le mémoire de Jennifer. - Campus de la Fonderie de l`Image

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le mémoire de Jennifer. - Campus de la Fonderie de l`Image
1
De la magie dans nos
technologies
Jennifer Larran
Direction de mémoire
Émeline Brulé
Formation
Mastère International en Design Graphique
Campus Fonderie de l’Image
80 rue Jules Ferry
93170 Bagnolet
France
Mars 2015
2
Typographies
Heuristica (texte courant et notes) de Andrej Panov
Blocus (titres) de Martin Desinde
Licences : SIL Open Font License
3
In memory of Sir Terry Pratchett, who
helped me see the world, and John Luck,
who gave me my first Discworld book.
4
Sommaire
6
INTRODUCTION
12
FILIATION HISTORIQUE DE L’OBJET ANIMÉ
42
13
De la Préhistoire au Moyen Âge
22
La Renaissance et le Siècle des Lumières
30
De la Révolution Industrielle
croyances technologiques
aux
DES OBJETS DE MÉDIATION ENTRE LES
FORCES MYSTIQUES ET LES ESPRITS
43
Une relation animiste aux objets
54
Une connexion à d’autres esprits, morts
ou vivants
68
Entretien avec Audrey Breuer, thérapeute
médium
72
L’importance des forces fondamentales
créant le monde
5
86
LA CRÉATION D’OBJETS MAGIQUES
89
Les objets de fiction et la magie du futur
102
Les objets pour le « soi »
112
Les objets communiquant avec « l’autre »
122
Les objets analysant l’environnement
130 CONCLUSION
138 BIBLIOGRAPHIE
152 REMERCIEMENTS
154 ANNEXE
155
Trois questions à Nicholas Nova
158
English version
6
Introduction
7
S
i je le pouvais, je serais un mage, capable
de manipuler des forces intangibles qui
prennent le contrôle de mon environnement
et des autres.
Cette force est communément appelée la magie,
un terme défini par le Le Trésor de la Langue Française comme :
L’art fondé sur une doctrine qui postule la présence
dans la nature de forces immanentes et surnaturelles,
qui peuvent être utilisées par souci d’efficacité, pour
produire, au moyen de formules rituelles et parfois d’actions symboliques méthodiquement réglées, des effets
qui semblent irrationnels.1
La magie serait donc le contrôle de la nature, par des
moyens méthodiques, pour produire un résultat plus
efficace que sans ce recours.
La magie est reconnue comme étant extérieure à l’humain. Or, elle a imprégné la vie des Humains depuis
la préhistoire sous différentes formes, et des systèmes
de croyance divers. Une des premières formes se qualifie de religion. A la différence de la magie, la religion
se caractérise par une organisation de la croyance
autour de pôles ou dogmes communs à de multiples
cultures. Ceci garantit que les participants croient
aux mêmes choses, qu’ils espèrent ou redoutent les
répercussions de leurs actes. Toutefois, nous pouvons
également trouver des similitudes entre la magie et
la religion.
1 « Magie », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1203293235;
8
La plupart des religions font appel à des êtres et des
actes appelés divins. Ces phénomènes sont généralement considérés comme ineffables, dominant l’Humanité, et leurs auteurs doivent être vénérés. Tout
comme la magie, l’Humain ne pourra pas comprendre
ni expliquer comment ces phénomènes sont apparus,
ni pourquoi. De plus, on attribue à la religion les miracles et, comme le fait la magie, fait appel à des actes
ritualisés2. Pour une personne athée, la religion est une
croyance en la magie.
Outre la croyance organisée, la magie se trouve aussi concentrée dans le folklore d’un grand nombre de
sociétés. Proposé en 1846 par l’écrivain et spécialiste
du sujet William Thoms (alias Ambrose Merton), ce
mot est un hybride de deux mots anglais : « folk » ou
le peuple, et « lore » ou le savoir, connaissances et
sciences3. Beaucoup de rituels incluant la croyance
en la magie font partie des lois de ces peuples. Ces
croyances sont traditionnellement transmises oralement, et ce n’est que récemment dans l’histoire humaine qu’elles ont été transcrites à l’écrit, en 1250
avant l’an zéro chez les Égyptiens4.
Comme la religion, on trouve dans le folklore des
« êtres » ne faisant pas partie du plan terrestre. On
y côtoie esprits, sorcières, fées, démons… Certains
ont un impact positif sur la vie des croyants, d’autres
négatif et doivent être craints et évités. On pourrait
citer, comme manifestation du folklore, le jeter de
2 « Religion », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?113;s=1203293235;r=5;nat=;sol=2;
3 MERTON Ambrose (pseud. William J. Thoms), « Folk-Lore », The Athenæum, n°
983, 29 Août 1846, p. 886–87
4 GREEN Thomas, Folklore: An Encyclopedia of Beliefs, Customs, Tales, Music,
and Art, Volume 1, ABC-CLIO, 1997, p.363
9
sel par-dessus son épaule pour éloigner les mauvais esprits.
Aujourd’hui, un genre littéraire qui fait fureur, avec
350 millions de ventes au monde en 20145, prouve
que la magie existe toujours dans l‘imagination collective : la fantasy. Cette littérature comprend généralement « un aspect mythique qui est souvent incarné
par l’irruption ou l’utilisation de la magie.6 »
Nous vivons dans un monde où la plupart des phénomènes sont expliqués par une logique cartésienne
appelée la « Science ». Cette force pourrait donc être
aussi appelée vent, marée, électricité, ondes radios,
comme bien d’autres phénomènes intangibles à l’œil
humain, mais révélés par des études dites scientifiques. Ces sciences sont aujourd’hui acceptées dans
la plupart des sociétés comme étant des vérités expliquant le monde autour de nous. Cela est discuté par
un certain nombre de penseurs (Latour, Lyotard…),
mais reste malgré tout l’aune à laquelle nous mesurons le savoir. Or, elles ne réussissent pas toujours à
expliquer ce qui se passe autour et même en nous.
De plus, très peu d’entre nous comprennent vraiment
les discours scientifiques expliquant les principes
sous-jacents. Nous ne comprenons pas tous ce qu’est
« réellement » l’électricité. Un transfert de particules,
un truc sortant d’une prise, l’essence de la vie… ?
5 KOWALCZYK Ola, « Most popular book genres of all time (infographic) », Ebook
Friendly, 28 octobre 2014, [en ligne], http://goo.gl/fsSs3B
6 RUAUD André-François, Cartographie du Merveilleux, Denoël, 2001, p.10
10
L’humain a créé des outils pour augmenter ses capacités naturelles depuis plus de 2.6 millions d’années7.
En effet, n’ayant pas la force ni le tranchant pour pouvoir lacérer la peau de bête, ou casser des os, l’Australopithecus Garhi8 a dû inventer des extensions de
lui-même. Ces outils sont les premiers objets techniques ou :
La traduction en matière d’un ensemble de notions et
de principes scientifiques séparés les uns des autres en
profondeur, et rattachés seulement par leurs conséquences qui sont convergentes pour la production de
l’effet recherché.9
En résumé, ces objets ont une utilité pour ceux qui
les ont créés et les assistent dans l’accomplissement
d’une tâche. Ils seraient donc surnaturels : ce n’est pas
la nature qui les a créés.
La magie ayant fasciné les êtres humains depuis des
millénaires, et ayant un coté surnaturel tout comme
les objets techniques qu’ils ont inventés, on peut
donc se poser la question : Quels sont les rapports
entre la fantasy et les objets techniques ?
Nous allons tenter de répondre à cette question en
examinant plusieurs aspects de la magie dans le
monde du design. Pour commencer, nous regarderons leurs liens à travers l’Histoire, particulièrement
celle de l’Europe occidentale. Les croyances sont
7 « Early Stone Age Tools », Smithsonian National Museum of Natural History, 18
février 2015, [en ligne], http://goo.gl/pXatN5
8 « Australopithecus garhi », Smithsonian National Museum of Natural History,
18 février 2015, [en ligne], http://goo.gl/O552mR
9 SIMONDON Gilbert, Du mode d’existence des objets techniques [1989], Aubier,
2001, p. 46
11
multiples, du monde Antique jusqu’à aujourd’hui,
en passant par la renaissance et le Siècle des Lumières. Nous analyserons ensuite l’objet en tant que
médiateur entre forces mystiques et esprits. Nous
verrons comment l’animisme se présente de nos
jours, si les esprits d’autres entités sont connectés,
et quelles forces sont utilisées pour gérer ces objets.
Enfin, nous ferons une comparaison de plusieurs
types d’objets, d’un point de vue cartésien au point
de vue paranormal. Ces études nous permettront
de trouver les liens entre l’imaginaire magique et la
pensée du designer.
Nous vivons dans un monde fait de magie, mais nous
ne l’acceptons pas.
12
1
Filiation historique de l'objet animé
Ce monde de magie a commencé très tôt dans l’histoire
de l’être humain. Provenant d’un même continent,
puis se dispersant sur Terre, les croyances en cette force
mystique semblent avoir une origine commune en
Afrique10. Elles se sont ensuite diversifiées pour ne plus
être reconnaissables, ainsi on peut trouver une multitude de folklore ou de croyances à travers le monde.
Dans cette étude, nous allons nous concentrer essentiellement sur l’Europe, même si quelques références à
d’autres cultures seront exposées, telles que certaines
dites primitives.
10 « Human Family Tree », Smithsonian National Museum of Natural History, 18
février 2015, [en ligne], http://goo.gl/hKtPmx
13
De la Préhistoire au Moyen Âge
D
ébutons nos recherches quelques millions
d’années avant l’an zéro. 790 000 ans auparavant, les hominidés découvrent le feu,
se posent des questions sur la vie après la mort11.
Ils subissent la nature et tous les phénomènes possibles sans les protections que nous connaissons aujourd’hui, ni les savoirs scientifiques que nous avons.
Ils vivaient dans une autre réalité. Tous les aspects de
leurs vies ont eu besoin d’explications qui leurs sont
propres et proviennent d’une « compréhension » acquise. Celles-ci ont pris la forme de forces intangibles
et seulement partiellement contrôlables par l’humain, tel que le vent contrôlé par les voiles mais pas
pendant les tempêtes.
Le peu de contrôle qu’ils trouvent devient un acte ritualisé. Pensant que l’âme d’un animal reste dans ses
abats, ses os, sa peau, ils s’en servent pour augmenter leur force. Ceci marque le début de l’animisme.
L’animisme est défini comme : « Système de pensée
qui considère que la nature est animée et que chaque
chose y est gouvernée par une entité spirituelle ou
âme.12 » L’objet, une entité artificielle façonnée par
l’être humain, n’a aucun organe pour réfléchir de manière autonome se retrouve avec une conscience ou
une âme qui lui est propre.
11 « Tools & Food », Smithsonian National Museum of Natural History, 18 février
2015, [en ligne], http://goo.gl/i83pKI
12 « Animisme », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/animisme
14
Comme l’explique le philosophe Américain Erik Davis dans son livre Techgnosis: Myth, Magic, Mysticism
in the Age of Information :
L’interdépendance de la culture et de la technologie signifie que les technologies du monde pré-moderne, en dépit
d’être les plus logiques des objets artisanaux, devaient
néanmoins partager la scène cosmique avec un certain
nombre de dieux, sortilèges, et pouvoirs animistes.13
Ainsi la quasi-totalité des objets créés pendant cette
ère ont une double utilité : une aide pour survivre
dans la nature ainsi qu’une manière de contrôler les
forces intangibles.
Ces hominidés sont surtout intéressés par l’utilisation des forces qu’ils peuvent voir et reconnaître. Ils
utilisent les pouvoirs des animaux et plantes qu’ils
côtoient. Nous voyons donc l’arrivée de totems et
autres objets dont la seule utilité est la liaison entre
deux mondes le réel, et celui des esprits14. Ces totems
et statuettes auraient été vénérés en tant que représentation de plantes ou d’animaux15 dans l’espoir
d’apaiser une puissance maléfique ou en colère, ou
pour demander de l’aide à un esprit bienfaisant.
Nous pouvons retrouver ce totémisme dans certaines
populations primitives toujours présentes à ce
jour, dans les cultures amérindiennes, aborigènes
13 DAVIS Erik, Techgnosis: Myth, Magic, Mysticism in the Age of Information,
Serpent’s Tail, 1998 p.10. Traduit de l’anglais par l’auteur de : « The interdependence of culture and technology means that the technologies of the premodern
world, despite being the most logical of crafted objects, nonetheless had to share
the cosmic stage with any number of gods, sorceries, and animist powers. »
14 ALUN JONES Robert, The Secret of the Totem: Religion and Society from
McLennan to Freud, Columbia University Press, 2013, p. 85
15 « Totem », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/etymologie/totem
15
australiennes ou néo zélandaises (fig. 1). Tout comme
les humains de la Préhistoire, ces tribus sont en
rapport très étroit avec la nature. Dans certaines,
il est impensable de manger l’animal représenté
en totem16.
Les hommes préhistoriques utilisaient leurs propres
représentations comme objets magiques. Les historiens ont plusieurs théories autour des différentes « Vénus » préhistoriques qui apparaissent autour des 40
000 ans avant l’an zéro (fig. 2). Ces statuettes en pierre
de femmes nues aux traits distendus, auraient pu être
des simples représentations artistiques de la femme
idéale ou du corps féminin pendant la grossesse.
1
Fig.
2
Fig.
Une autre théorie voit ces objets comme amulette,
ou un « petit objet que l’on porte sur soi et auquel
on attribue le pouvoir de préserver des maladies, des
accidents, des maux les plus divers.17 » Si cela avait
été le cas, on pourrait supposer que la statuette représentait une femme enceinte, et aurait pu protéger l’utilisatrice de tous les risques liés à l’accouchement18, extrêmement dangereux et incompris jusqu’à
très récemment.
Ces actes dits de magie faisaient partie d’un système
de croyances qui nécessitait une transmission de
génération en génération. L’écriture étant apparue
vers 5000 ans avant l’an zéro en Mésopotamie19, ces
16 JAMES Diana, ROSE Deborah, WATSON Christine, Indigenous kinship with
the Natural World in New South Wales, NSW National Parks and Wildlife Service,
2003, p.26
17 « Amulette », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/amulette,
18 HAVILAND William, MCBRIDE Bunny, PRINS Harald, WALRATH Dana, Evolution and Prehistory: The Human Challenge, Cengage Learning, 2013, p. 215
19 « L’aventure des écritures, Le dossier pédagogique », BNF, [en ligne], http://
goo.gl/IYVqzR
16
croyances ont dû être transmises oralement. Pour
s’en rappeler et faciliter leurs transmissions, l’Humain de l’antiquité créa les mythes et le folklore. Les
mythes sont définis par le Trésor de la Langue Française comme :
Un récit relatant des faits imaginaires non consignés par
l’histoire, transmis par la tradition et mettant en scène
des êtres représentant symboliquement des forces physiques, des généralités d’ordre philosophique, métaphysique ou sociale.20
Basés ainsi sur des faits réels, les mythes commencent
à expliquer des phénomènes autres que ceux causés
par la nature. C’est surtout le cas pour les mythes grecs
et romains. En effet, avec un grand nombre de découvertes scientifiques, telles que l’horizon, la géométrie,
et la masse, certains phénomènes magiques ont été
expliqués. Cette ère voit ainsi un mélange de rationalité et de recherche au côté d’écriture mythique.
Ainsi l’auteur et chercheur en fantasy André-François
Ruaud explique :
Utilisées par les Anciens pour comprendre le monde et
s’interroger sur leur place en son sein, elles vont lentement évoluer de l’édifiant au divertissant, tout en continuant de jouer sur des symboles admis de tous. Les
premiers grands récits partaient généralement d’une
commémoration historique qui, transmise de manière
orale, s’enrichissait au fil du temps.21
20 « Mythe », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?83;s=1203293235;
21 RUAUD, op. cit., p.10
17
L’Odyssée et L’Iliade d’Homère, écrits au xième siècle
avant l’an zéro, sont issus de transmissions orales,
composées de formules connues par le peuple grec,
puis ensuite regroupées pour en faire une narration
poétique et rythmique22. Il est probable que différents
auteurs aient contribué à l’écriture de ces épopées,
récits attribués généralement à Homère. L’inventivité
a un rôle important dans l’imaginaire grec et romain.
En effet, chez les grecs et plus particulièrement leur
théâtre, nous voyons l’invention de machines d’effets spéciaux pour le théâtre. Ces engins mécaniques
peuvent être considérés comme les ancêtres des effets
spéciaux que nous connaissons aujourd’hui. Ceux-ci,
ainsi que les inventions de l’empereur romain Héron,
seront étudiés plus tard.
Durant la Préhistoire et l’Antiquité, la distinction
entre la fantasy et la religion était quasi inexistante.
Au Moyen Âge, rares étaient les livres recopiés à la
main par les moines, seuls lettrés de l’époque, à
part la Bible. En Occident, on assiste à l’émergence
d’une magie contrôlée par un livre ainsi que par des
« maîtres ». Par contre, l’oralité ayant toujours une importance, car peu savent lire, le folklore persiste.
Ainsi, les croyants chrétiens de l’époque, ainsi que
beaucoup d’autres religions, trouvent une importance capitale dans certains objets qui auraient été
créés par leur dieu ou touchés par leur prophète.
D’après les légendes arthuriennes, ce serait à cette
époque que les recherches du Saint Suaire et du
Graal auraient commencé (fig. 3). On voit donc le
début d’œuvres fantastiques basées sur la légende
du Roi Arthur, suivies de très près par la Chanson
22 ONG Walter J., Orality and Literacy [1982], Routledge, 2005, p. 23
3
Fig.
18
d’Alexandre Le Grand en Italie et des romances autour de Charlemagne, connues sous le nom de La
Chanson de Roland, en France23. Ces histoires sont
surtout transmises oralement, mais certaines ont pu
être transcrites, formant les prémices du genre fantasy en littérature.
Tout comme Arthur et les chevaliers de la Table Ronde
à la recherche du Saint Graal, les chevaliers de l’Europe chrétienne partirent en Croisades afin de propager leur foi et protéger certaines reliques : les objets
sacrés. À Jérusalem se trouvait le Saint Sépulcre, une
collection d’objets incluant la vraie croix de Jésus.
Or, au Moyen Âge, la ville sacrée était aux mains des
Arabes puis ensuite des Turcs qui ne toléraient pas la
présence des pèlerins et les massacrèrent. Ainsi, des
chrétiens partirent en guerre pour des objets sacrés,
façonnés depuis plusieurs centaines d’années. L’importance de leur foi et façon de vivre confirmait cette
nécessité24. Ces chevaliers ont dû partir très loin de
leur terres natales, et, sur leur chemin, ont découvert
de nouvelles cultures mais aussi une faune et une
flore jusque-là inconnues. Leurs rapports et cartes,
ainsi que ceux des premiers explorateurs européens,
contiennent très souvent des monstres mythiques
provenant de l’imagination (fig. 4). Un exemple est la
légende de Saint George, saint patron des Anglais, et
son dragon (fig. 5), une histoire qui fut ramenée des
Croisades au xiième siècle25.
Fig
.
4
Fig
.
5
23 RUAUD, op. cit., p.11
24 RILEY-SMITH Jonathan, The Crusades: A History, Yale University Press, 2005,
p.12-13
25 DALE Thomas E. A., Relics, Prayer, and Politics in Medieval Venetia: Romanesque Painting in the Crypt of Aquileia Cathedral, Princeton University Press,
1997, p. 70
19
La science n’étant pas assez avancée au Moyen Âge
pour expliquer tous les phénomènes naturels, les
contemporains avaient à leur disposition deux manières de les comprendre. La première résidait dans
la magie folklorique qui varie de régions en régions,
voir même de village en village dans un même pays.
La seconde, tout aussi magique, se trouvait dans la
religion, ses actes divins et ses miracles. Les deux
vivaient côte à côte, non pas en harmonie, car chacun essayait de supprimer l’autre pour accroître son
contrôle et le nombre de croyants. Afin de mieux
s’intégrer aux sociétés du Moyen Âge, la chrétienté
s’appropria certains rituels associés au paganisme et
au folklore de l’époque, tel que le baptême emprunté aux rites de renaissance26.
La foi religieuse se base sur très peu d’objets mais les
rendent extrêmement puissants pour leurs croyances.
Toute religion dont les dogmes ont été écrits donne
aux livres une importance spirituelle très forte. Ces
livres dirigent les vies de ceux qui les lisent, et sont
parfois utilisés comme objet de divination en ouvrant
une page au hasard, un art de divination appelé bibliomancie27. Malgré les différences qui séparent le
folklore de la religion, elles ont un point commun :
l’animisme des objets.
26 CARPENTER Edward, Pagan & Christian Creeds: Their Origin and Meaning,
The Floating Press, 2014, p. 103
27 « Bibliomancie », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/
dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=417823620;
20
Fig. 2 - La Vénus de Hôhle Fels, datée
de -35 000 ans à -40 000 ans, elle est
considérée la plus vieille statuette
pour le moment.
Fig. 1 - Totem de la Colombie Britannique, bois de cèdre rouge, 1850, British
National Museum
Fig. 3 - Le Roi Arthur et les Chevaliers
de la Table Ronde, Monty Python and
the Holy Grail, 1975, Python (Monty)
Pictures
21
Fig. 4 - Détail de la Carte de l’Atlantique, Domingo Sanches, 1618, BNF.
Nous pouvons y voir un monstre marin
sous les points cardinaux.
Fig. 5 - Vitrail de Saint George et le Dragon, 1800, St George’s Hall, Liverpool
22
La Renaissance et le Siècle des Lumières
L
es humains, de la Préhistoire au Moyen Âge,
voyaient leurs vies comme dictées par des
forces intangibles. Ils n’avaient pas le pouvoir
de décision sur leur futur, la religion ou le folklore
leur ôtaient cette possibilité. Or, au xvème siècle, cet
état de fait est questionné. En effet, la Renaissance
vit le début de l’Humanisme : « la doctrine qui prend
pour fin la personne humaine.28 » Les chercheurs de
l’époque se posèrent des questions sur leurs conditions et leurs raisons d’être. On découvre le corps
au travers des dissections. On relit les textes grecs et
romains et on explore leurs concepts. Ainsi, on redécouvre la géométrie.
Malgré la présence de la logique scientifique des
chercheurs et leurs découvertes expliquant un certain nombre de phénomènes jusqu’alors attribués à
la magie ou le divin, le mysticisme conserve son attraction. Paola Zambelli explique :
En effet, il y avait des liens entre la magie et les diverses
sciences, certains plus forts que d’autres. La médecine,
plus que les autres sciences, a toujours été affectée par
les théories astrologiques dominantes.29
28 REY Alain,« Humanisme », Dictionnaire Historique de la Langue Française, Le
Robert, 2010, p. 4594,
29 ZAMBELLI Paola, White Magic, Black Magic in the European Renaissance,
Brill, 2007 p.19, traduit de l’anglais par l’auteur de : « To be sure, there were
connections between magic and the various sciences, some stronger than others.
Medicine, more than other sciences, had always been affected by the dominant
astrological theories. »
23
D’après cette historienne moderne, les questionnements que se posent les scientifiques européens se
basent sur les phénomènes mystiques et magiques.
L’astrologie se transforme en astronomie. La magie
des plantes devient rationnelle.
Or, au même moment, de nouvelles formes de magie
voient le jour. Historien en philosophie, Cesare Vasoli
a étudié le sujet :
La société Européenne de la Renaissance continuait à
maintenir le coté primitif de la sorcellerie paysanne et
populaire et contribuait ainsi à nourrir l’imagination
savante des philosophes et théologiens bien aguerri à
la lecture des classiques de la magie néoplatonicienne
et hermétique.30
Attirés par les créations des grecs, les chercheurs de la
Renaissance découvrent le dieu Hermès, surtout connu
comme messager des dieux et gardien des routes, des
carrefours et des voyageurs. Ce dieu se retrouve aussi
en Egypte sous le nom de Thoth jusqu’à ce que les deux
se fondent, pendant l’occupation du pays par les grecs,
pour créer une unique divinité sous le nom d’Hermès
Trismégiste (fig. 6). Défini comme « Trois fois très grand »,
ce dieu serait maître des trois philosophies naturelles :
minérale, animale et végétale. Il en connaîtrait leurs manipulations et mélanges afin de créer de nouvelles substances. On lui attribue la création de l’alchimie qui vit le
jour pendant l’époque de la Renaissance.
6
Fig.
30 VASOLI Cesare, « Le tradizione magiche ed esoteriche nel Quattrocento »,
Le filosofie del Rinascimento, Bruno Mondadori, 2002, p. 136. Traduit de l’italien
par Aurélien Cassirame : « La società dell’Europa rinascimentale continuava a
mantenere l’aspetto rozzo e inconditoto della stregoneria contadina e popolare,
ma anche nutrire la dotta immaginazione di filisofi e teologi educati alla lettura
dei classici della magia neoplatonica ed ermetica. »
24
Cette manipulation de matières amène un nouvel
objet mythique, la pierre philosophale, capable de
transmuter les métaux vulgaires en métaux nobles, de
guérir les malades et même de donner la vie éternelle.
Cette pierre fut recherchée par beaucoup de scientifiques de la Renaissance ce qui en fait, d’après l’ingénieur chimiste et journaliste Jacques Bergier, « la
seule pratique para-religieuse ayant enrichi véritablement notre connaissance du réel.31 » Pendant leurs
recherches pour des objets et matières de type magique, les chercheurs trouvent également des substances réelles et utiles telles que l’acide sulfurique,
l’acide chlorhydrique et le phosphore.
D’une part, nous trouvons pendant la Renaissance
une magie blanche naturelle et divine, et jamais
condamnée par la religion principale européenne,
le christianisme. Elle fut utilisée par l’Église pour se
différencier de la magie noire et de la nécromancie32,
un « art magique des arcanes » qui est interdit par les
maîtres de la foi chrétienne. La chasse aux sorcières
débute dans de nombreux pays contre les pratiquants des magies occultes. De ce fait, nous pouvons
dire que les contemporains de la Renaissance étaient
avides de savoir et tentait de contrôler la magie à laquelle ils croyaient.
Malgré cette forte croyance en l’arcane qui réside à
cette époque, René Descartes publie tout de même son
Discours sur la Méthode (fig. 7) qui pose les bases d’une
méthodologie de recherche pour obtenir des résultats
dits « logiques et démontrables ». Cette édition n’aurait
Fig
.
7
31 BURCKHARDT Titus, « L’alchimie, science et sagesse », Encyclopédie Planète,
Retz, 1964, p. 219
32 ZAMBELLI , op. cit., p. 245
25
pas été aussi populaire sans l’aide d’une nouvelle machine qui voit le jour en Europe en 1450 : Gutenberg
offre au monde sa machine à impression, rendant les
livres et pamphlets plus accessibles à la population.
Descartes profite de cette invention, accessible en
France, pour publier son œuvre dans une langue dite
vulgaire à l’époque : le français.
Des textes non-bibliques deviennent donc plus accessibles que le contenu de la Bible pendant quelques
temps, la bible étant traduite 26 ans plus tard33.
D’autres livres voient également le jour :
L’auteur médiéval semble l’écrire pour un public à qui
la magie, comme la chevalerie errante, est une partie du
mobilier de la romance : l’élisabéthain, pour un public
qui estime qu’il pourrait en trouver dans une rue voisine. [...] La négligence de ce point a produit des lectures
étranges de The Tempest, qui est en réalité [...] la pièce de
Shakespeare sur la magia [magie] tout comme Macbeth
est sa pièce sur goeteia [la sorcellerie].34
La magie reste donc une partie intégrante du quotidien des européens de la Renaissance, que cela soit
dans la science ou dans la vie de tous les jours. Leurs
croyances en ces forces surnaturelles sont fortes et
ancrées dans leurs cultures. Or, à la différence des
générations antérieures, ils ne veulent plus la subir,
33 « Nouveau Testament », Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes, [en ligne],
http://goo.gl/yWRzFc
34 LEWIS Clive S., English Literature in the Sixteenth Century: Excluding Drama [1954], Oxford Paperbacks/Oxford University Press, 1973, p.8. Traduit de l’anglais par l’auteur de : « The medieval author seems to write for a public to whom
magic, like knight-errantry, is part of the furniture of romance: the Elizabethan,
for a public who feel that it might be going on in the next street. [...] Neglect of
this point has produced strange readings of The Tempest, which is in reality [...]
Shakespeare’s play on magia as Macbeth is his play on goeteia. »
26
mais plutôt la contrôler et donc avoir un pouvoir de
décision sur leur vie.
Un peu plus tard, la méthodologie de Descartes a pris le
dessus sur la croyance mystique pour créer un peuple
au semblant cartésien. Cette époque de l’histoire Européenne se nomme le Siècle des Lumières. Cette rationalité repose sur une « confiance absolue en l’homme
et dans les progrès indéfinis de la science et de l’esprit
humain.35 » Ainsi, d’après les philosophes des Lumières,
l’Homme serait le maître complet de son destin. Pendant cette période de l’Histoire, une contestation, voire
une résistance, se forme autour de trois pôles traditionnels de la société française : la monarchie, l’État
en hiérarchie pyramidale et l’Église. En effet, la religion
chrétienne était devenue un régime oppressant et corrompu plutôt qu’une croyance organisée. En rejetant la
chrétienté, nous pourrions penser que la croyance en la
magie et le folklore subirait le même sort.
La religion, le folklore et la superstition étant raillés par les écrivains, politiques et philosophes de
l’époque, l’humain se retrouva seul face à un monde
et ‘soi’ simplifiés en partie par les pensées de Descartes, mais aussi très inégalitaires. Michel Maffesoli site Max Weber qui parle de « ‘rationalisation
de l’existence’. C’est celle-ci qui aboutit au fameux
‘désenchantement du monde.’36 » À la différence
de leurs ancêtres, les européens de l’époque reconnaissent déjà la science dans beaucoup de faits
naturels. Les réponses autour de leur raison d’Être,
35 PIERRARD Pierre, L’Eglise bouleversée— de 1789 à 1945, Editions de l’Atelier,
1992, p. 10
36 MAFFESOLI Michel, Imaginaire et postmodernité, Synergie de l’archaïsme et
du développement technologique, « Modélisations des imaginaires », Manucius,
2013, p. 11
27
donc du « soi » de Descartes ne leur apportaient pas
de satisfaction. Le désenchantement fut tel qu’en
France on vit la Révolution en 1789 marquer la fin
du Siècle des Lumières.
Ce n’est pas surprenant de pouvoir constater, pendant
cette époque, le pic d’une vague de pensée magique
qualifiée d’Illuminisme par les historiens. Tout comme
leurs contemporains rationnels, ces illuminés cherchent
la lumière venant de l’intérieur, généralement de leur
Dieu37. Le professeur de langue et littérature Elizabeth
Boucé explique : « L’Illuminisme répond à une demande
de surnaturel et d’irréel car la réalité parait comme insuffisante.38 » Donc, tout en gardant un degré d’Humanisme acquis durant la Renaissance, cet esprit de magie
était gardé afin d’apporter une autre dimension à leur
vie que le Siècle des Lumières leur avait dépouillé.
L’idée de la magie n’a pas complètement disparu de la
culture au Siècle des Lumières. Nous trouvons peu de
diversité dans les écrits « fantastiques », alors que l’écriture «des contes de fées » est extrêmement prolifique.
Boucé continue : « Ainsi, par exemple, c’est à la veille de
la Révolution que Charles-Joseph de Mayer publie son
Cabinet des Fées (fig. 8) en quarante et un volumes, vaste
compilation de contes de fées.39 » Cette collection inclut
des récits de Charles Perrault, Madame D’Aulnoy ainsi
que Jean Jacques Rousseau, et sera ensuite complétée
par les récits des Frères Grimms. On peut y lire, entre
autres, les histoires du Chaperon Rouge, Les Contes des
Milles et Une Nuits ou La Belle et la Bête.
8
Fig.
37 « Illuminisme », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/
illuminisme
38 BOUCÉ Elizabeth, Spectres des Lumières : du frissonnement au frisson: Mutations gothiques du xviiie au xxie siècle, Publibook, 2012, p. 23
39 Ibid, p.23-24
28
La grande majorité de ces contes sont considérés
comme polis, très conformistes et à fort potentiel de
moralité. Ils sont, pour la plupart, basés sur des histoires
de folklore, transmis à l’oral et mis par écrit entre autre
par Charles Perrault dans ses Contes de ma mère l’Oye
en 1697 (fig. 9). Aujourd’hui, les Européens connaissent
la plupart de ces histoires, lues au chevet des enfants
par les parents, ou vues en film ou animation. Nous
pouvons donc en conclure que le Siècle des Lumières,
malgré son rejet apparent de la religion et des croyances
mystiques, n’a pas tout à fait réussi à effacer les mondes
imaginaires de la culture européenne.
Fig
.
9
L’auteur et spécialiste du folklore Terri Windling explique cette ténacité :
Comme les sorciers qui rôdent dans les forêts magiques,
les contes eux-mêmes sont des « changeformes » : fuyants,
mystérieux, malléables, capables de revêtir des aspects très
variés. C’est là que réside le cœur de leur puissance, la force
de leur longévité.40
Puisque ces contes peuvent changer de forme, ils
peuvent s’adapter à la plupart des cultures géographiques et temporelles. Du moment que les valeurs
morales, les mythologies, que ces contes décrivent
sont à même de « parler » au plus grand nombres ils
peuvent se répandre aisément dans la culture occidentale, un concept qu’étudie Roland Barthes dans son
livre Mythologies41.
40 WINDLING Terri, « La Quête du Héros », Yellow Submarine, n° 129, (Les sentiers de la Faërie), Bifrost/Etoiles Vives, 1999, p. 47
41 BARTHES Roland, Mythologies [1957], Points Essais, 2014
29
Fig. 6 - Hermès Trismégiste, gravure de
la Renaissance
Fig. 8 - « Barbe Bleue », Cabinet des
Fées de Charles Perrault, 1697, Claude
Barbin, BNF,
Fig. 9 - Le Chat Botté, d’une version
manuscrite et illustré des Contes de ma
mère l’Oye de Charles Perrault.
Fig. 7 - Première page de la première édition du Discours de la Méthode de René
Descartes’, 1637, publié par Ian Maire
30
De la Révolution Industrielle aux croyances
technologiques
A
u long du xviiième siècle le rejet de l’ésotérisme
a pris une place prépondérante dans la pensée occidentales, malgré une croyance dans
les forces mystiques toujours présente. Or depuis un
moment, l’humain est tourné vers lui-même grâce à
l’Humanisme de la Renaissance et au Rationalisme
du Siècle des Lumières. La fin du xviiième et début
du xixème siècle marquent un changement de direction dans les recherches. La Révolution Industrielle
est amorcée avec de nombreuses inventions qui
marquent le début de la modernisation de l’Europe.
La Révolution Industrielle, a vu la création d’une nouvelle « force naturelle » - cette fois contrôlable. Ainsi
sont nées les locomotives, objets animés utiles aux
transports de biens ou de personnes, aux alentours
de 1830 (fig. 10). Dès son arrivée sur les rails, cette machine fut l’objet de beaucoup d’histoires42. Elle commença par apeurer les gens. Ces colosses créaient
beaucoup de fumée, de bruits sonores divers, crachaient de la cendre et étaient généralement peints
de couleurs sombres. Elle pouvait atteindre des vitesses jusqu’alors inégalées par l’Homme et parcourir des distances immenses tout en transportant des
tonnes de biens ainsi que des passagers. Cette frayeur
fut traduite plusieurs fois dans la culture de l’époque,
entre autres en poésie :
Fig
.
10
42 LE BERRE Aline, De Prométhée à la machine à vapeur : cosmogonies et mythes
fondateurs à travers le temps et l’espace, Presses Univ. Limoges, 2004, p. 218
31
Admirons le colosse au torride gosier
Abreuvé d’eau bouillante et nourri de brasier
Cheval de fer que l’homme dompte43
Ce morceau du poème « Le chemin de fer » d’Auguste
Villiers de l’Isle-Adam, reprit en 1893 dans Le Magazine Littéraire44, montre une machine transformée
en bête de feu. Elle est un animal que l’humain doit
contrôler afin de pouvoir en tirer profit :
Fierce-throated beauty!
Roll through my chant with all thy lawless music, thy
swinging lamps at night,
Thy madly-whistled laughter, echoing, rumbling like an
earthquake, rousing all45
D’après le poète Walt Whitman et son poème « To a
Locomotive in Winter46 », la locomotive est non seulement un monstre mais aussi femelle. Tout comme
les bateaux, ces monstres de plusieurs tonnes sont
considérés comme étant du genre féminin. Lorsque
l’on parle d’une locomotive en anglais, on lui attribue
le pronom she47 normalement réservé à la femme,
plutôt que le it utilisé pour les objets. Un exemple de
cette personnification se trouve dans la littérature
de l’époque dans une œuvre phare d’Emile Zola :
43 VILLIERS DE L’ISLE-ADAM, Poésies, Oeuvres Complètes II, Alain Raitt et
Pierre-Georges Castex, 1986, « Chemins de fer », p. 848
44 MIRBEAU Octave, Correspondance Générale, L’Âge d’Homme, 2005, Note de
bas de page, p.651
45 WHITMAN Walt, Green Leaves [1861], Penguin Classics, 1961, « To a Locomotive in Winter », « Beauté à la gorge féroce !
Roule à travers mon chant avec toute ta musique anarchique, tes lampes battantes
dans la nuit,
Ton rire sifflé fou, en écho, grondant comme un tremblement de terre, réveillant
tous. »
46 À une locomotive l’hiver
47 elle
32
La Bête Humaine, publié en 1890. Le personnage
principal peut être considéré comme étant la locomotive de Jacques Lantier, nommée la Lison. Pendant
la narration, cette machine suscite la jalousie d’autres
femmes en devenant la représentation d’une maîtresse pour son conducteur. Cette âme féminine lui
aurait été donnée lors de sa construction :
Il y avait l’âme, le mystère de la fabrication, ce quelque
chose que le hasard du martelage ajoute au métal, que le
tour de main de l’ouvrier donne aux pièces : la personnalité de la machine, la vie.48
Malgré sa forte au appartenance naturalisme, Zola a
souvent inclut une notion de magie dans ces narrations. Un concept de la ville telle que des bâtiments
ou nouvelles inventions se retrouvent antropomorphés afin de consommer ses personnages. Cette âme
contenue dans les éléments de leur environnement
se rapproche des esprits qui fascinent les Européens
de l’époque.
En effet, ils avaient une fascination morbide pour les
fantômes et les revenants. Les histoires d’esprits foisonnaient. Plusieurs théories ont été avancées pour
expliquer cette fascination49. La première vient de la
découverte de la photographie que nous étudierons
dans le prochain chapitre. La deuxième théorie se
base autour de la lumière. Les Victoriens sont passés de l’utilisation de la bougie à l’éclairage au gaz.
La lumière étant beaucoup plus stable que son ancêtre, la lampe à gaz demandait tout de même plus
48 ZOLA Emile, La Bête Humaine, Les Rougon-Macquart [1890], Bibliothèque de
la Pléiade, 1966, p. 1127-1128
49 ROBBINS Ruth, « The Victorian Ghost », LeedsMetUni, 29 octobre 2013, [en
ligne], https://www.youtube.com/watch?v=Bg94bRJLLj4
33
de maintenance. Une lampe mal entretenue créait
des fuites de monoxyde de carbone. Une personne
inhalant ce gaz toxique était prise d’hallucinations,
apparition de membres défunts, phénomènes paranormaux ou même magique50.
Pendant la Révolution Industrielle, une autre invention fit son apparition qui bouleversa, entre autre, la
façon dont ils s’éclairaient : L’électricité. La création
d’une nouvelle force artificielle qui anime des objets
normalement inertes ou illumine plus encore des
coins normalement sombres (fig. 11). Cette invention
incomprise par la plupart de ses utilisateurs reste
l’une des plus importantes de notre Histoire. Nous explorerons cette force mystique dans le deuxième chapitre de notre étude. Ce que nous pouvons affirmer
dès maintenant est que l’électricité est une puissance
que nous, membres de pays développés, ne pouvons
nous passer.
Aujourd’hui, les sociétés développées insistent et
promeuvent une vision cartésienne du monde. La
plupart des phénomènes naturels connus ont une
explication scientifique, et ceux découverts sont rapidement expliqués. Les rares situations que nous
n’arrivons pas à expliquer sont appelées à être résolues lors de nouvelles avancées technologies et
scientifiques. En même temps, nous découvrons
que les faits que nous ayons auparavant ne le deviennent plus. Comme l’explique Lyotard dans La
condition postmoderne, chaque découverte scientifique ou historique est faite par un humain, avec ses
émotions, sa position politique, sa situation financière qui vont tous influencer sur sa position et donc
50 Ibid.
1
1
Fig.
34
les résultats de ses recherches51. Ces derniers sont
de plus limités par le langage utilisé par le domaine,
les chercheurs n’auront tendance qu’à regarder dans
cette zone, et ne pourront donc pas trouver toutes
les vérités. Il appel ceci des « jeux de langages52 ».
Ainsi, d’après Lyotard, les vérités sur lesquelles est
posée la société postmoderne sont en fait des interprétations, les grands mythes ont pris fin.
Dans le même temps, la magie domine notre culture
populaire. La plupart des films, livres et jeux vidéo
sont basés sur la magie. En effet, l’académicien et
spécialiste en littérature fantastique moderne Thomas Shippey affirme : « Le mode littéraire dominant
du xxème siècle a été le fantastique.53 » Avec les avancés
dans la technologie de la création des effets spéciaux,
ou représentation de la magie, il n’est pas étonnant
de voir que les 10 films générant le plus de revenus
au monde en 2014 sont tous des films de fantasy/
science-fiction54 (fig. 12). Les jeux vidéo sont pour la
plupart créés dans la même veine.
Fig
.
12
Nous avons donc une attraction pour cette force, un
résidu de nos millions d’années d’histoire. D’après
Sigmund Freud :
51 WARD Glenn, Postmodernism, Teach Yourself, 2003, p. 170
52 LYOTARD Jean-François, The Postmodern Condition: A Report on Knowledge
[1979], Manchester University Press, 1984, traduit du français par Geoff Bennington et Brian Massumi, p. 10
53 SHIPPEY Tom, J. R. R. Tolkien: Author of the Century, Harper Collins, 2000, p.
vii, traduit de l’anglais par l’auteur de : « The dominant literary mode of the twentieth century has been the fantastic. »
54 « Yearly Box Office: 2014 Worldwide grosses », Box Office Mojo, [en ligne],
http://goo.gl/8ThPdi
35
La maigre satisfaction qu’il peut arracher à la réalité ne
fait pas son compte. ‘II est impossible de se passer de
constructions auxiliaires’, dit quelque part Th. Fontane.
La création du royaume psychique de la fantaisie trouve
sa complète analogie dans l’institution de ‘réserves naturelles’ là où les exigences de l’agriculture, des communications, de l’industrie menacent de transformer,
jusqu’à le rendre méconnaissable, l’aspect primitif de
la terre. La ‘réserve naturelle’ perpétue cet état primitif
qu’on a été obligé, souvent à regret, de sacrifier partout
ailleurs à la nécessité. Dans ces réserves, tout doit pousser et s’épanouir sans contrainte, tout, même ce qui est
inutile et nuisible. Le royaume psychique de la fantaisie
constitue une réserve de ce genre, soustraite au principe
de réalité.55
Nous aurions, pour la plupart d’entre nous, le besoin de laisser libre cours à notre imagination et nos
rêves. Le genre Fantasy sous toutes ses formes permettraient de faire ce que Freud appelait des rêves
éveillés. Ces derniers sont importants pour l’Homme
car ils lui permettent d’imaginer des « phantasies » et
tenter de les rendre réels.
Ethan Gilsdorf, journaliste et geek, dans son livre de
recherche Fantasy Freaks and Gaming Geeks nous
donne dix raisons possibles pour s’échapper dans un
monde imaginaire :
55 FREUD Sigmund, Introduction à la psychanalyse [1916], Cégep, 2002, « Troisième partie : Théorie générale des névrose », Traduit de l’Allemand par le Dr. S.
Jankélévitch en 1921, revue par Sigmund Freud. p. 93.
36
1. Une évasion flagrante (des problèmes émotionnels,
civil, terrorisme sociétal, économique)
2. Sentiments d’impuissance (lié au point 1)
3. Désir de ne pas se sentir ordinaire, de se sentir
‘héroïque’, de sentir faire partie d’un grand récit
(l’immortalité ?)
4. Trop de temps de loisirs (par rapport à la vie paysanne
/ agriculteur - la ‘ communauté autonome ’ des Monty
Python [et le Sacré Graal])
5. Une urgence (génétique ?) à jouer aux luttes humaines
primitives - la trahison, la vengeance, et surmonter
d’énormes dangers
6. Un moyen sûr d’exprimer ses besoins, craintes et
désirs
7. Le fantastique = le bien contre le mal. Réalité = trop
gris. Besoin d’une vision du monde simpliste.
8. Se connecter avec la nature/magie - un Éden perdu.
Temps préindustriel ?
9. Une réalité écrasante. Une saturation d’informations.
10. Régresser à l’enfance / revivre l’enfance.56
Cette liste serait non-exhaustive, elle n’inclut pas la
simple nécessité du plaisir esthétique ou l’envie d’histoires, mais toutes les raisons évoquées semblent
questionner la place de l’humain face au monde devant lui. Peut-il s’en échapper ? Quelle est sa place,
56 GILSDORF Ethan, Fantasy Freaks and Gaming Geeks: An Epic Quest for Reality Among Role Players, Online Gamers, and Other Dwellers of Imaginary Realms,
Rowman & Littlefield, 2009, p. 41, traduit de l’anglais par l’auteur de : « 1. Blatant
escapism (from problems: emotional, marital, societal-terrorism, economic). 2.
Feelings of powerlessness (related to 1). 3. Desire to not feel ordinary, to feel ‘heroic’: to feel part of larger narrative (immortality?). 4. Too much leisure time (compared to peasant/farmer life - Monty Python ‘autonomous collective’?) 5. Urge
(genetic?) to play-act primal human struggles - betrayal, revenge, and overcoming
great odds. 6. Safe way to express needs, fears and wishes. 7. Fantasy = good vs evil.
Reality = too gray. Need simplistic worldview. 8. Connect with nature/magic - lost
Eden? Preindustrial time? 9. Reality overwhelming. News saturation. 10. Regress to
childhood / relive childhood. »
37
et est-elle centrale ? Comme ces ancêtres, l’humain
d’aujourd’hui a l’option d’explorer comment la magie
peut répondre à ses questionnements.
[Tolkien et Lovecraft57] ont tous deux soutenu la notion
que le fantasme était un complément nécessaire à la réalité, pour assouvir le désir de ‘merveilles imaginées’ que
le monde Primaire ne pouvait pas satisfaire.58
Par contre, ni Freud, ni Tolkien, ni Lovecraft n’ont
connu le monde de la technologie numérique. Ce
monde basé sur la manipulation de chiffres pour
créer des effets visibles opère sur un plan invisible à
l’œil humain. Or il permet la création d’un nombre
inimaginable d’autres mondes dites Secondaires59. À
la différence des générations anciennes, nous donnons une dimension totalement artificielle et scientifique à ces autres mondes dans lesquels nous passons
quotidiennement beaucoup de temps.
Dans son livre de recherche As If: Modern Enchantment
and the Literary Prehistory of Virtual Reality, le professeur en Histoire et spécialiste en culture Européenne
Michael Saler étudie cette ambivalence d’avoir besoin
de relâcher son imagination dans des mondes imaginaires tout en restant dans une logique cartésienne.
57 John Ronald Reuel Tolkien est un auteur britannique de fantasy du début du
xxème siècle, connu pour sa trilogie phare : Le Seigneur des Anneaux. Howard
Phillips Lovecraft, son contemporain, est un auteur de fiction d’horreur américain connu pour son œuvre L’Appel du Cthulhu. Tous deux ont une renommée
internationale dans le monde de la fiction.
58 SALER Michael, As If: Modern Enchantment and the Literary Prehistory of Virtual Reality, Oxford University Press, 2012, p. 182, traduit de l’anglais par l’auteur
de : « [Tolkien and Lovecraft] both argued that fantasy was a necessary complement to reality, gratifying the desire for ‘imagined wonders’ that the Primary World
could not satisfy. »
59 Ibid, p. 31
38
Il explique :
Cette stratégie consciente d’embrasser les illusions tout
en reconnaissant leur statut artificiel, de se tourner vers
le ‘comme si’, est devenue une partie intégrante de l’enchantement moderne …60 Il semblerait que la logique scientifique et technologique ait pris le dessus sur l’imagination des Européens, et que l’animisme serait considérée comme
primitive, voire archaïque, par de nombreux anthropologues. Toutefois, selon le sociologue Bruno Latour
nous n’avons jamais été modernes, c’est à dire que
nous vivons dans un monde de connaissances scientifiques pures. De plus, le philosophe britannique Gilbert Ryle détruit le mythe cartésien en le remplaçant
par le dogme du fantôme dans la machine :
Avec les exceptions douteuses des mentalement incompétents et les nourrissons, chaque être humain possède
à la fois un corps et un esprit. […] Le corps et l’esprit sont
habituellement attelés ensemble, mais après la mort du
corps l’esprit peut continuer à exister et de fonctionner.61
Le corps et l’âme ne seraient donc pas séparés
comme le souhaitait Descartes. Le corps ne peut pas
vivre sans âme, tandis que l’âme peut continuer après
la mort du corps. En outre, Lyotard affirme dans La
condition postmoderne que nous avons perdu foi en
60 Ibid, p. 13, traduit de l’anglais par l’auteur : « This self-conscious strategy of
embracing illusions while acknowledging their artificial status, of turning to the
« as if », has become an integral to modern enchantment… »
61 RYLE Gilbert, The Concept of Mind [1949], The University of Chicago Press,
2002, p 11, traduit de l’anglais par l’auteur de : « With the doubtful exceptions of
the mentally-incompetent and infants-in-arms, every human being has both a
body and a mind. ... The body and the mind are ordinarily harnessed together, but
after the death of the body the mind may continue to exist and function. »
39
la science, et nous avons tendance aujourd’hui à se
tourner vers d’autres recherches pour obtenir d’autres
formes de compréhension62. Nous sommes tout de
même enchantés même en étant conscient de l’état
irréel de l’enchantement.
Si nous continuons dans cette logique, les objets
techniques que nous utilisons devraient donc permettre une explication cartésienne de leurs créations
et utilisations. La plupart des inventions trouvées
pendant la Révolution Industrielle sont des ancêtres
d’un grand nombre d’objets que nous utilisons quotidiennement aujourd’hui. Comme expliqué précédemment, la plupart de ces objets ont suscité un
élément de paranormal. En effet, comme l’auteur de
science-fiction Arthur C. Clarke affirme dans Hazards
of Prophecy: The Failure of Imagination, « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la
magie.63 » Quand une technologie avance, généralement il y a très peu de personnes qui comprennent
entièrement son fonctionnement. Très peu de personnes aujourd’hui comprennent l’électricité, malgré
ses 100 ans d’existence, mais l’utilisent en ne connaissant que les résultats que créée cette force.
Depuis, nous avons découvert entre autre l’énergie nucléaire ainsi qu’inventé différentes manières
de transmission de données dont le wifi, Bluetooth et GPS. Ces technologies ont évolué et restent
majoritairement incomprises de leurs utilisateurs.
En effet, la majorité de ces objets contiennent des
composants, d’autres objets, qui assurent leur bon
62 WARD, op. cit., p. 173
63 CLARKE Arthur C., ‘The Hazard of Prophecy: the failure of imagination’, Futurists, Random House, 1972, Traduit de l’anglais par l’auteur : « Any sufficiently
advanced technology is indistinguishable from magic. »
40
fonctionnement, ils deviennent donc des appareils64. Le philosophe contemporain Vilém Flusser
apporte une définition au terme appareil qui « est
un jouet complexe, tellement complexe que ceux
qui jouent avec lui ne peuvent le percer à jour.65 »
Cette définition peut être facilement appliquée sur
les objets à composants numériques que nous pouvons trouver aujourd’hui.
Chaque composant de ces objets est créé par différentes entreprises ou dans différents départements
de la même entreprise. Chacun de ces composants
demande un niveau de connaissance technologique
et scientifique assez élevé (fig. 13), du moins hors de
portée des personnes n’ayant pas fait de longues
études sur le sujet. Ainsi, chaque composant est créé
par un spécialiste de son domaine, qui ne connait
pas forcément les univers des autres composants.
Nous pouvons conclure que même les fabricants ne
connaissent pas eux même tous les mécanismes de
l’objet pour lequel ils ont participé à son invention.
Fig
.
13
Ces objets créent donc un lien entre une force toujours mystique pour nous et une réaction visible à
l’œil humaine. Nos ancêtres expliquaient cette incompréhension consciemment en donnant une âme
à l’objet qu’ils utilisaient. Aujourd’hui, nous le faisons
inconsciemment. Par exemple, nous avons tendance
à blâmer l’ordinateur pour un bug, et non le programmeur qui en est responsable. De ce fait, nous pratiquons tous, inconsciemment, l’animisme.
64 « Appareil », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=2439922875;r=1;nat=;sol=0;
65 FLUSSER Vilém, Pour une philosophie de la photographie, traduit de l’allemand par J. Mouchard, Circé, 1996, p.40
41
Fig. 10 - Un train dans la neige,
Claude Monet, 1875, huile sur toile,
Musée Marmottan
Fig. 11 - premières ampoules électriques
à filament incandescente inventés par
Thomas Alva Edison en 1879
Fig. 12 - Transformers : L’Age de l’Extinction, Michael Bey,
2014, Paramount Pictures, à fait le plus de ventes l’année de
sa sortie.
Fig. 13 - Décomposition du Samsung S2, sortie en 2011 par
Samsung.
42
2
Des objets de médiation entre les forces
mystiques et les esprits
Nous venons de voir les mutations de la croyance
magique au cours de notre histoire. Nous pouvons
remarquer une constante dans ces transformations :
l’animisme prédomine. Aujourd’hui, celui-ci peut se
manifester de plusieurs façons : L’objet lui-même possède une âme, ou peut devenir un médiateur entre
l’utilisateur et d’autres âmes. De plus, dans nos temps
technologiques, la plupart des objets que nous utilisons tous les jours sont animés par des forces que nous
nommerons « mystiques ».
43
Une relation animiste aux objets
T
el qu’il a été défini dans le premier chapitre de
cette analyse, un objet est la traduction d’une
nécessité en matière. Selon Marshall McLuhan,
un média (sa définition d’un objet) est « l’extension de
l’homme66 ». Ainsi, ils ont été créés pour terminer une
tâche qui ne peut être accomplie par le corps humain.
Un objet ajoute au corps une ou des actions qu’il ne
peut pas faire seul, et pourrait donc être vu comme
inhérent à ce dernier.
Selon Simondon, cela peut s’appréhender sur deux
niveaux : soit inconsciemment durant la petite enfance quand une personne apprend à utiliser un objet, accepte ses fonctions sans les remettre en cause
ou consciemment lorsque l’utilisation de l’objet est
appris à l’âge adulte. Dans ce cas, la personne saura
s’interroger sur la façon dont il ou elle utilise l’objet, et pourra même le changer pour l’adapter à son
propre corps ou sa façon de penser67. Ce deuxième niveau se voit chez l’individu, et dans l’espèce humaine.
Permettez-moi de vous donner un exemple à travers
un condensé historique des changements morphologiques d’un objet (fig. 14) : une pierre a été aiguisée
pour couper dans une peau que les mains humaines
ne pouvaient pas déchirer, puis une branche a été
transformée en perche et ajoutée à la pierre aiguisée
afin de créer une lance pour tuer proies et prédateurs
à une distance de sécurité. Le fer a été découvert et la
4
1
Fig.
66 MCLUHAN Marshall, Understanding Media: The extensions of man, The MIT
Press, 1994
67 SIMONDON, op. cit., p.85
44
lance a nécessité d’être trempée. La lame a été allongée et une poignée ajoutée, l’épée a été créée68.
Pendant tout ce processus, les humains qui ont conçu
l’objet ont aussi gardé à l’esprit son but tout en espérant qu’il ne leur fera pas défaut. Ils ont établi une
relation très intime avec les outils utilisés et créés
au point qu’ils leur ont donné une âme. L’auteur de
fantasy Terry Pratchett et la spécialiste du folklore Jacqueline Simpson se sont alliés pour écrire The Folklore of Discworld dans lequel ils donnent un exemple
d’une telle relation :
L’un de nous se rappelle d’un atelier de forgeron tenu
par des hommes très vieux. Lorsque l’un d’eux meurt,
ses outils personnels sont laissés intacts sur le banc où
il les a placés, et sont progressivement enfouis sous les
débris de l’atelier. Une imagination fiévreuse n’est pas
nécessaire pour voir qu’à l’époque où les outils étaient
un investissement cher et pour la vie, façonnés au fil des
années par la main de son propriétaire, il y aurait un certain dégoût inexpliqué de les manipuler après la mort
d’un collègue de travail.69
Le scientifique allemand Georg Ernst Stahl appelle cet
effet l’animisme ou « la croyance religieuse aux âmes
actifs hors de l’Être vivant.70 » Pour un être humain, une
68 LEROI-GOURHAN André, Milieu et technique, Albin Michel, 1998, p.26
69 PRATCHETT Terry et SIMPSON Jacqueline, The Folklore of Discworld [2008],
Corgi Books, 2014, p. 72, traduit de l’anglais par l’auteur de : « One of us recalls a
metalworker shop staffed by very old men. When one of them died, his personal
tools were left on the bench where he’d put them, untouched, and were gradually
buried under workshop debris. It does not need a fevered imagination to see that
in the days when tools were an expensive lifetime investment, shaped over the
years to the owner’s hand, there would be a certain unfocused distaste for handling them after a workmate’s death. »
70 REY, op. cit., p. 600, « Animisme »
45
âme est synonyme de personnalité et donc un nom.
Un très bon exemple de cela est l’épée. La maitrise de
la création d’une lame assure au porteur de meilleures
chances de survie. Une lame créée par un maître indique la richesse de son titulaire. Dans son Encyclopedia of the Sword71, Nick Evangelista explique « L’un des
outils les plus anciens et précieux à l’humain, pour le
Viking, l’épée a été son compagnon nommé, pour le
samouraï, son âme.72 » Elle a eu une telle importance
que, dans de nombreuses cultures du monde entier,
la lame reçoit un nom et ensuite une personnalité, la
plus célèbre d’entre eux en Europe étant Excalibur.
Cette épée fictive a également des pouvoirs magiques
qui ne sont activés que par son propriétaire désigné,
le roi Arthur. Malgré les multiples versions de l’histoire
sur ce roi légendaire, tous sont d’accord sur l’existence
de cette dernière.
Nommer et donner une âme à un objet, comme
analysé dans le premier chapitre, a existé tout au
cours de notre histoire. En effet, même aujourd’hui,
nous constatons une tendance à considérer nos objets comme ayant une âme propre. Toute personne
ayant possédé un ordinateur ou une tablette a probablement, à un certain moment de leur utilisation,
insulté l’outil lorsqu’il se comportait de manière
inattendue (fig. 15).
De nombreux termes anthropomorphiques sont utilisés pour décrire les objets à composants numériques,
surtout quand ils ne réagissent pas de la façon que
5
1
Fig.
71 Encyclopédie de l’épée
72 EVANGELISTA Nick, The Encyclopedia of the Sword, Greenwood Publishing
Group, 1995, p. xxiii, traduit de l’anglais par l’auteur de : « One of man’s oldest,
most valued tools, for the Viking, the sword was his named companion, for the
samurai, his very soul. »
46
nous attendons d’eux. Par exemple, un ordinateur qui
réagit à un problème dans sa programmation en raison de logiciels malveillants est dit d’avoir un virus,
une « substance organique (pus, salive, etc.) susceptible de transmettre une maladie.73 » Un téléphone
avec une batterie épuisée est généralement appelé
« mort », un terme généralement utilisé pour quelque
chose qui a été vivante74.
Aujourd’hui, nous pouvons constater que la pensée
animiste progresse chez certains spécialistes en anthropologie. D’après certaines de ses définitions, le
modernisme se caractérise par son dualisme. Il utilise
la pensée cartésienne pour séparer le corps de l’âme,
l’environnement de l’humain, la culture de la nature,
et finalement, le sujet de l’objet75. L’animisme ne serait donc pas un processus de pensée acceptable car
il fusionne tout ce que les penseurs philosophes ont
séparé. Cependant, dans la société d’aujourd’hui, et
comme expliqué ci-dessus, nous avons une propension à créer des relations d’homme à homme avec des
objets et entités non-humaines tels que les animaux
domestiques, les peluches, ou même nos technologies numériques. Nous les avons donc transformés
en sujets. Animaux et objets techniques, en particulier, communiquent avec nous (fig. 16), ils répondent à
nos actions en nous donnant des informations ou en
modifiant leurs comportements, les rendant animés.
Comme expliqué précédemment, nous semblons
Fig
.
16
73 « Virus », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?24;s=317551755;r=2;nat=;sol=2;
74 « Technologie et magie », Place de la Toile, France Culture, émission de radio
du 08 juin 2013, 18h56, en présence de Vincenzo Susca, Xavier de la Porte et Thibault Henneton
75 VAN HULLE Dirk, « Modernism, Mind, and Manuscripts », In : RABATÉ
Jean-Michel, A Handbook of Modernism Studies, Wiley-Blackwell, 2013, p. 227
47
avoir accepté d’autres formes de compréhension76, y
compris l’animisme.
Une autre explication à notre pensée animiste dans
notre société numérique a été donnée par Vincenzo
Susca, chercheur au Centre d’Études sur l’Actuel et le
Quotidien, qu’il appelle la « technomagie ». Il apporte
l’exemple de quelqu’un qui jette un téléphone à travers une pièce lorsque la personne à l’autre bout de la
ligne l’énerve. On place le blâme sur l’objet d’abord, et
ensuite, plus tard, sur l’humain77. A cause de, ou grâce
à, la science et le rationalisme, nous n’avons plus besoin d’explications à la plupart des phénomènes qui
nous entourent. Malgré cela, nous semblons nous
tourner vers l’expérience et l’émotion78.
En effet, selon Susca, quand un objet à composants
numériques ne réagit pas de la façon que nous attendions, nous voyons cela comme une trahison de
sa part. C’est à nouveau la preuve d’une projection
de nos émotions humaines dans des objets fabriqués
par l’humain, il démontre également comment ces
objets sont devenus profondément intimes. Susca explique cette intimité en définissant la différence entre
la pensée rationnelle et la pensée magique. La pensée
rationnelle s’appuie sur la logique et semble donc être
la créatrice de la technologie, à savoir : la technique de
la logique. Toutefois, comme nous venons de le voir,
on ne semble pas avoir une interaction logique avec
nos objets techniques qui utilisent la technologie.
Susca défini ces objets comme « technomagiques »
car leurs propriétaires n’utilisent plus le cerveau ou la
76 WARD, op. cit., p. 173
77 Place de la Toile, op. cit., 2013
78 Ibid
48
rationalisation comme le centre du processus de pensée79, ceci est la base de la pensée magique.
Un exemple que donne le chercheur est l’utilisation
d’écrans tactiles dans la plupart des technologies
numériques. En effet, un bouton non-tactile aura sa
forme modifiée une fois enfoncé, provoquant ainsi
une réaction en chaîne. Toucher un panneau avec un
doigt sans modifier sa forme, mais toujours provoquer
une réaction dans l’objet appelle à une sensation au
lieu du rationalisme. Malgré cette réaction illogique,
nous avons facilement accepté la technologie tactile.
Aujourd’hui, la plupart des nouvelles inventions ont
un écran tactile plutôt que des boutons. En effet, lors
du lancement du premier iPhone en 2007, Apple a
choisi le slogan « Touching is believing80 » (fig. 17).
Ainsi, selon Susca, nous sommes passés de la
rationalisation cartésienne du Siècle des Lumières à
ce que nous pourrions appeler le sensorialisme. Les
sensations étant une réaction corporelle subjective,
cela explique à quel point les objets contenant des
réactions à nos sens, tel que les écrans tactiles,
sont devenus intimes. Poursuivant les prémices
de McLuhan que les médias sont l’extension de
l’humain, cette intimité a encore brouillé la frontière
entre le corps et l’objet technique. Par exemple, les
objets de santé connectés permettent une interface
visible de fonctions corporelles normalement
invisibles à l’utilisateur, ou toute autre personne sans
au moins une forme de contact physique. Certains de
nos objets nous suivent partout, dans des endroits
Fig
.
17
79 Ibid.
80 BOHRER Clemens, « Les Techniques de l’adjuration », traduit de l’allemand
par David Dilmaghani, Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie
[2011], CNRS, 2013, p. 113. « Toucher c’est croire ».
49
où la technologie n’a normalement pas sa place :
un lecteur mp3 sur la table de chevet utilisé comme
un réveil, un ordinateur portable sur les genoux
dans son lit pendant une session de travail de nuit,
un smartphone dans les toilettes pour se divertir
pendant ces moments de pause.
Insuffler de l’animisme dans un objet est donc lui attribuer une caractéristique magique. Telle que définie
précédemment, la magie comprend un aspect de ritualisme fort, c’est à dire un certain nombre d’actions
prédéfinies, à effectuer à des moments spécifiques,
afin d’obtenir le résultat demandé. Normalement réservés aux cérémonies religieuses81, des rituels se sont
répandus dans notre vie de tous les jours, même chez
les agnostiques et les athées82. En une matinée numérique, nous vérifions nos téléphones pour des messages, allumons la télévision pour les nouvelles du
monde, validons notre carte de voyage sur une borne
pour accéder au quai de notre train (fig. 18). Nous
pourrions appeler cela habitude plutôt que rituel.
8
1
Fig.
Or d’une part, l’habitude est une action auto-imposée à partir de laquelle la personne peut se détourner consciemment. D’autre part, un rituel est généralement imposé par une entité autre que l’individu
faisant les actions. Toutefois, les objets techniques
et à composants numériques ont tous été conçus
par des designers qui ont réfléchi à leur ergonomie
et aux actions que l’utilisateur devra faire afin de
les utiliser correctement, ainsi qu’à la façon dont
ils seront utilisés, en imposant des actions et donc
81 « Rite », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/
scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1771450320;
82 NOVA Nicolas, Curious Rituals: Gestural Interaction In The Digital Everyday,
2012, [en ligne], http://curiousrituals.wordpress.com/
50
créer des rituels plutôt que des habitudes. Comme
le sociologue Stéphane Hugon affirme : « Acte
technique, acte physique, acte magico-religieux
sont confondus.83 »
En outre, les humains ont une tendance instinctive, comme de nombreux animaux, à trouver des
patterns, ou des schémas, dans l’environnement autour d’eux. Selon le journaliste et fondateur du Skeptic Magazine, Michael Schermer, cette recherche de
patterns aurait aidé un animal à décider si une situation est sécurisante ou dangereuse, et ainsi aider les
espèces à survivre84. Toutefois, certains phénomènes
apparaissent au hasard. Au cours de son expérience
avec un pigeon dans une boîte, qui reçoit de la nourriture à des moments aléatoires, le scientifique Burrhus
Skinner a découvert que son sujet d’essai, faute d’un
motif, créait un rituel qu’il répétait jusqu’à ce qu’il reçoive de la nourriture85 (fig. 19).
Fig
.
19
Cette création de rituels est quelque chose que les
humains subissent aussi, par exemple autour de l’ordinateur. En effet, quand un ordinateur tombe en
panne un être humain (qui n’est pas technicien en
informatique), essaiera généralement deux rituels en
espérant que la machine va revenir à ce qu’il considère être son état normal. Il ou elle va d’abord essayer
le ctrl + alt + del rite qui consiste à appuyer les boutons Contrôle, Alternative et Supprimer du clavier
puis choisir de mettre fin à un processus, forçant ainsi
83 HUGON Stéphane, « Soudain : la technique », Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 64
84 SCHERMER Michael, « The pattern behind self-deception », TED, février
2010, [en ligne], http://goo.gl/cCtAsL
85 SKINNER Burrhus, « Superstition in the pigeon » [1947], Classics in the History
of Psychology, [en ligne], http://psychclassics.yorku.ca/Skinner/Pigeon/
51
un programme à fermer. Si les choses vont vraiment
mal, et que l’ordinateur ne réagit plus, la cérémonie
d’éteindre puis rallumer la machine commence (fig.
20), généralement accompagnée de grognements et
même par la colère de l’utilisateur.
Même si le bug en programmation existe toujours et
peut donc de nouveau causer le problème, éteindre et
rallumer un ordinateur se fait dans l’espoir que la machine fonctionne comme elle le fait habituellement
lorsque le bouton de démarrage est utilisé. Selon
Nicolas Nova, beaucoup plus de rituels ont été créés
autour des objets techniques86, dont certains seront
étudiés de plus près dans le chapitre suivant.
Nous pouvons donc voir que, malgré notre soi-disant
hyper-rationalisme restant du Siècle des Lumières,
nous continuons toujours à insuffler de l’animisme
dans nos nouvelles inventions. En outre, non seulement les objets à composants numériques sont de
moins en moins bien compris par les utilisateurs, ils
sont également de plus en plus autonomes avec leur
esprits propres. On pourrait donc dire que plus nous
continuons vers l’automatisation complète, plus
notre technologie devient magique.
86 NOVA, op. cit.
0
2
Fig.
52
Fig. 15 - Allumé un ordinateur par
la voix ne fonctionne pas toujours.
IT Crowd, épisode 1, saison 1, 2006,
Channel 4.
Fig. 14 - L’évolution des armes à travers
les siècles, Musée McCord .
Fig. 16 - Un chat à des réactions
humaines ?
Fig. 17 - Publicité pour l’iPhone 6, 2014,
Apple.
53
Fig. 18 - Nos objets numériques nous
suivent partout.
Fig. 19 - Le pigeon de Skinner dans sa boîte attendant sa nourriture.
Fig. 20 - La cérémonie d’éteindre puis rallumer joué par The
IT Crowd, 2006, Channel 4
54
Une connexion à d'autres esprits, morts ou vivants
L
orsque nous ajoutons un esprit à nos objets,
nous avons aussi une tendance à utiliser nos
inventions pour communiquer avec d’autres
âmes, mortes ou vivantes.
Alors que le téléphone est l’un des meilleurs exemples
d’un objet contenant une âme, en particulier le
smartphone, c’est aussi le meilleur exemple d’une
communication avec une âme. En effet, comme Erik
Davis déclare :
Dans un sens, le téléphone est la technologie animiste
ultime. Nous associons la vie consciente avec ce qui
communique, et là était une chose inerte mais pleine
de voix.87
Si nous suivons une manière rationnelle de penser
alors on pourrait suivre l’équation suivante : ce qui
communique est conscient, le téléphone communique, ainsi le téléphone est conscient. Lorsqu’une
personne utilise un téléphone, il ou elle va entendre
la voix de leur correspondant dans la petite boîte,
donnant l’impression que l’objet a piégé une partie de
son âme. Cela démontre une pensée animiste. Or, le
téléphone peut « piéger » une multitude d’âmes dans
sa boîte.
87 DAVIS, op. cit., p. 66, traduit de l’anglais par l’auteur de : « In a sense, the
telephone is the ultimate animist technology. We associate sentient life with what
communicates, and here was an inert thing full of voices. »
55
Le téléphone a toujours eu un lien avec le spiritisme.
En effet, ces inventeurs présumés Graham Bell et Thomas Watson ont expérimenté d’abord en demandant
à douze personnes de se tenir la main et de créer ainsi
un circuit parcouru par un courant faible, permettant
à Bell et Watson de se parler avec succès depuis différentes salles88 (fig. 21). En imaginant, on pourrait se
rappeler des séances où plusieurs personnes sont assises autour d’une bougie ou une ampoule en silence
se tenant la main dans l’espoir que leurs énergies cumulées leur permettront de communiquer avec des
défunts. Nés pendant une période obsessionnelle sur
les fantômes et le spiritisme, il n’est pas surprenant
que les inventeurs du téléphone aient également eu
une fascination pour les esprits qui nous ont quittés.
Il est donc presque logique qu’ils inventent un objet
qui permet à deux âmes de communiquer ensemble
sans être dans la même pièce, ou pays.
1
2
Fig.
Erik Davis estime que :
Ces jours-ci, bien sûr, nous sommes habitués aux machines parlantes, et l’omniprésence et le pragmatisme
du téléphone a chassé ces perceptions animistes dans
la brousse.89
Le sociologue explique d’abord que, dans la société
d’aujourd’hui, nous ne ressentons plus cette relation
entre l’esprit et le téléphone, nous comprenons apparemment la façon dont il fonctionne. S’appuyant sur
88 Ibid., p. 66, traduit de l’anglais par l’auteur de : « In a sense, the telephone is
the ultimate animist technology. We associate sentient life with what communicates, and here was an inert thing full of voices. »
89 Ibid, p. 67, traduit de l’anglais par l’auteur de : « These days, of course, we are
used to talk­ing machines, and the ubiquity and pragmatism of the telephone has
chased such animist perceptions back into the bush. »
56
l’analyse du chapitre précédent, je suis en désaccord.
En effet, seuls les scientifiques ayant de nombreuses
années d’études dans des domaines technologiques,
comprennent parfaitement comment les voix sont
transmises d’un périphérique à un autre. Tout comme
les ordinateurs, un téléphone sans batterie est mort.
De plus, si nous prenons un téléphone et n’obtenons
pas de tonalité, nous dirons généralement que la ligne
est morte. Le téléphone a été au centre de notre imagination (fig. 22), et peut-être même considéré comme
un objet effrayant.
Prenez la fameuse scène dans Scream lorsque le personnage principal, Sidney, répond au téléphone et
entend une voix angoissante (fig. 23). On aurait pu
penser que raccrocher et ensuite ignorer le téléphone
serait une bonne idée (rendant le film très court). Toutefois, Sidney ne le fait pas. La sonnerie incessante ordonne presque de ramasser le récepteur et de parler
à l’âme maléfique au bout du fil90. On peut également
constater dans la vie de tous les jours, lorsque nous
cherchons frénétiquement notre téléphone pendant
qu’il sonne de manière impérative, alors qu’il serait
simple de rappeler une fois le téléphone retrouvé.
Téléphones et autres dispositifs nous relies à d’autres
par des forces que la plupart d’entre nous comprennent peu. Entendre la voix de quelqu’un au téléphone donne déjà un sens à la communication avec
une âme sans corps. Les écrans ajoutent à l’impression de l’interaction avec les autres et offres de plus
un stimulus visuel. Pour cette analyse, nous étudierons les écrans des appareils numériques.
90 CRAVEN Wes, Scream, Dimension Films, 1996
Fig
.
22
Fig
.
22
57
Jay David Bolter et Diane Gromala avancent :
Quand on regarde dans le miroir, nous nous voyons, et
nous voyons la pièce derrière et autour de nous - c’est à
dire - nous dans un contexte. Les interfaces numériques
sont comme des miroirs dans le sens où ils reflètent l’utilisateur dans un contexte, y compris son environnement
physique, son milieu de travail ou à la maison, et l’environnement plus large défini par sa langue et sa culture.91
Ainsi, l’écran d’ordinateur peut afficher des représentations graphiques de ce qui ne peut être ressenti
par le corps. Il interagit avec le spectateur non seulement en lui permettant de choisir ce qu’il veut voir ou
entendre, mais aussi en lui laissant la possibilité de
créer. L’écran est maintenant considéré comme une
fenêtre sur le monde, tout comme la fantasy. En effet,
la plupart des jeux vidéo se passent dans des mondes
fantastiques, et beaucoup d’entre eux ont créé une
base de fans participatifs. Selon Vincenzo Susca, qui
rejoint les pensées de Gilsdorf, participer à travers
des écrans avec les autres est aussi « s’abandonner à
quelque chose de plus grand que soi.92 »
En plus de permettre à l’utilisateur de visualiser des
choses normalement invisibles ou non ressenties,
91 BOLTER Jay David et GROMALA Diane, Windows and Mirrors: Interaction Design, Digital Art, and the Myth of Transparency, MIT Press, 2003, p 27, traduit de
l’anglais par l’auteur de : « When we look in the mirror, we see ourselves, and we
see the room behind and around us – that is, ourselves in context. Digital interfaces are like mirrors in the sense that they reflect the user in context, including
her physical surroundings, her immediate working or home environment, and the
larger environment defined by her language and culture. » Jay David Bolter est
un professeur en New Media à l’Université de Georgia Tech. Diane Gromala est
la directrice de Canada Research à l’école de Interactive Arts and Technology à
l’Université de Simon Fraser.
92 Place de la Toile, op. cit., 2013
58
l’écran numérique lui permet également d’interagir
avec les autres d’une façon que les autres médiums
ne permettent pas. Le professeur d’Histoire Theodore
Roszak nous donne une image de quelqu’un qui utilise un écran :
La vision est la suivante : on est assis devant un écran lumineux, caressant les touches, en regardant des choses
remarquables sur l’écran à la vitesse de la lumière. Des
mots, des photos, des images apparaissent de nulle part.
Comme un enfant, on commence à croire à la magie une
fois de plus. Et parce que l’on fait de la magie, un sens
enivrant de pouvoir accompagne l’action. On a la culture
de toute la planète, là, au bout des doigts ! Toutes les
banques de données, les bibliothèques, les archives, les
films, les musées d’art, les panneaux d’affichage, les téléphones et télécopieurs dans le monde sont dans cette
seule boîte.93
L’écran numérique permet une autre forme de sensorialisme, un partage illusoire d’expérience. Cet appareil
est donc doublement magique. Non seulement il a une
âme mais permet également à de multiples âmes de
communiquer entre elles. Contrairement au téléphone
qui ne fonctionne que sur les sens auditifs, l’écran numérique fonctionne aussi sur la vue et le toucher.
Une expérience que certains d’entre nous recherchent
est le contact avec d’autres esprits et âmes, par exemple
ceux de personnes décédées. Selon l’anthropologue
britannique E. B. Tylor, la religion a été en partie créée
pour expliquer ce que nous devenons après la mort :
93 ROSZAK Theodore, The Cult of Information: A Neo-Luddite Treatise on High
Tech, Artificial Intelligence, and the True Art of Thinking, University of California
Press, 1994, p. 186
59
À partir de l’observation des primitifs, [il] explique par
l’expérience du sommeil, du rêve et de la mort, l’origine
et la succession des principales croyances religieuses de
l’humanité : idée de l’âme distincte du corps, culte des
morts et des ancêtres, croyance aux esprits, puis à des
divinités supérieures, enfin à un Dieu unique. 94
Les êtres humains se demandent ce que deviennent
nos âmes une fois que nos corps meurent, et si d’autres
esprits évoluent autour de nous. Pour certains, nos
âmes existent encore, comme décrit par Gilbert Ryle,
et, avec d’autres types d’esprits, elles ont des interactions avec les objets que nous avons créés dans ce
but, ou à travers des objets que nous utilisons tous les
jours. Un objet avec une relation forte aux fantômes
est l’ordinateur. Pour le mathématicien et philosophe
Kurt Gödel, c’est la preuve que nos âmes continuent
d’exister même après notre passage sur terre.
Ce philosophe du début xxème siècle avait une imagination très singulière, ce qui l’a conduit à devenir
paranoïaque au point qu’il ne mangeait que ce que
sa femme préparait pour lui, était hypocondriaque,
et croyait que les fantômes vivaient dans les buissons
de l’Université de Princeton où il travaillait. Il a aussi
prouvé grâce à l’utilisation de la théorie de la relativité
d’Einstein que le voyage dans le temps était possible.
Cependant, Gödel n’était pas fou, son théorème a eu
un grand retentissement sur la pensée scientifique
et philosophique : le théorème d’incomplétude qui
compare les ordinateurs aux humains. D’une part
l’ordinateur est régi par des états, ou axiomes, que
94 « Animisme », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/
animisme
60
les humains ont programmés, il est donc incapable
de travailler ou évoluer sans intervention humaine.
D’autre part, les humains ont un nombre infini d’états
et peuvent trouver des axiomes accidentellement, dû
au fait que nous sommes incapables de nous comprendre complètement. Nous avons besoin des autres
pour déverrouiller ce que nous savons surement déjà,
mais n’en avons pas forcément conscience. Nous ne
sommes donc jamais complets.
Selon Gödel, il existe des êtres conscients et logiques
qui vivent indéfiniment, leur permettant de trouver
tous les axiomes possibles afin d’atteindre la complétude, et donc réfuter son théorème. Gödel croît
aussi en la vie après la mort, où nos âmes vivent indéfiniment dans un monde de mathématiques à
la recherche de ces axiomes95. Ainsi, en utilisant les
exemples du dogme du « Fantôme dans la Machine »
de Ryle et le théorème d’incomplétude de Gödel, on
peut voir que les objets techniques sont soumis à l’attraction des esprits, il n’est pas étonnant que nous essayons de communiquer avec eux.
Certains objets nous ont permis de voir des âmes.
Un bon exemple est l’appareil photographique, inventé par Nicéphore Niépce en 1826 en utilisant
des plaques d’étain96. Le lien entre l’âme et la photographie est très forte, comme nous pouvons le
voir au travers certaines civilisations primitives, et
existantes, qui croient se faire prendre en photo signifiait avoir son âme volée et piégée dans la boîte.
Parallèlement, la photographie a été rapidement
95 CASSOU-NOGUES Pierre, « Gödel, Wiener, la cybernétique et les fantômes »,
Média Médium, Conférence à l’YGREC, Paris, 28 novembre 2014
96 GERNSHEIM H. and A., A Concise History of Photography, Thames and Hudson, 1971, p. 20
61
adoptée par les contemporains de Niépce, et utilisée
par des portraitistes.
La technologie inventée pour créer une photo demandait aux personnes de rester immobiles pendant
plusieurs minutes. L’image qui en sortait ne pouvait
jamais être parfaitement nette. Par contre, la photographie d’une personne parfaitement immobilisée par
rigor mortis par exemple n’aura pas ce problème. Les
victoriens d’Angleterre connaissaient cet aspect de la
photo et en profitaient pour prendre des images de
leurs membres de la famille récemment morts (fig. 24).
De l’autre côté de l’exposition, une personne en mouvement ne laissait qu’une trace blanchâtre et floue
sur les premier négatifs (fig. 25), donnant l’effet d’un
spectre. Dans les deux cas, la photographie et les photos confrontaient les Européens à la vie après la mort
et à la possibilité que des personnes disparues récemment soient toujours présentes autour d’eux97.
4
2
Fig.
5
2
Fig.
Ainsi que d’essayer de voir des âmes immatérielles,
nous avons également voulu communiquer avec eux.
Yves Citton98, explique une théorie que le professeur
Eugene Thacker a mis au point :
Eugene Thacker accouple les récits d’horreur surnaturelle avec l’ontologie médiévale ou kantienne. Il en tire
une théorie de l’antimédiation, qui cherche à faire apparaître en quoi, derrière leur apparence banale en fonctionnelle, les appareils de communication nous mettent
97 Ibid
98 Yves Citton est professeur de littérature française du xviiie siècle à l’université de Grenoble-3 et co-directeur de la revue Multitudes, et collabore régulièrement à la Revue des Livres. Un des sujets qu’il enseigne est la Média-archéologie
qui regarde les inventions qui sont sortie des imaginaires du xixe et xxe siècles.
62
en contact avec un autre monde, une autre réalité, où la
médiation renvoie toujours à ce qui dépasse la hante.99
Cette tentative de contacter ce que certains appellent
« un autre plan d’existence » semble être aussi vieille que
l’humanité, comme on peut le voir avec l’existence des
chamans depuis la préhistoire, et encore aujourd’hui.
La journaliste pour la BBC, et elle même chamane (fig.
26), Corine Sombrun donne une définition du chamanisme et de son utilité : « Ce que je sais du chaman à
l’époque, c’est qu’il est une sorte de lien entre le monde
des humains et le monde des esprits.100 » Au cours de
la Préhistoire, ainsi que ceux qui existent aujourd’hui,
les chamans utilisent des objets fabriqués en matériaux bruts pour se connecter et communiquer avec
le monde des esprits, comme des totems et amulettes
par exemple.
Fig
.
26
Aujourd’hui, nous avons créé de nouveaux objets pour
nous permettre une telle connexion. Un exemple est la
planche d’ouija utilisée à l’aide de l’écriture hantée lors
de séances, aussi connue comme psychographie ou
l’art d’écrire inconsciemment ou sous la direction d’un
esprit. Initialement inventée par les chinois pendant la
dynastie Ming entre le xivème et xviième siècle pour remplacer l’écriture hantée à l’aide d’un tamis, cette technique connue sous le nom de fuji utilise une planche
tout comme l’ouija d’aujourd’hui101.
99 CITTON Yves, NEYRAT Frédéric, QUESSADA Dominique, « Envoûtements
médiatiques », Multitudes, n° 51, 2012/4, p. 61
100 SOMBRUN Corine, « La transe chamanique, capacité du cerveau ? », TEDxParis, décembre 2012, [en ligne], http://goo.gl/hXpgFp
101 MARTIN ELLIS Melissa, 101 Ways to Find a Ghost: Essential Tools, Tips, and
Techniques to Uncover Paranormal Activity, Adams Media, 2011, p. 88
63
Ce dispositif de communication avec les esprits demande aux participants de toucher ensemble une
palette en forme de pointeuse, qui est ensuite passée
sur une carte ou un papier inscrit avec des lettres, des
chiffres et deux mots, oui et non (d’où le nom ouija,
le oui français, et le ja allemand) (fig. 27). Normalement, un esprit guidera la palette des participants,
formant un mot ou une réponse oui ou non. Si l’on
croit en l’ésotérisme, les esprits existent donc et
peuvent communiquer à travers un objet. Il est toutefois possible que les participants inconsciemment,
ou plutôt consciemment, écrivent les mots en prenant le contrôle de la palette sans que les autres en
aient connaissance.
7
2
Fig.
Les esprits essaieraient de communiquer avec nous
à travers d’autres objets, modifiés de leur fonction
principale, une action appelée phénomène de voix
électroniques, ou EVP. Un exemple est la bande audio
qui, dans certaines circonstances, permet aux gens
d’entendre les voix de personnes décédées102. La télévision non accordée semble aussi permettre aux gens
d’entendre les âmes par le bruit blanc créé par l’écran.
On peut également prendre l’exemple du répondeur
et sa faculté de nous permettre d’entendre la voix de
notre correspondant en sachant qu’il n’est pas présent à ce moment-là.
Davis apporte plusieurs questions sur le téléphone : « Est-ce qu’il parle, est-ce que nous parlons à travers lui, ou est-ce que ces vibrations sont
uniquement les fantômes de nous-mêmes ?103 » Il
102 Ibid.
103 DAVIS, op. cit., p. 67, traduit de l’anglais par l’auteur : « Does it talk, do we
talk through it, or are those vibrations only the ghosts of ourselves? »
64
poursuit en décrivant la sensation d’entendre sur
son répondeur la voix de quelqu’un qui vient de décéder. Même si l’utilisateur sait que la personne est
défunte, sa voix dans le répondeur transforme l’objet en un récipient pour son âme, ce qui explique sa
réticence à effacer le message.
65
66
Fig. 21 - Alexandre Graham Bell
appelant Chicago depuis New York,
1862, Gilbert H., Library of Congress.
Fig. 22 - Le premier téléphone
portable ?, Jacques Tati, Jour de Fête,
1949, Francinex
Fig. 23 - Sidney au téléphone, Wes
Craven, Scream, 1996, Dimension Films
67
Fig. 24 - Photo d’une femme défunte et
de sa famille du xixème siècle.
Fig. 25 - Photo d’une femme se
déplaçant du xixème siècle.
Fig. 26 - Corine Sombrun construisant
son tambour de chaman.
Fig. 27 - Planche de ouija, 1871
68
Entretien avec Audrey Breuer, thérapeute médium
J.L. : Pourriez-vous, en premier lieu, expliquer votre
activité ? En quoi êtes-vous médium ?
A.B. : La médiumnité est, pour moi, une forme accrue
de sensibilité à laquelle nous avons tous accès. Nous
accédons à un niveau de conscience différent sur qui
nous sommes et ce qui nous entoure. En fait, il s’agit
d’être « en phase » avec les ressentis du corps et du
cœur. Il y a différents types/ manifestations de « médiumnité » : Dans mon cas, je suis capable de communiquer avec les défunts, et d’avoir accès aux mémoires
cellulaires ou transgénérationnelles d’une personne
- à son subconscient profond - en me « connectant »
à elle par l’intention (avec son accord bien sûr !).
Ensuite, je l’aide à libérer cette mémoire si cela peut
l’aider à avancer dans sa vie. C’est délicat d’expliquer
cela en quelques lignes !
J.L. : Vous semblez avoir une relation particulière
aux objets que vous touchez / côtoyez. Serait-il possible d’expliquer cette relation ? Comment vous
la vivez ?
A.B : Si l’on part du principe que tout sur notre planète est information, alors toucher un objet revient à
« toucher »/entrer en contact avec l’information qu’il
porte. En gros, une réaction/résonnance se fait entre
moi et mon énergie/information, et celle que porte
l’objet lorsque je le touche. Ma réaction indique si nous
sommes « compatibles » ou non, en gros si cet objet
me fait du bien, est neutre ou est mauvais pour moi.
Cela peut être de la nourriture, des cosmétiques, des
69
objets anciens ou nouveaux. Par exemple, il m’arrive
régulièrement de ressentir comme une sensation de
« brûlure » lorsque je touche des vêtements chimiques,
ou des cosmétiques avec beaucoup de chimie. Il m’arrive également de sentir lorsque quelque chose ne « va
pas » avec ce que je mange : L’autre jour par exemple je
mangeais un cheesecake que l’on m’avait donné. Je ressentais dans mes mains à la sensation que ce cheesecake n’était pas « compatible » avec moi, mais ne voulant pas embêter mes hôtes, je l’ai mangé. Le résultat
ne s’est pas fait attendre, et la première bouchée avait
à peine atteint mon estomac, que je pouvais ressentir
que « quelque chose n’allait pas » : sensation de lourdeur, plexus solaire serré, émotions, comme de la tristesse. Je suis allée voir les ingrédients, et j’ai découvert
qu’ils contenaient de la gélatine (je suis végétarienne).
Il m’est également arrivé d’acheter des bracelets faits
au Népal par une association. Pourtant, dès le moment où je les ai mis, je les ressentais comme très
lourds, et ils me « brûlaient » aussi. Je me sentais
triste, mon plexus solaire réagissait. Plus tard, en me
« connectant » à l’information que contenait ce bracelet, j’ai pu « voir » que quelque chose d’horrible était
arrivé à celle qui l’avait fabriqué, pendant son enfance. Le bracelet était imprégné des émotions qu’elle
n’avait jamais pu exprimer. J’ai donc dû « libérer » ces
émotions du bracelet et le « formater » pour pouvoir
le porter.
Pour enfin citer un exemple concernant un objet moderne, je suis capable de sentir les émissions des téléphones portables. L’année dernière, en changeant de
smartphone, je fus assez horrifiée par l’intensité de
ses émissions. Un ami pouvait se mettre dans la pièce
voisine, je pouvais sentir lorsqu’il allumait ou éteignait
70
l’objet. Je sentais les émissions « remonter mon bras »,
et pareil, une grande sensation de lourdeur et d’étouffement au niveau du plexus solaire. En vérifiant sur internet, j’ai effectivement pu constater que des tous les
téléphones disponibles sur le marché à cette époque,
ce téléphone avait les taux d’émissions les plus élevés.
J’ai remédié au problème en mettant un autocollant
sur mon téléphone qui modifie son information (certaines pierres ont des propriétés similaires mais cet
autocollant vendu par des amies fonctionnait mieux et
avait surtout l’avantage d’être plus discret).
J.L. : Pouvez-vous contrôler cette relation ?
A.B. : Je peux essayer de l’ignorer mais généralement
je le regrette par la suite. C’est un peu comme si vous
me demandiez si j’étais capable de ne pas sentir : oui
je peux me boucher le nez, mais est-ce vraiment bon
pour moi d’ignorer ce que me disent mon cœur et
mon corps, surtout lorsqu’il s’agit de mon bien-être ?
J.L. : Y-a-t-il des types d’objets auxquels vous avez
une relation plus forte (négative ou positive) ?
A.B. : Les cristaux et pierres, quand ils sont de très
bonne qualité. Sinon je n’ai jamais aimé les antiquités. En général, les réactions fortes se font surtout
avec des objets (quels qu’ils soient) qui résonnent
fortement avec moi, de manière positive ou négative.
Cela peut-être n’importe quel objet.
J.L. : Je concentre mon mémoire sur les objets dits
connectés. Avez-vous déjà eu une réaction à ce
type d’objet ?
71
A.B. : Oui, mon téléphone, comme expliqué plus haut.
Parfois, certains phénomènes paranormaux peuvent
interagir avec la connexion internet pour attirer mon
attention, et j’ai certains amis dont la simple présence
peut perturber la connexion. Je ressens la plupart des
smartphone négativement.
J.L. : Comment pensez-vous que cette relation
soit créée ?
A.B. : Tout est une question d’intention. Un plat identique préparé par deux personnes ou dans deux états
d’esprit différents (joie/colère) n’aura pas exactement
le même goût, car tout est information. Il en est de
même pour les livres, qui ne sont rien d’autre que de
l’information que nous « ingérons » par la lecture. Il
y a des livres qui résonnent très fortement en nous,
nous les adorons ou nous les détestons ! C’est exactement le même principe de résonance.
72
L'importance des forces fondamentales créant le
monde
Q
ue ce soit pour communiquer avec d’autres
esprits, ou pour obtenir sa propre âme, l’objet technique a besoin d’avoir accès à une ou
plusieurs forces fondamentales. Ce sont des énergies
puissantes, et la plupart du temps artificielles, qui ne
sont que partiellement contrôlées et comprises par
l’utilisateur, et parfois même par son créateur. On
peut dénombrer un grand nombre de ces forces, la
plupart d’entre elles ont été découvertes ou inventées
durant les cent dernières années. Pour cette analyse,
nous allons nous concentrer sur les forces qui ont
un fort impact sur notre vie numérique quotidienne.
Nous regarderons notamment l’électricité ainsi que le
Wifi, y compris d’autres forces connectives.
L’électricité, depuis ses premières recherches au
xviième siècle par William Gilbert104, a été une fascination et un mystère pour la plupart des gens. McLuhan définit cette force puissante et magique comme
un mythe :
Car le mythe est la vision instantanée d’un processus
complexe qui s’étend habituellement sur une longue période. Le mythe est la contraction ou l’implosion de tout
processus, et la vitesse instantanée de l’électricité lui
104 HEILBRON J. L., Electricity in the 17th and 18th Centuries: A Study of Early
Modern Physics, University of California Press, 1979, p. 169
73
confère la dimension mythique sur l’action industrielle
et sociale ordinaire aujourd’hui.105
La plupart de nos objets habituels nécessitent de
l’électricité sous une forme ou une autre, batterie
ou une source d’alimentation externe, on peut dire
que nous vivons dans un monde de mythes. En effet,
quand elle a été découverte, l’électricité a été décrite
comme « la fée électricité106 » (fig. 28). Une fée est un
être du folklore qui aidait les humains dans leurs
tâches en échange de nourriture ou de cadeaux. Selon
une superstition, on peut laisser du lait et du pain à la
porte le soir pour les fées et lutins dans l’espoir qu’ils
effectueront pendant la nuit une tâche qui nous est
pénible. Cette croyance a été transcrite dans un conte
de fées des frères Grimm nommé Les Lutins. Ces êtres
magiques sortaient la nuit afin de réaliser pour un
cordonnier les meilleures chaussures que la ville avait
connues. En échange de leur aide, le cordonnier et
son épouse leur ont laissé des vêtements, ce que les
lutins ont appréciés.
8
2
Fig.
Depuis lors, on ne les a plus revus ; mais pour le cordonnier tout allât bien jusqu’à son dernier jour, et tout lui
réussit dans ses activités comme dans ses entreprises.107
L’électricité se comporte de la même manière.
105 MCLUHAN Marshall, Understanding Media: The extensions of man, The MIT
Press, 1994, p.25, traduit de l’anglais pas l’auteur : « For myth is the instant vision of
a complex process that ordinarily extends over a long period. Myth is contraction
or implosion of any process, and the instant speed of electricity confers the mythic dimension on ordinary industrial and social action today. »
106 D’ARSONVAL A., « L’avenir de l’électricité », Revue Scientifique, n°28, 17 septembre 1881, p. 370
107 GRIMM Frères, The Fairy Tales of the Brothers Grimm, Andrews UK Limited,
2011, traduit de l’anglais pas l’auteur de : « The good couple saw them no more;
but everything went well with them from that time forward, as long as they lived. »
74
En effet, l’électricité est devenue une force indispensable pour notre vie, nous ne pouvons pas concevoir
plus d’une journée sans et encore moins une nuit.
Malgré l’Humanisme de la Renaissance qui visait à
se délier de l’asservissement à Dieu, et la supposée
hyper-rationalité du Siècle des Lumières, nous nous
retrouvons tout de même dans une forme de dépendance. Durant la Renaissance, nous essayâmes de devenir maîtres de soi et de notre destin. Aujourd’hui,
notre forme de dépendance a changé. La plupart
des personnes habitant dans les pays développés ne
peuvent plus vivre sans électricité voir objets à composants numériques108.
Ainsi, en dépit de notre humanisme et rationalisme,
nous avons encore une tendance à dépendre de forces
hors de notre contrôle total, comme nous l’avons fait
avec la religion et l’environnement. D’après nos découvertes dans le premier chapitre de notre analyse,
la croyance en la magie existait encore durant les périodes de fort rationalisme. En effet, les humains ne
peuvent pas vivre sans dépendre d’une force mystique, donc sans une croyance magique, même s’ils
ne la contrôlent que partiellement.
Selon McLuhan, cela est particulièrement vrai pour
les objets à composants numériques :
Beaucoup de gens reviennent à l’occulte, à la perception
extrasensorielle et à toute forme de savoir mystérieux,
pour répondre à ce nouvel encerclement de l’informatique électronique.109
108 Place de la Toile, op. cit., 2013
109 CRISTANTE Stefano, « Le mystique du réseau », Les cahiers européens de
l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 111
75
L’électricité a entraîné une nouvelle relation avec nos
objets, ou a renouvelé une relation préexistante si l’on
compare la technologie numérique avec les totems
et objets primitifs animistes. Ils ne sont plus uniquement utilitaires, les objets peuvent désormais changer de fonction selon notre environnement, nousmêmes et nos sens.
Prenez un smartphone avec ses multiples applications qui sont utilisées pour « aider » la vie de l’utilisateur. Elles changent et mutent grâce à des conceptions de développements, mais peuvent également
être retirées lorsqu’elles deviennent indésirables pour
l’utilisateur. Pendant toutes ces mutations, le smartphone reste un smartphone mais se retrouve avec des
fonctions différentes. Sans l’électricité qui court dans
ses circuits, l’objet technique serait inanimé, si j’ose
dire : sans vie, une boîte sans fonction qui ne peut
être modifiée en fonction de l’utilisateur qu’à travers
la décoration ou des dégâts, mais ne fera rien de plus.
Non seulement l’électricité créé l’animisme, elle a
également permis à notre imagination d’inventer des
liens entre nous et les esprits et même des objets. Selon Davis :
Vibrant dans l’écart entre la vie et la physique, entre la
matière et l’éther invisible, l’électricité habite une zone
liminaire qui appelle les esprits et sublimités de l’air.110
L’électricité est un phénomène naturel qui semble
sortir du ciel. Prenez les éclairs par exemple qui
110 DAVIS, op. cit., p. 40, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Vibrating in the
gap between life and physics, between matter and the unseen ether, electricity
inhabits a liminal zone that calls down spirits and sublimities out of thin air. »
76
semblent se matérialiser dans les nuages pour être
ensuite envoyés sur terre. Il n’est pas étonnant qu’on
puisse les prendre pour des colères divines comme
Thor des croyances norse ou le dieu chrétien. Lorsque
l’électricité a été découverte et que l’on a tenté de la
contrôler, ce n’était pas une source d’alimentation
stable111. Par exemple, les ampoules ont eu tendance à
scintiller comme les bougies font avec le passage d’un
vent, ou d’un esprit. Il n’est pas étonnant que l’électricité ait été largement utilisée au cours de séances
victoriennes. Ceci est confirmé par Davis :
Depuis le xviième siècle, l’imaginaire électromagnétique
s’est infiltrée dans la religion, la médecine et la technologie, et avec le temps a probablement conduit à plus de
spéculations métaphysiques, plusieurs revendications
hérétiques, et gadgets farfelus que toute autre force naturelle.112
En effet, l’électricité permettant la pensée animiste
et dont les mouvements non-mécaniques et/ou autonomes, beaucoup d’objets magiques sont devenus
réels, signifiants et apparaissent dans notre vie plutôt
que dans des récits. Le philosophe Edgar Morin ajoute
à la troisième loi de Clarke sur la technologie en déclarant : « La technologie rend possible aujourd’hui ce
qui était magique hier.113 » Une découverte majeure,
permettant de telles inventions magiques, est l’électricité, qui, comme nous venons de voir, est considérée
comme de la magie. On pourrait donc conclure que les
111 « Incandescent light bulb », Wikipedia, [en ligne], http://goo.gl/aOMHO0
112 DAVIS, op. cit., p. 41, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Since the seventeenth century, the electromagnetic imaginary has seeped into religion, medicine, and technology, and over that time has probably led to more metaphysical
speculations, heretical claims, and wacky gizmos than any other natural force. »
113 D’après Susca dans Place de la Toile, op. cit., 2013
77
designers inventent encore aujourd’hui des objets magiques. Un autre philosophe, Ellul, décrit le processus
que ces créateurs prennent au cours de ces inventions :
Tout se passe comme si dans un monde de rêves, le
grand sorcier découvre une nouvelle technique magique, applique celle-ci à la réalité, et tout à coup, tout
est transformé.114
Ces sorciers de notre monde sont donc les scientifiques et les concepteurs. Le premier découvre les
techniques ou les forces tandis que le second trouve
les moyens de les appliquer à nos objets et donc à nos
vies quotidiennes. Accompagnant ces maîtres de la
sorcellerie se trouvent les magiciens, spécialistes qui
savent comment exercer le pouvoir, mais ne savent
ni inventer ni découvrir. Avant, c’étaient les chamans
qui pouvaient communiquer avec les esprits, ou les
hommes de médecine qui connaissaient les herbes
et la nature. Selon Susca, ce sont aujourd’hui les
nerds et les geeks115. Nous les appelons quand nous
ne comprenons pas pourquoi un objet à composants
numériques ne fonctionne pas correctement. Parfois,
surtout avec l’électricité, des appareils étranges sont
créées. L’une d’elles est la sensation de communication entre l’humain et l’objet à travers des champs
électriques invisibles et intangibles.
Cette sensation semble être seulement ressentie par
les personnes qui ont une acuité particulière. Ainsi,
la médium Audrey Breuer explique qu’elle détecte
les bonnes ou mauvaises forces du monde grâce
114 BOHRER, op. cit., p. 117
115 LE QUÉAU Pierre, « La mémoire des pierres », Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 44
78
aux champs électromagnétiques émanant d’un objet qu’elle touche, d’une personne proche d’elle ou
qu’elle regarde à travers un écran.
Nous semblons ainsi vivre dans un monde de communication magique. Aujourd’hui, les gens peuvent
instantanément bavarder ensemble dans le monde
entier. La technologie créant les réseaux de communication, le GSM, a permis le développement de
centaines de fournisseurs de réseaux mobiles, dont la
plupart intègrent également des connexions Internet
dans leurs forfaits116. On peut maintenant être relié au
reste du monde par des forces immatérielles (fig. 29).
Fig
.
29
L’auteur et télépathe, David Porush avance une théorie intéressante :
À chaque fois la culture réussit à révolutionner ses technologies cybernétiques, à élargir massivement la bande
passante de sa tech-pensé, elle invite à la création de
nouveaux dieux.117
Les dieux monothéistes n’auraient pu exister sans
l’invention de l’écriture, qui a permis d’universaliser
leurs dogmes afin d’assurer une homogénéisation de
la croyance. Lorsqu’Internet a été inventé et déployé
dans le monde entier, on peut dire qu’un ancien dieu
a été ressuscité : le porteur de chaussures ailées, le
dieu Hermès, fils de Zeus et la Pléiade Maia, messager pour ses frères. Il a été dit être aussi « rapide
116 GSMA, 2015, [en ligne], http://www.gsma.com/aboutus/gsm-technology
117 PORUSH David, « Hacking the Brainstem: Postmodern Metaphysics and
Stephenson’s Snow Crash », Configurations 2, n° 3, 1994, p. 537-571, traduit de
l’anglais par l’auteur de : « Every time culture succeeds in revolutionizing its cybernetic technologies, in massively widening the bandwidth of it’s thought-tech,
it invites the creation of new gods. »
79
que la pensée118 », comme sont les emails lorsque la
connexion Internet fonctionne correctement. Davis explique :
Hermès gouverne le monde trans-temporelle de
l’échange d’informations auquel vous et moi participons en ce moment, moi-même quand je créé des polices pixélisées et dont vous absorbez dans votre cerveau
leurs jumeaux imprimés grâce à vos yeux.119
Il semble incarner la distribution d’information rapide. Tout comme Hermès (fig. 30) est un dieu donc
un être créé par la magie de l’imagination, le Wifi et
d’autres forces de communication sont des entités
qui pourraient également être classées comme « magique ». Tout comme l’électricité, elles sont intangibles et souvent mal comprises.
0
3
Fig.
J’ai vu mon professeur s’extasier devant l’exécution de
la procédure, cherchant des yeux le raccordement de
câbles entre mon ordinateur portable et l’imprimante
de réseau et, n’en trouvant pas, il finit par n’y rien comprendre du tout. Pour lui, qui ne réussissait pas à trouver
une explication logique à la situation, cela relevait tout
simplement de la sorcellerie.120
Alors que les humains utilisent la technologie numérique pour communiquer entre eux, les objets à composants numériques utilisent la Wifi et d’autres forces
connectives tels que Bluetooth ou infrarouge pour
118 DAVIS, op. cit., p. 14, traduit de l’anglais par l’auteur de : « fleet as thought ».
119 Ibid, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Hermes rules the trans-temporal
world of information exchange that you and I are participating in right now, myself as I tap out there pixelated fonts and you as you absorb their printed twins
through your eyeballs into your brain. »
120 BOHRER, op. cit., p. 113
80
communiquer entre eux. Non seulement cela peut
être décrit comme une forme d’animisme, même
de conscience, elle se produit également sans notre
pleine compréhension, et même de manière autonome. Beaucoup d’entre nous ont essayé de mettre
en place une connexion sans fil entre un ordinateur
et une imprimante seulement pour obtenir des messages d’erreur. J’aurais tendance à être d’accord avec
le comédien britannique Hugh Dennis qui déclare
« Mon ordinateur, par exemple, me dit souvent qu’il
est impossible pour lui de se connecter avec mon
imprimante. Manifestement, il y a bien un certain
bouleversement affectif qui se passe.121 » Ce qui est,
encore une fois, une déclaration animiste.
Les designers et chercheurs d’aujourd’hui créent de
plus en plus d’objets techniques connectés. Ces systèmes prennent leurs informations de différentes
sources qui sont ensuite envoyées à un « centre de
commandement » central. Un exemple est la montre
connectée (fig. 31) qui nous donne non seulement
l’heure, mais aussi communique avec le smartphone
de l’utilisateur pour obtenir des notifications de mails
ainsi que les prévisions météorologiques. Ces objets
physiquement séparés sont connectés et communiquent via une force, Wifi ou autre, et ce automatiquement. Nous pouvons donc voir trois aspects
magiques à ces systèmes : l’électricité pour les faire
fonctionner, la Wifi ou 3G pour leur permettre d’accumuler l’information, et l’automatisation afin qu’ils
puissent offrir de telles informations sans la demande
de l’utilisateur.
Fig
.
31
121 DENNIS Hugh et PUNT Steve, The Now Show, BBC Radio 4, 9 Mai 2014, traduit de l’anglais par l’auteur de : « My computer for, example, frequently tells me
that he’s unable to connect with my printer. Clearly there’s some emotional turmoil going on. »
81
Le designer Dan Hill ajoute un quatrième niveau de
magie à ces objets techniques : notre corps.
Nos propres corps façonnent nos interactions numériques. Nous faisons partie du Réseau, et non pas seulement intellectuellement, en termes de notre persona
et d’identité projetée, mais physiquement. Le corps rend
le Réseau visible, lisible. [...] Nous avons une longue
compréhension de comment le corps interagit de façon
créative avec des forces invisibles. Si vous regardez des
images de Jimi Hendrix, vous pouvez voir comment il
a utilisé son corps pour façonner le feedback de sa guitare ; le son est produit par le jeu de sa guitare, son micro,
les haut-parleurs, la salle, et son corps dans un champ
électrique, dans l’espace, dans le temps. De la même façon, les capteurs et actionneurs jouent aussi dans des
champs invisibles, également façonnés par le corps, ainsi que par les objets et des espaces.122
Alors que l’électricité pourrait être classée comme
une force utilitaire, la Wifi, 3G et autres réseaux de
connexion sont devenus des pouvoirs immersifs.
Nous, les utilisateurs quotidiens d’objets connectés
à composants numériques, avons trouvé notre corps
absorbé par ce que Hill appelle le Réseau. Non seulement nous les utilisons, construisons, et participons
122 HILL Dan, « 21st Century Gestures Clip’art Collection » In NOVA Nicholas,
op. cit., p. 35, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Our very bodies are shaping
our digital interactions. We are part of The Network, and not just intellectually, in
terms of our projected persona and identity, but physically. The body is making
The Network visible, legible. [...] We have a long understanding of how the body
creatively interacts with invisible forces. If you watch footage of Jimi Hendrix, you
can see how he used his body to shape his guitar’s feedback; the sound is produced by the interplay of his guitar, its pickup, the speakers, the room, and his
body within an electric field, in space, over time. In similar fashion, sensors and
actuators are also at play within invisible fields, equally shaped by the body, as
well as objects and spaces. »
82
en son sein, le Réseau se nourrit aussi de nous. La
plupart des utilisateurs de Google et Facebook sont
déjà au courant du fait que les informations qu’ils
ont mentionné sont collectées, analysées puis revendues à d’autres entreprises. Ils pourraient ne pas être
conscients que ces informations peuvent également
provenir des objets qui « interagissent » avec leur
corps. À travers des objets à composants numériques
connectés, nous sommes surveillés et même probablement manipulés par l’information qui est mise à
notre disposition.
En effet, via Wifi, 3G et d’autres réseaux connectés à
Internet, nous pouvons amasser une grande quantité
d’informations que nous devons ensuite trier pour en
extraire les parties qui nous intéressent. Citton utilise de
l’imagerie magique pour expliquer cela.
Si les médias nous « informent », c’est bien plutôt dans la
mesure où ils donnent forme à une communication spirituelle relevant davantage de l’envoûtement que du savoir. [...] Les bribes de paroles, de sons, d’images qui nous
parviennent du monde « réel » ressemblent aux voults
des sorciers (ces mèches de cheveux, ongles, ou reliques à
travers lesquelles ils espèrent affecter la vie de personnes
distantes) – bien davantage qu’a des « faits » (« objectifs »)
par l’accumulation desquels nous pourrions mieux « comprendre » notre monde.123
En créant Internet et les réseaux, nous avons ouvert
un livre magique que nous souhaitons utiliser sans
vraiment comprendre comment fonctionnent les
sorts. Pour parer à cette incompréhension, nous avons
créé des objets, ou amulettes, qui aident à contrôler
123 CITTON, op. cit., p. 59
83
ces sorts, sans les connaissances nécessaires. Cette
incompréhension est telle que de multiples rituels
sans effets, du moins prouvés, ont été créés autour des
connections. Je ne pense pas être la seule à me déplacer,
mon téléphone à bout de bras comme une baguette de
sorcier, à essayer d’attraper quelques rubans de réseaux
afin de passer un appel (fig. 32). Pour les PCs portables,
les utilisateurs ont surement tenté différents endroits
d’une pièce afin d’y avoir une meilleure connexion Wifi.
2
3
Fig.
Alors que l’électricité fut utilisée pour tenter de soigner certaines maladies, telles que ceux atteignant les
muscles124, les réseaux connectés ont vu une tendance
inverse. Certaines personnes se disent avoir une intolérance au réseau Wifi. Elles subiraient la maladie du
Wifi qui causerait des maux de têtes, des palpitations
et même des vertiges, et se trouveraient dans l’obligation de vivre loin des villes afin d’échapper aux radiations125. Certaines expériences ont été mises en place
afin de prouver la légitimité de cette maladie, qui pour
l’heure n’ont rien prouvées126. Cette maladie psychosomatique ou pas, le Wifi suscite beaucoup de questionnements face à l’incompréhension sur son fonctionnement et sur les effets secondaires sur le corps humain.
Il se peut que, tout comme beaucoup de substances et
de découvertes anciennes, ces questions trouvent des
réponses et dans ce cas les réseaux connectés perdront
leurs aspects magiques.
124 DE CAZELES Marsans, Second mémoire sur l’électricité médicale, et histoire
du traitement de quarante-deux malades entierement guéris, ou notablement foulagés par ce remede, Mequignon l’aîné, 1782
125 MORFORD MARK, « Is Wifi making you sick? », Huff Post Tech, 28 juillet 2013,
[en ligne], http://goo.gl/VRpV4K
126 PRESTON Elizabeth, « How to Convince People WiFi Is Making Them Sick »,
Inkfish, 13 mai 2013, [en ligne], http://goo.gl/a7emHH
84
Fig. 28 - La Fée Electricité, Lithographie
de Tamagno, Imprimerie Camis, 1900
Fig. 29 - Binet, Les Bidochons usent le
forfait, Tome 17, Fluide Glacial, 2000,
p. 15
85
Fig. 31 - Concept de montre connectée,
Luan Gjokaj
Fig. 30 - Giovanni da Bologna Hermès
en vol, résine et bronze
Fig. 32 - Quand on cherche du réseau.
86
3
La création d'objets magiques
En plus d’une affinité historique pour la pensée magique incluant l’animisme et le rituel, nous avons aussi
tendance à non seulement créer des objets dans un but
ésotérique, mais aussi à manipuler des forces que nous
pouvons considérer comme mystique.
En prenant en compte les désirs humains d’émerveillement, nous allons étudier les objets faisant toujours
partie de notre imaginaire, n’ayant jamais vu le jour,
mais qui ont une importance culturelle. Ensuite, nous
ferons une analyse sémiotique d’objets existants.
87
Petit entracte sur les études sémiotiques.
Les études des signes ont commencé en 1690 par les
œuvres philosophiques de John Locke, tel que Essay Concerning Human Understanding. Elles ont été
continuées par l’américain Charles Sanders Peirce
ainsi que le suisse Ferdinand de Saussure à la fin du
xixème siècle, la période où la sémiotique américaine
et la sémiologie suisse se sont développées.127
Pour Saussure, nous pensons dans un langage de
signes et de signifiés. Le premier est la forme que
prend le mot, alors que le second est le concept qu’il
peut représenter. Un animal domestique à fourrure
avec quatre pattes, des moustaches et une longue
queue, le signifié associé, est appelé chat, cat ou bien
gato, en fonction de la langue que connait la personne
qui le caresse (fig. 33). La langue, ainsi que l’éducation
et la culture, est très importante pour Saussure car
elle va dicter la réaction de l’être humain face au signifié. L’ethnie saami en Scandinavie ont 180 versions
du mot neige, et encore plus pour le mot renne128.
Cette population aura une perception beaucoup plus
nuancée devant un renne dans la neige qu’un européen du sud devant le même tableau.
3
3
Fig.
D’après Peirce, « Nous ne pensons qu’en signes.129 »
Pour l’américain, il y aurait trois niveaux de reconnaissance de notre monde. Nous regardons tout d’abord
le Representamen ou la forme que prend le signe ou
le mot, et ensuite l’Interpretant ou le sens de ce mot.
127 CHANDLER Daniel, Semiotics: The Basics [2002], Routledge, 2007, p. 2
128 MAGGA Ole Henrik, « Diversity in Saami terminology for reindeer, snow, and
ice », International Social Science Journal, Volume 58, n° 187, Mars 2006, p. 25–34.
129 CHANDLER, op. cit., p. 13, traduit de l’anglais par l’auteur de : « we think
only in signs. »
88
Le troisième niveau est l’Objet, qui est représenté par
le signe130. Pour Saussure et Peirce, la relation entre le
signe et le sujet est très importante. L’américain en
trouve trois qui sont :
•
•
•
Iconique, le signe ressemble au signifié mais utilise une autre forme d’expression telle qu’une
description, un dessin ou même une musique. Il
décrit ce que l’on peut voir de l’objet.
Symbolique, un mode arbitraire basé sur la
culture du spectateur, tel que sa langue et son
éducation. Il représente ce que l’on doit apprendre pour avoir une certaine compréhension
du sujet.
Indexical, le signe est directement lié au signifié
par des moyens qui touchent nos sens. Ainsi, on
est tous, plus ou moins, apte à en comprendre
les relations.131
Nous allons utiliser ces trois relations pour notre
étude sémiotique d’objets.
130 Ibid, p. 29
131 Ibid, p. 36-37
89
Les objets de fiction et la magie du futur
I
l est possible que lorsque nous créons un objet,
nous lui ajoutions un émerveillement pour l’utilisateur. En tout cas, nous semblons utiliser des
codes d’un langage magique dans nos designs. David
Rose, designer au MIT, décrit six formes de magie que
nous rechercherions dans nos objets.
•
•
•
•
•
•
L’omniscience. Le désir de grandes connaissances.
Nous aurions un appétit vorace pour la connaissance et des choses qui vont au-delà des faits et de
l’information. Nous aimerions être en mesure de
prédire l’avenir.
La télépathie. Nous aurions un puissant désir de
pouvoir nous connecter aux pensées et aux sentiments des autres, et être en mesure de communiquer avec eux en toute aisance, richesse, et transparence. Nous voulons connaître les autres et nous
faire reconnaitre d’eux.
La conservation. Nous désirons ardemment être
protégés contre les dangers afin de nous sentir paisible, sûr et à l’aise.
L’immortalité. Nous voulons être en bonne santé,
fort et avec toutes nos capacités. Nous rêvons d’une
grande longévité, jusqu’à la dernière minute de
notre vie.
La téléportation. Nous cherchons le mouvement,
être transporté facilement, rapidement, joyeusement d’un endroit à un autre, et à vivre sans
contraintes physiques ni frontières.
L’expression. Nous souhaitons tous être créatifs,
nous exprimer pleinement en utilisant de nombreuses formes et de médias - le théâtre, la musique,
90
l’art, l’écriture, la cuisine, la danse, documenter
nos vies.132
Les designers d’aujourd’hui sont en constante recherche d’objets techniques qui aideraient au maximum les utilisateurs, tout en assurant à l’inventeur
des revenus conséquents. Ils auraient tendance à
jouer avec l’un de ces six désirs magiques, et probablement avec d’autres encore non cités par Rose.
Avant la découverte de l’électricité, la puissance qui
animait les objets sans la nécessité d’un effort humain ou animal, les inventeurs avaient imaginé des
forces pouvant créer le même effet. Grâce à la pensée magique, on a pu trouver à travers notre histoire
des exemples d’inventeurs qui ont influencé les designers d’aujourd’hui.
L’un des premiers inventeurs ayant eu une grande
influence sur nos technologies d’aujourd’hui est
l’ingénieur Héron d’Alexandrie (fig.34). Ce mathématicien et mécanicien de l’antiquité créa beaucoup
d’objets animés demandant un minimum de force
Fig
.
34
132 ROSE David, Enchanted Objects: Design, human desire, and the Internet of
things, Scribner, 2014, p. 132, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Omniscience.
This is the desire to have great knowledge. We have a voracious appetite to know as
much as possible and to know about things that go beyond facts and information.
We would love to be able to predict what will happen in the future. Telepathy. We
have a powerful desire to connect to the thoughts and feelings of others, and to
be able to communicate with ease, richness, and transparency. We want to know
others and to feel known by them. Safekeeping. We fervently wish to be protected from harm. To feel comfortable, safe, and at ease. Immortality. We want to be
healthy, strong, fully capable. We dream of living long lives, vital to the last moment. Teleportation. We crave movement, to be transported easily and swiftly and
joyfully from one place to another, and to live unconstrained by physical limits
or boundaries. Expression. We all wish to be generative, to fully express ourselves
in many forms and media—acting, music making, art, writing, cooking, dancing,
documenting our lives. »
91
à l’être humain, tous des ancêtres d’objets que nous
connaissons aujourd’hui. Nous pouvons citer comme
exemple les distributeurs automatiques ou même les
pompes à incendies133. Alors que la plupart de ces inventions avaient une utilité primaire pour les grecs
anciens « la plupart de [ses] gadgets étaient merveilleux plutôt qu’utiles - des machines magiques qui
ont paradoxalement érodé l’autorité culturelle du savoir-faire très rationnel qui a stimulé l’origine de leur
conception.134 » Héron créa surtout des automates
pour les temples et lieux religieux, tout d’abord pour
simplifier la vie des prêtres, mais aussi pour ajouter
de la spiritualité à l’architecture et à la vie des personnes qui y résidaient.
Nous pouvons trouver des inventions telles qu’un
distributeur automatique d’eau sacrificiel135, ou
même une trompette qui sonne à l’ouverture des
portes du temple136 (fig. 35). Héron serait également à
l’origine de beaucoup de mécanismes et automates
pour le théâtre tels que des statues en mouvement,
ou les effets sonores137. Dans tous les cas, ces automates donnaient aux contemporains de Héron
l’impression de voir leurs dieux animer leurs objets,
donnant un autre sens à l’expression théâtrale Deux
Ex Machina, ou le dieu dans la machine. Héron tentait d’apporter un émerveillement dans la culture
5
3
Fig.
133 WOODCROFT Bennet, The Pneumatics of Hero of Alexandria, Taylor Walton
and Maberly, 1851, p. 23
134 DAVIS, op. cit., p. 19, traduit de l’anglais par l’auteur de : « But most of [Heron’s] gadgets were wondrous rather than useful – magical machines that paradoxically eroded the cultural authority of the very rational know-how that stimulated their design in the first place. »
135 WOODCROFT, op. cit., p. 51
136 Ibid., p. 37
137 McDONALD Marianne et WALTON Michael, The Cambridge Companion to
Greek and Roman Theatre, Cambridge University Press, May 31, 2007, p. 154
92
grecque, un mécanisme qui foisonne dans le cinéma
et même certaines pièces de théâtre d’aujourd’hui.
Les mythes étaient aussi la base des inventions des
grecs. « Les anciens bardes qui ont collectivement
composé les épopées homériques sont allés jusqu’à
imaginer des objets fabriqués par l’homme qui pourraient reproduire les sortilèges démiurges de leurs
propres chants.138 » Dans L’Iliade, les druides ont imaginé la création d’un bouclier sur lequel sont sculptées des scènes de batailles, d’agriculture et de célébrations qui prennent vie comme un dessin animé
(fig. 36). On peut y voir les prémisses de la télévision.
Fig
.
36
Si nous évoquons les grands inventeurs de notre histoire, nous ne pouvons pas omettre de mentionner
l’imaginaire de Léonard de Vinci. À la différence de
Héron, de Vinci était particulièrement concentré sur
l’amélioration du quotidien de ses contemporains, et
n’avait aucune volonté de les émerveiller. Cela peut
expliquer pourquoi la plupart de ses inventions est
aujourd’hui reconnues comme étant des améliorations d’objets existants139, l’émerveillement étant pris
en charge par l’inventeur d’origine.
La Révolution Industrielle est synonyme de nombreuses découvertes et d’une avancée technologique
importante. De nombreux concepts ont vu le jour
pendant ce siècle, mais aussi beaucoup de tentatives
d’inventeurs qui imaginaient le monde en l’an 2000.
Ces inventions ratées sont le centre d’un nouveau
138 DAVIS, op. cit., p. 13, traduit de l’anglais par l’auteur de : « The ancient bards
who collectively composed the Homeric epics even went so far as to imagine manmade objects that could reproduce the demiurgic spellcraft of their own chants. »
139 GIBBS-SMITH Charles, The Inventions of Leonard da Vinci, Charles Scribner’s Sons, 1978, p. ix
93
courant de recherche nommé la média-archéologie.
Ces chercheurs ont par exemple déniché la description d’une île contenant des objets futuristes pour
son auteur, Charles Tiphaigne de la Roche. Ce dernier a prédit le visiophone sous forme d’un miroir
qui permet à l’utilisateur de voir les gens proches ou
lointains, ainsi que la photographie à travers une toile
enduite140. Beaucoup de recherches développent de
nouveaux concepts qui ne sont pas concrétisables.
La Révolution Industrielle était, entre autre, une
époque de fascination pour l’au-delà. Selon Yves Citton, les contemporains du xviiième siècle ont inventé
de nombreux objets médiateurs entre les vivants et
les défunts.
Il y a ainsi des média imaginaires destinés à communiquer
avec le divin, avec le monde des esprits, avec différentes
formes d’« Autres » ; d’autres qui visent à transcender l’espace et l’absence par des dispositifs de télécommunication ou à transcender le temps en permettant de parler
avec des morts ou de voir des villes disparues ; certains
participent de rêves d’abondance, d’autres de rêves de délivrance ou d’émancipation politique.141
Ces objets sont restés des œuvres de fiction, mais
gardent l’esprit d’émerveillement décrit par Rose. Les
domaines de l’apprentissage, la lecture et l’impression ont aussi eu le droit à leurs inventions farfelues.
En 1894, Octave Uzanne, auteur et bibliophile, imagine un monde où la sonore prône sur les sens (fig. 37).
7
3
Fig.
140 TIPHAIGNE DE LA ROCHE Charles, Giphantie, A. Babylone, 1760, p. 132-133
141 CITTON Yves, « Les Lumières de l’archéologie des média », Dix-huitième
Siècle, n° 44, 2014, p.3
94
Uzanne décrit un futur monde de l’édition qui ne compte
plus sur la page imprimée « statique », offrant à la place
tout le contenu par la voix (à la fois en direct et enregistrée) en utilisant une plate-forme qui aujourd’hui serait
mieux décrite comme « à la demande ».142
Il n’aurait pu savoir que nous sommes passés, entre
autre grâce à l’électricité, par un monde visuel pour
arriver à un monde d’informations. Cette force mystique animiste a changé la façon dont les inventeurs
ont pensé leurs futurs, et donc leurs objets techniques. Beaucoup d’entre eux ont trouvé l’inspiration
des appareils se trouvant dans les livres de fantasy et
de science-fiction. En effet, l’artefact a une importance dans ces genres, plus que dans l’autre. Ils font
partie intégrante des narrations.
Les objets dans la littérature de fantasy sont pour la
plupart basés sur des objets existant puis améliorés.
Nous pouvons prendre l’exemple de l’épée iconique
des œuvres de Tolkien, Le Hobbit et Le Seigneur des
Anneaux. Appartenant aux personnages principaux
Bilbo et Frodon, l’épée Dard n’est pas seulement une
arme, elle est aussi un détecteur de présence d’orcs ou de gobelins (fig. 38). La trilogie ayant été écrite
pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est possible
que Tolkien se soit inspiré d’une technologie nouvelle
à l’époque : le radar. Ce dernier fut beaucoup utilisé
sur les bateaux de guerres des Alliés pour localiser les
UBoats de l’armée allemande, tout comme l’ont fait
Fig
.
38
142 LUDOVICO Allesandro, Post-Digital Print: The mutation of Publishing
since 1894, Ram Publications, 2013, p. 16-17, traduit de l’anglais par l’auteur de :
« Uzanne wrote of a future world of publishing which would no longer rely on
the ‘static’ printed page, delivering instead all content through voice (both live
and recorded) using a platform which nowadays would best be described as ‘on
demand’. »
95
ses personnages de fiction. À la différence des radars
qui ne font que détecter, Dard est aussi une arme, et
a donc une double fonction. Il est d’ailleurs possible
de trouver sur le marché une épée en plastique à la
forme de Dard qui permet à l’utilisateur de détecter
les réseaux Wifi non-sécurisés.143
Certains auteurs de fantasy se sont inspirés de nos
nouvelles technologies qu’ils ont modifiées pour exacerber leur composant animiste, et ajouter plus de
fonctionnalités qui pourraient devenir réelles. Un bon
exemple est Sir Terry Pratchett, auteur britannique de
renom, avec sa série Le Disque Monde. Il décrit l’une
de ses inventions :
Enfin, il a été dit que sur le Disque, il y a certains démons
bas de grade qui restent en permanence dans le monde
humain, et travaillent dans les montres de poche, appareils photographiques, désorganisateurs personnels
et d’autres machines similaires. Certains sont désireux
de plaire, d’autres nettement hargneux. Les grands seigneurs de l’Enfer ne vont jamais, jamais, en parler.144
Nous pouvons reconnaître ici les montres digitales avec
alarmes, les appareils photo Polaroid ainsi que les agendas personnels, qui sont plus amplement décrits dans
ses livres et deviennent plus similaires au smartphone.
Dans le cas de Pratchett, les objets qui sont pour nous
numériques gagnent une vraie âme. Comme décrit
143 ROBERTSON Adi, « Bilbo’s sword Sting can detect unsecured Wi-Fi, not just
orcs », The Verge, 31 décembre 2014,[en ligne], http://goo.gl/p8rlZx
144 PRATCHETT et SIMPSON, op. cit., p. 54, traduit de l’anglais par l’auteur de :
« Finally it has to be said that on the Disc there are certain low-grade demons
who stay permanently in the human world, working inside pocket watches, picture-making devices, personal disorganizers, and similar contraptions. Some are
eager to please, others distinctly surly. The lords of Hell never, ever, mention this. »
96
dans l’œuvre Thud! de la série, ils peuvent aussi apprendre sans l’intervention humaine.145
La science-fiction, un cousin de la fantasy, est aussi une source d’inspiration pour les designers d’aujourd’hui. L’une des plus grande source est la série
télévisée Star Trek. Créée en 1966 par Gene Roddenberry, Star Trek imagine un univers remplit de technologies non découvertes à ce jour, mais aussi de
quelques-unes que nous utilisons aujourd’hui. L’une
d’elles est le téléphone portable. Le designer du tout
premier téléphone nomade, Dr Martin Cooper de
la société Motorola, annonce clairement qu’il s’est
fortement inspiré des Communicators utilisés par
le Capitaine Kirk et son équipage pour dialoguer à
distance (fig. 39).146
Fig
.
39
D’après Nova dans Futurs ? La panne des imaginaires
technologiques, la science-fiction peut être utilisée
pour prédire l’avenir de nos technologies et la direction dans laquelle nos cultures vont. « Il y a évidemment, en parallèle à un futur magnifique et opulent,
des visions de futurs apocalyptiques, puisque la
science-fiction sert souvent de lanceur d’alerte.147 »
Pour savoir ce que nous devrions éviter, il faudrait
puiser nos inspirations dans des films tels que Le
Terminator. Reprenons la remarque d’Edgar Morin :
« La technologie rend possible aujourd’hui ce qui
était magique hier.148 » Aujourd’hui, il serait normal
que toutes nos pensées magiques soient remplacées
145 PRATCHETT Terry, Thud!, Doubleday, 2005
146 LAYTNER Lance, « Did Steve Jobs Study Star Trek? », Edit International, 2011,
[en ligne], http://goo.gl/05mp7A
147 NOVA Nicholas, Futurs ? La panne des imaginaires technologiques, Les Moutons électriques, 2014, p. 50
148 D’après Susca in « Technologie et magie », Place de la Toile, 2013
97
par nos avancées technologiques, nous ne serions
plus émerveillés.
Or, d’après Susca il existe un « glissement de la pensée et la conception de celui qui a créé une technique et la manière dont elle est vécue.149 » En effet,
suite à la complexification du fonctionnement, l’utilisateur ne comprend que l’utilisation de l’objet, et
quelquefois trouve de nouvelles applications. Un
exemple est l’apparition des appareils photos sur les
téléphones portables. Tout d’abord créé pour nous
permettre de prendre des photos de ce qui nous entoure, cette fonction a été détournée par les adolescents pour prendre des photos d’eux-même, et ensuite les poster sur les réseaux sociaux. Le selfie est
inventé alors que le téléphone portable reste un objet aux aspects animistes pour ses utilisateurs. Nous
ne sommes donc pas complètement démystifiés de
nos objets technologiques.
Afin d’illustrer cet émerveillement envers les objets
à composantes numériques que nous utilisons aujourd’hui, nous allons en étudier quelques exemples.
Pour cela, et aussi organiser notre pensée, nous allons
analyser ces objets sur trois niveaux ontologiques.
Nous les classifierons dans ce que Wittgenstein appellerait des familles simples d’objets150. Le premier
concerne des objets technologiques utiles à une
personne à la fois, qui devient le seul sujet du système. Nous les appellerons les objets pour le « soi ».
Le deuxième à plusieurs sujets, et est généralement
destiné à être utilisé pour la communication. Nous
149 Ibid.
150 GLOCK Hans-Johann, A Wittgenstein Dictionary, Wiley-Blackwell, 1996,
p.120
98
appellerons cette famille d’objets communiquant
avec « l’autre ». Pour le troisième, on va s’éloigner des
systèmes n’intervenant que sur l’être humain, pour
regarder les appareils qui examinent l’environnement
autour d’eux. Cette famille sera nommé objets analysant l’environnement.
99
100
Fig. 34 - Héron d’Alexandrie, Codex de
Saint Grégoire de Nazianze, manuscrit
grec du ixe siècle.
Fig. 33 - Chat, cat, gato, neko, shimii,
quoi qu’on l’appel, ce n’est pas un
chien.
Fig. 36 - Le Bouclier d’Achilles,
Encyclopédie de Diderot
Fig. 35 - Gravure explicatif de
l’ouverture des portes d’un temple.
101
Fig. 37 - Un fabriquant de livres selon
Octave Uzanne, Albert Robida, La Fin
des Livres, 1894
Fig. 38 - Bilbo tenant Dard qui
brille pour indiquer la présence de
gobelins, Peter Jackson, The Hobbit: An
Unexpected Journey, 2012, Warner Bros.
Fig. 39 - Capitaine Kirk avec un
Communicator, Star Trek, Gene
Roddenberry, 1966
102
Les objets pour le « soi »
R
egardons tout d’abord une nouveauté dans la
technologie d’écriture, le stylo numérique Inkling de Wacom151 (fig. 40).
Rappelons-nous de la citation de Porush expliquant
l’importance de nouvelles inventions permettant une
communication plus approfondie, créant de nouveaux
dieux. L’écriture étant une invention primordiale, le stylo, et ses ancêtres, serait un créateur de divin. En effet,
d’après Walter J. Ong, professeur en littérature anglaise,
« Plus que toute autre invention unique, l’écriture a
transformé la conscience humaine.152 » Grâce à elle,
l’Histoire peut commencer, les faits inscrits sur papier,
et la communication bouleversée. Pour écrire, il faut
un outil très spécifique. À l’origine un tube de roseau,
le stylo devient une plume d’oiseau, puis de métal, pour
ensuite revenir à sa forme tubulaire en tant que porteplume à la fin du xixème siècle. Le stylo-bille, inventé en
1938, sera massivement répandu pendant les années
50s153. Aujourd’hui, nous avons pratiquement tous un
stylo en cas de nécessité.
Fig
.
40
Du point de vue descriptif nous remarquons d’abord
que Inkling est tubulaire avec une pointe et des boutons,
accompagné d’un boîtier formant un clip aussi doté de
poussoirs. Il faut utiliser l’objet pour comprendre son
niveau iconique. En glissant la pointe de ce tube sur
une surface plane, dure et légèrement absorbante tel
151 « Inkling », Wacom, [en ligne], http://inkling.wacom.eu/
152 ONG, op. cit., p. 77, traduit de l’anglais par l’auteur de : « More than any other
single invention, writing has transformed human consciousness. »
153 « Stylo », Wikipédia, [en ligne], http://fr.wikipedia.org/wiki/Stylo
103
que le papier, on remarque qu’il dispense de l’encre en
ligne fine. Grâce à notre éducation occidentale, nous
pouvons reconnaître dans cet objet un stylo. Le clip par
contre nécessite une étape supplémentaire pour en reconnaître l’utilité. Après avoir dessiné des formes, des
lettres ou autres, il faut connecter le clip à un périphérique externe muni d’un écran afin de pouvoir visualiser
le dessin numérisé (fig. 41).
Connecter le câble qui relie le clip au périphérique représente symboliquement le deuxième niveau de Peirce.
Le transfert d’un dessin composé de papier et d’encre,
bien tangible, vers un médium numérique donne une
autre définition à l’Inkling. Le dessin est vectorisé (fig.
41) par l’application en charge, qui calcule les courbes
pour en retranscrire les formes. Il y a donc des équations
mathématiques en cours de calcul, une partie du niveau
symbolique du système. Or, pour comprendre le mode
de fonctionnement du stylo Inkling, il faut lire sa notice
qui n’explique qu’une infime partie du système, celle
qui en permet l’utilisation et non son fonctionnement.
La description du stylo Inkling ne permet pas de tout
comprendre de l’objet. Nous pouvons voir si le langage
magique nous apporte des solutions différentes.
Par contre, si l’on se situe sur le plan d’une « pensée magique », on peut distinguer de nouvelles analogies qui
explique le dernier niveau de Peirce, le niveau indexical.
Glisser la pointe du tube pour créer des signes peut faire
penser à une baguette magique créant des signes de
sortilège autour du sorcier. Ce stylo aux fonctionnalités
multiples ressemble aux plumes magiques apparaissant dans les œuvres de J. K. Rowling, Harry Potter. On y
trouve des plumes anti-triches, qui répondent automatiquement à la question, qui gravent le texte écrit dans
la peau de l’utilisateur, ou qui transcrivent des paroles
1
4
Fig.
104
directement sur papier154. Inkling, grâce au boitier, à une
fonction de plus qu’un stylo non « magique ». D’après
Davis, l’écriture, et son outil, peut être considéré comme
un acte magique :
Bien que l’écriture soit devenue la plus courante des technologies de l’information, elle reste à bien des égards la
plus magique. [ ... ] En fait, il est très difficile de regarder
intentionnellement ​​
une page de mots écrits dans une
langue connue et ne pas commencer automatiquement
sa lecture.155
Cela renforce le concept de Porush, rendant l’écriture
et son outil mystique. Le stylo numérique serait donc
doublement magique, dans l’acte qu’il permet, ainsi
que ses nouvelles fonctionnalités qui lui donnent une
composante animiste. En effet, il faudra utiliser cette
notion pour expliquer les capacités du système Inkling,
plutôt que d’essayer de trouver des réponses dans la
notice. Nous pourrions penser que l’encre à une qualité magique permettant au clip de scanner la page et
ensuite transmettre les traces d’encre à l’ordinateur. Or,
une solution plus simple peut être trouvée. Au travers
du câble, le stylo et le boîtier communiquent. Comme il
nous est impossible de nous joindre au dialogue, un lien
intime est créé entre le stylo et le périphérique. L’ordinateur interprète ce qui lui est rapporté pour créer une
version immatérielle du morceau de papier. Nos dessins
provoquent une réaction en dehors du support d’où
ils proviennent.
154 ROWLING Joanne K., Harry Potter, Bloomsbury, 2000
155 DAVIS, op. cit., p. 23, traduit de l’anglais par l’auteur de : « Though writing
has become the most commonplace of information technologies, it remains in
many ways the most magical. […] In fact, it is very difficult to gaze intentionally
upon a page of script written in a known language and not automatically begin
reading it. »
105
Cette possibilité a été imaginée bien avant la sortie de
l’Inkling, entre autre dans le manga de Tsugumi Ohba
et Takeshi Obata Death Note, en 2003 (fig. 42). Le personnage principal Light Yagami trouve un cahier aux
qualités magiques. Ce dernier lui permet d’écrire les
noms de personnes qu’il souhaite voir mourir, en indiquant une date, une heure et une méthode. Death Note
reprend bien l’expression « la plume est plus forte que
l’épée », Light inscrit plusieurs centaines de noms dans
ce cahier, sans jamais avoir à toucher les personnes qu’il
veut tuer156.
2
4
Fig.
Rose donne une explication de notre émerveillement
pour ce type d’objet :
[Le stylo numérique] réalise une belle fusion entre analogique et numérique tout en préservant les caractéristiques
familières qui font d’un stylo un outil agréable . Il ressemble
à un stylo, fonctionne comme un stylo, mais est beaucoup
plus qu’un stylo. Bien que vous l’aimiez pour ses capacités
supplémentaires, l’essence qui fait de lui un stylo n’est pas
compromise.157
Inkling permet de réaliser l’un des désirs décrit par
Rose : la possibilité de s’exprimer pleinement sous
différentes formes. Le stylo prend une deuxième
fonctionnalité, tout comme bon nombre de nos objets technologiques.
156 OBATA Takeshi, Death Note [2003], Shonen Jump Advanced, 2007
157 ROSE, op. cit., p. 102, traduit de l’anglais par l’auteur : « The Livescribe pen
achieves a nice fusion between analog and digital while preserving all the familiar
characteristics that make a pen such a pleasing tool. It looks like a pen, works like
a pen, but is much more than just a pen. Although you love it for its extra capabilities, its essential “pen-ness” isn’t compromised. »
106
Un autre type d’objet numérique utile à l’individu peut
être trouvé dans le domaine médical. Toujours d’après
Rose, nous serions constamment à la recherche de la vie
éternelle. Il semblerait, d’après le Time Magazine, que
les enfants naissant aujourd’hui aient une espérance de
vie de 142 ans158 (fig. 43). Pour cela, de multiples appareils
voient le jour pour nous aider à maintenir un mode de
vie propice à notre longévité. L’un d’eux est le Cue développé par la société américaine éponyme159.
Cue (fig. 44) est un système composé d’une petite boite
de couleur dans laquelle on glisse un bâtonnet contenant un échantillon de notre corps et que l’on insère
ensuite dans un boitier plus grand. D’un point de vue
cartésien ainsi que symbolique, nous pouvons comprendre que chaque couleur correspond à une analyse
différente et que chacune donne un code spécifique à
la boîte blanche centrale, afin de lui indiquer l’examen
à pratiquer. L’utilisateur fera ses propres analyses et enverra les résultats à un site qui les représentera sous une
forme graphique, et donc compréhensible à ce dernier
non-médecin.
Fig
.
43
Fig
.
44
Cue contient divers éléments symboliques, comme par
exemple les différentes couleurs des boîtes. Associer une
couleur à une pathologie donne une propension d’association de cette couleur à une molécule de notre organisme. Le test de carence en vitamine D se fait à l’aide de
la boîte jaune, la couleur du soleil dont les rayons facilite
la production naturelle de cette vitamine.
158 CARSTENSEN Laura, « This baby could live to be 142 years old », Time Magazine, février/mars, 2015, en couverture.
159 Cue, [en ligne], https://cue.me/#inflammation
107
Un deuxième niveau de lecture nous apporte des éléments supplémentaires. Grâce à cette couleur ainsi
qu’à la data-vision créée par le site web recevant les
informations, nous avons l’impression de voir cette
substance organique et ses variations quantitatives.
Non seulement nous nous passons du laboratoire, du
microscope et les connaissances en médecine normalement nécessaires pour comprendre les chiffres obtenus par les analyses. On suppose que la boîte blanche
contient les substances nécessaires pour faire apparaître des molécules dans l’échantillon, et comporte les
algorithmes pour les analyser. Comme le stylo numérique et son boîtier, une connexion est faite entre Cue
et un appareil extérieur. D’après Whitney Erin Bosel,
auteur au Cyborgology :
La biomédicalisation n’a pas complètement remplacée la
médicalisation. Bien que son médecin est ‘l’expert’ sur les
questions de la médecine générale, grâce à l’observation,
la production de données, et des dossiers chiffrés par
la technologie, l’auto-tracker est certain d’être l’expert
de ​​lui-même.160
À travers ce système, on devient son propre médecin
et technicien de laboratoire, dans certaines situations
bien particulières, l’utilisateur peut prendre la décision
d’améliorer sa qualité de vie. Dans la quantité d’informations données et la facilité pour les obtenir, l’utilisateur devra faire le choix de suivre, ou non, tout ou partie,
des conseils proposé par l’application.
160 BOSEL Whitney Erin, « Empowerment Through Numbers? Biomedicalization 2.0 and the Quantified Self », Cyborgology, [en ligne], http://goo.gl/bfJqLZ,
traduit de l’anglais par l’auteur de : « Biomedicalization has not fully replaced
medicalization. Though his doctor may be the ‘expert’ on matters of medicine-most-generally, through technology-enabled observation and detailed,
quantified records, the self-tracker is certain of being the expert on himself. »
108
Un troisième niveau de lecture nous permet de découvrir des aspects magiques au Cue. Pour comprendre son fonctionnement, il faut, comme le stylo numérique, émettre des hypothèses. Il est tout
d’abord certain qu’il y a quelque chose dans la boîte
blanche qui agit sur les échantillons, de sang, de muqueuse buccale ou nasale, séparant les molécules qui
s’y trouvent pour examiner seulement celles qui l’intéressent pour l’analyse demandée. Cette séparation
moléculaire se fait aujourd’hui généralement en laboratoire grâce à des processus chimiques, mécaniques
ou électriques, l’alchimie des temps modernes.
En effet, non seulement cette boîte pratique des interactions chimiques se rapprochant de l’alchimie,
son but est aussi de prolonger la durée de vie de
l’utilisateur, ce qui s’apparente à la recherche de la
Pierre Philosophale. Il se peut que les créateurs du
Cue aient réussit à créer une boîte contenant des lutins dans un laboratoire miniaturisé qui effectuent
les examens en un temps record. Nous trouvons ce
genre d’êtres dans la série Disque-Monde de Terry
Pratchett161, où de minuscules démons constitués
de gaz sont enfermés dans des boîtes pour devenir
peintre (l’appareil photo) ou également des organiseurs (agendas électroniques).
Il se peut aussi que Cue ne fasse pas ces séparations.
Il analyserait l’ensemble et enverrait toutes les informations qui seront ensuite triées par l’application
installée sur le périphérique externe. Cette fonctionnalité ressemble au Tricorder162 (fig. 45), des appareils
à analyses multiples, que l’on retrouve dans Star Trek.
Fig
.
161 PRATCHETT, op. cit.
162 « Tricorder », Memory Beta, [en ligne],http://goo.gl/IQyZyP
45
109
Dans les deux cas, les informations collectées par le
cube blanc se retrouvent dans notre smartphone ou
ordinateur. Cette fois, le manuel d’utilisation (ou le
site associé) explique que cette connexion se fait à
travers la technologie Bluetooth, dent bleu en anglais.
Celui-ci requiert la proximité de deux objets pour que
l’information soit transférable. Il y a donc une relation de contrainte entre ces deux objets. Tout comme
l’échange entre humains, les boîtes ont besoin d’être
en vue l’une de l’autre pour effectuer le transfert. De
plus, elles le font sans le contrôle de l’utilisateur du
Cue, et ceci de façon autonome. Nous retrouvons
donc des aspects animistes dans ce système.
Après ces deux exemples d’objets technologiques qui
se concentrent autour de l’utilisateur, nous allons en
explorer deux qui se focalisent sur la communication
avec autrui.
110
Fig. 40 - Inkling de Wacom, 2011
Fig. 42 - Takeshi Obata, Death Note,
Tome 2, Shonen Jump Advanced, p. 18
Fig. 41 - La numérisation d’un dessin
par le système Inkling, Wacom.
111
Fig. 43 - Couverture du Time Magazine, février/mars, 2015
Fig. 45 - Un tricorder médical de Star
Trek: The Next Generation
Fig. 44 - Le système Cue
112
Les objets communiquant avec « l'autre »
C
omme nous l’avons vu dans le deuxième chapitre de cette analyse, le téléphone est l’objet
animiste parfait. À l’origine, vers la fin du xixème
siècle, des boîtes à manivelle reliées par des fils, cet
appareil devient de plus en plus indépendant pour
être aujourd’hui complètement mobile. La version
la plus utilisée de nos jours dans les pays développés
est le smartphone, un téléphone futé. Le modèle qui
a fait le plus de ventes en 2014 est le S5 de la marque
Samsung163 (fig. 46) et sera donc l’objet étudié164.
Fig
.
46
Au premier niveau iconique de Peirce, le smartphone
S5 est une boîte rectangulaire noire, blanche ou de couleur, en plastique ou métal, avec un bouton dessus et
d’autres sur les côtés. Des objets étudiés jusqu’à maintenant, il est le plus simple. Il n’a pas de parties pouvant
s’assembler, et n’est pas composé de plusieurs éléments.
Il faudra donc appuyer sur un de ses poussoirs qui se
trouve au centre du boîtier pour allumer le téléphone.
Ce bouton central sur la face écran est aussi le plus gros.
Nous pouvons penser, avec quelques connaissances ergonomiques, que ce dernier met en marche l’appareil.
Du fait qu’il n’y ait pas d’autres boutons formant un
clavier, l’écran semble tactile. Il faut toucher les images
qui y apparaissent pour utiliser les fonctionnalités. Ces
images, des icones, ouvrent des applications et de nouvelles fonctionnalités au sein du boitier. Le S5 devient
un objet soudainement très complexe.
163 « Smartphone Vendor Market Share, Q4 2014 », IDC, [en ligne],http://goo.
gl/O9Qh5I
164 « Samsung Galaxy S5 », Samsung, [en ligne], http://goo.gl/2xEXaI
113
Pour tenter de le comprendre, il faudra l’étudier en
utilisant le niveau symbolique de Peirce. À travers le
réseau, le S5 permet et la communication téléphonique, et la Visio conférence pour ceux qui ont payé
ce service. Il permet aussi d’autres formes de communication qui sont apparues ces dix dernières années,
incluant texte, images, vidéo, et toutes combinaisons
de ces éléments possibles. De plus, ces réseaux qui
étaient dédiés à la communication vocale permettent
aussi à l’utilisateur de se connecter à Internet à travers de la 2.5/3/4G165, Wifi, Bluetooth ou bien infrarouge. Nous pourrons utiliser notre smartphone pour
nous informer, jouer ou même établir un agenda. Le
téléphone seul ne pourra assurer toutes ces fonctions, il lui faudra l’aide des applications (fig. 47) qui
viennent s’inscrire dans son code. Les icones, et leur
activation, transforment donc la fonction du boîtier. Il
réunit de multiples objets dans un seul appareil, tout
en gardant la même ergonomie. D’après Rose, cette
multifonctionnalité cache tout de même une certaine
froideur d’utilisation.
7
4
Fig.
Les écrans ne réussissent pas à répondre aux attentes
parce qu’ils n’améliorent pas notre relation avec les ordinateurs. L’évolution de l’interface humain/machine
ne profite pas des ressources matérielles, qui doublent
chaque année. Les appareils restent passifs, sans personnalité. La machine est inactive, en attente d’ordres.
Le Monde des Terminaux amène une froideur esthétique dans notre monde, plutôt que de répondre à nos
besoins. Même les produits Apple, célébrés pour leur
design branché, sont froids et masculins par rapport à
la matérialité du bois, de la pierre, du liège, du tissu et
des surfaces que nous choisissons pour nos maisons et
165 GPRS ou General Packet Radio Service
114
nos corps. Peu d’entre nous demandent des vêtements
en aluminium anodisé avec une finition super-lisse.166
Il n’y aurait donc que du rationnel dans un S5, les
sensations n’en faisant pas partie. Or, Susca nous a
démontré précédemment qu’en utilisant le tactile,
on appelle au sensoriel et donc le niveau indexical de
Peirce. Le toucher délicat transforme la boîte en un
objet semblant pouvoir tout faire (sauf le café, chercher le journal, et sortir le chien).
Le S5 permet à son utilisateur de se connecter à de
multiples personnes, connues ou non, et donc de
constituer un réseau de connaissances dans la paume
de sa main. Comme un téléphone, il emprisonne les
voix des personnes avec lesquelles on communique,
et leurs visages. Il les rendent disponibles pour communiquer à l’aide d’un bouton et à la caresse d’un
écran. Nous sommes bien loin de la nécessité d’antan
d’avoir un opérateur face à un tableau de fils répondant aux demandes de connexion avec un correspondant. Grâce aux applications que nous pouvons
trouver sur le marché telles que Facebook ou Find My
Friends, tout comme une boule de cristal, un smartphone permet d’observer des faits et gestes parfois à
l’insu des personnes. Nous pouvons presque avoir les
capacité de télépathie, de savoir ce qu’une personne
pense sans que celle-ci nous le dise. Nous acquerrons
166 ROSE, op. cit., p. 50.,traduit de l’anglais par l’auteur : « Screens fall short because they don’t improve our relationship with computing. The interfaces don’t
take advantage of the computational resources, which double yearly. The devices
are passive, without personality. The machine sits on idle, waiting for your orders.
The Terminal World asserts a cold, blue aesthetic into our world, rather than responding to our own. Even the Apple products, celebrated for their hipness, are
cold and masculine compared to the materiality of wood, stone, cork, fabric, and
the surfaces we choose for our homes and bodies. Few of us long for garments
constructed of anodized aluminum with a super-smooth finish. »
115
le pouvoir d’omniscience avec une connexion Internet et grâce aux applications qui se trouvent dans
le smartphone.
Rose continue :
Le smartphone ne dispose pas de prédécesseurs dans
nos folklores et contes de fées. Il n’existe aucun dispositif magique que je connaisse qui encourage son possesseur à le regarder fixement, comme un zombie, jouer
à un jeu insensé, ou envoyer des textos sans objet. Il ne
satisfait pas de façon enchanteresse les désirs humains
les plus fondamentaux.167
Or, nous venons de voir que le S5 répond au moins à
deux désirs d’émerveillement. Je suis tout de même en
accord avec Rose sur le fait que le smartphone risque
d’induire des comportements automatisés et répétitifs
chez l’utilisateur, et donc une certaine dépendance.
Ce phénomène, observé chez certaines générations
peut affecter tout utilisateur. Il a été exploré par le journaliste Pierre-Olivier Labbé, sortie en février 2015 et
nommé Digital Detox. Explorant la possibilité de vivre
90 jours sans Internet, et sans smartphone, Labbé en
découvre la peur de la mort numérique mais aussi plusieurs nouvelles phobies telles que le FOMO, Fear Of
Missing Out, ou la nomophobie, No Mobile Phobia168.
En plus des signaux sonores exigeant une réaction
immédiate, nos smartphones sont devenus des dictateurs pour grand nombre de leurs utilisateurs. Nous ne
167 Ibid, traduit de l’anglais par l’auteur de : « The smartphone does not have
a predecessor in our folklore and fairy tales. There is no magic device I know of
whose possessor stares zombielike into it, playing a meaningless game, or texting
about nothing. It does not fulfill a deep fundamental human desire in an enchanting way. »
168 LABBÉ Pierre-Olivier, Digital Detox, Canal+, 25 février 2015
116
sommes pas émerveillés par cette technologie numérique, mais plutôt envoûtés et, probablement emprisonnés, dans le Réseaux de Dan Hill.
Si le S5 a tendance à nous asservir, nous pourrions
penser que Google Glass169 (fig. 48) accroît cette dépendance. Inventé par l’équipe Google X pour la société
éponyme, celui-ci fut lancé sur le marché américain
en version initiale en 2013. Deux ans plus tard, à
cause de la chute des ventes, Google retire ses Glass et
les donne en développement, confiant leur design à
l’ancien d’Apple, Tony Fadell170.
Fig
.
47
À quoi ressemble les Glass ? Nous pouvons y trouver
deux verres cerclés dans une monture épaisse. L’un
des cotés possède un petit rectangle passant devant
un des verres. Toute personne, férue d’optique, pourra y reconnaitre une paire de lunettes. Ils n’auront pas
forcément la possibilité d’identifier ce rectangle suspendu. Rose, qui a pu tester les Glass avant le retrait
du marché, nous les décrits :
Sa particularité est le petit écran, un carré d’environ un
centimètre, enchâssé dans la monture et positionné
à environ une dizaine de millimètres en face de mon
œil droit.171
Ce rectangle est donc un écran qui a la possibilité d’afficher des informations. Tout comme le smartphone,
les Google Glass sont simples au niveau iconique.
169 Glass, [en ligne], http://goo.gl/LrkHMU
170 D’ONFRO Jillian, « An insider’s look at the tumultuous launch of Google
Glass », Business Insider UK, 28 février 2015, [en ligne], http://goo.gl/GQ9Q0E
171 ROSE, op. cit., p. 66, traduit de l’anglais par l’auteur de : « The distinguishing
feature is the small screen, about one centimeter square, built into the frame and
positioned about a half inch in front of my right eye. »
117
Or pour les utiliser, une formation est nécessaire
d’après Google qui créa des Basecamps afin de permettre aux utilisateurs d’être formés par des employés de la société. Au niveau indexical, nous devons
apprendre que les Glass réagissent au toucher ainsi
qu’à la voix. Pour les allumer on doit prononcer « Ok,
Glass ! » tout comme dans ces publicités où l’on entend l’acteur prononcer : « Ok Google montre moi des
photos de glaçage de cupcakes.172 » Un menu apparait
sur le petit écran, et l’on choisit soit en touchant verticalement ou horizontalement la monture coté écran,
soit en prononçant un des mots du menu. Les Glass
utilisent donc la technologie Head-up Display173, qui,
d’après la définition de L’Internaute, est un « système
de projection sur le pare-brise d’informations relatives au véhicule, permettant de ne pas détourner le
regard du conducteur.174 »
Par-delà sa vision et audition du monde, il ou elle
perçoit aussi les informations sur ce petit écran. Il
ou elle entend les sons des vidéos grâce à de petites
enceintes dans les branches. On serait pour le moins
distrait par cet appareil :
Donc, même si nous ne regardons pas directement notre
smartphone ou la télévision, notre vision périphérique
sera saturée et distraite par des informations denses,
colorées et rapides qui tourbillonnent au bord de notre
champ visuel, comme le Glass le souhaitait.175
172 « Appli Google : Des cupcakes presque parfaits », Google France, 9 juin 2014,
[en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=s5_h2t2YsIE
173 Affichage tête haute.
174 « HUD », L’Internaute, [en ligne], http://goo.gl/XDMIvm
175 ROSE, op. cit., p. 41, traduit de l’anglais par l’auteur de : « So, even if we’re
not staring directly into our smartphone or television, our peripheral vision will
be saturated and distracted by dense, fast, colorful information and content that
swirls at the edge of our view—as Google Glass would have it. »
118
Pour atteindre ces informations, les Glass peuvent
se connecter aux réseaux utilisant les smartphones.
Avec ses enceintes, microphone et appareil photo,
tous intégrés dans la monture, ce système a toutes les
capacités d’un smartphone. Nous pouvons passer un
appel par commande vocale sans sortir d’objet ressemblant à un smartphone quelconque, ou prendre
une photo sans appareil. Les Google Glass changent
donc de fonction dès que l’on prononce « OK Glass ! »
et créent un double niveau visuel et sonore pour l’utilisateur (fig. 49). Il aurait donc une lecture cartésienne
similaire au smartphone, mais sensiblement différente de celle de la pensée magique.
Cette dernière se traduit sous la forme de la relation
indexicale entre les Glass et ce qu’il représente pour
l’utilisateur. La forme de la monture avec son espace
pour le nez et les branches invitent l’utilisateur à
mettre ses lunettes sur son nez avec les verres devant
les yeux, tout comme certains casques mythiques. Un
exemple est le Tarnhelm que l’on retrouve dans l’opéra Der Ring des Nibelungen de Wagner qui peut rendre
invisible ou changer la forme de son porteur176 (fig. 50).
L’utilisation des Glass par la voix et le toucher génère
plus de sens et d’émotions que l’écran tactile simple.
Ainsi, on retrouve encore une fois la théorie de Susca.
Tout comme le smartphone, les Glass emprisonnent
de multiples âmes dans leurs haut-parleurs. Il va de
plus automatiquement envoyer des notifications à
son utilisateur, et lui répondre par écrit sur son petit
écran, comme le fait la recherche Google sur les smartphones, ou Siri pour les modèles d’iPhone. On peut
Fig
.
49
Fig
.
50
176 BASSETT Peter, The Nibelung’s Ring: A Guide to Wagner’s Der Ring Des Nibelungen, Wakefield Press, 2003, p. 40
119
faire l’expérience d’une conversation avec les Glass
tout comme celle avec un être humain. Pendant une
conversation les réponses de l’autre nous reviennent
par écrit devant notre œil. Nous avons une âme externe à la notre, posée sur notre visage, qui agirait sur
notre monde en nous distrayant. Nous risquons, une
fois de plus, d’être envoûtés par cette âme, qui pourrait nous envoyer des ordres sonores auxquels nous
devons obéir, mais aussi visuels, rendant l’appareil
dangereux dans toute activité humaine.
Les Glass nous permettent une omniscience du
monde et provoquent, malgré ses défauts de conception, une sensation magique pour son utilisateur. En
plus de nous donner la possibilité de communiquer
avec autrui, il nous partage des informations concernant l’environnement, des lieux intéressants ou la
météo. D’autres objets à composantes numériques
sont spécifiquement conçus pour analyser l’environnement, et seront le centre de notre prochaine étude.
120
Fig. 46 - Le smartphone S5 de Samsung
Fig. 47 - Exemples d’icones sur le Samsung S5.
121
Fig. 48 - Les Google Glass
Fig. 49- Une représentation de
l’utilisation des Glass.
Fig. 50 - Alberich met le Tarnhelm
et disparait, Arthur Rackman, 1910,
Illustration Das Rheingold de Wagner
122
Les objets analysant l'environnement
L
e premier objet que nous allons étudier nous
guide dans nos déplacements : le GPS ou Global
Positioning System177 utilisé par exemple par le
système TomTom178 (fig. 51).
Dans un premier niveau de lecteur, le TomTom est
composé d’une boîte, de boutons et un écran tactile
qui, une fois allumée, nous affiche une carte routière.
Lorsque l’on se déplace, une flèche s’affiche pour indiquer dans quelle direction aller, quel chemin suivre.
Une option est donnée à l’utilisateur de pouvoir ajouter du son, une voix qui indique l’itinéraire ainsi que
des alertes.
La carte se repositionne pour nous informer des prochains changements de direction. Afin de calculer
l’itinéraire à partir de la carte pré-chargée dans sa mémoire, l’utilisateur n’a besoin que d’indiquer sa destination finale. Avec la localisation qui permet de trouver le point de départ, le GPS calcule l’itinéraire le plus
court entre ces deux points. En vue des informations
présentées par le TomTom, on suppose qu’en plus des
routes, la mémoire contient aussi des informations sur
la localisation des péages, des zones de danger (anciennement radars de vitesse) ainsi que d’autres points
intéressants pour le voyageur.
En connaissant le système GPS, et en utilisant le deuxième niveau de lecture du Peirce, nous savons qu’au
177 GPS, [en ligne], http://www.gps.gov/
178 TomTom, [en ligne], http://www.tomtom.com/fr_fr/
Fig
.
51
123
dessus de la boîte se trouve une constellation de satellites qui participent à cette localisation. Nous voyageons donc en regardant une représentation graphique
du monde qui nous entoure. Ces cartes ne donnent au
voyageur qu’une route directe vers sa destination en
affichant quelques noms et numéros de routes. Will
Pavie du Times a remarqué :
Les automobilistes qui suivent Google Maps pour traverser le Wiltshire vont entendre « sortie sur l’A303 vers Andover », mais n’auront aucune idée qu’ils croisent la route
de Stonehenge.179
L’utilisateur du GPS n’aura pas l’opportunité de découvrir les sites remarquables qu’il frôle. En vue de l’automatisation du TomTom, l’utilisateur ne ressentira
jamais le besoin d’acheter une carte papier qui nécessitera de sa part un aller-retour constant entre celleci et la route. Il y aurait une perte de contexte pour le
voyageur ; un vide se formerait dans sa perception du
monde entre son point de départ et son point d’arrivé.
En effet, lorsque l’on conduit en étant guidé par la
voix et l’écran, l’utilisateur n’a que le réflexe de s’assurer qu’il est en sécurité derrière son volant et qu’il se
conforme aux lois de la circulation routière. En outre,
l’interface du TomTom se doit d’être simple, de façon à
faciliter une compréhension rapide. Le voyageur aura
moins d’incitations à regarder autour de lui pour repérer les éléments du paysage remarquables qui pourrait
le guider vers sa destination (fig. 52).
2
5
Fig.
179 PAVIA Will, « Heritage wiped off the map as sat-nav puts motorists on road
to ignorance. », The Times, 29 août 2008, [en ligne], http://goo.gl/PfIodM, traduit
de l’anglais par l’auteur de : « Motorists following Google Maps through Wiltshire
may be told to “exit on to the A303 toward Andover”, but they may have no idea
that they are passing Stonehenge. »
124
Nous pourrions dire que le GPS a tendance à désenchanter l’utilisateur. Or, si nous le regardons d’un
point de vue indexical, nous pouvons constater l’utilisation d’un langage de pensée magique. En étudiant
de cette façon cet appareil, nous allons mettre en évidence des notions d’émerveillement. Tout d’abord, le
GPS semble contenir le monde en lui. Bien qu’il faille
télécharger une collection de cartes, lorsque l’on se
dirige vers un endroit inconnu, le système sait nous
guider. De plus, comme le TomTom affiche ce que
l’œil ne voit pas et ce que nous ne pouvons prévoir,
il modifie les capacités de perception du corps humain en le rendant omniscient. L’objet devient luimême omniscient.
Certains systèmes GPS ont une mise à jour automatique inclus. Ainsi, lorsque de nouvelles routes sont
construites ou de nouvelles zones de danger installés
(radar), le TomTom en a connaissance. Ceci pourrait
nous faire penser à de nombreux objets magiques
qui sont plus vastes à l’intérieur que vu de l’extérieur.
Nous pouvons citer le sac de Mary Poppins (fig. 53), la
cabine de police du Doctor Who (fig. 54) ou même l’armoire des Chroniques de Narnia (fig. 55).
Dans cette boîte plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur, on peut aussi y entendre une voix. Nous se
sommes plus guidés uniquement par le visuel graphique d’une carte, mais aussi par des instructions
sonores. Les voix d’acteurs sont généralement enregistrées pour simuler une conversation normale. On
a donc bien l’impression d’avoir un petit être omniscient assis sur le tableau de bord de la voiture. Quand
celui-ci n’est pas mis à jour automatiquement et que
les routes sont modifiées, ou que l’utilisateur décide
de prendre un autre trajet que celui suggéré, il se
Fig
.
53
Fig
.
54
Fig
.
55
125
peut que le voyageur se perde. L’excuse généralement
donnée est « Il y a eu un problème avec le GPS. » Tout
comme notre réaction aux conversations qui nous
déplaisent au téléphone, nous avons tendance à incriminer l’objet et ensuite la personne qui ne l’a pas
utilisé correctement.
La fonctionnalité du TomTom est d’indiquer la route
au voyageur. Il analyse seulement un seul aspect de
l’environnement humain. Il existe, par contre, des objets technologiques qui englobent d’autres aspects.
Un exemple est le Mother (fig. 56) de la société Sen.se,
créée par Franck Biehler et Rafi Haladjian, ce dernier
à également inventé le Nabaztag180.
En première analyse, Mother est un système composé d’une figurine en plastique blanc et de petites plaquettes avec un embout de couleur. Après lecture de
la notice, on apprend que l’on a besoin, en plus, d’un
périphérique externe, afin de visualiser les informations que va produire Mother. Pour utiliser Mother, il
faut choisir l’objet nous voulons contrôler, lui attribuer une plaquette de couleur et l’attacher à cet objet.
Ainsi, toujours d’après cette notice, le système Mother
pourra aider l’utilisateur à contrôler entre autres sa
consommation de café (fig. 57), le brossage des dents
ou même le passage par une porte.
Comme le Cue précédemment analysé, Mother utilise
la data-vision, nous permettant d’interpréter rapidement un ensemble de données qui peut être complexe à étudier. Les plaquettes de couleurs sont des
capteurs qui envoient les informations à la figurine
centrale, le Mother. Les informations sont ensuite
180 « Mother », Sen.se, [en ligne], https://sen.se/store/mother/
6
5
Fig.
7
5
Fig.
126
envoyées de cette statuette vers une application. Ces
capteurs, appelés Cookies par Sen.se, sont décrits par
le site comme étant multifonctions. Nous pouvons
émettre l’hypothèse que chaque Cookie contient une
collection de détecteurs différents tels que thermique
ou accéléromètrique. Le site explique que chaque
Cookie analyse tout ce qui ce passe dans la maison.
C’est uniquement quand l’utilisateur aura attribué
une fonction au Cookie à travers l’application que les
informations seront triées.
L’utilisation du système Mother parait très simple.
C’est une passerelle entre le mouvement d’objets domestiques et leurs utilisateurs. Mother elle transforme
la maison en foyer connecté. Or, plus que les autres
objets étudiés, elle semble utiliser de nombreux codes de la pensée magique. Cette figurine fait allusion
aux statuettes préhistoriques de femmes comme par
exemple la Vénus de Hôhle Fels (fig. 58 et 59). Tout
comme ces œuvres antiques, Mother a des formes
simples mais distendues. Deux points et un trait sont
dessinés, on y reconnait un visage et sa tête est suggérée sur un corps bien rond. De plus, cette statuette est
au centre du système, sans elle l’utilisateur ne recevra
aucune information. Elle aurait les mêmes capacités
magiques que les Vénus : une amulette de protection
de la famille. Cette hypothèse est soutenue par le
nom du système. Mother est l’anglais pour « mère », le
membre de la famille qui représente généralement la
personne bienveillante et protectrice du foyer.
Elle aurait donc une propension animiste, une autre
petite âme qui a connaissance de ce qui se passe dans
toute la maison, qui la protège et améliore le cadre de
vie. Ceci est renforcé par le fait que le visage de la figurine s’éclaire quand elle reçoit des données ou veut
Fig
.
58
Fig
.
59
127
informer l’utilisateur que de nouvelles données sont
disponibles. Mother communique avec nous grâce à
des signaux lumineux et sonores (fig. 60). Ses yeux et
son sourire s’éclairent, on entend le carillon qu’elle
émet, et, grâce à un service payant, peut déclencher
la sonnerie du téléphone. De plus, le système créé de
nouveaux rituels, on lit les données envoyés par les
Cookies.
Or, cette « mère » ne peut travailler seule. Elle est entourée d’autres petits êtres qui l’informent de ce qui
se passe dans le foyer. Tous ces Cookies fonctionnent
de façon identique, ils sembleraient pouvoir déterminer leur propre utilité. Les protocoles de communication entre Mother et les Cookies ne sont pas visibles.
Mother semble assouvir les désirs de Rose :
• L’omniscience, elle génère celle de l’utilisateur, et
sait ce qui se passe partout dans la maison.
• La télépathie, l’informe de la position des
membres du foyer avec un Cookie localisateur.
• L’immortalité, en l’aidant à l’améliorer de son
cadre de vie.
• La conservation, en le prévenant des ouvertures
et fermetures de portes inhabituelles.
Les objets étudiés sont des exemples, parmi d’autres, de
systèmes incorporant des composants numériques. La
plupart suivent de près des codes de pensée magique
au niveau indexical de lecture. Ils nous permettent de
réaliser que nous sommes en effet bien plus émerveillés par leur utilisation que nous le pensions.
0
6
Fig.
128
Fig. 51 - Le GPS de TomTom
Fig. 52 - En utilisant un GPS, on risque
de ne pas voir Stonehenge.
Fig. 53 - Le sac de Mary Poppins
Fig. 54 - La cabine du Docteur Who
Fig. 55 - L’armoire des Chroniques de
Narnia
129
Fig. 56 - Le Mother de Sen.se
Fig. 57 - Le système contrôle la
consommation de café de l’utilisateur.
Fig. 58 - La
figurine Mother
Fig. 59 - La Vénus
de Hôhle Fels
Fig. 60 - Mother
éclairée.
130
Conclusion
131
A
près cette analyse de différents objets techniques et à composants numériques, nous
pouvons voir que la pensée magique se base
énormément sur l’incompréhension de ces derniers
par l’utilisateur. Or, si nous voulions vraiment une explication complète de leurs fonctionnements il faudra se rappeler de la citation de l’astrophysicien Carl
Sagan : « Si vous souhaitez faire une tarte aux pommes
à partir de rien, vous devez d’abord inventer l’univers.181 » Il faudrait partir du Big Bang pour avoir une
explication complète des objets techniques, mais une
seule personne n’a pas tous les savoirs nécessaires
pour comprendre l’ensemble des technologies. C’est
pour cette raison que les systèmes utilisés ne sont expliqués que par leurs usages et leurs fonctionnalités.
Nous avons découvert que les appareils qui nous
ont intéressés sont composés chacun d’objets techniques, qui ont été conçus par différentes personnes.
Ils n’auront pas toutes les connaissances scientifiques
pour pouvoir expliquer l’ensemble d’un appareil.
La « science » elle-même ne peut encore répondre à
toutes les questions que nous nous posons. En effet,
les recherches, même si elles sont très avancées à ce
jour, n’ont pas encore tout découvert du monde. Certaines découvertes réfutent des hypothèses que l’on
pensait démontrées.
Un exemple est la croyance populaire des heaumes
à cornes des Vikings. Il a été découvert récemment
que cette croyance provient d’une faute d’analyse
archéologique qui s’est ensuite propagée dans la
181 SAGAN Carl, Cosmos [1980], Random House, 2013, p. 485, traduit de l’anglais
par l’auteur de : « If you wish to make an apple pie from scratch, you must first
invent the universe. »
132
culture occidentale, par exemple à travers le Tarnhelm dans Der Ring des Nibelungen de Wagner. Aujourd’hui, les archéologues ont trouvé des preuves
qui indiquent que les casques des Vikings étaient
démunis de cornes182. Nous ne pouvons être certains
de nos connaissances, nous devons compter sur
d’autres types d’analyses pour concevoir le monde.
Face à certains types d’objets techniques, nous choisissons de rester dans un état de méconnaissance et
de grande naiveté. Comme Peter Parker, aussi connu
sous le nom de Spiderman, apprend : « Un grand
pouvoir implique de grandes responsabilités.183 » Or,
d’après de multiples dogmes, lois, citations, le savoir
est synonyme de pouvoir. Nous ne serions pas prêts,
pour la plupart d’entre nous, à endosser cette responsabilité. Ceci nous permettrait de rester dans un état
d’émerveillement, bien plus confortable.
Ces états sont regroupés dans une forme de compréhension du monde que Susca appelle la pensée
magique. Comme nous venons de le découvrir, cette
pensée semble se trouver en chacun de nous et se
manifeste sous différentes formes à différents moments lors de l’utilisation d’objets techniques.
D’après Rose, l’émerveillement, et donc la pensée magique, serait l’un des désirs humain fondamentaux. La
rationalité de la science, la sociologie, l’anthropologie,
et toutes autres formes de recherches utilisant une méthodologie cartésienne ne seraient pas suffisante pour
assouvir nos besoins de compréhension du monde.
182 J. P. P., « Did Vikings wear horned helmets? », The Economist, 15 février 2013,
[en ligne], http://goo.gl/UckXHts
183 LEE Stan, « Spiderman », Amazing Fantasy, n°15, 5 juin 1962, traduit de l’anglais : « With great power comes great responsibility. »
133
Certains humains doivent être rassurés, ils aiment à
penser qu’ils ne sont pas les seuls êtres conscients dans
l’univers. À travers nos objets techniques, nous essayons de contacter d’autres âmes, défuntes, extra-terrestres, divines, ou tout simplement immatérielles.
Comme la religion, l’émerveillement donne une autre
dimension à notre vie, une sensation de participer à
quelque chose qui nous transcende. Nous pourrions
même savoir ce que nous devenons après notre mort.
La pensée magique nous permet de dépasser les limites physiques imposées par notre corps.
Grâce à nos objets techniques, nous découvrons de
nouveaux pouvoirs tels que l’omniscience, la télépathie ou même la régénération. Ces objets transforment le corps humain, ou du moins la relation que
nous entretenons avec eux, et deviennent les « extensions » remarquées par McLuhan. Comme l’épée prolonge le bras, les objets à composantes numériques
connectés étendent non seulement notre corps, mais
aussi nos sensations et émotions. Avec ces objets
nous passons de l’Âge de l’Information, créé grâce
l’Internet, à celui des sensations. Cela, d’après Susca, se ressent déjà dans notre façon de parler quand
nous disons : « Je ne sens pas ce type.184 » Tout comme
Audrey Breuer et son rapport aux objets, nous semblons aussi, d’une façon moins emphatique, chercher
une relation humaine avec nos objets.
Afin de pouvoir répondre à nos désirs de relation,
l’objet doit posséder une âme, une constante des
êtres dits conscients. Nous avons découvert que nous
avons un fort rapport à l’animisme. Ce dernier semble
184 Place de la Toile, op. cit., 2013
134
exister tout au long de notre Histoire avec plus ou
moins d’intensité. En effet, ce mode de pensée a été
l’un des premiers à expliquer les phénomènes naturels et humains. Jusqu’à la Révolution Industrielle,
beaucoup d’objets et appareils utilisés avaient une
importance capitale dans la vie des utilisateurs car
ils étaient chers à fabriquer, difficiles à remplacer, et
souvent nécessaires à leur survie.
Aujourd’hui, nous avons tendance à jeter et remplacer
nos objets beaucoup plus facilement provoquant une
perte de cette relation. Or, les objets à composants
numériques, les plus chers des biens de consommation conservent un aspect animiste, non seulement
par la place intime qu’ils occupent dans nos vies,
mais aussi par leurs fonctionnalités autonomes. Ils
demandent toute notre attention et nous fournissent
les informations demandées. L’animisme et l’autonomie ne seraient pas possible sans la participation de
forces mystiques telles que l’électricité ou le Wifi. Non
seulement elles animent les objets mais elles leur permettent de communiquer entre eux.
Cet animisme est issu d’une pensée magique. Comme
nous l’a indiqué la définition du Trésor de la Langue
Française, la magie inclue une notion de rituel. Grâce
à des actions faites de différentes manières à différents moments, on peut induire des réactions de
l’objet technique par exemple. Soit par la volonté du
designer, soit par la réappropriation de l’objet par
l’utilisateur, les rituels foisonnent dans les appareils
que nous utilisons. A certains moments, tout comme
le pigeon de Skinner, nous créons des rituels lorsque
que l’on ne comprend pas la réaction de l’objet et
que nous souhaitons soit son retour à l’état que nous
considérons comme normal, soit la continuation de
135
cette réaction. En répétant ce rituel sur l’objet, même
lorsque le premier ne marche pas et que le dernier
ne réagit toujours pas de la bonne façon, on a la sensation d’en prendre le contrôle. Nous cherchons le
sentiment de maîtrise de l’objet. Cette dernière quelquefois nous échappe, et nous nous retrouvons sous
l’emprise de l’objet. A ce moment, nous ne sommes
plus émerveillés par la magie qu’il produit, mais envoûté par ses fonctionnalités qui imposent leur diktats sonores et visuels.
Rituels, animisme, émerveillements, ne sont que
quelques uns des mots de la lexicographie qui décrivent les objets techniques que nous avons découvert au cours de notre analyse. Tous font partie
d’un même état d’esprit, la pensée magique. Or nous
n’utilisons pas la même définition que celle proposée
par Lucien Lévy-Bruhl185. Par-delà notre présente recherche, la pensée magique ne serait qu’une forme
de pensée déséquilibrée, qu’un résidu des temps primitifs. Ayant bien une origine archaïque, elle a tout
de même évolué avec la technique, lui permettant
d’explorer d’autres formes d’explications du monde.
D’après Susca, nous ne vivons plus dans la magie
noire du Moyen Âge ou de la Renaissance, mais plutôt dans la magie quotidienne que nous sommes en
train de redécouvrir186. Comme nous l’avons appris
de Lyotard et Latour, nous n’avons jamais été moderne, et donc complètement rationnel comme le
souhaitait Descartes. De plus, nous avons, pour la
plupart d’entre nous, cette forme de pensée magique
bien ancrée.
185 LÉVY-BRUHL Lucien, La Mentalité Primitive [1922], Champs Classique,
2010
186 Place de la Toile, op. cit., 2013
136
En vue de l’importance historique de ce mode de
pensée, nous n’allons pas pouvoir y échapper rapidement. Certains designers l’ont bien compris et
tentent de créer des objets merveilleux plutôt qu’envoûtant, afin d’ôter le stress continue que les objets
à composants numériques peuvent provoquer. En
tant que designer graphique, industriel, ou culinaire,
nous pouvons nous pencher sur nos créations pour
nous demander comment l’utilisateur, le spectateur, ou le gastronome, seraient enchantés par leurs
consommations, sensations qui remplaceront l’incompréhension. Selon Susca, « Le designer exprime à
voix haute ce que nous vivons sans en avoir véritablement conscience.187 »
A nous, designer, de créer ce nouveau monde magique.
187 Ibid.
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Figure 48
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Remerciements
Tous mes remerciements vont aux personnes suivantes :
Émeline Brulé, ma directrice de mémoire, pour
m’avoir donner confiance quand celle-ci était bien
basse.
Sylvie Morero, qui à pris beaucoup de temps à relire
mon mémoire franglais afin de le transformer en
texte français.
Jean-Paul Larran, pour son aide pointilleuse et
précise avec l’écriture.
Audrey Breuer et Nicholas Nova pour m’avoir donner
de leur temps précieux à répondre à mes questions.
Roman Haïçaguer pour avoir cuisiné mes repas pendant toutes ces longues soirées de travail.
Et enfin mon chat Coco pour avoir bien voulu ronronner sur mes genoux pendant que je travaillais.
153
154
Annexes
155
Trois questions à Nicholas Nova
J.L. : Comme pour la médium que j’ai interviewé :
Quelle est votre relation aux objets ?
N.N. : J’ai comme tout le monde une relation d’abord
d’usager des objets qui m’entoure, mais celle-ci est
combinée à un fort intérêt analytique pour ceuxci. A cet égard, c’est moins leur mécanisme et leur
fonctionnement qui m’intéresse mais plutôt la façon
dont ils véhiculent des normes, des idées, une esthétique, une histoire (évolution au fil du temps) ou des
usages détournés par les autres utilisateurs qui me
passionne. Du coup, pour certains objects qui m’intéressent particulièrement, j’ai un rapport très “documentaire” à ceux-ci: prise de photographies, accumulation de documentations liés à leur existence, usage
et évolution, etc.
J.L. : Y a t’il des objets qui possèdent des caractéristiques magiques pour vous ? Si oui, les quelles ? Si
non, pourquoi ?
N.N. : Je vois moins la magie dans le sens qu’on lui
donne classiquement. Pour moi les objets ont un attrait particulier, qui ne cesse de m’étonner, dans le
sens où ils traversent le temps et véhicule à travers
eux des éléments particuliers (potentiel d’usage, esthétique, histoire)… que l’on peut reconstituer via
des généalogies et des circulations. Je ne sais pas si
cela répond à votre question, si c’est de la magie mais
c’est une sorte de transcendance qui me fascine. Par
exemple, suivre le cheminement d’une planche à laver (washboard) de l’Europe moyenâgeuse vers le Sud
156
des États-Unis et la retrouver de nos jours sur une
scène musicale utilisée comme instrument est un cas
intéressant. On voit là une circulation et un détournement fascinant.
D’autre part, dans le champ du numérique (qui est
celui qui me préoccupe le plus), il me semble que le
degré de complexité des objets devient croissant… et
laisse justement croire à un fonctionnement ou un
comportement qui relève de phénomènes proche de
croyances magiques ou de l’animisme. Je ne suis pas
certain cela dit que ce soit une bonne chose mais c’est
un phénomène curieux et prépondérant. C’est peut
être le renouveau d’une pensée sauvage envers les
objets techniques qui deviennent si complexes qu’ils
en sont inexplicables.
J.L. : Quelle est, pour vous, l’influence de l’électricité et les autres forces mystiques (comme le Wifi ou
même le nucléaire) sur l’imaginaire du designer ?
N.N. : Je ne pense pas qu’il faille les qualifier de « mystiques » car c’est un terme polysémique. Par contre, je
vois ce que vous voulez dire, il y a ici l’idée que des techniques au fonctionnement complexe puisse exercer un
attrait, une curiosité (ou un refus) chez les designers…
et du coup amener à des propositions curieuses. Dans
tous les cas, il me semble que les designers (et les artistes) s’emparent de ces objets sans forcément comprendre le détail de leur fonctionnement, mais, dans le
meilleur des cas, produisent des objets, des interfaces,
des services ou des installations qui peuvent questionner ces techniques… ou nous rendre attentifs à leurs
enjeux. (Et cela au-delà bien sûr de créer des produits
ou services innovants commerciaux).
157
Il doit y avoir ici une forme de fascination envers
ces objets intangibles, et la qualité d’une contribution de designer provient justement d’une synthèse
créative entre des enjeux techniques (pas forcément
toujours compris à 100%) et une articulation avec des
contextes, des usages…
158
English Version
Let’s do this all again, but in English.
159
160
Introduction
161
I
f I could, I would be a mage capable of handling
the intangible forces that take control of my environment and others.
These forces is commonly called magic, a term defined by the Trésor de la Langue Française as
The art based on a doctrine which postulates the presence in nature of immanent and supernatural forces,
which can be used for efficiency, to produce, through
ritual formulas and sometimes methodically set symbolic actions, effects that seem irrational.1
Magic is thus the control of nature by methodical
means, to produce a more effective result than without this remedy.
Magic is recognized as foreign to the human body.
However, it has permeated the lives of humans since
prehistoric times in different forms and different belief systems. An early form is religion. Unlike magic,
religion is characterised by an organisation of belief
around poles or dogmas common to many cultures.
This ensures that participants believe the same things,
they hope or fear the consequences of their actions.
However, we can also find similarities between magic and religion. Most religions call upon beings and
acts called divine. These phenomenons are generally
considered ineffable, dominating humanity, and their
perpetrators should be revered. Like magic, humans
1 « Magie », Trésor de la Langue Française, [on ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1203293235;, translated from French by the
author: «L’art fondé sur une doctrine qui postule la présence dans la nature de
forces immanentes et surnaturelles, qui peuvent être utilisées par souci d’efficacité, pour produire, au moyen de formules rituelles et parfois d’actions symboliques
méthodiquement réglées, des effets qui semblent irrationnels.»
162
cannot understand or explain how these phenomena
have appeared, or why. Moreover, miracles are attributed to religion and, as does magic, uses ritualised
acts2. For an atheist, religion is a belief in magic.
In addition to organized belief, magic is also concentrated in the folklore of many cultures. Proposed
in 1846 by writer and expert on the topic William
Thoms (aka Ambrose Merton), this word is a hybrid of two others: “folk” or the people, and “lore” or
knowledge, thus knowledge and science3. Many rituals including belief in magic are part of the laws of
these peoples. These beliefs are traditionally transmitted orally, and it is only recently in human history
that they have been transcribed and written, in 1250
BCE among Egyptians4. Like religion, one can find in
folklore “beings” that are not part of Earth’s plane.
This includes spirits, witches, fairies, demons ...
Some have a positive impact on the lives of believers, some negative and should be feared and avoided. One example of manifestation of folklore is the
ritual of throwing salt over one’s shoulder to ward off
evil spirits.
Today, a literary genre has become all the rage, with
350 million sales in the world in 20145, proving that
magic still exists in the collective imagination: fantasy. This literature typically includes “a mythical
2 « Religion », Trésor de la Langue Française, [on ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?113;s=1203293235;r=5;nat=;sol=2;
3 MERTON Ambrose (pseud. William J. Thoms), « Folk-Lore », The Athenæum, n°
983, 29 Août 1846, p. 886–87
4 GREEN Thomas, Folklore: An Encyclopedia of Beliefs, Customs, Tales, Music,
and Art, Volume 1, ABC-CLIO, 1997, p.363
5 KOWALCZYK Ola, « Most popular book genres of all time (infographic) »,
Ebook Friendly, 28 octobre 2014, [on ligne], http://ebookfriendly.com/most-popular-book-genres-infographic/
163
appearance and is often displayed by the outbreak
or the use of magic.6”
We live in a world where most phenomena are explained by a Cartesian logic called “Science”. These
forces could also be called wind, tide, electricity, radio waves, as with many other intangible phenomena
to the human eye, but revealed by so-called scientific
studies. These sciences are now accepted in most cultures as truths explaining the world around us. This
is discussed by a number of thinkers (Latour, Lyotard
...), but nevertheless remains the yardstick by which
we measure knowledge. However, they do not always
manage to explain what is happening around and
even in us. Moreover, very few of us really understand
the scientific discourse explaining the principles behind phenomena. We do not all understand what «really is» electricity. A transfer of particles, something
coming out of a plug, the essence of life ...?
Humans has created tools to increase their natural
capacity for more than 2.6 million years7. Indeed,
not having the strength nor the edge to be able to
lacerate the skin of animal, or break bones, Australopithecus Garhi8 had to invent extensions of himself. These tools are the first technical objects or “the
translation in terms of a set of concepts and scientific principles deeply separated from each other,
6 RUAUD André-François, Cartographie du Merveilleux, Denoël, 2001 p.10,
translated from French by the author: «un aspect mythique et est souvent incarné
par l’irruption ou l’utilisation de la magie.»
7 « Early Stone Age Tools », Smithsonian National Museum of Natural History,
18 février 2015, [on ligne], http://humanorigins.si.edu/evidence/behavior/tools/
early-tools
8 « Australopithecus garhi », Smithsonian National Museum of Natural History,
18 février 2015, [on ligne], http://humanorigins.si.edu/evidence/human-fossils/
species/australopithecus-garhi
164
and linked only by their consequences that are converging to produce the desired effect.9” In summary,
these objects have utility for those who have created
them and assist in the accomplishment of a task.
They would therefore be supernatural: it is not nature
that created them.
Magic has fascinated humans for thousands of years,
and having a supernatural side as technical objects invented by them, we can ask the question: What is the
relationship between fantasy and technical objects?
We will try to answer this question by examining several aspects of magic in the world of design. To begin,
we will look at their relationship throughout history,
especially that of Western Europe. Beliefs are multiple,
the Roman world until now, through to the Renaissance and the Enlightenment Ages. We will then analyse the object as a mediator between mystical forces
and spirits. We will see how animism appears today,
if other minds from other entities are connected, and
what forces are used to manage these objects. Finally, we will compare several types of objects, through a
Cartesian perspective then a paranormal one. These
studies will allow us to find the links between magical
imagination and the designer’s thought process.
9 SIMONDON Gilbert, Du mode d’existence des objets techniques [1989], Aubier,
2001, p. 46, translated from French by the author: « la traduction en matière d’un
ensemble de notions et de principes scientifiques séparés les uns des autres en
profondeur, et rattachés seulement par leurs conséquences qui sont convergentes
pour la production de l’effet recherché. »
165
166
1
A historical relationship to animated
objects
We live in a world of magic, but we do not accept this.
This magic world started very early in human history.
Starting from the same country and then dispersing on
Earth, beliefs in this mystical force therefore had a common origin in Africa10. They then diversified to no longer
be recognisable. For this study, we will focus mainly on
Europe, although some references to other cultures will
be used, such as so-called primitive cultures.
10 « Human Family Tree », Smithsonian National Museum of Natural History, 18
février 2015, [on ligne], http://humanorigins.si.edu/evidence/human-family-tree
167
From Prehistory to the Middle Ages
Let us start our research a few million years BCE.
790,000 years ago, the hominids of the time discovering fire, wondered about life after death11. They endure nature and all possible phenomena without the
protections, nor scientific knowledge, that we know
have today. They lived in another reality. All aspects
of their lives have needed their own explanations and
come from a given “understanding”. These have taken
the form of intangible forces only partially controllable by humans, such as wind controlled by sails, but
deadly during storms.
What little control they find become ritualized acts.
Thinking that the soul of an animal remains in its offal, bones, skin, they use it to increase their strength.
This marks the beginning of animism. Animism is defined as: “a system of thought that believes that nature is animated and that everything is governed by
a spiritual entity or soul.12” The object, an artificial
entity fashioned by man has no body to think independently is left with a conscience or a soul of its own.
As explained by the American philosopher Erik Davis in his book Techgnosis: Myth, Magic, Mysticism in
the Age of Information:
11 « Tools & Food », Smithsonian National Museum of Natural History, 18 février
2015, [on ligne], http://humanorigins.si.edu/human-characteristics/tools-food,
12 « Animisme », CNRTL, [on ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/animisme, translated from French by the author: « Système de pensée qui considère
que la nature est animée et que chaque chose y est gouvernée par une entité spirituelle ou âme. »
168
The interdependence of culture and technology means
that the technologies of the pre-modern world, despite being the most logical of crafted objects, nonetheless had to
share the cosmic stage with any number of gods, sorceries,
and animist powers.13
Thus almost all objects created during that era have
a dual purpose: to help survive in the wild as well as a
way to control the intangible forces. These hominids are
mostly interested in the use of forces they can see and
recognise. They use the power of plants and animals
around them. Thus we see the arrival of totems and other objects whose sole purpose is the link between the
real world and the spirit world14. These totems and statuettes have been revered as a representations of a plant
or animal15 in the hopes of appeasing an evil or angry
power, or seek the help of a good spirit.
We can find this totem-ism in some primitive cultures
still present to this day, such as Native American tribes
(fig. 1), the aborigines of Australia or New Zealand. As
with all humans in Prehistory, these tribes have a very
close relationship with nature. In some, it is unthinkable
to eat an animal that had been represented as a totem.16
Prehistoric men used also their own representations as
magical objects. Historians have several theories about
different prehistoric “Venus” appearing around 40,000
years BCE (fig. 2). These stone statues of naked women
13 DAVIS Erik, Techgnosis: Myth, Magic, Mysticism in the Age of Information,
Serpent’s Tail, 1998 p.10.
14 ALUN JONES Robert, The Secret of the Totem: Religion and Society from
McLennan to Freud, Columbia University Press, 2013, p. 85
15 « Totem », CNRTL, [on ligne], http://www.cnrtl.fr/etymologie/totem
16 JAMES Diana, ROSE Deborah, WATSON Christine, Indigenous kinship with
the Natural World in New South Wales, NSW National Parks and Wildlife Service,
2003, p.26
169
with distended features could have been simple artistic
representations of the ideal woman or the female body
during pregnancy. Another theory sees these objects as
an amulet or a “small object that is worn on the body,
and to whom is attributed the power to preserve from
diseases, accidents, and various ailments.17” If this were
the case, one might assume that the statue was a pregnant woman, and could have protected the wearer of all
the risks associated with childbirth18, an extremely dangerous and misunderstood act until only recently.
These so-called magical acts were part of a belief system
that required transmission from generation to generation. Writing having appeared around 5000 years BCE in
Mesopotamia19, these beliefs had to be transmitted orally. To remember and to facilitate their transmission, the
prehistoric Human created myths and folklore. Myths
are defined by the Treasury of the French Language as:
A story depicting imaginary facts unrecorded by history,
handed down by tradition and featuring beings symbolically representing physical forces, philosophical, metaphysical or social generalities.20
17 « Amulette », CNRTL, [on ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/amulette,
translated from French by the author: « petit objet que l’on porte sur soi et auquel
on attribue le pouvoir de préserver des maladies, des accidents, des maux les plus
divers. »
18 HAVILAND William, MCBRIDE Bunny, PRINS Harald, WALRATH Dana, Evolution and Prehistory: The Human Challenge, Cengage Learning, 2013, p. 215
19 « L’aventure des écritures, Le dossier pédagogique », BNF, [pn ligne], http://
classes.bnf.fr/dossiecr/in-ecrit.html
20 « Mythe », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?83;s=1203293235;, (consulté le 16/12/2014),
translated from French by the author: «Un récit relatant des faits imaginaires non
consignés par l’histoire, transmis par la tradition et mettant en scène des êtres
représentant symboliquement des forces physiques, des généralités d’ordre philosophique, métaphysique ou sociale.»
170
As based on real facts, myths begin to explain phenomena other than those caused by nature. This is especially the case for Greek and Roman myths. Indeed,
with many scientific discoveries, such as the horizon,
geometry, and mass, many magical phenomena were
explained. This era thus sees a mixture of rationality and research alongside legendary writing, as the
author and researcher in fantasy André-François Ruaud explains:
Used by the ancients to understand the world and question their place in it, they will slowly evolve from edifying
to entertaining, while continuing to play on symbols recognised by all. The first grand narratives generally took a
historical commemoration, transmitted orally, and were
enriched over time.21
Homer’s The Odyssey and The Iliad of Homer, written
during the VIth century BCE, are oral based works composed of formulas, known by the ancient Greek, assembled into a narrative poetic and rhythmic22. It is likely
that different authors have contributed to the writing
of these epics, stories usually thought to be Homer’s.
Invention has an important role in Greek and Roman
imagination. Indeed, among the Greeks and especially
their theatre we see the invention of machines creating
special effects for the theatre. These mechanical devices can be considered as the ancestors of the special
effects that we know in films today. These, as well as
21 RUAUD, op. cit., p.10, translated from French by the author: Utilisées par les
Anciens pour comprendre le monde et s’interroger sur leur place en son sein, elles
vont lentement évoluer de l’édifiant au divertissant, tout en continuant de jouer
sur des symboles admis de tous. Les premiers grands récits partaient généralement d’une commémoration historique qui, transmise de manière orale, s’enrichissait au fil du temps.
22 ONG Walter J., Orality and Literacy [1982], Routledge, 2005, p. 23
171
inventions from the Alexandrian engineer Heron, will
be discussed in the last chapter.
During prehistory and antiquity, the distinction between fantasy and religion was almost non-existent.
In the Middle Ages, few books were copied by hand
by monks, the only scholars of the time, except for
the Bible. In Europe during this era, we thus see the
emergence of a controlled imaginary magic through
a book as well as its “masters”. However, orality still
remained important, as few knew how to read, folklore persisted. Thus, Christian believers of the time,
and many other religions, found paramount importance in certain objects that were supposedly created
by their god or touched by their prophet. According
to the Arthurian legends, it would be at this time that
the research of the Shroud and the Holy Grail would
have started (fig. 3). We can see the beginning of fantastic works based around the legends of King Arthur
of Brittany, followed closely by the Song of Alexander
the Great in Italy and romances around Charlemagne,
known as The Song of Roland, in France23. These stories were mostly transmitted orally, but some have
been transcribed in writing, forming the beginnings
of the fantasy genre of literature.
Like Arthur and the Knights of the Round Table in
search of the Holy Grail, the knights of Christian Europe went on Crusades to spread their faith and protect certain relics or sacred objects. One can find in
Jerusalem was the Holy Sepulchre, a collection of objects including Jesus’ true cross. However, during parts
of the Middle Ages the sacred city was in the hands
of the Arabs and then Turks who did not tolerate the
23 RUAUD, op. cit., p.11
172
presence of pilgrims and subsequently had them massacred. Thus, Christians went to war for sacred objects
fashioned several hundred years before their births.
The objects’ importance to the crusaders faith and way
of life confirmed this need24. These knights had to go
far from their land of birth and, along the way, discovered new cultures but also previously unknown flora
and fauna. Their reports and maps, as well as the first
European explorers exploring the world, often contain
mythical monsters from the imagination (fig. 4). An
example is the legend of St. George, England’s patron
saint, and his dragon (fig. 5), a story that was brought
back from the Crusades in the XIIth century25.
Science was not advanced enough in the Middle Ages
to explain all the natural phenomenon, the people
who lived during that era had at their disposal two
ways to understand them. The first lay in magical
folklore that varies from region to region and even
from village to village in the same country. The second, equally magical, was religion, divine acts and
miracles. The two lived side by side, however not in
harmony as each was trying to remove the other to
increase its control and number of believers. To better
integrate into the societies of the Middle Ages, Christianity appropriated certain rituals associated with
paganism and folklore at the time, such as baptism
which took over rebirth rites26. Religious faith is based
on very few objects but has made them extremely
24 RILEY-SMITH Jonathan, The Crusades: A History, Yale University Press, 2005,
p.12-13
25 DALE Thomas E. A., Relics, Prayer, and Politics in Medieval Venetia: Romanesque Painting in the Crypt of Aquileia Cathedral, Princeton University Press,
1997, p. 70
26 CARPENTER Edward, Pagan & Christian Creeds: Their Origin and Meaning,
The Floating Press, 2014, p. 103
173
powerful for their believers. For any religion whose
dogmas were written, books received a very strong
spiritual significance. These books run the lives of
those who read them, and are sometimes used as a
divination objects, opening a page at random, a divination technique called bibliomancy27. Despite the
differences between the folklore of religion, they have
something in common: animistic objects.
27 « Bibliomancy », Trésor de la Langue Française, [on ligne], http://atilf.atilf.fr/
dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=417823620;
174
From the Renaissance to the Age of Enlightenment
H
umans from prehistory to the Middle Ages,
saw their lives dictated by intangible forces.
They did not have the power to decide on
their future, as religion and folklore took away that
possibility. However, in the XVth century, this fact is
questioned. Indeed, the Renaissance saw the beginning of Humanism: “the doctrine that takes as end
the human person.28” The searchers of that time
asked questions about their conditions and their
reasons for being. We discover the body through
dissections. They read Greek and Roman texts again
and explored their concepts. Thus, they rediscovered geometry.
Despite the presence of scientific logic used by researchers and their discoveries explaining a number
of phenomena previously attributed to magic or divine action, mysticism retained its attraction. Paola
Zambelli explains:
To be sure, there were connections between magic and
the various sciences, some stronger than others. Medicine, more than other sciences, had always been affected by the dominant astrological theories.29
According to the modern historian, questions that European scientists asked were based on mystical and
28 REY Alain,« Humanisme », Dictionnaire Historique de la Langue Française, Le
Robert, 2010, p. 4594, translated from French by the author: « la doctrine qui prend
pour fin la personne humaine. »
29 ZAMBELLI Paola, White Magic, Black Magic in the European Renaissance,
Brill, 2007 p.19
175
magical phenomena. Astrology is transformed into
astronomy. The magic of plants becomes rational.
At the same time, new forms of magic were emerging. Historian of philosophy, Cesare Vasoli studied
the subject:
The Renaissance European company continued to maintain the primitive side of peasant and popular witchcraft
and thus contributed to feed scholarly imagination of
philosophers and theologians, well experienced in reading the classics of Neoplatonic and Hermetic magic.30
Attracted to the creations of the Greeks, the Renaissance researchers discovered the god Hermes, best
known as messenger of the gods and guardian of
roads, intersections and travellers. This god is also
found in Egypt under the name of Thoth until the
two merge, during the occupation of the country by
the Greeks, to create a single deity known as Hermes
Trismegistus (fig. 6). Defined as “Three times great”
this god mastered the three natural philosophies:
mineral, animal and vegetable. He knew their manipulations and mixtures to create new substances.
He is credited with the creation of alchemy, born
during the Renaissance. This manipulation of materials brought a new mythical object, the philosopher’s stone, able to transmute common metals
into noble ones, to heal the sick and even give eternal life. This stone was sought by many scientists of
30 VASOLI Cesare, « Le tradizione magiche ed esoteriche nel Quattrocento », Le
filosofie del Rinascimento, Bruno Mondadori, 2002, p. 136. Translated from Italien by Aurélien Cassirame: «La società dell’Europa rinascimentale continuava a
mantenere l’aspetto rozzo e inconditoto della stregoneria contadina e popolare,
ma anche nutrire la dotta immaginazione di filisofi e teologi educati alla lettura
dei classici della magia neoplatonica ed ermetica.»
176
the Renaissance making it, according to the chemical engineer and journalist Jacques Bergier, “the
only para-religious practice that truly enriched our
knowledge of reality.31” During their search for objects and magical types of material, the researchers
also found real and useful substances such as sulphuric acid, hydrochloric acid and phosphorus.
On one hand, we find during the Renaissance a natural
and divine white magic that was never condemned by
Europe’s main religion, Christianity. It was used by the
Church to differentiate miracles and divine actions
from black magic and necromancy, a “magical arcane
art32” and prohibited by the teachers of the Christian
faith. The witch hunt began in many countries against
those undergoing research into the occult. Therefore,
we can say that the Renaissance cultures were hungry
for knowledge and tried to control the magic in which
they still believed.
Despite this strong belief in the mystery that exists during that time, René Descartes published his
Discourse on Method (fig. 7), which laid the foundation for a research methodology to obtain what he
would call «logical and demonstrable» results. This
edition would not have been as popular without the
help of a new machine that was released in Europe
in 1450: Gutenberg offers Europe’s first printing
press, making books and pamphlets more accessible to the population. Descartes used this invention, available in France, to publish his works in an,
at the time, vulgar language: French. Non-biblical
31 BURCKHARDT Titus, « L’alchimie, science et sagesse », Encyclopédie Planète,
Retz, 1964, p. 219, tranlasted from French by the author: « la seule pratique para-religieuse ayant enrichi véritablement notre connaissance du réel. »
32 ZAMBELLI, op. cit., p. 245
177
texts thus became more accessible than the contents of the Bible for a while, the Bible being translated 26 years later33. Other books were emerging:
The medieval author seems to write for a public to
whom magic, like knight-errantry, is part of the furniture
of romance: the Elizabethan, for a public who feel that it
might be going on in the next street. [...] Neglect of this
point has produced strange readings of The Tempest,
which is in reality [...] Shakespeare’s play on magia as
Macbeth is his play on goeteia.34
Magic remains an integral part of everyday life for
Renaissance Europe, whether in science or in everyday life. Their beliefs in these supernatural forces are
strong and rooted in their cultures. However, unlike
previous generations, they do not want to suffer, but
rather to control and therefore have power to take decisions about their own lives.
Later, Descartes’ methodology took over mystical belief to create a mythical Cartesian culture. This period
of European history is called Enlightenment: a rationality based on an “absolute trust in man and in the indefinite progress of science and the human spirit.35”
Thus, according to the philosophers of the Enlightenment, humans would be the complete master of
there destiny. During this period of history, a resistance can be found against three traditional sections
33 « Nouveau Testament », Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes, [on ligne],
http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/index.asp?numfiche=703
34 LEWIS Clive S., English Literature in the Sixteenth Century: Excluding Drama
[1954], Oxford Paperbacks/Oxford University Press, 1973, p.8.
35 PIERRARD Pierre, L’Eglise bouleversée— de 1789 à 1945, Editions de l’Atelier,
1992, p. 10, translated from French by the author: « confiance absolue en l’Homme
et dans les progrès indéfinis de la science et de l’esprit humain. »
178
of French society: the monarchy, the pyramidal state
hierarchy and the Church. Indeed, the Christian religion had become an oppressive and corrupt regime
rather than organized belief. By rejecting Christianity,
we might think that the belief in magic and folklore
would suffer the same fate.
Religion, folklore and superstition being taunted by
writers, political and philosophical, humans was left
alone in a world where the ‘self’ has been simplified in part by Descartes’ thoughts, but remains also
very unequal. Michel Maffesoli quotes Max Weber
who speaks of “‘rationalisation of the existence’ It is
this that leads to the famous ‘disenchantment of the
world’.36”Unlike their ancestors, the Europeans of
the time already recognized science in many natural
facts. Answers about their reason for being, therefore, of Descartes’ “self”, did not bring them satisfaction. Disenchantment was such that in France we
saw the Revolution in 1789, marking the end of the
Age of Enlightenment.
It is not surprising to see, during this time, the peak of
a wave of magical thinking qualified by historians as
Illuminism. Like their rational contemporaries, they
seek the light from within, usually their god37. The
Language and Literature professor Elizabeth Boucé
explains: “Illuminism responds to a supernatural
36 MAFFESOLI Michel, Imaginaire et postmodernité, Synergie de l’archaïsme et
du développement technologique, « Modélisations des imaginaires », Manucius,
2013, p. 11, translated from French by the author: « ‘rationalisation de l’existence’
C’est celle-ci qui aboutit au fameux ‘désenchantement du monde.’ »
37 « Illuminisme », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/illuminisme, (consulté le 16/12/2014)
179
and surreal demand as reality seemed insufficient.38”
Thus, while retaining a degree of Humanism acquired
during the Renaissance, this magical thinking was
kept to bring back a dimension to their lives that had
been robbed by the Age of Enlightenment.
Magical thought was not completely removed from
culture in during the Age of Enlightenment. We find
little diversity in “fantasy” literature, all the while
“fairy tales” were prolific. Boucé continues: “Thus, for
example, on the eve of the Revolution, Charles Joseph
Mayer published his Cabinet of Fairies in forty-one
volumes, an extensive compilation of fairy tales (fig.
8).39” This collection includes tales of Charles Perrault, Madame D’Aulnoy and Jean Jacques Rousseau,
and will then be completed by the tales of the Grimm
Brothers. The Cabinet includes, amongst others, the
stories of the Red Riding Hood, The Tales of the One
Thousand and One Arabian Nights as well as Beauty
and the Beast.
The vast majority of these tales are considered polite,
very conformist and hold a high moral potential. They
are mostly based on folklore stories, transmitted orally and written down amongst others by Charles Perrault in his Tales of Mother Goose in 1697 (fig. 9). Today,
Europeans know most of his stories, having had them
read at the bedside of children by parents, or seen in
films or animations. We can therefore conclude that
38 BOUCÉ Elizabeth, Spectres des Lumières : du frissonnement au frisson: Mutations gothiques du XVIIIe au XXIe siècle, Publibook, 2012, p. 23, translated from
French by the author: « L’Illuminisme répond à une demande de surnaturel et d’irréel car la réalité parait comme insuffisante. »
39 Ibid, p.23-24, translated from French by the author: « Ainsi, par exemple, c’est
à la veille de la Révolution que Charles-Joseph de Mayer publie son Cabinet des
Fées en quarante et un volumes, vaste compilation de contes de fées. »
180
the Age of Enlightenment, despite its apparent rejection of religion and mystical beliefs, has not quite
managed to erase the imaginary worlds from European culture.
The author and folklorist Terri Windling explains
this tenacity:
Like wizards roaming magical forests, tales themselves
are “form-changing”: elusive, mysterious, malleable,
able to take very different aspects. This is where the heart
of their power lies, the strength of their longevity.40
Since these tales can change shape, they can adapt
to most geographic and historical cultures. As long
as the moral values, mythologies, that these tales
describe are able to “talk” to the greatest number of
people they become universal, a concept studied by
Roland Barthes in his book Mythologies41.
40 WINDLING Terri, « La Quête du Héros », Yellow Submarine, n° 129, (Les sentiers de la Faërie), Bifrost/Etoiles Vives, 1999, p. 47, translated from French by the
author: «Comme les sorciers qui rôdent dans les forêts magiques, les contes euxmêmes sont des ‘changeformes’ : fuyants, mystérieux, malléables, capables de revêtir des aspects très variés. C’est là que réside le cœur de leur puissance, la force
de leur longévité.»
41 BARTHES Roland, Mythologies [1957], Points Essais, 2014
181
From the Industrial Revolution to our own
technological beliefs
T
hroughout the XVIIIth century rejection of the
esoteric has taken a prominent place in Western
thought, despite a still present belief in mystical
forces. However, for a while, humans turned towards
themselves throughout the Renaissance, discovering
Humanism, and the Age of Enlightenment’s Rationalism. The late XVIIIth and early XVIIIth centuries mark a
change of direction in these searches. The Industrial
Revolution began with many inventions that mark the
beginning of the modernisation of Europe.
The Industrial Revolution, saw the creation of a new
“natural force” - this time controllable. Thus were
born the locomotives around 1830, animated objects
used to transport goods or people (fig. 10). Upon her
arrival on her tracks, this machine was the subject of
many stories.42 She began to frighten people. These
giants were creating a lot of smoke, various loud noises, spitting ash and were usually painted in dark colours. She could reach speeds previously unequalled
by humans and travel vast distances while carrying
tons of goods and passengers. This fear was translated
into the culture of the time, including through poetry:
42 LE BERRE Aline, De Prométhée à la machine à vapeur: cosmogonies et mythes
fondateurs à travers le temps et l’espace, Presses Univ. Limoges, 2004, p. 218
182
Admirons le colosse au torride gosier
Abreuvé d’eau bouillante et nourri de brasier
Cheval de fer que l’homme dompte43
This piece of the poem “Le chemin de fer44” by Auguste Villiers de l’Isle-Adam, rewritten in 1893 in Le
Magazine Littéraire45, shows a machine transformed
into fiery beast. It is an animal that humans must control in order to gain its benefits:
Fierce-throated beauty!
Roll through my chant with all thy lawless music, thy
swinging lamps at night,
Thy madly-whistled laughter, echoing, rumbling like an
earthquake, rousing all46
According to the poet Walt Whitman in his poem “To
a Locomotive in Winter”, the locomotive is not only
a monster but also feminine. Like boats, these several tonne monsters are considered as female. When
speaking of a locomotive in English, it is given the pronoun “she” normally reserved for women, rather than
‘it’ used for objects. An example of this personification
can be found in Emile Zola’s La Bête Humaine, published in 1890. The main character can be considered
as being Jacques Lantier’s locomotive named Lison.
During the course of the book, this machine creates
43 VILLIERS DE L’ISLE-ADAM, Poésies, Oeuvres Complètes II, Alain Raitt et
Pierre-Georges Castex, 1986, ‘Chemins de fer’, p. 848, «Admire the colossus with
its torrid throat
Steeped in boiling water and fed inferno
Iron Horse that man subdues»
44 The Railroad
45 MIRBEAU Octave, Correspondance Générale, L’Âge d’Homme, 2005, Note de
bas de page, p.651
46 WHITMAN Walt, Green Leaves [1861], Penguin Classics, 1961, ‘To a Locomotive in Winter’
183
jealousy within women, becoming the representation
of a mistress to her driver. This feminine soul would
have been given during its construction:
There was the soul, the mystery of manufacturing, it
something that chance hammering added to the metal,
as the worker’s knowledge gives to the pieces: the personality of the machine, life.47
Despite its strong connection to naturalism, Zola often includes a notion of magic in his fiction. A concept of the city such as buildings or new inventions
find themselves anthropomorphised in order to then
consume his characters. This soul contained in the elements of their environment is similar to the spirits
that fascinate the Europeans of the time.
Indeed, they had a morbid fascination with ghosts
and spirits. The stories around them can be found
abound. Several theories have been advanced to explain this fascination48. The first comes from the discovery of photography which we will study in the next
chapter. The second theory is based around lighting.
The Victorians went from using the candles to gas
lamps. The light it produced being much more stable than its predecessor, the gas lamp still asked a lot
more maintenance. A poorly maintained lamp created carbon monoxide leaks. A person inhaling the
toxic gas would get hallucinations, the appearance of
47 ZOLA Emile, La Bête Humaine, Les Rougon-Macquart [1890], Bibliothèque
de la Pléiade, 1966, p. 1127-1128, tranlasted from French by the author: «Il y avait
l’âme, le mystère de la fabrication, ce quelque chose que le hasard du martelage
ajoute au métal, que le tour de main de l’ouvrier donne aux pièces: la personnalité
de la machine, la vie.»
48 ROBBINS Ruth, « The Victorian Ghost », LeedsMetUni, 29 octobre 2013, [en
ligne], https://www.youtube.com/watch?v=Bg94bRJLLj4
184
deceased family members, paranormal or even magical phenomena49.
During the Industrial Revolution, another invention
appeared that changed, among other things, how
they were lit: electricity, the creation of a new artificial force behind normally inert objects that can also
illuminate dark corners (fig. 11). This invention, misunderstood by most of its users, remains one of the
most important in History. We will explore this mystical force in the second chapter of this book. What
we can say now is that electricity is a power that we
in developed countries cannot do without.
Today, developed cultures emphasize and promote
a Cartesian world-view. Most of the known natural
phenomena now have a scientific explanation, and
those freshly discovered are quickly explained. The
few situations that we cannot explain are called to
be resolved when technology and science advances.
At the same time, we find that the facts we held as
true are no longer. As explained Jean-François Lyotard in The Postmodern Condition, every scientific
or historical discovery is made by a human, with his
emotions, his political position, financial situation,
which will all affect his or her position and therefore
the results of his research50. These are more limited
by the language used by the field, researchers will
have tendency not to look in the area, and therefore
will not find all the truths. He calls this the “language
games51”. Thus, according to Lyotard, the truths on
49 Ibid.
50 WARD Glenn, Postmodernism, Teach Yourself, 2003, p. 170
51 LYOTARD Jean-François, The Postmodern Condition: A Report on Knowledge
[1979], Manchester University Press, 1984, translated from French by Geoff Bennington and Brian Massumi, p. 10
185
which is placed postmodern society are actually interpretations, the great myths have ended.
At the same time, magic dominates our popular culture. Most movies, books and video games are based
on fantasy. Indeed, the researcher and specialist in
modern fantasy literature Thomas Shippey says:
“The dominant literary fashion of the twentieth
century has-been the fantastic.52” With the advancement in special effects technology, or magical representation, it is not surprising that the world’s top
10 grossing films in 2014 are all fantasy / science fiction movies53 (fig. 12). Video games are mostly created
in the same vein.
We have thus an attraction to this force, a residue
of our millions of years of history. According to Sigmund Freud:
He finds that the scant satisfaction that he can force
out of reality is not enough. “There is no getting along
without auxiliary-constructions”, Th. Fontaine once
said. The creation of the psychic realm of fancy has
its complete counterpart in the establishment of “preserves” and “conservation projects” in those places
where the demands of husbandry, traffic and industry
threaten quickly to change the original face of the earth
into something unrecognisable. The national reserves
maintain this old condition of things, which otherwise
has everywhere been regretfully sacrificed to necessity.
Everything may grow and spread there as it will, even
52 SHIPPEY Tom, J. R. R. Tolkien: Author of the Century, Harper Collins, 2000, p.
vii
53 « Yearly Box Office: 2014 Worldwide grosses », Box Office Mojo, [en ligne],
http://www.boxofficemojo.com/yearly/chart/?view2=worldwide&yr=2014&p=.
htm, (consulté le 12/01/2014)
186
that which is useless and harmful. The psychic realm
of phantasy is such a reservation withdrawn from the
principles of reality.54
We have, for most of us, the need to unleash our
imagination and our dreams. The fantasy genre in
all its forms creates what Freud called daydreams.
These are important to humans because they allow
they to imagine “phantasies” and then try to make
them real.
Ethan Gilsdorf, journalist and geek in his research
book Fantasy Freaks and Gaming Geeks gives us ten
possible reasons to escape to an imaginary world:
1. Blatant escapism (from problems: emotional, marital,
societal-terrorism, economic).
2. Feelings of powerlessness (related to 1).
3. Desire to not feel ordinary, to feel ‘heroic’: to feel part
of larger narrative (immortality?).
4. Too much leisure time (compared to peasant/farmer
life - Monty Python ‘autonomous collective’?)
5. Urge (genetic?) to play-act primal human struggles betrayal, revenge, and overcoming great odds.
6. Safe way to express needs, fears and wishes.
7. Fantasy = good vs evil. Reality = too grey. Need simplistic world-view.
8. Connect with nature/magic - lost Eden? Pre-industrial time?
9. Reality overwhelming. News saturation.
10. Regress to childhood / relive childhood.55
54 FREUD Sigmund, A General Introduction to Psychoanalysis [1916], Gutenberg
eBook, 2011, Translated from German by G. Stanley Hall..
55 GILSDORF Ethan, Fantasy Freaks and Gaming Geeks: An Epic Quest for Reality Among Role Players, Online Gamers, and Other Dwellers of Imaginary Realms,
Rowman & Littlefield, 2009, p. 41.
187
This list is non exhaustive, it does not include mere
aesthetic pleasure or an inclination to stories, but all
these reasons seem to question the place of the human according to the world surrounding him or her.
Can he escape? What is its place, and is it central?
Like their ancestors, humans today have the option
to explore how magic can answer their questions.
Like Freud:
[Tolkien et Lovecraft56] both argued that fantasy was a
necessary complement to reality, gratifying the desire
for “imagined wonders” that the Primary World could
not satisfy.57
However, neither Freud, Tolkien nor Lovecraft have
experienced today’s world of digital technology. This
world based on the manipulation of numbers to create visible effects operates on an invisible plane to the
human eye. It allows the creation of an unimaginable
number of other worlds. Today, we have a tendency
to live in both worlds, the real and the digital. Unlike
previous generations, we give a totally artificial and
scientific dimension to Secondary58 worlds in which
we spend a lot of time every day.
In his research book As If: Modern Enchantment and
the Literary Prehistory of Virtual Reality, the history
professor and European Culture specialist Michael
56 John Ronald Reuel Tolkien was a British fantasy writer of the early twentieth
century, known for his legendary trilogy The Lord of the Rings. Howard Phillips
Lovecraft, his contemporary, is an American horror fiction author known for his
work The Call of Cthulhu. Both have an international reputation in the world of
fiction.
57 SALER Michael, As If: Modern Enchantment and the Literary Prehistory of Virtual Reality, Oxford University Press, 2012, p. 182.
58 Op cit, p. 31
188
Saler studied the ambivalent need to release ourselves in imaginary worlds while keeping a seemingly
Cartesian logic. He explains:
This self-conscious strategy of embracing illusions while
acknowledging their artificial status, of turning to the “as
if”, has become an integral to modern enchantment…59
It seems that scientific logic and technology has taken
over European imagination, where animism is considered as primitive or archaic by many anthropologists. However, according to the sociologist Bruno
Latour we have never been modern, that is to say we
no longer live in a world of pure science60. In addition,
the British philosopher Gilbert Ryle destroyed the
Cartesian myth by replacing it with the ghost in the
machine dogma:
With the doubtful exceptions of the mentally-incompetent and infants-in-arms, every human being has both a
body and a mind. ... The body and the mind are ordinarily harnessed together, but after the death of the body the
mind may continue to exist and function61
The body and soul are therefore not divided as
thought by Descartes. The first cannot live without
the second during life, while the second can continue on even after the death of the first. Moreover,
Lyotard asserts in The Postmodern Condition that
we have lost faith in science, we have now a tendency to turn to other subjects to obtain other forms
59 Op cit, p. 13.
60 LATOUR Bruno, Nous n’avons jamais été modernes, La Découverte, 1997
61 RYLE Gilbert, The Concept of Mind [1949], The University of Chicago Press,
2002, p 11
189
of understanding62. We are still enchanted despite
being aware of the unreal state of enchantment.
If we continue in this line of logic, the technical objects we use should therefore allow a Cartesian explanation of their creation and uses. Most inventions
found during the Industrial Revolution are ancestors
of a large number of objects that we use daily today.
As explained earlier, most of these objects have links
to the paranormal. Indeed, as the science fiction writer Arthur C. Clarke says in Hazards of Prophecy: The
Failure of Imagination: “Any sufficiently advanced
technology is indistinguishable from magic.63” When
technology advances, generally there are very few
people who fully understand the way it works, including electricity, despite its centuries of existence.
However we use this force every day, only knowing its
results.
Since, we have discovered, amongst others, nuclear
energy and have invented ways of transmitting data
including WiFi, Bluetooth and GPS. These technologies have evolved and remain largely misunderstood
by their users. Indeed, the majority of objects that
use such forces contain components, or other objects, which ensure their proper operation, and can
therefore be called devices64. The contemporary philosopher Vilém Flusser gives a definition to the term
device as “a complex toy, so complex that those who
62 WARD, op. cit., p. 173
63 CLARKE Arthur C., ‘The Hazard of Prophecy: the failure of imagination’, Futurists, Random House, 1972
64 « Appareil », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/
dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=2439922875;r=1;nat=;sol=0;, (consulté le
16/12/2014)
190
play with it cannot fathom it.65” This definition can be
easily applied to the digital objects that we use today.
Each of these objects’ components are created by
different companies or different departments of the
same company. Indeed, each of these components require a rather high level of technological and scientific
knowledge (fig. 12), on that is out of reach of those who
have not undergone extensive studies on the subject.
Thus, each component is created by a specialist in his
field, who does not necessarily as specialised in other fields surrounding the other components. We can
conclude that the manufacturers themselves do not
know themselves all the mechanics inside the object
they helped invented.
These objects thus create a link between a mystical
force and a visible reaction to the human eye. Our ancestors explained this lack of understanding by consciously giving the object they used a soul. Today we
seem to subconsciously do so. For example, we tend
to blame the computer for a bug, not the programmer
who is responsible for the glitch in the code. Therefore, we all seem to practice unconscious animism.
65 FLUSSER Vilém, Pour une philosophie de la photographie, traduit de l’allemand par J. Mouchard, Circé, 1996, p.40, translated from French by the author:
«est un jouet complexe, tellement complexe que ceux qui jouent avec lui ne
peuvent le percer à jour.»
191
192
2
Mediating objects between mystical forces
and spirits
We have seen the changes to magical belief in our history and can notice a constant in these transformations: animism prevails. Today, it can manifest itself in
many ways: the object itself has a soul, or may become
a mediator between the user and other spirits. Moreover, in our technological times, most of the objects we
use every day are driven by forces that we could call
“mystical”.
193
An animistic relationship to objects
A
s it was defined in the first chapter of this analysis, an object is a translation of a necessity
to matter. According to Marshall McLuhan,
media (his definition of an object) is “the extension
of man”. Thus, they were created to complete a task
that cannot be accomplished by the human body. An
object adds to a body actions that he cannot do alone,
and could therefore be seen as inherent.
According to Simondon, this can be approached on
two different levels: either unknowingly in early childhood when a person learns to use an object, accepts
his capacities without questioning them, or consciously when the use of the object is taught in adulthood. In this case, the person will question how he or
she uses the object, and may even change it to suit his
or her body and way of thinking66. This second level is
seen in the individual and in the human species. Allow me to give you an example through a historical
summary of the morphological changes of an object
(fig. 14): a stone was sharpened to cut through a hide
that human hands could not tear, then a branch was
formed into a pole and added to the sharpened stone
to create a spear to kill prey and predators from a
safe distance. Iron was discovered which allowed the
spear to be hardened. The blade was extended and a
grip added, the sword was created67.
66 SIMONDON, op. cit., p.85
67 LEROI-GOURHAN André, Milieu et technique, Albin Michel, 1998, p.26
194
Throughout this process, humans who designed this
object have also kept in mind its purpose, hoping that
it will never fail them. They established a very close
relationship with the tools they used and created, to
the point that they gave them souls. The fantasy writer Sir Terry Pratchett and folklorist Jacqueline Simpson joined forces to write The Folklore of Discworld in
which they give an example of such a relationship:
One of us recalls a metalworker shop staffed by very old
men. When one of them died, his personal tools were
left on the bench where he’d put them, untouched,
and were gradually buried under workshop debris. It
does not need a fevered imagination to see that in the
days when tools were an expensive lifetime investment,
shaped over the years to the owner’s hand, there would
be a certain unfocused distaste for handling them after a
workmate’s death68
German scientist Georg Ernst Stahl named this effect
animism, or “a religious belief with active souls outside of the living being.69” For a human being, a soul
is synonymous to having a personality and therefore
a name. A very good example of this is the sword. The
mastery of the creation of a blade provides the bearer
a better chance of survival. A blade created by a master indicates the wealth of its owner. In his Encyclopedia of the Sword, Nick Evangelista says”One of man’s
oldest, most valued tools, for the Viking, the sword
was his named companion, for the samurai, his very
68 PRATCHETT Terry et SIMPSON Jacqueline, The Folklore of Discworld [2008],
Corgi Books, 2014, p. 72
69 REY, op. cit., p. 600, ‘Animisme’, translated from French by the author: «la
croyance religieuse aux âmes actifs hors de l’Être vivant.»
195
soul.70” It had such an importance in many cultures
around the world that the blade was given a name
and then a personality, the most famous of them in
Europe being Excalibur. This fictional sword also has
magical powers that are activated only by its designated owner, King Arthur. Despite the many versions
of the story about the legendary king, all agree on the
existence of the of this sword.
Naming and giving a soul to an object, as discussed
in the first chapter, existed throughout the course
of History. Even today, we have a tendency to see
our objects as having a soul of their own. Anyone
who has owned a computer or tablet has probably,
at some point during its use, insulted the machine
when it behaved unexpectedly (fig. 15).
Many anthropomorphic terms are used to describe
digital objects, especially when they do not react the
way we expect them to. For example, a computer that
reacts to a problem in its programming because of
malware is said to have a virus, “an organic substance
(pus, saliva, etc.) capable of transmitting disease.71” A
phone with a depleted battery is generally said to be
“death”, a term generally used for something that was
previously alive72.
70 EVANGELISTA Nick, The Encyclopedia of the Sword, Greenwood Publishing
Group, 1995, p. xxiii
71 « Virus », Trésor de la Langue Française, [en ligne], http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?24;s=317551755;r=2;nat=;sol=2;,
(consulté
le
02/01/2015), translated from French by the author: «substance organique (pus,
salive, etc.) susceptible de transmettre une maladie.»
72 « Technologie et magie », Place de la Toile, France Culture, radio documentary, 08 June 2013, 06:56 pm, with Vincenzo Susca, Xavier de la Porte and Thibault
Henneton
196
We can see today that animistic thinking is gaining
in importance for some anthropology specialists.
According to some of its definitions, modernism
is characterized by its dualism. It uses Cartesian
thought to separate the body from the soul, the
human from the environment, culture from nature, and finally, the subject from the object73.
Therefore, animism cannot be accepted as a process of thought as it merges everything that these
philosophical thinkers have separated. However,
in today’s society, and as explained above, we have
a propensity to create human-to-human relations
with non-human objects and entities such as pets,
stuffed animals, or even our digital technologies.
We have thus transformed them into subjects. Animals and digital objects, in particular, communicate with us (fig. 16), they respond to our actions by
giving us information or changing their behaviour,
rendering them animated. As explained above, we
seem to have accepted other forms of understanding74, including animism.
Another explanation for our animistic thinking in
our digital society was given by Vincenzo Susca, a
researcher at the Centre d’Études sur l’Actuel et le
Quotidien, which he calls the “technomagic”. He
gives the example of someone who throws a phone
across a room when the person on the other end
of the line has angered them. We thus have a tendency to place the blame first on the object, then
later on the human75. Due to, or thanks to, science
and rationalism, we no longer need explanations
73 VAN HULLE Dirk, ‘Modernism, Mind, and Manuscripts’, In : RABATÉ Jean-Michel, A Handbook of Modernism Studies, Wiley-Blackwell, 2013, p. 227
74 WARD, op. cit., p. 173
75 Place de la Toile, op. cit., 2013
197
for most of the phenomena around us. Despite this,
we seem to turn to experience and emotion to explain events.76
According Susca, when a digital object does not react in the expect way, we see this as a betrayal. This
is again evidence of a projection of our emotions into
objects made by humans, it also shows how these
objects have become profoundly intimate. Susca
explains this intimacy by defining the difference between rational thought and magical thinking. Rational thinking is based on logic and seems to be the creator of technology, namely: logic technique. However,
as we have seen, we do not seem to have a logical interaction with our digital objects. Susca defines these
as “technomagical” as their users no longer use the
brain or rationalization as the centre of the thought
process77, the basis of magical thinking.
An example given by the researcher is the use of
touch screens in most digital technologies. Indeed,
a non-tactile-screen button will change form once
pressed, causing a chain reaction. Touching a panel with a finger without changing its shape, but still
causing a reaction in the subject, calls to a sensation
instead of rationalism. Despite this illogical reaction,
we have readily accepted touch-screen technology.
Today, most new inventions have a touch screen instead of buttons. At the launch of the first iPhone in
2007, Apple had chosen the slogan “Touching is believing78” (fig. 17).
76 Ibid
77 Ibid.
78 BOHRER Clemens, « Les Techniques de l’adjuration », traduit de l’allemand
par David Dilmaghani, Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie
[2011], CNRS, 2013, p. 113
198
Thus, according to Susca, we went from the Cartesian
rationalization of the Enlightenment Ages to what we
might call sensorialism. Sensations being a bodily
subjective reaction, it explains how objects with reactions to our senses, such as touch screens, have become intimate. Continuing from McLuhan’s thoughts
that media is the extension of humans, this intimacy
has blurred the boundaries between the body and the
technical object. For example, the connected health
objects allow a visible interface to bodily functions
normally invisible to the user, or an other person
without at least some form of physical contact. Some
of our items are following us everywhere, in places
where technology has normally no place: an mp3
player on the bedside table used as an alarm clock,
a laptop on the knees in bed during a night work session, a smartphone while using the toilet for fun during those lonesome moments.
Injecting animism into an object is giving it a magical
feature. As defined above, magic has a strong relationship to rituals, that is a number of predefined actions
performed at specific times in order to get a required
result. Normally kept to religious ceremonies, rituals
are prevalent in our every day lives, even for agnostics and atheists. In a digital morning we check our
phones for messages, turn on the TV for world news,
validate our travel card at a terminal to enter to get to
our train’s platform (fig. 18). We might call this habit
rather than ritual.
Whereas, a habit is a self-imposed action from which
the person can turn away consciously, a ritual is
usually imposed by an entity other than the person
doing the action. However, technical and digital objects have all been designed by designers who have
199
thought about ergonomics and the actions that the
user will have to do, as well as how they will be used,
by imposing measures and thus create rituals rather
than habits. As the sociologist Stéphane Hugon says
“Technical act, physical act, magical-religious act all
coincide.79”
In addition, humans have an instinctive tendency,
like many animals, of finding patterns in their environment. According to the journalist and founder of
the Skeptic Magazine, Michael Schermer, the search
for patterns have helped animals decide whether
a situation is safe or dangerous, and thus help the
species survive80. However, some phenomena occur
at random. During his experience with a pigeon in a
box, which receives food at random times, the scientist Burrhus Skinner discovered that his test subject,
for lack of a pattern, created a ritual that it repeated
up until it received food81 (fig. 19).
This creation of rituals is something that humans
also undergo, for example with the computer. Indeed,
when a computer crashes, a human (who is not a
computer technician), will usually try two rituals in
the hopes that the machine will return to what it considers to be its normal state. He or she will first try the
ctrl + alt + del rite by pressing the Control, Alternative,
and then Delete keys to then end a process, forcing
the program to close. If things get really bad, and the
79 HUGON Stéphane, « Soudain : la technique », Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 64, translated from French by the
author: «Acte technique, acte physique, acte magico-religieux sont confondus.»
80 SCHERMER Michael, « The pattern behind self-deception », TED, février
2010, [en ligne], http://www.ted.com/talks/michael_shermer_the_pattern_
behind_self_deception
81 SKINNER Burrhus, « Superstition in the pigeon » [1947], Classics in the History
of Psychology, [en ligne], http://psychclassics.yorku.ca/Skinner/Pigeon/
200
computer does not respond, the ceremony to turn off
and on the machine starts (fig. 20), usually accompanied by grunts and even anger from the user.
Although the programming bug still exists and therefore can cause the problem once more, turning off and
on a computer is done in the hopes that the machine
works as it usually does when the start button is used.
According to Nicolas Nova, many more rituals have
been created surrounding digital objects82, some of
which will be discussed further in the next chapter.
Thus, we can see that, despite our hyper-rationalism
supposedly remaining from the Enlightenment Ages,
we continue to infuse animism into our new inventions. In addition, not only are digital objects less and
less understood by users, they are also increasingly
autonomous with their own souls. One could say that
the more we continue towards full automation, the
more our technology becomes more magical.
82 NOVA, op. cit.
201
A connection to other spirits, dead or alive
W
or alive.
hen we add a spirit to our objects, we also
have a tendency to use our inventions
to communicate with other souls, dead
While the phone is one of the best examples of an object with a soul, especially the smartphone, it is also
the best example of communication with a soul. Indeed, as Erik Davis says:
In a sense, the telephone is the ultimate animist technology. We associate sentient life with what communicates,
and here was an inert thing full of voices.83
If we follow a rational way of thinking we could also
agree with the following equation: what communicates is sentient, the phone communicates, then the
phone is sentient. When someone uses a telephone,
he or she will hear their correspondent’s voice in the
small box, giving the impression that the object has
trapped a part of his or her soul. This demonstrates
an animistic thinking. However, the phone can “trap”
a multitude of souls in its box.
The phone has always had a connection with spiritualism. Indeed, its alleged inventors Graham Bell and
Thomas Watson experimented by first asking twelve
people to hold hands and create a circuit through
which a low current is sent, allowing Bell and Watson
83 DAVIS, op. cit., p. 66
202
to talk successfully from different rooms84 (fig. 21). Using our imagination, one might recall seances where
several people are sitting around a candle or a light
bulb in silence holding hands in the hope that their
combined energies will allow them to communicate
with the dead. Born during a period of ghost obsession and spiritualism, it is not surprising that the inventors of the phone have also had a fascination with
spirits who have left us. It is almost logical that they
invent an object that allows two souls to communicate without being in the same room, or country.
Erik Davis believes that:
These days, of course, we are used to talking machines,
and the ubiquity and pragmatism of the telephone has
chased such animist perceptions back into the bush.85
The sociologist first explains that, in today’s society,
we no longer feel this relationship between the mind
and the phone, apparently we understand how it
works. Based on the analysis of the previous chapter,
I would tend to disagree. Indeed, only scientists with
many years of study in the fields of technology, fully understand how the voice is transmitted from one
device to another. Like computers, a phone with no
more power in its batteries is said to be dead. Moreover, if we pick up a phone and do not hear a dial tone,
we usually also say that the line is dead. The phone
has been at the centre of our imagination (fig. 22), and
perhaps even considered a scary object.
84 Ibid.
85 Ibid, p. 67.
203
Take the famous scene in Scream when the main character, Sidney, answers the phone and hears a scary
voice (fig. 23). One would think that hanging up and
then ignoring the phone would be a good idea (making
it a rather short film). However, Sidney does not. The
incessant ringing almost orders her to pick up the receiver and speak to the evil soul on the line86. It is also
evident in every day life, when we frantically seek our
phones while it is ringing in commanding tones, while
it would be easy to call back once the phone found.
Phones and other devices link us to others through
forces that most of us understand little about. Hearing the voice of someone on the phone gives meaning
to communication with a bodiless soul. Screens add
to the impression of interaction with others and offers
an enhanced visual stimulus. For this analysis, we will
study the screens on digital devices.
Jay David Bolter and Diane Gromala offer:
When we look in the mirror, we see ourselves, and we
see the room behind and around us – that is, ourselves
in context. Digital interfaces are like mirrors in the sense
that they reflect the user in context, including her physical surroundings, her immediate working or home environment, and the larger environment defined by her
language and culture.87
86 CRAVEN Wes, Scream, Dimension Films, 1996
87 BOLTER Jay David et GROMALA Diane, Windows and Mirrors: Interaction Design, Digital Art, and the Myth of Transparency, MIT Press, 2003, p 27. Jay David
Bolter est un professeur en New Media à l’Université de Georgia Tech. Diane Gromala est la directrice de Canada Research à l’école de Interactive Arts and Technology à l’Université de Simon Fraser.
204
Thus, the computer screen can display graphical representations of what cannot be felt by the body. It interacts with the audience not only by allowing them to
choose what they want to see or hear, but also by offering the opportunity to create. The screen is now considered a window on the world, just like fantasy. Indeed,
most of video games take place in fantasy worlds, and
many of them have created a basic participatory fan
base. According Susca Vincenzo, who joins the thoughts
of Gilsdorf, participating through screens with others is
also “surrendering to something greater than oneself.88”
In addition to allowing the user to visualise things normally invisible or not felt, the digital display also allows
him to interact with others in a way that other mediums
do not allow. The History professor Theodore Roszak
gives us a picture of someone using a screen:
The vision is as follows: you are sitting in front of a bright
screen, caressing the keys, looking at remarkable things at
the speed of light. Words, pictures, images appear out of
nowhere. Like a child, you begin to believe in magic again.
And, because it does magic, a heady sense of power accompanies the action. You have the whole planet’s culture, there
at your fingertips! All databases, libraries, archives, films,
art museums, billboards, telephones and fax machines in
the world are in this one box.89
88 Place de la Toile, op. cit., 2013, translated from French by the author: « s’abandonner à quelque chose de plus grand que soi. »
89 ROSZAK Theodore, The Cult of Information: A Neo-Luddite Treatise on High
Tech, Artificial Intelligence, and the True Art of Thinking, University of California
Press, 1994, p. 186, translated from French by the author from: «La vision est la
suivante : on est assis devant un écran lumineux, caressant les touches, en regardant des choses remarquables sur l’écran à la vitesse de la lumière. Des mots, des
photos, des images apparaissent de nulle part. Comme un enfant, on commence
à croire à la magie une fois de plus. Et parce que l’on fait de la magie, un sens enivrant de pouvoir accompagne l’action. On a la culture de toute la planète, là, au
bout des doigts ! Toutes les banques de données, les bibliothèques, les archives,
les films, les musées d’art, les panneaux d’affichage, les téléphones et télécopieurs
dans le monde sont dans cette seule boîte.»
205
The digital display allows another form of sensorialism, an illusory experience of sharing. This device is
thus doubly magic. Not only it has a soul, but it also
allows multiple souls to communicate. Unlike the
phone that only works on the auditory senses, the
digital display also works on vision and touch.
An experience that some of us look for is the contact
with other minds and souls, for example those of
dead people. According to the British anthropologist
E.B. Tylor, religion was partly created to explain what
we happens to us after death:
From the observation of the primitive [he] reflects on
the experience of sleep, dreams and death, the origin
and the succession of humanity’s main religious beliefs:
the idea of the soul distinct from the body, worship of
the dead and ancestors, belief in spirits, and of higher
deities, finally in one unique god.90
We wonder about what happens to our souls after our
bodies die, and if other minds evolve around us. For
some, our souls exist, as described by Gilbert Ryle,
and with other types of spirits, they interact with the
objects we have created for this purpose, or through
objects we use every day. An object with a strong relationship to ghosts is the computer. For the mathematician and philosopher Kurt Gödel, this is proof
that our souls continue to exist even after our time
on earth.
90 « Animisme », CNRTL, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/lexicographie/animisme, (consulté le 10/01/2015), translated from French by the author: «À partir
de l’observation des primitifs, [il] explique par l’expérience du sommeil, du rêve et
de la mort, l’origine et la succession des principales croyances religieuses de l’humanité : idée de l’âme distincte du corps, culte des morts et des ancêtres, croyance
aux esprits, puis à des divinités supérieures, enfin à un Dieu unique.»
206
This early XXth century philosopher had a very singular imagination, which led him to become paranoid
to the point that he ate only what his wife prepared for
him, was a hypochondriac, and believed that ghosts
lived in the bushes of Princeton University where he
worked. He also proved through the use of Einstein’s
theory of relativity that time travel was possible.
However, Gödel was not a coot, his theorem has had
a great impact on scientific and philosophical thinking: the incompleteness theorem comparing computers to humans. On the one hand the computer is
regulated by its states, or axioms, that humans have
programmed, so it is unable to work or move without human intervention. On the other hand, humans
have an infinite number of states and can find axioms
accidentally, because they are unable to understand
themselves completely. We need others to unlock
what we probably already know, but do not necessarily conscious of. We are therefore never complete.
According to Gödel, there are conscious and logical
beings living indefinitely, allowing them to find all
the possible axioms to achieve completeness and
thus refute his theorem. Gödel also believes in life after death, where our souls forever live in a world of
mathematics in search of these axioms91. Thus, using
the examples Ryle’s “Ghost in the Machine” dogma
and Gödel’s incompleteness theorem, we can see that
technical objects attract spirits, it is not surprising
that we try to communicate through them.
91 CASSOU-NOGUES Pierre, « Gödel, Wiener, la cybernétique et les fantômes »,
Média Médium, Conférence à l’YGREC, Paris, 28 November 2014
207
Some objects have allowed us to see souls. A good
example is the camera, invented by Niépce in 1826
using tin plates92. The link between the soul and photography is very strong, as we can see through some
primitive and existing civilizations who believe that
to be photographed is to have their souls stolen and
trapped in the box. At the same time, photography
was quickly adopted by Niépce’s contemporaries, and
used by portrait photographers.
Technology invented to create a photo asked people
to remain motionless for several minutes. The picture
that emerged was never perfectly clear. By contrast,
a photograph of a person completely immobilized by
rigor mortis for example will not have that problem.
England’s Victorians knew this aspect of photography
and took the opportunity to take pictures of recently
deceased family members (fig. 24). On the other side
of exposure, a moving person left only a white fuzzy
trace on the first negatives (fig. 25), giving the effect
of a spectre. In both cases, photography and photos
confronted Europeans to their lives after death and
the possibility that people recently departed are still
present around them93.
As well as trying to see souls, we also wanted to
communicate with them. Yves Citton explains
a theory that Professor Eugene Thacker
has developed:
Eugene Thacker couples the supernatural horror stories with medieval or Kantian ontology. He draws a
92 GERNSHEIM H. and A., A Concise History of Photography, Thames and Hudson, 1971, p. 20
93 Ibid
208
theory of anti-mediation, which seeks to show how,
behind their functional unassuming communication,
devices put us in contact with another world, another
reality, where mediation always returns to what exceeds the haunting.94
This attempt to contact what some call “another
plane of existence” seems to be as old as humanity,
as can be seen with the existence of shamans since
prehistoric times, and still today. The reporter for
the BBC, and herself shaman (fig. 26), Corine Sombrun provides a definition of shamanism and its
usefulness: “What I know of shamans of the time, is
that it is a kind of link between the human and the
spirit world.95” During Prehistory, as well as those
who still exist today, shamans use objects made of
raw materials to connect and communicate with
the spirit world, as totems and amulets for example.
Today, we have created new objects to create such a
connection. An example is the ouija board used to
create haunted writing during seances, also known
as psychography or the art of writing unconsciously or under the direction of a spirit. Originally invented by the Chinese during the Ming Dynasty between xivth et xviith century, to replace sieve created
94 CITTON Yves, NEYRAT Frédéric, QUESSADA Dominique, « Envoûtements
médiatiques », Multitudes, n° 51, 2012/4, p. 61, translated from French by the author: «Eugene Thacker accouple les récits d’horreur surnaturelle avec l’ontologie
médiévale ou kantienne. Il en tire une théorie de l’antimédiation, qui cherche à
faire apparaître en quoi, derrière leur apparence banale en fonctionnelle, les appareils de communication nous mettent en contact avec un autre monde, une
autre réalité, où la médiation renvoie toujours à ce qui dépasse la hante.»
95 SOMBRUN Corine, « La transe chamanique, capacité du cerveau ? », TEDxParis, décembre 2012, [en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=Ym0kIECFi0U, translated from French by the author: «Ce que je sais du chaman à l’époque,
c’est qu’il est une sorte de lien entre le monde des humains et le monde des esprits.»
209
haunting writing, under known as fuji , a technique
that uses a board just as the ouija does today96.
This spirit communication device asks participants to
together touch a triangular shaped palette, which is
then passed over a card or paper inscribed with letters,
numbers, and two words, yes and no (hence the name
ouija, French oui, and the German ja) (fig. 27). Normally, a spirit guides the participants, forming a word or a
yes or no answer. If you believe in the esoteric, spirits
exist and can communicate through objects. It is possible that the participants subconsciously, or rather consciously, write the words by taking control of the pallet
without the others knowledge.
The spirits seem to be trying to communicate with
us through other objects, their primary function
changed, an action called electronic voice phenomena, or EVP. An example is the audio tape, in certain
circumstances, allows people to hear the voices of deceased people97. The untuned television also seems to
allow people to hear the souls through the white noise
created by the display. You can take the example of the
answering machine and its ability to allow us to hear
the voice of our correspondent knowing he was not
present at that time.
Davis asks several questions about the phone: “Does
it talk, do we talk through it, or are those vibrations
only the ghosts of ourselves?98” He goes on to describe
the sensation of hearing on his answering machine
the voice of someone who has just died. Even if the
96 MARTIN ELLIS Melissa, 101 Ways to Find a Ghost: Essential Tools, Tips, and
Techniques to Uncover Paranormal Activity, Adams Media, 2011, p. 88
97 Ibid.
98 DAVIS, op. cit., p. 67
210
user knows that the person is deceased, his or her
voice in the answering machine turns the object into
a container for the soul, which explains the user’s reluctance to clear the message.
211
Interview with Audrey Breuer, medium, therapist
J.L.: Could you explain your business first? How are
you psychic?
A.B.: Mediumship is, for me, as an increased sensitivity to which we all have access. We access a different
level of awareness about who we are and what surrounds us. In fact, it is to be “in tune” with the feelings
of the body and the heart. There are various types /
events of “mediumship” In my case, I am able to communicate with the dead, and have access to cellular
or generational memories of a person - his deep subconscious - to which I intentionally “connect” (with
agreement of course!). Then, I help free this memory
if it will help the person move forward in his or her
life. It is difficult to explain this in a few lines!
J.L.: You seem to have a special relationship to the
objects you touch. Would it be possible to explain
this relationship? How do you live it?
A.B.: If we assume that everything on our planet is information, then touching an object is also «touching»
the information it carries. Basically, a reaction/resonance happens between me and my energy/information, and the one that carries the object when I touch
it. My reaction indicates whether we are “compatible”
or not, basically if this object does me good, neutral
or bad for me. This can be food, cosmetics, old or new
objects. For example, it happens regularly but like a
“burning” sensation such as when I touch chemical
clothes or cosmetics with a chemical composition.
This also happens when I eat something “wrong”: the
212
other day, for example, I ate a cheesecake that I was
given. I felt in my hands the feeling that this cheesecake was not “compatible” with me, but as I did not
want to bother my guests, I ate it. The result was not
long in coming, and the first bite had barely reached
my stomach, I could feel that “something was wrong”,
a heavy feeling, tight solar plexus emotions, like sadness. I went to see the ingredients, and I discovered
that they contained gelatin (I’m a vegetarian).
It also happened when I bought bracelets made in Nepal by an association. Yet, from the moment I put them
on, I felt very heavy, and they “burned” me too. I felt
sad, my solar plexus reacted. Later, when I “connected”
to the information contained in this bracelet, I could
“see” something horrible had happened to the woman
who had made it during her childhood. The bracelet
was imbued with emotions she had never been able to
express. So I had to “liberate” the emotions from the
bracelet and then “format” it to be able to wear it.
To finally give an example of a modern object, I am
able to feel emissions from mobile phones. Last year,
changing smartphones, I was horrified by the intensity of its emissions. When a friend would go in the
next room, I could feel when he or she turned his or
her phone off or on. I felt emissions “up my arm”, and
such a great feeling of heaviness and choking at the solar plexus. Checking on the Internet, I noticed of all the
phones available on the market at the time, this phone
had the highest emissions. I remedied the problem by
putting a sticker on my phone which changes its information (some stones have similar properties but this
sticker sold by a friend worked better and has the particular advantage of being more discreet).
213
J.L.: Can you control this relationship?
A.B.: I can try to ignore it but usually I regret it afterwards. It’s a bit like asking me if I could not feel: yes I can
hold my nose, but is it really good for me to ignore what
I hear from my heart and my body, especially when it is
about my well-being?
J.L.: Are their types of objects to which you have a
stronger relationship (positive or negative)?
A.B.: Crystals and stones, when they are of very good
quality. Otherwise I never liked antiques. In general,
strong reactions are primarily with objects (whatever
they are) that resonate strongly with me, positively or
negatively. This can be any object.
J.L.: My analysis is concentrating on connected digital
objects. Have you ever had a reaction to this type of
object?
A.B.: Yes, my phone, as explained above. Sometimes
some paranormal phenomena may interact with the Internet connection to get my attention, and I have some
friends whose mere presence can disrupt the connection. I feel most smartphones negatively.
JL: How do you think this relationship is established?
A. B.: It’s all about intent. A similar dish prepared by two
people or in two different states of mind (happiness/anger) will not taste exactly the same, because everything
is in the information. It is the same for books, which
are nothing other than information that we «ingest» by
reading. There are books that resonate strongly in us, we
love hate them! This is the principle of resonance.
214
The importance of fundamental forces creating the
world
W
hether to communicate with other spirits,
or to obtain its own soul, the digital object
needs to have access to one or more fundamental forces. These are powerful energies, most
of the time artificial, which are only partially understood and controlled by the user, and sometimes even
by its own creators. We can count many of these forces, most of them have been discovered or invented
during the past hundred years. For this analysis, we
will focus on the forces that have a strong impact on
our daily digital life. We will look in particular at electricity and Wifi, including other connective forces.
Electricity, from its research in the xviith century by
William Gilbert99, was a fascination and a mystery
to most people. McLuhan defines this powerful and
magical power as a myth:
For myth is the instant vision of a complex process that
ordinarily extends over a long period. Myth is contraction or implosion of any process, and the instant speed
of electricity confers the mythic dimension on ordinary
industrial and social action today.100
99 HEILBRON J. L., Electricity in the 17th and 18th Centuries: A Study of Early
Modern Physics, University of California Press, 1979, p. 169
100 MCLUHAN Marshall, Understanding Media: The extensions of man, The MIT
Press, 1994, p.25
215
As most of our usual objects require electricity in one
form or another, battery or an external power source,
we can say that we live in a world of myths. Indeed,
when it was discovered, electricity was described as
“the electric fairy” (fig. 28). A fairy is a creature from
folklore that helped humans in their tasks in exchange
for food or gifts. According to superstition, you can
leave milk and bread by the door in the evening for the
fairies and elves in the hopes that they will perform
during the night a task that is arduous for us. This belief has been transcribed into a fairy tale by the Grimm
Brothers called The Elves and the Shoemaker. These
magical beings came out at night in order to achieve
for the cobbler the best shoes that the city had known.
In exchange for their help, the shoemaker and his wife
left them clothes, which the elves appreciated.
The good couple saw them no more; but everything
went well with them from that time forward, as long as
they lived.101
Electricity behaves in the same way. Indeed, electricity has become an indispensable force in our lives, we
cannot conceive more than a day without let alone one
night. Despite Renaissance Humanism which aimed to
withdraw from enslavement to God, and the hyper-rationality discovered during the Enlightenment Age, we
have still found ourselves under a form of addiction.
During the Renaissance, we tried to become masters of
our destiny. Today, our dependency has changed. Most
people living in developed countries can no longer live
without electricity or even digital objects.102
101 GRIMM Frères, The Fairy Tales of the Brothers Grimm, Andrews UK Limited,
2011
102 Place de la Toile, op. cit., 2013
216
Thus, despite our Humanism and Rationalism, we
still have a tendency to depend on forces outside of
our total control, as we did with religion and the environment. According to our findings in the first chapter of our analysis, belief in magic still existed during
periods of strong rationalism. In fact, humans cannot
live without depending on a mystical force, or without
a magical beliefs, even if they only control it partially.
According to McLuhan, this is especially true for digital objects:
Many people return to the occult, to extrasensory perception and any form of mysterious knowledge, to meet
this new encircling electronic computing.103
Electricity has led to a new relationship with our items
or renewed a pre-existing relationship if we compare
digital technology to totems and primitive animistic
objects. They are no longer only utilitarian, objects
can now change function according to our environment, ourselves and our senses.
Take a smartphone with its multiple applications that
are used to “help” the user’s life. They change and
mutate through design developments, but can also
be removed when they become no longer desired
by the user. Throughout these changes, the smartphone stays a smartphone but still ends up with different functions. Without electricity running through
its circuits, the digital object is inanimate, dare I say,
103 CRISTANTE Stefano, « Le mystique du réseau », Les cahiers européens de
l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 111, translated from french
by the author: «Beaucoup de gens reviennent à l’occulte, à la perception extrasensorielle et à toute forme de savoir mystérieux, pour répondre à ce nouvel encerclement de l’informatique électronique.»
217
lifeless, without a box function that can be changed
according to the user only through decoration or
damage but will do nothing more.
Not only electricity creates animism, it has also allowed our imagination to invent connections between us and the spirits and even objects. According
to Davis:
Vibrating in the gap between life and physics, between
matter and the unseen ether, electricity inhabits a liminal zone that calls down spirits and sublimities out of
thin air.104
Electricity is a natural phenomenon that seems to
come out of the sky. Take for example the lightning
that seems to materialise in the clouds and then sent
on earth. It is not surprising that we have taken them
for divine wrath such as from Thor of the Norse myths
or the Christian god. When electricity was discovered
and attempted to be controlled, it was not a stable
power source105. For example, the bulbs tended to
flicker like candles did with a gust of wind or a passing
spirit. It is not surprising that electricity was widely
used in Victorian seances. This is confirmed by Davis:
Since the seventeenth century, the electromagnetic imaginary has seeped into religion, medicine, and technology, and over that time has probably led to more
metaphysical speculations, heretical claims, and wacky
gizmos than any other natural force.106
104 DAVIS, op. cit., p. 40
105 « Incandescent light bulb », Wikipedia, [en ligne], http://en.wikipedia.org/
wiki/Incandescent_light_bulb
106 DAVIS, op. cit., p. 41
218
Indeed, electricity allowing animistic thoughts, as well
as non-mechanical and/or autonomous movements,
many magical objects have become real, meaningful
and have appeared in our lives rather than in stories.
The philosopher Edgar Morin adds to Clarke’s third law
on technology, declaring: “Technology makes possible
today what was yesterday magical.107” A major discovery, allowing for such magical inventions, is electricity, which, as we have just seen, is considered as being
magic. One could conclude that designers invent even
today magical items. Another philosopher, Ellul, describes the process that these designers use to think up
new objects:
It is as if in a dream world, the great wizard discovers
a magical technique, applies it to reality, and suddenly
everything is transformed.108
These wizards of our world are thus scientists and
designers. The first discover the techniques or forces
while the latter finds ways to apply them to our objects
and thus our daily lives. Accompanying such masters
of sorcery are magicians, specialists who know how to
use a power, but do not know how to invent or discover. Before, it was the shamans who could communicate with spirits, or medicine men who knew the herbs
and nature. According Susca, it is now the nerds and
geeks109. We call them when we do not understand why
a digital object is not working properly. Sometimes,
107 D’après Susca dans Place de la Toile, op. cit., 2013, translated from French by
the author: «La technologie rend possible aujourd’hui ce qui était magique hier.»
108 BOHRER, op. cit., p. 117, translated from French by the author: «Tout se
passe comme si dans un monde de rêves, le grand sorcier découvre une nouvelle
technique magique, applique celle-ci à la réalité, et tout à coup, tout est transformé.»
109 LE QUÉAU Pierre, « La mémoire des pierres », Les cahiers européens de l’imaginaire, n° 3, Technomagie [2011], CNRS, 2013, p. 44
219
especially with electricity, strange devices are created.
One of them is communication between the human
and the object through invisible and intangible electric fields.
This feeling seems to be only felt by those who have
particular ability. Thus, the medium Audrey Breuer
explains that she detects the good and evil forces of
the world thanks to electromagnetic fields emanating
from an object she touches, a person close to her and
she sees through a screen.
We seem to live in a world of magical communication.
Today, people can instantly chat all over the world.
The technology creating communication networks,
GSM, has enabled the development of hundreds of
mobile network providers, most of which also include
Internet connections in their packages110. We can now
be connected to the world by immaterial forces.
The author and psychic, David Porush, offers an interesting theory:
Every time culture succeeds in revolutionizing its cybernetic technologies, in massively widening the bandwidth
of it’s thought-tech, it invites the creation of new gods.111
Monotheistic religions could not have existed without the invention of writing, which helped to universalise their dogmas to ensure homogenisation
of belief. When Internet was invented and deployed
around the world, we can say that an ancient god
110 GSMA, 2015, [en ligne], http://www.gsma.com/aboutus/gsm-technology
111 PORUSH David, « Hacking the Brainstem: Postmodern Metaphysics and
Stephenson’s Snow Crash », Configurations 2, n° 3, 1994, p. 537
220
was resurrected: the winged shod Hermes, son of
Zeus and the Pleiad Maia, messenger for his brothers. He was also said to be “fleet as thought112” as are
our emails when our Internet connection is working
properly. Davis says:
Hermes rules the trans-temporal world of information
exchange that you and I are participating in right now,
myself as I tap out there pixelated fonts and you as you
absorb their printed twins through your eyeballs into
your brain.113
He seems to personify rapid information distribution. As Hermes (fig. 30) is a god and thus created by
the magic of imagination, Wifi and other communication forces are entities that could also be classified
as «magical». Like electricity, they are intangible and
often misunderstood.
I saw my teacher marvel at the execution of the procedure, looking for the connective cables between my
laptop and the network printer and, finding none, finally not understanding anything at all. For him, who was
unable to find a logical explanation for the situation, felt
just like witchcraft.114
Just as humans use digital technology to communicate, digital objects use the Wifi and other connective
forces such as Bluetooth or infrared. Not only can this
112 DAVIS, op. cit., p. 14
113 Ibid
114 BOHRER, op. cit., p. 113, translated from French by the author: «J’ai vu mon
professeur s’extasier devant l’exécution de la procédure, cherchant des yeux le raccordement de câbles entre mon ordinateur portable et l’imprimante de réseau et,
n’en trouvant pas, il finit par n’y rien comprendre du tout. Pour lui, qui ne réussissait pas à trouver une explication logique à la situation, cela relevait tout simplement de la sorcellerie.»
221
be described as a form of animism, even consciousness, it also occurs without our full understanding,
and even independently. Many of us have tried to establish a wireless connection between a computer and
a printer only to get error messages. I would tend to
agree with British comedian Hugh Dennis who says:
“My computer for, example, frequently tells me that
he’s unable to connect with my printer. Clearly there’s
some emotional turmoil going on.115” Which is, again,
an animist statement.
Today designers and researchers create more and
more connected digital objects. These systems take
their information from different sources, which are
then sent to a “command central”. An example is the
connected watch that gives you not only the time but
also communicates with the user’s smartphone to
get mail notifications, and weather forecasts. These
physically separated objects are connected and communicate via a force, Wifi or another, automatically.
So we can see three magical aspects to these systems:
electricity to run them, the Wifi or 3G to enable them
to accumulate information and automation so they
can offer such information without request the user.
The designer Dan Hill added a fourth level of magic to
these digital objects: our body.
Our very bodies are shaping our digital interactions. We
are part of The Network, and not just intellectually, in
terms of our projected persona and identity, but physically. The body is making The Network visible, legible. [...]
We have a long understanding of how the body creatively
interacts with invisible forces. If you watch footage of Jimi
115 DENNIS Hugh et PUNT Steve, The Now Show, BBC Radio 4, 9 Mai 2014
222
Hendrix, you can see how he used his body to shape his
guitar’s feedback; the sound is produced by the interplay
of his guitar, its pickup, the speakers, the room, and his
body within an electric field, in space, over time. In similar fashion, sensors and actuators are also at play within
invisible fields, equally shaped by the body, as well as objects and spaces.116
While electricity could be classified as a utilitarian
force, Wifi, 3G and other connection networks have
become immersive powers. We, the daily users of
connected digital objects, have found our bodies absorbed by what Hill calls the Network. Not only do we
use it, build it, and participate within it, the network
also feeds off us. Most users of Google and Facebook
are already aware of the fact that the information we
provide is collected, analysed and then sold to other
companies. They might not be aware that this information may also come from objects that “interact”
with their bodies. Through connected digital objects,
we are being watched and probably manipulated by
the information that is made available to us.
Indeed, via Wifi, 3G and other networks connected to
the Internet, we can amass a large amount of information that we must then sorted through to extract
the parts that interest us. Citton uses magical imagery
to explain this.
If media “informs” us it is rather the extent that they
give form to a more spiritual communication which resembles bewitchment rather than knowledge. [...] The
fragments of words, sounds, images that reach us from
116 HILL Dan, « 21st Century Gestures Clip’art Collection » In NOVA Nicholas,
op. cit., p. 35
223
the “real” world look more like sorcerers’ vaults (locks
of hair, nails, or relics through which they hope to affect
the lives of distant people ) - than “facts” (“objective”) by
the accumulation of which we can better “understand”
our world.117
By creating the Internet and networks, we have
opened a magic book we want to use without really
understanding how the spells work. To address this
lack, we have created objects, or amulets that help
control these spells without the proper necessary
knowledge. This lack of understanding is such that
many rituals without effects, at least proven, were
created around these connections. I do not think I am
the only one who has walked around with my phone,
my arm outstretched like a wizard’s wand, trying to
catch some ribbons of network to make a call. As for
laptops, users have been known to try different corners of a room to get a better Wifi connection.
While electricity was used to try to treat certain diseases, such as those affecting the muscles118, connected networks have seen an opposite trend. Some
people say they have an intolerance to Wifi networks.
They suffer from Wifi disease causing headaches,
palpitations and even dizziness, and would find
117 CITTON, op. cit., p. 59, translated from French by the author from: Si les
médias nous “informent”, c’est bien plutôt dans la mesure où ils donnent forme
à une communication spirituelle relevant davantage de l’envoûtement que du savoir. [...] Les bribes de paroles, de sons, d’images qui nous parviennent du monde
“réel” ressemblent aux voults des sorciers (ces mèches de cheveux, ongles, ou reliques à travers lesquelles ils espèrent affecter la vie de personnes distantes) – bien
davantage qu’a des “faits” (“objectifs”) par l’accumulation desquels nous pourrions mieux “comprendre” notre monde.
118 DE CAZELES Marsans, Second mémoire sur l’électricité médicale, et histoire
du traitement de quarante-deux malades entierement guéris, ou notablement foulagés par ce remede, Mequignon l’aîné, 1782
224
themselves forced to live away from cities to escape
radiation119. A few experiments have been implemented in order to prove the legitimacy of this disease, which at present have proven nothing120. This
illness being psychosomatic or not, Wifi raises many
questions facing the misunderstanding surrounding
its functions and its side effects on the human body.
It may be that, like many substances and ancient
discoveries, these questions are answered, would
mean the loss of these networks’ magical aspects.
119 MORFORD MARK, « Is Wifi making you sick? », Huff Post Tech, 28 juillet 2013,
[en ligne], http://www.huffingtonpost.com/mark-morford/is-your-wifi-makingyou-s_b_3315685.html
120 PRESTON Elizabeth, « How to Convince People WiFi Is Making Them Sick »,
Inkfish, 13 mai 2013, [en ligne], http://inkfish.fieldofscience.com/2013/05/howto-convince-people-wifi-is-making.html
225
226
3
Creating magical objects
In addition to a historical affinity for magical thinking including animism and rituals, we also tend to not
only create objects with an esoteric purpose, but also
to manipulate the forces that we can consider as being mystical.
Taking into account human desires for wonder, we
will study objects that are still part of our imagination,
having never been created, but have a cultural importance. Then we will undergo a semiotic analysis of existing objects.
227
A quick intermission on semiotic studies.
The study of signs began in 1690 with the philosophical works of John Locke, such as an Essay
Concerning Human Understanding. They were continued by the American Charles Sanders Peirce and
the Swiss Ferdinand de Saussure in the late nineteenth century, the period when American semiotics and Swiss semiology were developed.121
For Saussure, we believe in a language of signs and
meanings. The first is the form in which takes the word,
while the second is the concept that it represents. A
furry four-legged pet, with whiskers and a long tail, the
signified, is called cat, chat or gato, depending on the
known language of the person who is stroking it (fig.
33). Language, as well as education and culture, is very
important to Saussure as it will dictate the human’s
response when looking at the signified. The Scandinavian Saami ethnic group have 180 versions of the
word snow, and even more for the word reindeer122.
This population will have a much more nuanced understanding in front of a reindeer in the snow than a
Southern European before the same picture.
According to Peirce, «we think only in signs.123» For the
American, there are three levels of recognition of our
world. We first look at the Representamen or the form
which the sign or word takes, and then the Interpretant or the meaning of that word. The third level is
the Object, which is represented by the sign124. For
121 CHANDLER Daniel, Semiotics: The Basics [2002], Routledge, 2007, p. 2
122 MAGGA Ole Henrik, « Diversity in Saami terminology for reindeer, snow, and
ice », International Social Science Journal, Volume 58, n° 187, Mars 2006, p. 25–34.
123 CHANDLER, op. cit., p. 13
124 Ibid, p. 29
228
Saussure and Peirce, the relationship between the
sign and the subject is very important. The American
found three that are:
•
•
•
Iconic, sign resembles the signified but uses a
different form of expression as a description, a
drawing or even music. It describes what one can
see of the object.
Symbolic, an arbitrary mode based on the culture
of the viewer, such as language and education. It
represents what we must learn to have some understanding.
Indexical, the sign is directly related to the signified in ways that touch our senses. Thus, we are all,
more or less, able to understand the relationship.125
We will use these three relationships for our object
semiotic study.
125 Ibid, p. 36-37
229
Fictional objects and a magical future
I
t is possible that, when we create an object, we
add an element of wonder for the user. In any
case, we seem to use a magical language code in
our designs. David Rose, designer at MIT, describes
six forms of magic that we would look for in our items.
•
•
•
•
•
•
Omniscience. This is the desire to have great knowledge. We have a voracious appetite to know as much
as possible and to know about things that go beyond
facts and information. We would love to be able to
predict what will happen in the future.
Telepathy. We have a powerful desire to connect to
the thoughts and feelings of others, and to be able
to communicate with ease, richness, and transparency. We want to know others and to feel known
by them.
Safekeeping. We fervently wish to be protected from
harm. To feel comfortable, safe, and at ease.
Immortality. We want to be healthy, strong, fully
capable. We dream of living long lives, vital to the
last moment.
Teleportation. We crave movement, to be transported easily and swiftly and joyfully from one place to
another, and to live unconstrained by physical limits or boundaries.
Expression. We all wish to be generative, to fully express ourselves in many forms and media—acting,
music making, art, writing, cooking, dancing, documenting our lives.126
126 ROSE David, Enchanted Objects: Design, human desire, and the Internet of
things, Scribner, 2014
230
Today’s designers are in constant search for technical
objects that would help their users, while ensuring the
inventor a substantial income. They tend to use one of
these six magical desires, and probably others not quoted by Rose. Before the discovery of electricity, the power that animated objects without the need for human
effort or animal, inventors imagined forces that could
create the same effect. Thanks to magical thinking, we
can find throughout History examples of inventors who
have influenced today’s designers.
One of the first inventors who have had a great influence
on our technology today is the Ancient Greek engineer
Heron of Alexandria (fig. 33). This mathematician and
engineer created many animated objects requiring minimal human force to man, all the ancestors of objects
that we know today. We can use as an example the vending machines or even fire pumps127. While most of these
inventions had a primary use for the Ancient Greek:
Most of [Heron’s] gadgets were wondrous rather than useful – magical machines that paradoxically eroded the cultural authority of the very rational know-how that stimulated their design in the first place.128
Heron especially created automatons for temples and
religious places, first to simplify the lives of priests, but
also to add to the architecture an added sense of spirituality to the lives of people living there. We can find
inventions such as automatic sacrificial water dispensers129 or even a trumpet that is automatically blown at
127 WOODCROFT Bennet, The Pneumatics of Hero of Alexandria, Taylor Walton
and Maberly, 1851, p. 23
128 DAVIS, op. cit., p. 19
129 WOODCROFT, op. cit., p. 51
231
the opening of the temple doors130 (fig. 34). Heron is also
the source of many theatre mechanisms and automata
such as statues in motion or even sound effects131. In all
cases, these automata gave the impression to Heron’s
contemporaries of seeing their gods animate their objects, giving another meaning to the theatrical expression Deus Ex Machina, or the god in the machine. Heron
tried to bring wonder to the Greek culture, a mechanism
that is rich today in films and even some plays.
Myths were also the basis of Greek inventions.
The ancient bards who collectively composed the Homeric epics even went so far as to imagine man-made objects
that could reproduce the demiurgic spellcraft of their own
chants.132
In the Iliad, druids imagined a shield on which are
carved scenes of battles, agriculture and celebrations
that come to life like a cartoon (fig. 35). You can see the
beginnings of television.
If we talk about the great inventors of our history, we
cannot fail to mention the imagination of Leonardo da
Vinci. Unlike Heron, da Vinci was particularly focused
on improving the lives of his contemporaries, and had
no desire to create wonder. This may explain why most
of his inventions are now recognised as improvements
to existing items133, wonder having been added by the
original inventors.
130 Ibid., p. 37
131 McDONALD Marianne et WALTON Michael, The Cambridge Companion to
Greek and Roman Theatre, Cambridge University Press, May 31, 2007, p. 154
132 DAVIS, op. cit., p. 13
133 GIBBS-SMITH Charles, The Inventions of Leonard da Vinci, Charles Scribner’s Sons, 1978, p. ix
232
The Industrial Revolution is synonymous to a time
of many discoveries and a significant technological
advances. Many concepts have emerged during this
century but also many attempts from inventors to imagine the world in 2000. These failed inventions are
the focus of a new line of research named media-archeology. These researchers have unearthed, for example, a description of an island containing futuristic
objects to its author, Charles Tiphaigne of Roche. He
predicted the video-phone as a mirror that allows the
user to see people far and near, as well as photography through a coated canvas134. A lot of research have
developed new concepts that could not be created.
The Industrial Revolution was, among other things,
a period of fascination for the afterlife. According to
Yves Citton, the eighteenth century contemporaries
invented many objects as mediators between the living and the dead.
There are imaginary media for communicating with the
divine, with the spirit world, with different forms of ‘Others’; others aim to transcend space and absence using
telecommunication devices or to transcend time by allowing to talk to the dead or to see vanished cities; some
participate in dreams of abundance, other dreams of
freedom or political emancipation.135
134 TIPHAIGNE DE LA ROCHE Charles, Giphantie, A. Babylone, 1760, p. 132-133
135 CITTON Yves, « Les Lumières de l’archéologie des média », Dix-huitième
Siècle, n° 44, 2014, p.3, translated from French by the author: «Il y a ainsi des média imaginaires destinés à communiquer avec le divin, avec le monde des esprits,
avec différentes formes d’‘Autres’ ; d’autres qui visent à transcender l’espace et
l’absence par des dispositifs de télécommunication ou à transcender le temps en
permettant de parler avec des morts ou de voir des villes disparues ; certains participent de rêves d’abondance, d’autres de rêves de délivrance ou d’émancipation
politique.»
233
These objects have remained fiction, but keep the
spirit of wonder described by Rose. The areas of learning, reading and printing also had the right to their
wacky inventions. In 1894, Octave Uzanne, author
and bibliophile, imagined a world where sound advocated over the other senses (fig. 36).
Uzanne wrote of a future world of publishing which
would no longer rely on the ‘static’ printed page, delivering instead all content through voice (both live and recorded) using a platform which nowadays would best be
described as “on demand”.136
He could not know that we have passed through,
thanks to electricity amongst other forces, a visual
world to into a world of information. This animistic
mystical force has changed the way the inventors
thought of their future, and thus their technical objects. Many of them found the inspiration for their
devices in fantasy and science fiction. Indeed, the
artifact has an importance in these genres, more
so than in any other. They are an important part of
the narration.
The objects in fantasy are mostly based on existing
and improved items. We can take the example of
Tolkien’s iconic sword, taken from The Hobbit and
The Lord of the Rings. Belonging to the main characters Bilbo and Frodo, Sting is not only a weapon,
it is also an orcs and goblin detector (fig. 37). As the
trilogy was written during the Second World War, it
is possible that Tolkien was inspired by a new technology of the time: the radar. It was much used on
136 LUDOVICO Allesandro, Post-Digital Print: The mutation of Publishing since
1894, Ram Publications, 2013, p. 16-17
234
Allied war ships to locate German UBoats, as did his
fictional characters. Unlike radar which only detect,
Sting is a weapon, and thus has a dual function. It is
also possible to find on the market a plastic sword in
the form of Sting that allows the user to detect unsecured Wifi networks137.
Some fantasy writers were inspired by new technology which they then changed to enhance their animistic component and add more features that might
become real. A good example is Sir Terry Pratchett
with his series The Discworld. He describes one of
his inventions:
Finally it has to be said that on the Disc there are certain
low-grade demons who stay permanently in the human
world, working inside pocket watches, picture-making
devices, personal disorganizers, and similar contraptions. Some are eager to please, others distinctly surly.
The lords of Hell never, ever, mention this.138
We can recognize here the digital watches with
alarms, Polaroid cameras, and personal agendas,
which are more fully described in his books and become more similar to smartphones. For Pratchett,
objects which are for us digital gain a true soul. As
described in the book Thud! of the series, they can
also learn without human intervention.139
Science-fiction, fantasy’s cousin, is also a source of
inspiration for today’s designers. One of the biggest
source is the TV series Star Trek. Created in 1966 by
137 ROBERTSON Adi, « Bilbo’s sword Sting can detect unsecured Wi-Fi, not just
orcs », The Verge, 31 décembre 2014,[en ligne], http://goo.gl/p8rlZx
138 PRATCHETT and SIMPSON, op. cit., p. 54
139 PRATCHETT Terry, Thud!, Doubleday, 2005
235
Gene Roddenberry, Star Trek imagines a universe
filled with technologies that are as of yet undiscovered, but also a few that we use today. One of them
is the mobile phone. The designer of the very first, Dr
Martin Cooper of Motorola, clearly states that he was
heavily inspired by the Communicators used by Captain Kirk and his crew to talk to each other remotely (fig. 38).140
According Nova in Futurs ? La panne des imaginaires
technologiques, science-fiction can be used to predict the future of our technology and the direction in
which our cultures are going. “There is obviously parallel to a magnificent and opulent future visions with
apocalyptic futures, as science-fiction is often used as
a whistle-blower.141” To know what we should avoid,
we should draw our inspiration from films such as
The Terminator. Let us use Edgar Morin’s remark:
“Technology makes possible today what was magic
yesterday.142” Today, it would be natural that all our
magical thinking is replaced by our technological advances, we are apparently no longer amazed.
However, according to Susca there is a “shift in thinking and designing from the one who created a technique and those who live it.143” Indeed, due to the
140 LAYTNER Lance, « Did Steve Jobs Study Star Trek? », Edit International, 2011,
[en ligne], http://www.editinternational.com/read.php?id=4810edf3a83f8
141 NOVA Nicholas, Futurs ? La panne des imaginaires technologiques, Les Moutons électriques, 2014, p. 50, translated from French by the author: « Il y a évidemment, en parallèle à un futur magnifique et opulent, des visions de futurs apocalyptiques, puisque la science-fiction sert souvent de lanceur d’alerte. »
142 D’après Susca in « Technologie et magie », Place de la Toile, 2013, translated
from French by the author: « La technologie rend possible aujourd’hui ce qui était
magique hier. »
143 Ibid., translated from French by the author: « glissement de la pensée et la
conception de celui qui a créé une technique et la manière dont elle est vécue. »
236
functioning complexity, the user understands only
the use of the object, and sometimes finds it new applications. An example is the appearance of cameras
on mobile phones. First created to allow us to take pictures of everything around us, this function has been
hijacked by teenagers to take pictures of themselves
and then post them on social networks. The selfie was
invented while the mobile phone retains animists
aspects for its users. We are therefore not completely
demystified from our technological objects.
In order to illustrate this wonder in the digital objects we use today, let us look at some examples. For
that, and also to organise our thinking, we will analyse these objects in three ontological levels. We will
classify into what Wittgenstein calls simple families
of objects144. The first involves technological objects
useful to one person at a time, who becomes the
system’s only subject. We will call them the objects
for the “self ”. The second has several subjects, and
is generally intended to be used for communication
purposes. We will call this family of objects communicating with the “other”. In the third, we will move
away from systems intervening only with humans,
to look at devices that examine the environment
around them. This family will be named objects analysing the environment.
144 GLOCK Hans-Johann, A Wittgenstein Dictionary, Wiley-Blackwell, 1996,
p.120
237
Objects for the «self»
F
irst of all, let us take a look at a new writing technology, the Wacom digital pen, Inkling145 (fig. 40).
Let us remember the quote from Porush explaining
the importance of new inventions for further communication, creating new gods. Writing is paramount
invention. The pen, and its ancestors, could be called
a divine creator. In fact, according to Walter J. Ong, a
professor of English literature, “more than any other single invention, writing has transformed human
consciousness.146” With it, history can begin, the
facts are recorded on paper, and communication enhanced. To write, you need a very specific tool. Originally a reed pipe, the pen became a bird feather and
then metal, only to return to its tubular shape as a pen
at the end of the nineteenth century. The ballpoint
pen, invented in 1938, will be massively popular during the 50s years147. Today, almost all of us have a pen
in case of necessity.
From a descriptive point of view, we can first note
that Inkling is tubular with a point and buttons, along
with a box forming a clip also featuring buttons. You
must use the object to understand its iconic level. By
sliding the tip of the tube on a flat, hard and slightly absorbent surface, such as paper, we can note that
the point traces a fine line of ink. With our Western
145 « Inkling », Wacom, [en ligne], http://inkling.wacom.eu/
146 ONG, op. cit., p. 77
147 « Stylo », Wikipédia, [en ligne], http://fr.wikipedia.org/wiki/Stylo
238
education, we can recognise in this object a pen. The
clip, however, requires an additional step to recognise
its use. After drawing shapes, letters or other, you will
need to connect the clip to an external device with a
screen in order to view the scanned drawing (fig. 41).
Connecting the cable that links the clip to the device symbolically represents Peirce’s second level.
The transfer of a tangible drawing composed of paper and ink to a digital medium gives another definition in Inkling. The drawing is vectorized (fig. 40)
by the application, which calculates the curves to
recreate the forms. There are therefore mathematical equations being calculated, part of the symbolic
level. However, to understand how the Inkling pen
works, one must read the leaflet that explains only
a small part of the system, which allows the use but
not the function. The Inkling pen’s description does
not allow the user to understand everything about
the object. We can see if the magical language brings
different solutions.
However, in terms of “magical thinking”, we can
distinguish new analogies which explains the last
level of Peirce: indexical. Sliding the tube’s point to
create signs may suggest a wand creating hex signs
around the sorcerer. The pen with multiple functions is similar to magic feathers that appear in J.K.
Rowling’s Harry Potter. It contains anti-cheating
feathers, which automatically answer the question,
others that engrave the text written in the user’s
skin, or those that transcribe spoken words directly
to paper148. Inkling, thanks to its clip, has an additional function to a non “magica” pen. According
148 ROWLING Joanne K., Harry Potter, Bloomsbury, 2000
239
to Davis, writing, and the tool that is used, can be
considered as a magical act:
Though writing has become the most commonplace
of information technologies, it remains in many ways
the most magical. […] In fact, it is very difficult to gaze
intentionally upon a page of script written in a known
language and not automatically begin reading it.149
This reinforces Porush’s concept, making writing
and its tool mystical. The digital pen is doubly magic in the act that it allows as well as its new features
that give it an animistic component.
Indeed, we will need to use this concept to explain the
Inkling system’s capabilities, rather than trying to find
answers in the manual. We may think that the ink has
magical qualities that allows the clip to scan the page
and then transfer the traces of ink to the computer.
However, a simpler solution can be found. Through
the cable, the pen and the clip communicate. As it is
impossible to join the dialogue, an intimate bond is
created between the pen and the device. The computer interprets what is sent to create an immaterial
version of the piece of paper. Our designs provoke a
reaction out of the medium from which they come.
This possibility was conceived long before the release
of the Wacom Inkling, among others in the manga
series by Tsugumi Ohba and Takeshi Obata in 2003:
Death Note (fig. 42). The main character, Light Yagami,
finds a notebook with magical qualities. This allows
149 DAVIS, op. cit., p. 23
240
him to write the names of people he wishes to see die,
adding a date, time and method. Death Note enhances the term “the pen is mightier than the sword” Light
writes several hundred names in this book without
ever having to touch the people he wants to kill150.
Rose gives an explanation of our wonder of this type
of object:
The [digital] pen achieves a nice fusion between analogue and digital while preserving all the familiar characteristics that make a pen such a pleasing tool. It looks
like a pen, works like a pen, but is much more than just
a pen. Although you love it for its extra capabilities, its
essential “pen-ness” isn’t compromised.151
Inkling allows for one of Rose’s desires to be fulfilled:
the opportunity to fully express themselves in different forms. The pen takes a second feature, like many
of our technological objects.
Another type of digital object useful to the individual
can be found in the medical field. Also according to
Rose, we are constantly in search of eternal life. Apparently, according to the Time Magazine, children
born today have a life expectancy of 142 years152 (fig.
43). To enable this, multiple devices are emerging to
help us maintain a lifestyle conducive to longevity.
One of them is the Cue, developed by the eponymous
American company153.
150 OBATA Takeshi et OHBA Tsugumi, Death Note [2003], Shonen Jump Advanced, 2007
151 ROSE, op. cit., p. 102
152 CARSTENSEN Laura, « This baby could live to be 142 years old », Time Magazine, février/mars, 2015, en couverture.
153 Cue, [en ligne], https://cue.me/#inflammation
241
Cue (fig. 44) is a system composed of a small coloured box in which you slip a stick containing a sample
of our body and which is then inserted into a larger
white box. From a Cartesian point of view as well as
symbolic, we can understand that each colour corresponds to a different analysis and each gives a specific
code to the central white box to indicate the exam to
practice. The user will be able to perform his or her
own analysis and send the results to a site that will
sort out the information graphically, rendering them
understandable to the non-doctor user.
Cue contains various symbolic elements, such as
different box colours. Associating a colour to a pathology gives an association propensity of that colour to a molecule in our body. The vitamin D deficiency test is done using the yellow box, the colour
of the sun whose rays facilitates the natural production of this vitamin.
A second level of reading brings additional elements.
With these colours as well as data-vision created by
the website receiving the information, we seem to
be able to see organic substances and there quantitative variations. We no longer need the laboratory,
the microscope and the medical knowledge normally
required to understand the figures obtained by the
analyses. It is assumed that the white box contains
the necessary substances to reveal molecules in the
sample and includes algorithms for the analysis. As
the digital pen and its case, a connection is made between Cue and an external device.
242
According to Whitney Erin Bosel, Cyborgology author:
Biomedicalization has not fully replaced medicalization. Though his doctor may be the ‘expert’ on matters
of medicine-most-generally, through technology-enabled observation and detailed, quantified records, the
self-tracker is certain of being the expert on himself.154
Through this system, the user becomes his or her own
doctor and lab technician, for some particular situations. The user can make the decision to improve
their quality of life. In the amount of information provided and the ease to get them, the user will have the
option of following or not some or all of the recommendations offered by the application.
A third level of reading allows us to discover the magical aspects to the Cue. To understand how it works,
we must, like the digital pen, make assumptions. It is
first of all certain that there is something in the white
box that acts on the samples of blood, buccal or nasal mucous, separating the molecules for analysis to
keep only those of interest. This molecular separation
is now generally done in laboratories by chemical,
mechanical or electrical processes, the alchemy of
modern times.
Indeed, not only does this box performs chemical
interactions resembling alchemy, its purpose is to
extend the life of the user, which is akin to the search
for the Philosopher’s Stone. It may be that the creators of the Cue have succeeded in creating a box of
elves in a miniaturized laboratory performing the
154 BOSEL Whitney Erin, « Empowerment Through Numbers? Biomedicalization 2.0 and the Quantified Self », Cyborgology, [en ligne], http://goo.gl/bfJqLZ
243
examinations in record time. We find such beings
in the Discworld series by Terry Pratchett155, where
tiny gas constituted demons are locked in boxes as
painters (the camera) or organizers (PDAs).
It is also possible that Cue does not make these separations. It could be analysing everything then sending
all the information which will then sorted through by
the application installed on the external device. This
feature is similar to the Tricorder156 (fig. 45), a multi-analysis device, found in Star Trek. In both cases,
the information gathered by the white cube can be
found in our smartphones or computers. This time,
the manual (or the associated site) explains that this
connection is done through Bluetooth technology.
This requires the proximity of both objects so that information remains transferable. There is therefore a
constricting relationship between these two objects.
Like the exchange between human, the boxes need to
be in view of each other to be able to transfer. In addition, they do so independently without the Cue’s user
control. We thus find animist aspects in this system.
After these two examples of technological objects that
are centred around the user, we will explore two that
focus on communication with others.
155 PRATCHETT, op. cit.
156 « Tricorder », Memory Beta, [en ligne], http://memory-beta.wikia.com/wiki/
Tricorder
244
Objects communicating with the «other»
A
s we saw in the second chapter of this analysis,
the phone is the perfect animist object. Originally, in the late nineteenth century, crank boxes joined by cables, this device is becoming increasingly independent today to become completely mobile.
The most used version in developed countries is the
smartphone, a smart phone. The model that has made
the most sales in 2014 is the Samsung157 S5 (fig. 46) and
will be the object studied158.
At Peirce’s first iconic level, the S5 smartphone is a
black, white or coloured rectangular plastic or metal box, with a button on the front and sides. Of the
objects studied so far, it seems the simplest. It has no
parts that can be assembled and is not composed of
several elements. You will therefore need to press one
of its buttons located in the centre of the box to turn
the phone on. The centre button on the display face is
also the largest. We can deduce, with some ergonomic
knowledge, that it turns on the unit. Because there are
no other buttons forming a keyboard, a touch screen
appears. One must touch the images that appear
there to use the features. These images, icons, open
applications and operate new features in the box. The
S5 suddenly becomes a very complex object.
157 « Smartphone Vendor Market Share, Q4 2014 », IDC, [en ligne], http://www.
idc.com/prodserv/smartphone-market-share.jsp
158 « Samsung Galaxy S5 », Samsung, [en ligne], http://www.samsung.com/global/microsite/galaxys5/
245
To try to understand it, we will be using Peirce’s symbolic level. Through a network, the S5 allows telephone communication, and Visio conference to those
who paid for this service. It also allows other forms
of communication that have emerged over the past
decade, including text, images, video, and all possible
combinations of these elements. In addition, these
networks which were originally dedicated to voice
communication also allows the user to connect to the
Internet through 2.5/3/4G159, Wifi, Bluetooth or infrared. We can use our smartphones to get information,
play or even create agendas. The phone cannot perform all these functions alone, it will need the help of
applications (fig. 47), which are inscribed in its code.
Icons, and their activation, transform the function of
the box. It brings together multiple objects in a single
device, while keeping the same ergonomics. According to Rose, this multi-functionality still hides a certain coldness of use.
Screens fall short because they don’t improve our relationship with computing. The interfaces don’t take advantage of the computational resources, which double
yearly. The devices are passive, without personality. The
machine sits on idle, waiting for your orders. The Terminal World asserts a cold, blue aesthetic into our world,
rather than responding to our own. Even the Apple products, celebrated for their hipness, are cold and masculine compared to the materiality of wood, stone, cork,
fabric, and the surfaces we choose for our homes and
bodies. Few of us long for garments constructed of anodized aluminium with a super-smooth finish.160
159 GPRS or General Packet Radio Service
160 ROSE, op. cit., p. 50
246
There is therefore only rationality in an S5, emotions
do not belong. However, Susca has shown previously that using the touchscreen calls to the sensory
and thus Peirce’s indexical level. The delicate touch
turns the box into an object seemingly able to do
everything (except coffee, get the newspaper and take
the dog out).
The S5 allows users to connect to multiple people,
known and unknown, and thus constitute a network
in the palm of his or her hand. As a phone, it traps the
voices of the people with whom we communicate, as
well as their faces. It makes them available to communicate at the press of a button and the touch of a
screen. We are far past the need to have an operator
facing a cable panel creating connection requests
with correspondents. With applications such as Facebook or Find My Friends, like a crystal ball, a smartphone can observe the doings, sometimes without
their knowledge, of people. We can almost have the
ability to telepathically know what a person thinks
without telling us. We gain omniscience with an Internet connection and through applications that are
in our smartphone.
Rose continues:
The smartphone does not have a predecessor in our
folklore and fairy tales. There is no magic device I know
of whose possessor stares zombielike into it, playing a
meaningless game, or texting about nothing. It does not
fulfill a deep fundamental human desire in an enchanting way.161
161 Ibid
247
Now we have seen that the S5 meets at least two desires of wonder. I still agree with Rose on the fact that
the smartphone may induce automated and repetitive
behaviours in the user, and thus a certain dependence.
This phenomenon, observed in some generations may
affect any user. It has been explored in a documentary
by the journalist Pierre-Olivier Labbé, released in February 2015 named Digital Detox. Exploring the possibility to live 90 days without Internet, nor smartphone,
Labbé discovers the fear of digital death, but also several new phobias such as FOMO, Fear Of Missing Out,
or nomophobia, No Mobile Phobia162. In addition to
sound signals requiring immediate action, our smartphones have become dictators to many users. We are
not amazed by this digital technology, but rather spellbound and probably imprisoned in Dan Hill’s Network.
If the S5 tends to enslave us, we might think that Google Glass163 (fig. 48) increases this dependency. Invented
by Google X team of the eponymous company, it was
launched on the American market as an initial release
in 2013. Two years later, because of falling sales, Google
withdrew the Glass and gave its development to the ex
Apple executive, Tony Fadell164.
What does the Glass look like? We can find two glass
rectangles rimmed by a frame. One side has a small
rectangle passing in front of a glass. Anyone keen on
optics can recognize a pair of glasses. They do not,
however, necessarily have the ability to identify this
suspended rectangle. Rose, who was able to test the
Glass before its recall, describes it:
162 LABBÉ Pierre-Olivier, « Digital Detox », Canal+, 25 février 2015
163 Glass, [en ligne], http://goo.gl/LrkHMU
164 D’ONFRO Jillian, « An insider’s look at the tumultuous launch of Google
Glass », Business Insider UK, 28 février 2015, [en ligne], http://goo.gl/GQ9Q0E
248
The distinguishing feature is the small screen, about one
centimetre square, built into the frame and positioned
about a half inch in front of my right eye.165
This rectangle is, thus, a screen that has the ability
to display information. Like the smartphone, the
Google Glass is simple on an iconic level.
However, to use them, training is needed according
to Google who created Base-camps, allowing users to be trained by the company’s employees. On
an indexical level, we learn that the Glass reacts to
touch and voice. To turn it on, one must say “Okay,
Glass!” Just as the commercials where we hear the
actor say, “Ok Google, show me the cupcake frosting photos.166” A menu appears on the small screen,
which is selected either vertically or horizontally by
touching the frame on the screen’s side, or by saying the word in the menu. The Glass therefore uses
Head-up Display technology, which, according to
the definition by L’Internaute, is a “projection system on to the windshield of vehicle, allowing the
driver not to look away from the road.167”
Beyond the user’s vision and hearing of the world,
he or she also collects information from this small
screen. He or she hears the videos’ sounds with
small speakers in the branches. He or she could be
somewhat distracted by this device:
165 ROSE, op. cit., p. 66
166 « Appli Google : Des cupcakes presque parfaits », Google France, 9 juin 2014,
[en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=s5_h2t2YsIE
167 « HUD », L’Internaute, [en ligne], http://www.linternaute.com/dictionnaire/
fr/definition/hud/,; translated from French by the author: «un système de projection sur le pare-brise d’informations relatives au véhicule, permettant de ne pas
détourner le regard du conducteur.»
249
So, even if we’re not staring directly into our smartphone
or television, our peripheral vision will be saturated and
distracted by dense, fast, colorful information and content that swirls at the edge of our view—as Google Glass
would have it.168
To reach this information, Glass can connect to networks using smartphones. With its speakers, microphone and camera, all integrated into the frame, this
system has all the capabilities of a smartphone. We
can thus make a call by voice command without using any objects resembling a smartphone, or take a
picture without a camera. The Google Glass, therefore
changes its function as soon as you say “OK Glass!”
and creates a double visual and noise level for the
user (fig. 49). Thus, it would have a similar Cartesian
reading as the smartphone, but significantly different
in a magical thinking mode.
The latter is reflected in the form of an indexical relationship between Glass and what it means for the
user. The frame shape with its space for the nose
and branches prompt the user to put the glasses on his or her nose with the screen before his or
eyes, like some mythical helmets. An example is
the Tarnhelm found in the opera Der Ring des Nibelungen by Wagner which can render invisible or
change the shape of the holder169 (fig. 50). The use of
the Glass through voice and touch generates more
meaning and emotion than simple touch screens.
Thus, we discover once again Susca’s theory.
168 ROSE, op. cit., p. 41
169 BASSETT Peter, The Nibelung’s Ring: A Guide to Wagner’s Der Ring Des Nibelungen, Wakefield Press, 2003, p. 40
250
Like the smartphone, the Glass imprisons many souls
in its speakers. It goes further by automatically sending notifications to the user, and by responding in
writing on its small screen, as does Google searches
on smartphones, or Siri on iPhones. We can experience a conversation with Glass as one would with a
human being. During a conversation the other answers back to us in writing on the screen in front of
our eye. We have an external soul to ours, resting on
our face, which can act in our world by distracting us.
We may, once again, be spellbound by this soul that
can send ringing and visual orders to which we must
obey, making the device dangerous during any human activity.
The Glass allows omniscience and causes, despite its
design flaws, a magical feeling for the user. In addition to giving us the ability to communicate with others, it shares us information about our environment,
interesting places and weather. Other digital objects
are specifically designed to analyse the environment,
and will be the focus of our next study.
251
Objects analysing the environment
T
he first object we will study guides us in our
travels: the GPS or Global Positioning System170 used for example by the TomTom sys171
tem (fig. 51).
On Peirce’s first level, the TomTom is composed of a
box, buttons and a touch screen which, once lit, displays a map. When we move, an arrow is displayed to
indicate which direction to take, what path to follow.
An option is given to the user to add sound, a voice
that describes the route as well as gives alerts.
The map is repositioned to inform us of upcoming
turns. To calculate the route from the pre-loaded map
in its memory, the user needs only to indicate his or
her final destination. Using localisation to find the
starting point, the GPS calculates the shortest route
between these two points. In view of the information
presented by the TomTom, in addition to the routes,
it is assumed that the memory also contains information on the location of tolls, danger zones (formerly speed cameras) and other points of interest for
the traveller.
Knowing the GPS system, and using Peirce’s second
level, we know that above the box is a constellation of
satellites that are involved in this localisation. We travel looking at a graphical representation of the world
around us. These cards give the traveller a direct route
170 GPS, [en ligne], http://www.gps.gov/
171 TomTom, [en ligne], http://www.tomtom.com/fr_fr/
252
to his or her destination by displaying the road names
and numbers. Will Pavia from The Times comments
on this:
Motorists following Google Maps through Wiltshire may
be told to “exit on to the A303 toward Andover”, but they
may have no idea that they are passing Stonehenge.172
The GPS’ user will not have the opportunity to discover
the remarkable sites that he or she crosses. Due to the
TomTom’s automation, the user will never feel the need
to buy a paper map that will require him or her a constant switch between it and the road. There seems to be
a loss of context for the traveller; a vacuum forms in his
perception of the world between the starting and arrival points.
Indeed, when driving while being guided by the voice
and screen, the user only has the reflex to make sure he
or she is safe behind the wheel and complies with road
traffic laws. In addition, the TomTom’s interface needs
to be simple, to facilitate a quick understanding. The
traveller will have less of an incentive to look around to
identify the landscape’s remarkable elements that could
guide him to his or her destination (fig. 52).
We could say that the GPS tends to disenchant the user.
However, if we look at it on an indexical perspective, we
can see the use of magical thinking. By studying the unit
in this way, we will highlight notions of wonder. First, the
GPS seems to contain the world. Although it first needs
to download a collection of maps, when we are heading to an unknown place, the system can still guide us.
172 PAVIA Will, « Heritage wiped off the map as sat-nav puts motorists on road to
ignorance. », The Times, 29 août 2008, [en ligne], http://www.thetimes.co.uk/tto/
news/uk/article1927000.ece
253
Moreover, as the TomTom shows what the eye does not
see and what we can not predict, it changes the human
body’s perception abilities by making us omniscient.
The object itself, also, becomes omniscient.
Some GPS systems have automatic updates included.
Thus, when new roads are built or new danger zones
installed (radars), the TomTom knows. This could
make us think of many magic items that are larger
inside than out, such as Mary Poppins’s bag (fig. 53),
Doctor Who’s police box Tardis (fig. 54) or the Chronicles of Narnia’s wardrobe (fig. 55).
In this larger in than out box, you can also hear a
voice. We are no longer solely guided by the map’s
graphics, but also by audio instructions. The actors’
voices are usually recorded to simulate a normal conversation. Hence we have the impression of having a
small omniscient being sitting on the car’s dashboard.
When it is not automatically updated and the roads
are changed, or the user decides to take a different
route than the one suggested, he or she may get lost.
The excuse usually given is: “There was a problem
with the GPS.” Just as our response to conversations
that displease us on the phone, we tend to incriminate the object first, then the person who has not
used it properly.
The TomTom’s function is to indicate the traveller’s
route. It analyses only one aspect of the human environment. There are, however technological objects
that include other aspects. An example is the Mother
(fig. 56) by Sen.se, created by Franck Biehler and Rafi
Haladjian, who also invented the Nabaztag173.
173 « Mother », Sen.se, [en ligne], https://sen.se/store/mother/
254
At a first glance, Mother is a system composed of a white
plastic figurine and small coloured capped plates. After
reading the instructions, we learn that we need, in addition, an external device to view information that Mother
will produce. To use Mother, choose the object you want
to analyse, assign it a coloured plate and attach it to the
object. Thus, again according to its manual, the Mother
system can help the user control his or her coffee consumption (fig. 57), teeth brushing or even door passage.
Like the previously analysed Cue, Mother uses data-vision, allowing us to quickly interpret a set of data which
can be complex to study. The colour plates are sensors
that send information to the central figure, the Mother.
The information is then sent to an application. These
sensors, called Cookies by Sen.se are described by the
site as multifunctional. We can hypothesise that each
Cookie contains a collection of different sensors such
as thermal or an accelerometer. The site explains that
every Cookie analyses all that is going on in the house.
Only when the user has assigned a function to Cookie
through the application, the information will be sorted through.
Using of Mother seems very simple. It is a bridge between the household’s objects’ movements and their users. Mother turns the house into connected home. More
than any other objects studied, it seems to use many
codes of magical thinking.
This figure seems to refer to the prehistoric statuettes
of women such as the Venus of Hohle Fels (fig. 58 and
59). Like these antiquities, Mother has a simple but distended shape. Thanks to the drawn two points and line,
one recognises a face, and a head is suggested on a well
rounded body.
255
In addition, this statue is at the centre of the system,
without it the user will not receive any information. It
seems to have the same magical abilities as the Venus:
a family protection amulet. This hypothesis is supported by the system’s name: “mother”, the member of the
family that usually represents care and protection in
the household.
It therefore seems to have an animistic propensity,
another little soul who has knowledge of what is happening throughout the house, which protects and improves the quality of life. This is reinforced by the fact
that the face of the figure lights up when it receives
data or wants to inform the user that new data is available. Mother communicates with us through light and
sound signals (fig. 60). Its eyes and smile light up, while
issuing a chime, and, thanks to a paid service, can trigger a phone-call. Furthermore, the system creates new
rituals, we regularly read the data sent by the Cookies.
However, this “mother” cannot work alone. It is surrounded by other small creatures that informs her
what happens in the home. All these Cookies function
identically, they seem to be able to determine their
own use. Communication protocols between Mother
and Cookies are not visible.
Mother appears to satisfy Roses quoted desire:
• Omniscience, it generates the user’s, and knows
what is going on around the house.
• Telepathy, it informs the household members’ position with the locator Cookie.
• Immortality,
helping
to
improve
their surroundings.
• Conservation by warning of unusual opening and
closing of doors.
256
The objects studied are examples, amongst others,
of systems incorporating digital components. Most
closely follow magical thinking codes on an indexical
reading level. They allow us to realize that we are in fact
much more enchanted by their use than we thought.
257
258
Conclusion
259
After the analysis of different technical objects, we
can see that magical thinking is based heavily on the
misunderstanding of the latter by the user. If we really
wanted a full explanation of how they work, we need
to remember the quote by the astrophysicist Carl Sagan: “If you wish to make an apple pie from scratch,
you must first invent the universe.174” We would need
to start from the Big Bang to have a complete explanation of technical objects, but no one has all the
necessary knowledge to understand everything. It is
for this reason that systems used have their uses and
features explained.
We have found that the digital objects that have interested us are composed of multiple components,
which have been designed by different people. These
designers will not have all the scientific knowledge
to explain everything in a device. Science itself is
yet able to answer all the questions we ask. Indeed,
research, although very advanced, has not yet discovered everything about our world. Some discoveries refute the assumptions that we thought already demonstrated.
An example is the popular belief that Viking helmets
were horned. It was recently discovered that this belief comes from a mistake during an archaeological
analysis which then spread to Western culture, for example through the Tarnhelm in Der Ring des Nibelungen by Wagner. Today, archaeologists have found evidence to indicate that Viking helmets were destitute
of horns175. We cannot be certain of our knowledge,
174 SAGAN Carl, Cosmos [1980], Random House, 2013, p. 485
175 J. P. P., « Did Vikings wear horned helmets? », The Economist, 15 février 2013,
[en ligne], http://www.economist.com/blogs/newsbook/2013/02/economist-explains-did-vikings-wear-horned-helmets
260
we must rely on other types of analysis to understand
the world.
Faced with certain types of technical objects, we
choose to stay in a state of ignorance and naiveté. As
Peter Parker, also known as Spiderman, was tought:
“With great power comes great responsibility.176”
However, as many dogmas, laws, quotes tell us,
knowledge is power. We do not seem ready to take on
such a responsibility. This would allow us to remain in
a state of wonder, a much more comfortable feeling.
These states are grouped together in a form of understanding the world that Susca called magical thinking. As we have found out, that thought seems to be
in all of us and manifests itself in different forms at
different times during the use of technical objects.
According to Rose, wonder, and thus magical thinking is one of the basic human desires. The rationality
of science, sociology, anthropology, and other forms
of research using Cartesian methodology is not sufficient enough to satisfy our needs to understand the
world. Some people need to be reassured, they like
to think we are not the only conscious beings in the
universe. Through our technical objects, we try to
contact other souls, deceased, aliens, divine, or simply immaterial.
Like religion, wonder gives another dimension to our
lives, a feeling of being part of something that transcends us. We might even know what we become after
our deaths. Magical thinking enables us to overcome
the physical limitations of our bodies.
176 LEE Stan, « Spiderman », Amazing Fantasy, n°15, 5 juin 1962
261
With our technical objects, we discover new powers
such as omniscience, telepathy or even regeneration.
These objects transform the human body, or at least
the relationship we have with them, and become the
«extensions» noticed by McLuhan. Like the sword extends the arm, connected digital objects extend not
only our bodies but also our feelings and emotions.
With these objects, we have moved from the Information Age, created by the Internet, to one of sensations.
This, according to Susca, is already being felt in the
way we talk about when we say, “Je ne le sens pas ce
type.177” As with Audrey Breuer and her connection to
objects, we also seem, in a less emphatic way, to look
for a human relationship with our objects.
In order to get our desired relationships, the object
must have a soul, a constancy in conscious beings.
We have discovered that we have a strong relation
to animism. The latter seems to exist throughout
our History, with more or less intensity. Indeed, this
thinking was one of the first to explain natural and
human phenomena. Until the Industrial Revolution,
many objects and appliances used were of paramount importance in people’s lives as they were expensive to make, difficult to replace, and often necessary for survival.
Today, we tend to discard and replace our objects more
easily causing the loss of this relationship. However,
digital objects, the most expensive of our consumer
goods, retain an animistic aspect, not only through the
intimate place they hold in our lives, but also by their
autonomous functions. They demand our attention
and we provide the information requested. Animism
177 Place de la Toile, op. cit., 2013, «I do not feel this guy.»
262
and autonomy could not be possible without the participation of mystical forces such as electricity or Wifi.
They not only animate objects but also allow them to
communicate with each other.
This animism comes from magical thinking. As stated
by the definition from Trésor de la Langue Française,
magic includes a notion of ritual. Thanks to actions
taken in different ways at different times, one can induce reactions from technical objects, for example.
Either through the desire of the designer or the re-appropriation of the object by the user, rituals abound
in the objects we use. At times, like Skinner’s pigeon,
we create rituals when we do not understand the reaction of the object and we wish it to return to the
state we consider normal, or the continuation of this
reaction. By repeating this ritual on the object, even if
it does not work the first time and the device still does
not react the right way, one has the feeling of taking
control. We seek a sense of control over our objects.
It sometimes escapes us, and we find ourselves in its
grip instead. At this time, we are no longer amazed by
the magic it produces, but bewitched by its features
which includes sound and visual orders.
Rituals, animism, wonders, are just some of the
words included in the lexicography that describes
technical objects discovered during our analysis.
All are part of the same mindset, magical thought.
However, we do not use the same definition as that
proposed by Lucien Lévy-Bruhl178. Beyond our present research, magical thinking is not just a form of
unbalanced thinking, a residue of primitive times.
178 LÉVY-BRUHL Lucien, La Mentalité Primitive [1922], Champs Classique,
2010
263
Having indeed an archaic origin, it has nevertheless
evolved with technology, allowing us to explore other forms of explanations of the world. According to
Susca, we no longer live in the dark arts of the Middle Ages or the Renaissance, but in everyday magic that we are rediscovering179. As we have learned
from Lyotard and Latour, we have never been modern, and therefore completely rational as desired by
Descartes. Furthermore, we have, for most of us, this
form of magical thinking ingrained in us.
Due to the historical importance of this mode of
thought, we will not be able to escape from it just yet.
Some designers have realised this and are trying to
create wonderful objects rather than bewitching, in
order to remove the stress that some digital objects
cause. As a graphic designer, product designer, or
culinary designer, we should be looking at our creations asking ourselves how the user, the viewer, or
gastronome would feel the sense of wonder, a sensation that will replace incomprehension. According to
Susca “The designer expresses out loud what we live
everyday without being truly aware.180”
It is up to us, as designers, to create this new
magical world.
179 Place de la Toile, op. cit., 2013
180 Ibid., translated from French by the author: «Le designer exprime à voix
haute ce que nous vivons sans en avoir véritablement conscience.»
264