Quid de l`indemnité reçue pour la cession ou la concession de droits
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Quid de l`indemnité reçue pour la cession ou la concession de droits
IPCF | Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés SOMMAIRE p. 1/ Q uid de l’indemnité reçue pour la cession ou la concession de droits d’auteur et droits voisins ? p. 5/ Frais de voiture non admis et avantage de toute nature Quid de l’indemnité reçue pour la cession ou la concession de droits d’auteur et droits voisins ? Ces derniers mois et semaines, la fiscalité des revenus Puisqu’il est établi que les indépendants comme les découlant de la cession ou de la concession de droits d’au- salariés peuvent recevoir une telle indemnité, se pose teur et droits voisins perçus par des personnes physiques la question de savoir si cette indemnité entre en ligne a fait couler beaucoup d’encre dans la presse spécialisée de compte pour le calcul des cotisations sociales. La ré- ou non. ponse à cette question manque à ce jour encore de clarté. bénéficiaires privés, ils pourront être imposés en tant que Avant toute chose, rappelons brièvement de quelles revenus professionnels au taux progressif, en tant que « œuvres » il s’agit précisément et quels sont les revenus revenus divers à 33 % ou en tant que revenus mobiliers concernés. à 15 %. Ces mêmes revenus perçus par des sociétés seront toujours soumis aux taux ordinaires de l’impôt des sociétés. Depuis l’introduction de l’article 17, § 1, 5° CIR 1992, Qu’est-ce qu’une œuvre protégée par le droit d’auteur ou par des droits voisins et quels sont les revenus visés ? nombreux sont les artistes qui perçoivent une indemnité pour la cession ou la concession de droits d’auteur Le droit d’auteur concerne les droits sur des « œuvres et droits voisins dans le cadre de leur activité profes- littéraires ou artistiques » : il s’agit notamment de logos, sionnelle ‘normale’. Cette indemnité est alors considérée dessins, illustrations, présentations, mémos, objets par son bénéficiaire comme un revenu mobilier. L’admi- usuels, poèmes, œuvres musicales, ... La loi du 30 juin nistration refuse souvent cette qualification de revenu 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, ne mobilier. donne pas de définition de ce qu’est une « œuvre littéraire ou artistique ». On trouve néanmoins une défini- Comme vous pourrez le lire dans cet article, tant les tion plus détaillée à l’article 2 de la Convention de Berne : indépendants que les salariés peuvent recevoir une « comprennent toutes les productions du domaine litté- indemnité pour la cession ou la concession de droits raire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode d’auteur ou droits voisins, mais il est alors de la plus ou la forme d’expression, telles que : les livres, brochures haute importance qu’une convention écrite réaliste et et autres écrits ; les conférences, allocutions, sermons détaillée soit conclue à ce sujet entre les parties concer- et autres œuvres de même nature ; les œuvres drama- nées. tiques ou dramatico-musicales ; les œuvres chorégra- 1 P a c i ol i N ° 400 I P C F - B I B F / 2 Mars 2015 - 15 Mars 2015 P 309339 – Bureau de dépôt 9000 Gent X – Bimensuel – Ne paraît pas dans les semaines 28-36 Selon la qualification donnée à ces revenus accordés à des phiques et les pantomimes ; les compositions musicales de la concession de droits d’auteur ou droits voisins, avec ou sans paroles ; les œuvres cinématographiques, à condition que le contrat de travail conclu entre le auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par travailleur et l’employeur comporte, d’une part une un procédé analogue à la cinématographie ; les œuvres clause, formelle concernant la cession ou la concession de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de de droits d’auteur ou droits voisins et, d’autre part, une gravure, de lithographie ; les œuvres photographiques, disposition formelle en matière d’octroi d’une indem- auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par un nité spécifique y afférente et étant distincte de la rému- procédé analogue à la photographie ; les œuvres des arts nération de salarié. appliqués ; les illustrations, les cartes géographiques ; les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la Il est en d’autres termes crucial pour les salariés, mais géographie, à la topographie, à l’architecture ou aux aussi pour les indépendants, d’établir un contrat (de tra- sciences. » vail) clair et spécifique afin de permettre une imposition des revenus provenant de la cession ou de la concession La protection d’une œuvre littéraire ou artistique est de droits d’auteur ou droits voisins conformément au subordonnée aux conditions suivantes : régime fiscalement avantageux. – Elle doit avoir une forme concrète. La circulaire du 4 septembre 2014 (elle avait initiale- – L’exigence d’originalité doit être remplie : l’œuvre ment été retirée et vient maintenant d’être publiée doit témoigner d’une activité intellectuelle de l’au- sans aucune modification) souligne l’importance de la teur et porter l’empreinte de sa personnalité. convention entre l’employeur et le travailleur / le donneur d’ordre et le prestataire de service afin de détermi- Les droits d’auteur qui entrent en ligne de compte pour ner quelle partie de l’indemnité reçue peut être considé- une cession ou une concession sont les droits patrimo- rée comme des droits d’auteur, et propose la manière de niaux sur ces œuvres (droit de reproduction, droit de procéder suivante : distribution, droit de communication au public). – si le contrat prévoit une clé de répartition ou une Les droits voisins portent sur les œuvres d’artistes rétribution distincte en fonction de l’objet rémunéré exécutants ou interprètes (des personnes qui commu- (…), on se référera à la clé de répartition prévue dans niquent une œuvre au public par le biais d’une exécu- le contrat. tion ou d’une interprétation). – Si le contrat prévoit notamment une cession ou une Les droits voisins qui entrent en ligne de compte pour concession de droits d’auteur ou de droits voisins, une cession ou une concession sont le droit de pouvoir avec mention d’une rétribution globale (donc sans exécuter / interpréter, enregistrer, diffuser, dupliquer, identifier la partie des revenus rémunérant ladite l’œuvre de l’auteur (artiste exécutant ou interprète, pro- cession ou concession), il est considéré que les droits ducteur, ...) en question. sont censés être cédés ou concédés à titre gratuit. – Si le contrat vise uniquement la cession ou la conces- Les revenus visés à l’article 17, § 1, 5° CIR 1992 sont sion de droits d’auteur ou de droits voisins, non pas donc les revenus provenant de la cession ou de la conces- la prestation d’artiste, la totalité de la rétribution sion des droits d’auteur et droits voisins visés ci-dessus. est censée afférente à la cession ou la concession de droits d’auteur ou de droits voisins. A quelles conditions les indépendants et les salariés peuvent-ils bénéficier du régime fiscalement avantageux des droits d’auteur ? – Si le contrat ne prévoit pas de cession ou de concession de droits d’auteur ou de droits voisins, nonobstant le fait que la prestation en cause soit telle qu’elle comporte nécessairement une telle cession ou concession, il ne peut être question d’une indemnité pour la cession ou la concession de droits d’auteur. Pour les indépendants, l’application de ce régime résulte en fait de l’introduction de l’article 17, § 1, 5° CIR 1992. La conclusion de cette circulaire est donc que l’admi- Pour les salariés, la situation est quelque peu différente. nistration doit se baser sur le contrat entre les parties concernées afin d’examiner quelle est la répartition A l’origine, on trouve une ancienne circulaire du entre les droits d’auteur et le revenu professionnel. 21 mai 2012 confirmant que les salariés peuvent eux Il convient bien entendu de veiller à ce que la répartition aussi bénéficier de revenus provenant de la cession ou soit motivée afin de d’éviter toute discussion avec l’admi- 2 P a c i ol i N ° 400 I P C F - B I B F / 2 Mars 2015 - 15 Mars 2015 nistration concernant le montant de l’indemnité pour Une autre décision anticipée (Ruling) (2014.001 du la cession ou la concession de droits d’auteur ou droits 15 avril 2014) faisait suite à la question de savoir si voisins. Cette dernière circulaire n’exclut pas que 100 % un certain pourcentage de la rémunération brute des de l’indemnité accordée puissent être considérés comme concepteurs de logiciels et des spécialistes du marke- une indemnité pour la cession ou la concession de droits ting pouvait être considéré comme une indemnité pour d’auteur et droits voisins. Songeons par exemple, à cet la cession de droits patrimoniaux sur l’œuvre dont ils se égard, à la situation d’un photographe qui cède les séparent à la suite de la signature d’un contrat de confi- droits sur une photo prise antérieurement afin d’illus- dentialité en faveur de l’employeur en stipulant que ce trer un article spécifique. dernier acquiert la propriété exclusive de l’information confidentielle et des inventions ainsi que les droits qui Comment déterminer l’indemnité pour la cession ou la concession de droits d’auteur et droits voisins ? en découlent et qui ont vu le jour dans le cadre de l’occupation. La Commission de Ruling a accepté les pourcentages suivants : pour les concepteurs de logiciels entre 8 et Dès que l’on a déterminé si l’artiste peut être indemnisé 14 % et pour les spécialistes du marketing entre 1 et pour la cession ou la concession de droits d’auteur ou 15 %. de droits voisins, se pose la question du montant de l’indemnité en question. Dans d’autres cas, la Commission de Ruling a admis (2014.097 du 14 avril 2014, 2013.010 du 17 septembre Différentes décisions anticipées (Ruling) ont déjà été 2013 et 2013.252 du 14 avril 2014) une indemnité pour prises dans ce domaine. La Commission de Ruling des droits d’auteur accordée à un chef d’entreprise à procède de manière systématique en ce sens qu’elle se concurrence de 5 % et 7,5 % (concepteur de logiciels) du penche avant toute chose sur les questions énoncées ci- chiffre d’affaires réalisé par sa société, et à concurrence dessus. de 10 % du chiffre d’affaires net réalisé par la société S’agit-il d’une œuvre protégée ? par le biais de documents écrits / publications du chef S’agit-il d’une cession ou concession des droits patrimo- d’entreprise. niaux sur l’œuvre en question, sur la base d’une convention ? Enfin, la Commission de Ruling (2012.472 du 15 avril Les revenus accordés découlent-ils de la cession ou de la 2014) a encore décidé qu’il y a lieu de distinguer, d’une concession de cette œuvre ? part, l’indemnisation de prestations et, d’autre part, l’indemnisation pour des droits d’auteur. Sur la base La réponse à la troisième question sera ici examinée, des circonstances concrètes du dossier, la Commission en l’occurrence la détermination de l’importance de l’in- de Ruling accepte qu’il soit question d’un droit d’au- demnité accordée pour la cession ou la concession des teur en faveur d’un chef d’entreprise à concurrence droits patrimoniaux sur l’œuvre. de 25 % en matière de régie postproduction, travail derrière la caméra et/ou régie et de 10 % en ce qui La Commission de Ruling (2014.161 du 27 mai 2014) concerne la remise du duplicata d’un support matériel a par exemple accepté que des journalistes profession- avec un plafond total de 50 % des droits d’auteur que nels et des journalistes stagiaires (deux catégorises la société reçoit elle-même sur une base trimestrielle. relevant du statut de salarié) puissent être rémunérés sous forme de droits d’auteur à concurrence de maxi- En ce qui concerne les documents écrits d’avocats et mum 25 % de leur enveloppe financière totale (avant de leurs collaborateurs, la Commission de Ruling est ONSS). Cette demande émanait des salariés concernés claire. L’indemnité accordée par un cabinet d’avocats eux-mêmes et d’organisations représentatives de cer- à ses collaborateurs pour l’utilisation des avis, conclu- taines entreprises de presse de la partie francophone sions, contrats types établis par leurs collaborateurs, du pays qui avaient établi un protocole de convention est une rémunération et constitue donc un revenu pro- collective de travail reprenant un tableau faisant varier fessionnel (Rapport annuel 2013, 7/17 DB, p. 85). le montant de l’indemnité (%) pour la cession de droits patrimoniaux en fonction de la catégorie à laquelle ap- La Commission met plusieurs fois en garde (notamment partient le journaliste (la presse flamande a elle aussi 2014.001 du 15.04.2014) : la décision s’applique unique- formulé une telle demande avec, il est vrai, une autre ment à l’impôt sur le revenu, et non à l’ONSS (vois infra). clé de répartition, mais n’a enregistré aucune réaction à sa demande). 3 P a c i ol i N ° 400 I P C F - B I B F / 2 Mars 2015 - 15 Mars 2015 La Commission de Ruling s’assure aussi, lors des diverses travailleur a droit à charge de son employeur « à la demandes, qu’il n’y a pas d’infraction à la disposition gé- suite de son occupation » au sens de l’article 2 de la loi nérale anti-abus : la plupart des demandes portent en effet concernant la protection de la rémunération des tra- sur des contrats de salariés ou sur des contrats de pres- vailleurs. L’indemnité en question fait donc partie du tations de services existants et le Ministre des Finances a salaire sur la base duquel des cotisations de sécurité fait savoir lors de l’entrée en vigueur de la législation sur sociale sont à calculer dans le régime des travailleurs le régime fiscal spécifique, par le biais d’un avis publié salariés. » au Moniteur belge (MB du 9 décembre 2008, 65483) qu’« il ne pourrait être question sur la base de la nouvelle loi de A défaut de détails supplémentaires, on remarque d’em- transformer demain en droits d’auteur des revenus qui blée que la cour renvoie au lien entre l’indemnité for- constituent aujourd’hui des rémunérations ou des profits faitaire reçue et le salaire que le travailleur perçoit à la de professions libérales ». suite de son occupation. Ce lien semble en l’espèce explicable par le fait que l’ad- Dans les cas en question, la Commission de Ruling a dendum spécifie que l’indemnité forfaitaire est due par décidé qu’il n’y avait pas d’abus fiscal car a) le transfert mois d’occupation effective. de droits est déjà prévu par un contrat de confidentialité ou par un contrat de travail ou un accord de collabora- L’ONSS est très strict en matière d’exonération de ver- tion, b) il n’y avait, par le passé, aucune distinction entre sement de cotisations sociales sur certaines indemnités la rémunération ordinaire et la rémunération pour les restreintes payées par l’employeur et utilise à cette fin droits cédés mais le fait qu’une distinction est mainte- des tableaux non-officiels. Dans ces tableaux, il n’est nant effectuée résulte de ce que le législateur a opéré nulle part question d’indemnités forfaitaires pour la ces- une distinction entre les différentes règles d’imposition sion ou la concession de droits d’auteur et droits voisins. et c) la sécurité juridique est visée par l’établissement L’ONSS estime par conséquent que cette indemnisation de règles en matière d’indemnisation par le biais d’un constitue un revenu professionnel ordinaire sur lequel protocole ou d’une convention. des cotisations de sécurité sociale sont dues. ‘Des cotisations sociales sont dues sur les droits d’auteur’ Cette position semble suivie en cassation. Dans ce cadre se pose toutefois la question suivante : La Cour de Cassation a récemment décidé que l’indem- l’indemnité pour la cession ou la concession de droits nité que perçoit un artiste exécutant ou interprète pour d’auteur et droits voisins est considérée d’un point de la cession de ses droits voisins était soumise aux cotisa- vue fiscal comme étant absolument et irrévocablement tions ONSS. un revenu mobilier jusqu’à un plafond de 57 080 euros (indexé, revenus 2014). Il s’agissait d’une indemnité accordée à un artiste exécu- Les revenus mobiliers ne sont pas soumis à des cotisa- tant ou interprète qui avait participé à l’exécution d’une tions de sécurité sociale, celles-ci sont uniquement dues comédie musicale dont les enregistrements avaient été sur des revenus professionnels. commercialisés. L’addendum à son contrat de travail, dans lequel il avait renoncé à ses droits voisins, men- Force est dès lors de se demander si la même conclusion tionne qu’il reçoit en échange une indemnité forfaitaire se serait imposée en Cassation concernant l’obligation de 400 euros par mois d’occupation effective. de verser des cotisations de sécurité sociale si l’adden- L’ONSS estime que cette indemnité forfaitaire doit être dum au contrat de travail de l’artiste avait été rédigé de soumise aux cotisations sociales. L’employeur n’est pas manière plus claire et comporté une indemnité distincte d’accord. spécifique pour la cession de ses droits voisins en tant qu’artiste conformément aux dispositions reprises dans Décision en cassation (Cass. 15 septembre 2014) : la dernière circulaire du 4 septembre 2014, qui laisse en- « La rémunération que reçoit un artiste exécutant de tendre que les artistes peuvent être partiellement rému- son employeur pour la cession de ses droits voisins nérés sous forme de revenu mobilier pour la cession ou à laquelle il s’est engagé lors de la conclusion de son la concession de leurs droits d’auteurs et droits voisins. contrat de travail est une « contrepartie » pour la cession de droits concernant des prestations fournies en La discussion concernant les cotisations de sécurité vertu du contrat de travail. Cette rémunération est sociale sur les indemnités accordées aux travailleurs par conséquent, selon la règle, un avantage auquel le s’étend à la question de savoir si des cotisations sociales 4 P a c i ol i N ° 400 I P C F - B I B F / 2 Mars 2015 - 15 Mars 2015 d’indépendant sont dues sur des droits d’auteur accor- revenus. Pour les personnes qui déclarent des droits d’au- dés à des collaborateurs indépendants. Le Compendium teur et des revenus d’indépendant, les cotisations doivent social indique que : uniquement être calculées sur la base des revenus d’in- Les droits d’auteur interviennent pour le calcul des cotisa- dépendant (Cour du Travail Liège 20 janvier 2009, Soc. tions si leur bénéficiaire n’a pas d’autre statut équivalent Kron. 2009, 539). (Cour du Travail Anvers 20 mai 2008, Soc. Kron. 2009, 537). Ainsi, pour ceux dont les revenus se composent uniquement de droits d’auteur et qui sont soumis au statut Nathalie VAN DIEST et Peter VERSCHELDEN social, les cotisations sont calculées compte tenu de ces Moore Stephens Frais de voiture non admis et avantage de toute nature Etat des lieux après la circulaire du 15.07.2014 et l’arrêt de la Cour de cassation du 10.10.2014 Les frais de voiture ne sont déductibles que de manière sorte qu’ils sont intégralement déductibles dans le chef limitée à l’impôt des sociétés, mais le fisc accepte que les de la société. frais de voiture non admis soient diminués lorsque les voitures sont utilisées à des fins privées par des travailleurs Selon le commentaire administratif du Code des impôts ou des dirigeants d’entreprise et que l’avantage de toute sur les revenus, les frais de voiture non admis pouvaient nature correspondant constitue pour ces personnes un être diminués de la quotité se rapportant à l’usage pri- élément imposable. Dans cet article, nous nous penchons vé1. En pratique, on procédait cependant généralement sur deux questions qui se posent à cet égard. Premiè- d’une autre manière, en diminuant les frais de voiture rement, de quel montant les frais de voiture non admis non déductibles du montant de l’avantage. Cette façon peuvent-ils être diminués ? Le fisc a exposé son point de de procéder était plus simple, dans la mesure où il ne vue sur la question dans une circulaire du 15.07.2014. fallait pas établir une ventilation des kilomètres privés Deuxièmement, la limitation ne s’applique-t-elle pas non et professionnels. Le ministre des Finances tolérait le plus dans la mesure où l’avantage de toute nature ne choix de ce mode de calcul ‘pour des raisons pragma- constitue pas un élément imposable pour les travailleurs tiques’2. ou dirigeants d’entreprise parce qu’ils paient une ‘intervention personnelle’ à la société ? Cette deuxième ques- L’année dernière, ce point de vue administratif a cepen- tion a été abordée dans un arrêt de la Cour de Cassation dant été remis en cause subitement. En réponse à des du 10.10.2014. questions parlementaires, le ministre a signalé que la Moins de frais de voiture non admis lorsqu’un avantage de toute nature est imposé ‘tolérance administrative’3 ne s’appliquait plus pour les frais de voiture faits ou supportés depuis le 1er janvier 2012, parce que depuis cette date, l’avantage de toute nature était calculé d’une autre manière4. Point de vue exposé dans le commentaire administratif 1 Comm. IR 66/41 et 195/109-110 2 Q. et R., Sénat, 2002-2003, n° 2/68, p. 3796 (question n° 1160 du 20 février 2001, O. de Clippele). La réponse du ministre n’a cependant pas été intégrée dans le commentaire administratif. Le fisc a toujours admis que lorsqu’une voiture est uti- 3 Le ministre a utilisé cette terminologie erronément. Il ne s’agit en effet pas d’une tolérance administrative. Il ressort en effet des travaux préparatoires de la loi qui a instauré la limitation de la déduction des frais de voiture que l’objectif du législateur était d’éviter la double imposition (de l’avantage dans le chef du bénéficiaire et des frais non admis dans le chef de la société). 4 Q. et R., chambre, 2013-2014, n° 53/158, pp. 177-180 (question n° 130 du 7 mars 2013, M.-C. Marghem, et question n° 138 du 7 mars 2013, D. Van der Maelen). lisée à des fins privées par des travailleurs ou des dirigeants d’entreprise et que ceux-ci sont imposés sur un avantage de toute nature pour cette utilisation privée, les frais liés à l’usage privé soient considérés comme des ‘frais salariaux’ et non comme des ‘frais de voiture’, de 5 P a c i ol i N ° 400 I P C F - B I B F / 2 Mars 2015 - 15 Mars 2015 La circulaire du 15 juillet 2014 Diminuer les frais de voiture en limitant la quotité afférente à l’usage privé Le ministre a heureusement fait rapidement machine arrière et quelques mois plus tard, une circulaire signée Il y a dans ce cas lieu de procéder comme suit : de sa main, confirmant l’ancien point de vue administratif – dans une version légèrement modifiée certes –, – Par année, il faut calculer quelle quotité des frais a été publiée5. de voiture se rapporte à l’usage privé de la voiture (= kilomètres privés par rapport au nombre total de Calcul des frais de voiture non soumis à la limitation kilomètres). – Ensuite, la limitation des frais de voiture ne doit être appliquée qu’à la quotité des frais qui ne se rapporte Deux méthodes pas à l’usage privé de la voiture. Il ressort de la circulaire du 15 juillet 2014 que les frais de voiture déductibles de manière limitée sont en prin- Quelle est la méthode la plus avantageuse ? cipe diminués du montant de l’avantage imposable dans le chef du travailleur ou du dirigeant d’entreprise. La Cela dépend de l’ampleur de l’usage privé. Si celui-ci est méthode ‘pragmatique’, qui n’était pas mentionnée dans limité, la déduction de l’avantage générera moins de le commentaire administratif, mais qui était appliquée frais de voiture non admis qu’en cas de déduction des en pratique et acceptée par le fisc, devient donc à pré- frais réels afférents à l’usage privé. Si l’usage privé est sent celle qui emporte la préférence de ce dernier. important, ce sera le contraire9. Selon la circulaire, l‘ancienne’ méthode, c’est-à-dire Exemple celle qui était mentionnée dans le commentaire, peut cependant toujours être appliquée, lorsque la société Une SPRL est propriétaire d’une voiture à essence d’une peut prouver quelle quotité des frais exposés porte sur valeur d’acquisition hors TVA de 30.000 euros, dont le l’usage privé de la voiture. La circulaire ne précise ce- taux d’émission de CO2 est de 160 g/km et qui a été pendant pas comment cette preuve peut être apportée. immatriculée à la DIV le 2 janvier 2015. La voiture est Selon nous, le mieux est de le faire sur la base d’un re- amortie sur cinq ans. gistre des trajets . 6 Les frais de carburant pour 2015 s’élèvent à 3.000 eu- Diminuer les frais de voiture en limitant l’avantage de toute nature ros hors TVA et les autres frais de voiture s’élèvent à 2.900 euros hors TVA, dont 1.700 euros sans TVA (assurances, taxe de circulation) et 1.200 euros avec TVA Dans ce cas, il y a lieu de procéder comme suit : (entretien et réparations). – vous réduisez les frais de carburant de la société à L’avantage de toute nature pour 2015 s’élève dès lors à 30 % de l’avantage en nature et les autres frais déduc- 3.267 euros (= valeur catalogue de 36.300 × 10,50 % de tibles de la voiture à 70 % de l’avantage7 ; pourcentage CO2 × 6/7). – vous adaptez la limitation sur ces frais de voiture réduits8 : vous rejetez 25 % des frais du carburant et, au Les frais de carburant sont déductibles à concurrence niveau des autres frais de voiture, un pourcentage qui de 75 % et les autres frais de voiture, en ce compris les dépend des émissions de CO2 de la voiture, selon les amortissements, à concurrence de 70 %10 . barèmes énoncés à l’article 198bis CIR 1992. 5 Circulaire AGFisc N° 30/2014 (n° Ci.RH.243/633.725) du 15.07.2014 6 Une ventilation sur la base des méthodes forfaitaires en vigueur pour la TVA (voir décision TVA n° E.T. 119.650/4 du 09.09.2013, numéros 22-35) ne suffit pas selon nous. 7 Q. et R., Sénat, 2002-2003, n° 2/68, p. 3796 (question n° 1160 du 20 février 2001, O. de Clippele). 8 Notez que la déduction de l’avantage ne peut jamais être supérieure aux coûts réellement engagés. Imaginez par exemple que 30 % de l’avantage représente un montant plus élevé que les frais réellement supportés par la société, ces frais de carburant déductibles sont égaux à 0 euros. 6 9 Par le passé (avant 2012), l’application de la seconde méthode pouvait avoir comme conséquence que le travailleur ou le dirigeant d’entreprise était imposé sur un avantage de toute nature plus élevé, étant donné que l’avantage était calculé sur la base des kilomètres privés. Pour le nouveau calcul de l’avantage, l’ampleur de l’usage privé n’a cependant plus d’importance. Lorsque pour la limitation des frais de voiture, une plus grande quotité des frais est attribuée à l’usage privé, cela n’a donc pas d’incidence sur le montant de l’avantage. 10Art. 198bis du CIR 1992 P a c i ol i N ° 400 I P C F - B I B F / 2 Mars 2015 - 15 Mars 2015 Hypothèse 1 : la voiture est utilisée à titre privé à concur- Hypothèse 2 : la voiture est utilisée à titre privé à concur- rence de 10 % rence de 90 % La TVA est déductible à concurrence de 50 %11. La socié- La TVA est déductible à concurrence de 10 %12. La socié- té comptabilise donc les frais de voiture suivants : té comptabilise donc les frais de voiture suivants : – frais de carburant : 3.000 euros + 315 euros de TVA – frais de carburant : 3.000 euros + 567 euros de TVA non déductible = 3.315 euros non déductible = 3.567 euros – amortissement : (30.000 euros + 3.150 euros de TVA non déductible)/5 = 6.630 euros – amortissement : (30.000 euros + 5.670 euro de TVA non déductible)/5 = 7.134 euros – frais de voiture avec TVA : 1.200 euros + 126 euros de TVA non déductible = 1.326 euros – frais de voiture avec TVA : 1.200 euros + 226,80 euros de TVA non déductible = 1.426,80 euros – frais de voiture sans TVA : 1.700 euros – frais de voiture sans TVA : 1.700 euros Il s’agit donc au total de 3.315 euros de frais de voiture Il s’agit donc au total de 3.567 euros de frais de voiture déductibles à 75 % et de 9.656 euros de frais de voiture déductibles à 75 % et de 10.260,80 euros de frais de voi- déductibles à 70 %. ture déductibles à 70 %. Méthode 1 : les frais de carburant sont diminués de 30 % Méthode 1 : les frais de carburant sont diminués de 30 % de l’avantage (= 980,10 euros), et les autres frais de voi- de l’avantage (= 980,10 euros) et les autres frais de voi- ture sont diminués de 70 % de l’avantage (= 2.286,90 ture sont diminués de 70 % de l’avantage (= 2.286,90 euros). euros). Les frais de voiture non admis s’élèvent dès lors au total Les frais de voiture non admis s’élèvent dès lors à à 2.794,45 euros, soit la somme de: 3.038,89 euros au total, soit la somme de: – (3.315 euros – 980,10 euros) × 25 % = 583,72 euros de – (3.567 euros – 980,10 euros) × 25 % = 646,72 euros de frais de carburant non déductibles et frais de carburant non déductibles et – (9.656 euros - 2.286,90 euros) × 30 %= 2.210,73 euros d’autres frais de voiture non déductibles. – (10.260,80 euros - 2.286,90 euros) × 30 %= 2.392,17 euros d’autres frais de voiture non déductibles. Méthode 2 : la limitation est appliquée à 90 % des frais Méthode 2 : la limitation est appliquée à 10 % des frais de voiture. de voiture Les frais de voiture non admis s’élèvent donc au total à Les frais de voiture non admis s’élèvent donc à 396,99 3.353 euros, soit la somme de: euros au total, soit la somme de: – 3.315 euros × 90 % × 25 % = 745,88 euros de frais de – 3.567 euros × 10 % × 25 % = 89,17 euros de frais de carburant non déductibles et carburant non déductibles et – 9.656 euros × 90 % × 30 % = 2.607,12 euros d’autres frais de voiture non déductibles. – 10.260,80 euros × 10 % × 30 % = 307,82 euros d’autres frais de voiture non déductibles. Il est donc plus intéressant d’appliquer la première mé- Dans ce cas-ci, il est donc beaucoup plus intéressant thode, car dans ce cas, la société a 558,55 euros de frais d’appliquer la seconde méthode, car de ce fait, la société de voiture non admis en moins que selon la seconde aura 2.641,90 euros de frais de voiture non admis en méthode. moins que selon la première méthode. 11 La TVA est déductible à hauteur de l’utilisation professionnelle, mais n’excéde pas 50 %. 12 La TVA est seulement déductible à hauteur de l’utilisation professionnelle. 7 P a c i ol i N ° 400 I P C F - B I B F / 2 Mars 2015 - 15 Mars 2015 Quid en cas de paiement d’une intervention personnelle ? frais de voiture nets, c.-à-d. les frais de voiture diminués de l’intervention personnelle, qui constitue une ‘recette’ pour la société, sont déductibles de manière limitée18. Point de vue du fisc Le fisc avait introduit un pourvoi en cassation contre Dans de nombreuses entreprises, les travailleurs qui ces arrêts, mais quelques mois plus tard, la Cour de disposent d’une voiture pour leur usage privé paient cassation a rejeté ce pourvoi19. L’argument du fisc selon une intervention personnelle dans l’avantage de toute lequel les arrêts de la Cour d’appel d’Anvers seraient nature qui est imputée sur leur rémunération nette. Les contraires à la législation comptable ne tient pas. Ces dirigeants d’entreprise peuvent également payer une arrêts ne disent en effet pas que les ‘recettes’ que la so- intervention à leur société ou faire comptabiliser l’avan- ciété tire de l’intervention personnelle des travailleurs tage au débit de leur compte courant. Si cette interven- peuvent être compensées sur le plan comptable par les tion est au moins égale à l’avantage, le travailleur ou le frais de voiture20. La question de savoir dans quelle dirigeant d’entreprise n’est plus imposé à titre privé sur mesure les frais de voiture sont déductibles fiscalement cet avantage. Si l’intervention est inférieure à l’avan- concerne en effet une matière purement fiscale et non tage, seule la différence entre l’avantage et l’interven- une question de compensation comptable. tion personnelle est imposable13 14. Conséquences pratiques Selon le fisc, les frais de voiture non admis ne peuvent cependant pas être diminués (de la partie) de l’avantage Désormais, il est recommandé de diminuer les frais de de toute nature pour lequel (laquelle) une intervention voiture à limiter non seulement des avantages imposés personnelle est payée et qui n’est donc pas imposable à l’impôt des personnes physiques, mais aussi (de la dans le chef du travailleur ou du dirigeant d’entreprise15. partie) des avantages pour lesquels (laquelle) les travailleurs ou les dirigeants d’entreprise paient une interven- Point de vue de la jurisprudence tion personnelle. Dans un premier temps, la Cour d’appel d’Anvers était En ce qui concerne le passé, cet arrêt peut être utilisé sur la même longueur d’ondes que le fisc , mais par comme argument dans une réclamation contre les co- la suite, elle a malgré tout prononcé quelques arrêts à tisations pour lesquelles le point de vue du fisc a été 17 l’avantage du contribuable . Selon la cour, la prise en appliqué, que ce soit spontanément par le contribuable charge des frais par une société-employeur doit être ou en accord avec le fisc à l’issue d’un contrôle fiscal. Les considérée comme une avance faite à ses travailleurs, cotisations pour lesquelles le délai de réclamation a déjà qui est remboursée par les retenues opérées sur la ré- expiré ne sont cependant pas susceptibles d’un dégrève- munération de ces derniers. Pour la société, les frais ne ment d’office. L’arrêt de la Cour de Cassation ne consti- sont plus des frais puisqu’ils sont remboursés par les tue en effet pas un ‘fait nouveau’, sur la base duquel ce travailleurs. Ils ne sont donc, dans cette mesure, pas da- dégrèvement peut être demandé. 16 vantage soumis à la limitation de la déduction. Seuls les Felix VANDEN HEEDE Juriste fiscaliste 13 FAQ sur les nouvelles règles de calcul de l’avantage voiture du 01.10.2012, n° 44 14 Pour la société, il n’y a donc pas, à concurrence de l’intervention personnelle, de dépense non admise de 17% des avantages imposables (FAQ sur les nouvelles règles de calcul de l’avantage voiture du 01.10.201201.10.2012, n° 59). 15 Q. et R., Chambre, 2005-2006, n° 51/121, pp. 23475-23477 (question n° 1206 du 27 mars 2006, F. Borginon) 18 La raison de ne pas soumettre l’avantage à la limitation est donc différente de celle invoquée lorsque l’avantage est imposé dans le chef du travailleur ou du dirigeant d’entreprise. Dans ce cas, on ne peut en effet pas parler de ‘frais de personnel’. Il ne s’agit pas des frais dans la mesure où une intervention personnelle est payée. 19 Cass. 10.10.2014 16 Anvers, 24.11.2009 20 La compensation comptable entre les charges et les produits est interdite par l’art. 25, § 2, de l’AR/C. Soc. 17 Anvers, 18.05.2010, 17.05.2011 et 11.09.2012 Aucun extrait de cette publication ne peut être reproduit, introduit dans un système de récupération ou transféré électroniquement, mécaniquement, au moyen de photocopies ou sous toute autre forme, sans autorisation préalable écrite de l’éditeur. La rédaction veille à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager sa responsabilité. Editeur responsable : Jean-Marie CONTER, IPCF – av. Legrand 45, 1050 Bruxelles, Tél. 02/626.03.80, Fax. 02/626.03.90 e-mail : [email protected], URL : http://www.ipcf.be Rédaction : Jean-Marie CONTER, Gaëtan HANOT, Geert LENAERTS, Xavier SCHRAEPEN, Chantal DEMOOR. Comité scientifique : Professeur P. MICHEL, Professeur Emérite de Finance, Université de Liège, Professeur C. LEFEBVRE, Katholieke Universiteit Leuven. Réalisée en collaboration avec Wolters Kluwer – www.wolterskluwer.be 8 P a c i ol i N ° 400 I P C F - B I B F / 2 Mars 2015 - 15 Mars 2015