des lymphomes canins
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des lymphomes canins
2 EN PRATIQUE > BIOLOGIE CLINIQUE A B Photo 1 : Aspect cytologique en MGG (x 500) d’une ponction de nœud lymphatique normal. Noter la présence d’une population majoritaire de petits lymphocytes bien différenciés avec un petit noyau dense et un cytoplasme très réduit (flèches), de quelques plasmocytes (B) et de rares cellules immatures (A). Photo 2 : Aspect cytologique en coloration MGG (x 500) d’une ponction ganglionnaire dans un lymphome de haut grade. Le phénotype n’est pas déterminé sur les seuls critères cytologiques. Noter le monomorphisme des cellules de taille moyenne et le cytoplasme basophile. Intérêt du phénotypage des lymphomes canins S. BEURLET-LAFARGE CHV Frégis 43 avenue Aristide-Briand 94110 Arcueil OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES Savoir à quoi correspond le phénotype d’un lymphome. Connaître les différentes techniques qui permettent de le déterminer. Connaître les intérêts de sa détermination. CRÉDITS DE FORMATION CONTINUE La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC. La déclaration de lecture, individuelle et volontaire, est à effectuer auprès du CNVFCC (cf. sommaire). 42 Le lymphome du Chien représente un groupe très hétérogène dans lequel il est possible d’identifier des sous-groupes associés à des pronostics et des réponses aux traitements différents. La détermination du phénotype, en association avec la cytologie, est une étape clé pour identifier ces sous-groupes. l es lymphomes sont des hémopathies malignes du système lymphatique qui assure la défense de l’organisme. Ce système est constitué par les cellules (lymphocytes) des ganglions, de la rate, des amygdales mais est aussi présent dans tous les organes (en particulier la moelle osseuse, l’intestin,…). Comme pour la plupart des tumeurs, la cause exacte des lymphomes n’est pas connue. Cependant, les sujets dont les défenses immunitaires sont affaiblies (après un traitement ou lors de différentes maladies) ont un plus fort risque de développer un lymphome. L’incidence du lymphome des Carnivores domestiques augmente comme c’est aussi le cas pour les lymphomes humains. Les causes de cette augmentation ne sont pas connues avec précision mais des facteurs de l’environnement sont suspectés (dioxines, pesticides…). Les lymphomes représentent un groupe hétérogène de cancers Les formes cliniques des lymphomes chez le Chien sont multiples et l’agressivité ou la réponse à la chimiothérapie sont variables. PratiqueVet (2010) 45 : 442-445 (442) 2 EN PRATIQUE > BIOLOGIE CLINIQUE Photo 3 : Aspect cytologique en coloration MGG (x 500) d’une ponction de nœud lymphatique d’un chien atteint de lymphome multicentrique centroblastique de haut grade de phénotype B. Noter les grands lymphoblastes contenant de grands noyaux souvent plurinucléolés (flèche). La cytologie bien maîtrisée est l’examen de choix Le diagnostic repose sur l’examen cytologique et/ou histopathologique de l’organe atteint. La cytologie reste l’examen de choix en cas de lymphome ganglionnaire ou multicentrique car elle représente un examen non invasif qui permet dans la majorité des cas d’orienter rapidement le diagnostic différentiel et d’exclure une adénopathie non lymphomateuse (PHOTO 1). Les facteurs pronostiques Certains ont été dégagés des études sur les lymphomes du Chien. Le stade (ENCADRÉ 1) de la maladie in- Encadré 1. Stade Clinique du Lymphome Canin Classification OMS I. Atteinte d’un seul ganglion ou du tissu lymphoïde d’un seul organe II. Atteinte de plusieurs ganglions dans une même région (± amygdale pour la région cervicale) III. Atteinte généralisée des ganglions IV. Atteinte du foie et/ou de la rate (± Stade III) V. Signes hématologiques et atteintes de la moelle osseuse et/ou d’autres organes (± stade I à IV) (443) PratiqueVet (2010) 45 : 442-445 Photo 4 : Aspect cytologique en coloration MGG (x 500) d’une ponction de nœud lymphatique d’un chien atteint de lymphome multicentrique de phénotype T de haut grade. Noter la présence de cellules moyennes à chromatine dense mais hétérogène, et la présence de nombreuses mitoses (flèches). fluence significativement la survie des chiens atteints de lymphome. La présence d’une hypercalcémie paranéoplasique et l’absence de réponse significative à la chimiothérapie sont également deux facteurs péjoratifs pour la survie des chiens. rant aux classifications disponibles du lymphome du Chien. Plus récemment, d’autres facteurs pronostiques relatifs au type de lymphome en cause et à certaines formes cliniques se dégagent de plusieurs études. Les chiens atteints de lymphome digestif, par exemple, n’atteignent pas les médianes de survie classiques d’environ 12 mois. Cette classification probablement imparfaite évoluera certainement en prenant en compte un certain nombre de critères cliniques, comme c’est le cas pour les classifications humaines des lymphomes (comme la localisation organique par exemple : lymphome hépato-splénique, lymphome intestinal). D’autres études montrent que certains sous-types de lymphomes sont associés à une évolution clinique agressive ou indolente, à une plus ou moins bonne réponse à la chimiothérapie et à des médianes de survie différentes avec chimiothérapie [1]. La meilleure caractérisation des lymphomes est une étape clé de l’évaluation pronostique Il semble donc qu’il faille désormais s’attacher à “typer” les lymphomes pour mieux prévoir leur évolution et, à terme, pour mieux les traiter. Typer un lymphome permet de le classer en se réfé- La classification utilisée pour les lymphomes du Chien est adaptée de la classification Kiel humaine qui associe des critères phénotypiques et des critères cyto-morphologiques (TABLEAU 1). A côté des informations précieuses et indispensables de l’analyse cytologique, le phénotypage du lymphome devient un outil incontournable du diagnostic du lymphome. Qu’est-ce que le phénotype d’un lymphome ? Le phénotype d’une cellule au sens large correspond à “sa carte d’identité”. Il est fonction de l’expression par la cellule de protéines à la surface de sa membrane ou dans son cytoplasme. En effet, chaque type cellulaire exprime des protéines spécifiques qui rendent compte de ses critères de différenciation 43 2 EN PRATIQUE > BIOLOGIE CLINIQUE Tableau 1. Classification des lymphomes canins d’après la classification humaine “updated Kiel” qui s’appuie sur des critères cytologiques et phénotypiques. Lymphomes de phénotype B Lymphomes de Bas Grade Petites cellules Lymphocytique Lymphoplasmocytaire Prolymphocytaire Centrocytique Centrocytique-Centroblastique Cellules macronucléées de taille moyenne Lymphomes de Haut Grade Centroblastique Monomorphique Polymorphique Petites cellules prédominantes Grandes cellules prédominantes Immunoblastique Petites cellules inclassifiables Burkitt-like Plasmocytoïde Lymphoblastique et donc d’appartenance à tel ou tel autre tissu ou lignée. Trois caractères de différenciation Un lymphome peut se développer à partir d’une des grandes familles de lymphocytes : les lymphocytes B (immunité humorale) ou les lymphocytes T (immunité cellulaire) et les lymphocytes NK (pour natural killer, cellules de l’immunité innée). Le phénotype du lymphome correspond donc à son caractère de différenciation B, T ou NK. Les lymphomes du Chien toutes races confondues sont majoritairement de phénotype B (60 % à 70 % selon les études). Certaines races (Siberian Husky, Shih-Tzu, Boxer) semblent néanmoins prédisposées à développer préférentiellement des lymphomes de phénotype T [2]. Comment déterminer le phénotype du lymphome ? Le phénotype du lymphome peut être déterminé par plusieurs techniques : ■ La cytologie peut dans certains cas per- mettre de différencier le phénotype B ou T du lymphome. Cependant, les seuls critères cytologiques sont parfois trompeurs ou non-spécifiques du phénotype 44 Lymphomes de phénotype T Lymphomes de Bas Grade Petites cellules Cellules claires Prolymphocytaire Pléomorphe à petites cellules Mycosis Fongoïde La mise en évidence de ces molécules désignées par l’acronyme CD (pour Cluster of Differenciation) se fait au moyen d’anticorps ajoutés à l’échantillon à analyser (TABLEAU 2) . Les anticorps se fixent spécifiquement à tel ou tel CD. Ces anticorps sont couplés à des fluorochromes, molécules capables d’émettre un signal fluorescent qui sera capté par le cytomètre puis analysé (FIGURE 1) ; Lymphomes de Haut Grade Pléomorphe petites et grandes cellules Pléomorphe à grandes cellules Immunoblastique Plasmocytoïde inclassifiable ; de plus, les résultats sont très dépendants de l’expérience du cytologiste et de la qualité technique des lames (distinction plus ou moins nette des caractéristiques cytonucléaires des cellules atypiques) ; (PHOTO 2) ■ L’immuno-cytochimie est une technique qui a récemment été développée [3]. Elle utilise la cytométrie en flux après marquage des cellules récoltées par aspiration à l’aiguille fine du nœud lymphatique ou de l’organe infiltré. Cette technique présente deux avantages majeurs : la récolte des cellules est facile et l’examen d’immunophénotypage présente un coût abordable. Cette technique est basée sur l’étude des cellules via la reconnaissance de protéines spécifiques de la différenciation B ou T présentes sur la membrane des lymphocytes tumoraux. ■ L’immunohistochimie sur coupe histologique a longtemps été la technique de choix ; cependant, c’est une technique coûteuse et qui nécessite la réalisation d’une biopsie ou l’exérèse d’un nœud lymphatique. Elle s’appuie également sur l’utilisation d’anticorps qui reconnaissent tel ou tel autre CD à la surface des cellules. Elle a l’avantage d’apporter, en plus des critères phénotypiques, des critères architecturaux. Le phénotype : conséquences pronostique et thérapeutique Le phénotypage du lymphome est important car il donne des informations pronostiques en permettant, en association avec les critères morphologiques, de classer le lymphome. Ainsi, plusieurs études récentes permettent de dégager les informations suivantes : ■ les lymphomes B centroblastiques sont généralement associés à une bonne réponse à la chimiothérapie et à de bonnes médianes de survie avec chimiothérapie ; (PHOTO 3) ■ les lymphomes B des zones marginales ont généralement une évolution indolente et sont associés à des médianes de survie longue [4] ; Tableau 2. Principaux marqueurs recherchés pour déterminer le phénotypage d’un lymphome. Molécule CD79a CD21 CD3 CD4 CD8 Type de déterminant LB tous stades de différenciation LB mature LT LT helper LT cytotoxique Phénotype du lymphome B B T T T PratiqueVet (2010) 45 : 442-445 (444) 2 EN PRATIQUE > BIOLOGIE CLINIQUE MÉMO Figure 1. Le phénotype d’un lymphome correspond à son caractère de différenciation B, T ou NK. Il peut être déterminé précisément par immunohistochimie sur coupe histologique ou par cytométrie en flux à partir de cellules prélevées par aspiration à l’aiguille fine de la lésion lymphomateuse. ■ Population exprimant CD8 CD8 Population exprimant CD79a Population exprimant CD4 CD4 CD79a Graphes obtenus en cytométrie en flux après marquage CD4, CD8 et CD79a des cellules issues de la ponction d’un nœud lymphatique. Les cellules CD4+ sont des lymphocytes T helper, les cellules CD8+ des lymphocytes T cytotoxiques, les cellules CD79a+ des lymphocytes B. ■ les lymphomes T à petites cellules claires (bas grade) ont également une évolution indolente [4,5] ; ■ les lymphomes de haut grade et de phénotype T (PHOTO 4) sont associés à un mauvais pronostic et à une mauvaise réponse à la polychimiothérapie classique [5] ; ■ les lymphomes hépato-spléniques NK sont associés à une clinique agressive et à une très mauvaise réponse à la chimiothérapie. Polychimiothérapie et classification des lymphomes La polychimiothérapie est largement utilisée pour traiter les lymphomes canins. Les protocoles les plus utilisées associent cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine et prednisone (protocole de type CHOP). Le pourcentage global de réponse à ce type de traitement est élevé chez le Chien (de l’ordre de 80 à 90 %), la médiane de durée de la rémission est d’environ 10 mois et la médiane de survie est d’environ 12 mois. Cependant, les études montrent clairement que certains sous-types de lymphomes comme les lymphomes T de haut grade sont (445) PratiqueVet (2010) 45 : 442-445 ■ Sa détermination est nécessaire pour classer le lymphome et ainsi mieux déterminer son pronostic et sa réponse aux traitements disponibles. associés à une mauvaise réponse à la chimiothérapie et à des médianes de survie courtes alors que d’autres sous-types comme les lymphomes B centroblastiques, traités avec le même type de protocole, sont au contraire associés à des survies longues [1]. Plusieurs études récentes ont testé d’autres protocoles sur les lymphomes de haut grade et de phénotype T pour tenter d’améliorer la survie de ces chiens. L’intensification sur la base du protocole CHOP n’a pas montré de bénéfice. En revanche, le protocole MOPP (méchloréthamine, Oncovin® [H], procarbazine, prednisone) précédé d’une injection d’asparaginase semble être plus intéressant pour ces chiens atteints de lymphome de haut grade et de phénotype T [6]. La classification déterminée par la cytologie et le phénotype permet de dégager des critères pronostiques. Elle donne ainsi une base pour, d’une part, le développement de nouveaux protocoles de traitement pour les lymphomes de mauvais pronostic avec les protocoles actuels et, d’autre part, pour mieux informer les propriétaires de chiens atteints de lymphome. >>À LIRE... 1. Ponce F et coll (2004). Prognostic significance of morphological subtypes in canine malignant lymphomas during chemotherapy. Vet J 167 : 158-66. 2. Lurie DM et coll (2008). Immunophenotypic and cytomorphologic subclassification of T cell lymphomas in the boxer breed. Vet Immunol Immunopathol 125 : 102-10. 3. Sözmen M et coll (2005). Use of fine needle aspirates and flow cytometry for the diagnosis, classification and immunophenotyping of canine lymphomas. J Vet Diagn Invest 17 : 323-9. 4. Valli V.E et coll (2006). Canine Indolent Nodular Lymphoma. Vet Pathol 43 : 241-56. 5. Fleury-Fournel C et coll (2002). Canine T Cell Lymphomas : a morphological, immunological and clinical study of 46 new cases. Vet Pathol 39 : 92-109. 6. Brodsky EM et coll (2009). Asparaginase and MOPP treatment of dogs with lymphoma. J Vet Int Med 23 : 578-84. 45
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