la-situation-probleme-en-histoire-geo-2
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La « situation-problème » : une nouvelle démarche pédagogique en histoire « Situation-problème » : une innovation pédagogique ? Une nouvelle approche pour enseigner l’histoire ? Une démarche pertinente, applicable à tous les niveaux d’enseignement ? Tout le monde en parle mais de quoi s’agit-il exactement ? Quelle transposition didactique proposer pour quels intérêts pédagogiques avec des élèves de lycée professionnel ? Conseillée depuis quelques années, explicitée pour la première fois dans le document d’accompagnement des programmes d’Histoire-Géographie en CAP (juillet 2003), c’est une nouvelle piste pédagogique qui place l’élève au centre de l’apprentissage, qui va permettre à tout enseignant de lycée professionnel de : - « travailler autrement » en gagnant du temps, en redonnant du sens à nos activités, à nos disciplines, à nos pratiques, - renouveler ses pratiques pédagogiques en s’appuyant sur un cadrage didactique simple. 1. De quoi s’agit-il exactement ? Présenter la situation-problème en histoire, c’est commencer par présenter plusieurs définitions : « C’est une démarche pédagogique utilisable (à tous les niveaux) pour que les élèves écrivent et apprennent de l’histoire ». Une telle définition permet de cibler d’emblée les innovations d’une telle démarche : un « possible pédagogique » qui va permettre à l’élève de mieux comprendre l’histoire en la racontant. « Il y a situation-problème en histoire : - lorsque l’élève, pétri de certitudes (« Monsieur, on l’a déjà fait l’année dernière !), s’aperçoit que dans une situation nouvelle, proposée par le professeur, ce qu’il croyait correct, fondé… s’avère erroné, incomplet ; - lorsque le problème consiste à trouver la source de l’erreur, à la corriger et à attester la nouvelle situation ». Dès lors, il y a véritablement « problème » lorsque les élèves sont rivés sur une représentation (erronée ou non) d’un sujet d’étude. Ils ne pourront s’en émanciper (ou la valider) sans passer par une sorte de (contre-) enquête, ce qui est d’ailleurs précisément le sens étymologique du terme « histoire », en interpellant cette conception. Travailler à partir d’une situation-problème, c’est amener l’élève à questionner un sujet d’étude ; « C’est mettre en relation un lieu donné, un moment donné, un objet donné et un problème. » « C’est un décalque des pratiques de la géographie, de l’étude de cas, qui a comme objectif d’amener l’élève à replacer une étude particulière dans un contexte plus général ». Itinéraires n°14 – Novembre 2005 2. Des fondamentaux à respecter Pour initier les élèves de Lycée professionnel à la situation-problème, il faut respecter cinq fondamentaux : - Elle se fait à une grande échelle : c’est-à-dire au niveau local ou régional, au niveau d’un groupe, d’un monument, d’une œuvre d’art ; - La situation-problème n’est pas étudiée pour elle-même mais contextualisée, mise en perspective ; - Elle n’est pas un exemple ou l’illustration d’une règle générale mais elle doit être singulière car l’Histoire est complexité ; - Elle doit viser à une conceptualisation : à la formulation d’idées sur les phénomènes analysés ; - Elle doit présenter une unité : de moment, de lieu, de personnes. 3. Des enjeux pédagogiques Réaliser une microanalyse présente de nombreux avantages pour l’enseignement : - C’est montrer que l’évolution historique est complexe : les règles n’existent pas en Histoire, l’enseignant lance un nouveau défi à des élèves qui deviennent des enquêteurs ; - C’est engager une démarche de type inductif qui s’appuie sur une pédagogie de découverte, de recherche ; - C’est inciter l’élève à travailler en autonomie : une participation plus active entraîne plus d’implication de leur part dans le processus d’apprentissage ; - C’est répondre à une problématique ; - C’est préparer les élèves aux travaux d’expression orale (lors de l’accroche ou des mises en commun) et écrite (en fin de séance pour raconter et argumenter la situation historique choisie). 4. Un processus méthodologique Approcher un sujet d’étude par une situation-problème, c’est utiliser une méthodologie qui se veut être claire, simple et pertinente, une méthodologie qui : - Part d’une accroche : de l’expérience des élèves pour les valoriser, pour lancer plus facilement la situation et « contrer » leurs représentations pour présenter la situationproblème ; - Présente une problématique clairement identifiée pour résoudre un problème à partir d’un corpus documentaire constitué par le professeur ; - Adopte une démarche d’enquête : l’élève doit chercher des réponses à la problématique ; - Pose le problème en utilisant un corpus documentaire composé par le professeur d’un nombre restreint de documents variés (textes, cartes historiques, images…) apportant les informations élémentaires qui confrontent des visions différentes et appelent à des critiques (démarche essentielle en histoire). 5. Une démarche pédagogique en trois temps Etapes à suivre Déroulement à suivre Première étape : l’accroche A partir d’une situation historique, il faut : Tout le problème didactique tient dans - faire émerger des représentations l’amorce de la séquence. spontanées (incorrectes, fausses ou Il s’agit d’ouvrir la réflexion. erronées), - et poser un obstacle : un problème Itinéraires n°14 – Novembre 2005 non pensé par les élèves en lançant une « contrereprésentation », en présentant la problématique du sujet d’étude. Seconde étape : l’analyse documentaire L’idée spontanée ne collant plus : l’élève doit de la situation-problème donc modifier ses représentations initiales Il s’agit de : en : - découvrir la situation historique, - enquêtant : en cherchant d’autres - la raconter dans un court solutions, des réponses à la paragraphe. problématique dans les premiers supports du corpus documentaire distribué, - répondant à une série de questions, - discutant : les réponses sont confrontées dans une phase de restitution puis validées dans un tableau de synthèse composé de trois entrées : quels sont les faits ? où et comment se déroulentils ? qui sont les acteurs ? Troisième étape : la contextualisation ou l’approfondissement de la situation historique Cette dernière phase est indispensable pour que la situation-problème prenne du sens. C’est la confrontation des connaissances acquises précédemment à une réalité spatiotemporelle plus étendue. Cette nouvelle situation aboutit à un premier paragraphe : l’élève doit raconter la situation posée en s’appuyant sur le tableau. L’analyse dialoguée des derniers documents du corpus documentaire va compléter la situation historique en : - validant les notions et le savoirfaire abordés dans la phase précédente, - abordant les conséquences d’abord puis les causes ensuite (début d’explication rationnelle), - replaçant la situation dans une chronologie plus longue. Cette situation enrichie complète le travail écrit, argumenté des élèves en répondant à d’autres questions : cette situation est-elle unique ? peut-on repérer des situations similaires ou identiques dans d’autres lieux à la même époque ? 6. Les avantages de cette nouvelle démarche Ce dispositif pédagogique permet à l’enseignant d’aller à l’essentiel en : - Canalisant l’intérêt du public : l’activité de recherche est maintenue par la relance du problème (sans souffler la solution), - Amenant les élèves à « sanctionner les hypothèses incorrectes ou infondées » et à valider celles qui vérifient une solution (évaluation formative), Itinéraires n°14 – Novembre 2005 - Amenant les élèves à mesurer les modifications entre leurs premières représentations et les nouvelles par un travail d’expression écrite qui prend alors tout son sens (réponse argumentée à une problématique), Réduisant les séquences d’apprentissage : à deux ou trois séances, sur trois à six heures avec l’évaluation, Constituant des corpus documentaire plus simples, Repensant les évaluations sommatives en s’appuyant sur l’évaluationtransfert : sur une évaluation proche dans le temps et proche des situations étudiées, sur une évaluation qui pourra demander à l’élève de reproduire partiellement un cheminement analogue : une vérification des compétences ou des connaissances et notions acquises. 7. Les limites de la situation-problème Cette démarche pédagogique est « fortement » conseillée mais, comme toute proposition, comprend quelques limites : - En présentant une situation particulière, la situation se limite à un genre de problème qui réduit les perspectives : on ne peut donc tout comprendre d’un phénomène historique ; - Elle peut entraîner à la longue une certaine lassitude liée à la répétition d’une démarche identique ; - Certains sujets d’étude, proposés à divers niveaux d’enseignement, ne se prêtent pas à une telle approche pédagogique : la situation-problème n’est donc pas une « solution miracle » qui va tout régler d’un coup de baguette magique. 8. Proposition d’une situation-problème en classe de CAP Plusieurs thèmes du programme d’Histoire, à travers les sujets d’étude proposés, permettent une approche historique fondée sur l’étude d’une situation-problème : un conflit armé, l’évolution des pratiques culturelles, les transformations d’un métier…Retenons cette dernière situation qui n’est pas historique à priori mais va se transformer en situationproblème grâce à l’accroche proposée et à la problématique sélectionnée, en montrant comment les gestes, les tâches, les activités effectuées ont été modifiées par l’évolution d’un objets technique : la machine à écrire et appuyant la recherche et la réflexion sur des documents d’auteurs. Le corpus documentaire est constitué de supports issus pour la plupart de sites Internet : essentiellement des témoignages et des photographies. Séquence : Les transformations du métier de secrétaire Problématique : Secrétaire : comment ce « métier de femme » a-t-il évolué ? Objectifs de la Supports séquence retenus Titres des séances Accroche Photographie Notions retenues Apprentissage prescrit Images Pour lancer la séquence : d’une belle - Partir d’une question : à femme votre avis, quelles sont les habillée, qualités requises pour face à un exercer le métier de clavier, secrétaire ? ou quel est le avec un métier exercé par cette téléphone, femme ? Justifiez votre métier qui affirmation. disparaît… - Pour lancer une contreItinéraires n°14 – Novembre 2005 Séance 1: Les Textes et nouvelles missions témoignages assurées par les secrétaires représentation : d’après vous, c’est seulement un métier de femme « BC, BG », derrière un ordinateur … ! Et poser la problématique. Les élèves répondent à une série de questions : - D’après ce texte, que peut-on dire du métier de secrétaire aujourd’hui ? - Quelles sont ses principales missions ? - Quelles sont celles qui ont essentiellement disparu ? - Que pouvez-vous en déduire sur l’évolution de ce métier ? Les réponses sont dialoguées et validées dans un tableau à trois entrées (profil actuel, missions d’hier et d’aujourd’hui). Les élèves racontent en quelques lignes quelle est la place de ce métier aujourd’hui et quelles sont les principales qualités attendues pour l’exercer. Séance 2: les Photographies changements liés à et l’introduction de témoignages l’ordinateur Les élèves doivent répondre à de nouvelles questions : - Quels sont les changements observés entre ces deux photographies ? - A quel moment s’est produit ce cette rupture ? A quel système technique correspond cette rupture ? - Quelles sont les tâches supplémentaires que l’on peut accomplir avec un ordinateur ? Après la mise en commun, les élèves doivent compléter leur trace écrite en expliquant les causes de l’évolution du métier et ses conséquences. Séance 3 : Evaluation Nouveau Un autre métier en corpus pleine transformation réaliser à Choisissez un emploi précis dans votre future branche d’activité puis rédigez un texte d’une dizaine de lignes dans lequel vous montrerez comment les tâches de cet emploi ont évolué en étroite relation avec Itinéraires n°14 – Novembre 2005 les transformations techniques. Vous compléterez ce travail par quatre documents significatifs (à chercher au CDI ou sur Internet). D’autres situations-problèmes appliquées à d’autres niveaux d’étude seront présentées dans les futurs « Itinéraires » : situations qui seront pour la plupart traitées lors des stages d’Histoire présents dans le PAF 2005-2006. Si vous n’êtes pas convaincus par ces quelques pages, pensez à une certaine publicité qui proposait le slogan suivant « Essayer, c’est l’adopter ». Ce pourrait être les mots de la fin. Relisez les programmes d’Histoire, choisissez une situation-problème autour d’un sujet d’étude, sélectionnez quelques documents-clés et proposez le tout à vos élèves, « vous m’en direz des nouvelles… ». Quelques éléments de bibliographie - Faire vivre de véritables situations-problèmes par De Vecchi Gérard, CarmonaMagnaldi Nicole, Hachette-Education ; « Situation-problèmes » par J-P Astolfi dans le Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, Paris Nathan « Université » 1994. « Les situations-problèmes en histoire » dans Analyser et gérer les situations d’enseignement-apprentissage, Actes du 6ème colloque INRP ; La situation-problème en histoire enseignée (exemples de situation) par F.Clerc. Jean-Philippe Schroter, Formateur Histoire-Géographie Adresse mail : [email protected] Itinéraires n°14 – Novembre 2005