Paraître et apparences en Europe occidentale du Moyen Age à nos

Transcription

Paraître et apparences en Europe occidentale du Moyen Age à nos
Paraître et apparences en Europe occidentale du
Moyen Age à nos jours
Isabelle Paresys (dir.), Paraître et apparences en Europe occidentale du
Moyen Age à nos jours, édité par Isabelle Paresys aux Presses
universitaires du Septentrion, 2008, 397 p., 25 €
L’espace européen occidental fut, dès le Moyen Âge, très actif dans
l’élaboration de modes de paraître et d’apparences qui ont su s’étendre à
d’autres espaces géographiques et culturels. Il est aussi un espace
d’échanges internes intenses, lui-même soumis à des courants d’influence
extérieurs qui ébranlent les représentations identitaires. Dans cet ouvrage
les auteurs, issus de différentes disciplines des sciences humaines et
sociales (histoire, histoire de l’art, sociologie, littérature, cultural et
fashion studies) contribuent à enrichir la réflexion sur la sémiologie du
paraître et sur ses espaces d’expression.
Replacées dans leur contexte historique, différentes formes du paraître
sont présentées ici, allant des vêtements aux décors de table et
d’intérieur, en passant par les collections d’art, les accessoires de
nouvelles technologies et les parfums ! Elles expriment combien le
paraître et les apparences sont multiformes. Leur juxtaposition dans cet
ouvrage
permet
d’appréhender les modes de
paraître
comme
un
ensemble, alors que leurs manifestations matérielles, leurs modes de
production et leurs modalités de diffusion dans la société et dans l’espace
géographiques sont multiformes.
Si les apparences sont le produit d’un corps paré ou vêtu, animé par les
gestes (et la parole), perceptible par l’odorat, selon les modes d’hygiène
auxquelles il adhère, le paraître ne se réduit pourtant pas pour autant aux
apparences corporelles. Il se met en scène dans un cadre matériel allant
de l’habitat au mobilier en passant par la consommation alimentaire et les
moyens de communication. Il prend aussi tout son sens en fonction des
lieux et espaces où il s’exprime. Le rapport de l’homme aux objets et aux
espaces dans lesquels il évolue leur donne un sens. Il est au cœur de son
être. Cet ensemble est capital dans la définition des identités : celle d’un
individu et sa place dans la hiérarchie des fortunes et des rangs ; celles
d’un groupe national, social (hommes, femmes, adolescents, enfants,
etc.) ou professionnel, ou d’une société donnée.
Table des matières
ISABELLE PARESYS
Paraître et Apparences. Une introduction
1ère partie : Signes et codes
Signes et codes
1. LEONE PRIGENT
Les coiffes de l’Alsacienne, signes identitaires provinciaux aux XVIIe et
XVIIIe siècles
2. CLAUDIA KANOWSKI
Les surtouts de table d’orfèvrerie, signes d’apparence de la riche
bourgeoisie et de la noblesse parisiennes au XIXe siècle
3. ROBERT BECK
Paraître dominical et jeu des apparences dans les villes françaises de la fin
du XVIIIe siècle à celle du Second Empire
Âges du Paraître
4. JEAN-PAUL BARRIERE
Le paraître de la veuve dans la France des XIXe et XXe siècles
5. FLORENCE TAMAGNE
Le « blouson noir » : codes vestimentaires, subcultures rock et sociabilités
adolescentes dans la France des années 1950 et 1960
6. CORINNE MARTIN
Téléphone portable et paraître. De nouvelles normes sociales chez les
adolescents ?
Apparences professionnelles
7. ANTOINE DESTEMBERG
Le Paraître universitaire médiéval, une question d’honneur (XIIIe-XVe
siècles)
8. BENOIST PIERRE
L’habit fait-il le moine ? Le paraître des religieux au temps de la réforme
catholique (France, Italie)
9. CATHERINE DENYS
De « l’habit rayé du sergent » à l’uniforme du policier dans les anciens
Pays-Bas méridionaux au XVIIIe siècle
Apprentissages et morales
10. CAROLINE DOUDET
Comment l’élégance vient aux provinciaux : l’apprentissage des codes du
paraître dans Balzac au XIXe siècle
11. DANIEL DUBUISSON
Du visible à l’invisible. Le refus des apparences dans l’Inde ancienne et en
Occident
2e partie : Espaces du paraître
Échanges
12. GIL BARTHOLEYNS
Le
Brabant
en
Savoie.
Marché
textile
et
culture
vestimentaire
internationale autour de 1300
13. LEYLA BELKAID NERI
Croisements et hybridations des modes vestimentaires dans les sociétés
urbaines méditerranéennes
14. LIANE MOZERE
Entre Manille et Paris : le paraître des domestiques philippines
Géographie et voyages
15. ISABELLE PARESYS
Apparences
vestimentaires
et
cartographie
de
l’espace
en
Europe
occidentale aux XVIe et XVIIe siècles
16. ODILE PARSIS-BARUBE
Le discours sur l’apparence des populations autochtones chez les
voyageurs français du premier XIXe siècle
Paris dans la fabrique des apparences
17. EUGENIE BRIOT
Paris arbitre des élégances olfactives : avènement et sacre d’une capitale
de la parfumerie (1800-1920)
18. AGNES ROCAMORA
Paris à la mode : la Parisienne dans la presse mode
19. WESSIE LING
Vers une nouvelle esthétique diasporique : espaces et modalités du travail
des créateurs de mode étrangers à Paris
Micro-espaces du paraître et des apparences
20. CELIA FLEURY ET MAÏTE GOULLIART
Les intérieurs des élites arrageoises ou le goût et l’art de paraître dans
une capitale provinciale au siècle des Lumières
21. MANUEL CHARPY
Amateurs, collectionneurs et chineurs parisiens au XIXe siècle. Un
commerce des apparences entre centre et périphérie
Résumés des chapitres en français
Les résumés sont classés par ordre alphabétique des auteurs.
JEAN-PAUL BARRIERE Le paraître de la veuve dans la France des XIXe
et XXe siècles Le moment du décès fait l’objet de conduites normées
destinées à accepter la perte, à perpétuer un souvenir et à réintégrer les
proches du défunt dans la société. Elles s’imposent à l’époux survivant,
d’autant plus s’il s’agit d’une femme. Le veuvage, dans toutes ses
gradations, fait l’objet d’un affichage dont le vêtement de deuil n’est qu’un
des aspects. Ces règles, le plus souvent tacites ou réservées à
l’aristocratie, deviennent de plus en plus explicites au XIXe siècle pour la
bourgeoisie et s’étendent aux classes moyennes et populaires. La diffusion
de ces usages, d’abord au Royaume-Uni, puis en France, crée une « mode
» du deuil (vêtements, bijoux…), dont l’apogée se situe à la Belle Époque
et, en France, entre les deux guerres. « Maisons de noir » et presse de
mode développent un marché national et international spécifique. Outre
les
variations
des
canons
esthétiques,
les
vêtements
de
deuil
entretiennent des relations complexes avec le contexte politique (guerre,
deuils nationaux) et social (utilisation symbolique de la veuve), exhibant
ou brouillant les codes vestimentaires. S’affranchir de ces contraintes a
aussi contribué à émanciper les femmes de l’institution familiale et du
regard social.
GIL BARTHOLEYNS Le Brabant en Savoie. Marché textile et culture
vestimentaire internationale autour de 1300 La reconstitution du
marché d’exportation du drap brabançon vers les cours princières et en
particulier vers le comté de Savoie dans le premier tiers du XIVe siècle,
met bien en lumière la multiplicité des facteurs qui entra en jeu dans la
transformation des apparences par ce marché. Le port précoce et soutenu
d’étoffes brabançonnes (ce « drap des rois ») par la cour savoyarde a en
effet dépendu à la fois de la politique commune des deux États, des
intérêts
économiques
convergents
couronnés
par
une
alliance
matrimoniale, des réseaux financiers préexistants, de la biographie
spécifique des principaux agents et de l’importation sur le lieu de
consommation d’un modèle culturel, avec ses professionnels – autant
d’éléments qui ont introduit durablement des nouvelles manières de
s’habiller. Ce cas donne en outre l’occasion de nuancer le modèle
diffusionniste classique : des grands centres (Londres, Paris ou les centres
pontificaux) vers les cours régionales. Ces dernières, comme marchés
d’essai, pouvaient
être à bien
des égards des lieux d’innovation
internationale.
ROBERT BECK Paraître dominical et jeu des apparences dans les
villes françaises de la fin du XVIIIe siècle à celle du Second Empire
Suite à l’amélioration de la condition populaire, le fait de s’endimancher au
sein du peuple des villes quitte, à la fin de l’Ancien Régime, les simples
sphères de la propreté et de la décence, imposées par l’Église, pour entrer
dans le jeu des apparences et du mimétisme sur les scènes principales de
la vie du dimanche. Ce paraître dominical fait partie d’un dimanche festif
caractérisé par le règne du peuple des villes sur l’espace public urbain à la
fin de l’Ancien Régime et dans la première moitié du XIXe siècle. Cette
forme
d’endimanchement
populaire
possède
aussi
une
dimension
revendicatrice et égalitaire qui la rend inadmissible aux yeux des élites. Le
discours de celles-ci sur les conséquences néfastes des toilettes luxueuses
des classes populaires ne s’estompe qu’avec la fin du dimanche festif et
avec la disparition de la fête ouvrière du lundi dans la seconde moitié du
XIXe siècle. Dorénavant, le vêtement du dimanche des milieux populaires
signale l’acceptation de certaines normes de la bourgeoisie, ce qui le rend
alors acceptable par cette dernière.
LEYLA
BELKAÏD
vestimentaires
NERI
Croisements
dans
les
et
sociétés
hybridations
urbaines
sud
des
et
modes
nord
méditerranéennes L’étude de l’évolution des codes du paraître dans les
sociétés urbaines méditerranéennes passe par l’appréhension du monde
méditerranéen
en
tant
qu’espace
d’hybridation
permanente.
L’identification des vecteurs d’échange et des éléments empruntés qui
sont à l’origine de la mutation des modes vestimentaires permet l’analyse
des mécanismes complexes qui sous-tendent l’histoire du costume des
villes
côtières
et
portuaires
de
Méditerranée,
lieux
privilégiés
de
croisement des influences culturelles et des apports stylistiques, textiles et
techniques. Les itinéraires historiques et la mise en évidence des
caractéristiques
formelles,
fonctionnelles
et
signifiantes
de
deux
archétypes vestimentaires féminins provenant du sud et du nord du
Bassin occidental de Méditerranée éclairent ce propos : notre contribution
porte sur le caraco, veste ajustée au corps qui apparaît à Alger vers la fin
du XIXe siècle, et sur le mezzaro, voile drapé qui perdure à Gênes
jusqu’au début du XIXe siècle.
EUGENIE BRIOT Paris arbitre des élégances olfactives : avènement et
sacre d’une capitale de la parfumerie (1800-1920) Tout au long du
XIXe siècle, Paris construit son statut d’arbitre du bon goût et des
élégances olfactives. Au coeur de cette entreprise de conquête, deux
terrains concentrent des enjeux particulièrement fondamentaux : celui du
marché, tout d’abord, mais aussi celui de l’image. Ainsi, que ce soit à
l’échelle
nationale,
face
aux
industries
du
Midi,
ou
à
l’échelle
internationale, face à l’Angleterre et à l’Allemagne, ce n’est que très
progressivement, et au terme d’un processus aux ressorts multiples, que
Paris acquiert son rang de capitale de la parfumerie. Capitale de la
parfumerie en termes de production, capitale en termes de création, Paris
se construit en dernière analyse une image de capitale en termes de bon
goût et d’élégance. C’est cette patiente entreprise d’affirmation d’une
puissance de prescription du paraître olfactif, sur les acquis du passé mais
aussi à la lumière des données du siècle, que ce chapitre s’efforce de
mettre en évidence et d’éclaircir.
MANUEL CHARPY Amateurs, collectionneurs et chineurs parisiens au
XIXe siècle. Un commerce des apparences entre centre et périphérie
Au XIXe siècle, le commerce des signes et des apparences rencontre
constamment celui des antiquaires, brocanteurs et autres marchands
d’occasion. Paradoxalement, dans un siècle qui s’enivre de la haute
nouveauté, ils jouent un rôle central. C’est grâce à leur concours que la
bourgeoisie décore ses appartements de mille signes ennoblis et anoblis
par le temps : tableaux, estampes, bibelots, meubles… Dans un siècle
épris d’histoire, les antiquaires proposent une réserve inépuisable de
signes du passé. L’engouement est sans limite pour les objets anciens,
exotiques et rustiques, autant d’ « ailleurs » qui font rêver. Car pour
l’homme du XIXe siècle, quitter Paris pour la banlieue, la province ou
l’Orient, c’est voyager dans le temps. Pour répondre à cet appétit,
antiquaires et artisans encrassent les tableaux et patinent les objets. Dans
le même temps, les meubles du Faubourg Saint-Antoine sont installés
dans les fermes normandes où les Parisiens viennent les acheter. Et c’est
aux confins de la ville que la bourgeoisie s’imagine découvrir chez les
brocanteurs des objets rares et où elle satisfait son désir de Chine. La
quête de l’authentique qui est « le terme sacramental de l’antiquaire »
(Mallarmé) donne lieu à une industrie florissante du faux et à une
délocalisation généralisée.
CATHERINE DENYS De « l’habit rayé du sergent » à l’uniforme du
policier : évolution et diffusion des modèles d’apparence policière au
XVIIIe siècle L’apparence des policiers ne se résume pas à un simple
choix esthétique de vêtements uniformes. Dans les villes des anciens
Pays-Bas au XVIIIe siècle, les autorités communales s’interrogent sur les
signes distinctifs que doivent arborer leurs sergents de police. Même si la
préférence des échevins reste forte en faveur des habits aux couleurs de
la ville et d’une police ostentatoire, une tendance apparaît en faveur d’une
police en civil, plus discrète et plus efficace. D’autre part, les tenues des
policiers s’approchent de plus en plus des uniformes de l’armée,
l’apparence participant ainsi à un mouvement général de militarisation des
polices.
ANTOINE
DESTEMBERG
Le
Paraître universitaire médiéval, une
question d’honneur (XIIIe-XVe siècles) Au milieu du XIIIe siècle,
Thomas d’Aquin définissait l’honor comme une « vertu sociale » qui
s’exprime notamment par des « signes extérieurs ». Dans la société
médiévale, au sein de laquelle il convient d’agir et de paraître selon son
honneur, gestes et vêtements doivent ainsi témoigner du statut et du
rang social de la personne. Pour le milieu universitaire qui tend à
s’affirmer en tant que milieu social autonome, propriétaire de ses propres
codes gestuels et vestimentaires, ces derniers participent à la construction
identitaire de ces intellectuels médiévaux. Cette culture du paraître au
sein des universités médiévales trouve ses fondements dans la littérature
morale et didactique, notamment les traités de discipline destinés aux
étudiants et aux maîtres, ainsi que les statuts réglant la vie dans les
collèges
ou
au
universitaires,
témoignent
sein
telles
des
que
également
universités.
les
de
Les
cérémonies
images
de
l’importance
et
passage
de
cette
les
de
rituels
grades,
composante
vestimentaire. Ces systèmes ritualisés tendent à créer visuellement la
hiérarchie sociale et participent de l’investissement symbolique de ces
signes du paraître universitaire. Enfin, les exempla permettent de
souligner le rôle du vêtement dans l’imaginaire de ces intellectuels
médiévaux, un rôle contesté par les auteurs dominicains qui dénoncent
régulièrement le manque d’humilité du paraître universitaire.
CAROLINE DOUDET Comment l’élégance vient aux provinciaux :
l’apprentissage des codes du Paraître dans Illusions perdues de
Balzac Les héros balzaciens et en particulier ceux des Illusions perdues
portent une attention considérable à tout ce qui relève du domaine des
apparences : vêtements bien sûr, mais aussi gestuelle, façon de parler,
cadre de vie, lieux de sortie. Or ces apparences sont régies par des codes
stricts, ceux de l’aristocratie parisienne de la Restauration. Ce chapitre se
propose de montrer comment deux provinciaux, qui à l’origine ne
connaissent pas ces codes, peuvent se les approprier, chacun d’une
manière différente, et devenir de véritables élégants.
DANIEL DUBUISSON Du visible à l’invisible. Le rejet des apparences
dans l’Inde ancienne et en Occident Toutes les sociétés connues ont
élaboré des codes précis permettant à chacun de leurs membres de dire
son statut, sa fortune, son âge et son sexe. A cette fin, elles ont utilisé les
repères les plus évidents et les plus visibles : vêtements, parures, signes
corporels en particulier. Mais l'on oublie très souvent que ces mêmes
systèmes de signes et les valeurs qu'ils véhiculaient ont été soumis très
tôt à des critiques radicales de la part des ascètes, des ermites, des
mystiques et de nombreux courants monastiques. La présente étude
comparative examine les arguments que l'Inde et l'Occident ont conçus
afin de justifier leur propre renoncement aux apparences.
CELIA
FLEURY
ET
MAÏTE
GOUILLIART
Les
intérieurs des
élites
arrageoises ou le goût et l’art de paraître dans une capitale
provinciale au siècle des Lumières Comment l’art de paraître se
manifeste-t-il au XVIIIe siècle, à Arras, capitale provinciale au lourd
héritage bourguignon, géographiquement et politiquement proche de Paris
? L’étude des intérieurs de la noblesse locale, à partir d’un corpus
d’inventaires après décès et de saisies révolutionnaires, permet d’évaluer
la part de l’investissement financier dans les objets du paraître, de mettre
en regard espaces publics et privés, mais aussi d’avoir un aperçu des
goûts et intérêts intellectuels et artistiques des propriétaires. L’analyse
portera tant sur les objets mobiliers que décoratifs particulièrement
appréciés par ces élites. Les différents modes de paraître sont-ils liés à
l'origine
familiale,
géographique
et/ou
à
l'appartenance
sociale
?
L'adoption des nouvelles normes parisiennes du siècle des Lumières ou,
au contraire, un comportement plus conservateur, se révèlent-ils dans les
choix esthétiques des personnages rencontrés ?
CLAUDIA KANOVSKI Les surtouts de table d’orfèvrerie, signes du
Paraître de la riche bourgeoisie et de la noblesse parisiennes au
XIXe siècle Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la riche bourgeoisie
et la noblesse parisiennes firent commande d’une quantité étonnante de
services
de
table
(surtouts,
corbeilles,
étagères,
candélabres
et
flambeaux, services à thé et à café) pour décorer les tables de leurs hôtels
particuliers. Ces commandes peuvent être considérées dans leur cadre
socioculturel, plus large que celui que leur attribue l’histoire de l’art «
classique ». Le chapitre traite de la clientèle privée et de la production de
deux importantes maisons d’orfèvrerie existant encore aujourd’hui à Paris
: Christofle et Odiot. La période de l’étude s’étend du Second Empire
jusqu’à la fin du Siècle. Elle aborde le somptueux décor de table comme
un élément indispensable à la manifestation de la réussite sociale. Elle
montre que le choix du fournisseur était révélateur de la position du
commanditaire envers les nouvelles techniques industrielles et même de
sa position politique. Enfin, le choix du style (néo-Louis XIV, néo-Louis XV,
néo Louis XVI) peut être lu comme signe d’identité culturelle et nationale
WESSIE LING Vers une nouvelle esthétique diasporique : espaces et
modalités du travail des créateurs de mode étrangers Paris Les
stylistes de mode choisissent Paris pour la manière dont la capitale et sa
mode sont perçus. Ils s’inspirent de la ville et s’approprient des éléments
du style parisien pour les actualiser. Leurs créations sont en étroite
interaction avec la caractérisation symbolique qui identifie Paris. Mais
qu’est ce que le style parisien ? Comment s’associe-t-il avec celui des
créations des stylistes de mode ? L’assimilation de ce style joue-t-il un
rôle dans la création des stylistes de mode ? Si oui dans quelle mesure ?
Cet exposé explore donc la relation entre la force symbolique de Paris
comme capital de mode et les types de styles de ses créateurs. Une
attention particulière sera apportée à l’étude des stylistes étranger du
siècle précédent qui ont choisi de s’installer à Paris. Ce chapitre enquête
sur la « production cachée » (Certeau, 1984) de ces créateurs et la
fascinante relation entre le style parisien et les différentes typologies que
revêtent leurs styles.
CORINNE MARTIN Téléphone portable et paraître. De nouvelles
normes sociales chez les adolescents ? Comment se construit
socialement la norme d’usage du téléphone portable dans l’espace public ?
En quoi cet objet participe-t-il à la mise en scène de soi ? Une analyse de
l’évolution des frontières privé/public, de celle de la notion d’intimité liée à
la modernité permet de comprendre la production et l’incorporation de ces
nouvelles normes. Outil d’expression identitaire, le portable favorise
l’autonomisation de ces jeunes adolescents au sein du groupe familial.
Objet personnel intégré dans les habitudes et routines corporelles, il
fonctionne
telle
une
extension
corporelle.
Sa
personnalisation
—
sonneries, logos — atteste d’un véritable attachement affectif et montre
combien
son
construction
appropriation
des
participe,
apparences
et
du
sur
un
mode
paraître.
La
ludique,
démarche
à
la
est
interdisciplinaire, puisant tant dans la sociologie des usages que dans les
approches anthropologiques de la culture matérielle. L’étude est fondée
sur un corpus constitué d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de
jeunes adolescents et leur famille ainsi que sur une analyse du discours
médiatique.
LIANE MOZERE Entre Manille et Paris : le paraître des domestiques
philippines Une recherche empirique conduite auprès de domestiques
philippines à Paris a permis d’analyser différents régimes et modalités du
paraître lors de leur migration. Que ce soit en effet au départ (négociation
de l’arrangement pour le voyage), au cours du trajet aérien, ou à l’arrivée,
ces femmes doivent interpréter les situations et trouver l’apparence
adaptée en fonction du contexte et des circonstances pour dis-paraître
lorsqu’elles sont en infraction (sans papiers ou faux papiers), adopter une
apparence légitime lorsqu’elles se déplacent dans l’espace urbain et
composer un paraître lors de leurs voyages aux Philippines où elles
deviennent les prototypes de la parisienne cosmopolite qui influence le
goût, les apparences et les habitudes dans l’archipel.
ISABELLE PARESYS Apparences vestimentaires et cartographie de
l’espace en Europe occidentale aux XVIe et XVIIe siècles La présence
de figures des apparences vestimentaires des différents peuples est
frappante dans les grands atlas des XVIe et XVIIe siècles. À partir de deux
grandes entreprises éditoriales d’Europe du Nord de cette époque, le
Civitates Orbis Terrarum de Braun et Hogenberger (Cologne, 1572) et
l’Atlas Novus des Blaeu (Amsterdam, 1635), ce chapitre aborde les
relations qu’entretiennent ces figures costumées des peuples avec la
représentation de l’espace urbain et géographique. Leur présence repose
sur une tradition cartographique humaniste pour laquelle l’Homme fait
partie intégrante de l’espace, au premier plan ou dans des vignettes
latérales de la carte. Ces figures exercent une fonction qui n’est pas
seulement didactique au sujet des peuples. Ils sont aussi les emblèmes
des espaces géographiques qu’ils identifient et distinguent, visuellement,
à travers les différentes apparences vestimentaires de leurs habitants.
Dans le Civitates, les figures des citadins d’Europe occidentale incarnent
l’urbanité, par leurs vêtures et leurs postures. Dans les atlas, les figures
costumées sont également des éléments visuels qui aident le lecteur
d’Europe occidentale à prendre la mesure de la différence et de l’altérité
vestimentaire. Elles aident ainsi indirectement à prendre conscience de la
distance géographique qui le sépare les espaces cartographiés par les
grands atlas du temps.
ODILE PARSIS-BARUBE Le discours sur l’apparence des populations
autochtones par les voyageurs français du premier XIXe siècle. La
recherche de la couleur locale, référence théorique sur laquelle la
génération d’Augustin Thierry fonde une nouvelle écriture de l’histoire,
contamine l’écriture du voyage dès la Restauration. Renforcée par les
détails ethnologiques, l’idée du genius loci se nourrit du culte de la nature
et de la volonté de sauvegarder un patrimoine dont les érudits du temps
entreprennent l’inventaire. Le discours sur les populations locales s’inscrit
à l’exacte intersection des traditions encyclopédiques du déchiffrement du
territoire et de la poétique romantique du voyage sentimental. L’évocation
de leur apparence physique, vestimentaire, gestuelle et vocale participe
de la construction des nouveaux codes esthétiques et idéologiques du
voyage. Elle s’inscrit dans une tension entre recherche de figures
archétypales
renvoyant
à
l’image
immémoriale
de
provinces
conservatoires de tous les archaïsmes et exacerbation de particularités
témoignant de l’influence des caractères physiques des lieux sur ceux des
habitants.
BENOIST PIERRE L’habit fait-il le moine ? Le paraître des religieux au
temps de la réforme catholique (France, Italie) Aux XVIe et XVIIe
siècles, les débats sur l’apparence extérieure des religieux étaient au cœur
des réformes monastiques et de la création des nouveaux instituts. Ils
portaient notamment sur le vêtement. On recherchait l’habit le plus
proche des origines ou celui qui symbolisait le mieux la vérité du message
évangélique. On s’interrogeait sur la couleur, la matière, la longueur,
l’épaisseur du tissu, mais aussi sur la distinction entre le costume revêtu
au cloître et celui qui était utilisé pour le chœur ou porté à l’extérieur. Le
paraître devenait un moyen essentiel de reconnaissance, d’identité et
d’affirmation pour les religieux. Par le jeu des couleurs, des coupes et des
tissus, l’habit permettait aussi de qualifier dans l’instant les choix
spirituels et théologiques des ordres nouveaux, comme les héritages et les
traditions auxquels les clercs s’apparentaient
et qu’ils entendaient
défendre. Ces différentes options et disputes, confinées dans les archives
des ordres monastiques, n’ont guère été étudiées jusqu’à ce jour pour
analyser l’apparence extérieure des religieux et surtout en saisir les
fondements et les incidences culturelles les plus profondes. À partir de
l’étude de quelques grands ordres bien insérés dans la réforme catholique,
principalement en France et en Italie, cet article examine les changements
et le sens du paraître clérical dans les sociétés européennes d’Ancien
Régime.
LEONE PRIGENT Les coiffes de l’Alsacienne, signes identitaires
provinciaux aux XVIIe et XVIIIe siècles La coiffe n’a jamais été un
simple accessoire de mode mais elle a toujours été un élément essentiel
chargé de significations particulières. À l’époque moderne, quels que
soient leur âge et leur condition sociale, les femmes portent des couvrechefs
de
formes
et
de
fonctions
différentes.
Dans
une
société
hiérarchiquement ordonnée, où le statut de chaque individu doit être
clairement identifiable à ses habits, la coiffe est à la fois un marqueur
social, distinguant la dame noble de la bourgeoise et de la paysanne, et le
signe d’un état indiquant à la communauté la situation de la femme en
tant que jeune fille, épouse ou veuve. Au-delà, dans une région située à
mi-chemin entre deux nations, la coiffe est souvent perçue comme
l’attachement à une identité. L’imprégnation d’une sensibilité culturelle
double, à la fois germanique et française, a fortement influencé les modes
vestimentaires faisant de l’Alsacienne et de ses mises une figure
intéressant voyageurs et auteurs des recueils de costumes. Le fait que la
coiffe soit le point de mire de leurs sentiments de curiosité et
d’étonnement n’est guère surprenant, car plus que tout, la coiffe devient
le symbole d’une identité avant même la création des costumes régionaux
au XIXe siècle.
AGNES ROCAMORA Paris à la mode : la Parisienne dans la presse
mode Se fondant sur une étude de la presse de mode Française
contemporaine, ce chapitre offre une analyse de la production discursive
de la capitale française afin d’examiner la façon dont la presse de mode a
contribué à la reproduction du mythe de Paris et de la consécration de
cette ville dans le champ international de la mode. Ce faisant, l’essai
aborde un sujet clef dans les débats sur la vie culturelle française: le
centralisme de la culture française et la division Paris/province. Afin
d’explorer comment cette division est articulée dans les médias, et afin
d’examiner le processus de ‘production symbolique’ de Paris, ‘Paris à la
Mode’ ce concentre plus particulièrement sur le thème de ‘la Parisienne’.
Ce thème, au centre de nombreux discours sur la capitale française dans
la littérature comme dans les arts visuels, est régulièrement mobilisé, en
France, par la presse mode. Incarnation de Paris, la Parisienne, et sa
fréquente représentation en figure de la passante, est le modèle à suivre.
Par la même, un certain discours sur la mode et la ville est produit,
diverses valeurs sont attribuées à la capitale française ; un certain ‘Paris’
est créé.
FLORENCE TAMAGNE Le « blouson noir » : codes vestimentaires,
subcultures rock et identités adolescentes dans la France des
années 1950 et 1960 À partir de l’exemple de la France des années
1950 et 1960, ce chapitre montre comment le « blouson noir », associé
dans les médias au rock et à la délinquance juvénile peut se lire à la fois
comme un signe de reconnaissance, une marque infâmante ou le symbole
d’une jeunesse en crise. Le chapitre dresse également une géographie des
« blousons noirs » : au niveau européen tout d’abord, en mettant en
évidence les influences réciproques et les transferts culturels ; au niveau
national et local ensuite, en mettant l’accent sur la maîtrise de l’espace
urbain et l’existence réelle ou fantasmée de « bandes » s’affrontant pour
la conquête ou la défense de leur « territoire ». À partir des variables
d’âge, de classe, et de genre, est enfin abordé le rôle joué par les
subcultures
de
la
jeunesse
dans
la
construction
des
identités
adolescentes, notamment en terme de rapports entre les sexes et de mise
en scène de soi.
Un premier compte-rendu de l'ouvrage sur "liens-socio. org" (le 27 juin
2008):
http://www.liens-socio.org/article.php3?id_article=3537&var_recherche=paresys