souvent, on sous-estime ses compétences
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souvent, on sous-estime ses compétences
PEOPLEÉLECTION K o e n D e M a e s s c h a l c K ( g r o u p e c o l r u y t ) e s t D r h D e l’a n n é e «SOUVENT, ON SOUS-ESTIME SES COMPÉTENCES» a vie de Koen De Maesschalck est placée depuis plus de 40ans sous le signe du groupe Colruyt. Au début des années 1970, alors qu’il n’était encore qu’un gamin, son père a déménagé de Gand à Hal pour travailler comme boucher chez Colruyt. «Mon père a gravi les échelons jusqu’à devenir chef de la transformation de la viande», raconte-t-il. Aujourd’hui, il est à la retraite, mais reste très impliqué. A chacune de mes visites, je reçois une liasse de coupures de presse sur Colruyt (il rit)». Koen De Maesschalck a découvert l’entreprise de l’intérieur en travaillant comme jobiste dans la transformation de la viande. La culture d’entreprise pragmatique et la mentalité de labeur acharné l’ont à ce point séduit qu’il y est retourné après avoir terminé ses études. «L’entreprise porte un regard fondamentalement positif sur le monde. On joue ici la carte de la confiance: chacun est censé être motivé à bien faire son travail. La confiance vient renforcer encore plus cette motivation.» Koen De Maesschalk a travaillé dans pratiquement tous les départements de Colruyt. Depuis 2008, il est directeur people & organisation, responsable, avec ses 300 collaborateurs, de la politique du personnel du groupe Colruyt. L’entreprise, qui emploie 27.000 personnes, ne se limite pas aux supermarchés du même nom. Il y a aussi OKay, Dreamland, mais également des sociétés-sœurs et les services de soutien. Koen De Maesschalk a reçu la semaine dernière le titre de HR Manager of the Year lors d’un gala à Bruxelles. L’événement est organisé par Trends-Tendances mais le lauréat est désigné par un jury d’experts indépendants. Ce prix vient récompenser la transformation réussie de la politique du personnel du groupe Colruyt sous la direction de Koen De Maesschalk. «J’ai apporté ma contribution à la version 3.0 du groupe Colruyt, explique-t-il. Le fondateur, Frans Colruyt, a jeté les bases de la version 1.0 ; c’était un pionnier mû par un grand esprit d’entreprise. Jo Colruyt (Ndlr, le père L 102 21 MAI 2015 | WWW.TRENDS.BE Koen De Maesschalck, du groupe Colruyt, a été élu «HR Manager of the Year». Sa politique du personnel a laissé son empreinte sur ce qu’il qualifie lui-même de version 3.0 de la marque belge de commerce de détail. STIJN FOCKEDEY de Jef Colruyt, l’actuel CEO) fut l’auteur de la version2.0, qui s’appuie sur l’amélioration du concept de magasin, à l’origine du succès actuel. Il y a 10 ans, Jef Colruyt a pris les commandes de la marque. Il a transformé cette entreprise familiale en une famille d’entreprises collaborant étroitement entre elles.» TRENDS-TENDANCES. Quel doit être le rôle des RH? KOEN DE MAESSCHALCK. Accompagner la transformation en groupe. Cela implique de réfléchir ensemble sur la manière dont ce processus s’inscrit dans notre mission, qui est de créer de la valeur ajoutée durable par un professionnalisme porté par des valeurs dans le commerce de détail. Il faut élaborer une conception du leadership, entreprendre sur la base de projets, gérer les risques, assurer les formations, etc. Nous avons travaillé durement pendant sept ans, et le résultat est à la hauteur. Aujourd’hui, nous sommes un véritable groupe. Vous rêviez de devenir DRH? Non. Je voulais tout simplement collaborer à un projet qui ait du sens. J’en suis actuellement à ma quatrième période au sein du groupe Colruyt. J’ai d’abord été jobiste pendant huit ans; j’ai ainsi pu me frotter à la culture d’entreprise. Puis, j’ai eu l’occasion de créer un département consacré à l’environnement et au développement durable, tout en faisant de nombreux stages dans l’entreprise. J’ai dirigé les relations publiques pendant huit ans. Quant à ma phase actuelle de directeur people & organisation, elle est entièrement axée sur l’entrepreneuriat porté par des valeurs. J’adore ce que je fais. Vous vous voyez en poste encore longtemps? On ne peut maîtriser ce genre de fonction de cadre supérieur en un an ou deux. Elle ne devient intéressante qu’à partir de la troisième année, car on peut alors éviter de se fourvoyer. Par exemple, j’ai commis des erreurs de débutant dans la manière dont j’ai organisé mon équipe de direction et mon plan stratégique. Il faut avoir suffisamment de maturité pour bien exercer cette fonction, même si je ne me vois pas rester en poste pendant 15 ans. Je ne veux pas rouiller sur place. Changer régulièrement d’environnement permet de garder l’esprit alerte. Chaque année, 900 collaborateurs du groupe Colruyt troquent leurs fonctions, ce qui est l’une des manières les plus efficaces de se développer. On apprend toujours à mieux se connaître, bien que les collaborateurs peuvent continuer à se développer dans leur fonction actuelle. Le groupe Colruyt investit-il beaucoup dans la formation? Environ 40 millions d’euros par an, soit 3,35% du coût salarial total, ou deux semaines par collaborateur. Les formations peuvent être techniques, comme apprendre à conduire un chariot élévateur, ou davantage portées sur le développement personnel, comme apprendre à faire une présentation ou encore la pleine conscience. Ces dernières formations sont facultatives. L’entreprise paie la formation et le séjour, car elle dure en général plusieurs jours à l’extérieur. Souvent, ce n’est pas donné, mais si les collaborateurs se développent, l’entreprise en profite. Nous en sommes intimement convaincus. ≤ Entame sa carrière chez Colruyt comme jobiste au département de la transformation de la viande. Après ses études, il travaille à temps plein comme ouvrier, puis comme promoteur du recyclage, responsable environnemental, gérant, chef du personnel et responsable des relations publiques. En 2008, il devient directeur people & organisation. Sur la différence entre le CEO Jef Colruyt et feu son père Jo : «Tout comme son père, Jef est un vrai ‘Colruytien’. Même force de caractère, même vision. Jo était davantage présent dans l’entreprise. Il arrivait régulièrement que je reçoive une note rectificative, avec l’ensemble de la société en copie, car il voulait que tout le monde en prenne de la graine. Pour Jef, c’est plus difficile, car il doit superviser une société beaucoup plus grande. C’est un esprit analytique qui s’intéresse énormément au monde. Il veut tout décomposer jusque dans les détails.» Licencié en histoire Sur sa journée de travail : «Cela fait neuf mois que je me rends principalement au travail en vélo. En général, j’arrive vers 7 h 30 et je reste jusque 18 h 30, voire 19 h. Je suis alors surtout en réunion. Je viens aussi travailler le samedi matin, mais c’est pour rédiger des notes et mettre à jour ma correspondance. Heureusement, j’habite près du bureau, sans quoi j’aurais du mal à concilier mon travail avec ma vie de famille, vu que j’ai cinq enfants.» Sur le cours de conduite écologique de rigueur chez Colruyt : «Tous les titulaires d’une voiture de société suivent un cours de conduite écologique. Le groupe Colruyt veut favoriser les déplacements durables entre le domicile et le lieu de travail, quel que soit le mode de transport. Une consommation réaliste est attribuée aux conducteurs, qui doivent suppléer la différence s’ils la dépassent. Les conducteurs au pied lourd ne peuvent plus invoquer l’excuse qu’ils ne savent pas comment limiter leur consommation.» Passe-temps : famille, jardinage. Koen De Maesschalck, (48 ans) Le groupe reçoit 130.000 lettres de candidature par an. Environ 40.000 candidats sont ensuite passés au crible ; 16.000 d’entre eux sont invités à un entretien d’embauche. Au bout du compte, 3.000 nouveaux collaborateurs entrent en service chaque année. La machine à recruter du groupe Colruyt L’entreprise ne peut pas toujours continuer à croître. Son imprimerie Symeta a dû cesser en partie ses activités. Cent-huit personnes ont dû quitter Symeta. Nous avons réaffecté 100 d’entre elles au sein du groupe. A cet égard, la taille de l’entreprise est un atout. La cessation d’activités fait partie de la vie d’une entreprise, mais elle doit toujours avoir lieu dans le respect des personnes. Que pensez-vous de la concertation sociale au niveau national? Elle est ce qu’elle est. J’attends plus de courage de toutes les parties. Si nous voulons conserver notre modèle social en Europe, nous devons créer de la prospérité et du bien-être. Cela ne viendra pas de la croissance démographique, ni des taux d’intérêts qui restent faibles. Il faudra s’en remettre à l’innovation et à l’entrepreneuriat. La voie est encore longue, mais je ne veux pas être pessimiste. Quelle est votre position face au crédit-temps? Les gens en ont besoin. Le groupe Colruyt dispose d’ailleurs de son propre système d’épargne-temps. Nous sommes l’une des rares entreprises à payer chaque minute travaillée. Et cela vaut aussi pour les cadres. Les travailleurs peuvent intégrer ces heures épargnées dans leur salaire, mais la plupart préfèrent encore 104 21 MAI 2015 | WWW.TRENDS.BE les prendre sous forme de congés payés, surtout vers la fin de leur carrière. L’année dernière, vous avez essuyé de vives critiques pour avoir recommandé de tempérer l’ancienneté dans la rémunération. Cela reste un thème important pour moi. L’attention s’est alors surtout portée sur l’aspect salarial, mais la discussion est beaucoup plus vaste : les gens ne doivent pas s’ankyloser dans leur fonction. Or, notre système social les y pousse, non seulement à cause de la rémunération à l’ancienneté, mais aussi des indemnités de licenciement. Les travailleurs se sentent souvent freinés dans leur volonté de changer d’emploi ou de fonction. Pour moi, ils peuvent se maintenir toute leur vie au même poste, mais ils doivent alors rester flexibles et accepter que le contenu de la fonction puisse changer. Cette mentalité est d’autant plus importante que nous devrons désormais travailler jusqu’à 67ans. Le quinquagénaire n’est pas encore dans la dernière ligne droite. Nous devons aussi renoncer à l’idée qu’une carrière doit s’arrêter à son apogée. Ce n’est pas ce que je cherche, en tout cas. Je veux une fonction qui me convienne et qui me stimule d’une manière respectueuse. Vous êtes un cadre, mais plus de deux tiers du personnel travaille dans PHOTOS THOMAS SWEERTVAEGHER PEOPLEÉLECTION les magasins ou les centres de distribution. Il existe aussi différentes fonctions dans les magasins et l’on peut toujours se trouver de nouveaux défis. Nous avons récemment mis en place un cadre de politique du personnel qui tient compte de l’âge, sans pour autant nous focaliser uniquement sur les travailleurs plus âgés. L’essentiel est de ne pas s’encroûter. A tous les niveaux, les collaborateurs doivent pouvoir se développer, c’est la meilleure garantie d’emploi. Souvent, ils sousestiment leurs compétences. Ils doivent saisir les occasions que leur employeur leur donne pour se développer. S’ils le font, ils trouveront du travail, d’autant que nous évoluons vers un marché du travail où, pour chaque emploi vacant, il n’y a qu’un ou deux candidats. Cette contraction du marché du travail est-elle la principale menace sur le plan des RH? Non, essentiellement parce que beaucoup de talents ne sont pas encore à la bonne place dans l’entreprise. Le commerce électronique me préoccupe davantage. Nos clients font de plus en plus leurs courses de l’autre côté de la frontière, chez des hard discounters. Cette différence est parfois très grande: aux Pays-Bas, un emploi de magasin au niveau d’ancienneté maximal coûte autant que le salaire de départ dans notre secteur. Je ne dis pas que nous devons brader les salaires et notre sécurité sociale, mais trouver d’autres manières d’être compétitifs. Etes-vous un manager exigeant? Je vois souvent ce qui fait défaut. Mais j’ai changé de style. Autrefois, je voulais tout faire à ma guise, j’avais un sens exagéré des responsabilités. Dans une famille, on projette pas mal d’ambitions sur l’aîné des enfants et des petits-enfants. Aujourd’hui, je fais jouer l’équipe. C’est d’ailleurs elle ma plus belle réalisation. Ne regrettez-vous pas d’avoir travaillé pendant toute votre carrière pour le groupe Colruyt? Non. Mais je me suis toujours gardé d’avoir une vision télescopique. Je me suis aussi fortement impliqué dans des groupes de travail de la FEB ou de Comeos, la Fédération des commerçants, et j’ai siégé au conseil d’administration de plusieurs ONG. Je conseille à chaque cadre de sortir un peu de l’entreprise. z
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