Le Brexit n`affecte pas le rôle britannique dans l`OTAN

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Le Brexit n`affecte pas le rôle britannique dans l`OTAN
Le Brexit n’affecte pas le rôle britannique dans
l’OTAN
Londres a maintenu ses engagements au sein de l’Alliance, mais redoute l’émergence d’une
défense européenne.
LE MONDE | 28.10.2016 à 10h50 • Mis à jour le 28.10.2016 à 11h06 | Par Jean­Pierre Stroobants (/journaliste/jean­pierre­
stroobants/) (Bruxelles, correspondant)
David Cameron sur la base de la Royal Air Force à Northolt, au nord­ouest de Londres, le 23 novembre 2015. POOL /
REUTERS
Aucun responsable ne l’a évoquée ouvertement mais la question du Brexit était en filigrane de
nombreuses discussions lors de la réunion des ministres de la défense de l’OTAN, mercredi 26 et
jeudi 27 octobre à Bruxelles. Une réunion dite « de suivi », après le sommet de l’Alliance à Varsovie,
en juillet. David Cameron, alors premier ministre démissionnaire, était venu y dire que l’attachement
de son pays à l’Alliance ne serait nullement affecté par le référendum sur la sortie de l’Union
européenne.
L’OTAN sera­t­elle renforcée ou affaiblie par la sortie du Royaume­Uni de l’UE ? Tout le monde
hésite encore sur le diagnostic, à l’image de Jens Stoltenberg, le secrétaire général de
l’organisation. En juin, il lançait une mise en garde, évoquant un risque d’« instabilité ». Quelques
semaines plus tard, une fois le résultat connu, il disait : « Le Brexit ne changera pas la position du
Royaume­Uni dans l’OTAN. »
« Il est beaucoup trop tôt pour se prononcer sur les conséquences exactes du Brexit, mais Londres
semble donner des gages », analyse un diplomate européen. Le Royaume­Uni a, ainsi, décidé
d’augmenter sa contribution financière à l’Alliance et le ministre de la défense, Michael Fallon, a
indiqué que son pays enverrait un bataillon de 800 soldats en Estonie. Il sera appuyé par des
soldats français et danois, à partir de mai 2017, dans le cadre du renforcement de la présence de
l’OTAN sur son flanc est, alors que la Russie fait monter la pression : déploiement de missiles à
Kaliningrad, suspension récente d’un accord sur le plutonium signé avec les Etats­Unis, navires
porteurs de missiles de croisière entrés, mercredi, dans la Baltique tandis que huit bâtiments se
dirigeaient vers la Syrie…
Des avions britanniques pour soutenir la Turquie
Londres enverra aussi des chasseurs Typhoon en Roumanie pour patrouiller autour de la mer Noire,
notamment pour soutenir la Turquie. « Bien que nous quittions l’Union européenne, nous allons faire
plus pour participer à la sécurité des flancs est et sud », a insisté M. Fallon.
En juillet, le gouvernement conservateur avait surpris : attaché à la réduction du déficit public, il
maintenait toutefois les dépenses militaires au­dessus du seuil de 2 % du PIB fixé par l’OTAN et
respecté par très peu d’Etats membres. De quoi affirmer le rôle de son pays – il fournit près du quart
des dépenses des alliés européens dans l’OTAN – et préserver sa capacité d’influence alors que
ses partenaires redoutaient une politique isolationniste du Royaume­Uni. Il entend aussi maintenir
son arsenal de dissuasion nucléaire, dont le financement reste cependant problématique.
Paradoxe : la première réunion post­référendum des ministres de la défense aura marqué un
nouveau rapprochement entre l’OTAN et l’Union européenne. Il se traduira notamment par un
soutien de l’Alliance, en termes de logistique et de renseignement, à l’opération Sophia de
surveillance, de sauvetage et de lutte contre les trafics de l’UE en Méditerranée.
Fermement soutenue par M. Stoltenberg, qui la juge bénéfique pour les deux parties – à condition,
insiste­t­il, qu’elle ne crée par une « alternative » à l’Alliance –, la relance de la défense européenne
et de la coopération entre les Vingt­Sept indispose toutefois Londres, qui y voit uniquement
l’ébauche d’une armée européenne. Même si celle­ci ne verra jamais le jour, faute d’une intégration
politique suffisante.
OTAN et UE, « partenaires et non rivales »
Le secrétaire général de l’OTAN et la haute représentante européenne, Federica Mogherini,
s’emploient, en réponse, à souligner que l’action de l’UE ne sera qu’un « complément » à celle de
l’Alliance. M. Stoltenberg y voit un moyen de fortifier le bloc occidental face aux menaces russes et
de répondre aux demandes américaines : une meilleure prise en charge, par les Européens, de leur
propre sécurité et une présence de l’Union sur des théâtres comme le Sahel, dont les Etats­Unis
veulent rester éloignés.
Mme Mogherini souligne que l’UE et l’OTAN se veulent « partenaires et non rivales ». De quoi, en
principe, apaiser Londres s’il n’y avait cette proposition de créer à Bruxelles un quartier général pour
piloter les opérations civiles et militaires de l’UE. La haute représentante évoque à ce propos une
nécessité d’« autonomie stratégique » mais précise qu’il ne s’agit pas de l’ébauche du quartier
général d’une future armée commune. Il n’empêche : tant qu’elle sera dans l’Union, la diplomatie
britannique combattra ce plan qui pourrait, à ses yeux, saper les bases de l’OTAN.
L’avenir ? « La sécurité de l’Europe sera détériorée, à terme, si le Royaume­Uni juge que ses
intérêts divergent trop de ceux de ses partenaires », analyse Ian Bond, du Centre for European
Reform. « Tout dépendra, en réalité, des négociations concrètes sur la sortie de l’Union : si elles se
passent mal, la coopération dans le domaine sécuritaire, indispensable notamment en matière de
renseignement, sera en péril », insiste un diplomate. Federico Santopinto, du Groupe de recherche
et d’information sur la paix et la sécurité, renvoie, lui, les Européens à leurs hésitations : « Lorsque
les Britanniques partiront, l’alibi qu’ils ont incarné pour justifier l’absence de progrès en matière de
défense s’en ira avec eux… »
Lire la tribune de Michel Barnier, le « M. Brexit » de l’UE : « Nous devons mettre en
place une union de la sécurité et de la défense » (/idees/article/2016/06/25/pour­michel­barnier­il­faut­
mettre­en­place­une­union­de­la­securite­et­de­la­defense_4958092_3232.html)