Grands principes du diagnostic étiologique des réactions d
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Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 47 (2007) 292–297 http://france.elsevier.com/direct/REVCLI/ Revue générale Grands principes du diagnostic étiologique des réactions d’hypersensibilité immédiate aux médicaments et substances biologiques Diagnostic approach of immediate-type hypersensitivity reactions to drugs and biological agents C. Ponvert Service de pneumologie et allergologie pédiatriques, université Paris V–René-Descartes, hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France Reçu le 26 novembre 2006 ; accepté le 1 décembre 2006 Disponible sur Internet le 11 janvier 2007 Résumé Les réactions évoquant une hypersensibilité immédiate aux médicaments et substances biologiques représentent une cause fréquente de consultation allergologique. Les médicaments les plus souvent accusés sont les anti-infectieux, bêtalactamines notamment, puis les antalgiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires non stéroı̈diens, les produits de contraste, et des médicaments et substances biologiques très divers, parmi lesquels le latex et les myorelaxants, les enzymes et hormones, etc. Le diagnostic repose avant tout sur l’examen clinique des patients lors de leur réaction, lorsque cela est possible, sur une anamnèse détaillée, et sur les tests cutanés à lecture immédiate. Ces derniers ont fait la preuve de leur sensibilité, de leur spécificité et de leur valeur prédictive pour les bêtalactamines et, peut-être, la rifampycine/rifamycine, le latex et les myorelaxants, certains vaccins, les corticoı̈des, et des substances diverses (formol, certains antiseptiques, cyclophosphamide, certains colorants, etc.). En revanche, leurs valeurs diagnostique et prédictive restent mal connues, voire mauvaises, pour d’autres médicaments et substances biologiques comme, par exemple, les quinolones, les macrolides et les sulfamides anti-infectieux, la protamine et l’aprotinine, les insulines, et les enzymes pancréatiques. En l’état actuel, les tests in vitro ne présentent qu’un intérêt limité à certains cas particuliers, et, finalement, le diagnostic de certitude repose sur les tests de réintroduction/provocation. Compte-tenu de leurs dangers potentiels, ces tests doivent être effectués en milieu de type hospitalier, sous surveillance stricte et avec des moyens de réanimation appropriés, et ne sont indiqués que lorsque le médicament est jugé indispensable ou très utile, et qu’il n’existe pas de traitement alternatif. # 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservŕs. Abstract Suspected immediate-type allergic reactions are frequently reported in patients treated with drugs and biologic agents. The most frequently suspected drugs are anti-infectious drugs, betalactams especially, and analgesic-antipyretic-non steroidal antiinflammatory drugs, radiocontrast agents, and other biological substances such as latex and myorelaxants, enzymes and hormones, etc. Diagnosis is primarily based on clinical examination of the patients, detailed anamnesis and immediate-reading skin tests. The diagnostic and/or predictive value of immediate-reading skin tests is good with betalactams, latex and myorelaxants, and several other substances such as corticosteroids, dyes, antiseptics, vaccines, etc, but low or unknown with other substances such as quinolones, macrolides and sulphonamides, protamine and aprotinin, insulins, and pancreatic enzymes. The diagnostic value of in vitro tests (specific IgE determination, histamine and leukotriene-release tests, basophil activation tests) is highly variable from one substance to another one and, at present, is not validated. In patients with negative skin and/or in vitro tests, diagnosis is based on challenge tests. However, those tests are potentially harmful. Thus, challenge tests in patients with suspected immediate-type hypersensitivity reactions to drugs and biological substances should be performed in the hospital only, under careful monitoring, after a careful assessment of the ratio benefit/risk. # 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservŕs. Mots clés : Allergie médicamenteuse ; Diagnostic ; Tests cutanés à lecture immédiate ; Tests in vitro ; Tests de provocation/réintroduction Keywords: Drug allergy; Diagnosis; Immediate-reading skin tests; In vitro tests; Provocation tests Adresse e-mail : [email protected]. 0335-7457/$ – see front matter # 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservŕs. doi:10.1016/j.allerg.2006.12.002 C. Ponvert / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 47 (2007) 292–297 1. Introduction Bien que revue et corrigée récemment à la lumière des progrès réalisés dans la compréhension des réactions d’hypersensibilité (HS) retardée [1], l’ancienne classification de Gell et Coombs reste bien pratique [2]. Selon cette classification, les réactions d’HS sont classées en quatre grands types : les types I (HS immédiate ou HSI, dépendante des IgE), II (HS par cytotoxicité liée aux IgM et/ou IgG), III (HS semi-retardée, par complexes immuns à IgM et/ou IgG), et IV (HS retardée ou HSR, liée au recrutement et l’activation de lymphocytes T spécifiques). Les réactions évoquant une HSI, associées à l’administration de médicaments ou de substances biologiques, représentent, selon les séries, entre 17 et 40 % de l’ensemble des réactions de ce type, avant les aliments et les venins d’hyménoptères [3], et viennent au second rang des réactions (présumées) allergiques aux médicaments, après les éruptions morbilliformes et maculopapuleuses. Les symptômes les plus fréquents sont des urticaires et/ou angio-oedèmes de chronologie immédiate ou accélérée. Viennent ensuite, mais plus rarement, des crises d’asthme ou de rhinite, et des réactions de type anaphylactique/ anaphylactoı̈de, impliquant le système cardiovasculaire [4]. Les médicaments les plus souvent impliqués sont les antiinfectieux (40 à 50 % des cas), et notamment les bêtalactamines, puis les antalgiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires non stéroı̈diens (AINS 15 à 20 %), les produits de contraste (6 %), et des médicaments et substances biologiques très divers, parmi lesquels le latex et les myorelaxants, les enzymes et hormones, etc. [4–6]. Le diagnostic repose avant tout sur l’examen clinique des patients lors de leur réaction, lorsque cela est possible, sur une anamnèse détaillée, et sur les tests cutanés (TC) à lecture immédiate. En l’état actuel, les tests in vitro ne présentent qu’un intérêt limité à certains cas particuliers, et, finalement, le diagnostic de certitude repose sur les tests de réintroduction/ provocation. Cependant, malgré une tentative d’harmonisation, la démarche diagnostique varie d’une équipe à l’autre, y compris dans les centres référents du groupe ENDA (European Network of Drug Allergy) de l’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI: European Academy of Allergology and Clinical Immunology) [7]. 2. Anamnèse Les données à rechercher par l’interrogatoire sont indiquées dans le Tableau 1, et ont été récemment publiées, sur la base du consensus de l’ENDA [8,9]. Elles ont pour but de déterminer le plus précisément possible la nature et la chronologie des symptômes, d’identifier la ou les substance(s) susceptible(s) d’être en cause, et de rechercher des antécédents plus ou moins évocateurs, lors de traitements antérieurs. La gravité des symptômes, le raccourcissement du délai entre le début du traitement et la réaction, et l’aggravation des symptômes lors de traitements successifs sont de bons arguments en faveur d’une réaction IgE-dépendante, alors que, bien souvent, les réactions non dépendantes des IgE sont moins graves [10] et que leur 293 Tableau 1 Données de l’anamnèse chez les patients rapportant des symptômes permettant d’évoquer une allergie médicamenteuse 1. Nature et localisation (initiale et, éventuellement, secondaire) des symptômes signes cutanés : prurit isolé urticaire et/ou angio-oedème érythème polymorphe (bulleux ou non), érythrodermie, décollements cutanés spontanés ou au frottement rash: maculopapuleux, morbilliforme, etc. autres symptômes : malaise, hypotension/choc gêne respiratoire (laryngée ou bronchique), dysphonie, dysphagie poussée fébrile arthralgies inflammatoires, etc. 2. Chronologie après le début du traitement immédiate ( 2 heures) accélérée ( 48 heures) retardée (> 48 heures: combien de jours ?) 3. Chronologie après la dernière prise (minutes ou heures ?) 4. Durée de la réaction après l’arrêt du médicament 5. Notion éventuelle de majoration des symptômes d’un traitement à un autre lors des prises suivantes, au cours d’un même traitement 6. Autres antécédents personnels médicamenteux : traitements antérieurs bien tolérés par le même ou d’autres médicaments de la même famille traitements postérieurs bien tolérés par d’autres médicaments de la même famille (lesquels ?) réactions à d’autres médicaments ou substances biologiques, en précisant leur type, leur chronologie, et les substances en cause 7. Divers : antécédents personnels : atopie, divers antécédents familiaux : réactions aux médicaments ou substances biologiques, divers (atopie, etc.) chronologie varie peu. Toutefois, la concordance entre les données de l’anamnèse et la réalité de l’allergie aux médicaments et substances biologiques est très imparfaite, et varie selon la nature des substances accusées [11,12]. 3. TC à lecture immédiate Les principes généraux de bonne pratique des TC aux médicaments et substances biologiques ont été récemment publiés par l’ENDA [13]. Les TC à lecture immédiate (pricktests, puis intradermoréactions, à concentrations croissantes et variables selon les médicaments ou substances biologiques) doivent idéalement être effectués avec la forme injectable de la substance accusée, ainsi qu’avec les substances appartenant à la même famille et à des familles proches, dans le but de détecter une éventuelle réactivité croisée, inconstante et variable d’un patient à un autre, mais fréquente chez les patients ayant présenté des réactions anaphylactiques graves [14–16]. Ces tests ont fait la preuve de leur sensibilité, de leur spécificité et de leur valeur prédictive pour les bêtalactamines et, peut-être, la rifampycine/rifamycine, le latex et les myorelaxants, certains 294 C. Ponvert / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 47 (2007) 292–297 vaccins (anatoxines, vaccins contenant des protéines aviaires ou de la gélatine), les corticoı̈des, certaines enzymes (chymopapaine), et des substances diverses (formol, certains antiseptiques, cyclophosphamide, certains colorants utilisés comme produits de contraste). En revanche, leurs valeurs diagnostique et prédictive restent mal connues, voire franchement mauvaises, pour d’autres médicaments et substances biologiques comme, par exemple, les quinolones, les macrolides et les sulfamides anti-infectieux, la protamine et l’aprotinine, les insulines, et les enzymes pancréatiques. Ces données ont fait l’objet de revues générales récentes [17,18]. 4. Tests in vitro Il s’agit du dosage des IgE sériques spécifiques et des tests d’activation des leucocytes sanguins. En pratique courante, les dosages des IgE sériques spécifiques ne sont disponibles que pour certains médicaments et substances biologiques comme les bêtalactamines (pénicillines G et V, ampicilline et amoxicilline, cefaclor), les myorelaxants et le latex, la chymopapaı̈ne, l’insuline, l’ACTH, la protamine, le formaldéhyde, la gélatine et l’anatoxine tétanique. Leur valeur diagnostique est bonne pour le latex et les myorelaxants, l’anatoxine tétanique, la chymopapaine et le formol, médiocre pour la gélatine des vaccins, et mauvaise pour les bêtalactamines et les hormones (insuline, ACTH). De plus, leur sensibilité est généralement inférieure à celle des TC, et leur spécificité est très faible pour certains médicaments et substances biologiques [19– 25]. Compte-tenu de la faible valeur diagnostique des TC à lecture immédiate aux quinolones, liée au caractère histaminolibérateur non spécifique de ces substances, de grands espoirs sont placés dans une technique de dosage des IgE sériques spécifiques des quinolones, dont les résultats préliminaires sont encourageants [26]. Les tests d’activation leucocytaire reposent sur le principe selon lequel les leucocytes sanguins (basophiles notamment) des patients, sensibilisés par des IgE spécifiques, sont activables par le médicament lorsque celui-ci est ajouté au milieu de survie. Cette activation peut être révélée par des méthodes optiques (test de la dégranulation des basophiles humains, ou TDBH, maintenant abandonné, car très peu sensible du fait du faible nombre de basophiles sanguins), biologiques (dosage des médiateurs libérés, comme l’histamine ou les leucotriènes), et immunocytologiques (marqueurs d’activation membranaire, tels le CD63 ou le CD203c, mis en évidence en cytométrie de flux). En l’état actuel, ces tests posent de nombreux problèmes méthodologiques, présentent une valeur diagnostique très variable selon les médicaments ou substances biologiques, et ne sont pas validés [27–32]. Les tests in vitro ont donc une utilité limitée et, en principe, ne devraient être effectués que dans des cas particuliers. Toutefois, ils pourraient présenter un certain intérêt diagnostique lorsqu’utilisés en association (test de la libération d’histamine ou THR test de la libération des leucotriènes ou CAST test d’activation des basophiles en cytométrie de flux ou TAB) et/ou avec le dosage des IgE sériques spécifiques [33], notamment chez les patients ayant des TC à lecture immédiate négatifs [34] et chez les patients dont les réactions relèvent d’une action pharmacologique du médicament, comme, par exemple, dans le cas des AINS [35–37]. 5. Tests de réintroduction La reproduction des symptômes par une nouvelle administration du médicament suspect fournit un argument formel de la responsabilité de ce médicament. Les tests de réintroduction sont, par ailleurs, le seul moyen de confirmer ou d’infirmer la responsabilité d’un médicament ou d’une substance biologique lorsque les symptômes relèvent d’une HS non allergique [38]. Des recommandations concernant la bonne pratique de ces tests ont été récemment publiées par l’ENDA [39]. La valeur diagnostique des tests de réintroduction n’est cependant pas absolue, et les dangers de ces tests ne sont pas négligeables. En effet, la réintroduction du médicament suspect peut être bien supportée par certains patients, malgré une responsabilité certaine dans l’accident allergique. Ce phénomène peut résulter du fait que les conditions favorables au déclenchement des symptômes peuvent ne pas être réunies lors de l’épreuve de réintroduction (modification du métabolisme des médicaments, liée à une infection, par exemple) [40]. Il peut aussi résulter d’une perte de la sensibilisation médicamenteuse, surtout lorsque la réaction allergique est ancienne (cf. infra). Par ailleurs, dans certains cas, la réintroduction du médicament peut être responsable d’une réaction grave, même lorsque les symptômes initiaux étaient bénins. C’est pourquoi les épreuves de réintroduction ne doivent être effectuées qu’en milieu hospitalier, sous surveillance stricte et avec des moyens de réanimation adéquats, et ne sont indiquées que lorsque le médicament est jugé indispensable ou très utile, sans alternative thérapeutique possible. 6. Problèmes particuliers Les études ayant montré que les tests utilisés pour le diagnostic d’allergie aux médicaments et substances biologiques pouvaient être négatifs chez des patients authentiquement allergiques, lorsqu’ils étaient effectués trop tôt après la réaction, mais pouvaient aussi donner des résultats faussement positifs chez des sujets non allergiques, lorsqu’ils étaient effectués peu après un traitement bien toléré [41], et les études ayant montré que les tests explorant l’HSI aux médicaments pouvaient se négativer en quelques années chez de nombreux patients authentiquement allergiques [42–44], posent le problème du moment optimal pour effectuer le bilan allergologique, ainsi que celui d’un risque potentiel de réactivation, par les tests de réintroduction, voire les TC, d’une sensibilisation faible et non détectable chez les patients explorés trop tardivement. 6.1. Quand faut-il effectuer le bilan ? En pratique courante, et sur la base des données évoquées cidessus, il recommandé d’effectuer le bilan d’allergie immédiate aux médicaments au plus tôt six semaines après la réaction, et, C. Ponvert / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 47 (2007) 292–297 de façon optimale, entre le 3e–6e mois et la 1e ou 2e année suivant la réaction, ne serait-ce que pour conserver une anamnèse fiable. 6.2. Le risque de « resensibilisation » induite par le bilan allergologique ? Diverses études publiées récemment, notamment chez des patients explorés pour suspicion d’allergie aux bêtalactamines, ont suggéré que les TC et, plus probablement, les tests de réintroduction, même négatifs, pourraient réactiver une sensibilisation IgE-dépendante non détectable initialement, et faire ainsi courir le risque de réaction anaphylactique plus ou moins grave lors d’une exposition fortuite ou d’un traitement ultérieurs par le médicament [45–47]. Selon divers auteurs [46,48,49], 5 à 10 % des patients dont le bilan initial (TC et test de réintroduction) est négatif ont des TC à lecture immédiate positifs deux à quatre semaines plus tard. Ces études ont donc suggéré l’utilité d’un second bilan, effectué quelques semaines après le bilan initial, pour mettre en évidence une éventuelle réactivation de la sensibilisation aux bêtalactamines [50]. Il semble toutefois que bon nombre des sensibilisations, ainsi détectées par les TC à lecture immédiate effectués peu après un bilan initial négatif, ne sont pas pathogènes. En effet, comme il a été indiqué plus haut, les tests utilisés pour le diagnostic d’allergie médicamenteuse peuvent donner des résultats faussement positifs chez des sujets non allergiques lorsqu’ils sont effectués peu après un traitement bien toléré [41]. Par ailleurs, les données de la littérature indiquent que moins de 3 à 5,5 % des patients « récidivent » lors de traitements ultérieurs par des bêtalactamines pour lesquelles les TC et les tests de réintroduction ont été négatifs, et que, bien souvent, des traitements ultérieurs par la même bêtalactamine ou des bêtalactamines proches sont parfaitement tolérés [51–53]. Cetinkaya et Cag [54] ont également montré que les TC à lecture immédiate étaient positifs chez 10,2 % des enfants fréquemment traités par des bêtalactamines et tolérant ces antibiotiques, et que seul un de ces enfants s’est révélé allergique aux bêtalactamines a posteriori. Enfin, une étude récente, ayant porté sur une cinquantaine d’adultes chez lesquels le diagnostic d’allergie aux bêtalactamines a été infirmé sur la négativité des TC et du test de réintroduction, montre qu’aucune réaction allergique et qu’aucune sensibilisation détectable par les TC ne se sont développées malgré la répétition des tests de réintroduction, effectués à domicile sur plusieurs jours consécutifs, pendant les années suivantes [55]. Ces résultats sont tout à fait comparables à ceux publiés par Mendelsson et al. [56] et à ceux d’une vaste étude prospective effectuée dans notre service [57], qui montrent que le risque de développer une sensibilisation et une réaction allergique est extrêmement faible chez les enfants ayant un bilan allergologique initialement négatif. 7. Résumé et conclusions Les données de la littérature indiquent que les réactions évoquant une HSI aux médicaments et substances biologiques sont fréquentes. Le diagnostic étiologique de ces réactions 295 repose sur une démarche rigoureuse basée avant tout sur la concordance entre les données de l’histoire clinique (examen clinique, lorsqu’il a pu être effectué, et anamnèse) et les résultats des TC à lecture immédiate effectués avec la substance accusée et les substances qui présentent une homologie de structure et/ou d’allergénicité. Idéalement, ce bilan devrait être effectué au plus tôt six semaines après la réaction, et, de façon optimale, entre le 3e–6e mois et la 1e ou 2e année suivant la réaction. Toutefois, les valeurs diagnostique et prédictive des TC à lecture immédiate, bonnes pour certains médicaments et substances biologiques (bêtalactamines, myorelaxants, latex, corticoı̈des, certains vaccins, etc.), sont incertaines, voire franchement mauvaises, pour de nombreux autres médicaments et substances biologiques, comme, par exemple, les macrolides, les quinolones, la protamine et l’aprotinine, les insulines, etc. Chez un patient dont l’histoire clinique est évocatrice, mais chez lequel les TC sont non concordants ou ne peuvent pas être interprétés correctement, car non validés, certains auteurs préconisent le recours aux examens biologiques (dosage des IgE sériques spécifiques, tests d’activation leucocytaire). Toutefois, la sensibilité et la spécificité de ces tests, ainsi que leurs valeurs diagnostique et prédictive, ne sont pas clairement validées pour la majorité des médicaments et substances biologiques. Enfin, la positivité des tests d’activation leucocytaire ne reflète pas obligatoirement un mécanisme IgE-dépendant sous-jacent, mais peut être la conséquence d’une action pharmacologique des médicaments (antipyrétiques-antalgiques-AINS, notamment). Dans les cas incertains, le diagnostic de certitude repose sur les tests de réintroduction. Compte-tenu de leurs dangers potentiels, ces tests doivent être effectués en milieu de type hospitalier, sous surveillance stricte et avec des moyens de réanimation appropriés, et ne sont indiqués que lorsque le médicament est jugé indispensable ou très utile, et qu’il n’existe pas de traitement alternatif. Enfin, certains auteurs recommandent d’effectuer un second bilan, quelques semaines ou mois après un bilan initialement négatif, chez les patients dont l’histoire clinique est très évocatrice d’une HSI médicamenteuse ou, au contraire, est ancienne et mal déterminée. Références [1] Pichler WJ. Immune mechanisms of drug hypersensitivity. 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