La peinture, ou l`usage perdu des formes de vie

Transcription

La peinture, ou l`usage perdu des formes de vie
EXPOSITIONS
La peinture,
ou l’usage perdu
des formes de vie
toujours en excès par rapport au réel
et que l’on ne saurait réduire à un
art engagé. Elle est habitée par des
trouvailles artistiques qui font la
force expressive de cette peinture :
l’image pour l’image, le rouge ou la
théâtralisation des formes de vie.
Exposition
Gérard Fromanger
La peinture
est dans l’image
Centre Pompidou
du 17 février au 16 mai 2016
En 1975, l’exposition personnelle de Gérard Fromanger à la
galerie Jeanne Bucher à Paris était
intitulée : « Le désir est partout ».
Elle était accompagnée d’un texte
de Michel Foucault qui présentait une analyse en profondeur de
l’œuvre. Dans la Peinture photogénique, Foucault insiste sur l’importance de la photographie dans
le travail de Fromanger. L’image
est évanescente. De tels tableaux
ne fixent pas d’images. Ils les font
passer. L’image est du côté du désir
nécessairement mobile : elle est
impure, hybride et non technique.
Le texte de Foucault est étonnant.
Il rompt avec d’autres textes sur la
peinture comme la conférence sur
Manet entièrement consacrée à une
analyse minutieuse et serrée d’un
certain nombre de tableaux, faisant
de Manet un artiste en dehors de
l’histoire de l’art, « le premier des
modernes », pour reprendre une
expression de Georges Bataille1.
Foucault commence à évoquer la
peinture de Fromanger avec une
Avec la peinture de Gérard
Fromanger, nous pouvons réapprendre l’amour des images, tellement mis à mal par la conception
d’un art sec, économe en lignes et
en couleurs. Nous pouvons y trouver un miroir de nos formes de vie
plus ou moins émancipées, plus ou
moins aliénées : de la résistance
politique à la consommation, des
subjectivités habitées par le désir
jusqu’aux humains désincarnés de
la société médiatique. Fromanger
fabrique des images grâce à un
usage retrouvé de la photographie.
Il projette des diapositives sur une
toile et, peignant la photographie
projetée, il insiste sur les couleurs
et leurs contrastes : du rouge au
bleu, du vert au jaune et au violet,
du noir au blanc. Mais il s’associe
en même temps à la pensée critique
de la seconde moitié du xxe siècle.
Avec ses amis, que furent Deleuze,
Guattari et Foucault, il élabore un
art politique critique à l’égard du
capitalisme. Mais si on en reste à
cette première analyse, la peinture
de Fromanger nous échappe tant
elle tient dans des formes picturales
1. Georges Bataille, Manet, Paris,
Skira, 1983, p. 15.
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