Université de Liège, 18-20 mars 2010 RÉSUMÉS – ABSTRACTS
Transcription
Université de Liège, 18-20 mars 2010 RÉSUMÉS – ABSTRACTS
IDENTIFIER & DÉCRIRE L’EMPRUNT LEXICAL IDENTIFYING & DESCRIBING LEXICAL BORROWING Université de Liège, 18-20 mars 2010 RÉSUMÉS – ABSTRACTS (alphabetical order) Salih AKIN (Université de Rouen – LiDiFra) Les emprunts lexicaux en langue kurde Malgré leur poids quantitatif, les emprunts en langue kurde n’ont pas fait encore l’objet d’une étude approfondie. Cette absence est d’autant plus dommageable que le kurde, langue indoeuropéenne parlée en Irak, en Iran, en Syrie, en Turquie ainsi que dans une diaspora forte d’un million d’individus en Europe, est en contact avec plusieurs langues (le turc, l’arabe, le persan dans les territoires kurdes, le français, l’anglais, l’allemand en Europe). Fruit du contact de langues, le kurde emprunte des mots dans les domaines relevant généralement du discours scientifique, politique et social. Un fond lexical d’origine arabo-persane est ainsi assimilé au vocabulaire actuel de la langue et utilisé de telle sorte que les locuteurs ne pensent plus à son origine étrangère. Mais depuis une vingtaine d’années, la constitution d’une diaspora kurde en Europe, le développement des médias kurdes et de technologies de l’information et de la communication nécessitent de nouveaux mots et amplifient les pratiques d’emprunt au français, à l’anglais, à l’allemand. La situation linguistique de la langue (la structure polydialectale comprenant plusieurs dialectes et parlers locaux, son écriture en trois alphabets distincts) et sa situation sociolinguistique (absence d’un statut officiel, d’enseignement public) créent également un terrain propice à l’emprunt. Dans cette configuration complexe, renforcée par l’absence d’institutions nationales de standardisation et de terminologie, les pratiques et l’intégration des emprunts en kurde deviennent une mission accomplie par des usagers professionnels de la langue, tels que les journalistes, écrivains ou activistes de la langue qui, par ce biais, contribuent au renouveau de la langue. Nous proposons dans cette communication d’étudier les pratiques d’emprunts en kurde à travers un corpus constitué d’articles issus de supports écrits (journaux, livres, dictionnaires, sites Internet, etc.) diffusés essentiellement à l’étranger. Le corpus comprend trois journaux Peyama Kurd (Allemagne), Azadiya Welat (Kurdistan), deux revues Kurmanjî (Paris), Berbang (Suède), une encyclopédie junior Ansîklopediya Zarokan (Suède), un dictionnaire bilingue kurde – turc (Turquie) et quatre sites Internet d’information Nefel (Suède), Netkurd (Suède), Peyamner (Kurdistan), Kerkuk – Kurdistan (Suède). -1- La variété des supports et des situations nous permettra tout d’abord de distinguer dans le corpus ce qui relève spécifiquement des emprunts, des xénismes et des pérégrinismes. Les niveaux d’analyse concerneront d’une part les contraintes phonétiques et la forme graphique dans et par laquelle les emprunts sont intégrés. Par exemple, les mots alerjî, alfabe, ampûl, anons, asansor, astronot, atolye permettent de constater que le kurde emprunte et interprète directement la forme phonologique et non graphique de la langue source. D’autre part, l’analyse portera sur l’intégration morphologique et sémantique des emprunts. Après avoir repéré les catégories grammaticales des emprunts, nous verrons comment les substantifs sont pourvus d’un genre grammatical et utilisés pour créer de nouvelles unités lexicales en kurde. Les mots étrangers référant aux êtres non-animés se voient attribuer le genre grammatical féminin en kurde, alors que le genre des êtres animés suit leur genre naturel. Ainsi, par exemple, même si les mots enstîtû, atolye, bale sont empruntés au français et de genre masculin, ils sont du genre féminin en kurde. Par ailleurs, les adjectifs aussi ont tendance à être orthographiés dans leur forme féminine (efektîv, prodûktîv, konservatîv). Les adjectifs déverbaux desentralîze, deșîfre, mîlîtarîze, terorîze, sosyalîze sont très productifs dans la construction des verbes. A défaut d’emprunter des verbes dans leur forme initiale, le kurde semble faire appel aux adjectifs déverbaux pour contourner les contraintes morphosyntaxiques. Les deux verbes auxiliaires du kurde utilisés dans ces constructions sont bûn (être) et kirin (faire), selon que l’on donne une modalité transitive ou intransitive aux nouvelles constructions. Nous analyserons enfin les changements sémantiques, peu nombreux, dans le processus d’intégration des emprunts (par exemple, apartiman emprunté au français dans le sens d’immeuble). Bibliographie AKIN, S., 2002 : « Motivations phonologiques de la neutralisation d’une catégorie grammaticale dans un parler du kurde », in LINX n°45 : 147-155. AKIN, S., 2006 : « L’alphabet kurde adapte aux caractères latins », in HONVAULT-DUCROCQ, R. (DIR.) : L’orthographe en questions, Collection DYALANG. PURH : 321-333. AKIN, S., 2007 : « Intégration graphique des emprunts en langue kurde », in Actes du colloque « Ecritures en contact ». Paris : Université de Paris III-Sorbonne : 27-42. CATACH, N. (dir.), 1995 : La variation graphique et les rectifications de l’orthographe française (1990). Paris : Larousse (Langue française, n°108). HAIG, G., 2002 : « The corpus of contemporary Kurdish newspaper texts (CCKNT) : A pilot project in corpus linguistics for Kurdish », in Kurdische Studien (1)2. Berlin : 148-155. HONVAULT, R., 1995 : « Statut linguistique et gestion de la variation graphique », in Langue française, n°108 : 10-17. HOUDEBINE-GRAVAUD, A.M. (dir.), 2003 : L’imaginaire linguistique. Paris : L’Harmattan. LEROY, S., 2006 : « Glasnost et perestroïka. Les pérégrinations de deux russismes dans la presse française », in Mots, Les langages du politique, n° 82, L’emprunt et sa glose. RONDOT, P., 1935 : « Trois essais de latinisation de l’alphabet kurde », in Bulletin d’études orientales, tome 5. Damas : 1-31. SABLAYROLLES, J- F., 2002 : « Fondements théoriques du traitement des néologismes », in Revue française de linguistique appliquée, n°7 : 97-111. WALTER, H., 2005 : « L'intégration des mots venus d'ailleurs », in Apprentissage des langues et systèmes d'information et de communication (ALSIC), vol. 8, n° 1 : 35-44 (http://alsic.ustrasbg.fr/v08/walter/alsic_v08_03-rec3.htm, mis en ligne le 15/11/2005). NIKLAS-SALMINEN, A., 2006 : « Le xénisme français laïcité en finnois contemporain », in Mots. Les langages du politique, n° 82, L’emprunt et sa glose : 37-47. -2- Showqi BAHUMAID (University of Sharjah) Semantic Change and Morpho-syntactic Integration of English Loanwords in Colloquial Arabic 1. Context of the Borrowing This study investigates English loanwords in colloquial Arabic, in particular Aden Arabic, the author’s native dialect. Aden Arabic is the colloquial variety spoken in Aden, the business capital of the Republic of Yemen and its main port. Prior to the reunification of Yemen in May 1990, Aden was the capital city of the southern part of Yemen which had been ruled by Britain from 1839 until 1967. During the British rule of what was then Southern Arabia, Aden had a special status as a crown colony. It witnessed a heavy British military presence of some 20000 soldiers and officers and was a bustling business centre in the region. During the British rule of Aden, objects of different sorts (mechanical, electrical, etc.) poured in from the new culture into the local community. As AA lacked the resources to name those objects and in view of the limited use of Standard Arabic due to widespread illiteracy, Adenis had to borrow from English to fill the lexical gaps in their dialect. 2. Data collection The data for this study consist of 406 English-origin words in Colloquial AA. The data has been culled from both oral and printed sources on AA. 3. Categories and Areas of Use of the English Loanwords in Aden Arabic The following table indicates the categories of the loanwords and their numbers: Mechanical & Electrical 88 (21.7%) Vehicles & related items 62 (15.3%) Food, Drink & Clothing 58 (14.3%) Sports & recreation 47 (11.6%) Military Administration Business Medical 30 (7.4%) Total: 406 (100%) 26 (6.4%) 22 (5.4) 18 (4.4%) Other 55 (13.5%) 4. Data Analysis 4.1. Phonological Changes in the Loanwords 4.1.1. Sound Nativization. This process involved the substitution of the SL consonants that are absent in AA by their closes counterparts. Examples: /p/ → /b/ (binsil ‘pencil’); /ʌ/ → /a/ (raf ‘rough’); /ɔ/ → /u/ (ubre:tar ‘operator’) 4.1.2. Phonological Processes. [1] Assimilation of some consonants in specific phonetic environments as in the assimilation of /d/ to /b/ in the vicinity of /m/ in ha:mbo:l ‘handball’ and ha:mbre:k ‘handbrake’. [2] The pharyngealization of /s/ (e.g. bo:naS ‘bonus’) and /t/ (e.g., Turshle:t ‘torch’). [3] Gemination, that is, consonant doubling e.g. fannash ‘finish’; shayyak ‘check’. [4] Metathesis e.g. balanti ‘penalty’; ro:fal ‘loafer’. [5] Devoicing e.g. bo;tar ‘powder’; SalaT ‘salad’; burt ‘board’. 4.1.3. Consonant Clusters. Although the presence of a consonant cluster in word-initial position is rather rare in AA, it has surfaced in several English words loaned to this Arabic dialect. Examples: gze:z ‘exhaust’; shlin ‘shilling’; fyu:z ‘fuse’; sbe:r ‘spare’. In some cases, however, a vowel has been inserted to break the consonant cluster (e.g., qala:S ‘glass’). In a few other instances, a vowel has been preposed to break the wordinitial consonant cluster (e.g., isbring ‘spring’; iskru ‘screw’). -3- 4.1.4. Sound or Syllable Deletion. [1] Deletion of a sound in word-final position e.g. le:san ‘license’. [2] Elision of a syllable in word-initial or word-final positions e.g. se:kal ‘bicycle’; shle:shante:b insulation tape. [3] Deletion of the first or second element of some English compound nouns loaned to AA (Examples: English air-conditioner and short-circuit → AA kande:shan and shurt ) 4.2. Morphological Changes in the Loanwords The word-class membership of the loanwords: about 90% are nouns; loan adjectives totaled 27 (6%), while loan verbs are very limited i.e. 21 (5%). 4.2.1. Loan nouns. [1] Gender assignment. The principles that govern this process in native AA words have been applied to borrowed ones with a few exceptions. Thus, masculine nouns tend to end with a consonant (e.g., aryal ‘aerial’; bre:k ‘brake’; kabat ‘cupboard’) while feminine ones end with the feminine marker -ah (e.g., astama ‘asthma’; sho:tah ‘shot’). [2] The pluralization of AA loan nouns. It follows the same rules that apply to native ones. Examples. Regular masculine nouns: shilina:t ‘shillings’; tyuba:t ‘tubes’; fa:wila:t ‘fouls’; regular feminine nouns: baranda- baranda:t ‘veranda- verandas’; irregular plural forms: laya:sin ‘licenses’; mawa:tir ‘motors’; kaba:tin ‘captains’. 4.2.2. Loan Verbs. [1] The English loan verbs have been adapted to native patterns that consist of a root of three or four consonants with vowels inserted between them e.g., barash ‘to brush’; kansal ‘to cancel’. [2] Some English loan verbs are still in use in the daily communication of locals e.g. barash sha‘ruh ‘he brushed his hair’; kansal alijtima:‘ ‘he cancelled the meeting’ fannasho:h ‘they fired him’; shawwat ‘algo:l ‘he shot at the goal’. [3] Several forms derived from loan verbs are created e.g., fannash ‘to fire’; verbal noun → tafni:sh; imperative → finnish; passive participle → mfannash. 4.2.3. Loan Adjectives. Unlike native AA adjectives, loan ones are not inflected for gender or number (Examples: babu:r bre:wit ‘private car’; khe:tam lu:s ‘loose ring’). 4.3. Semantic Changes in the Loanwords 4.3.1. Semantic Narrowing. [1] The retention of only one meaning of the borrowed word e.g. gear ‘gear’ (gear of a car only); qala:S ‘glass’ (a drinking glass only). [2] The restriction of their usage to a specific field e.g. AA ba:k ‘back’, santar ‘centre’, ufSa:yid ‘off-side’, kart ‘card’, o:far ‘over’, sho:tah ‘shot’, balanti ‘penalty’, and fa:wil ‘foul’ are exclusively used in football. [3] Narrowing the referent of the loanword e.g. AA danS refer to Western-style dancing. 4.3.2. Widening or Broadening of the Content of the Loanword. Examples. AA kabat refers to both a cupboard and wardrobe; buks ‘box’ denotes not only professional boxing but also any act of punching. 4.3.3. Transfer of Meaning. Examples. nikis “knickers” (briefs worn by men); tri:k “electricity” (pressure lantern only); galan “gallon” (oil container). 5. Conclusions The infiltration of English loanwords in AA has served the purpose of filling lexical gaps in the dialect in several domains where their SA counterparts were non-existent or inaccessible to locals due to rampant illiteracy. These loanwords have undergone certain phonological, morphological and semantic changes to integrate them into the dialect discussed in the paper. -4- Bibliography BAHUMAID, S.A., 1996 : « Yemeni Arabic dialect studies : A critical evaluation », in Journal of Social Sciences 1 : 5-26. BEESTON, A., 1970 : The Arabic Language Today. London : Hutchinson & Co. British Army School of Languages, 1973 : An English-Arabic Dictionary in Transliteration. Beaconsfield. DAWOD, T., 1952 : The phonetics and phonology of an Aden dialect of Arabic (Ph.D. thesis). London : University of London. FERGUSON, C., 1959 : « Diglossia », in Word 15 : 325-340. GHANEM, M., 1955 : Aden Arabic for Beginners. Hertford : Stephen Austin & Sons. HAUGEN, E., 1949 : « Problems of bilingualism », in Lingua 11, 271-290. HAUGEN, E., 1950 : « The analysis of linguistic borrowing », in Language 26 : 210-231. HAUGEN, E., 1953 : The Norwegian Language in America : A Study in Bilingual Behavior. Philadelphia: University of Pennsylvania Press. KHAN, A.Y., 1957 : Dictionary of Adeni Proverbs. Aden : Ibrahim Rasim Press. MALMKJAR, K. (ed.), 2004 : The Linguistics Encyclopedia. London : Routledge. MYERS-SCOTTON, C., 2006 : Multiple voices : An introduction to Bilingualism. London : Blackwell. STACE, E. V., 1893 : An English-Arabic Vocabulary for the Use of Students of the Colloquial. London. TRAUTH, G. & KAZZAZI, K. (eds), 1996 : Routledge Dictionary of Language and Linguistics. London and New York : Routledge. WEHR, H., 1976 : A Dictionary of Modern Written Arabic. New York : Spoken Language Services. WEINREICH, U., 1953 : Languages in Contact : Findings and Problems. The Hague : Mouton. Éva BUCHI (ATILF – CNRS & Nancy-Université) Comment mesurer le degré d’intégration d’un emprunt linguistique ? Une investigation méthodologique sur la base des russismes romans L’entrée emprunt du Dictionnaire des sciences du langage de F. Neveu (2004) se lit comme suit : Le terme d’emprunt désigne un processus selon lequel une langue acquiert une unité lexicale intégrée au lexique d’une autre langue. L’étendue temporelle de ce processus est très variable et se trouve déterminée […] par la codification plus ou moins rapide d’un fait de discours dans la langue. Le terme d’emprunt a une valeur très large en lexicologie. Elle couvre celle de xénisme (première étape de l’emprunt, correspondant à l’usage d’un mot d’une autre langue exprimant une réalité étrangère à la culture de la langue d’accueil, ou une réalité qui sans lui être étrangère ne fait pas l’objet d’une dénomination spécifique : ex. apartheid, apparatchik). […] Il ne s’agit pas là, emprunt étant polysémique, du sens du terme tel qu’il est actualisé dans le titre de notre intervention, où il faut comprendre, selon une formulation inspirée de celle de F. Neveu, « unité lexicale acquise à travers un processus d’intégration d’une unité lexicale appartenant à une autre langue ». Mais cette définition est opératoire pour notre propos dans la mesure où elle met en avant les notions de processus et de codification (nous parlerions, plus précisément, de lexicalisation) et qu’elle insiste sur l’existence de différentes étapes dans le processus en question. Ces étapes peuvent être de deux natures différentes : d’une part, elles concernent le « diachronic change, conceived as a small-step spread across the speech community » (Beeching & Waltereit 2009 : 198) : (1) une ou des occurrence(s) isolée(s) d’une unité lexicale produite(s) par un ou des locuteur(s) (dans notre cas, il s’agira très majoritairement de scripteurs), appartenant à une variété diasystémique particulière (caractéristique -5- d’une région, d’un milieu socio-professionnel etc.) ; (2) stabilisation (lexicalisation) de cette unité lexicale dans une ou des variété(s) du système linguistique ; enfin (3) adoption de l’unité lexicale par l’ensemble de la communauté linguistique : la lexicalisation a atteint le diasystème dans sa globalité. D’autre part – mais les deux processus vont souvent de pair –, ces étapes concernent l’intégration (ou l’adaptation) linguistique : si les premières occurrences d’un emprunt, pour autant que l’on puisse y accéder, présentent en général des caractéristiques, qu’elles soient phonologiques, graphiques, typographiques, morphosyntaxiques ou sémantiques, qui les stigmatisent en tant qu’éléments étrangers, ces marques s’effacent de plus en plus à mesure que croît le nombre de locuteurs possédant l’emprunt. L’hypothèse sous-jacente de notre intervention consiste à postuler que le degré d’intégration d’un emprunt lexical peut se mesurer au nombre d’adaptations (phonologiques, sémantiques etc.) qu’il a subies. Toutefois, comme le besoin d’intégration des différents emprunts est très inégal, nous proposons l’équation suivante : on considérera que l’intégration d’un emprunt est fonction du nombre d’adaptations réalisées parmi celles qui peuvent a priori l’affecter. La base documentaire de la réflexion menée sera constituée de notre monographie consacrée aux emprunts au russe dans les langues romanes (Buchi sous presse [cf. annexe cidessous pour un article échantillon 1 ]). Nous articulerons notre propos selon les trois composantes du signe linguistique telles qu’elles sont conceptualisées dans le cadre de la théorie sens-texte : signifiant, signifié et combinatoire restreinte (cf., pour cette dernière notion, Polguère 2008 : 40) 2 . Seront exclus, en revanche, deux paramètres permettant également de mesurer le degré d’intégration d’un emprunt, mais relevant d’une approche un peu différente : d’une part le marquage typographique (italiques, guillemets etc.), que nous écartons en raison de son appartenance à la parole, d’autre part les formations secondaires (lexèmes construits à partir d’emprunts), qui, si elles relèvent de plein droit de la langue, dépassent le cadre de l’unité lexicale. Concernant le signifiant, on se penchera d’abord sur l’adaptation phonologique, problématisée dans la question classique de Weinreich : « Fundamentally, the problem is whether the borrowed S-morpheme is integrated into the phonic pattern of P, or whether it is rendered in terms of original S-sounds » (Weinreich 1953 : 26). Puis notre attention se portera sur des questions de morphologie constructionnelle comme l’adaptation (russe -acija > roman -┌ation┐) et la captation affixales (russe bojar-e [morphème lexical + morphème flexionnel du pluriel] > français boyard). L’intégration sémantique, et notamment la question de la perte, totale ou partielle, du sème /+russe/, viendra se placer d’elle-même sous le chapitre consacré au signifié. La combinatoire restreinte, enfin, sera abordée d’une part sous l’angle de l’adaptation catégorielle — on pensera notamment au traitement du neutre russe —, d’autre part sous celui de la morphologie flexionnelle (bolcheviki vs. bolcheviks). 1 Dans cette publication, l’ordre de citation des langues romanes est fixe : roumain, italien, français, catalan, espagnol, portugais. 2 « La combinatoire restreinte d’un signe linguistique est l’ensemble des contraintes propres à ce signe qui limitent sa capacité de se combiner avec d’autres signes linguistiques et qui ne peuvent être déduites ni de son signifié ni de son signifiant. Par opposition, la combinatoire libre d’un signe linguistique est sa capacité de se combiner avec d’autres signes linguistiques qui est directement héritée de son signifié et de son signifiant ». -6- Bibliographie sélective BEECHING, Kate & WALTEREIT, Richard, 2009 : « Section III. Lexical variation and semantic change. Introduction », in BEECHING, Kate, ARMSTRONG, Nigel & GADET, Françoise, éd. : Sociolinguistic Variation in Contemporary French. Amsterdam/Philadelphie : Benjamins : 195199. BUCHI, Éva, sous presse : Bolchevik, mazout, toundra et les autres : dictionnaire des emprunts au russe dans les langues romanes. Inventaire – Histoire – Intégration. Paris : CNRS Éditions : 718 pages. NEVEU, Franck, 2004 : Dictionnaire des sciences du langage. Paris : Colin. POLEGRE, Alain, 20082 (20031) : Lexicologie et sémantique lexicale. Notions fondamentales. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal. WEINREICH, Uriel, 1953 : Languages in Contact. Findings and Problems. La Haye : Mouton. Jean-Paul CHAUVEAU (ATIF, CNRS, Nancy) Contacts linguistiques entre français et breton et emprunts du français au breton Les contacts linguistiques entre français et breton sont caractérisés par un échange inégal, entre une langue majeure ou majorée et une langue mineure ou minorée, et ceci tout au long de leur histoire. A partir du 16e siècle la Bretagne a été intégrée au royaume de France, mais antérieurement cette principauté était partagée linguistiquement entre une moitié occidentale de langue celtique et une moitié orientale, de langue française, où se trouvait le centre du pouvoir depuis le 10e siècle. La langue dominante dans les usages administratifs, qui avait d’abord été le latin, comme partout en Europe, était devenue progressivement, dès la période médiévale, le français. Cette situation avait déterminé très tôt une hiérarchisation des langues en présence localement, qui n’a fait que s’accroître avec le temps. On n’a pas d’oeuvre littéraire en breton avant la fin du Moyen Age et, par la suite, la littérature bretonne s’est placée sous la dépendance artistique et linguistique de la littérature française. Le breton s’est confiné aux échanges intérieurs, de plus en plus limités à l’oralité quotidienne des milieux ruraux, tandis que le français était dévolu à l’usage linguistique citadin et aux relations avec l’extérieur. Au cours du 20e siècle les locuteurs du breton étaient tous devenus bilingues et la proportion des Bretons francophones unilingues n’a fait que croître. Le résultat, c’est que les contacts linguistiques entre les deux communautés ont déterminé une dissymétrie totale des emprunts. – Quant au nombre, le breton a emprunté des milliers de mots au français, le flux ayant commencé dès la période médiévale, tandis qu’au contraire le français contemporain ne compte que quelques dizaines de mots qui sont considérés, avec plus ou moins de certitude, comme empruntés au breton. Si l’on cumule les emprunts de toutes les époques et de toutes les variétés de la langue, on ne dépasse pas de beaucoup la centaine d’unités. – Du point de vue de la nature grammaticale des emprunts, la dissymétrie est semblable : les emprunts du breton relèvent de toutes les catégories grammaticales, du substantif à la préposition ou la conjonction, quand les emprunts du français ne comprennent pratiquement que des substantifs. – Du point de vue du référent, les emprunts du breton au français concernent les réalités scientifiques et techniques, aussi bien que les réalités de la vie quotidienne, alors que les emprunts du français au breton couvrent essentiellement des caractéristiques locales, voire des spécificités de la culture bretonne. -7- – Du point de vue du registre, le breton emprunte au vocabulaire savant du français, aussi bien qu’au vocabulaire courant et qu’à l’argot, tandis que le français n’emprunte pratiquement que des dénominations de réalités concrètes, qui peuvent seulement par exception pénétrer dans le vocabulaire scientifique français. – Du point de vue de la diffusion des emprunts, le gros des emprunts romans au breton est confiné dans la zone frontale de contacts interlinguistiques. A l’inverse, les emprunts au français entrent en Bretagne par toutes les façades, donc par un contact surplombant. Le français est véritablement la Dachsprache, la langue-toit du breton. On voit très clairement une directionalité de l’emprunt, une polarité positive et une polarité quasi négative. Si l’on veut déterminer les conditionnements des emprunts, le pôle qui est le plus accueillant aux emprunts, où donc, à première vue, tout peut s’emprunter, n’est pas le terrain le plus propice. Il est préférable d’examiner le domaine où les contraintes sont les plus fortes et où existent des barrières à l’emprunt, c’est-à-dire du côté du français vis-à-vis du breton. La faiblesse du volume des emprunts français au breton qui sont enregistrés par la lexicographie française n’est pas seulement un artefact dû à la méconnaissance de cette langue. Des évidences pour l’étymologie du français restent inaperçues de la lexicographie française, mais, en sens inverse, cette méconnaissance peut entraîner des surévaluations. Il est possible de mettre en évidence des conditions générales qui permettent d’expliquer certains cas d’emprunt. Certaines techniques sont très longtemps restées localisées et leur vocabulaire n’a été intégré que très tardivement au lexique français, marqué par de nombreux régionalismes, comme le domaine des marais salants, par exemple. Les emprunts au vocabulaire des spécialités culinaires s’intègrent à un ensemble lexical du français où toutes les provinces de France sont représentées. Dans le domaine scientifique, la géographie se caractérise par sa propension à emprunter tous azimuths des dénominations de configurations de terrain. La catégorisation des emprunts avérés au breton permet de spécifier les conditions qui sont les plus favorables et celles qui sont les plus défavorables à l’emprunt au breton. Les plus favorables sont celles d’un milieu bilingue, où un lexique d’interférence peut se stabiliser localement et passagèrement, où des mots de discours peuvent passer d’une langue à une autre régionalement, où peuvent se lexicaliser des calques ou des emprunts sémantiques et où les spécificités régionales peuvent être dénommées par des régionalismes d’extension assez large. Une telle situation de bilinguisme peut avoir existé transitoirement à date ancienne et s’être résolue par un changement de langue. La langue supplantée ne subsiste plus que comme substrat, stade ultime du bilinguisme. Effectivement on rencontre dans les zones romanes anciennement de langue bretonne, des marques d’une imprégnation celtique ancienne. Mais elles sont beaucoup plus importantes en matière onomastique que linguistique. Cependant ces reliques substratiques sont le plus souvent des emprunts totaux, mais peuvent aussi représenter des calques, des emprunts sémantiques, ou bien des formes hybrides. Mais, tous comptes faits, la notion de substrat, quoique indispensable, se révèle peu rentable. Une autre modalité de cette même situation linguistique, c’est le contact frontalier entre les deux langues. Bon nombre des emprunts se concentrent le long de la frontière linguistique, là où les deux communautés linguistiques se rencontrent et ont des échanges -8- économiques et sociaux. Quelques emprunts à valeur stigmatisante peuvent ou ont pu connaître une fortune singulière. Par contre un certain nombre de configurations se montrent extrêmement défavorables à l’emprunt ; ce sont typiquement celles où les cas d’emprunts avérés font totalement défaut ou bien font figure d’exception. Il faut prendre acte que le français ne peut vraisemblablement pas avoir emprunté au breton un adjectif, ou bien un élément de composition, ou bien un préfixe, comme on en a présenté hypothétiquement quelques cas. Le français doit son vocabulaire maritime au normand et à l’occitan. Les emprunts au breton dans le domaine de la construction navale et de la navigation ne quittent pas le plan régional. Les emprunts au vocabulaire de la pêche restent confinés eux aussi dans le français régional. Les quelques substantifs d’origine bretonne de ce domaine référentiel qui se soient intégrés au lexique français y sont en concurrence avec d’autres dénominations, ce qui rend suspects les quelques emprunts français au breton qu’on propose pour ce domaine. Les emprunts de date ancienne sont rares, ce qui fait douter de la réalité de quelques emprunts hypothétiques qu’on fait remonter à la période médiévale. Assez souvent c’est l’aire géographique couverte par un type lexical qui lui vaut d’être imputé au breton, mais ce critère devrait être utilisé plus rigoureusement qu’on ne le fait. Elisabeth DÉVIÈRE & Michèle GOYENS (Katholieke Universiteit Leuven) Emprunt sur emprunt dans le vocabulaire médical médiéval : le cas des traductions latine et française des Problèmes d’Aristote Ensemble de questions de philosophie naturelle, les Problèmes aristotéliciens consacrent plusieurs chapitres à la médecine. Au Moyen Âge, les Problèmes ont été traduits successivement du grec vers le latin (ca 1260) par Barthélemy de Messine, puis du latin vers le français (ca 1380) par Évrart de Conty qui s’inspire également du commentaire latin de Pietro d’Abano joint à la traduction latine des Problèmes. Au Moyen Âge tardif, les emprunts lexicaux sont abondants dans les traductions de textes scientifiques : ils sont considérés comme un moyen d’enrichir le vocabulaire de la langue d’arrivée dans un domaine de connaissance spécialisé. Dans le cadre de cette étude, nous analysons les emprunts lexicaux apparaissant au sein des traductions médiévales des Problèmes en nous concentrant sur les emprunts de termes médicaux au grec, effectués directement depuis cette langue, dans le cas du latin, ou en passant par le latin, pour ce qui est du moyen français. Il s’agit de relever les critères indiquant le degré d’intégration de ces emprunts (cf. par ex. Biville 1989) dans les langues d’arrivée en mettant en évidence les spécificités liées à celles-ci. Cette étude permet en outre d’illustrer, à partir d’exemples concrets, le rôle joué par la médiation latine sur la forme revêtue par les termes d’origine grecque en moyen français, en particulier à partir de termes d’origine grecque introduits pour la première fois en moyen français par Évrart de Conty dans sa traduction des Problèmes. Le premier critère qui nous renseigne sur le degré d’intégration du terme est sa fréquence dans un double corpus de contrôle représentatif de la terminologie médicale en latin médiéval et en moyen français. En effet, lorsque Barthélemy de Messine exécute sa traduction des Problèmes, au milieu du 13e siècle, l’Occident latin dispose déjà d’une abondante littérature médicale ainsi que d’une terminologie spécifique, essentiellement -9- promue par les traductions latines des 11e et 12e siècles. Cette terminologie est constituée de nombreux emprunts au grec, mais aussi à l’arabe. Dans sa traduction des Problèmes, Barthélemy se conforme généralement à cette terminologie contemporaine et s’il lui arrive d’utiliser un emprunt à l’arabe ou un terme grec non usuel en latin (cf. flegmasia, ixia), il recourt essentiellement à des emprunts de mots au grec fréquents dans la littérature médicale latine de son temps (Dévière 2007 et 2010) (cf. flegma, colera, causon, cataplasma, etc.). Évrart de Conty, pour sa part, doit rendre en langue vernaculaire des concepts pour lesquels son prédécesseur pouvait s’appuyer sur une base solide. Des recherches récentes (Goyens 2005 ; Goyens 2007) ont montré qu’Évrart élabore un nouveau vocabulaire, en forgeant maint néologisme (cf. flegmasie, causonide). Mais ce traducteur s’inscrit aussi, à l’instar de Barthélemy de Messine, dans une période où beaucoup de concepts médicaux ont déjà trouvé leur expression en français, notamment par le biais d’emprunts de mots. A l’instar de son prédécesseur, Évrart se conforme à la terminologie en vigueur dans la langue d’arrivée (cf. flegme, flegmatique, apoplexie). La structure phonologique des emprunts du latin au grec indique différents moments dans l’entrée de ces mots grecs dans la langue latine. Ainsi on peut distinguer des emprunts anciens ayant subi une évolution phonétique à l’intérieur de la langue latine (cf. crapula < κραιπάλη) d’emprunts plus tardifs qui témoignent d’évolutions phonétiques en latin et/ou en grec (cf. epilensia < gr. ἐπιλη(μ)ψία 3 ). Dans la traduction d’Évrart, nombre d’emprunts au grec s’éloignent de la forme du grec attique classique du 5e s. av. J.-C. et reposent sur la forme de l’emprunt au grec en latin médieval (cf. m.fr. obtalmie < lat. obtalmia, m.fr. dissintere < lat. dissinteria, m.fr. epilencie < lat. epilensia). Outre leur fréquence et l’adaptation au système graphique et phonologique du latin et du moyen français, l’intégration des termes médicaux d’origine grecque à la langue médicale latine se marque au travers de leur adaptation aux structures morphologiques du latin. Ainsi par exemple l’intégration des noms grecs en -α se fait naturellement au sein de la première déclinaison latine, tandis que les verbes en -ίζειν entrent dans la série latine des verbes en izare, qui entrent à leur tour dans celle des verbes en -isier en moyen français. Nombre de ces emprunts donnent lieu en latin à des dérivés (cf. corizalis, ypostasivus, morfeari) qui vont parfois jusqu’à constituer de véritables séries dérivatives (ex. apostema, apostematio, apostemosus, apostemari ). Enfin, dans le cas d’un texte traduit, un critère supplémentaire peut nous renseigner sur l’intégration des emprunts dans la langue d’arrivée, à savoir la méthode de traduction pratiquée par le traducteur. Ainsi, on observe de nombreux emprunts au grec dans la version latine des Problèmes qui ne consistent pas en des emprunts du terme source dans le texte original, ce qui confirme le recours du traducteur à une terminologie contemporaine standardisée (ex. colera en face de χολή en grec, ptisis en face de φθόη ou encore apostema en face de φῦμα). De tels écarts formels sont plus rares chez Evrart de Conty qui dépend davantage de la terminologie du modèle latin. Contrairement aux emprunts intégrés, la nouveauté des termes se traduit en particulier par la présence plus importante de variantes, de déformations, de binômes synonymiques et de gloses dans les traditions manuscrites des traductions respectives des Problèmes (cf. chez 3 Pour cet exemple, cf. Biville (1990 : 307). - 10 - Évrart escare, … c’est a dire une crouste). Enfin, Évrart utilise également de manière occasionnelle l’emprunt latin au grec sans adaptation au moyen français et en faisant explicitement référence à la terminologie médicale latine (cf. les ainnes, que Aristote appele bubones), ou même le terme non intégré (cf. Les autres, qui sont appelees ‘connopos’ et ‘kianos’ seignefient adustion), pour lequel il se base alors sur le commentaire de Pietro d’Abano. Bibliographie sélective BIVILLE, F., 1989 : « Grec et latin : contacts linguistiques et création lexicale. Pour une typologie des hellénismes lexicaux du latin », in Cahiers de l’Institut de Linguistique de Louvain 15/1-4 : 29-40. ———, 1990 : Les emprunts du latin au grec. Approche phonétique. Tome I. Introduction et consonantisme (Bibliothèque de l’Information grammaticale 19). Louvain-la-Neuve : Peeters. BURIDANT, Cl., 1980 : « Problématique de l’emprunt lexical en latin médiéval », in Cahiers de l’Institut de Linguistique de Louvain 6 : 37-67. CHRYSSAFIS, A., 2003 : La création de mots savants dans le français médiéval. Étude sur un choix de textes de la fin du XIIIe et du début du XIVe siècles, notamment le Roman de la Rose et la Consolation de Philosophie par Jean de Meun. (Forskningsrapporter. Cahiers de la Recherche 20). Edsbruk : Akademitryck. ———, 2004 : « L’emprunt latin au Moyen Age : les mots savants dans quelques textes médiévaux », in Moderna Sprak 98/2 : 164-173. DÉVIÈRE, E., 2007 : « Médecine et traduction au Moyen Âge tardif : le vocabulaire nosologique dans la version gréco-latine des Problèmes d’Aristote », in Revue des Études Latines 85 : 267-281. ———, 2010 : « Les emprunts au grec dans le vocabulaire médical de Barthélemy de Messine », in Latomus : Revue d’Études Latines 69 : 161-181. GOYENS, M., 2005 : « Le lexique des plantes et la traduction des Problèmes d’Aristote par Evrart de Conty (c. 1380) », in Le moyen français : 55-56, 145-165. ———, 2007 : « Fievres causonides, c’est a dire fievres ardans et de grant adustion: Evrart de Conty et l’expression des fièvres », in Cahiers de lexicologie 91/2 : 103-116. Emmanuel DUPRAZ & Sarah LEROY (Université de Rouen & UMR 7114 MoDyCo, CNRS – Université de Paris Ouest Nanterre La Défense) On emprunte bien les noms propres Le point de départ de cette étude est constitué de déonomastiques français relevant de ce qu’on appelle des antonomases lexicalisées (ou antonomases, tout court, la terminologie étant flottante), c’est-à-dire, en termes plus techniques et plus précis, de déonomastiques translatifs (et non suffixés ou résultant d’une ellipse), substantifs, qui résultent d’un processus métaphorique (et non métonymique), par exemple des lexèmes comme crésus, dulcinée, égérie, lovelace, mégère… Pour bon nombre de ces déonomastiques, l’étymologie lexicographique, telle que celle qu’on peut trouver dans les notices étymologiques du Trésor de la Langue Française, laisse entendre qu’il s’agit de transferts linguistiques du latin vers le français, sans préciser si l’emprunt concerne le déonomastique ou le nom propre. Des formulations imprécises entretiennent ce flou. Ainsi pour EGERIE, il est question d’« Empr. au lat. Egeria, nom d’une nymphe que Numa Pompilius disait consulter avant de donner les lois aux Romains », tandis que qu’APOLLON est dit créé « par antonomase, du nom du dieu du Parnasse, Apollon, fils de Jupiter et de Latone, et frère de Diane ». Dans le premier cas, l’accent est mis sur le nom - 11 - propre, dans le second, sur l’antonomase, sans qu’on sache vraiment à quel stade a eu lieu le transfert linguistique. Cette tendance, qui n’est évidemment ni explicitée ni théorisée, nous semble liée à une conception du nom propre mettant l’accent sur ses aspects référentiels et désignatifs, au détriment de son statut lexical. Le nom propre dans cette perspective n’est pas relié à telle ou telle langue, mais aurait (en diachronie bien sûr) un statut « a-linguistique » qui le rendrait utilisable dans toute langue sans que pour autant on puisse parler d’emprunt. Son exclusion des dictionnaires de langue, où on le rencontre essentiellement à propos de déonomastiques, contribue à maintenir cette situation. On montrera dans cette communication que l’étymologie des déonomastiques liés à un nom propre de l’Antiquité peut être précisée. En effet, le retour aux attestations fait apparaître que le latin ne forme finalement guère de déonomastiques de ce type (préférant par exemple la dérivation affixale), et que des emplois métaphoriques du nom propre sont souvent pris, à tort, pour des lexicalisations. Les déonomastiques formés en latin et empruntés au français sont donc des exceptions, la plupart fait l’objet d’une translation déonomastique en français, et non en latin, sur la base de noms propres empruntés, et souvent phonétiquement adaptés au français, comme le fait apparaître le retour aux attestations et leur analyse du point de vue de la linguistique des noms propres. Ces cas permettent de mettre en lumière l’existence d’emprunts de noms propres d’une langue à une autre, existence confortée par la présence de construits morphologiques (bien que, dans le cas qui nous occupe, non marqués morphologiquement). On retracera donc le parcours de ces emprunts (mégère, cerbère, giton, égérie, zoïle, caton, messaline, etc.), dans une perspective étymologique, en indiquant les éventuelles adaptations phonético-graphiques et sémantiques qui y sont liées, et en revenant sur les conséquences que cela peut avoir tant pour la description de l’emprunt interlangues que pour celle du nom propre. Bibliographie BIVILLE, Frédérique, 1998 : « Le statut linguistique des noms propres en latin – approche formelle », in García-Hernández, Benjamín, éd. : Estudios de lingüistica latina – actas del IX coloquio internacional de lingüistica latina – Universidad autonóma de Madrid – 14-18 de abril de 1997. Madrid : Ediciones Clásicas : 825-839. ———, 2001 : « Du particulier au général : noms propres et dérivation en latin (les anthroponymes) », in Moussy, Claude, éd. : De Lingua Latina nouae quaestiones – actes du Xe colloque international de linguistique latine – Paris-Sèvres, 19-23 avril 1999. Louvain : Peeters : 13-25. BÜCHI, Éva, 1993 : « Le traitement des déonomastiques dans le FEW », in Hilty, Gerold, éd. : Actes du XXe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Zürich, 1982), tome IV. Tübingen/Basel : Francke Verl. : 69-78. ———, 2005 : « Le projet TLF-Étym (projet de révision sélective des notices étymologiques du Trésor de la langue française informatisé) », in Estudis romànics 27 : 569-571. DUPRAZ, Emmanuel, et LEROY, Sarah, 2008 : « La linguistica del nome proprio al servizio del trattamento lessicografico dei deonomastici francesi », in D’Achille, Paolo, et Caffarelli, Enzo, éds : Lessicografia e Onomastica 2. Atti delle Giornate internazionali di Studio. Università degli Studi Roma Tre – 14-16 febbraio 2008. Roma : Società Editrice Romana : 483-495. FONTANT, Magali, 1998 : « Sur le traitement lexicographique d’un procédé linguistique : l’antonomase de nom propre », in Cahiers de lexicologie 73-2 : 5-41. FORCELLINI, Egidio, 1859-1887 : Totius latinitatis lexicon. Opera et studio Vincentii De Vit. Prati : Typis Aldinianis. - 12 - GEORGES, Karl Ernst, 1913-1918 [1831/1831] : Ausführliches lateinisch-deutsches Handwörterbuch. Hannovre/Leipzig : Hahn. IMBS, Paul, & QUEMADA, Bernard, dir., 1971-1994 : Trésor de la Langue Française. Dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle (1789-1960), 16 volumes. Paris : Éditions du CNRS/Gallimard. JONASSON, Kerstin, 1990 : « Métaphores in absentia et la lexicalisation des noms propres », in Actes du XIe congrès des romanistes scandinaves, Trondheim 13/17 août 1990. Trondheim : Institut d’études romanes de Trondheim : 261-271. JONASSON, Kerstin, 1991 : « Les Noms propres métaphoriques : construction et interprétation », in Langue française 92 : 64-81. LEROY, Sarah, 2004 : De l’Identification à la catégorisation. L’antonomase du nom propre en français. Louvain : Peeters. SCHWEICKARD, Wolfgang, 1989 : « Le traitement des formes déonomastiques dans la lexicographie française », in Kremer, Dieter, éd. : Actes du XVIIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Trèves, 1986), tome IV. Tübingen : Niemeyer : 242-253. ———, 1992: « Deonomastik ». Ableitungen auf der Basis von Eigennamen im Französischen (unter vergleichender Berücksichtigung des Italienischen, Rumänischen und Spanischen). Tübingen : Niemeyer. Oxford Latin Dictionary (OLD), 1968/1982. Oxford : Clarendon. Thesaurus linguae Latinae (ThLL), Supplementum, Nomina propria Latina, 1907-1913. Leipzig. VALLAT, Daniel, 2002 : « Les noms propres métaphoriques : aspects référentiels et sémantiques », in Bolkestein, Alide Machtelt, Kroon, Caroline, Pinkster, Harm, Remmelink, Wim, Risselada, Rodie, éds, Theory and Description in Latin Linguistics – Selected Papers from the 11th International Colloquium on Latin Linguistics – Amsterdam, June 24-29, 2001. Amsterdam : J. C. Gieben : 405-419. Francesco GARDANI (Vienna University of Economics and Business) Morphological Integration and Productivity Lexical integration is mostly treated from the perspective of phonology (phonological approximation) and of individual lexical analogies (cf., e.g., André 1956, 1968, 1971; Biville 1981, 1990, 1995, for the integration of Greek words into Latin). Although the most recent research in linguistic typology (e.g., Wohlgemuth 2009, Haspelmath & Tadmor 2009) has extended the horizon of the study of loanword adaptation to include morphology, the issue of lexical transfer has not yet been tackled in light of the decisive factor of morphological productivity. The goal of my contribution is to show the theoretical and methodological relevance of the study of morphological integration in the investigation of inflectional productivity. The object of my investigation is the nominal systems of Latin and of Old Italian. Within the framework of Natural Morphology and particularly within its model of inflectional morphology (Dressler 1997, 2003), and in contrast with analogical models (e.g., Becker 1990), with schema models (e.g., Bybee 1995, 2007) and with psychological models influenced by generative grammar (e.g., Clahsen 1999), productivity is understood as grammatical productivity and envisaged as a “constitutive primitive property of inflectional patterns” (Dressler 2003: 31). It is situated on the level of language as system and, consequently, distinguished from (type and token) frequency, regularity, default status, as well as from surface analogy. As a grammatical concept, productivity can still be defined with - 13 - Schultink (1961: 113) as the possibility for language users to coin, unintentionally, a number of formations which are in principle uncountable. The interface between morphological theory and the study of lexical borrowing is morphological integration. In languages of the inflecting-fusional type, loanwords may be integrated morphologically or they may not. The degree of morphological integration is relevant to the analysis of the inflectional system and subsystems of the receiving language, since it contributes to reveal the degree of productivity of the inflectional microclasses involved in the borrowing process, an inflectional microclass being a set of paradigms which share exactly the same morphological and morpho-phonological generalisations, but may differ in the application of phonological processes (cf. Dressler 2003: 35). The degree of productivity may vary from high to low productivity and can be ranged down along the hierarchical scale originally proposed by Dressler (1997: 6-9, 2003: 36-43) and redesigned by Gardani (2009: 87-93), as follows: A Productivity in the integration of loanwords with unfitting properties (→ high); B Assignment of conversions (→ mid-high); C Inflection class shift (→ mid-low); D1 Productivity in the integration of loanwords with unfitting properties under the influence of a productive derivational suffix of the receiving language (→ low); D2 Productivity in the integration of loanwords with fitting properties (→ low). In Gardani (2009) I have applied this methodological tool to language data covering a timespan of almost 2,000 years. My corpus encompasses all historical stages of Latin from Archaic Latin to Early Medieval Latin and the emergence and evolution of Italian up to 1400. The productivity of the microclasses of the nominal system is examined for quasisynchronic periods and analysed in its evolution. The sub-corpora on the loanword integration (viz. criteria A, D1 and D2) are drawn from the contact settings of Latin with Etruscan and Ancient Greek, and of Old Italian with Germanic languages, Arabic, Byzantine Greek, and Old French. When morphological integration occurs, the primary obstacle to override is the nonsimilarity between the input forms of the paradigms of the receiving language and the output forms. Foreignness constitutes an additional barrier in the process of integration, although a secondary one, since the condition of the speakers’ awareness of the status of a word as foreign has to do rather with the (conscious) level of language as norm than with the level of language as a system of potentialities. Clearly, the criterion of the integration of loanwords with unfitting phonological and morpho-syntactic properties (A) implies the highest value of productivity of the receiving inflectional microclass, e.g., of the Latin microclass rosa rosae as evident in the integration of Ancient Greek ἄργιλλος -ου, ἡ into argilla ‘argil’. Further criteria of productivity which depend on the investigation of lexical borrowing are D1 and D2, which are hierarchically equal. D1 can be well exemplified with the integration of Greek δελφίν -ῖνος, ὁ into Latin delphinus -i ‘dolphin’, under the influence of the productive derivational suffix –inus. An instance of D2 is Old Italian sire ‘sir’ from Old French (sire) sieur. The diachronic analysis that I have conducted on my corpus reveals that the number of the fully productive microclasses (i.e. inflectional richness) decreases from a total of 8 in Pre- - 14 - Classical Latin over 4 in Late Latin to a total of 2 in Old Italian, as shown in the following table. PRECLASSICAL LATIN CLASSICAL LATIN LATE LATIN ITALIAN 700—1400 rosa rosae hortus horti donum doni liber libri cicer ciceris turris turris mare maris lacus lacūs rosa rosae hortus horti donum doni liber libri ∑8 ∑5 rosa rosae hortus horti donum doni liber libri casa case libro libri ∑4 ∑2 lacus lacūs Overall, it is important to point at the great amount of morphological variants especially at Pre-Classical as well as Post-Classical times. In Pre-Classical Latin variation may indicate rivalry of several productive microclasses, whereas in Post-Classical Latin variation may show the instability of the Latin nominal system and its collapse (cf. Gaeng 1984) in the development towards the Romance languages. The analysis of the variants reveals different grades of integration, e.g., Latin stacta vs. stacte ‘gum-resin’ from στακτή -ῆς, ἡ, or poeta vs. poetes from ποιητής -οῦ, ὁ. Lesser integration, i.e. the increased use of Graecising forms after the Pre-Classical period may be due to the enhanced knowledge of Greek on the part of the Romans. Moreover, my data allows observing an increase of indeclinability within the nominal system. As for Latin, there are no indeclinable nouns recorded among the Etruscanisms and the Germanisms; within the Graecisms, there are some indeclinable forms but they either display parallel inflecting variants or have been later attracted by other inflectional microclasses (class shift). Differently, in Old Italian a more consistent amount of nouns which are not declined is attested continuously till 1400. Among both the Arabisms and the Gallicisms, there are indeclinable nouns which do not display any inflectional variant and do not undergo class shift (e.g. auge ‘apogee’ from Arabic AUĞ and (e)smai / ’smai ‘enamel’ from Old French esmai ). The progressive reduction of the number of the fully productive microclasses along with the increasing extent of indeclinability, as evidenced by the analysis of loanwords (non-) integration, are viewed as indicators of a general decline of the role of inflection within the system and come along with the progressive typological shift away from the ideal inflectingfusional type. Bibliography ANDRÉ, Jacques, 1956 : « Nominatifs latins en -us formés sur un génitif grec en -ος », in Bulletin de la Societé de Linguistique de Paris 52 : 254-264. ———, 1968 : « Les changements de genre dans les emprunts du latin au grec », in Word 24 : 1-7. ———, 1971 : Emprunts et suffixes nominaux en latin. Genève : Droz. BECKER, Thomas, 1990 : Analogie und morphologische Theorie. München : Fink. BIVILLE, Frédérique, 1981 : « L'intégration des mots grecs dans les déclinaisons latines, et les problèmes des métaplasmes », in Revue de Philologie, de littérature et d'histoire anciennes 55 : 123-132. ———, 1990 : Les emprunts du latin au grec. Approche phonétique, tome I. Louvain, Paris : Peeters. ———, 1995 : Les emprunts du latin au grec. Approche phonétique, tome II. Louvain, Paris : Peeters. - 15 - BYBEE, Joan, 1995 : « Regular Morphology and the Lexicon », in Language and Cognitive Processes 10 : 425-455. ———, 2007 : Frequency of Use and the Organisation of Language. Oxford : Oxford University Press. CLAHSEN, Harald, 1999 : « Lexical Entries and Rules of Language: a Multidisciplinary Study of German Inflection », in Behavioral and Brain Sciences 22 : 991-1013. DRESSLER, Wolfgang U., 1997 : « On Productivity and Potentiality in Inflectional Morphology », in Clasnet Working Papers (Université de Montréal), 7 : 3-22. ———, 2003 : « Degrees of Grammatical Productivity in Inflectional Morphology », in Italian Journal of Linguistics 15(1) : 31-62. GAENG, Paul (with the assistance of CHAMBERLAIN, Jeffrey T.), 1984 : Collapse and Reorganization of the Latin Nominal Flection as Reflected in Epigraphic Sources. Potomac : Studia Humanistica. GARDANI, Francesco, 2009 : Dynamics of Morphological Productivity. A Synchronic Analysis and Diachronic Explanation of the Productivity of Nominal Inflection Classes from Archaic Latin to Old Italian in Terms of Natural Morphology. Vienna University. PhD Dissertation. [Submitted to press] HASPELMATH, Martin & TADMOR, Uri (éds.), 2009 : Loanwords in the World's Languages. A Comparative Handbook. Berlin : de Gruyter. SCHULTINK, Henk, 1961 : « Produktiviteit als morfologisch fenomeen », in Forum der Letteren 2 : 110-125. WOHLGEMUTH, Jan, 2009 : A Typology of Verbal Borrowings. Berlin : de Gruyter. Maria ILIESCU, Adriana COSTĂCHESCU, Daniela DINCĂ, Ramona DRAGOSTE, Mihaela POPESCU, Gabriela SCURTU (Université de Craiova) Typologie des emprunts lexicaux français dans la langue roumaine (fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique) Bien que l’importance du français pour la définition de la physionomie néo-latine de la langue roumaine contemporaine soit un fait bien connu, on ne dispose pas jusqu’à aujourd’hui d’un travail plus étendu sur l’influence que le français a exercée sur le roumain. L’objectif de notre communication est de présenter le projet de recherche Typologie des emprunts lexicaux français en roumain. Fondements théoriques, dynamique et catégorisation sémantique (FROMISEM) 4 qui a pour but de combler cette lacune. Le projet se propose de faire une analyse, dans la mesure du possible exhaustive, des mots d’origine française en roumain, envisagés de différents points de vue, impliquant : 1. La constitution du corpus L’équipe de recherche est en train de constituer, comme travail préliminaire, un Dictionnaire des emprunts lexicaux français en roumain. Dans un premier temps les entrées, les indications des sens, ainsi que celles étymologiques suivront les données du DEX (éd. 1998) 5 . Les étymologies seront complétées et, le cas échéant, réajustées ultérieurement avec les données du DA, du DLR et du DER. La date de la première attestation sera celle indiquée par 4 Ce projet de recherche, financé par le CNCSIS, institution spécialisée du Ministère de l’Education, de la Recherche et de l’Innovation (MECI), se déroule à l’Université de Craiova (Roumanie), au Département de langue et littérature françaises. 5 Les entrées lexicales seront ordonnées à partir des mots bases, auxquels seront attachés les dérivés formés en roumain, bien qu’il ne soit pas toujours facile de distinguer les mots dérivés en français de ceux dérivés ultérieurement, en roumain. - 16 - Tiktin, ou bien celle qu’on peut déduire à l’aide des exemples cités dans le DA, le DLR ou bien le DLRC. 2. Les aspects étymologiques En ce qui concerne les étymologies, il faut dès le début faire la différence entre (a) les mots pénétrés sans aucun doute du français en roumain (quelle que soit leur origine en français) ; (b) les mots dont la filière de pénétration peut être due non seulement au français, mais aussi à d’autres langues où circule le même néologisme 6 . (En roumain ce type d’étymologie porte le nom d’‘étymologie multiple’, d’après un célèbre article d’Alexandre Graur) ; (c) les mots à étymologie controversée, mais qui n’exclut pas le français. Dans le cas (a) il s’agit de mots dont les dictionnaires roumains indiquent comme origine exclusivement un mot français. Dans le cas (b) on peut encore distinguer deux situations. Les dictionnaires indiquent une source française, mais font en même temps un renvoi à une autre source possible (p. ex. filtru du fr. filtre, cf. it. filtro ; financiar du fr. financier, cf. it. finanziario). À juger d’après le corpus élaboré jusqu’à présent, la plupart des mots font partie de la première catégorie d’étymologies, c’est-à-dire sont des emprunts pénétrés en roumain directement du français. Dans cette catégorie entrent par exemple : fabricant, -ă du fr. fabricant ou bien a fabula du fr. fabuler. Dans la catégorie des emprunts à étymologie multiple, on trouve aussi des lexèmes dont seulement une acception est d’origine française. Ainsi foaie, foi, s.f. «feuille» est un mot hérité du latin, comme dans la plupart des langues romanes. Un des sens du mot roumain est pourtant un emprunt au français. Il s’agit du terme culinaire foaie, d’après le fr. «feuille (de pâte)». 3. Les aspects sémantiques L’objectif majeur de notre projet de recherche est la réalisation d’une typologie de l’évolution sémantique des emprunts au français, tout en tenant compte du sort du mot français source : (i) le sens de l’emprunt a été maintenu dans les deux langues, situation fréquente surtout dans le cas des mots appartenant à un domaine scientifique, technique : cenomanian, desherenţă, galactic, imparisilabic, impunitate, necrobioză, paleografie, toxicoză, etc. ; (ii) absence du sens de base de l’étymon français : le roumain a emprunté le mot avec une acception technique développée en français à partir d’un premier sens, qui n’a pas été emprunté par le roumain : p.ex. le roum. baterie présente des sens concrets (et techniques) empruntés au français batterie («unité d’artillerie», «pile électrique», «ustensiles de cuisine», «instruments à percussion», etc. dont le sème commun est [+ensemble]), mais n’a pas le sens étymologique du mot français, respectivement «action de battre» et «résultat de cette action», sens qui provient du verbe battre, dont dérive batterie ; (iii) le mot roumain a un sens qui n’est pas enregistré parmi les sens de l’étymon français. Dans ce cas on peut distinguer : Les grands dictionnaires étymologiques, tel que le LEI (Max Pfister et alii, Lessico etimologico italiano, Wiesbaden, 1979), qui tiennent compte aussi de la pénétration des lemmes comme néologismes dans d’autres langues pourraient résoudre, au moins partiellement, le problème. 6 - 17 - (a) une spécialisation du sens en roumain par rapport au français (p.ex. à partir de casserole «ustensile de cuisine », le roumain caserolă s’applique aujourd’hui dans l’industrie alimentaire pour désigner l’emballage de certains produits (cf. fr. barquette) ; (b) des sens développés seulement en roumain, donc des innovations sémantiques. Dans le cas du mot poligon le sens «piste aménagée pour les personnes qui apprennent à conduire les véhicules», inconnu en français, est né probablement par association avec le sens «terrain de manœuvre aménagé pour le tir», qui existe tant en français qu’en roumain ; (c) des extensions sémantiques opérées en roumain. Le roum. portbagaj, du fr. portebagages, qui signifie, selon le TLFi : «dispositif accessoire d’un véhicule destiné à recevoir des bagages» et «galerie ou filet (…) d’un véhicule de transport collectif, dans lequel on peut ranger les bagages», a connu une extension pour les voitures (cf. fr. coffre). En revanche le sens «filet [dans les trains, bus, etc.] pour ranger les bagages» n’existe pas en roumain ; (d) une partie d’un terme technique (métaphorique) qui, dépassé par la technique, ne s’est pas maintenu longtemps en français, s’est conservé en roumain, avec un sens changé : le mot roumain bec («ampoule») tire son origine de la locution française bec à gaz du commencement du XXe siècle, qui a été abandonnée, avec la disparition de son référent ; (e) un sens de la langue parlée, familière, qu’on trouve encore dans les dictionnaires français du XIXe siècle, mais plus dans ceux du XXe, continue à vivre dans la langue roumaine parlée. Tel est le cas du mot decoltat, avec le sens «frivole, licencieux» (un banc decoltat «une anecdote frivole»), qui se trouve encore dans le français du XIXe siècle (propos décolletés). Il nous semble que cette étude est à même d’ouvrir de nouvelles perspectives de recherche dans le domaine des emprunts et contiendra indubitablement des suggestions, implicites ou explicites, pour les auteurs des dictionnaires, explicatifs et étymologiques, ainsi que pour tous ceux qui sont intéressés par le phénomène du contact linguistique. Bibliographie sélective BUCHI, Éva & SCHWEICKARD, Wolfgang, 2008 : Le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) : en guise de faire-part de naissance. Lexicographica. International Annual for Lexicography 24 : 351357. GOLDIȘ-POALELUNGI, Ana, 1973 : L’influence du français sur le roumain. Vocabulaire et syntaxe. Paris : Les Belles Lettres. GRAUR, Alexandru, 1950 : « Etimologia multiplă », in Studii și cercetări lingvistice I, 1 : 2-24. ILIESCU, Maria, 1991 : « Habent sua fata verba », in HOLTUS, G. & KRAMER, J., éd. : Das zweisprachige Individuum und die Mehrsprachigkeitin der Gesellschaft. Stuttgart : Steiner : 127128. ———, 2003-2004 : « Din soarta împrumuturilor românești din franceză », in Analele știinţifice ale Universităţii Al. I. Cuza din Iași XLIX-L : 277-280. REINHEIMER-RÎPEANU, Sanda, 2004 : Les emprunts latins dans les langues romanes. București : Editura Universităţii din București. BLOCH, Oscar & WARTBURG, Walther von, 1986 : Dictionnaire étymologique de la langue française. Paris : Presses Universitaires de France. - 18 - Dictionnaires DEX = Dicţionarul explicativ al limbii române, 19982. București : Univers Enciclopedic. DA = Dicţionarul limbii române, 1913-1949. București : Academia Română. DER = CIORANESCU, Alexandru, 2007 : Dicţionarul etimologic al limbii române. București : Ed. Saeculum I.O. DLR = Dicţionarul limbii române. Serie nouă, 1958. București : Editura Academiei. DLRC = Dicţionarul limbii române literare contemporane, 1955-1957. București : Editura Academiei. FEW = WARTBURG, Walther von, Französisches Etymologisches Wörterbuch, I-XVIII, 1922-1928. Bonn, 1932-1940 ; Leipzig, 1944- : Basel. ROBERT, Paul, 19852 : Le Grand Robert de la langue française : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, I-IX. Paris. LITTRÉ, Émile, 1971 [1872] : Le nouveau Littré - Dictionnaire de la langue française. 4 vols. MonteCarlo : Ed. du Cap. (CD-ROM 1998). PICOCHE, Jacqueline, 2002 : Dictionnaire étymologique du français. Paris : Le Robert. REW = MEYER-LÜBKE, Wilhelm, 1935 : Romanisches Etymologisches Wörterbuch. Heidelberg : Carl Winter Universitätsverlag. TIKTIN, Hariton & MIRON, Paul, 1985-1989 [1895] : Rumänisch-Deutsches Wörterbuch. Wiesbaden : Harrassowitz. TLFi = Trésor de la langue française informatisé. Paris : CNRS. Luke MCCROHON (University of Tokyo) Linguistic Integration as Cultural Co-Adaptation This paper formalizes the process of linguistic integration of borrowed features within the framework of a generalized cultural evolutionary theory of language change. The formalization is based on two assumptions of evolutionary theories, firstly that language change is at least partially determined by cultural Darwinian selection (Croft 2000, Ritt 2004) and secondly that this selection acts on language features (such as individual lexemes), rather than on entire languages (Blackmore 1999, McCrohon forthcoming). These limited assumptions should make the analysis compatible with most other theories of language change, including those of a primarily non-Darwinian nature. Formalization of linguistic integration within a Darwinian theory should make it easier to apply evolutionary thinking to a whole range of different problems in areal linguistics, not just those directly concerned with integration itself. Questions concerning rates of borrowing and the status of dialects/varieties are considered particularly likely to benefit. A second contribution of the analysis presented here is that it provides a possible approach to defining degrees of morpho-grammatical integration, which if developed further will likely provide a useful tool in the study of languages in contact. 1. Cultural Evolution of Languages Darwin’s insight into the evolution of life is not dependent on any unique properties of biological systems. In fact it has been argued that any system that exhibits some form of variation, differential replication and heredity will be subject to Darwinian evolution (Dennett 1995). In non-biological systems the mechanisms involved will likely differ (Durham 1991), and natural selection may not always be the only important factor, but if these three properties are present, it will at least be a factor. - 19 - So is Darwinian selection important when discussing language change? Many authors have argued that cultural change meets the requirements necessary to be considered a Darwinian system (Hull 1988, Dennett 1995, Blackmore 1999). And with linguistic knowledge forming a subset of cultural knowledge, it is no surprise that several linguists have also argued for a view of language change as primarily being Darwinian in nature (Croft 2000, Ritt 2004). A Darwinian perspective requires thinking of language change in terms of competition between different variants, with successful variants gradually replacing those less likely to replicate. These competing variants aren’t different versions of a language, but different variants of features within a language. It is individual features that replicate, that are selected and that show variation. This means that instead of viewing languages as monolithic entities, changing systemically over time, evolutionary thinking suggests languages should be treated as aggregates of independently evolving linguistic features. These features are not evolving to promote the transmission of their host language, or to benefit language users, they are selfishly evolving in ways that ensure only their own replication (Keller 1990). Of course feature evolution will often also benefit both the host language and its users, but this is not necessary for change to take place. It has even been argued that, occasionally, cultural evolution may actually be disadvantageous to both the cultural systems and their users (Cloak 1975, Blackmore 1999). While being a significant departure from standard linguistics, the independence and selfishness of features present in many Darwinian theories lends naturally to the integration of areal influences into theories of language change. Features, including lexemes, are not seen as being in anyway bound to a particular language, making their diffusion between languages not unexpected. Horizontal transmission is simply the replication of features into new aggregate language groupings, which differs from language internal genetic transmission only in the source of replicated features. Explanations of borrowing shift away from potential advantages to the languages or their users, and shift to the investigation of the factors that allowed particular features to successfully get themselves replicated in a new language. The features themselves had the same evolutionary motivations to replicate in this new language as they did in their old one; evolutionary selection of those that replicate most. Once a feature is borrowed, feature independence means there is no reason to analyze it differently than native features. From selections’ point of the view, both foreign and native features are identical, and are judged only on their ability to replicate. Of course non-native features may have particular characteristics that effect this ability, but these are unlikely to be restricted to only lexemes of foreign origin. For example, while the perceived degree of “foreignness” of borrowed lexemes is usually higher than that of their native counterparts, this is not always the case (Illés 2006). 2. Linguistic Integration in an Evolutionary Context But even if borrowed features have no unique distinguishing characteristics, they may still differ systematically from native features in ways that effect their selection in their destination language. These differences will be important because following borrowing, features will be in direct competition with native features of their destination language. The - 20 - effects of systematic differences may be positive, such as when borrowed lexemes have high “prestige”, but they are more likely to be negative. The reason for this is that native features (and their predecessors) have been evolving and competing within the same language for an extended period of time and so only those that are well adapted to working together are likely to be present. Any feature that did not work well with other features of the language would be at a competitive disadvantage to any variants that did. In time, such cooperative variants would likely have arisen and replaced the original, resulting in a language where all features are co-adapted. It is this co-adaptation of native features that puts recently introduced features at a competitive disadvantage as they are unlikely fit as well with other features as native features are. But once in use in a new language even borrowed features will be subject to the same process of co-adaptation that has shaped native features. Variations will arise (often consciously introduced by speakers), and be selected between based on how well they work as part of the language. Thus borrowed features themselves evolve to better fit their new linguistic environment. By a similar process the presence of borrowed features can also induce native features to adapt to the new state of the post borrowing language. Thus, over time, borrowed features and native features adapt to each other and become as co-adapted with each other as the original purely “native” features were. This process of co-adaptation is of course just another way of viewing linguistic integration. The sorts of morphological, grammatical, or phonological changes affecting lexemes that allow them to be better integrated within a language, are also the same changes that would be expected to occur as a result of co-adaptation. They are all changes that allow those lexemes to be used more easily and more often, and so also result in them replicating more efficiently within the language. What this means is that Linguistic Integration can be seen as being essentially equivalent to Evolutionary Co-adaptation which is a process constantly operating in all languages, regardless of whether they are in contact or not. No special mechanisms need to be invoked to explain most observed “Integration” changes, which are special only because of what existing mechanisms are being applied to. This explanation, in terms of a more basic process, indicates that evolutionary frameworks may be particularly useful in the study of linguistic integration. Finally, the view of linguistic integration in terms of evolutionary co-adaptation, suggest a possible approach to defining degrees of morpho-grammatical integration. Instead of basing such a measure on inverse difference measurements, co-adaptation suggests that approaches based on complexity of feature interdependence relationships could be more profitable. This would capture both adaptation of features to a language, and of the language to those features. It also allows fine grain analysis within a language as native features will not all be integrated to the same degree, which may prove useful in predicting what features are most likely to be borrowed (McCrohon 2009). Bibliography BLACKMORE, Susan, 1999 : The Meme Machine. Oxford : Oxford University Press. CLOAK, F. Ted, 1975 : « Is a cultural ethology possible? », in Human Ecology 3 : 161-182. CROFT, William, 2000 : Explaining Language Change: An Evolutionary Approach. Harlow, Essex: Longman. - 21 - DENNETT, Daniel, 1995 : Darwin’s Dangerous Idea: Evolution and the Meanings of Life. New York : Simon and Schuster Paperbacks. DURHAM, William, 1991 : Coevolution, Genes, Culture and Human Diversity. Stanford, CA : Stanford University Press. HULL, David, 1988 : Science as a Process : An Evolutionary Account of the Social and Conceptual Development of Science. Chicago : Chicago University Press. KELLER, Rudi, 1990 : On language change : The invisible hand in language. London : Routledge. ILLÉS, Theresa-Susanna, 2006 : « English words in Irish texts - a view on cooking recipes», in Vienna english working papers 15 : 2. MCCROHON, Luke, 2009 : The complexity hypothesis as an underlying explanation of variable rates of diffusion (Free Linguistics Conference). Sydney : 10 Oct. 2009. ———, forthcoming : « Languages as evolutionary aggregates », in Proceedings of the 8th Evolution of Language Conference. RITT, Nikolaus, 2004 : Selfish sounds. A Darwinian approach to language change. Cambridge: University Press. Martina PITZ (Université Lyon 3 - Jean Moulin) Fr. philippine « amande jumelle » – vraiment un emprunt à l’allemand Vielliebchen ? Étude d’un mot présent dans de nombreuses langues d’Europe selon la perspective d’une linguistique de contact Comme l’all. Vielliebchen, le fr. philippine désigne deux fruits jumeaux (amande, noisette, prune, cerise, etc., à deux noyaux) ou l’utilisation de ces fruits pour des jeux romantiques dans des coutumes traditionnelles. La lexicographie française considère le mot français comme un emprunt à l’allemand, alors que la lexicographie allemande opte, pour la base Vielliebchen, pour un emprunt au français, les deux traditions lexicographiques conférant par ailleurs une large place à l’étude de l’apport éventuel de l’étymologie populaire, et notamment à l’influence supposée du nom de saint Valentin ou d’un exemple littéraire impliquant le prénom Philippe dans la genèse de ces formes. Or, en adoptant une perspective plus large, on s’aperçoit que le mot est présent dans de nombreuses langues d’Europe (angl. filipeen, dan. filippine, suéd. filipin, néerl. filipien, etc.) ; pour le mot français, il ne semble donc pas impossible d’imaginer un parcours impliquant une autre langue source. Notre communication partira de cette étude de cas afin de développer quelques jalons méthodologiques pour cerner ce type d’emprunt présent dans plusieurs langues et évaluer le plus précisément possible le statut linguistique de la forme française dans ce contexte. Gérald PURNELLE (Université de Liège) L’emprunt en poésie à l’épreuve de la singularité 1. La langue poétique comme sociolecte Il existe ce que l’on peut appeler la langue poétique, langue spécifique de la poésie, que l’on peut considérer comme un sociolecte, une « langue spéciale » (Molino et Gardes-Tamine, 93), « qui n’est employée que par des groupes d’individus placés dans des circonstances spéciales ». Sociolecte inclus dans une langue mais distinct de la langue de communication, la langue poétique appartient à une communauté présente dans la société, celle des poètes et de leurs lecteurs. Elle s’écarte de la langue commune sur divers plans : par sa tendance à l’hermétisme - 22 - et à l’écart par rapport à la langue commune, par sa syntaxe, par l’accent mis sur le signifiant (fonction poétique), par le rythme, la rhétorique, etc. Mais c’est aussi sur le plan lexical que la langue poétique manifeste sa spécificité. Le lexique propre au sociolecte poétique — en opposition à la langue dite courante, non poétique, ou à tous les autres sociolectes de la langue — peut se définir par : des mots que l’on ne trouve que dans cet idiolecte (contrainte interne positive) ; des mots qui, appartenant à la langue commune ou aux autres sociolectes, ne peuvent entrer dans la langue poétique (contrainte interne négative) ; un sémantisme propre de mots communs à la langue poétique et à la langue commune. Ces trois caractères déterminent l’emploi restrictif d’un lexique spécialisé (glaive, nef, chef, onde, etc.) pour certaines époques ou certains types de poésie. Par ailleurs, les différents registres de la poésie ont pour corollaire une multiplicité des langues poétiques à l’intérieur d’un même domaine poétique, une langue poétique étant propre à une époque, un sous-genre (lyrique, épique, didactique, burlesque, baroque ; haute poésie vs poésie légère, etc.), une école, un groupe, un courant, etc. La contrainte négative, qui protège la langue poétique de certains lexiques, est caractéristique des conceptions de la poésie qui excluent du champ de celle-ci aussi bien des registres langagiers que des domaines du réel réputés incompatibles avec elle. La question des sociolectes poétiques mobilise donc celle du « poétique », c’est-à-dire de la conception des possibles de la poésie, de ses fonctions et de ses objets, et de la conformité d’une poétique particulière à un modèle collectif incluant son propre sociolecte. La limitation du lexique de la langue poétique, plus ou moins forte selon les registres ou sous-genres, pose diverses questions relevant de la poétique historique, telles celles de l’évolution, de l’innovation, de la transgression, de la dialectique des avant-gardes, etc. Innover en poésie, rejeter ou critiquer la poésie directement antérieure, chercher une nouvelle poétique, c’est donc aussi souvent toucher au lexique. Cette portée lexicale de la mutation des paradigmes poétiques peut prendre deux grandes formes, négative ou positive, qui l’une et l’autre se déclinent en plusieurs possibles selon les cas : – maintien, intensification ou retour de la clôture du lexique poétique, – renouvellement du lexique, ouverture à la langue commune ou aux autres sociolectes, transgression des interdits restrictifs, intégration de lexèmes étrangers au sociolecte poétique. 2. L’emprunt en poésie Pour observer l’emprunt en poésie, qui est directement impliqué dans la deuxième voie, il paraît utile de poser au moins deux paires conceptuelles : – quant à la source de l’emprunt : emprunt par la langue poétique à la langue commune ou aux autres / emprunt aux langues étrangères ; – quant à la démarche poétique que l’emprunt accompagne et signale : polémique — transgression de l’interdit et mise en cause de la langue poétique dominante / créatrice, libératrice — ouverture thématique à d’autres thèmes et objets, ouverture de la poésie sur le contexte social et matériel contemporain. L’emprunt interne (à la langue commune ou aux autres sociolectes) est un champ d’observation en soi, extrêmement vaste. On ne fera que l’aborder sur un plan général, mais aussi dans la relation qu’entretient avec lui l’autre type d’emprunt (aux langues étrangères) et selon le contexte de possibilité que le premier fournit au second : comment l’emprunt - 23 - étranger s’inscrit-il, selon les écoles ou les poètes, dans une démarche plus large de renouvellement de la poésie, passant par une extension du lexique ? Touchant ce cadre général (l’emprunt interne), on peut en référer à quelques moments de l’histoire de la poésie française : le romantisme, le Parnasse, le symbolisme, le modernisme et le formalisme d’après-guerre. Même quand elle s’est ouverte et enrichie, la langue poétique tend toujours à se clore à nouveau en fixant un lexique sociolectal. Toutefois, certaines poétiques résistent à cette normalisation de la langue poétique. D’où l’hypothèse que la langue du poète est un idiolecte, au moins partiel, à l’intérieur de la langue ou de la langue poétique. La langue d’un poète est idiolectale dès lors qu’il s’écarte de la langue poétique commune, et, sur le plan lexical, il ne peut le faire que par le néologisme et l’invention verbale (qui sont hors de notre propos), ou par l’emprunt. La poésie de Queneau, empruntant à différents registres de la langue (populaire, grossier, scientifique…) constitue un bon exemple de ce type de renouvellement, lexical et poétique. La part idiosyncrasique du poète dans les processus de renouvellement du lexique et d’emprunt lexical est évidemment primordiale, au point que l’on peut se demander si, en poésie, celui-ci peut être autre chose qu’individuel. En d’autres termes, l’emprunt peut-il passer de l’idiolectal au sociolectal, à la faveur de phénomènes de reprises, de partage et de diffusion, c’est-à-dire d’insertion dans un sociolecte ? 3. Les emprunts aux langues étrangères Les emprunts par la poésie aux langues étrangères nous retiendront plus longuement. Plusieurs questions ou distinctions se posent d’emblée. Il faut tout d’abord tenter de distinguer emprunt d’une part et, d’autre part, citation, discours rapporté, expression citée et code-switching. L’examen de l’étendue et de l’intégration syntaxique des expressions empruntées permettra d’aborder cette question, à partir d’exemples des 19e et 20e siècles : Gautier, Larbaud, Guglielmi, etc. Autre question : quand le poète introduit dans son texte français un mot étranger (ou d’origine étrangère visible), l’emprunte-t-il directement à la langue étrangère, ou à sa propre langue commune, première emprunteuse ? Le cas de Larbaud, en contexte de poésie cosmopolite et moderniste, confine au bilinguisme ou au polyglottisme. Il permet de voir comment l’emprunt participe directement à la situation d’énonciation mimée ou actualisée par le poème (rôle des vocatifs). Plus généralement, quelques exemples permettent d’inventorier les effets et fonctions de l’introduction de mots étrangers dans le texte du poème : étrangeté, exotisme, authenticité, hermétisme, connivence, allusion ou citation (nevermore chez Larbaud), distance, etc. Il convient en outre de déterminer les poétiques qui souffrent ou privilégient l’emprunt et celles qui l’évitent ; c’est ici que les conceptions de la poésie, les thématiques et les types de relations au réel sont en jeu. 4. Conditions linguistiques de l’emprunt en poésie La dimension linguistique de l’emprunt étranger revêt une importance spécifique en poésie. Il convient de voir si, en contexte écrit, la morphologie et le phonétisme du mot emprunté sont reproduits, modifiés ou adaptés à la langue emprunteuse, et si les conditions - 24 - particulières du texte poétique permettent de répondre à cette question. La forme écrite du poème implique ipso facto l’articulation du plan phonétique et du plan graphématique qui le représente. Les mêmes principes valent pour les noms propres étrangers, qui seront ici assimilés à des emprunts. Les enjeux sont également techniques : au moment de placer un mot étranger dans le vers ou à la rime, le poète est confronté aux règles de la versification et à leur réalisation linguistique — « la langue des vers », forme de la langue qui se définit par les contraintes, restrictions et spécificités phonétiques (« prosodiques ») que déterminent les règles de la versification —, qu’il s’agit de respecter, d’adapter ou de violer : décompte des syllabes, phonétisme de la rime, règles et usages de la rime. On observera deux ensembles de faits : la façon dont un mot étranger trouve sa place dans le contexte de métrique syllabique du vers français ; le placement d’un mot étranger à la rime, qui entraîne souvent pour le poète des choix d’ordre phono-graphématique. Deux exemples du premier ensemble : chez Gautier la graphie Shakspeare vise à éviter une réalisation métrique (numéraire) de l’e de la graphie Shakespeare ; dans l’alexandrin Sous la noire felce de ta mince gondole (Hervilly), la place du mot felce à la césure implique une prononciation originelle, non francisée, du e en [e], sans synalèphe (ni césure lyrique). Pour les mots étrangers à la rime, les stratégies des poètes sont multiples (et à la fois phonétiques et graphématiques) : a) respecter et reproduire les phonèmes et/ou les graphèmes d’origine ; b) tendre à respecter ce phonétisme, mais avec adaptation au système phonologique du français ; c) rimer « pour l’œil » en induisant pour des graphèmes étrangers une lecture « à la française » ou d) reproduire la prononciation française de la langue courante ; e) appliquer à la rime étrangère des conventions de « licence poétique », f) se contenter d’une correspondance phonétique imparfaite ; etc. Exemples : a : mac-ferlane :: Verlaine (Mallarmé) ; rêveur :: for ever (Mallarmé) ; ici-bas :: Bach (Laforgue) b : Webre :: funèbre (Nerval) ; Frau Sorge :: orgue (Apollinaire) c : poëte :: Goëthe (Gautier) ; Morning-Chronicle :: article (Hervilly) ; dearest :: Fourest (Fourest) d : Murillo :: tableau (Gautier) ; vert :: Weber (Baudelaire) ; idem :: cold-cream (Laforgue) e : Austerlitz :: ensevelis (Nerval) ; Loeweren :: Rhin (Apollinaire) f : cueille :: bird’s eye (Mallarmé) ; strass :: gaz (Laforgue) Sur le plan de la poétique, on observe comment ces mots étrangers à la rime participent, sporadiquement mais spectaculairement, au mouvement de libération ou de renouvellement de la rime amorcé dès le 19e siècle. On remarque aussi combien la portée de ces rimes relève souvent du jeu ou de l’expérimentation ludique : jeu sur le signifiant et sur le code poétique, sur et contre les conventions, jeu sur la forme. Bibliographie AQUIEN, Michèle, 1997 : L’Autre Versant du langage. Paris : José Corti. AQUIEN, Michèle & MOLINIE, Georges, 1996 : Dictionnaire de rhétorique et de poétique. Paris : Le Livre de poche (« La Pochothèque »). MESCHONNIC, Henri, 20092 (1982) : Critique du rythme. Anthropologie historique du langage. Paris : Verdier. - 25 - MOLINO, Jean & GARDES-TAMINE, Joëlle, 19923 (1982) : Introduction à l’analyse de la poésie. I. Vers et figures. Paris : PUF. Tonio Sebastian RICHTER (University of Leipzig) Code-Switching and Lexical Borrowing from Arabic to Coptic To speak about Coptic in terms of contact linguistics, means to deal with interference phenomena — lexical rather than structural — due to language contact of Egyptian with mainly two languages: Greek and Arabic. Greek-Egyptian language contact is very obvious on different cultural and linguistic levels, and has long been studied from several perspectives by Egyptologists, Copticists and papyrologists. Arabic-Coptic language contact, on the contrary, has received much less attention from either Coptic or Arabic studies. While the existence and the extension of a Coptic lexical substratum underlying the colloquial Arabic language of modern Egypt has been dealt with by the occasional scholar over the last century, Arabic code-switching and borrowing into Coptic has been neglected up to now. An overview with references to the very small bibliography on the topic is available in my EALL entry (Richter 2006). The lack of awareness of a fairly well-attested phenomenon has two clear reason: the amount of lexical items borrowed from Arabic into Coptic is relatively low (hardly more than 500 words), and their distribution throughout Coptic written texts is highly unequal, in that evidence for any linguistic intereference with Arabic is limited to a narrow, very special, and rather unresearched part of the Coptic written corpus. The majority of Arabic words, around 250 items, occur in a small number of late Coptic (10th/11th-century CE) educational or scientific writings, texts providing medical, alchemical, or magical recipes, as well as astrological or mathematical thought. Some 150 Arabic words are attested in slightly more than 100 mostly edited, but in some significant cases still unedited texts from the Coptic documentary corpus, including letters, lists, accounts, and legal records. Although a few items of an administrative Arabic vocabulary do already occur in Coptic texts as early as in the 8th century CE, the great bulk of relevant documents comes only from the 10th and 11th centuries. These two types of texts, representing two types of functional domains not very closely connected to each other, do nonetheless have something in common. Both are generally much more directly related to daily life than literary texts with their usually more ceremonial, extra-quotidian contexts. The matters and purposes of both scientific and documentary writing are so deeply rooted in, dependent on, and intended for contemporary daily life, that their ways of expression by necessity reflect contemporary speech, currently valid taxonomies, trade names actually being used, and so on. The collection and study of Arabic words borrowed into Coptic does not only provide lexicographical and other linguistic information, it is also expected to grant us important insight into the social behaviour and change of the Coptic-speaking community in medieval Egypt. According to preliminary conclusions from the internal chronology of the emergence of Arabic words in Coptic texts, it would seem that the language shift from Coptic to Arabic did not start too early, probably not before the 10th or even the 11th century CE. The semantic spectrum of Arabic words borrowed into Coptic documentary texts seems to indicate common commercial intercourse between Coptic and Arabic speakers. Last, but not - 26 - least, the wealth of Arabic vocabulary borrowed into Coptic scientific texts points to an intellectual exchange between Arabs and Copts, and to a process of reception and appropriation of the flourishing Arabic sciences by Christian Egyptians quite similar to the contemporary, so much better investigated transfer of knowledge via translations ‘made in Spain’ from Arabic into Latin. Bibliography RICHTER, Tonio Sebastian, 2006 : Entry « Coptic[, Arabic loanwords in] », in K. VERSTEEGH (ed.), Encyclopedia of Arabic Language and Linguistics, vol. I, Leiden : Brill : 595-601. Astrid ROTHE (Institut für Deutsche Sprache – Mannheim) Why some prefer die mesa but still say der torre Gender as an integration mechanism for other-language nouns and its determining factors This talk deals with mixed noun phrases as e.g. in (1). (1) i. die torre ii. der torre ii. das torre torre: Spanish feminine noun, ‚tower‘, Turm: German masculine translation equivalent, German definite articles die: feminine, der: masculine, das: neuter. The aim of this talk is to reveal that there are (two) different alternatives (cf. (1) i. & ii.) concerning gender in mixed noun phrases, that these differences reveal a systematic pattern and that they are linked to the speaker’s proficiency and the morphonological form of the noun. The bilinguals tend to produce die torre preserving the original gender of the noun while monolinguals tend to utter der torre, that is to assign the equivalent’s gender. Corpus Three corpora of elicitation data were collected: a French-German corpus (2004/2005, 2007), an Italian-German corpus (2007) and a Spanish-German corpus (2008). The data has been collected by means of a questionnaire which consists of different types of tasks where informants are induced to select a gender for an other-language noun. In one task, this is done by selecting an appropriate article for a given other-language noun and in another task the request is to judge given mixed noun phrases. The Spanish-German corpus 7 of which examples are analyzed here consists of data by 90 informants 29 of which are bilinguals, 31 are L1-German monolinguals with beginner level in Spanish L2 and 30 are L1-German monolinguals with advanced level in their L2-Spanish. 8 7 These data have been collected by a master student (cf. Weiser 2008) and is statistically analyzed in Rothe (i.prep.). 8 The advanced monolinguals are those who have been learning Spanish for more than five years. - 27 - Analysis * * * (*) Diagram 1. Elicited articles by language proficiency of informants for the Spanish noun torre (fem.). 9 * Diagram 2. Elicited articles by language proficiency of informants for the Spanish noun mesa (fem.). For the mixed noun phrases with the Spanish nouns torre (fem., ‘tower’) and mesa (fem., ‘table’) there are in fact two possibilities regarding the choices of the article: either preserve the original inherent gender of the Spanish noun by picking the feminine German article or assign a new gender according to the translation equivalent in German (torre: ‘der Turm’, masc. or mesa: ‘der Tisch’, masc.) and therefore select the masculine German article. Another possibility is to randomly select a gender/article or to apply other less frequent gender assignment principles. These two nouns were chosen for an exemplary analysis because they bear the same gender configuration – the original inherent gender in Spanish is feminine while the gender of the equivalent in German is masculine – but they are different with regard to gender transparency – while the morphonological form of torre doesn’t indicate its gender, the ending in -a for mesa makes the noun clearly gender transparent. The beginners’ answers reveal a pattern depending on gender transparency of the noun. For torre, the majority picks the masculine article (according to the German equivalent). For mesa the distribution is less clear as the majority now chooses the feminine article but. Still some informants select masculine and neuter. The gender transparency of the noun mesa seems to affect the beginners’ choice. The majority of the bilinguals significantly chooses the feminine article for both nouns. The advanced monolinguals are in between the beginners and the bilinguals: for torre the majority picks masculine but some already select feminine while for mesa the majority clearly selects feminine. For the grammaticality judgments task informants were asked to rate utterances, e.g. „Die mesa in der Küche muss noch gedeckt werden!“ (‘The table in the kitchen still has to be set’), along three categories: klingt für mich OK (‘sounds OK to me’), hört sich gar nicht gut an, find ich nicht gut (‘doesn’t sound good at all, I don’t like it’), weiß nicht (‘don’t know’). In this mixed noun phrase the German article agrees with the original inherent gender of the Spanish noun. Beginners klingt OK = 14, hört sich gar nicht gut an = 11 weiß nicht = 6 klingt OK = 28, hört sich gar nicht gut an = 1 weiß nicht = 1 *Advanced L. klingt OK = 23, hört sich gar nicht gut an = 5 weiß nicht = 1 *Bilinguals Table 1. Distribution of judgments by proficiency for „Die mesa in der Küche muss noch gedeckt werden“ 10 The distribution of the answers is tested statistically by means of a Chi-square test and the effect size. Statistic significance is flagged by an asterisk. 9 - 28 - The monolingual beginners don’t show clear patterns of answers for the judgments, which shows they don’t have clear preferences for the judgment of mixed utterances. This is also true for the monolingual advanced learners who only have clear preferences for the judgments of the mesa-utterance (cf. table 1). The bilinguals on the contrary make clear assessments which differ according to the chosen gender (code-switching or borrowing). Thus judgment of mixed noun phrases is strongly correlated with language proficiency. While the monolinguals don’t seem to have preferences for types of language mixing, bilinguals do. Language Mixing in the Noun Phrase Code-Switching is defined as the skill of competent bilinguals to mix items from two languages where “each of the monolingual fragments […] is internally grammatical by the rules of its language (Sankoff et al. 1990:72), that is in an unintegrated form. For codeswitching in the noun phrase between article and noun this means that the inherent gender of the noun determines the article’s gender as it would in a monolingual context and the article, also called agreement target (cf. Corbett 1991), agrees in the noun’s gender as it also would in a monolingual context (cf. Gonzalez 2005, Rothe 2008, Cantone 2007). Additional evidence comes from research on borrowings. It was found out that in regions with extensive language contact and therefore possibly some bilingualism other-language nouns tend to keep their original gender (e.g. Brussel’s Dutch, cf. Treffers-Daller 1994, Luxembourg German, cf. Wawrzyniak 1985). The process of taking and integrating items from a donor language in a recipient language according to the morphosyntactic pattern of the recipient language is called borrowing. It “operates independently of the grammar of the donor language” (Sankoff et al. 1990:72). There are two types of borrowing depending on the degree of social integration in the speech community of the recipient language: established borrowings are widespread and recurrent while nonce borrowings (also called ad-hoc-borrowing) are not (cf. eg. Poplack et al. 1987:52). When a noun is borrowed, it gets assigned gender by different principles (biological gender, analogical gender, morphonological form, cf. e.g. Gregor 1983, Poplack et al. 1982) but mostly according to the gender of the noun’s equivalent in the recipient language. Conclusions There are principally two ways to mix article and noun in a mixed noun phrase depending on the involved languages. These two mixing types are strongly correlated with language proficiency, that is, if the speaker is bilingual or monolingual. Bilinguals tend to preserve the original inherent gender of the other-language noun for the agreement with the article while monolinguals assign gender according to the noun’s equivalent in the recipient language. Gender assignment by monolinguals is also influenced by gender transparency of the noun. Bilinguals also give more rigorous assessments in grammaticality judgments on mixed noun phrases than monolinguals do. One of the language mixing types can be labeled codeswitching and the other borrowing. In code-switching items typically remain internally grammatical by the rules of their language whereas in borrowing the items of the donor 10 Statistic significance is tested for the distribution of the two answers klingt OK and hört sich gar nicht gut an. - 29 - language are integrated morphosyntactically into the recipient language according to the recipient language’s rules. Explanation for these differing language mixing types in mixed noun phrases according to gender can be found in the architecture of the mental lexicon (cf. Rothe in prep.). Bibliography CANTONE, K., 2007 : Code-Switching in Bilingual Children. Dordrecht : Springer. CORBETT, G., 1991 : Gender. Cambridge: CUP. FULLER, J. M. & LEHNERT, H., 2000 : « Noun phrase structure in German-English codeswitching: Variation in gender assignment and article use », in International Journal of Bilingualism 4 (3) : 399-420. GONZÁLEZ, Kay E., 2005 : Die Syntax des Code-Switching. Esplugisch : Sprachwechsel an der Deutschen Schule Barcelona (Dissertation). Köln : Universität zu Köln. GREGOR, Bernd, 1983 : Genuszuordnung. Tübingen : Niemeyer. POPLACK, Shana, 2004 : « Code-Switching », in AMMON, Ulrich, DITTMAR, Norbert, MATTHEIER, Klaus & TRUDGILL, Peter (eds) : Sociolinguistics. An International Handbook of the Science of Language and Society. Berlin, New York : De Gruyter : 589-596. POPLACK, Shana, POUSADA, Alicia & SANKOFF, David, 1982 : « Competing influences on gender assignment : variable process, stable outcome », in Lingua 57 : 1-28. POPLACK, S., WHEELER, S. & WESTWOOD, A., 1987 : « Distinguishing language contact phenomena: evidence from Finnish-English bilingualism », in LILIUS, P., SAARI, M. (eds) : The Nordic languages and Modern Linguistics 6. Helsinki : Helsinki University Press, 33-56. ROTHE, A., 2008 : « die métro oder der métro. Code-Switching in der Nominalphrase », in CASARETTO, Antje & KUTSCHER (Hrsg.) : Sprachkontakt synchron und diachron. Ergebnisse des 2. LinK-Workshops am Zentrum Sprachenvielfalt und Mehrsprachigkeit. Köln, Aachen : Shaker (=ZSM Studien 1). ROTHE, A. (in prep.) : Die bilinguale Realität der Genuszuweisung. Zur Unterscheidung von CodeSwitching und Entlehnung. PhD-Thesis. SANKOFF, D., POPLACK, S. & VANNIARAJAN, S., 1990 : « The case of the nonce loan in Tamil », in Language Variation and Change 2 : 71-101. TREFFERS-DALLER, J., 1994 : Mixing Two Languages : French-Dutch Contact in a Comparative Perspective. Berlin : Mouton de Gruyter. WAWRZYNIAK, U., 1985 : « Das Genus französischer Lehnwörter im Deutschen », in Zeitschrift für Sprachwissenschaft 4 (2) : 201-217. WEISER, E., 2008 : Aspekte des Code-Switchings bei spanisch-deutsch Bilingualen und Sprachlernern. MA-thesis at the University of Cologne. Jonathan STAMMERS & MARGARET DEUCHAR (School of Linguistics and English Language / ESRC Centre for Research on Bilingualism in Theory & Practice, Bangor University) Different Criteria; Different Results: The Integration of English-Origin Verbs in Welsh The Welsh language (in some form) has been in contact with English (in some form) for over a millennium. It remains a living language spoken by a native Welsh community as well as a growing number of L2 learners, though there are no longer monolingual speakers. Informal spoken Welsh often contains code-switching, especially of an insertional variety (“classic” code-switching; see Deuchar 2006), but can this be absolutely distinguished from lexical borrowings from English? English verbs are very often incorporated into Welsh by adding the verbaliser suffix “–(i)o” onto the English verb stem to form a non-finite verb (inflections are on a separate auxiliary), and this process is fully productive. As well as - 30 - established borrowings listed in Welsh dictionaries (e.g. ffeindio, “to find”; trio, “to try”; pasio, “to pass”), unlisted forms such as (1)-(3) are also heard. 1. sut mae o ’n cope-io efo hynna how be.3S.PRES PRON.3SM PRT cope.NONFIN “how is he coping with that…?” [Fusser29: 635] with that 2. a mae just yn (.) pontificate-io am bob_dim dan and be.3S.PRES just PRT pontificate-VBZ about everything under “and he just… pontificates about everything under the sun.” [Roberts4: 1273] 3. anyway ges i yn gazump-io anyway have.1S.PAST PRON.1S POSS.1S gazump.NONFIN “anyway, I got gazumped on that one.” [Fusser29: 700] ar hwnna on that haul sun Other examples include butt-io, concentrate-io, recognise-io, socialise-io, babysit-io, impregnate-io and email-io. In this study we consider three categories of verbs: (i) native Welsh verbs; (ii) Englishorigin verbs listed in a Welsh dictionary; (iii) unlisted English-origin verbs. All examples are drawn from a newly collected 40 hour (half-million word) corpus of informal spoken Welsh/English: the Bangor “Siarad” corpus, which we have collected and transcribed in full, and made freely available for downloading, currently via Talkbank.org. It consists of 69 unstructured conversations between a wide variety of Welsh/English bilinguals. Many criteria of various kinds have been proposed for making the borrowing vs codeswitching distinction. Following Muysken 2000 (p. 73), lexical borrowings could be identified as being (1) no more than one word, (2) phonologically integrated, (3) morphologically integrated, (4) syntactically integrated, (5) in frequent use, (6) used in place of native synonyms, (7) recognised by monolingual speakers, or (8) semantically adapted. We could add (9) “cultural” items, (10) not flagged in discourse, and (11) listed in a dictionary. While 1, 2, 3, 4 and 10 are linguistic criteria, 5, 6, 7, 9 and 11 could be called usage-based criteria. None of these criteria are unproblematic, and different criteria can give different results. Two influential approaches to distinguishing codeswitching from borrowing that differ greatly are those of Poplack and associates, and of Myers-Scotton and associates. The former treat borrowing and codeswitching as fundamentally different processes; as “two distinct phenomena” (Poplack & Meechan 1998: 132), whereas Myers-Scotton’s approach sees the two processes as being “part of the same developmental continuum, not unrelated phenomena” (Myers-Scotton 1993: 163). For Poplack and associates, this is a theoretically crucial distinction, and it is the linguistic criteria that are key in making it. For Myers-Scotton, whilst the theoretical distinction is not crucial for her model, an empirical distinction can be made on usage-based grounds, especially by an item’s (relative) frequency (1993: 193ff.), or whether it appears in a dictionary (2002: 41). The approach of Poplack and associates involves detailed quantitative comparison of the morphological and syntactic patterning of donor-language items with native items (e.g. Sankoff et al 1990, Samar & Meechan 1998, Eze 1998). Almost invariably they conclude by classifying all donor-language items as borrowings. We find this interpretation of their data to be questionable. Particularly controversial is the class of “nonce borrowings” they introduce, allowing single word insertions that are in no way established in the recipient - 31 - language lexicon to be excluded from any analysis of code-switching. However, we investigate their morpho-syntactic integration further by analysing the application of soft mutation, a complex and variable grammatically-governed process in Welsh whereby the initial consonants of words are modified in certain contexts. For example, the English-origin verb teipio (to type), listed in a Welsh dictionary, is mutated to deipio in an expected environment in (4), but not in (5). 4. a mynd ymlaen i deipio and go.NONFIN forward to type.NONFIN “…and carried on typing” [Robert2: 178] 5. dw i mynd i be.1S.PRES PRON.1S go.NONFIN to “…I’m going to type that in” [Fusser29: 635] teipio hwnna mewn type.NONFIN that in Analysis is complicated, though, by the effect of overall word frequency, which is found to be a strong predictor of mutation rate. A strong (log-linear) relationship is found between frequency and the application of mutation to all categories of verb. However, statistical testing shows that the English-origin verbs not listed in the dictionary are significantly less likely to mutate in expected environments than native or listed verbs. Thus these items could be said to be distinguished as switches rather than borrowings, removing the need for an intermediate category of “nonce borrowings”. Bibliography DEUCHAR, M., 2005 : « Congruence and Welsh-English code-switching », in Bilingualism : Language and Cognition, 8 (3) : 255-269. DEUCHAR, M., 2006 : « Welsh-English code-switching and the Matrix Language Frame model », in Lingua, 116 : 1986-2011. EZE, E., 1998 : « Lending Credence to a Borrowing Analysis : Lone English-Origin Incorporations in Igbo Discourse », in International Journal of Bilingualism 2 (2) : 183-201. JONES, M. C., 2005 : « Some structural and social correlates of single word intrasentential codeswitching in Jersey Norman French », in French Language Studies, 15 : 1-23. MUYSKEN, P., 2000 : Bilingual Speech : A typology of code-mixing. Cambridge : Cambridge University Press. MYERS-SCOTTON, C., 1993 : Duelling languages : Grammatical structure in codeswitching. Oxford : Clarendon Press. ———, 2002 : Contact Linguistics. Oxford : Oxford University Press. POPLACK, S. & MEECHAN, M., 1998 : « Introduction : How Languages Fit Together in Codemixing », in International Journal of Bilingualism 2 (2) : 127-138. SAMAR, R. G. & MEECHAN, M., 1998 : « The Null Theory of Code-Switching versus the Nonce Borrowing Hypothesis: Testing the Fit in Persian-English Bilingual Discourse », in International Journal of Bilingualism 2 (2) : 203-219. SANKOFF, D., POPLACK, S. & VANNIARAJAN, S., 1990 : « The case of the nonce loan in Tamil », in Language Variation and Change, 2 : 71-101. STAMMERS, J. R., 2009 : The Integration of English-origin verbs in Welsh. PhD thesis : Bangor University (accepted subject to minor corrections), available at http://sites.google.com/site /jonstammers/phdthesis. TURPIN, D., 1998 : « ‘Le Français, c’est le last frontier’: The Status of English-origin Nouns in Acadian French », in International Journal of Bilingualism 2 (2) : 203-219. - 32 - Agnès STEUCKARDT (Université de Provence – Laboratoire « Parole et langage » [UMR 6057]) Code graphique et intégration des emprunts en français : la querelle de l’y grec au XVIIIe siècle L’intégration graphique des emprunts se heurte, dans l’orthographe française, au scrupule étymologique. Depuis le Moyen Français, l’histoire de l’orthographe française se développe en tension entre la « tendance phonologique » et la « tendance étymologique, morphologique et sémantique » (Catach 2001 : 78-79). À l’égard des mots empruntés, la première tendance oriente le processus d’emprunt vers l’assimilation, tandis que la seconde met en place une modalité spécifique d’intégration : sans rejeter le mot emprunté, elle inscrit dans sa graphie la trace de son origine. Les choix orthographiques opérés au cours de l’histoire du français marquent, entre les deux tendances, une hésitation dont on peut voir un point de cristallisation dans la querelle du y au XVIIIe siècle. On montrera que, si les « ennemis de l’y grec » (Féraud, 1787-1788, « Abbaye ») semblent avoir un temps été en passe de l’emporter, le développement de la terminologie savante a finalement conforté l’usage de cette lettre. L’upsilon note dans le système phonographique du grec ancien un phonème /ü/, qui n’existe pas en latin. Les latins le translittèrent d’abord par leur u, puis adoptent, au Ier siècle avant J.-C. la lettre y, imitée de l’upsilon majuscule (Biville 1995 : 255-259). « Littera peregrina », la lettre y est, dès son introduction dans l’alphabet latin, un marqueur d’emprunt. À cette fonction originelle, les clercs du Moyen Âge ajoutent l’usage calligraphique de l’y : parce que plus lisible, il remplace, particulièrement en finale, la lettre i (Catach 1995 : 1109). Au XVIe siècle, Ronsard, allant sur ce point plus loin que Meigret, préconise de « racler » cet « espouvantable crochet d’y » (1550 : 27) ; il faut, selon lui, « lors que tels mots grecs auront long temps demeuré en France, les recevoir en notre megnie et les marquer de l’i françois pour montrer qu’ils sont nostres » (ibid.). Si Richelet adopte la position ronsardienne, la première édition du Dictionnaire de l’Académie reflète les hésitations des scripteurs, écrivant analyse, analytique pour l’entrée de ces mots, mais analise, analitique à l’intérieur des articles, et choisissant l’i pour l’entrée analitiquement. La deuxième édition systématise l’y dans cette famille étymologique, mais conserve l’alternative en i dans d’autres cas, comme cimbale, cigne, ou stile. Au début du XVIIIe siècle, Buffier approuve l’usage des écrivains habiles qui mettent l’y « en la place de deux i voyéles », comme dans « essayer, voyons » (1709 : § 825) : l’y note un yod intervocalique, avec contamination de la voyelle précédente. L’Académie adopte dans sa troisième édition (1740), conduite par l’abbé d’Olivet, l’usage phonographique préconisé par Buffier, corrigeant en ayeul en aïeul, mais conserve l’usage de l’y étymologique. Les partisans de l’orthographe nouvelle, que leurs adversaires désignent par le néologisme péjoratif néographes (Desfontaines 1755 : 324 ; Prévost 1755 : « Néographisme »), reprennent le combat ronsardien contre les lettres étymologiques, et en particulier contre l’y, sous le regard approbateur de Beauzée : « Le néographisme moderne tend à substituer l’i simple à l’y dans les mots d'origine grecque où l'on prononce i, & fait écrire en conséquence martir, sillabe, simbole, sintaxe, hipocrite. Si cet usage devient général, notre orthographe en sera plus simple de beaucoup, & les étymologistes y perdront bien peu » (Beauzée 1765 : « Y »). Dans sa cinquième édition, le Dictionnaire de l’Académie reprend la graphie analise, et introduit analiser, anonime. - 33 - Cependant que les grammairiens disputent, les scientifiques s’emparent du grec pour élaborer leur terminologie ; soucieux de marquer l’écart entre langue savante et langue commune, ils décident de la constituer à partir de formants grecs (Gaudin 2007 : 68). Si la première édition du Traité élémentaire de chimie marque une hésitation sur la translittération de l’upsilon, la deuxième tranche clairement en faveur de l’y. Dans la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie (1832-1835), il monte en puissance, avec l’introduction des termes savants, comme hydrogène et oxygène ; effet d’entraînement ou anti-néographisme, analyse et anonyme s’écrivent désormais avec y. Un figement de l’intégration graphique des emprunts grecs s’est alors produit, qu’aucune réforme orthographique n’a pu remettre en question. Utilisé pour des emprunts qui ne sont nullement tirés du grec, le graphème y fait partie des marqueurs d’origine étrangère (Gak, 2001, p. 33-34) : pourquoi en effet écrire pyjama plutôt que pijama, ou nursery plutôt que neurserie, sinon pour marquer l’extranéité de l’emprunt ? De ce point de vue, le code graphique constitue un obstacle à l’assimilation de l’emprunt, au moins autant qu’un indicateur. Bibliographie Sources primaires BEAUZÉE, Nicolas, 1751-1772 : « Néographe », « Y », in Diderot, d’Alembert, Encyclopédie. Paris : Briasson, David, Le Breton, Durand. BUFFIER, Claude, 1709 : Grammaire françoise selon un plan nouveau. Paris : Nicolas Le Clerc. DESFONTAINES (Abbé), 1755 : L’esprit de l’Abbé Desfontaine, « De la Langue françoise ». Londres : Duchesne. Les Dictionnaires de l’Académie française (XVIIe et XVIIIe siècles) (cd-rom pc), 2000. Champion électronique. FÉRAUD, Jean-François, 1787-1788 : Dictionnaire critique de la langue française. Marseille : Mossy. LAVOISIER, Antoine, 11789, 21793 : Traité élémentaire de chimie. Paris : Cuchet. PRÉVOST d’EXILE, Antoine, 21755 : Manuel lexique. Paris : Didot. RONSARD, Pierre de, 1550 (éd. 2001) : « Avertissement au lecteur », in Odes. Paris : Société des Textes français modernes. RICHELET, César-Pierre, 1680 : Dictionnaire françois. Genève : Jean Herman Widerhold. Sources secondaires BIVILLE, Frédérique, 1990/1995 : Les emprunts du latin au grec. Approche phonétique (B.I.G. n° 19 et n° 29), deux tomes. Louvain-Paris : Peeters. CATACH, Nina (dir.), 1995 : Dictionnaire historique de l’orthographe française. Paris : Honoré Champion. CATACH, Nina, 2001 : Histoire de l’orthographe française. Paris : Honoré Champion. GAK, Vladimir, 2001 : « À propos du système graphique français : quelques problèmes à discuter », in C. Gruaz et R. Honvault, Variations sur l’orthographe et les systèmes d’écriture. Mélanges en hommage à Nina Catach. Paris : Honoré Champion : 23-42. GAUDIN, François, 2007 : « La révolution dénominative en chimie : un coup de force ? », in Neologica, n° 1 : 65-74. - 34 - Doris STOLBERG (Institut für Deutsche Sprache, Mannheim) How to become a German loanword in the Pacific 1. Introduction As a result of language contact during the period of German colonial rule in the Pacific (c. 1884 – 1914), German loanwords were used, and for varying stretches of time survived, in numerous languages in the area (e.g., Engelberg 2006; 2008). Among the main actors in the transmission of loanwords were (a) missionaries, usually via translations of religious texts (i.e., through writing), and (b) missionary and government schools, via school books but probably also through oral instruction (cf., e.g., Hiery 2001 on missionary, school, and administrative structures and practice). In this paper, written sources of different types and from different parts of the former German colonial area (e.g., Nauru, New Guinea, Pohnpei, Samoa, Yap) are investigated. Our corpus contains primary sources such as missionary and government documents (e.g., letters, reports, contracts, translations); and semi-primary sources including school books, contemporary dictionaries and grammars of the indigenous languages. Recent work on the respective languages, such as dictionaries, grammars, and linguistic investigations, was drawn upon for comparison and to identify long-term borrowing effects. 2. Data and Sociolinguistic Context Most of the primary documents were produced by speakers of German. Lexical borrowing thus was instigated top-down, with superstrate loanwords being introduced into the local languages. Major semantic areas of borrowing were (a) (Christian) religion (through missionary activities), (b) school and office items, (c) tools, and (d) administrative terminology. The respective concepts were often newly introduced along with their German names; these are areas were loanwords can be found in many languages of the world, as Haspelmath (2008) points out. Examples include the following instances attested in our corpus. (< = 'derived from'; Ger = German) (a) religion: Nauruan (b) priester < Ger Priester (Gründl 1906) amar ama hama < < < Ger Ger Ger Hammer 'hammer' (Delaporte 1907) Hammer 'hammer' (Christmann 1986) Hammer 'hammer' (Patres der Mission 1909) < < Ger Ger Papier '(sheet of) paper' (Patres der Mission 1909) Bleistift 'pencil' (Mühlhäusler 1979) administration: Ponapean mark < Samoan maka, mark < Samoan kaisalika < Ger Ger Ger Mark 'mark' (a monetary unit) (Hahl 1904) Mark 'mark' (a monetary unit) (Solf 1905) kaiserlich(e) 'imperial' (Solf 1903, 1905) tools: Nauruan Ponapean Yapese (c) school / office: babir balaistip Yapese Tok Pisin (d) 3. Analysis The sources were analyzed and compared regarding the following questions: 1. What lexical items were introduced (cf. Haspelmath 2008), and in what linguistic form were they introduced (almost completely unadapted, as in, e.g., Nauruan, or - 35 - orthographically / phonologically / morphologically integrated, as in several other languages)? 2. In what ways were German words introduced into local languages, i.e., what was the context of their presentation? 3. Why were these borrowings used? (We assume this factor to have an impact on their long- term survival.) After establishing the route through which German loanwords entered their host languages, another question to be discussed is what borrowings actually became established and “survived”. In some cases, nothing is left of German loanwords (e.g. Kosraean, cf. Engelberg 2006), while in others certain German borrowings are still firmly established, nearly a century after the original contact situation ended (e.g., Nauruan slange < Ger Schlange 'snake'). 4. Results and Discussion “Top-down” borrowings are in need of concomitant reinforcing factors to yield lasting results, more so than “bottom-up” borrowings where recipient language speakers are the agents of the borrowing process and consider the use of such borrowings as advantageous for themselves (cf. Van Coetsem 1995). Imposed borrowings may be viewed as a demonstration of (foreign) power and may thus be rejected; their success depends on supporting factors and attitudes, such as their acceptance by recipient language speakers and/or the presence of a sufficiently large number of source language speakers. With respect to source language speaker numbers, the preconditions were clearly unfavourable in the German colonial area since the proportion of speakers of German as compared to speakers of local languages was constantly low throughout the colonial period (Hiery 2001). Acceptance by recipient language speakers seems to have varied and can be considered a factor in explaining the survival of borrowings in some areas but not in others. 5. Conclusion Borrowing “from above” provides a special setting of contact-induced linguistic interference (cf. Thomason/Kaufman 1988, Thomason 2000). Our main interest here is to compare the means chosen by different groups and in different regions to introduce and establish German borrowings; and to identify which means and paths resulted in a lasting integration of lexical items. We deduce possible reasons why there were differences in success. Finally we discuss our findings from a wider perspective that considers the interaction of borrowing paths with linguistic factors, (socio-) linguistic and sociocultural motivations for the use of loanwords, and the role structures of colonial political power play in this context. Bibliography CHRISTMANN, Helmut, 1986 : « „Weißt du, manchmal träume ich Deutsch!“ Spuren deutscher Kolonialherrschaft im historisch-politischen Bewußtsein auf den Carolinen-Inseln », in Mitteilungen der Internationalen Gesellschaft für Geschichtsdidaktik 7(2) : 114-128. DELAPORTE, Philip A., 1907 : Kleines Taschenwörterbuch. Deutsch-Nauru. Nauru : MissionsDruckerei. ENGELBERG, Stefan, 2006 : « The Influence of German on the Lexicon of Palauan and Kosraean », in ALLEN, Keith, ed. : Selected Papers from the 2005 Conference of the Australian Linguistic Society. Melbourne/Victoria : 20 p. [=http://www.als.asn.au] - 36 - ———, 2008 : « The German Language in the South Seas : Language Contact and the Influence of Language Politics and Language Attitudes », in SCHULZE, M., SKIDMORE, J. M., JOHN, D. G. LIEBSCHER G. & SIEBEL-ACHENBACH S., eds. : German Diasporic Experiences : Identity, Migration, and Loss. Waterloo, ON : Wilfrid Laurier University Press. GRÜNDL, Friedrich, 1906 : Toreñöb in bibel in oniñ. Mission Katholik Nauru (Marshallinseln). Freiburg im Breisgau. Herdersche Verlagshandlung. [Kurze biblische Geschichte von Weihbischof Dr Friedrich Justus Knecht. In die Sprache der Nauru-Insel (Marshallinseln) übersetzt von P. Friedrich Gründl, Missionär vom heiligsten Herzen Jesu.] HAHL, Albert, 1904 : « Ein Beitrag zur Kenntnis der Umgangssprache von Ponape », in Mitteilungen des Seminars für orientalische Sprachen VII : 1-30. HASPELMATH, Martin, 2008 : « Wörter mit Migrationshintergrund ». Tätigkeitsbericht des MaxPlanck-Instituts für evolutionäre Anthropologie. Leipzig. HIERY, Hermann, 2001 : Die deutsche Südsee 1884-1914. Ein Handbuch. Paderborn : Ferdinand Schöningh. MÜHLHÄUSLER, Peter, 1979 : « Growth and structure of the lexicon of New Guinea Pidgin», in Pacific Linguistics C. Canberra: Australian National University : 52. [Patres der Mission] 1909 : Der erste Unterricht auf Jap. Freiburg im Breisgau : Herder. [Solf, Dr.] 1903, in Call number: R996.14 SAM (Vol. 22) (ed. D. S. A. Public Notices Issued to Samoan Natives by the German Governor of Samoa, 1900-1911). Apia (Samoa) : Nelson Library. [Solf, Dr.] 1905, in Call number: R996.14 SAM (Vol. 22) (ed. D. S. A. Public Notices Issued to Samoan Natives by the German Governor of Samoa, 1900-1911). Apia (Samoa) : Nelson Library. THOMASON, Sarah G., 2000 : « On the unpredictability of contact effects », in Estudios de Sociolinguistica 1.1 : 173-182. THOMASON, Sarah G. & KAUFMAN, Terrence, 1988 : Language Contact, Creolization, and Genetic Linguistics. Berkeley/Los Angeles/London (UK) : University of California Press. VAN COETSEM, Frans, 1995 : « Outlining a model of the transmission phenomenon in language contact », in Leuvense Bijdragen 84/1 : 63-85. André THIBAULT (Université Paris IV – Sorbonne) Il n’y a pas d’emprunts ; il n’y a que des adaptations La problématique des emprunts 11 est centrale en lexicologie historique. Le processus consistant à créer de nouvelles unités lexicales en imitant tant bien que mal un modèle extérieur (car c’est ainsi que nous proposons de définir ce que l’on appelle traditionnellement « emprunt ») s’observe dans toutes les langues du monde, à toutes les époques, et peut concerner plus de la moitié des unités lexicales d’une grande langue de culture 12 , comme c’est le cas de Nous utiliserons ici le mot emprunt pour nous conformer à un usage établi (et indéracinable) mais il faut rappeler qu’il repose sur une métaphore trompeuse, qui réifie les mots en en faisant des objets extralinguistiques que les locuteurs se passeraient d’une langue à une autre comme on le fait d’un livre ou d’un ballon. Cela opacifie complètement le fait que les mots appelés à tort emprunts ne sont en rien des emprunts, mais bien des créations nouvelles, différentes de leur modèle à tous les points de vue (phonologique, morphologique, sémantique). Il serait infiniment préférable de parler d’imitations (approximatives et encadrées par les structures de la langue d’accueil), d’adaptations ou d’imitations adaptées pour désigner ce type particulier de néologisme. Le terme de transfert, que l’on rencontre depuis peu chez certains auteurs (cf. en particulier le nouveau projet du TLF-Etym), ne constitue de ce point de vue aucun progrès épistémologique par rapport à emprunt. 12 En particulier si l’on admet que les « mots savants » (latinismes et hellénismes) résultent eux aussi, bien entendu, d’un processus d’imitation / adaptation (précisons que nous ne parlons pas ici des néologismes 11 - 37 - l’anglais. Il convient aujourd’hui de dépoussiérer le concept en le replaçant dans un cadre explicatif plus large, où la sociolinguistique historique — discipline en plein essor — est appelée à jouer un rôle de premier plan. Toutefois, l’analyse du processus du point de vue interne laisse encore à désirer, si l’on en juge par le traitement lapidaire (et souvent fautif) que la plupart des ouvrages de référence en lexicologie et lexicographie historiques consacre au phénomène ; c’est donc à un double éclairage, interne et externe, qu’il convient d’exposer notre objet. L’aspect interne de la question comporte de nombreuses facettes. Pour décrire adéquatement les phénomènes adaptatifs caractérisant l’imitation d’un mot d’une langue donnée par une langue donnée, à une époque et dans un contexte énonciatif précis, il convient d’abord de bien identifier tous les facteurs en présence — langue de l’étymon, forme de l’étymon, époque et ancrage textuel des premières attestations, canal (oral ou écrit) de transmission, forme et sens des premières attestations —, ce que les grands dictionnaires ne font pas toujours bien. Ensuite, en bonne méthode, on distinguera les différents niveaux d’analyse, en veillant à ne pas confondre ce qui relève de la phonologie de ce qui revient à la morphologie (à vrai dire, les dictionnaires ne s’exposent guère à une telle confusion, dans la mesure où les phénomènes d’adaptation phonologique et morphologique sont en général laissés dans l’ombre par ces ouvrages, même les meilleurs d’entre eux) ; quant aux adaptations sémantiques, il faudrait apprendre à dépasser l’éternel recours aux « glissements » de sens en appliquant à leur étude les instruments de la sémantique moderne. Nous illustrerons à l’aide de quelques exemples les différents points évoqués ci-dessus, en essayant d’aller sous la surface — orthographique — des choses, tout en veillant à nous poser des questions qui, le plus souvent, ne semblent pas intéresser la lexicographie et la lexicologie historiques. a) identification précise de l’étymon. – On trouvera de nombreux exemples dans Curell 2009 et Thibault 2009a de cas où l’étymon (c’est-à-dire le mot de la langue A qui fait l’objet d’une imitation de la part de la langue B) a mal été identifié par les différents auteurs. Voici une brève typologie des différents cas relevés, que nous exemplifierons lors de notre présentation orale : – la forme de l’étymon est mal identifiée ; – le sens de l’étymon est mal identifié ; – l’étymon de l’étymon (etimologia remota) est mal identifié ; – l’étymon de l’étymon (etimologia remota) est donné en guise d’étymon immédiat (etimologia prossima) ; – les éléments de formation de l’étymon (quand celui-ci est un néologisme de la langue A non attesté en latin) sont donnés en guise d’étymon direct du mot de la langue B ; – l’étymon d’une acception particulière n’est pas identifié (calques sémantiques) ; – la voie de pénétration (appartenance au code oral ou écrit de l’étymon) n’a pas été bien identifiée (cf. en particulier Thibault 2009b). b) les néologismes par imitation/adaptation et les unités de seconde articulation (phonèmes). – Ce ne sont en général que les transformations les plus spectaculaires qui attirent l’attention, surtout si l’orthographe est touchée (cf. angl. whiskey > formés à l’aide d’éléments de formation d’origine grecque et latine, mais bien des adaptations de lexèmes grecs et latins). - 38 - esp. güisqui) ; en revanche, les cas du type fr. comité > esp. comité ne donnent jamais lieu au moindre commentaire. Il faut pourtant aller sous la surface des choses et admettre qu’aucun des phonèmes du mot de la langue A ne se retrouve à l’identique dans le mot de langue B, et ce pour une raison très simple : un phonème est un ensemble de traits distinctifs et n’existe par définition que dans une langue à la fois. Le phonème /e/ de la langue espagnole N’EST PAS le phonème /e/ de la langue française, indépendamment de la façon dont un hispanophone peut le prononcer, et indépendamment du fait que l’on utilise le même symbole pour les transcrire ; il n’est tout simplement pas constitué des mêmes traits pertinents. Si l’on définit sa valeur en espagnol, on dira simplement que l’on a affaire au phonème vocalique /e/, lequel se définit comme une voyelle antérieure moyenne. Il n’y a en effet qu’un seul phonème vocalique antérieur moyen en espagnol. En revanche, le phonème /e/ du français, même s’il se transcrit de la même manière, ne se définit pas du tout de la même façon. Il s’oppose à /ε/, la voyelle antérieure non-arrondie mi-ouverte (fait ~ fée), et il s’oppose à /ø/ (ex. fée ~ feu), la voyelle antérieure semi-fermée arrondie correspondante. Il a donc plus de traits pertinents que le phonème /e/ de l’espagnol : non seulement il s’agit d’une voyelle antérieure, mais en plus il faut spécifier qu’elle est mi-fermée (et pas simplement moyenne) et non-arrondie. c) les néologismes par imitation/adaptation et les traits supra-segmentaux (prosodèmes). – Continuons à observer le cas du couple fr. comité > esp. comité pour tenter de révéler ce qu’il cache d’adaptations invisibles. Les mots français n’ont pas de schème prosodique distinctif ; les mots espagnols, en revanche, sont nécessairement affectés d’un prosodème particulier. La langue espagnole doit obligatoirement doter chaque néologisme d’une accentuation particulière. Le mot esp. comité est dans ce cas-ci affecté d’une accentuation oxytone distinctive, là où le mot français ne connaît qu’une accentuation conventionnelle non-distinctive, à valeur éventuellement expressive lorsqu’il y a accentuation sur une autre syllabe que la dernière. d) les néologismes par imitation/adaptation et les unités de première articulation (morphèmes). – Il en va de même du point de vue morphologique. Commençons par un exemple de morphème grammatical, ou grammème. En français, le mot comité a exactement la même forme orale au singulier et au pluriel, peu importe le fait que la forme graphique s’écrive avec un -s au pluriel ; l’article est en fait nécessaire pour que l’on sache si l’on a affaire à un singulier ou à un pluriel. Ce n’est pas le cas en espagnol, où la désinence de pluriel non seulement s’écrit mais se prononce aussi. On aura donc : Français le comité [ləkɔmiˈte], les comités [lɛkɔmiˈte] Espagnol el comité [elkomiˈte], los comités [loskomiˈtes] On voit que le mot espagnol résultant de l’imitation du mot français est parfaitement conforme à la morphologie de l’espagnol, qui fait le pluriel des substantifs terminés par une voyelle en ajoutant un morphème -s, réalisé phonétiquement [s], alors que le français n’exprime l’alternance de nombre que par la forme de l’article (du moins à l’oral). C’est la graphie qui nous empêche de prendre conscience de tous les aspects du phénomène d’adaptation à l’œuvre. - 39 - Abordons maintenant un cas intermédiaire entre la morphologie flexionnelle et la morphologie dérivationnelle. La terminaison -ing est présente dans un grand nombre de mots anglais ayant fait l’objet d’une adaptation de la part du français. 13 Encore une fois, la graphie peut nous donner l’illusion que rien de remarquable ne s’est passé, et que le morphème a été maintenu de façon intacte d’une langue à l’autre. Or, le -ing anglais est (dans la plupart des cas) une désinence verbale, un grammème appartenant en propre à la morphologie flexionnelle de l’anglais et pouvant se greffer à n’importe quel radical verbal pour en faire une sorte de substantif verbal renvoyant à l’action vue dans son déroulement ; en revanche, le -ing du français est une terminaison, parfois même un suffixe (cela dépend du radical), qui indique que le mot appartient à la catégorie des substantifs et désigne une action ; il est en fait très apparenté dans son fonctionnement au suffixe dérivationnel -age. La nature morphématique du mot que l’on écrit jogging est donc différente d’une langue à l’autre, l’élément final n’appartenant pas à la même catégorie ; la différence est encore plus grande dans le cas d’un mot comme ticketing, car s’il est bien vrai qu’un verbe jogger est attesté en français (v. NPR 2008), en revanche il n’existe aucun verbe *ticketer. Non seulement la nature de la terminaison est différente d’une langue à l’autre, mais le radical doit lui aussi donner lieu à deux interprétations indépendantes : ticket en français ne peut être qu’un substantif, alors que l’anglais (en part. l’angl. amér., v. OED2) connaît un verbe to ticket « to issue tickets ». Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur les adaptations de morphèmes dérivationnels, en particulier dans les nomenclatures scientifiques (v. par exemple Thibault 1989 et Rainer 2009), mais d’autres présentations seront certainement consacrées à cette thématique. e) les néologismes par imitation/adaptation et la sémantique. – Enfin, il faut également aborder le problème des adaptations sémantiques. Nous avons identifié dans Thibault 2004 les cas de figure suivants : – sélections de sémèmes ; – restrictions sémantiques ; – extensions sémantiques ; – glissements connotatifs ; – métaphores ; – métonymies ; – formations délocutives ; – réinterprétations par étymologie populaire ; – formations elliptiques. Nous illustrerons très brièvement chacune de ces catégories à l’aide d’un exemple, tout en invitant les spécialistes de lexicologie et lexicographie historiques à être plus explicites sur la nature des phénomènes sémantiques à l’œuvre lorsqu’une langue « imite » tant bien que mal les mots d’une autre langue. 13 Nous ne parlons pas ici des faux-anglicismes, tel que footing, qui est une création française indépendante de son homonyme anglais et n’appartient pas à proprement parler à la problématique des « emprunts » (sauf lorsqu’il s’agit de constater que -ing en français jouit d’une vie indépendante et peut s’avérer productif, bien que rarement). - 40 - Bibliographie CURELL AGUILA, Clara, 2009 : Diccionario de galicismos del español peninsular contemporáneo. Strasbourg : Éditions de Linguistique et de Philologie (Bibliothèque de Linguistique Romane 5). RAINER, Franz, 2009 : « Étude diachronique des adjectifs de relation anatomiques, tout spécialement de ceux en -ien », in Revue de Linguistique Romane 73 : 371-426. THIBAULT, André, 1989 : « La terminaison lat. -uus dans les emprunts savants en français : un problème d’adaptation morpholexicale », in Revue de Linguistique Romane 53 : 85-110. THIBAULT, André, 2004 : « Evolutions sémantiques et emprunts : le cas des gallicismes de l’espagnol », in LEBSANFT, Franz & GLEßGEN, Martin-Dietrich (éds) : Historische Semantik in den romanischen Sprachen. Tübingen : Niemeyer : 103-115 (Linguistische Arbeiten, tome 483). THIBAULT, André (éd.), 2009 : Gallicismes et théorie de l’emprunt linguistique. Paris : L’Harmattan. THIBAULT, André, 2009a : « Le traitement des gallicismes dans le Diccionario de la lengua española de la Real Academia Española », dans THIBAULT, A. (éd.) 2009 : 107-131. THIBAULT, André, 2009b : « Le Diccionario de galicismos prosódicos y morfológicos de Valentín García Yebra et la théorie des emprunts », dans THIBAULT, A. (éd.) 2009 : 133-145. Pascal VERNUS (École Pratique des Hautes Études – Paris) L’emprunt lexical dans les zoonymes de l’Égypte ancienne À travers le lexique animalier de l’Égypte ancienne se donnent à voir quelques faits susceptibles d’intéresser la problématique générale de l’emprunt. Si la majorité des zoonymes ont une « motivation » à l’intérieur de l’égyptien, d’autres proviennent de cultures avec lesquelles la civilisation pharaonique n’avait eu que des relations indirectes ; dès lors le terme emprunté peut porter la marque des intermédiaires. D’autres encore procèdent de cultures que la civilisation pharaonique a côtoyées durant toute son histoire : ce sont essentiellement des cultures de langues libyco-berbères et des cultures de langues sémitiques, même si elle eut affaire aussi à des langues couchitiques et à des langues qu’on peut qualifier de nilotiques par commodité. Il arrive que les emprunts soient relativement bien identifiés, et plus ou moins datés, encore que le départ soit souvent difficile entre ceux qui relèvent de relations continues de bon ou mauvais voisinage, et ceux qui relèvent de périodes particulières où les contacts s’intensifient pour des raisons historiques. Mais tout n’est pas aussi simple. Car si elles se trouvent langues sources en ce domaine, ces langues sémitiques et ces langues libyco-berbères sont aussi des langues co-héritières avec l’égyptien d’un patrimoine commun afro-asiatique (ou chamito-sémitique), étant bien entendu que ce « patrimoine » est un agglomérat complexe et non une unité organisée. Il est arrivé que l’égyptien leur ait emprunté, à époque historique, un avatar d’un ancêtre commun, dont il possédait déjà son propre avatar ! Ainsi au Nouvel Empire, charrié en Égypte dans le flot des influences proche-orientales, lby, « lionne » s’introduit dans le lexique animalier, imposant la parité à mAj, « lion », lequel tend à s’étoffer en mAjHsA. Dès lors, lby doit faire bon ménage avec un autre lui-même, je veux dire avec Abw/nbw, désignation ancienne du « léopard », et qui s’est fait une solide place en égyptien à partir de la même racine afroasiatique, reconstruite sous la forme *lby. Et le fauve aura la vie dure puisqu’il se maintiendra jusqu’en copte (laboi). Le même flot proche-oriental amène d’autres zoonymes, pour des animaux qui, pourtant, avaient tenu depuis longtemps une place importante dans la civilisation - 41 - pharaonique et, en conséquence, ne manquaient pas de désignations solidement établies en égyptien. C’est le cas de xDyrt, « truie » et de Hmr, « âne », au demeurant encore bien vivants en arabe moderne. Ici, se laissent entrevoir des motivations sociolinguistiques. La connaissance du monde syro-palestinien, et, donc, des langues sémitiques s’impose comme marque distinctive de l’élite militaro-bureaucratique — c’est bien l’expression requise. Elle entraîne une manière d’engouement, voire de snobisme linguistique, qui n’est pas sans analogie — fût-elle lointaine — avec le phénomène du franglais. Par ailleurs, joue aussi la valorisation particulière que dans ses détours, la pensée magique confère aux langues étrangères, et d’autant plus là où elles désignent des animaux déjà intrinsèquement investis d’un fort symbolisme. Enfin, cette arrivée de noms étrangers pour des animaux pourtant depuis longtemps constitutifs du bestiaire pharaonique peut aussi être l’indice de modifications dans leur statut. Voici qu’emprunté au sémitique, le terme ’ ry, « ovins », vient désigner une nouvelle souscatégorie parmi celles qui subdivisent le petit bétail ; il se maintient encore dans le copte oeile, oile (S), aile (A), wili, oili (B), « bélier ». Pourtant l’égyptien n’était pas vraiment démuni pour les ovins. L’emprunt linguistique pourrait être lié à l’emprunt d’une nouvelle espèce, et/ou à une évolution dans l’élevage du mouton et son rôle économique. Ironiquement, alors que l’égyptien accueille des mots sémitiques désignant des animaux pour lesquels il ne manquait pas de termes fortement enracinés dans son histoire, inversement, il persiste à conserver un terme parfaitement « motivé », Htm.t, « ourse » (étymologiquement « destructrice »), pour un animal inconnu dans la Vallée du Nil, mais jugé caractéristique de certaines régions Syro-Palestiniennes. Byblos, très étroitement et très anciennement liée à l’Égypte, et, de ce fait, très égyptiannisée pourrait avoir joué quelque rôle dans ce paradoxe. Intégration sans heurt des emprunts ? Pas toujours. À tout le moins, intégration n’implique pas toujours assimilation. En témoigne l’histoire des termes désignant le cheval. Au cours du XVIIe siècle avant J.-C., l’égyptien emprunte la technologie hippique, avant tout celle du bige, et avec elle le mot essentiel ssmt. C’est des Hyksôs dont il se trouve ce faisant le débiteur. Ces populations en majorité sémitiques avaient soumis l’Égypte. Elles avaient probablement reçu ssmt d’autres cultures. Quoi qu’il en soit, ssmt, où le suffixe grammatical -m originel est réinterprété comme une consonne radicale, et où un suffixe égyptien de classe nominale -t a été ajouté, se gagne une bonne place dans le vocabulaire fondamental de l’égyptien écrit, sans toutefois obtenir l’exclusivité. Car, parallèlement, est formée sur une ancienne racine Htr, à laquelle est associée la notion d’« apparier », une lexie Htr, quasi concurrente. Sémantiquement, en effet, ssmt et Htr se chevauchent — si on ose dire ! — alors qu’au débotté on eût été enclin à assigner à celui-ci la désignation de l’attelage, et à celui-là celle de l’animal proprement dit. Cela posé, aussi répandu que fût ssmt, les locuteurs avaient bien du mal à l’assimiler. En cause, assurément, sa structure consonantique de type C1C1C2, très peu représentée en égyptien. À partir du Premier Millénaire, on en vint à lui donner une allure moins exotique par une réfection sous la forme smsm, parfois abrégée sms, selon le type C1C2C1C2 et son abréviation occasionnelle C1C2C1 ; le suffixe -t a disparu. Mais l’emprunt n’en continua pas moins à reculer devant son concurrent autochtone. Vers le début de notre ère, le titre militaire « cavalier » comporte smsm en - 42 - « égyptien de tradition », c’est-à-dire la langue de prestige, recomposée par imitations des états les plus anciens. Mais dans le même document, dans la version démotique, fixation écrite du vernaculaire, le même titre, comporte Htr. En copte, ssmt s’est définitivement effacé devant Htr, avatar de xto. Jelena VUJIC (University of Belgrade) English and Serbian: Living together in perfect harmony?! This paper deals with the issue of Anglicization of the Serbian language. More precisely, I look into the lexicon of contemporary Serbian language trying to identify, classify and analyse those lexemes that more or less transparently manifest clear influence of English. This paper is a contrastive sociolinguistic study of some English lexical borrowings in Serbian. It is not intended to be exhaustive, considering the amount of English borrowings that enter Serbian, as well as the pace of this borrowing process. For the purpose of this study I have collected examples from various sources of written and spoken language of both formal and informal style, focusing mostly on the varieties where English influence is most notable. The results showed that English lexical borrowings enter Serbian through various professional language varieties, such as the language of information technology and electronics, medicine, finance and banking, management and sports, as well as through the Internet and throught sub-culture and slang. Mostly these borrowings function as occupational terms naming various phenomena specific to the field in question. However, the use of such terms surpasses the boundaries of occupational and other social varieties of language (such as the language of advertising and marketing) and they enter general language quickly becoming widespread in usage (in both spoken informal everyday conversation and in newspapers, textbooks, magazines, on the radio and TV). The frequent usage or the lack of a “smooth” translational equivalent (or both sometimes) makes them accepted, adopted and adapted to Serbian as a language receiver. As such they become integral part of names, brands, newspaper headlines, etc. Examples as such are: gadget(e.)> gedzet (sr.), blue tooth (e.)> blutut (sr.), hands-free(e.)>hendzfri (sr.), monitor (e.)> monitor (s.). The lexemes that comply with Serbian phonetic system are more likely to fully blend in Serbian such as monitor(e.)> monitor(sr.), forehand (e.)> forhend (sr.), scanner (e.)> skener (s.) etc. For the purpose of this paper and in an effort to illustrate the scope of English influence on Serbian language, I have collected a corpus containing more than 100 examples of mainly written language belonging to various language varieties and styles. This wide range of sources includes public notices, company names, product and brand names, advertising slogans, newspaper articles, TV and radio talk shows, as well as samples of personal communication. The analysis conducted demonstrates that the examples of English lexical borrowings, or anglicisms, in Serbian may be broadly classified into three groups (Prcic 2005: 120) which are as follow: 1. Transparent anglicisms which are borrowings from English fully integrated in Serbian in all language segments (orthographic, morpho-syntactic, phonological, semantic and pragmatic level) such as hardware(e.)>hardver (e.), modem(e.)> modem(s.), pullover(e.)> pulover(s.), computer (e.)> kompjuter(s.) - 43 - 2. Hidden anglicisms which manifest clear features of the English language in the structure and meaning although they are expressed by well-established domestic words. This is typical of occupational registers such as the IT, e.g. bridge (e.comp.)> most(s), mouse(e.)> miš (s.), chatroom(e.)>pričaonica(s.) 3. “Crude” anglicisms are loanwords borrowed from English in their original form manifesting no signs of adaptation to Serbian such as browser(e.)>brauzer(s.), attachment(e.) > atačment (s.), double-double(e.) > dabldabl(s.), cheesecake(e.) > čizkejk(s.), curling(e.) > karling(e.) The analysis shows that the influence of English on Serbian lexicon is most evident in the following segments of Serbian language system: i) phonology via introduction of new consonant clusters that are atypical of Serbian as a Slavonic language, such as the cluster /mbl/ in fumble(e.)>fambl(s.), crumble (e.)>krambl (s.); ii) morphology via the introduction of new word-formation processes such as blending which is relatively new in Serbian (e.g. well-known blends such as motel (e.)> motel (s.); brunch(e.)> branč (s.) gave rise to coinages such as as jogurt+ good > jogood). Furthermore, new types of compounds and new affixes are introduced such as the suffix - izirati, -izovati, as in Balkanize > balkanizovati and krizirati; iii) orthography via the introduction of foreign spelling such as e-mail, post-paid, user-name, roaming (instead of imejl,postpejd, juzernejm, roming) which challenges the basic credo of Serbian speakers “Write as you speak, read as is written!” iv) semantics, to which special attention is paid since the loanwords from English behave in the most unexpected ways when it comes to the adaptation of their meaning in Serbian. Semantically speaking the analysed examples may: a) acquire specialized meaning such as dress (e.) > dres (s.) (with the meaning “jersey T-shirt”); b) substitute the well-established domesticated loanword from the other language with the same meaning such as date(e.) > dejt(s.) substituted randes-vous(fr.) > randevu(s.); c) express euphemistic meaning than that expressed by domestic word such as in gay(e.)> gej(s) is perceived as less insulting than Serbian terms peder and lezbejka. Bibliography BIBER, D., CONRAD, S. & Reppen, R., 1998 : Corpus Linguistics : Investigating Language Structure and Use. Cambridge : Cambridge University Press. CRYSTAL, D., 2001 : Language and the Internet. Cambridge : Cambridge University Press. FEKETE, E., CUPIC, D. & TERZIC, B., 2005 : Srpski jezicki savetnik. Beograd : Sluzbeni list Srbije I Crne Gore, Srpska skolska knjiga. FILIPOVIC, R., 1990 : Anglicizmi u hrvatskom ili srpskom jeziku. Zagreb : Skolska knjiga. GORLACH, M. (ed.), 2002 : An Annotated Bibliography of European Anglicisms. Oxford : Oxford University Press. ———, 2004 : English in Europe. Oxford : Oxford University Press. HOHENHAUS, P., 2002 : « Elements of traditional and ‘reverse’ purism in relation to computermediated communication », in LANGER N. and DAVIES W., eds. : Linguistic Purism in Germanic Languages. Berlin, New York : De Gruyter. KRZESOWSKI, T., 1990 : Contrasting Languages. The Scope of Contrastive Analysis. Berlin, New York : Mouton de Gruyter. - 44 - LEECH, G.N., 1966 : English in Advertising. London : Longman. ———, 1969 : A Linguistic Guide to English Poetry. London : Longman. PRCIC, T., 2004 : Engleski u srpskom. Novi Sad : Zmaj. RADOVANOVIC, M. (ed.), 1996 : Srpski jezik na kraju veka. Beograd : Institut za srpski jezik SANU, Sluzbeni glasnik. VASIC, V., PRCIC, T. & NEJGEBAUER, G., 2001 : Du yu speak anglosrpski? Recnik novijih anglicizama. Novi Sad : Zmaj. VUJIC, J., 2005 : « Anglicisms in commercials, advertisements and public notices in Belgrade Area », in Town as a Concept in Language, Literature and Culture. Beograd : Philologia : 185-190. ———, 2007 : « Creating a language when it doesn’t exist », in NIKČEVIĆ-BATRIČEVIĆ, A. and KNEŽEVIĆ, M., eds : New Perspectives : Essays on Language, Literature and Methodology. Niksic : Faculty of Philosophy : 83-89. Eline ZENNER*◊, Dirk GEERAERTS* & Dirk SPEELMAN* (University of Leuven* – FWO Flanders◊) The Usage-Based Onomasiology of Anglicisms: Shifting the Focus from Types to Tokens 1. Background: From Types to Tokens So far, corpus-based anglicism research has predominantly focussed on the formal integration of anglicisms (e.g. Nettmann-Multanowska 2003). Socio-pragmatic issues of borrowing have either gone unnoticed or have been discussed without much empirical evidence (e.g. Rosenhouse & Kowner 2008). Both a theoretical and a practical reason lay at the basis of this current situation. The theoretical reason is that most research on anglicisms has been conducted within the field of structuralism. Hence, attention has mainly been paid to formal descriptions of the borrowing process and to categorizations of the different ways in which foreign material is introduced in and adopted to the receptor language (e.g. loanword vs. loanblend and loanshift; Haugen 1950). The stylistic, pragmatic and social features of (the use of) loanwords are seen as peripheral and uncontrollable parts of language and are therefore left aside. The more practical reason is data-sparseness: as most researchers extract anglicisms manually from their corpora (e.g. Fink 1997), these hardly ever contain more than five million words. Although they bring in enough data for the typically type-based structural issues (e.g. comparing the number of masculine and feminine loanwords), these corpora are too small to answer socio-pragmatic issues, which focus on tokens instead of types. As a result, these issues have been side-tracked and are only mentioned in anecdotal and qualitative accounts. In this paper, we shift the focus by inquiring into lexical variation. Taking a usage-based, cognitive sociolinguistic perspective (see Kristiansen & Dirven 2008) we want to tackle the following question: which set of socio-conceptual, pragmatic and formal features determines the success of an anglicism vis-à-vis its Dutch alternative(s)? To answer this question, we use the profile-based method of onomasiological variation (developed by Geeraerts et al. 1999). Below, we discuss the basics of this method. Then, we introduce our case study on the success of English person reference nouns in Dutch. - 45 - 2. Lexical Variation in the Use of Anglicisms: The Profile-Based Approach The most reliable way of studying the success of anglicisms is by comparing it to that of their Dutch alternative(s). This entails taking an onomasiological perspective on borrowing and lexicology: instead of focusing on all possible meanings of the loanword, we take the concept(s) it expresses as our starting point, and then look at the various ways in which this concept can be named (Geeraerts in press: 831). This concept-oriented perspective forms the basis of the profile-based method, which was developed by Geeraerts et al. (1999) to perform quantitative analysis of onomasiological variation. A profile (example 2.1) can be built for any given concept by taking all words used for naming the concept (except for hypernyms and hyponyms), together with the relative frequency of these words in a given corpus. This relative frequency is computed by dividing the number of times we find the word in a corpus by the frequency of the concept (i.e. the sum of the frequencies of all words in the profile). (2.1): JEANS: [jeans (57%), jeansbroek (15%), spijkerbroek (28%)] This method is particularly attractive because it allows us to treat lexical variation as a sociolinguistic variable: the terms in the profile can be seen “as a set of alternative ways of expressing the same linguistic function or realizing the same linguistic element, where each of the alternatives has social significance” (Geeraerts in press: 821). In this way, the profilebased method allows us to look for lexical variation in two ways. First, we can analyse variation between profiles (JEANS vs. LEGGING; see 2.2) and second, we can analyse variation within profiles (e.g. JEANS in formal and informal registers). (2.2): JEANS: [jeans (57%), jeansbroek (15%), spijkerbroek (28%)] LEGGING: [legging (87%), caleçon (13%)] Both types of analyses are interesting when trying to determine and explain variation in the success of English loanwords. This will become clear below, in the presentation of our casestudy. 3. Case Study: An Onomasiological Study of English Person Reference Nouns in Dutch Person reference nouns are used to name people based on their interpersonal relationships (lover), jobs (columnist) or overall qualities and shortcomings (nitwit). Working with this set of the lexicon has two advantages. First, these nouns are similar enough in function, but different enough in content (several semantic fields are represented) to make comparisons interesting. Second, quite some of these nouns are semantically clear-cut (accountant). As such, the profile-based method can be applied without polysemy or semi-synonymy becoming problematic, which makes a large-scale approach possible. In this study, we want to determine which factors influence the success of English person reference nouns (babysit), compared to their Dutch alternative(s) (kinderoppas). To tackle this issue, three crucial elements are needed: (1) a large corpus of Dutch; (2) profiles for a set of person reference nouns based on that corpus; (3) a set of features that can help explain variation in the success of the English nouns. Below, we discuss each of these aspects. 3.1. Corpora As we discussed above, socio-pragmatic analyses of borrowing rely heavily on tokens instead of types. This is especially true for lexical variation (Armstrong 2001; Geeraerts in press). - 46 - Hence, our analyses will have to be based on far larger data collections than have hitherto been used in anglicism research. Specifically, we use two large Dutch newspaper corpora, which represent the two main national varieties of Dutch. The Belgian Dutch corpus contains six newspapers from 1999 to 2005. The Netherlandic Dutch counterpart consists of five newspapers from 1999 to 2002. Together, the corpora contain over 1.5 billion words. 3.2. Profiles The next element in the analysis is building profiles. Two steps need to be taken: (1) creating a list of English person reference nouns occurring in Dutch and (2) finding synonymous Dutch constructions. The starting point for the first step consists of retrieving all hyponyms of “person” from English WordNet. Next, we verify which of these elements occur in our Dutch corpus. From this reduced list, we choose the 100 semantically most clear-cut nouns. Two important points need to be made. First, with this method, we move away from the structuralist focus on the integration of anglicisms: we do not incorporate loanblends or loanshifts, but adhere to a strictly formal definition of anglicisms (see Onysko 2007). Second, investigating pure English forms holds the risk of including nouns that only occur in Dutch as part of a longer stretch of English (e.g. victim). To avoid this, we semi-automatically removed all tokens that are part of an English multi-word unit in our corpus. The next step is to select Dutch alternatives for the English nouns. We combined four methods of finding synonyms: (1) automatic corpus-based retrieval (based on Peirsman et al. 2007); (2) manual retrieval from Dutch dictionaries; (3) manual retrieval from translation dictionaries; (4) manual retrieval from online lists of alternatives for anglicisms. We then selected synonyms that recur in several lists and/or are semantically plausible. Some of these synonyms are hybrid compounds (borderlinepatiënt as alternative for borderliner). These are appropriately dealt with in the analyses. Before calculating the relative frequencies for the terms in the profile, two final restrictions are made. First, all proper names are automatically excluded from the analysis. Secondly, although we select the semantically most clear-cut examples from the list, quite some polysemous items needed disambiguating (e.g. bachelor). This way, we eventually selected 100 profiles consisting of over 250 terms with a combined frequency of approximately 1.5 million tokens (see 2.3 for two examples). (2.3): BACKPACKER: [backpacker (30%), rugzaktoerist (63%), rugzakker (7%)] GANGSTER [gangster (44%), bendelid (10%), crimineel (46%)] 3.3. Possible predictors for the success of English person reference nouns The final step in the analysis is finding out which features influence whether the English terms in our profile are more successful than the Dutch terms. Taking a cognitive sociolinguistic approach, we include a variety of lectal, formal, pragmatic and socioconceptual features. We firstly focus on finding variation in the success of anglicisms within profiles (lectal variation). Secondly, we focus on variation between profiles (comparing the anglicisms based on their characteristics). For both approaches, the profile-based method proves useful: we can easily determine variation in success-rates by focusing on the relative frequencies of the anglicisms (see 2.3). The same method applies to comparing the success of one anglicism in two subsets of the - 47 - corpus (see 2.4). Furthermore, we can make generalisations by aggregating over different concepts. Two strategies are possible: (1) simply calculating the average success of the anglicisms in the profiles; (2) calculating a weighted average, in which frequent concepts (e.g. KEEPER – 17 000 occurrences) are more important for the analyses than infrequent ones (e.g. BORDERLINER – 51 occurrences). Both methods will be compared. (2.4): in Belgian Dutch: [gangster (53%), bendelid (11%), crimineel (36%)] GANGSTER in Netherlandic Dutch: [gangster (13%), bendelid (3%), crimineel (84%)] GANGSTER We now briefly introduce some of the predictors we identify. When dealing with VARIATION WITHIN CONCEPTS, we mainly look for lectal variation in the success of anglicisms. Firstly, we track down regional differences by comparing the overall success of the English person reference nouns in Belgian Dutch and Netherlandic Dutch. Secondly, we inquire into possible register variation by comparing the behaviour of the anglicisms in popular newspapers and quality newspapers. A final point in determining variation within concepts is the diachronic evolution of the success of the loanwords. We track down the development from 1999 to 2005 for the Belgian Dutch material. When dealing with VARIATION BETWEEN CONCEPTS, we try to determine the effect of conceptual and word-related features on the success of anglicisms. We present some of these features here, but the overview is not exhaustive. Two conceptual features need to be mentioned. Firstly, we determine the influence of the semantic field of the noun (e.g. business vs. sports). Secondly, we verify whether “necessary anglicisms” (which fill a lexical gap, after which a Dutch alternative is introduced) are more successful than “luxury anglicisms” (which are introduced as synonyms for existing Dutch terms). Concerning formal word-related features, we determine the effect of the difficulty of the English word, based on the relationship betweens spelling and pronunciation. Further, we include etymological information, like the age of the loanword in both source and receptor language. Next, the main semantic feature we discuss is whether the terms in the profile are polysemous or monosemous (based on the number of meanings indicated in dictionaries). Finally, we look at the stylistic and pragmatic characteristics of the terms in the profile. Using tags in bilingual dictionaries, we determine the influence of stylistic value on the success of anglicisms (compare nigger and soulmate). Using inferential statistical analyses, we will pay special attention to the interaction between the different features (e.g. the correlation between register, semantic field and stylistic value). 3.4. Zooming in: semantic nuances The approach sketched above takes a broad perspective, which allows us to compare several profiles. However, although we controlled for polysemy, we largely ignored the possibility of semantic specialisation of the terms in the profiles. We deal with this issue by zooming in on the semantics of one profile: JUNKIE. Specifically, by looking at the tokens in context, we try to find out whether any differences exist in what junks, junkies and verslaafden are addicted to. Bibliography ARMSTRONG, Nigel, 2001 : Social and Stylistic Variation in Spoken French : a Comparative Approach. Amsterdam : John Benjamins. - 48 - FINK, Herman, 1997 : Von Kuh-Look bis Fit for Fun : Anglizismen in der heutigen deutschen Allgemein- und Werbesprache. Frankfurt am Main : Peter Lang. GEERAERTS, Dirk, in press : « Lexical variation in space », in AUER, P. & SCHMIDT, J., eds : Language and Space I. Theories and Methods. Berlin/New York : Moutoun de Gruyter : 820-836. GEERAERTS, Dirk, Stefan GRONDELAERS & Dirk SPEELMAN, 1999 : Convergentie en divergentie in de Nederlandse woordenschat. Een onderzoek naar kleding- en voetbaltermen. Amsterdam : Meertens Instituut. HAUGEN, Einar, 1950 : « The analysis of linguistic borrowing », in Language 26 : 210-231. KRISTIANSEN, Gitte & RENÉ Dirven, eds, 2008 : Cognitive Sociolinguistics : Language Variation, Cultural Models, Social Systems. Berlin/New York : Mouton de Gruyter. NETTMANN-MULTANOWSKA, Kinga, 2003 : English Loanwords in Polish and German after 1945 : Orthography and Morphology. Frankfurt am Main : Peter Lang. ONYSKO, Alexander, 2007 : Anglicisms in German. Borrowing, Lexical Productivity and Written Codeswitching. Berlin/New York : Walter de Gruyter. PEIRSMAN, Yves, Kris HEYLEN and Dirk SPEELMAN, 2007 : « Finding semantically related words in Dutch. Co-occurrences versus syntactic contexts », in Proceedings of the CoSMO workshop. Roskilde : Denmark. ROSENHOUSE, Judith & Rotem KOWNER, eds, 2008 : Globally Speaking. Motives for Adopting English Vocabulary in Other Languages. Clevedon : Multilingual Matters. - 49 -