between magic and the various sciences, some stronger than others. Medicine, more than other sciences, had always been affected by the dominant astrological theories.29 According to the modern historian, questions that European scientists asked were based on mystical and 28 REY Alain,« Humanisme », Dictionnaire Historique de la Langue Française, Le Robert, 2010, p. 4594, translated from French by the author: « la doctrine qui prend pour fin la personne humaine. » 29 ZAMBELLI Paola, White Magic, Black Magic in the European Renaissance, Brill, 2007 p.19 175 magical phenomena. Astrology is transformed into astronomy. The magic of plants becomes rational. At the same time, new forms of magic were emerging. Historian of philosophy, Cesare Vasoli studied the subject: The Renaissance European company continued to maintain the primitive side of peasant and popular witchcraft and thus contributed to feed scholarly imagination of philosophers and theologians, well experienced in reading the classics of Neoplatonic and Hermetic magic.30 Attracted to the creations of the Greeks, the Renaissance researchers discovered the god Hermes, best known as messenger of the gods and guardian of roads, intersections and travellers. This god is also found in Egypt under the name of Thoth until the two merge, during the occupation of the country by the Greeks, to create a single deity known as Hermes Trismegistus (fig. 6). Defined as “Three times great” this god mastered the three natural philosophies: mineral, animal and vegetable. He knew their manipulations and mixtures to create new substances. He is credited with the creation of alchemy, born during the Renaissance. This manipulation of materials brought a new mythical object, the philosopher’s stone, able to transmute common metals into noble ones, to heal the sick and even give eternal life. This stone was sought by many scientists of 30 VASOLI Cesare, « Le tradizione magiche ed esoteriche nel Quattrocento », Le filosofie del Rinascimento, Bruno Mondadori, 2002, p. 136. Translated from Italien by Aurélien Cassirame: «La società dell’Europa rinascimentale continuava a mantenere l’aspetto rozzo e inconditoto della stregoneria contadina e popolare, ma anche nutrire la dotta immaginazione di filisofi e teologi educati alla lettura dei classici della magia neoplatonica ed ermetica.» 176 the Renaissance making it, according to the chemical engineer and journalist Jacques Bergier, “the only para-religious practice that truly enriched our knowledge of reality.31” During their search for objects and magical types of material, the researchers also found real and useful substances such as sulphuric acid, hydrochloric acid and phosphorus. On one hand, we find during the Renaissance a natural and divine white magic that was never condemned by Europe’s main religion, Christianity. It was used by the Church to differentiate miracles and divine actions from black magic and necromancy, a “magical arcane art32” and prohibited by the teachers of the Christian faith. The witch hunt began in many countries against those undergoing research into the occult. Therefore, we can say that the Renaissance cultures were hungry for knowledge and tried to control the magic in which they still believed. Despite this strong belief in the mystery that exists during that time, René Descartes published his Discourse on Method (fig. 7), which laid the foundation for a research methodology to obtain what he would call «logical and demonstrable» results. This edition would not have been as popular without the help of a new machine that was released in Europe in 1450: Gutenberg offers Europe’s first printing press, making books and pamphlets more accessible to the population. Descartes used this invention, available in France, to publish his works in an, at the time, vulgar language: French. Non-biblical 31 BURCKHARDT Titus, « L’alchimie, science et sagesse », Encyclopédie Planète, Retz, 1964, p. 219, tranlasted from French by the author: « la seule pratique para-religieuse ayant enrichi véritablement notre connaissance du réel. » 32 ZAMBELLI, op. cit., p. 245 177 texts thus became more accessible than the contents of the Bible for a while, the Bible being translated 26 years later33. Other books were emerging: The medieval author seems to write for a public to whom magic, like knight-errantry, is part of the furniture of romance: the Elizabethan, for a public who feel that it might be going on in the next street. [...] Neglect of this point has produced strange readings of The Tempest, which is in reality [...] Shakespeare’s play on magia as Macbeth is his play on goeteia.34 Magic remains an integral part of everyday life for Renaissance Europe, whether in science or in everyday life. Their beliefs in these supernatural forces are strong and rooted in their cultures. However, unlike previous generations, they do not want to suffer, but rather to control and therefore have power to take decisions about their own lives. Later, Descartes’ methodology took over mystical belief to create a mythical Cartesian culture. This period of European history is called Enlightenment: a rationality based on an “absolute trust in man and in the indefinite progress of science and the human spirit.35” Thus, according to the philosophers of the Enlightenment, humans would be the complete master of there destiny. During this period of history, a resistance can be found against three traditional sections 33 « Nouveau Testament », Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes, [on ligne], http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/index.asp?numfiche=703 34 LEWIS Clive S., English Literature in the Sixteenth Century: Excluding Drama [1954], Oxford Paperbacks/Oxford University Press, 1973, p.8. 35 PIERRARD Pierre, L’Eglise bouleversée— de 1789 à 1945, Editions de l’Atelier, 1992, p. 10, translated from French by the author: « confiance absolue en l’Homme et dans les progrès indéfinis de la science et de l’esprit humain. » 178 of French society: the monarchy, the pyramidal state hierarchy and the Church. Indeed, the Christian religion had become an oppressive and corrupt regime rather than organized belief. By rejecting Christianity, we might think that the belief in magic and folklore would suffer the same fate. Religion, folklore and superstition being taunted by writers, political and philosophical, humans was left alone in a world where the ‘self’ has been simplified in part by Descartes’ thoughts, but remains also very unequal. Michel Maffesoli quotes Max Weber who speaks of “‘rationalisation of the existence’ It is this that leads to the famous ‘disenchantment of the world’.36”Unlike their ancestors, the Europeans of the time already recognized science in many natural facts. Answers about their reason for being, therefore, of Descartes’ “self”, did not bring them satisfaction. Disenchantment was such that in France we saw the Revolution in 1789, marking the end of the Age of Enlightenment. It is not surprising to see, during this time, the peak of a wave of magical thinking qualified by historians as Illuminism. Like their rational contemporaries, they seek the light from within, usually their god37. The Language and Literature professor Elizabeth Boucé explains: “Illuminism responds to a supernatural 36 MAFFESOLI Michel, Imaginaire et postmodernité, Synergie de l’archaïsme et du développement technologique, « Modélisations des imaginaires », Manucius, 2013, p. 11, translated from French by the author: « ‘rationalisation de l’existence’ C’est celle-ci qui aboutit au fameux ‘désenchantement du monde.’ » 37 « Illuminisme », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/illuminisme, (consulté le 16/12/2014) 179 and surreal demand as reality seemed insufficient.38” Thus, while retaining a degree of Humanism acquired during the Renaissance, this magical thinking was kept to bring back a dimension to their lives that had been robbed by the Age of Enlightenment. Magical thought was not completely removed from culture in during the Age of Enlightenment. We find little diversity in “fantasy” literature, all the while “fairy tales” were prolific. Boucé continues: “Thus, for example, on the eve of the Revolution, Charles Joseph Mayer published his Cabinet of Fairies in forty-one volumes, an extensive compilation of fairy tales (fig. 8).39” This collection includes tales of Charles Perrault, Madame D’Aulnoy and Jean Jacques Rousseau, and will then be completed by the tales of the Grimm Brothers. The Cabinet includes, amongst others, the stories of the Red Riding Hood, The Tales of the One Thousand and One Arabian Nights as well as Beauty and the Beast. The vast majority of these tales are considered polite, very conformist and hold a high moral potential. They are mostly based on folklore stories, transmitted orally and written down amongst others by Charles Perrault in his Tales of Mother Goose in 1697 (fig. 9). Today, Europeans know most of his stories, having had them read at the bedside of children by parents, or seen in films or animations. We can therefore conclude that 38 BOUCÉ Elizabeth, Spectres des Lumières : du frissonnement au frisson: Mutations gothiques du XVIIIe au XXIe siècle, Publibook, 2012, p. 23, translated from French by the author: « L’Illuminisme répond à une demande de surnaturel et d’irréel car la réalité parait comme insuffisante. » 39 Ibid, p.23-24, translated from French by the author: « Ainsi, par exemple, c’est à la veille de la Révolution que Charles-Joseph de Mayer publie son Cabinet des Fées en quarante et un volumes, vaste compilation de contes de fées. » 180 the Age of Enlightenment, despite its apparent rejection of religion and mystical beliefs, has not quite managed to erase the imaginary worlds from European culture. The author and folklorist Terri Windling explains this tenacity: Like wizards roaming magical forests, tales themselves are “form-changing”: elusive, mysterious, malleable, able to take very different aspects. This is where the heart of their power lies, the strength of their longevity.40 Since these tales can change shape, they can adapt to most geographic and historical cultures. As long as the moral values, mythologies, that these tales describe are able to “talk” to the greatest number of people they become universal, a concept studied by Roland Barthes in his book Mythologies41. 40 WINDLING Terri, « La Quête du Héros », Yellow Submarine, n° 129, (Les sentiers de la Faërie), Bifrost/Etoiles Vives, 1999, p. 47, translated from French by the author: «Comme les sorciers qui rôdent dans les forêts magiques, les contes euxmêmes sont des ‘changeformes’ : fuyants, mystérieux, malléables, capables de revêtir des aspects très variés. C’est là que réside le cœur de leur puissance, la force de leur longévité.» 41 BARTHES Roland, Mythologies [1957], Points Essais, 2014 181 From the Industrial Revolution to our own technological beliefs T hroughout the XVIIIth century rejection of the esoteric has taken a prominent place in Western thought, despite a still present belief in mystical forces. However, for a while, humans turned towards themselves throughout the Renaissance, discovering Humanism, and the Age of Enlightenment’s Rationalism. The late XVIIIth and early XVIIIth centuries mark a change of direction in these searches. The Industrial Revolution began with many inventions that mark the beginning of the modernisation of Europe. The Industrial Revolution, saw the creation of a new “natural force” - this time controllable. Thus were born the locomotives around 1830, animated objects used to transport goods or people (fig. 10). Upon her arrival on her tracks, this machine was the subject of many stories.42 She began to frighten people. These giants were creating a lot of smoke, various loud noises, spitting ash and were usually painted in dark colours. She could reach speeds previously unequalled by humans and travel vast distances while carrying tons of goods and passengers. This fear was translated into the culture of the time, including through poetry: 42 LE BERRE Aline, De Prométhée à la machine à vapeur: cosmogonies et mythes fondateurs à travers le temps et l’espace, Presses Univ. Limoges, 2004, p. 218 182 Admirons le colosse au torride gosier Abreuvé d’eau bouillante et nourri de brasier Cheval de fer que l’homme dompte43 This piece of the poem “Le chemin de fer44” by Auguste Villiers de l’Isle-Adam, rewritten in 1893 in Le Magazine Littéraire45, shows a machine transformed into fiery beast. It is an animal that humans must control in order to gain its benefits: Fierce-throated beauty! Roll through my chant with all thy lawless music, thy swinging lamps at night, Thy madly-whistled laughter, echoing, rumbling like an earthquake, rousing all46 According to the poet Walt Whitman in his poem “To a Locomotive in Winter”, the locomotive is not only a monster but also feminine. Like boats, these several tonne monsters are considered as female. When speaking of a locomotive in English, it is given the pronoun “she” normally reserved for women, rather than ‘it’ used for objects. An example of this personification can be found in Emile Zola’s La Bête Humaine, published in 1890. The main character can be considered as being Jacques Lantier’s locomotive named Lison. During the course of the book, this machine creates 43 VILLIERS DE L’ISLE-ADAM, Poésies, Oeuvres Complètes II, Alain Raitt et Pierre-Georges Castex, 1986, ‘Chemins de fer’, p. 848, «Admire the colossus with its torrid throat Steeped in boiling water and fed inferno Iron Horse that man subdues» 44 The Railroad 45 MIRBEAU Octave, Correspondance Générale, L’Âge d’Homme, 2005, Note de bas de page, p.651 46 WHITMAN Walt, Green Leaves [1861], Penguin Classics, 1961, ‘To a Locomotive in Winter’ 183 jealousy within women, becoming the representation of a mistress to her driver. This feminine soul would have been given during its construction: There was the soul, the mystery of manufacturing, it something that chance hammering added to the metal, as the worker’s knowledge gives to the pieces: the personality of the machine, life.47 Despite its strong connection to naturalism, Zola often includes a notion of magic in his fiction. A concept of the city such as buildings or new inventions find themselves anthropomorphised in order to then consume his characters. This soul contained in the elements of their environment is similar to the spirits that fascinate the Europeans of the time. Indeed, they had a morbid fascination with ghosts and spirits. The stories around them can be found abound. Several theories have been advanced to explain this fascination48. The first comes from the discovery of photography which we will study in the next chapter. The second theory is based around lighting. The Victorians went from using the candles to gas lamps. The light it produced being much more stable than its predecessor, the gas lamp still asked a lot more maintenance. A poorly maintained lamp created carbon monoxide leaks. A person inhaling the toxic gas would get hallucinations, the appearance of 47 ZOLA Emile, La Bête Humaine, Les Rougon-Macquart [1890], Bibliothèque de la Pléiade, 1966, p. 1127-1128, tranlasted from French by the author: «Il y avait l’âme, le mystère de la fabrication, ce quelque chose que le hasard du martelage ajoute au métal, que le tour de main de l’ouvrier donne aux pièces: la personnalité de la machine, la vie.» 48 ROBBINS Ruth, « The Victorian Ghost », LeedsMetUni, 29 octobre 2013, [en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=Bg94bRJLLj4 184 deceased family members, paranormal or even magical phenomena49. During the Industrial Revolution, another invention appeared that changed, among other things, how they were lit: electricity, the creation of a new artificial force behind normally inert objects that can also illuminate dark corners (fig. 11). This invention, misunderstood by most of its users, remains one of the most important in History. We will explore this mystical force in the second chapter of this book. What we can say now is that electricity is a power that we in developed countries cannot do without. Today, developed cultures emphasize and promote a Cartesian world-view. Most of the known natural phenomena now have a scientific explanation, and those freshly discovered are quickly explained. The few situations that we cannot explain are called to be resolved when technology and science advances. At the same time, we find that the facts we held as true are no longer. As explained Jean-François Lyotard in The Postmodern Condition, every scientific or historical discovery is made by a human, with his emotions, his political position, financial situation, which will all affect his or her position and therefore the results of his research50. These are more limited by the language used by the field, researchers will have tendency not to look in the area, and therefore will not find all the truths. He calls this the “language games51”. Thus, according to Lyotard, the truths on 49 Ibid. 50 WARD Glenn, Postmodernism, Teach Yourself, 2003, p. 170 51 LYOTARD Jean-François, The Postmodern Condition: A Report on Knowledge [1979], Manchester University Press, 1984, translated from French by Geoff Bennington and Brian Massumi, p. 10 185 which is placed postmodern society are actually interpretations, the great myths have ended. At the same time, magic dominates our popular culture. Most movies, books and video games are based on fantasy. Indeed, the researcher and specialist in modern fantasy literature Thomas Shippey says: “The dominant literary fashion of the twentieth century has-been the fantastic.52” With the advancement in special effects technology, or magical representation, it is not surprising that the world’s top 10 grossing films in 2014 are all fantasy / science fiction movies53 (fig. 12). Video games are mostly created in the same vein. We have thus an attraction to this force, a residue of our millions of years of history. According to Sigmund Freud: He finds that the scant satisfaction that he can force out of reality is not enough. “There is no getting along without auxiliary-constructions”, Th. Fontaine once said. The creation of the psychic realm of fancy has its complete counterpart in the establishment of “preserves” and “conservation projects” in those places where the demands of husbandry, traffic and industry threaten quickly to change the original face of the earth into something unrecognisable. The national reserves maintain this old condition of things, which otherwise has everywhere been regretfully sacrificed to necessity. Everything may grow and spread there as it will, even 52 SHIPPEY Tom, J. R. R. Tolkien: Author of the Century, Harper Collins, 2000, p. vii 53 « Yearly Box Office: 2014 Worldwide grosses », Box Office Mojo, [en ligne], http://www.boxofficemojo.com/yearly/chart/?view2=worldwide&yr=2014&p=. htm, (consulté le 12/01/2014) 186 that which is useless and harmful. The psychic realm of phantasy is such a reservation withdrawn from the principles of reality.54 We have, for most of us, the need to unleash our imagination and our dreams. The fantasy genre in all its forms creates what Freud called daydreams. These are important to humans because they allow they to imagine “phantasies” and then try to make them real. Ethan Gilsdorf, journalist and geek in his research book Fantasy Freaks and Gaming Geeks gives us ten possible reasons to escape to an imaginary world: 1. Blatant escapism (from problems: emotional, marital, societal-terrorism, economic). 2. Feelings of powerlessness (related to 1). 3. Desire to not feel ordinary, to feel ‘heroic’: to feel part of larger narrative (immortality?). 4. Too much leisure time (compared to peasant/farmer life - Monty Python ‘autonomous collective’?) 5. Urge (genetic?) to play-act primal human struggles betrayal, revenge, and overcoming great odds. 6. Safe way to express needs, fears and wishes. 7. Fantasy = good vs evil. Reality = too grey. Need simplistic world-view. 8. Connect with nature/magic - lost Eden? Pre-industrial time? 9. Reality overwhelming. News saturation. 10. Regress to childhood / relive childhood.55 54 FREUD Sigmund, A General Introduction to Psychoanalysis [1916], Gutenberg eBook, 2011, Translated from German by G. Stanley Hall.. 55 GILSDORF Ethan, Fantasy Freaks and Gaming Geeks: An Epic Quest for Reality Among Role Players, Online Gamers, and Other Dwellers of Imaginary Realms, Rowman & Littlefield, 2009, p. 41. 187 This list is non exhaustive, it does not include mere aesthetic pleasure or an inclination to stories, but all these reasons seem to question the place of the human according to the world surrounding him or her. Can he escape? What is its place, and is it central? Like their ancestors, humans today have the option to explore how magic can answer their questions. Like Freud: [Tolkien et Lovecraft56] both argued that fantasy was a necessary complement to reality, gratifying the desire for “imagined wonders” that the Primary World could not satisfy.57 However, neither Freud, Tolkien nor Lovecraft have experienced today’s world of digital technology. This world based on the manipulation of numbers to create visible effects operates on an invisible plane to the human eye. It allows the creation of an unimaginable number of other worlds. Today, we have a tendency to live in both worlds, the real and the digital. Unlike previous generations, we give a totally artificial and scientific dimension to Secondary58 worlds in which we spend a lot of time every day. In his research book As If: Modern Enchantment and the Literary Prehistory of Virtual Reality, the history professor and European Culture specialist Michael 56 John Ronald Reuel Tolkien was a British fantasy writer of the early twentieth century, known for his legendary trilogy The Lord of the Rings. Howard Phillips Lovecraft, his contemporary, is an American horror fiction author known for his work The Call of Cthulhu. Both have an international reputation in the world of fiction. 57 SALER Michael, As If: Modern Enchantment and the Literary Prehistory of Virtual Reality, Oxford University Press, 2012, p. 182. 58 Op cit, p. 31 188 Saler studied the ambivalent need to release ourselves in imaginary worlds while keeping a seemingly Cartesian logic. He explains: This self-conscious strategy of embracing illusions while acknowledging their artificial status, of turning to the “as if”, has become an integral to modern enchantment…59 It seems that scientific logic and technology has taken over European imagination, where animism is considered as primitive or archaic by many anthropologists. However, according to the sociologist Bruno Latour we have never been modern, that is to say we no longer live in a world of pure science60. In addition, the British philosopher Gilbert Ryle destroyed the Cartesian myth by replacing it with the ghost in the machine dogma: With the doubtful exceptions of the mentally-incompetent and infants-in-arms, every human being has both a body and a mind. ... The body and the mind are ordinarily harnessed together, but after the death of the body the mind may continue to exist and function61 The body and soul are therefore not divided as thought by Descartes. The first cannot live without the second during life, while the second can continue on even after the death of the first. Moreover, Lyotard asserts in The Postmodern Condition that we have lost faith in science, we have now a tendency to turn to other subjects to obtain other forms 59 Op cit, p. 13. 60 LATOUR Bruno, Nous n’avons jamais été modernes, La Découverte, 1997 61 RYLE Gilbert, The Concept of Mind [1949], The University of Chicago Press, 2002, p 11 189 of understanding62. We are still enchanted despite being aware of the unreal state of enchantment. If we continue in this line of logic, the technical objects we use should therefore allow a Cartesian explanation of their creation and uses. Most inventions found during the Industrial Revolution are ancestors of a large number of objects that we use daily today. As explained earlier, most of these objects have links to the paranormal. Indeed, as the science fiction writer Arthur C. Clarke says in Hazards of Prophecy: The Failure of Imagination: “Any sufficiently advanced technology is indistinguishable from magic.63” When technology advances, generally there are very few people who fully understand the way it works, including electricity, despite its centuries of existence. However we use this force every day, only knowing its results. Since, we have discovered, amongst others, nuclear energy and have invented ways of transmitting data including WiFi, Bluetooth and GPS. These technologies have evolved and remain largely misunderstood by their users. Indeed, the majority of objects that use such forces contain components, or other objects, which ensure their proper operation, and can therefore be called devices64. The contemporary philosopher Vilém Flusser gives a definition to the term device as “a complex toy, so complex that those who 62 WARD, op. cit., p. 173 63 CLARKE Arthur C., ‘The Hazard of Prophecy: the failure of imagination’, Futurists, Random House, 1972 64 « Appareil », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/ dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=2439922875;r=1;nat=;sol=0;, (consulté le 16/12/2014) 190 play with it cannot fathom it.65” This definition can be easily applied to the digital objects that we use today. Each of these objects’ components are created by different companies or different departments of the same company. Indeed, each of these components require a rather high level of technological and scientific knowledge (fig. 12), on that is out of reach of those who have not undergone extensive studies on the subject. Thus, each component is created by a specialist in his field, who does not necessarily as specialised in other fields surrounding the other components. We can conclude that the manufacturers themselves do not know themselves all the mechanics inside the object they helped invented. These objects thus create a link between a mystical force and a visible reaction to the human eye. Our ancestors explained this lack of understanding by consciously giving the object they used a soul. Today we seem to subconsciously do so. For example, we tend to blame the computer for a bug, not the programmer who is responsible for the glitch in the code. Therefore, we all seem to practice unconscious animism. 65 FLUSSER Vilém, Pour une philosophie de la photographie, traduit de l’allemand par J. Mouchard, Circé, 1996, p.40, translated from French by the author: «est un jouet complexe, tellement complexe que ceux qui jouent avec lui ne peuvent le percer à jour.» 191 192 2 Mediating objects between mystical forces and spirits We have seen the changes to magical belief in our history and can notice a constant in these transformations: animism prevails. Today, it can manifest itself in many ways: the object itself has a soul, or may become a mediator between the user and other spirits. Moreover, in our technological times, most of the objects we use every day are driven by forces that we could call “mystical”. 193 An animistic relationship to objects A s it was defined in the first chapter of this analysis, an object is a translation of a necessity to matter. According to Marshall McLuhan, media (his definition of an object) is “the extension of man”. Thus, they were created to complete a task that cannot be accomplished by the human body. An object adds to a body actions that he cannot do alone, and could therefore be seen as inherent. According to Simondon, this can be approached on two different levels: either unknowingly in early childhood when a person learns to use an object, accepts his capacities without questioning them, or consciously when the use of the object is taught in adulthood. In this case, the person will question how he or she uses the object, and may even change it to suit his or her body and way of thinking66. This second level is seen in the individual and in the human species. Allow me to give you an example through a historical summary of the morphological changes of an object (fig. 14): a stone was sharpened to cut through a hide that human hands could not tear, then a branch was formed into a pole and added to the sharpened stone to create a spear to kill prey and predators from a safe distance. Iron was discovered which allowed the spear to be hardened. The blade was extended and a grip added, the sword was created67. 66 SIMONDON, op. cit., p.85 67 LEROI-GOURHAN André, Milieu et technique, Albin Michel, 1998, p.26 194 Throughout this process, humans who designed this object have also kept in mind its purpose, hoping that it will never fail them. They established a very close relationship with the tools they used and created, to the point that they gave them souls. The fantasy writer Sir Terry Pratchett and folklorist Jacqueline Simpson joined forces to write The Folklore of Discworld in which they give an example of such a relationship: One of us recalls a metalworker shop staffed by very old men. When one of them died, his personal tools were left on the bench where he’d put them, untouched, and were gradually buried under workshop debris. It does not need a fevered imagination to see that in the days when tools were an expensive lifetime investment, shaped over the years to the owner’s hand, there would be a certain unfocused distaste for handling them after a workmate’s death68 German scientist Georg Ernst Stahl named this effect animism, or “a religious belief with active souls outside of the living being.69” For a human being, a soul is synonymous to having a personality and therefore a name. A very good example of this is the sword. The mastery of the creation of a blade provides the bearer a better chance of survival. A blade created by a master indicates the wealth of its owner. In his Encyclopedia of the Sword, Nick Evangelista says”One of man’s oldest, most valued tools, for the Viking, the sword was his named companion, for the samurai, his very 68 PRATCHETT Terry et SIMPSON Jacqueline, The Folklore of Discworld [2008], Corgi Books, 2014, p. 72 69 REY, op. cit., p. 600, ‘Animisme’, translated from French by the author: «la croyance religieuse aux âmes actifs hors de l’Être vivant.» 195 soul.70” It had such an importance in many cultures around the world that the blade was given a name and then a personality, the most famous of them in Europe being Excalibur. This fictional sword also has magical powers that are activated only by its designated owner, King Arthur. Despite the many versions of the story about the legendary king, all agree on the existence of the of this sword. Naming and giving a soul to an object, as discussed in the first chapter, existed throughout the course of History. Even today, we have a tendency to see our objects as having a soul of their own. Anyone who has owned a computer or tablet has probably, at some point during its use, insulted the machine when it behaved unexpectedly (fig. 15). Many anthropomorphic terms are used to describe digital objects, especially when they do not react the way we expect them to. For example, a computer that reacts to a problem in its programming because of malware is said to have a virus, “an organic substance (pus, saliva, etc.) capable of transmitting disease.71” A phone with a depleted battery is generally said to be “death”, a term generally used for something that was previously alive72. 70 EVANGELISTA Nick, The Encyclopedia of the Sword, Greenwood Publishing Group, 1995, p. xxiii 71 « Virus », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?24;s=317551755;r=2;nat=;sol=2;, (consulté le 02/01/2015), translated from French by the author: «substance organique (pus, salive, etc.) susceptible de transmettre une maladie.» 72 « Technologie et magie », Place de la Toile, France Culture, radio documentary, 08 June 2013, 06:56 pm, with Vincenzo Susca, Xavier de la Porte and Thibault Henneton 196 We can see today that animistic thinking is gaining in importance for some anthropology specialists. According to some of its definitions, modernism is characterized by its dualism. It uses Cartesian thought to separate the body from the soul, the human from the environment, culture from nature, and finally, the subject from the object73. Therefore, animism cannot be accepted as a process of thought as it merges everything that these philosophical thinkers have separated. However, in today’s society, and as explained above, we have a propensity to create human-to-human relations with non-human objects and entities such as pets, stuffed animals, or even our digital technologies. We have thus transformed them into subjects. Animals and digital objects, in particular, communicate with us (fig. 16), they respond to our actions by giving us information or changing their behaviour, rendering them animated. As explained above, we seem to have accepted other forms of understanding74, including animism. Another explanation for our animistic thinking in our digital society was given by Vincenzo Susca, a researcher at the Centre d’Études sur l’Actuel et le Quotidien, which he calls the “technomagic”. He gives the example of someone who throws a phone across a room when the person on the other end of the line has angered them. We thus have a tendency to place the blame first on the object, then later on the human75. Due to, or thanks to, science and rationalism, we no longer need explanations 73 VAN HULLE Dirk, ‘Modernism, Mind, and Manuscripts’, In : RABATÉ Jean-Michel, A Handbook of Modernism Studies, Wiley-Blackwell, 2013, p. 227 74 WARD, op. cit., p. 173 75 Place de la Toile, op. cit., 2013 197 for most of the phenomena around us. Despite this, we seem to turn to experience and emotion to explain events.76 According Susca, when a digital object does not react in the expect way, we see this as a betrayal. This is again evidence of a projection of our emotions into objects made by humans, it also shows how these objects have become profoundly intimate. Susca explains this intimacy by defining the difference between rational thought and magical thinking. Rational thinking is based on logic and seems to be the creator of technology, namely: logic technique. However, as we have seen, we do not seem to have a logical interaction with our digital objects. Susca defines these as “technomagical” as their users no longer use the brain or rationalization as the centre of the thought process77, the basis of magical thinking. An example given by the researcher is the use of touch screens in most digital technologies. Indeed, a non-tactile-screen button will change form once pressed, causing a chain reaction. Touching a panel with a finger without changing its shape, but still causing a reaction in the subject, calls to a sensation instead of rationalism. Despite this illogical reaction, we have readily accepted touch-screen technology. Today, most new inventions have a touch screen instead of buttons. At the launch of the first iPhone in 2007, Apple had chosen the slogan “Touching is believing78” (fig. 17). 76 Ibid 77 Ibid. 78 BOHRER Clemens, « Les Techniques de l’adjuration », traduit de l’allemand par David Dilmaghani, Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 113 198 Thus, according to Susca, we went from the Cartesian rationalization of the Enlightenment Ages to what we might call sensorialism. Sensations being a bodily subjective reaction, it explains how objects with reactions to our senses, such as touch screens, have become intimate. Continuing from McLuhan’s thoughts that media is the extension of humans, this intimacy has blurred the boundaries between the body and the technical object. For example, the connected health objects allow a visible interface to bodily functions normally invisible to the user, or an other person without at least some form of physical contact. Some of our items are following us everywhere, in places where technology has normally no place: an mp3 player on the bedside table used as an alarm clock, a laptop on the knees in bed during a night work session, a smartphone while using the toilet for fun during those lonesome moments. Injecting animism into an object is giving it a magical feature. As defined above, magic has a strong relationship to rituals, that is a number of predefined actions performed at specific times in order to get a required result. Normally kept to religious ceremonies, rituals are prevalent in our every day lives, even for agnostics and atheists. In a digital morning we check our phones for messages, turn on the TV for world news, validate our travel card at a terminal to enter to get to our train’s platform (fig. 18). We might call this habit rather than ritual. Whereas, a habit is a self-imposed action from which the person can turn away consciously, a ritual is usually imposed by an entity other than the person doing the action. However, technical and digital objects have all been designed by designers who have 199 thought about ergonomics and the actions that the user will have to do, as well as how they will be used, by imposing measures and thus create rituals rather than habits. As the sociologist Stéphane Hugon says “Technical act, physical act, magical-religious act all coincide.79” In addition, humans have an instinctive tendency, like many animals, of finding patterns in their environment. According to the journalist and founder of the Skeptic Magazine, Michael Schermer, the search for patterns have helped animals decide whether a situation is safe or dangerous, and thus help the species survive80. However, some phenomena occur at random. During his experience with a pigeon in a box, which receives food at random times, the scientist Burrhus Skinner discovered that his test subject, for lack of a pattern, created a ritual that it repeated up until it received food81 (fig. 19). This creation of rituals is something that humans also undergo, for example with the computer. Indeed, when a computer crashes, a human (who is not a computer technician), will usually try two rituals in the hopes that the machine will return to what it considers to be its normal state. He or she will first try the ctrl + alt + del rite by pressing the Control, Alternative, and then Delete keys to then end a process, forcing the program to close. If things get really bad, and the 79 HUGON Stéphane, « Soudain : la technique », Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 64, translated from French by the author: «Acte technique, acte physique, acte magico-religieux sont confondus.» 80 SCHERMER Michael, « The pattern behind self-deception », TED, février 2010, [en ligne], http://www.ted.com/talks/michael_shermer_the_pattern_ behind_self_deception 81 SKINNER Burrhus, « Superstition in the pigeon » [1947], Classics in the History of Psychology, [en ligne], http://psychclassics.yorku.ca/Skinner/Pigeon/ 200 computer does not respond, the ceremony to turn off and on the machine starts (fig. 20), usually accompanied by grunts and even anger from the user. Although the programming bug still exists and therefore can cause the problem once more, turning off and on a computer is done in the hopes that the machine works as it usually does when the start button is used. According to Nicolas Nova, many more rituals have been created surrounding digital objects82, some of which will be discussed further in the next chapter. Thus, we can see that, despite our hyper-rationalism supposedly remaining from the Enlightenment Ages, we continue to infuse animism into our new inventions. In addition, not only are digital objects less and less understood by users, they are also increasingly autonomous with their own souls. One could say that the more we continue towards full automation, the more our technology becomes more magical. 82 NOVA, op. cit. 201 A connection to other spirits, dead or alive W or alive. hen we add a spirit to our objects, we also have a tendency to use our inventions to communicate with other souls, dead While the phone is one of the best examples of an object with a soul, especially the smartphone, it is also the best example of communication with a soul. Indeed, as Erik Davis says: In a sense, the telephone is the ultimate animist technology. We associate sentient life with what communicates, and here was an inert thing full of voices.83 If we follow a rational way of thinking we could also agree with the following equation: what communicates is sentient, the phone communicates, then the phone is sentient. When someone uses a telephone, he or she will hear their correspondent’s voice in the small box, giving the impression that the object has trapped a part of his or her soul. This demonstrates an animistic thinking. However, the phone can “trap” a multitude of souls in its box. The phone has always had a connection with spiritualism. Indeed, its alleged inventors Graham Bell and Thomas Watson experimented by first asking twelve people to hold hands and create a circuit through which a low current is sent, allowing Bell and Watson 83 DAVIS, op. cit., p. 66 202 to talk successfully from different rooms84 (fig. 21). Using our imagination, one might recall seances where several people are sitting around a candle or a light bulb in silence holding hands in the hope that their combined energies will allow them to communicate with the dead. Born during a period of ghost obsession and spiritualism, it is not surprising that the inventors of the phone have also had a fascination with spirits who have left us. It is almost logical that they invent an object that allows two souls to communicate without being in the same room, or country. Erik Davis believes that: These days, of course, we are used to talking machines, and the ubiquity and pragmatism of the telephone has chased such animist perceptions back into the bush.85 The sociologist first explains that, in today’s society, we no longer feel this relationship between the mind and the phone, apparently we understand how it works. Based on the analysis of the previous chapter, I would tend to disagree. Indeed, only scientists with many years of study in the fields of technology, fully understand how the voice is transmitted from one device to another. Like computers, a phone with no more power in its batteries is said to be dead. Moreover, if we pick up a phone and do not hear a dial tone, we usually also say that the line is dead. The phone has been at the centre of our imagination (fig. 22), and perhaps even considered a scary object. 84 Ibid. 85 Ibid, p. 67. 203 Take the famous scene in Scream when the main character, Sidney, answers the phone and hears a scary voice (fig. 23). One would think that hanging up and then ignoring the phone would be a good idea (making it a rather short film). However, Sidney does not. The incessant ringing almost orders her to pick up the receiver and speak to the evil soul on the line86. It is also evident in every day life, when we frantically seek our phones while it is ringing in commanding tones, while it would be easy to call back once the phone found. Phones and other devices link us to others through forces that most of us understand little about. Hearing the voice of someone on the phone gives meaning to communication with a bodiless soul. Screens add to the impression of interaction with others and offers an enhanced visual stimulus. For this analysis, we will study the screens on digital devices. Jay David Bolter and Diane Gromala offer: When we look in the mirror, we see ourselves, and we see the room behind and around us – that is, ourselves in context. Digital interfaces are like mirrors in the sense that they reflect the user in context, including her physical surroundings, her immediate working or home environment, and the larger environment defined by her language and culture.87 86 CRAVEN Wes, Scream, Dimension Films, 1996 87 BOLTER Jay David et GROMALA Diane, Windows and Mirrors: Interaction Design, Digital Art, and the Myth of Transparency, MIT Press, 2003, p 27. Jay David Bolter est un professeur en New Media à l’Université de Georgia Tech. Diane Gromala est la directrice de Canada Research à l’école de Interactive Arts and Technology à l’Université de Simon Fraser. 204 Thus, the computer screen can display graphical representations of what cannot be felt by the body. It interacts with the audience not only by allowing them to choose what they want to see or hear, but also by offering the opportunity to create. The screen is now considered a window on the world, just like fantasy. Indeed, most of video games take place in fantasy worlds, and many of them have created a basic participatory fan base. According Susca Vincenzo, who joins the thoughts of Gilsdorf, participating through screens with others is also “surrendering to something greater than oneself.88” In addition to allowing the user to visualise things normally invisible or not felt, the digital display also allows him to interact with others in a way that other mediums do not allow. The History professor Theodore Roszak gives us a picture of someone using a screen: The vision is as follows: you are sitting in front of a bright screen, caressing the keys, looking at remarkable things at the speed of light. Words, pictures, images appear out of nowhere. Like a child, you begin to believe in magic again. And, because it does magic, a heady sense of power accompanies the action. You have the whole planet’s culture, there at your fingertips! All databases, libraries, archives, films, art museums, billboards, telephones and fax machines in the world are in this one box.89 88 Place de la Toile, op. cit., 2013, translated from French by the author: « s’abandonner à quelque chose de plus grand que soi. » 89 ROSZAK Theodore, The Cult of Information: A Neo-Luddite Treatise on High Tech, Artificial Intelligence, and the True Art of Thinking, University of California Press, 1994, p. 186, translated from French by the author from: «La vision est la suivante : on est assis devant un écran lumineux, caressant les touches, en regardant des choses remarquables sur l’écran à la vitesse de la lumière. Des mots, des photos, des images apparaissent de nulle part. Comme un enfant, on commence à croire à la magie une fois de plus. Et parce que l’on fait de la magie, un sens enivrant de pouvoir accompagne l’action. On a la culture de toute la planète, là, au bout des doigts ! Toutes les banques de données, les bibliothèques, les archives, les films, les musées d’art, les panneaux d’affichage, les téléphones et télécopieurs dans le monde sont dans cette seule boîte.» 205 The digital display allows another form of sensorialism, an illusory experience of sharing. This device is thus doubly magic. Not only it has a soul, but it also allows multiple souls to communicate. Unlike the phone that only works on the auditory senses, the digital display also works on vision and touch. An experience that some of us look for is the contact with other minds and souls, for example those of dead people. According to the British anthropologist E.B. Tylor, religion was partly created to explain what we happens to us after death: From the observation of the primitive [he] reflects on the experience of sleep, dreams and death, the origin and the succession of humanity’s main religious beliefs: the idea of the soul distinct from the body, worship of the dead and ancestors, belief in spirits, and of higher deities, finally in one unique god.90 We wonder about what happens to our souls after our bodies die, and if other minds evolve around us. For some, our souls exist, as described by Gilbert Ryle, and with other types of spirits, they interact with the objects we have created for this purpose, or through objects we use every day. An object with a strong relationship to ghosts is the computer. For the mathematician and philosopher Kurt Gödel, this is proof that our souls continue to exist even after our time on earth. 90 « Animisme », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/animisme, (consulté le 10/01/2015), translated from French by the author: «À partir de l’observation des primitifs, [il] explique par l’expérience du sommeil, du rêve et de la mort, l’origine et la succession des principales croyances religieuses de l’humanité : idée de l’âme distincte du corps, culte des morts et des ancêtres, croyance aux esprits, puis à des divinités supérieures, enfin à un Dieu unique.» 206 This early XXth century philosopher had a very singular imagination, which led him to become paranoid to the point that he ate only what his wife prepared for him, was a hypochondriac, and believed that ghosts lived in the bushes of Princeton University where he worked. He also proved through the use of Einstein’s theory of relativity that time travel was possible. However, Gödel was not a coot, his theorem has had a great impact on scientific and philosophical thinking: the incompleteness theorem comparing computers to humans. On the one hand the computer is regulated by its states, or axioms, that humans have programmed, so it is unable to work or move without human intervention. On the other hand, humans have an infinite number of states and can find axioms accidentally, because they are unable to understand themselves completely. We need others to unlock what we probably already know, but do not necessarily conscious of. We are therefore never complete. According to Gödel, there are conscious and logical beings living indefinitely, allowing them to find all the possible axioms to achieve completeness and thus refute his theorem. Gödel also believes in life after death, where our souls forever live in a world of mathematics in search of these axioms91. Thus, using the examples Ryle’s “Ghost in the Machine” dogma and Gödel’s incompleteness theorem, we can see that technical objects attract spirits, it is not surprising that we try to communicate through them. 91 CASSOU-NOGUES Pierre, « Gödel, Wiener, la cybernétique et les fantômes », Média Médium, Conférence à l’YGREC, Paris, 28 November 2014 207 Some objects have allowed us to see souls. A good example is the camera, invented by Niépce in 1826 using tin plates92. The link between the soul and photography is very strong, as we can see through some primitive and existing civilizations who believe that to be photographed is to have their souls stolen and trapped in the box. At the same time, photography was quickly adopted by Niépce’s contemporaries, and used by portrait photographers. Technology invented to create a photo asked people to remain motionless for several minutes. The picture that emerged was never perfectly clear. By contrast, a photograph of a person completely immobilized by rigor mortis for example will not have that problem. England’s Victorians knew this aspect of photography and took the opportunity to take pictures of recently deceased family members (fig. 24). On the other side of exposure, a moving person left only a white fuzzy trace on the first negatives (fig. 25), giving the effect of a spectre. In both cases, photography and photos confronted Europeans to their lives after death and the possibility that people recently departed are still present around them93. As well as trying to see souls, we also wanted to communicate with them. Yves Citton explains a theory that Professor Eugene Thacker has developed: Eugene Thacker couples the supernatural horror stories with medieval or Kantian ontology. He draws a 92 GERNSHEIM H. and A., A Concise History of Photography, Thames and Hudson, 1971, p. 20 93 Ibid 208 theory of anti-mediation, which seeks to show how, behind their functional unassuming communication, devices put us in contact with another world, another reality, where mediation always returns to what exceeds the haunting.94 This attempt to contact what some call “another plane of existence” seems to be as old as humanity, as can be seen with the existence of shamans since prehistoric times, and still today. The reporter for the BBC, and herself shaman (fig. 26), Corine Sombrun provides a definition of shamanism and its usefulness: “What I know of shamans of the time, is that it is a kind of link between the human and the spirit world.95” During Prehistory, as well as those who still exist today, shamans use objects made of raw materials to connect and communicate with the spirit world, as totems and amulets for example. Today, we have created new objects to create such a connection. An example is the ouija board used to create haunted writing during seances, also known as psychography or the art of writing unconsciously or under the direction of a spirit. Originally invented by the Chinese during the Ming Dynasty between xivth et xviith century, to replace sieve created 94 CITTON Yves, NEYRAT Frédéric, QUESSADA Dominique, « Envoûtements médiatiques », Multitudes, n° 51, 2012/4, p. 61, translated from French by the author: «Eugene Thacker accouple les récits d’horreur surnaturelle avec l’ontologie médiévale ou kantienne. Il en tire une théorie de l’antimédiation, qui cherche à faire apparaître en quoi, derrière leur apparence banale en fonctionnelle, les appareils de communication nous mettent en contact avec un autre monde, une autre réalité, où la médiation renvoie toujours à ce qui dépasse la hante.» 95 SOMBRUN Corine, « La transe chamanique, capacité du cerveau ? », TEDxParis, décembre 2012, [en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=Ym0kIECFi0U, translated from French by the author: «Ce que je sais du chaman à l’époque, c’est qu’il est une sorte de lien entre le monde des humains et le monde des esprits.» 209 haunting writing, under known as fuji , a technique that uses a board just as the ouija does today96. This spirit communication device asks participants to together touch a triangular shaped palette, which is then passed over a card or paper inscribed with letters, numbers, and two words, yes and no (hence the name ouija, French oui, and the German ja) (fig. 27). Normally, a spirit guides the participants, forming a word or a yes or no answer. If you believe in the esoteric, spirits exist and can communicate through objects. It is possible that the participants subconsciously, or rather consciously, write the words by taking control of the pallet without the others knowledge. The spirits seem to be trying to communicate with us through other objects, their primary function changed, an action called electronic voice phenomena, or EVP. An example is the audio tape, in certain circumstances, allows people to hear the voices of deceased people97. The untuned television also seems to allow people to hear the souls through the white noise created by the display. You can take the example of the answering machine and its ability to allow us to hear the voice of our correspondent knowing he was not present at that time. Davis asks several questions about the phone: “Does it talk, do we talk through it, or are those vibrations only the ghosts of ourselves?98” He goes on to describe the sensation of hearing on his answering machine the voice of someone who has just died. Even if the 96 MARTIN ELLIS Melissa, 101 Ways to Find a Ghost: Essential Tools, Tips, and Techniques to Uncover Paranormal Activity, Adams Media, 2011, p. 88 97 Ibid. 98 DAVIS, op. cit., p. 67 210 user knows that the person is deceased, his or her voice in the answering machine turns the object into a container for the soul, which explains the user’s reluctance to clear the message. 211 Interview with Audrey Breuer, medium, therapist J.L.: Could you explain your business first? How are you psychic? A.B.: Mediumship is, for me, as an increased sensitivity to which we all have access. We access a different level of awareness about who we are and what surrounds us. In fact, it is to be “in tune” with the feelings of the body and the heart. There are various types / events of “mediumship” In my case, I am able to communicate with the dead, and have access to cellular or generational memories of a person - his deep subconscious - to which I intentionally “connect” (with agreement of course!). Then, I help free this memory if it will help the person move forward in his or her life. It is difficult to explain this in a few lines! J.L.: You seem to have a special relationship to the objects you touch. Would it be possible to explain this relationship? How do you live it? A.B.: If we assume that everything on our planet is information, then touching an object is also «touching» the information it carries. Basically, a reaction/resonance happens between me and my energy/information, and the one that carries the object when I touch it. My reaction indicates whether we are “compatible” or not, basically if this object does me good, neutral or bad for me. This can be food, cosmetics, old or new objects. For example, it happens regularly but like a “burning” sensation such as when I touch chemical clothes or cosmetics with a chemical composition. This also happens when I eat something “wrong”: the 212 other day, for example, I ate a cheesecake that I was given. I felt in my hands the feeling that this cheesecake was not “compatible” with me, but as I did not want to bother my guests, I ate it. The result was not long in coming, and the first bite had barely reached my stomach, I could feel that “something was wrong”, a heavy feeling, tight solar plexus emotions, like sadness. I went to see the ingredients, and I discovered that they contained gelatin (I’m a vegetarian). It also happened when I bought bracelets made in Nepal by an association. Yet, from the moment I put them on, I felt very heavy, and they “burned” me too. I felt sad, my solar plexus reacted. Later, when I “connected” to the information contained in this bracelet, I could “see” something horrible had happened to the woman who had made it during her childhood. The bracelet was imbued with emotions she had never been able to express. So I had to “liberate” the emotions from the bracelet and then “format” it to be able to wear it. To finally give an example of a modern object, I am able to feel emissions from mobile phones. Last year, changing smartphones, I was horrified by the intensity of its emissions. When a friend would go in the next room, I could feel when he or she turned his or her phone off or on. I felt emissions “up my arm”, and such a great feeling of heaviness and choking at the solar plexus. Checking on the Internet, I noticed of all the phones available on the market at the time, this phone had the highest emissions. I remedied the problem by putting a sticker on my phone which changes its information (some stones have similar properties but this sticker sold by a friend worked better and has the particular advantage of being more discreet). 213 J.L.: Can you control this relationship? A.B.: I can try to ignore it but usually I regret it afterwards. It’s a bit like asking me if I could not feel: yes I can hold my nose, but is it really good for me to ignore what I hear from my heart and my body, especially when it is about my well-being? J.L.: Are their types of objects to which you have a stronger relationship (positive or negative)? A.B.: Crystals and stones, when they are of very good quality. Otherwise I never liked antiques. In general, strong reactions are primarily with objects (whatever they are) that resonate strongly with me, positively or negatively. This can be any object. J.L.: My analysis is concentrating on connected digital objects. Have you ever had a reaction to this type of object? A.B.: Yes, my phone, as explained above. Sometimes some paranormal phenomena may interact with the Internet connection to get my attention, and I have some friends whose mere presence can disrupt the connection. I feel most smartphones negatively. JL: How do you think this relationship is established? A. B.: It’s all about intent. A similar dish prepared by two people or in two different states of mind (happiness/anger) will not taste exactly the same, because everything is in the information. It is the same for books, which are nothing other than information that we «ingest» by reading. There are books that resonate strongly in us, we love hate them! This is the principle of resonance. 214 The importance of fundamental forces creating the world W hether to communicate with other spirits, or to obtain its own soul, the digital object needs to have access to one or more fundamental forces. These are powerful energies, most of the time artificial, which are only partially understood and controlled by the user, and sometimes even by its own creators. We can count many of these forces, most of them have been discovered or invented during the past hundred years. For this analysis, we will focus on the forces that have a strong impact on our daily digital life. We will look in particular at electricity and Wifi, including other connective forces. Electricity, from its research in the xviith century by William Gilbert99, was a fascination and a mystery to most people. McLuhan defines this powerful and magical power as a myth: For myth is the instant vision of a complex process that ordinarily extends over a long period. Myth is contraction or implosion of any process, and the instant speed of electricity confers the mythic dimension on ordinary industrial and social action today.100 99 HEILBRON J. L., Electricity in the 17th and 18th Centuries: A Study of Early Modern Physics, University of California Press, 1979, p. 169 100 MCLUHAN Marshall, Understanding Media: The extensions of man, The MIT Press, 1994, p.25 215 As most of our usual objects require electricity in one form or another, battery or an external power source, we can say that we live in a world of myths. Indeed, when it was discovered, electricity was described as “the electric fairy” (fig. 28). A fairy is a creature from folklore that helped humans in their tasks in exchange for food or gifts. According to superstition, you can leave milk and bread by the door in the evening for the fairies and elves in the hopes that they will perform during the night a task that is arduous for us. This belief has been transcribed into a fairy tale by the Grimm Brothers called The Elves and the Shoemaker. These magical beings came out at night in order to achieve for the cobbler the best shoes that the city had known. In exchange for their help, the shoemaker and his wife left them clothes, which the elves appreciated. The good couple saw them no more; but everything went well with them from that time forward, as long as they lived.101 Electricity behaves in the same way. Indeed, electricity has become an indispensable force in our lives, we cannot conceive more than a day without let alone one night. Despite Renaissance Humanism which aimed to withdraw from enslavement to God, and the hyper-rationality discovered during the Enlightenment Age, we have still found ourselves under a form of addiction. During the Renaissance, we tried to become masters of our destiny. Today, our dependency has changed. Most people living in developed countries can no longer live without electricity or even digital objects.102 101 GRIMM Frères, The Fairy Tales of the Brothers Grimm, Andrews UK Limited, 2011 102 Place de la Toile, op. cit., 2013 216 Thus, despite our Humanism and Rationalism, we still have a tendency to depend on forces outside of our total control, as we did with religion and the environment. According to our findings in the first chapter of our analysis, belief in magic still existed during periods of strong rationalism. In fact, humans cannot live without depending on a mystical force, or without a magical beliefs, even if they only control it partially. According to McLuhan, this is especially true for digital objects: Many people return to the occult, to extrasensory perception and any form of mysterious knowledge, to meet this new encircling electronic computing.103 Electricity has led to a new relationship with our items or renewed a pre-existing relationship if we compare digital technology to totems and primitive animistic objects. They are no longer only utilitarian, objects can now change function according to our environment, ourselves and our senses. Take a smartphone with its multiple applications that are used to “help” the user’s life. They change and mutate through design developments, but can also be removed when they become no longer desired by the user. Throughout these changes, the smartphone stays a smartphone but still ends up with different functions. Without electricity running through its circuits, the digital object is inanimate, dare I say, 103 CRISTANTE Stefano, « Le mystique du réseau », Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 111, translated from french by the author: «Beaucoup de gens reviennent à l’occulte, à la perception extrasensorielle et à toute forme de savoir mystérieux, pour répondre à ce nouvel encerclement de l’informatique électronique.» 217 lifeless, without a box function that can be changed according to the user only through decoration or damage but will do nothing more. Not only electricity creates animism, it has also allowed our imagination to invent connections between us and the spirits and even objects. According to Davis: Vibrating in the gap between life and physics, between matter and the unseen ether, electricity inhabits a liminal zone that calls down spirits and sublimities out of thin air.104 Electricity is a natural phenomenon that seems to come out of the sky. Take for example the lightning that seems to materialise in the clouds and then sent on earth. It is not surprising that we have taken them for divine wrath such as from Thor of the Norse myths or the Christian god. When electricity was discovered and attempted to be controlled, it was not a stable power source105. For example, the bulbs tended to flicker like candles did with a gust of wind or a passing spirit. It is not surprising that electricity was widely used in Victorian seances. This is confirmed by Davis: Since the seventeenth century, the electromagnetic imaginary has seeped into religion, medicine, and technology, and over that time has probably led to more metaphysical speculations, heretical claims, and wacky gizmos than any other natural force.106 104 DAVIS, op. cit., p. 40 105 « Incandescent light bulb », Wikipedia, [en ligne], http://en.wikipedia.org/ wiki/Incandescent_light_bulb 106 DAVIS, op. cit., p. 41 218 Indeed, electricity allowing animistic thoughts, as well as non-mechanical and/or autonomous movements, many magical objects have become real, meaningful and have appeared in our lives rather than in stories. The philosopher Edgar Morin adds to Clarke’s third law on technology, declaring: “Technology makes possible today what was yesterday magical.107” A major discovery, allowing for such magical inventions, is electricity, which, as we have just seen, is considered as being magic. One could conclude that designers invent even today magical items. Another philosopher, Ellul, describes the process that these designers use to think up new objects: It is as if in a dream world, the great wizard discovers a magical technique, applies it to reality, and suddenly everything is transformed.108 These wizards of our world are thus scientists and designers. The first discover the techniques or forces while the latter finds ways to apply them to our objects and thus our daily lives. Accompanying such masters of sorcery are magicians, specialists who know how to use a power, but do not know how to invent or discover. Before, it was the shamans who could communicate with spirits, or medicine men who knew the herbs and nature. According Susca, it is now the nerds and geeks109. We call them when we do not understand why a digital object is not working properly. Sometimes, 107 D’après Susca dans Place de la Toile, op. cit., 2013, translated from French by the author: «La technologie rend possible aujourd’hui ce qui était magique hier.» 108 BOHRER, op. cit., p. 117, translated from French by the author: «Tout se passe comme si dans un monde de rêves, le grand sorcier découvre une nouvelle technique magique, applique celle-ci à la réalité, et tout à coup, tout est transformé.» 109 LE QUÉAU Pierre, « La mémoire des pierres », Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 44 219 especially with electricity, strange devices are created. One of them is communication between the human and the object through invisible and intangible electric fields. This feeling seems to be only felt by those who have particular ability. Thus, the medium Audrey Breuer explains that she detects the good and evil forces of the world thanks to electromagnetic fields emanating from an object she touches, a person close to her and she sees through a screen. We seem to live in a world of magical communication. Today, people can instantly chat all over the world. The technology creating communication networks, GSM, has enabled the development of hundreds of mobile network providers, most of which also include Internet connections in their packages110. We can now be connected to the world by immaterial forces. The author and psychic, David Porush, offers an interesting theory: Every time culture succeeds in revolutionizing its cybernetic technologies, in massively widening the bandwidth of it’s thought-tech, it invites the creation of new gods.111 Monotheistic religions could not have existed without the invention of writing, which helped to universalise their dogmas to ensure homogenisation of belief. When Internet was invented and deployed around the world, we can say that an ancient god 110 GSMA, 2015, [en ligne], http://www.gsma.com/aboutus/gsm-technology 111 PORUSH David, « Hacking the Brainstem: Postmodern Metaphysics and Stephenson’s Snow Crash », Configurations 2, n° 3, 1994, p. 537 220 was resurrected: the winged shod Hermes, son of Zeus and the Pleiad Maia, messenger for his brothers. He was also said to be “fleet as thought112” as are our emails when our Internet connection is working properly. Davis says: Hermes rules the trans-temporal world of information exchange that you and I are participating in right now, myself as I tap out there pixelated fonts and you as you absorb their printed twins through your eyeballs into your brain.113 He seems to personify rapid information distribution. As Hermes (fig. 30) is a god and thus created by the magic of imagination, Wifi and other communication forces are entities that could also be classified as «magical». Like electricity, they are intangible and often misunderstood. I saw my teacher marvel at the execution of the procedure, looking for the connective cables between my laptop and the network printer and, finding none, finally not understanding anything at all. For him, who was unable to find a logical explanation for the situation, felt just like witchcraft.114 Just as humans use digital technology to communicate, digital objects use the Wifi and other connective forces such as Bluetooth or infrared. Not only can this 112 DAVIS, op. cit., p. 14 113 Ibid 114 BOHRER, op. cit., p. 113, translated from French by the author: «J’ai vu mon professeur s’extasier devant l’exécution de la procédure, cherchant des yeux le raccordement de câbles entre mon ordinateur portable et l’imprimante de réseau et, n’en trouvant pas, il finit par n’y rien comprendre du tout. Pour lui, qui ne réussissait pas à trouver une explication logique à la situation, cela relevait tout simplement de la sorcellerie.» 221 be described as a form of animism, even consciousness, it also occurs without our full understanding, and even independently. Many of us have tried to establish a wireless connection between a computer and a printer only to get error messages. I would tend to agree with British comedian Hugh Dennis who says: “My computer for, example, frequently tells me that he’s unable to connect with my printer. Clearly there’s some emotional turmoil going on.115” Which is, again, an animist statement. Today designers and researchers create more and more connected digital objects. These systems take their information from different sources, which are then sent to a “command central”. An example is the connected watch that gives you not only the time but also communicates with the user’s smartphone to get mail notifications, and weather forecasts. These physically separated objects are connected and communicate via a force, Wifi or another, automatically. So we can see three magical aspects to these systems: electricity to run them, the Wifi or 3G to enable them to accumulate information and automation so they can offer such information without request the user. The designer Dan Hill added a fourth level of magic to these digital objects: our body. Our very bodies are shaping our digital interactions. We are part of The Network, and not just intellectually, in terms of our projected persona and identity, but physically. The body is making The Network visible, legible. [...] We have a long understanding of how the body creatively interacts with invisible forces. If you watch footage of Jimi 115 DENNIS Hugh et PUNT Steve, The Now Show, BBC Radio 4, 9 Mai 2014 222 Hendrix, you can see how he used his body to shape his guitar’s feedback; the sound is produced by the interplay of his guitar, its pickup, the speakers, the room, and his body within an electric field, in space, over time. In similar fashion, sensors and actuators are also at play within invisible fields, equally shaped by the body, as well as objects and spaces.116 While electricity could be classified as a utilitarian force, Wifi, 3G and other connection networks have become immersive powers. We, the daily users of connected digital objects, have found our bodies absorbed by what Hill calls the Network. Not only do we use it, build it, and participate within it, the network also feeds off us. Most users of Google and Facebook are already aware of the fact that the information we provide is collected, analysed and then sold to other companies. They might not be aware that this information may also come from objects that “interact” with their bodies. Through connected digital objects, we are being watched and probably manipulated by the information that is made available to us. Indeed, via Wifi, 3G and other networks connected to the Internet, we can amass a large amount of information that we must then sorted through to extract the parts that interest us. Citton uses magical imagery to explain this. If media “informs” us it is rather the extent that they give form to a more spiritual communication which resembles bewitchment rather than knowledge. [...] The fragments of words, sounds, images that reach us from 116 HILL Dan, « 21st Century Gestures Clip’art Collection » In NOVA Nicholas, op. cit., p. 35 223 the “real” world look more like sorcerers’ vaults (locks of hair, nails, or relics through which they hope to affect the lives of distant people ) - than “facts” (“objective”) by the accumulation of which we can better “understand” our world.117 By creating the Internet and networks, we have opened a magic book we want to use without really understanding how the spells work. To address this lack, we have created objects, or amulets that help control these spells without the proper necessary knowledge. This lack of understanding is such that many rituals without effects, at least proven, were created around these connections. I do not think I am the only one who has walked around with my phone, my arm outstretched like a wizard’s wand, trying to catch some ribbons of network to make a call. As for laptops, users have been known to try different corners of a room to get a better Wifi connection. While electricity was used to try to treat certain diseases, such as those affecting the muscles118, connected networks have seen an opposite trend. Some people say they have an intolerance to Wifi networks. They suffer from Wifi disease causing headaches, palpitations and even dizziness, and would find 117 CITTON, op. cit., p. 59, translated from French by the author from: Si les médias nous “informent”, c’est bien plutôt dans la mesure où ils donnent forme à une communication spirituelle relevant davantage de l’envoûtement que du savoir. [...] Les bribes de paroles, de sons, d’images qui nous parviennent du monde “réel” ressemblent aux voults des sorciers (ces mèches de cheveux, ongles, ou reliques à travers lesquelles ils espèrent affecter la vie de personnes distantes) – bien davantage qu’a des “faits” (“objectifs”) par l’accumulation desquels nous pourrions mieux “comprendre” notre monde. 118 DE CAZELES Marsans, Second mémoire sur l’électricité médicale, et histoire du traitement de quarante-deux malades entierement guéris, ou notablement foulagés par ce remede, Mequignon l’aîné, 1782 224 themselves forced to live away from cities to escape radiation119. A few experiments have been implemented in order to prove the legitimacy of this disease, which at present have proven nothing120. This illness being psychosomatic or not, Wifi raises many questions facing the misunderstanding surrounding its functions and its side effects on the human body. It may be that, like many substances and ancient discoveries, these questions are answered, would mean the loss of these networks’ magical aspects. 119 MORFORD MARK, « Is Wifi making you sick? », Huff Post Tech, 28 juillet 2013, [en ligne], http://www.huffingtonpost.com/mark-morford/is-your-wifi-makingyou-s_b_3315685.html 120 PRESTON Elizabeth, « How to Convince People WiFi Is Making Them Sick », Inkfish, 13 mai 2013, [en ligne], http://inkfish.fieldofscience.com/2013/05/howto-convince-people-wifi-is-making.html 225 226 3 Creating magical objects In addition to a historical affinity for magical thinking including animism and rituals, we also tend to not only create objects with an esoteric purpose, but also to manipulate the forces that we can consider as being mystical. Taking into account human desires for wonder, we will study objects that are still part of our imagination, having never been created, but have a cultural importance. Then we will undergo a semiotic analysis of existing objects. 227 A quick intermission on semiotic studies. The study of signs began in 1690 with the philosophical works of John Locke, such as an Essay Concerning Human Understanding. They were continued by the American Charles Sanders Peirce and the Swiss Ferdinand de Saussure in the late nineteenth century, the period when American semiotics and Swiss semiology were developed.121 For Saussure, we believe in a language of signs and meanings. The first is the form in which takes the word, while the second is the concept that it represents. A furry four-legged pet, with whiskers and a long tail, the signified, is called cat, chat or gato, depending on the known language of the person who is stroking it (fig. 33). Language, as well as education and culture, is very important to Saussure as it will dictate the human’s response when looking at the signified. The Scandinavian Saami ethnic group have 180 versions of the word snow, and even more for the word reindeer122. This population will have a much more nuanced understanding in front of a reindeer in the snow than a Southern European before the same picture. According to Peirce, «we think only in signs.123» For the American, there are three levels of recognition of our world. We first look at the Representamen or the form which the sign or word takes, and then the Interpretant or the meaning of that word. The third level is the Object, which is represented by the sign124. For 121 CHANDLER Daniel, Semiotics: The Basics [2002], Routledge, 2007, p. 2 122 MAGGA Ole Henrik, « Diversity in Saami terminology for reindeer, snow, and ice », International Social Science Journal, Volume 58, n° 187, Mars 2006, p. 25–34. 123 CHANDLER, op. cit., p. 13 124 Ibid, p. 29 228 Saussure and Peirce, the relationship between the sign and the subject is very important. The American found three that are: • • • Iconic, sign resembles the signified but uses a different form of expression as a description, a drawing or even music. It describes what one can see of the object. Symbolic, an arbitrary mode based on the culture of the viewer, such as language and education. It represents what we must learn to have some understanding. Indexical, the sign is directly related to the signified in ways that touch our senses. Thus, we are all, more or less, able to understand the relationship.125 We will use these three relationships for our object semiotic study. 125 Ibid, p. 36-37 229 Fictional objects and a magical future I t is possible that, when we create an object, we add an element of wonder for the user. In any case, we seem to use a magical language code in our designs. David Rose, designer at MIT, describes six forms of magic that we would look for in our items. • • • • • • Omniscience. This is the desire to have great knowledge. We have a voracious appetite to know as much as possible and to know about things that go beyond facts and information. We would love to be able to predict what will happen in the future. Telepathy. We have a powerful desire to connect to the thoughts and feelings of others, and to be able to communicate with ease, richness, and transparency. We want to know others and to feel known by them. Safekeeping. We fervently wish to be protected from harm. To feel comfortable, safe, and at ease. Immortality. We want to be healthy, strong, fully capable. We dream of living long lives, vital to the last moment. Teleportation. We crave movement, to be transported easily and swiftly and joyfully from one place to another, and to live unconstrained by physical limits or boundaries. Expression. We all wish to be generative, to fully express ourselves in many forms and media—acting, music making, art, writing, cooking, dancing, documenting our lives.126 126 ROSE David, Enchanted Objects: Design, human desire, and the Internet of things, Scribner, 2014 230 Today’s designers are in constant search for technical objects that would help their users, while ensuring the inventor a substantial income. They tend to use one of these six magical desires, and probably others not quoted by Rose. Before the discovery of electricity, the power that animated objects without the need for human effort or animal, inventors imagined forces that could create the same effect. Thanks to magical thinking, we can find throughout History examples of inventors who have influenced today’s designers. One of the first inventors who have had a great influence on our technology today is the Ancient Greek engineer Heron of Alexandria (fig. 33). This mathematician and engineer created many animated objects requiring minimal human force to man, all the ancestors of objects that we know today. We can use as an example the vending machines or even fire pumps127. While most of these inventions had a primary use for the Ancient Greek: Most of [Heron’s] gadgets were wondrous rather than useful – magical machines that paradoxically eroded the cultural authority of the very rational know-how that stimulated their design in the first place.128 Heron especially created automatons for temples and religious places, first to simplify the lives of priests, but also to add to the architecture an added sense of spirituality to the lives of people living there. We can find inventions such as automatic sacrificial water dispensers129 or even a trumpet that is automatically blown at 127 WOODCROFT Bennet, The Pneumatics of Hero of Alexandria, Taylor Walton and Maberly, 1851, p. 23 128 DAVIS, op. cit., p. 19 129 WOODCROFT, op. cit., p. 51 231 the opening of the temple doors130 (fig. 34). Heron is also the source of many theatre mechanisms and automata such as statues in motion or even sound effects131. In all cases, these automata gave the impression to Heron’s contemporaries of seeing their gods animate their objects, giving another meaning to the theatrical expression Deus Ex Machina, or the god in the machine. Heron tried to bring wonder to the Greek culture, a mechanism that is rich today in films and even some plays. Myths were also the basis of Greek inventions. The ancient bards who collectively composed the Homeric epics even went so far as to imagine man-made objects that could reproduce the demiurgic spellcraft of their own chants.132 In the Iliad, druids imagined a shield on which are carved scenes of battles, agriculture and celebrations that come to life like a cartoon (fig. 35). You can see the beginnings of television. If we talk about the great inventors of our history, we cannot fail to mention the imagination of Leonardo da Vinci. Unlike Heron, da Vinci was particularly focused on improving the lives of his contemporaries, and had no desire to create wonder. This may explain why most of his inventions are now recognised as improvements to existing items133, wonder having been added by the original inventors. 130 Ibid., p. 37 131 McDONALD Marianne et WALTON Michael, The Cambridge Companion to Greek and Roman Theatre, Cambridge University Press, May 31, 2007, p. 154 132 DAVIS, op. cit., p. 13 133 GIBBS-SMITH Charles, The Inventions of Leonard da Vinci, Charles Scribner’s Sons, 1978, p. ix 232 The Industrial Revolution is synonymous to a time of many discoveries and a significant technological advances. Many concepts have emerged during this century but also many attempts from inventors to imagine the world in 2000. These failed inventions are the focus of a new line of research named media-archeology. These researchers have unearthed, for example, a description of an island containing futuristic objects to its author, Charles Tiphaigne of Roche. He predicted the video-phone as a mirror that allows the user to see people far and near, as well as photography through a coated canvas134. A lot of research have developed new concepts that could not be created. The Industrial Revolution was, among other things, a period of fascination for the afterlife. According to Yves Citton, the eighteenth century contemporaries invented many objects as mediators between the living and the dead. There are imaginary media for communicating with the divine, with the spirit world, with different forms of ‘Others’; others aim to transcend space and absence using telecommunication devices or to transcend time by allowing to talk to the dead or to see vanished cities; some participate in dreams of abundance, other dreams of freedom or political emancipation.135 134 TIPHAIGNE DE LA ROCHE Charles, Giphantie, A. Babylone, 1760, p. 132-133 135 CITTON Yves, « Les Lumières de l’archéologie des média », Dix-huitième Siècle, n° 44, 2014, p.3, translated from French by the author: «Il y a ainsi des média imaginaires destinés à communiquer avec le divin, avec le monde des esprits, avec différentes formes d’‘Autres’ ; d’autres qui visent à transcender l’espace et l’absence par des dispositifs de télécommunication ou à transcender le temps en permettant de parler avec des morts ou de voir des villes disparues ; certains participent de rêves d’abondance, d’autres de rêves de délivrance ou d’émancipation politique.» 233 These objects have remained fiction, but keep the spirit of wonder described by Rose. The areas of learning, reading and printing also had the right to their wacky inventions. In 1894, Octave Uzanne, author and bibliophile, imagined a world where sound advocated over the other senses (fig. 36). Uzanne wrote of a future world of publishing which would no longer rely on the ‘static’ printed page, delivering instead all content through voice (both live and recorded) using a platform which nowadays would best be described as “on demand”.136 He could not know that we have passed through, thanks to electricity amongst other forces, a visual world to into a world of information. This animistic mystical force has changed the way the inventors thought of their future, and thus their technical objects. Many of them found the inspiration for their devices in fantasy and science fiction. Indeed, the artifact has an importance in these genres, more so than in any other. They are an important part of the narration. The objects in fantasy are mostly based on existing and improved items. We can take the example of Tolkien’s iconic sword, taken from The Hobbit and The Lord of the Rings. Belonging to the main characters Bilbo and Frodo, Sting is not only a weapon, it is also an orcs and goblin detector (fig. 37). As the trilogy was written during the Second World War, it is possible that Tolkien was inspired by a new technology of the time: the radar. It was much used on 136 LUDOVICO Allesandro, Post-Digital Print: The mutation of Publishing since 1894, Ram Publications, 2013, p. 16-17 234 Allied war ships to locate German UBoats, as did his fictional characters. Unlike radar which only detect, Sting is a weapon, and thus has a dual function. It is also possible to find on the market a plastic sword in the form of Sting that allows the user to detect unsecured Wifi networks137. Some fantasy writers were inspired by new technology which they then changed to enhance their animistic component and add more features that might become real. A good example is Sir Terry Pratchett with his series The Discworld. He describes one of his inventions: Finally it has to be said that on the Disc there are certain low-grade demons who stay permanently in the human world, working inside pocket watches, picture-making devices, personal disorganizers, and similar contraptions. Some are eager to please, others distinctly surly. The lords of Hell never, ever, mention this.138 We can recognize here the digital watches with alarms, Polaroid cameras, and personal agendas, which are more fully described in his books and become more similar to smartphones. For Pratchett, objects which are for us digital gain a true soul. As described in the book Thud! of the series, they can also learn without human intervention.139 Science-fiction, fantasy’s cousin, is also a source of inspiration for today’s designers. One of the biggest source is the TV series Star Trek. Created in 1966 by 137 ROBERTSON Adi, « Bilbo’s sword Sting can detect unsecured Wi-Fi, not just orcs », The Verge, 31 décembre 2014,[en ligne], http://goo.gl/p8rlZx 138 PRATCHETT and SIMPSON, op. cit., p. 54 139 PRATCHETT Terry, Thud!, Doubleday, 2005 235 Gene Roddenberry, Star Trek imagines a universe filled with technologies that are as of yet undiscovered, but also a few that we use today. One of them is the mobile phone. The designer of the very first, Dr Martin Cooper of Motorola, clearly states that he was heavily inspired by the Communicators used by Captain Kirk and his crew to talk to each other remotely (fig. 38).140 According Nova in Futurs ? La panne des imaginaires technologiques, science-fiction can be used to predict the future of our technology and the direction in which our cultures are going. “There is obviously parallel to a magnificent and opulent future visions with apocalyptic futures, as science-fiction is often used as a whistle-blower.141” To know what we should avoid, we should draw our inspiration from films such as The Terminator. Let us use Edgar Morin’s remark: “Technology makes possible today what was magic yesterday.142” Today, it would be natural that all our magical thinking is replaced by our technological advances, we are apparently no longer amazed. However, according to Susca there is a “shift in thinking and designing from the one who created a technique and those who live it.143” Indeed, due to the 140 LAYTNER Lance, « Did Steve Jobs Study Star Trek? », Edit International, 2011, [en ligne], http://www.editinternational.com/read.php?id=4810edf3a83f8 141 NOVA Nicholas, Futurs ? La panne des imaginaires technologiques, Les Moutons électriques, 2014, p. 50, translated from French by the author: « Il y a évidemment, en parallèle à un futur magnifique et opulent, des visions de futurs apocalyptiques, puisque la science-fiction sert souvent de lanceur d’alerte. » 142 D’après Susca in « Technologie et magie », Place de la Toile, 2013, translated from French by the author: « La technologie rend possible aujourd’hui ce qui était magique hier. » 143 Ibid., translated from French by the author: « glissement de la pensée et la conception de celui qui a créé une technique et la manière dont elle est vécue. » 236 functioning complexity, the user understands only the use of the object, and sometimes finds it new applications. An example is the appearance of cameras on mobile phones. First created to allow us to take pictures of everything around us, this function has been hijacked by teenagers to take pictures of themselves and then post them on social networks. The selfie was invented while the mobile phone retains animists aspects for its users. We are therefore not completely demystified from our technological objects. In order to illustrate this wonder in the digital objects we use today, let us look at some examples. For that, and also to organise our thinking, we will analyse these objects in three ontological levels. We will classify into what Wittgenstein calls simple families of objects144. The first involves technological objects useful to one person at a time, who becomes the system’s only subject. We will call them the objects for the “self ”. The second has several subjects, and is generally intended to be used for communication purposes. We will call this family of objects communicating with the “other”. In the third, we will move away from systems intervening only with humans, to look at devices that examine the environment around them. This family will be named objects analysing the environment. 144 GLOCK Hans-Johann, A Wittgenstein Dictionary, Wiley-Blackwell, 1996, p.120 237 Objects for the «self» F irst of all, let us take a look at a new writing technology, the Wacom digital pen, Inkling145 (fig. 40). Let us remember the quote from Porush explaining the importance of new inventions for further communication, creating new gods. Writing is paramount invention. The pen, and its ancestors, could be called a divine creator. In fact, according to Walter J. Ong, a professor of English literature, “more than any other single invention, writing has transformed human consciousness.146” With it, history can begin, the facts are recorded on paper, and communication enhanced. To write, you need a very specific tool. Originally a reed pipe, the pen became a bird feather and then metal, only to return to its tubular shape as a pen at the end of the nineteenth century. The ballpoint pen, invented in 1938, will be massively popular during the 50s years147. Today, almost all of us have a pen in case of necessity. From a descriptive point of view, we can first note that Inkling is tubular with a point and buttons, along with a box forming a clip also featuring buttons. You must use the object to understand its iconic level. By sliding the tip of the tube on a flat, hard and slightly absorbent surface, such as paper, we can note that the point traces a fine line of ink. With our Western 145 « Inkling », Wacom, [en ligne], http://inkling.wacom.eu/ 146 ONG, op. cit., p. 77 147 « Stylo », Wikipédia, [en ligne], http://fr.wikipedia.org/wiki/Stylo 238 education, we can recognise in this object a pen. The clip, however, requires an additional step to recognise its use. After drawing shapes, letters or other, you will need to connect the clip to an external device with a screen in order to view the scanned drawing (fig. 41). Connecting the cable that links the clip to the device symbolically represents Peirce’s second level. The transfer of a tangible drawing composed of paper and ink to a digital medium gives another definition in Inkling. The drawing is vectorized (fig. 40) by the application, which calculates the curves to recreate the forms. There are therefore mathematical equations being calculated, part of the symbolic level. However, to understand how the Inkling pen works, one must read the leaflet that explains only a small part of the system, which allows the use but not the function. The Inkling pen’s description does not allow the user to understand everything about the object. We can see if the magical language brings different solutions. However, in terms of “magical thinking”, we can distinguish new analogies which explains the last level of Peirce: indexical. Sliding the tube’s point to create signs may suggest a wand creating hex signs around the sorcerer. The pen with multiple functions is similar to magic feathers that appear in J.K. Rowling’s Harry Potter. It contains anti-cheating feathers, which automatically answer the question, others that engrave the text written in the user’s skin, or those that transcribe spoken words directly to paper148. Inkling, thanks to its clip, has an additional function to a non “magica” pen. According 148 ROWLING Joanne K., Harry Potter, Bloomsbury, 2000 239 to Davis, writing, and the tool that is used, can be considered as a magical act: Though writing has become the most commonplace of information technologies, it remains in many ways the most magical. […] In fact, it is very difficult to gaze intentionally upon a page of script written in a known language and not automatically begin reading it.149 This reinforces Porush’s concept, making writing and its tool mystical. The digital pen is doubly magic in the act that it allows as well as its new features that give it an animistic component. Indeed, we will need to use this concept to explain the Inkling system’s capabilities, rather than trying to find answers in the manual. We may think that the ink has magical qualities that allows the clip to scan the page and then transfer the traces of ink to the computer. However, a simpler solution can be found. Through the cable, the pen and the clip communicate. As it is impossible to join the dialogue, an intimate bond is created between the pen and the device. The computer interprets what is sent to create an immaterial version of the piece of paper. Our designs provoke a reaction out of the medium from which they come. This possibility was conceived long before the release of the Wacom Inkling, among others in the manga series by Tsugumi Ohba and Takeshi Obata in 2003: Death Note (fig. 42). The main character, Light Yagami, finds a notebook with magical qualities. This allows 149 DAVIS, op. cit., p. 23 240 him to write the names of people he wishes to see die, adding a date, time and method. Death Note enhances the term “the pen is mightier than the sword” Light writes several hundred names in this book without ever having to touch the people he wants to kill150. Rose gives an explanation of our wonder of this type of object: The [digital] pen achieves a nice fusion between analogue and digital while preserving all the familiar characteristics that make a pen such a pleasing tool. It looks like a pen, works like a pen, but is much more than just a pen. Although you love it for its extra capabilities, its essential “pen-ness” isn’t compromised.151 Inkling allows for one of Rose’s desires to be fulfilled: the opportunity to fully express themselves in different forms. The pen takes a second feature, like many of our technological objects. Another type of digital object useful to the individual can be found in the medical field. Also according to Rose, we are constantly in search of eternal life. Apparently, according to the Time Magazine, children born today have a life expectancy of 142 years152 (fig. 43). To enable this, multiple devices are emerging to help us maintain a lifestyle conducive to longevity. One of them is the Cue, developed by the eponymous American company153. 150 OBATA Takeshi et OHBA Tsugumi, Death Note [2003], Shonen Jump Advanced, 2007 151 ROSE, op. cit., p. 102 152 CARSTENSEN Laura, « This baby could live to be 142 years old », Time Magazine, février/mars, 2015, en couverture. 153 Cue, [en ligne], https://cue.me/#inflammation 241 Cue (fig. 44) is a system composed of a small coloured box in which you slip a stick containing a sample of our body and which is then inserted into a larger white box. From a Cartesian point of view as well as symbolic, we can understand that each colour corresponds to a different analysis and each gives a specific code to the central white box to indicate the exam to practice. The user will be able to perform his or her own analysis and send the results to a site that will sort out the information graphically, rendering them understandable to the non-doctor user. Cue contains various symbolic elements, such as different box colours. Associating a colour to a pathology gives an association propensity of that colour to a molecule in our body. The vitamin D deficiency test is done using the yellow box, the colour of the sun whose rays facilitates the natural production of this vitamin. A second level of reading brings additional elements. With these colours as well as data-vision created by the website receiving the information, we seem to be able to see organic substances and there quantitative variations. We no longer need the laboratory, the microscope and the medical knowledge normally required to understand the figures obtained by the analyses. It is assumed that the white box contains the necessary substances to reveal molecules in the sample and includes algorithms for the analysis. As the digital pen and its case, a connection is made between Cue and an external device. 242 According to Whitney Erin Bosel, Cyborgology author: Biomedicalization has not fully replaced medicalization. Though his doctor may be the ‘expert’ on matters of medicine-most-generally, through technology-enabled observation and detailed, quantified records, the self-tracker is certain of being the expert on himself.154 Through this system, the user becomes his or her own doctor and lab technician, for some particular situations. The user can make the decision to improve their quality of life. In the amount of information provided and the ease to get them, the user will have the option of following or not some or all of the recommendations offered by the application. A third level of reading allows us to discover the magical aspects to the Cue. To understand how it works, we must, like the digital pen, make assumptions. It is first of all certain that there is something in the white box that acts on the samples of blood, buccal or nasal mucous, separating the molecules for analysis to keep only those of interest. This molecular separation is now generally done in laboratories by chemical, mechanical or electrical processes, the alchemy of modern times. Indeed, not only does this box performs chemical interactions resembling alchemy, its purpose is to extend the life of the user, which is akin to the search for the Philosopher’s Stone. It may be that the creators of the Cue have succeeded in creating a box of elves in a miniaturized laboratory performing the 154 BOSEL Whitney Erin, « Empowerment Through Numbers? Biomedicalization 2.0 and the Quantified Self », Cyborgology, [en ligne], http://goo.gl/bfJqLZ 243 examinations in record time. We find such beings in the Discworld series by Terry Pratchett155, where tiny gas constituted demons are locked in boxes as painters (the camera) or organizers (PDAs). It is also possible that Cue does not make these separations. It could be analysing everything then sending all the information which will then sorted through by the application installed on the external device. This feature is similar to the Tricorder156 (fig. 45), a multi-analysis device, found in Star Trek. In both cases, the information gathered by the white cube can be found in our smartphones or computers. This time, the manual (or the associated site) explains that this connection is done through Bluetooth technology. This requires the proximity of both objects so that information remains transferable. There is therefore a constricting relationship between these two objects. Like the exchange between human, the boxes need to be in view of each other to be able to transfer. In addition, they do so independently without the Cue’s user control. We thus find animist aspects in this system. After these two examples of technological objects that are centred around the user, we will explore two that focus on communication with others. 155 PRATCHETT, op. cit. 156 « Tricorder », Memory Beta, [en ligne], http://memory-beta.wikia.com/wiki/ Tricorder 244 Objects communicating with the «other» A s we saw in the second chapter of this analysis, the phone is the perfect animist object. Originally, in the late nineteenth century, crank boxes joined by cables, this device is becoming increasingly independent today to become completely mobile. The most used version in developed countries is the smartphone, a smart phone. The model that has made the most sales in 2014 is the Samsung157 S5 (fig. 46) and will be the object studied158. At Peirce’s first iconic level, the S5 smartphone is a black, white or coloured rectangular plastic or metal box, with a button on the front and sides. Of the objects studied so far, it seems the simplest. It has no parts that can be assembled and is not composed of several elements. You will therefore need to press one of its buttons located in the centre of the box to turn the phone on. The centre button on the display face is also the largest. We can deduce, with some ergonomic knowledge, that it turns on the unit. Because there are no other buttons forming a keyboard, a touch screen appears. One must touch the images that appear there to use the features. These images, icons, open applications and operate new features in the box. The S5 suddenly becomes a very complex object. 157 « Smartphone Vendor Market Share, Q4 2014 », IDC, [en ligne], http://www. idc.com/prodserv/smartphone-market-share.jsp 158 « Samsung Galaxy S5 », Samsung, [en ligne], http://www.samsung.com/global/microsite/galaxys5/ 245 To try to understand it, we will be using Peirce’s symbolic level. Through a network, the S5 allows telephone communication, and Visio conference to those who paid for this service. It also allows other forms of communication that have emerged over the past decade, including text, images, video, and all possible combinations of these elements. In addition, these networks which were originally dedicated to voice communication also allows the user to connect to the Internet through 2.5/3/4G159, Wifi, Bluetooth or infrared. We can use our smartphones to get information, play or even create agendas. The phone cannot perform all these functions alone, it will need the help of applications (fig. 47), which are inscribed in its code. Icons, and their activation, transform the function of the box. It brings together multiple objects in a single device, while keeping the same ergonomics. According to Rose, this multi-functionality still hides a certain coldness of use. Screens fall short because they don’t improve our relationship with computing. The interfaces don’t take advantage of the computational resources, which double yearly. The devices are passive, without personality. The machine sits on idle, waiting for your orders. The Terminal World asserts a cold, blue aesthetic into our world, rather than responding to our own. Even the Apple products, celebrated for their hipness, are cold and masculine compared to the materiality of wood, stone, cork, fabric, and the surfaces we choose for our homes and bodies. Few of us long for garments constructed of anodized aluminium with a super-smooth finish.160 159 GPRS or General Packet Radio Service 160 ROSE, op. cit., p. 50 246 There is therefore only rationality in an S5, emotions do not belong. However, Susca has shown previously that using the touchscreen calls to the sensory and thus Peirce’s indexical level. The delicate touch turns the box into an object seemingly able to do everything (except coffee, get the newspaper and take the dog out). The S5 allows users to connect to multiple people, known and unknown, and thus constitute a network in the palm of his or her hand. As a phone, it traps the voices of the people with whom we communicate, as well as their faces. It makes them available to communicate at the press of a button and the touch of a screen. We are far past the need to have an operator facing a cable panel creating connection requests with correspondents. With applications such as Facebook or Find My Friends, like a crystal ball, a smartphone can observe the doings, sometimes without their knowledge, of people. We can almost have the ability to telepathically know what a person thinks without telling us. We gain omniscience with an Internet connection and through applications that are in our smartphone. Rose continues: The smartphone does not have a predecessor in our folklore and fairy tales. There is no magic device I know of whose possessor stares zombielike into it, playing a meaningless game, or texting about nothing. It does not fulfill a deep fundamental human desire in an enchanting way.161 161 Ibid 247 Now we have seen that the S5 meets at least two desires of wonder. I still agree with Rose on the fact that the smartphone may induce automated and repetitive behaviours in the user, and thus a certain dependence. This phenomenon, observed in some generations may affect any user. It has been explored in a documentary by the journalist Pierre-Olivier Labbé, released in February 2015 named Digital Detox. Exploring the possibility to live 90 days without Internet, nor smartphone, Labbé discovers the fear of digital death, but also several new phobias such as FOMO, Fear Of Missing Out, or nomophobia, No Mobile Phobia162. In addition to sound signals requiring immediate action, our smartphones have become dictators to many users. We are not amazed by this digital technology, but rather spellbound and probably imprisoned in Dan Hill’s Network. If the S5 tends to enslave us, we might think that Google Glass163 (fig. 48) increases this dependency. Invented by Google X team of the eponymous company, it was launched on the American market as an initial release in 2013. Two years later, because of falling sales, Google withdrew the Glass and gave its development to the ex Apple executive, Tony Fadell164. What does the Glass look like? We can find two glass rectangles rimmed by a frame. One side has a small rectangle passing in front of a glass. Anyone keen on optics can recognize a pair of glasses. They do not, however, necessarily have the ability to identify this suspended rectangle. Rose, who was able to test the Glass before its recall, describes it: 162 LABBÉ Pierre-Olivier, « Digital Detox », Canal+, 25 février 2015 163 Glass, [en ligne], http://goo.gl/LrkHMU 164 D’ONFRO Jillian, « An insider’s look at the tumultuous launch of Google Glass », Business Insider UK, 28 février 2015, [en ligne], http://goo.gl/GQ9Q0E 248 The distinguishing feature is the small screen, about one centimetre square, built into the frame and positioned about a half inch in front of my right eye.165 This rectangle is, thus, a screen that has the ability to display information. Like the smartphone, the Google Glass is simple on an iconic level. However, to use them, training is needed according to Google who created Base-camps, allowing users to be trained by the company’s employees. On an indexical level, we learn that the Glass reacts to touch and voice. To turn it on, one must say “Okay, Glass!” Just as the commercials where we hear the actor say, “Ok Google, show me the cupcake frosting photos.166” A menu appears on the small screen, which is selected either vertically or horizontally by touching the frame on the screen’s side, or by saying the word in the menu. The Glass therefore uses Head-up Display technology, which, according to the definition by L’Internaute, is a “projection system on to the windshield of vehicle, allowing the driver not to look away from the road.167” Beyond the user’s vision and hearing of the world, he or she also collects information from this small screen. He or she hears the videos’ sounds with small speakers in the branches. He or she could be somewhat distracted by this device: 165 ROSE, op. cit., p. 66 166 « Appli Google : Des cupcakes presque parfaits », Google France, 9 juin 2014, [en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=s5_h2t2YsIE 167 « HUD », L’Internaute, [en ligne], http://www.linternaute.com/dictionnaire/ fr/definition/hud/,; translated from French by the author: «un système de projection sur le pare-brise d’informations relatives au véhicule, permettant de ne pas détourner le regard du conducteur.» 249 So, even if we’re not staring directly into our smartphone or television, our peripheral vision will be saturated and distracted by dense, fast, colorful information and content that swirls at the edge of our view—as Google Glass would have it.168 To reach this information, Glass can connect to networks using smartphones. With its speakers, microphone and camera, all integrated into the frame, this system has all the capabilities of a smartphone. We can thus make a call by voice command without using any objects resembling a smartphone, or take a picture without a camera. The Google Glass, therefore changes its function as soon as you say “OK Glass!” and creates a double visual and noise level for the user (fig. 49). Thus, it would have a similar Cartesian reading as the smartphone, but significantly different in a magical thinking mode. The latter is reflected in the form of an indexical relationship between Glass and what it means for the user. The frame shape with its space for the nose and branches prompt the user to put the glasses on his or her nose with the screen before his or eyes, like some mythical helmets. An example is the Tarnhelm found in the opera Der Ring des Nibelungen by Wagner which can render invisible or change the shape of the holder169 (fig. 50). The use of the Glass through voice and touch generates more meaning and emotion than simple touch screens. Thus, we discover once again Susca’s theory. 168 ROSE, op. cit., p. 41 169 BASSETT Peter, The Nibelung’s Ring: A Guide to Wagner’s Der Ring Des Nibelungen, Wakefield Press, 2003, p. 40 250 Like the smartphone, the Glass imprisons many souls in its speakers. It goes further by automatically sending notifications to the user, and by responding in writing on its small screen, as does Google searches on smartphones, or Siri on iPhones. We can experience a conversation with Glass as one would with a human being. During a conversation the other answers back to us in writing on the screen in front of our eye. We have an external soul to ours, resting on our face, which can act in our world by distracting us. We may, once again, be spellbound by this soul that can send ringing and visual orders to which we must obey, making the device dangerous during any human activity. The Glass allows omniscience and causes, despite its design flaws, a magical feeling for the user. In addition to giving us the ability to communicate with others, it shares us information about our environment, interesting places and weather. Other digital objects are specifically designed to analyse the environment, and will be the focus of our next study. 251 Objects analysing the environment T he first object we will study guides us in our travels: the GPS or Global Positioning System170 used for example by the TomTom sys171 tem (fig. 51). On Peirce’s first level, the TomTom is composed of a box, buttons and a touch screen which, once lit, displays a map. When we move, an arrow is displayed to indicate which direction to take, what path to follow. An option is given to the user to add sound, a voice that describes the route as well as gives alerts. The map is repositioned to inform us of upcoming turns. To calculate the route from the pre-loaded map in its memory, the user needs only to indicate his or her final destination. Using localisation to find the starting point, the GPS calculates the shortest route between these two points. In view of the information presented by the TomTom, in addition to the routes, it is assumed that the memory also contains information on the location of tolls, danger zones (formerly speed cameras) and other points of interest for the traveller. Knowing the GPS system, and using Peirce’s second level, we know that above the box is a constellation of satellites that are involved in this localisation. We travel looking at a graphical representation of the world around us. These cards give the traveller a direct route 170 GPS, [en ligne], http://www.gps.gov/ 171 TomTom, [en ligne], http://www.tomtom.com/fr_fr/ 252 to his or her destination by displaying the road names and numbers. Will Pavia from The Times comments on this: Motorists following Google Maps through Wiltshire may be told to “exit on to the A303 toward Andover”, but they may have no idea that they are passing Stonehenge.172 The GPS’ user will not have the opportunity to discover the remarkable sites that he or she crosses. Due to the TomTom’s automation, the user will never feel the need to buy a paper map that will require him or her a constant switch between it and the road. There seems to be a loss of context for the traveller; a vacuum forms in his perception of the world between the starting and arrival points. Indeed, when driving while being guided by the voice and screen, the user only has the reflex to make sure he or she is safe behind the wheel and complies with road traffic laws. In addition, the TomTom’s interface needs to be simple, to facilitate a quick understanding. The traveller will have less of an incentive to look around to identify the landscape’s remarkable elements that could guide him to his or her destination (fig. 52). We could say that the GPS tends to disenchant the user. However, if we look at it on an indexical perspective, we can see the use of magical thinking. By studying the unit in this way, we will highlight notions of wonder. First, the GPS seems to contain the world. Although it first needs to download a collection of maps, when we are heading to an unknown place, the system can still guide us. 172 PAVIA Will, « Heritage wiped off the map as sat-nav puts motorists on road to ignorance. », The Times, 29 août 2008, [en ligne], http://www.thetimes.co.uk/tto/ news/uk/article1927000.ece 253 Moreover, as the TomTom shows what the eye does not see and what we can not predict, it changes the human body’s perception abilities by making us omniscient. The object itself, also, becomes omniscient. Some GPS systems have automatic updates included. Thus, when new roads are built or new danger zones installed (radars), the TomTom knows. This could make us think of many magic items that are larger inside than out, such as Mary Poppins’s bag (fig. 53), Doctor Who’s police box Tardis (fig. 54) or the Chronicles of Narnia’s wardrobe (fig. 55). In this larger in than out box, you can also hear a voice. We are no longer solely guided by the map’s graphics, but also by audio instructions. The actors’ voices are usually recorded to simulate a normal conversation. Hence we have the impression of having a small omniscient being sitting on the car’s dashboard. When it is not automatically updated and the roads are changed, or the user decides to take a different route than the one suggested, he or she may get lost. The excuse usually given is: “There was a problem with the GPS.” Just as our response to conversations that displease us on the phone, we tend to incriminate the object first, then the person who has not used it properly. The TomTom’s function is to indicate the traveller’s route. It analyses only one aspect of the human environment. There are, however technological objects that include other aspects. An example is the Mother (fig. 56) by Sen.se, created by Franck Biehler and Rafi Haladjian, who also invented the Nabaztag173. 173 « Mother », Sen.se, [en ligne], https://sen.se/store/mother/ 254 At a first glance, Mother is a system composed of a white plastic figurine and small coloured capped plates. After reading the instructions, we learn that we need, in addition, an external device to view information that Mother will produce. To use Mother, choose the object you want to analyse, assign it a coloured plate and attach it to the object. Thus, again according to its manual, the Mother system can help the user control his or her coffee consumption (fig. 57), teeth brushing or even door passage. Like the previously analysed Cue, Mother uses data-vision, allowing us to quickly interpret a set of data which can be complex to study. The colour plates are sensors that send information to the central figure, the Mother. The information is then sent to an application. These sensors, called Cookies by Sen.se are described by the site as multifunctional. We can hypothesise that each Cookie contains a collection of different sensors such as thermal or an accelerometer. The site explains that every Cookie analyses all that is going on in the house. Only when the user has assigned a function to Cookie through the application, the information will be sorted through. Using of Mother seems very simple. It is a bridge between the household’s objects’ movements and their users. Mother turns the house into connected home. More than any other objects studied, it seems to use many codes of magical thinking. This figure seems to refer to the prehistoric statuettes of women such as the Venus of Hohle Fels (fig. 58 and 59). Like these antiquities, Mother has a simple but distended shape. Thanks to the drawn two points and line, one recognises a face, and a head is suggested on a well rounded body. 255 In addition, this statue is at the centre of the system, without it the user will not receive any information. It seems to have the same magical abilities as the Venus: a family protection amulet. This hypothesis is supported by the system’s name: “mother”, the member of the family that usually represents care and protection in the household. It therefore seems to have an animistic propensity, another little soul who has knowledge of what is happening throughout the house, which protects and improves the quality of life. This is reinforced by the fact that the face of the figure lights up when it receives data or wants to inform the user that new data is available. Mother communicates with us through light and sound signals (fig. 60). Its eyes and smile light up, while issuing a chime, and, thanks to a paid service, can trigger a phone-call. Furthermore, the system creates new rituals, we regularly read the data sent by the Cookies. However, this “mother” cannot work alone. It is surrounded by other small creatures that informs her what happens in the home. All these Cookies function identically, they seem to be able to determine their own use. Communication protocols between Mother and Cookies are not visible. Mother appears to satisfy Roses quoted desire: • Omniscience, it generates the user’s, and knows what is going on around the house. • Telepathy, it informs the household members’ position with the locator Cookie. • Immortality, helping to improve their surroundings. • Conservation by warning of unusual opening and closing of doors. 256 The objects studied are examples, amongst others, of systems incorporating digital components. Most closely follow magical thinking codes on an indexical reading level. They allow us to realize that we are in fact much more enchanted by their use than we thought. 257 258 Conclusion 259 After the analysis of different technical objects, we can see that magical thinking is based heavily on the misunderstanding of the latter by the user. If we really wanted a full explanation of how they work, we need to remember the quote by the astrophysicist Carl Sagan: “If you wish to make an apple pie from scratch, you must first invent the universe.174” We would need to start from the Big Bang to have a complete explanation of technical objects, but no one has all the necessary knowledge to understand everything. It is for this reason that systems used have their uses and features explained. We have found that the digital objects that have interested us are composed of multiple components, which have been designed by different people. These designers will not have all the scientific knowledge to explain everything in a device. Science itself is yet able to answer all the questions we ask. Indeed, research, although very advanced, has not yet discovered everything about our world. Some discoveries refute the assumptions that we thought already demonstrated. An example is the popular belief that Viking helmets were horned. It was recently discovered that this belief comes from a mistake during an archaeological analysis which then spread to Western culture, for example through the Tarnhelm in Der Ring des Nibelungen by Wagner. Today, archaeologists have found evidence to indicate that Viking helmets were destitute of horns175. We cannot be certain of our knowledge, 174 SAGAN Carl, Cosmos [1980], Random House, 2013, p. 485 175 J. P. P., « Did Vikings wear horned helmets? », The Economist, 15 février 2013, [en ligne], http://www.economist.com/blogs/newsbook/2013/02/economist-explains-did-vikings-wear-horned-helmets 260 we must rely on other types of analysis to understand the world. Faced with certain types of technical objects, we choose to stay in a state of ignorance and naiveté. As Peter Parker, also known as Spiderman, was tought: “With great power comes great responsibility.176” However, as many dogmas, laws, quotes tell us, knowledge is power. We do not seem ready to take on such a responsibility. This would allow us to remain in a state of wonder, a much more comfortable feeling. These states are grouped together in a form of understanding the world that Susca called magical thinking. As we have found out, that thought seems to be in all of us and manifests itself in different forms at different times during the use of technical objects. According to Rose, wonder, and thus magical thinking is one of the basic human desires. The rationality of science, sociology, anthropology, and other forms of research using Cartesian methodology is not sufficient enough to satisfy our needs to understand the world. Some people need to be reassured, they like to think we are not the only conscious beings in the universe. Through our technical objects, we try to contact other souls, deceased, aliens, divine, or simply immaterial. Like religion, wonder gives another dimension to our lives, a feeling of being part of something that transcends us. We might even know what we become after our deaths. Magical thinking enables us to overcome the physical limitations of our bodies. 176 LEE Stan, « Spiderman », Amazing Fantasy, n°15, 5 juin 1962 261 With our technical objects, we discover new powers such as omniscience, telepathy or even regeneration. These objects transform the human body, or at least the relationship we have with them, and become the «extensions» noticed by McLuhan. Like the sword extends the arm, connected digital objects extend not only our bodies but also our feelings and emotions. With these objects, we have moved from the Information Age, created by the Internet, to one of sensations. This, according to Susca, is already being felt in the way we talk about when we say, “Je ne le sens pas ce type.177” As with Audrey Breuer and her connection to objects, we also seem, in a less emphatic way, to look for a human relationship with our objects. In order to get our desired relationships, the object must have a soul, a constancy in conscious beings. We have discovered that we have a strong relation to animism. The latter seems to exist throughout our History, with more or less intensity. Indeed, this thinking was one of the first to explain natural and human phenomena. Until the Industrial Revolution, many objects and appliances used were of paramount importance in people’s lives as they were expensive to make, difficult to replace, and often necessary for survival. Today, we tend to discard and replace our objects more easily causing the loss of this relationship. However, digital objects, the most expensive of our consumer goods, retain an animistic aspect, not only through the intimate place they hold in our lives, but also by their autonomous functions. They demand our attention and we provide the information requested. Animism 177 Place de la Toile, op. cit., 2013, «I do not feel this guy.» 262 and autonomy could not be possible without the participation of mystical forces such as electricity or Wifi. They not only animate objects but also allow them to communicate with each other. This animism comes from magical thinking. As stated by the definition from Trésor de la Langue Française, magic includes a notion of ritual. Thanks to actions taken in different ways at different times, one can induce reactions from technical objects, for example. Either through the desire of the designer or the re-appropriation of the object by the user, rituals abound in the objects we use. At times, like Skinner’s pigeon, we create rituals when we do not understand the reaction of the object and we wish it to return to the state we consider normal, or the continuation of this reaction. By repeating this ritual on the object, even if it does not work the first time and the device still does not react the right way, one has the feeling of taking control. We seek a sense of control over our objects. It sometimes escapes us, and we find ourselves in its grip instead. At this time, we are no longer amazed by the magic it produces, but bewitched by its features which includes sound and visual orders. Rituals, animism, wonders, are just some of the words included in the lexicography that describes technical objects discovered during our analysis. All are part of the same mindset, magical thought. However, we do not use the same definition as that proposed by Lucien Lévy-Bruhl178. Beyond our present research, magical thinking is not just a form of unbalanced thinking, a residue of primitive times. 178 LÉVY-BRUHL Lucien, La Mentalité Primitive [1922], Champs Classique, 2010 263 Having indeed an archaic origin, it has nevertheless evolved with technology, allowing us to explore other forms of explanations of the world. According to Susca, we no longer live in the dark arts of the Middle Ages or the Renaissance, but in everyday magic that we are rediscovering179. As we have learned from Lyotard and Latour, we have never been modern, and therefore completely rational as desired by Descartes. Furthermore, we have, for most of us, this form of magical thinking ingrained in us. Due to the historical importance of this mode of thought, we will not be able to escape from it just yet. Some designers have realised this and are trying to create wonderful objects rather than bewitching, in order to remove the stress that some digital objects cause. As a graphic designer, product designer, or culinary designer, we should be looking at our creations asking ourselves how the user, the viewer, or gastronome would feel the sense of wonder, a sensation that will replace incomprehension. According to Susca “The designer expresses out loud what we live everyday without being truly aware.180” It is up to us, as designers, to create this new magical world. 179 Place de la Toile, op. cit., 2013 180 Ibid., translated from French by the author: «Le designer exprime à voix haute ce que nous vivons sans en avoir véritablement conscience.» 264