Le droit de préférence suite à la loi d`Avenir pour l

Transcription

Le droit de préférence suite à la loi d`Avenir pour l
Le droit de préférence
suite à la loi d’Avenir
pour l’Agriculture,
l’Alimentation et la Forêt
Texte : Philippe Dubeau (Notaire honoraire)
Mise en page : CRPF Limousin
Mise à jour : mars 2015
-------Rappel des derniers textes relatifs à la forêt :
- Loi d’Orientation Forestière du 9 Juillet 2001 (LOF)
- Loi du 23 février 2005 relative aux échanges d’immeubles ruraux
- Loi de Modernisation Agricole du 27 Juillet 2010 (LMA)
C’est ce dernier texte (art. 65) qui a créé le droit de PREFERENCE des propriétaires
forestiers joignants
Modifié par une ordonnance du 26 Janvier 2012, puis par celle, ci-après visée du 22
Mars 2012
- Loi de SIMPLIFICATION DU DROIT du 22 Mars 2012 qui a donné force législative,
notamment, aux articles L 331-19 et suivants du CF
- Loi de DEVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX du 23 Février 2005 (LDTR)
- Et, bien entendu, les nombreux articles du code rural et forestier dont certains ci-après
analysés
Et maintenant, la Loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt -LAAAF - votée le
11 octobre 2014 et publiée au JO le 13 Octobre 2014.
J’ai essayé, dans ce document, de résumer cette loi pour la rendre (j’espère!) plus accessible
et plus compréhensible aux lecteurs du présent texte. Et ce, tant par l’étude que j’ai pu en
faire, que de celle d’éminents juristes. Le tout donne le tournis …
Fallait-il attendre qu’une doctrine s’en dégage? Fallait-il y faire figurer toutes les références?
Ou certaines? Ou aucune??? (libre ensuite au lecteur de les supprimer). Et "par quel bout" la
prendre?
Devant les nombreuses lacunes du texte, les notaires ne sont pas au bout de leurs peines …
Ils me paraissent être, à l’heure actuelle, les seuls à essayer de trouver des pratiques
d’utilisations pour les appliquer en "conformité" avec la loi….
Ce qui m’a amené à effectuer ces résumés sous la forme de fiches.
Les abréviations :
CR : Code RURAL
CC : Code Civil
CF : Code FORESTIER
Art. : Article
Al. : alinéa
Le droit de préférence suite à la loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt
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CE QU’IL FAUT AVOIR EN TETE
-------1- La LAAAF - qui comprend 96 articles - a créé :
-
DEUX nouveaux droits de PREEMPTION
L’un au profit de l’Etat
L’autre au profit des communes
En confirmant celui de la SAFER
-
Et UN droit de PREFERENCE au profit des communes
-
- Et a - quand même - "maintenu" (!) le droit de PREFERENCE du propriétaire forestier
joignant.
2- Le droit de préemption l’emporte TOUJOURS sur le droit de préférence.
3- L’ordre d’exercice des droits de préemption est réglé par différentes dispositions, et, ce,
suivant l’ordre suivant (Art L 143-6 du CR) :
1- Celui de l’Etat
2- Celui de la commune
3- Celui de la SAFER.
4- Les fiches qui suivent sont établies dans cet ordre.
et ce qui a trait à l’exercice des droits de préférence des communes et des propriétaires
joignants est - aussi - développé sur chacune d’elles.
5- Cette loi a complexifié et bouleversé le formalisme des ventes des parcelles boisées,
notamment de celles de moins de quatre hectares. Sera-ce la panacée pour résoudre le
morcellement forestier …. ?
6- La nature du bien à vendre et/ou celle du bien joignant, est nécessaire pour l’exercice des
divers droits exposés ci-dessus : Soit celle figurant au cadastre … soit celle réelle …
(Renvoi aux fiches).
Je suggère au lecteur d’avoir cette page devant lui ce qui lui évitera les "retours
en arrière".
Courage …
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Le DROIT DE PREEMPTION DE L’ETAT
(art. L 331-23 du CF)
-----------Il va s’exercer en cas de vente d’une propriété boisée (au cadastre donc classée en "groupe
5": BR/BF/BT etc.. peu importe donc sa nature réelle) d’une "surface limitée", dit la loi, de 4 ha.
Mais, pour ce faire, il faut que l’Etat soit propriétaire d’une forêt domaniale ET que celle-ci
jouxte celle en vente : c’est la seule condition.
Deux difficultés : L’art. de référence ci-dessus vise "une propriété classée en nature de bois
et forêt d’une superficie inférieure à quatre hectares" Et que la "parcelle en vente" doit
jouxter la forêt domaniale : le texte n’évoque pas - et ne donne donc pas de réponse - le
cas où la propriété à vendre comporte plusieurs parcelles … qui peuvent être dans le même
département … ou dans plusieurs! Et également, si la forêt domaniale n’en touche qu’une
seule!!! En sachant que le vendeur veut vendre "en bloc"….
Par ailleurs, les exceptions à l’exercice de ce droit de préemption (conjoint, partenaire
pacsé, etc…), ne sont pas évoquées ni le droit de préemption du coindivisaire dans le
cadre, cette fois, de l’art. 815-14 du code civil …
La procédure
C’est au notaire qu’incombe la charge d’INFORMER l’Etat de cette vente (le mot "notification"
n’est pas employé dans le texte …)
- A qui? Au Préfet (qui est le représentant de l’Etat)
- Comment? La loi ne le précise pas … Sans doute par LR /AR
Les suites
L’absence de réponse pendant TROIS MOIS équivaut à une renonciation.
Le texte ne dit pas - non plus - dans quel délai la vente doit être passée … et le prix réglé. Ni,
donc, s’il y a déchéance en cas de non-réalisation … Or, en pareil(s) cas, le prix de vente n’est
payé qu’après "l’accomplissement des formalités de publicité foncière".
Pour info : Sachez que les forêts publiques représentent le quart de la surface forestière :
4 000 000 ha environ.
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LE DROIT DE PREEMPTION DE LA COMMUNE
(Art. L 331-22 al. 1er du CF)
-----------Il s’agit d'un droit créé au profit de la commune sur laquelle se trouve la propriété à vendre,
classée au cadastre en nature de bois et foret* (peu importe donc sa nature réelle) ET qui
possède une parcelle boisée contiguë et soumise à un document de gestion mentionné au a)
du 1° de l’art. L 122-3 du CF.
* A vérifier au cadastre "papier" donc en mairie : colonne GR/SS GR : Lettres B, BF, BM, BO,
BP, BR, BS, BT, LB
QUATRE CONDITIONS en découlent :
- La situation de la propriété à vendre (voir ci-dessus),
- La commune doit être propriétaire d’une parcelle boisée dans la réalité (il peut s’agir de
"semis, plantations - ce qui se conçoit - et - curieusement, de "boisements spontanés"
d’une certaine(?) densité), qu’on appelle "accrus",
- Cette dernière parcelle doit être effectivement valorisée et pourvue d’un document de
gestion,
- Enfin la parcelle de la commune doit être joignante de la propriété à vendre.
La surface de la propriété à vendre : il semble qu’elle doive être inférieure à QUATRE
hectares (par analogie à celle fixée par l’art. L 331-24 relatif au droit de préférence).
Des difficultés ne manqueront pas de se produire lorsque la "propriété à vendre" comportera
plusieurs parcelles :
- Soit sur la même commune, ce qui implique(ra?) que cette dernière soit propriétaire
d’autant de parcelles joignant celles à vendre … et sous les conditions ci-dessus …
- Soit sur plusieurs communes, toutes bénéficiaires du même droit de préemption, et
sous les mêmes conditions. Qu’en sera-t-il si la propriété à vendre, sise sur la
commune A - laquelle n’a pas de parcelle joignante - joint la commune B, qui, elle,
possède une parcelle réunissant les conditions requises ???
Avec un autre problème lié au fait qu’à mon sens on ne peut pas exiger du vendeur une
ventilation du prix pour chaque commune …ni pour chaque parcelle …, la SAFER y
pourvoira sans doute.
La loi n’a pas prévu de sanctions en cas de violation de ce droit … mais le notaire y veillera
: c’est lui qui se chargera des vérifications préalables, en vertu d’un mandat qui lui sera
donné par le vendeur …
La procédure :
- La notification doit être adressée au Maire (C’est une "dérogation" au droit commun…)
- Toujours en LR/AR
- Le maire a DEUX mois (à compter de la notification) pour faire connaître au vendeur s’il
entend exercer son droit.
(Notez qu’aucune discussion de prix n’est possible)
- Là encore, la loi n’a pas prévu de délai pour la régularisation de l’acte (en cas
d’exercice de la préemption).
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Notez qu’en cas de conflit entre la commune et la SAFER - toutes deux titulaires du droit de
préemption - c’est celui de la commune qui est prépondérant (art. L 143-6 alinéa 1er du CR).
Mais en cas de conflit entre l’ETAT et la COMMUNE, c’est le droit de préemption de l’Etat qui
est prioritaire (art. L. 331-23 Al. 4 du CF).
-
Il peut être préconisé d’inclure dans la notification au(x) propriétaire(s) voisin(s) pour
l’exercice de leur droit de préférence, que celui-ci est subordonné au non-exercice, par
la commune, de son droit de PREEMPTION.
Voir avec le notaire
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LE DROIT DE PREFERENCE DE LA COMMUNE
(Art. L 331-24 - 1er alinéa du CF)
----------Ce droit s’exercera en cas de vente d’une propriété située sur son territoire, classée "bois" au
cadastre, et d’une "superficie limitée" dit le texte, dans les faits, moins de 4 hectares.
Ce droit de préférence est identique à celui des propriétaires forestiers, et repris sous les
articles L 331-19 à L 331 - 21 mais avec quelques différences :
- IL N’EST PAS SUBORDONNE A LA CONDITION de CONTIGUITE en vigueur pour les
propriétaires forestiers ce qui est curieux, puisque cette loi a, comme les précédentes, pour
but(s) de remédier au morcellement forestier.
Rappel : Si la commune est propriétaire d’une parcelle boisée contigüe valorisée, elle
bénéficie alors d’un droit de préemption (voir ci-dessus).
Remarque : je ne cite pas ce qui a trait aux ventes de droits indivis ou de droits réels de
jouissance, sujet complexe mettant - notamment - en jeu certaines dispositions du code civil.
- Son but n’est pas la restructuration, mais celui de conférer à la commune un rôle
"d’aménageur" du territoire agricole et forestier. J’ai tendance à écrire qu’on substitue ainsi à
la parcelle - et tout simplement - un autre propriétaire!!!…
- Les terrains à vendre doivent seulement être classés "bois" au cadastre : là encore, leur
nature réelle (boisée ou non) ne semble pas avoir intéressé le législateur.
Mais … il y a lieu (quand même!) à se référer à la nature réelle du bien à vendre, lorsque la
vente ne porte que sur une seule parcelle, entièrement classée "bois" au cadastre. Dans cette
hypothèse, il faut que la partie boisée représente plus de la moitié de la surface totale (c’est le
résultat de la "combinaison" des art. L 331-24 alinéa 4 et L 331-21, alinéa 7 du CF). Il n’est
pas précisé par qui cette surface doit être déterminée : le vendeur? un géomètre? qui va le
payer? son coût rapporté à la valeur de la parcelle …
NOTA : Il y aura donc lieu, pour le vendeur, et en premier lieu, à consultation de la matrice
cadastrale "papier" - donc en mairie - Voir colonne GR/SS GR - et si les lettres B -BF- BR-BT LB - y figurent, le droit de préférence s’applique.
La procédure :
- La loi prévoit que celle-ci doit être informée de la vente
- Toujours par LR/AR
- Par le vendeur dit la loi. En pratique, par le notaire dûment mandaté à cet effet.
- A qui? Au MAIRE (sans autre développement de ma part. Ce, bien qu’il s’agira sans
doute d’une autre dérogation au droit commun des compétences internes des pouvoirs
de la commune?)
- La commune a ensuite deux mois à compter de la notification - et non de sa réception -.
Ce délai étant, dans les faits, raccourci en vertu de la théorie de la réception - pour
répondre.
- Comment? Bien que la loi ne le précise pas, par LR/AR ?
Conséquences : DEUX possibilités :
• Si AUCUN des propriétaires de parcelles contigües n’a exercé son droit de
préférence de l’art. L 331-19 du CF, la vente doit être signée dans le délai de deux
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•
mois à compter de la réception de la déclaration d’exercice par la commune, de son
droit de preference. Mais ATTENTION, ce délai de réalisation est suspendu au droit
de préemption de la SAFER. Ce dernier n’étant pas primé par le droit de préférence
de la commune.
NOTA : SI la SAFER n’exerce pas son droit de préemption, les bois ainsi acquis par
la commune seront soumis au régime forestier de l’art. L 211-1 du CF dans les
CINQ ANS de leur incorporation au domaine communal : elle devra donc établir un
"document d’aménagement" approuvé par le représentant de l’Etat. Le texte ne dit
pas ce qui se passe(ra) si la commune n’établit pas ce document… (nullité de son
acquisition ?) ni comment un propriétaire riverain pourra en vérifier l’établissement.
Mais si un - ou plusieurs - propriétaires de parcelles contigües à la propriété à
vendre se manifestent, renvoi doit être fait à l’art. L 331-24 AL. 3 du CF : le droit de
préférence de la commune ne peut alors pas s’exercer. Et c’est alors le vendeur qui
choisit son acquéreur. ..
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LE DROIT DE PREEMPTION DE LA SAFER
Titre lV du CR
-----------------L’art. L 141-1 du C.R fixe les missions de la SAFER :
o Œuvrer à la protection des espaces agricole, naturels et forestiers
o Acquérir dans le but de les rétrocéder ces mêmes biens
o Se substituer à un ou plusieurs attributaires.
Une PRECISION IMPORTANTE : L’art. L 141-1-1 du CR - qui reprend les dispositions
prévues par l’art. 29 de la loi, prévoyait que la SAFER devait être informée par le notaire
préalablement à toute cession à titre onéreux ou gratuit portant sur les biens ci-dessus. Les
conditions de cette disposition - pour le moins ahurissante voire scandaleuse - doivent être
fixées par décret en conseil d’Etat, lequel n’étant pas paru, rend cette disposition non
applicable à ce jour (02/11/14).
L’article L 141-4 indique que les SAFER peuvent concourir à la création d’associations
syndicales de gestion forestière autorisées : les parcelles boisées acquises dans son
périmètre, ou lors d’une opération d’aménagement forestier doivent alors être rétrocédées aux
propriétaires forestiers concernés.
L’art. L 141-6 prévoit la présence dans chaque conseil d’administration, de TROIS collèges,
dont les membres sont cités à la suite. Seul y manque le représentant des propriétaires
forestiers mais …, et pour la petite histoire, les Fédérations de chasseurs et les associations
agréées de protection de l’environnement en font partie …
- L’art. L 142-5-1 stipule que "lorsque une SAFER met en vente des terrains boisés d’une
superficie inférieure à 10 hectares, le choix de l’attributaire porte prioritairement sur un
propriétaire de terrains boises contigus. Au cas où plusieurs propriétaires répondent aux
mêmes critères, celui dont les terrains boisés font l’objet de l’un des documents de gestion
mentionnés au 2° de l’art. L 122-3 du CF, est prioritaire".
Questions : La loi cite "des terrains boisés". Elle ne cite pas le nombre de parcelles incluses
dans cette surface - globale par définition. S’il n’y en a qu’une, il ne devrait pas y avoir de
difficulté(s) mais s’il y en a plusieurs ? Et surtout si tous les riverains ont tous ce document de
gestion?
MAIS il faut savoir que cette priorité d’attribution (deuxième alinéa de cet article) N’EST PAS
APPLICABLE :
- aux acquisitions de parcelles classées en nature de bois et forêts au cadastre SAUF (6°
de l’art. L 143-4 du C.R) :
a) aux parcelles mises en vente avec d’autres parcelles non boisées
b) aux semis et plantations sur des parcelles de faible étendue ( ?) dont la
commission communale d’aménagement foncier a décidé la destruction
c) à celles qui ont fait l’objet d’une autorisation de défrichement.
- ni aux terrains boises attribués conjointement à un bâtiment d’habitation ou d’exploitation
auquel ils sont attenants, ni aux terrains boises attribues avec d’autres parcelles non
boisées si la surface agricole est prépondérante ;
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L'article L 143-1, reprenant l’art. 29 de la loi, stipulait que la SAFER pouvait exercer son droit
de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de l’usufruit ou de la nue-propriété des biens
mentionnés dans cet article , et sous diverses conditions qu’il n’y a pas à rapporter puisque
CES DISPOSITIONS ONT ETE DECLAREES NON-CONFORMES A LA CONSTITUTION
(Décision du Conseil Constitutionnel n° 2014-701 DC du 9 Octobre 2014)
L’article L 143-1-1 prévoit que la SAFER peut n’exercer son droit de préemption que sur
certains biens (aliénation de terrains à vocation agricole et - je pense - forestière ET sur divers
autres biens (bâtiments)). Elle doit alors le notifier au vendeur, qui peut, soit exiger qu’elle se
porte acquéreur de l’ensemble, soit qu’elle l’indemnise de la perte de valeur des biens non
acquis. Le montant de l’indemnisation est fixé amiablement ou judiciairement.
L’article L 143-4 précise les biens ne pouvant pas faire l’objet d’une préemption :
- les échanges réalisés dans le cadre de l’art. L 124-1 du C.R (Ce sujet, à lui seul,
mériterait un développement particulier),
- les aliénations moyennant une rente viagère servie pour la totalité ou pour l’essentiel
sous forme de prestations de services personnels,
- les acquisitions effectuées par des cohéritiers sur licitation amiable ou judiciaire (art.
815-14 et 15 du Code Civil (Cette disposition résulte d’une loi du 31 Décembre 1976
leur attribuant un AUTRE droit de PREEMPTION et les cessions consenties à des
parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus ou à des cohéritiers ou leur conjoint
survivant.
- Les acquisitions de la nue-propriété d’un bien par ses usufruitiers, et celles de l’usufruit
d’un bien par ses nus-propriétaires.
Notez que la SAFER peut exercer son droit de préemption lors d’une vente entre concubins
(je rappelle que celle-ci échappe au droit de préférence du propriétaire joignant…).
L'art. L 143 - 7-2 du CR prévoit que la SAFER est tenue D’INFORMER les maires de toutes
les déclarations d’aliéner portant sur des biens situés sur le territoire de leur commune et,
préalablement à toute rétrocession, elle les informe de son intention de mettre en vente tout
bien situé sur le territoire de leur commune.
Cette disposition appelle une précision IMPORTANTE, résultant de l’article L 331-19 Alinéa 6
du CF qui ECARTE LE DROIT DE PREFERENCE DES RIVERAINS EN CAS DE
RETROCESSION DE BIENS ACQUIS PAR PREEMPTION : elle n’est plus obligée de le leur
indiquer! Par suite, la PREFERENCE NE TROUVE PLUS A S’APPLIQUER QUE DANS LE
CAS DE RETROCESSION DE BIENS ACQUIS AMIABLEMENT PAR LA SAFER.
La procédure :
- La notification à faire est toujours du ressort du notaire
- Avec les mêmes indications (état-civil du vendeur, situation/références. cadastrales,
prix)
- La SAFER a deux mois pour y répondre : son silence pendant ce délai équivalant à un
refus.
UNE PRECISION : Une procédure peut exister, si, à la suite de la notification, la SAFER déclare
vouloir exercer son droit de préemption, et qu’elle estime que le prix est exagéré. Je ne résume pas
cette disposition, reprise sous l’art. L 143-10 du CR - et qui résulte de l’article 45 de la LMA du 27
Juillet 2010.
(Je n’ai jamais vu la SAFER estimer que le prix indiqué était inférieur à la valeur vénale du bien !)
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Et on arrive, ENFIN, au
DROIT DE PREFERENCE DU RIVERAIN
Art. L 331-19 du C.R.
------La LAAAF ne modifie pas les conditions de son utilisation, telles que résultant de la LMA de
2010 et des deux autres textes visés en tête.
L’ancien art. L 514-1 du CF visait "la vente d’UNE PARCELLE boisée inférieure à quatre
hectares" : si donc, il y en avait plusieurs, il fallait raisonner "parcelle par parcelle". Le nouvel
article L 331-19 du CF fait référence à une PROPRIETE de moins de quatre hectares : peu
importe que les biens à vendre soient - ou non - sur la même commune.
Ce même article stipulait que celle - ci devait donc être boisée : peu importait sa classification
au cadastre mais une réponse ministérielle du 18 Octobre 2011 avait précisé qu’elle devait
être classée "bois" au cadastre. L’art. L 331-19 du CF le confirme. Il en résulte que peu
importe(rait?) sa nature réelle …
Prenons le cas d’une parcelle coupée à blanc : référence doit être faite au cadastre, peu
importe donc sa nature réelle. Le droit de préférence est maintenu.
Par contre, un défrichement le lui fait perdre
Il faut bien comprendre que ce droit - ou ce qui en reste - ne trouvera à s’appliquer QUE
lorsque tous les droits de PREEMPTION (Etat, Commune, SAFER) ci-dessus analysés auront
été purgés. Pour ce qui concerne le droit de préférence de la commune, son issue dépendra
des situations qui se présenteront telles qu’exposées ci-dessus.
Que dit la loi :
- Une précision : La notification aux propriétaires voisins est faite à l’adresse enregistrée
au cadastre.
- Trois modifications :
a- La procédure d’affichage en mairie(s) ET la publication dans un journal d’annonces
légales n’est possible que si le nombre de notifications est égal ou supérieur à dix. Par
suite, et tant que le nombre de riverains sera égal ou inférieur à neuf, c’est la procédure
des LR/AR qui s’applique.
En rappelant que si la "propriété" comprend plusieurs parcelles, le vendeur - et/ou le
notaire - vont devoir d’une part, rechercher ces riverains … et leur adresser, à chacun,
cette LR/AR.
b- Lorsque, parmi les "joignants" figure une INDIVISION (plusieurs héritiers d’une
même succession par ex.), il faudra adresser une notification à CHAQUE indivisaire,
situation simple en apparence qui va simplifier ou compliquer la tâche du notaire et
l’obliger à nombre de recherches :
- Il pourra s’agir du cas simple : un conjoint survivant et un enfant unique
- Et/ou d’héritiers qui peuvent être mineurs, majeurs, … voire majeurs sous
sauvegarde de justice, ceux-ci étant soit "assistés" soit "représentés" par un
mandataire, un tuteur ou un curateur … Avec, dans certains cas, l’autorisation du
conseil de famille … Donc avec de nouvelles recherches à faire par … le vendeur
et… le notaire!
- Et détenir des quotes-parts différentes dans l’indivision ce, soit par le fait de la
représentation, soit par suite de dispositions testamentaires …
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Si certains veulent - et/ou peuvent - acquérir alors que d’autres ne le veulent et/ou
ne le peuvent pas?
En d’autres termes, un seul - ou certain(s) indivisaire(s) - peuvent-ils acquérir SEUL(S),
dans le cadre de l’art L 331-19, une parcelle joignant la propriété de l’indivision?
Il "semble" qu’en présence d’un usufruitier (conjoint survivant par ex.) la notification
puisse être adressée au nu-propriétaire seul…
-
La loi est - aussi - muette … Et pourtant …le cout de chaque LR/AR est de 4,72€ +
rétribution du notaire qui aura fait les recherches obligatoires.
c - Le délai de régularisation de la vente passe de deux à QUATRE mois.
Mais ce délai ne commence à courir qu’après l’expiration du délai de réponse - ou
de non-réponse - de la SAFER, qui, lui, est toujours de deux mois : vendeur et
acquéreur devront donc attendre plus de six mois avant, l’un, de percevoir son prix,
l’autre d’entrer en possession … Ce, bien entendu, sauf si ladite SAFER exerce son
droit de préemption … pour rétrocéder la parcelle à qui elle voudra (voir ci-dessus).
La levée d’une INTERROGATION : Cette question se posait lors de la vente d’une parcelle
classée "bois" au cadastre, avec un autre bien - bâti ou non : il s’agit d’une vente, dite "mixte".
L’art. L 331-21 - 8° du CF y répond, en écartant le droit de préférence. Mais si la vente
envisagée ne comporte qu’une seule parcelle - boisée en partie - le propriétaire joignant peut
l’acquérir librement au titre de l’art. L 331-21 - 1° du CF … mais dans ce dernier cas, il lui
faudra - quand même - compter avec le droit de PREEMPTION, au moins de la SAFER - voire
de la commune, si elle est aussi joignante (art. L 331-22 - Al. 3).
Rappel : Ne rompent pas la contigüité, un ruisseau, un chemin, une emprise de ligne
électrique, une ligne de chemin de fer à voie unique …et à "faible trafic" Qui va le justifier ?
Par contre, les routes (nationales, départementales - et communales?), les voies navigables et
flottables, les canaux, la rompent.
Mais l’art. R 322-42 du Code de l’Environnement, applicable aux ACCA, ne fait aucune
distinction entre ces situations : aucune ne rompt la contigüité.
Et en cas d’échange ? Selon la doctrine fiscale, deux parcelles séparées par un chemin rural,
un ruisseau ou "toute autre voie n’empêchant pas la communauté d’exploitation" sont réputées
contiguës….
Une harmonisation de ces dispositions serait la bienvenue
Conclusion : au plan pratique, c'est, sans doute, le notaire qui sera chargé du formalisme
décrit ci-dessus. Les purges des droits de PREFERENCE seront effectuées sous la condition
suspensive du non-exercice des droits de PREEMPTION. Il faudra s'armer de patience,
compte tenu des délais de réponse - ou de non réponse - de tous les bénéficiaires : au total
huit mois (minimum) + trois pour le droit de préemption (éventuel) de l'Etat. C'est donc le
notaire qui veillera au bon déroulement de ces procédures et qui, in fine, avisera les intéressés
(vendeur et acquéreur) des suites de celles-ci. Tout ça pour des parcelles de moins de 4 ha…
La résorption du morcellement n'est - hélas - pas pour demain ni (sans doute) pour les
prochains siècles.
Le droit de préférence suite à la loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt
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