070311Classes moyennes Asie

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070311Classes moyennes Asie
Note de veille, 7 mars 2011
L’essor de la classe moyenne asiatique
L’édition 2010 de l’annuaire statistique des indicateurs clefs pour l’Asie et le Pacifique
publié par la Banque asiatique de développement (BAD) consacre un chapitre spécial à
l’essor de la classe moyenne asiatique 1. Cet essor est la conséquence des progrès
remarquables accomplis dans la région en matière de réduction de la pauvreté. Selon la
BAD, la classe moyenne asiatique jouera un rôle essentiel dans le rééquilibrage de
l’économie mondiale, compte tenu d’un contexte où, en Europe et aux États-Unis, les
ménages, durement frappés par la crise économique et financière, ont perdu leur rôle de
moteur de la croissance.
La notion de « classe moyenne » doit être précisée, car elle renvoie à des situations objectives
et des perceptions subjectives d’une grande variété 2. La BAD a retenu une approche en
termes absolus de la classe moyenne définie comme l’ensemble des individus dont les
dépenses quotidiennes de consommation sont comprises entre deux et 20 dollars US exprimés
en parité de pouvoir d’achat (PPA, 2005). À partir de cette définition générale, la BAD
distingue trois groupes.
— La « classe moyennes inférieure » (lower middle class) rassemble les individus dont les
dépenses quotidiennes sont comprises entre deux et quatre dollars US. Ceux-ci sont très
proches du seuil de pauvreté fixé à 1,25 dollar US par personne et par jour.
— La « classe moyenne moyenne » (middle-middle class) regroupe les personnes dont les
dépenses quotidiennes sont comprises entre 4 et 10 dollars US. Cette population est en
capacité d’épargner et d’étendre sa consommation à des biens non essentiels.
— La « classe moyenne supérieure » (upper-middle class) désigne les individus dont les
dépenses quotidiennes sont comprises entre 10 et 20 dollars US.
Selon la BAD, par rapport aux autres régions du monde, l’Asie en développement 3 a connu
au cours des 20 dernières années une augmentation spectaculaire des effectifs de la classe
moyenne qui, en 2008, représentaient 1,9 milliard d’individus (contre 565 millions en 1990),
soit 56 % de la population de la région (contre 21 % en 1990). Sur la période 1990-2008, 800
millions de personnes ont intégré la classe moyenne en Chine, et 205 millions en Inde. Le
segment « classe moyenne inférieure » est nettement prédominant dans l’Asie en
développement. Il représente notamment plus de la moitié des effectifs de la classe moyenne
en Chine et plus de 75 %, au Bangladesh, en Inde et au Pakistan. À l’exception de la Malaisie
1
Key Indicators for Asia and the Pacific 2010. Part I, Special Chapter: The Rise of Asia’s Middle
Class.
Mandaluyong :
BAD,
2010,
site
Internet :
http://www.adb.org/Documents/Books/Key_Indicators/2010/Part-I.asp.
2
Voir GIMBERT Virginie et ROHMER Arnaud. « Les classes moyennes en quête de définition ».
Note de veille du Centre d’analyse stratégique, n° 54, 16 avril 2007. Disponible sur :
www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=539&var_recherche=classes+moyennes et VINH Yann.
« Chine : classe(s) moyenne(s) introuvable(s) ». Futuribles, n° 313, novembre 2005.
3
Les pays qui composent l’Asie en développement sont énumérés en note du graphique 1.
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1
et de la Thaïlande, la représentation du segment « classe moyenne supérieure » reste
marginale.
Graphique 1 : Évolution de la classe moyenne par région du monde (1990-2008)
Selon les projections établies par la BAD, l’essor de cette classe moyenne est une tendance de
fond qui devrait se renforcer au cours des prochaines décennies et concerner l’ensemble de la
région en dépit des différences propres à chaque pays. En Chine et en Inde, d’ici 2030, la
croissance du PIB (produit intérieur brut) devrait permettre de multiplier au moins par deux la
part de la population disposant d’un revenu supérieur ou égal à deux dollars US par jour.
Dans certains pays comme le Laos ou le Cambodge, la croissance de ce segment de la
population devrait être encore plus rapide, en raison des bénéfices de l’intégration régionale.
À l’inverse, certains pays comme le Timor oriental ou l’Ouzbékistan présentent des
conjonctures moins favorables à cette progression et devront adopter des politiques de
croissance plus vigoureuses et inclusives. Par ailleurs, la BAD met en garde contre certains
risques, en particulier l’évolution du prix de l’énergie et des produits agricoles, qui pourraient
avoir un effet négatif sur la croissance asiatique et ralentir l’expansion de la classe moyenne.
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2
Graphique 2 : Émergence de la classe moyenne à l’horizon 2030
(revenu >2 dollars US/personne/jour)
Selon la BAD, « l’essor de la classe moyenne asiatique joue un rôle important dans le
résurgence économique de la région. La tendance contribue au basculement du centre de
gravité économique mondial vers l’Asie ». Le pouvoir d’achat du consommateur émergent de
l’Asie en développement est aujourd’hui très en deçà des standards occidentaux, mais la
classe moyenne asiatique va peser de plus en plus lourd et assumer progressivement un rôle
économique global qui était traditionnellement celui des classes moyennes en Europe et aux
États-Unis.
Si les dépenses de consommation continuent de croître au même rythme qu’au cours des 20
dernières années, l’Asie en développement pourrait représenter 43 % de la consommation
mondiale en 2030. La BAD souligne qu’en dépit de la crise économique, les dépenses de
consommation dans l’Asie en développement ont affiché « une surprenante résilience »,
atteignant 4 300 milliards de dollars US en 2008, soit l’équivalent de près d’un tiers des
dépenses de consommation des ménages de l’ensemble des pays de l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE). L’émergence de la classe moyenne
dans l’Asie en développement est garante d’un rééquilibrage des économies de la région. La
croissance, qui était basée sur les exportations, va désormais davantage reposer sur la
consommation intérieure.
La BAD relève que l’essor de la classe moyenne asiatique a eu pour conséquence
d’encourager « l’innovation frugale » (frugal innovation), parce que les entreprises ont dû
apprendre à satisfaire la demande d’une nouvelle clientèle aux moyens limités et aux goûts
spécifiques. La Nano Car 4, proposée à 2 200 dollars US par l’indien Tata Motors en est une
illustration.
4
Voir le site : http://tatanano.inservices.tatamotors.com/tatamotors/index.php
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L’essor de la classe moyenne asiatique, note la BAD, a des conséquences positives en matière
d’innovation économique ou du point de vue de la stabilité politique. L’institution relève
également que « la croissance de la classe moyenne asiatique, au cours des deux dernières
décennies, s’est accompagnée d’effets tels que de nouveaux problèmes liés à l’environnement
et l’écologie, une augmentation de l’obésité et une recrudescence des maladies chroniques et
non transmissibles ».
Yann Vinh
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