Les marchés des cartes de crédit et de débit
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Les marchés des cartes de crédit et de débit
Groupe de travail sur l’examen du système de paiement Les marchés des cartes de crédit et de débit TABLE DES MATIÈRES AVANT-PROPOS Sommaire et recommandations 5 7 1: IMPORTANCE DES CARTES DE CRÉDIT ET DE DÉBIT 11 2: AVANTAGES ET COÛTS DU PAIEMENT PAR CARTE DE CRÉDIT 13 3: CARACTÉRISTIQUES DES MARCHÉS DES CARTES DE CRÉDIT ET DE DÉBIT Fonctionnement des réseaux de cartes de paiement Aspects économiques des réseaux de cartes 17 18 19 4: RÉSEAUX DE CARTES DE CRÉDIT Réseaux Émetteurs et acquéreurs Commissions d’interchange Frais de service des commerçants 21 22 22 23 26 5: RÉSEAUX DE CARTES DE DÉBIT Bref historique d’Interac Entrée en scène de MasterCard et de Visa Commissions d’interchange et coûts pour les consommateurs 27 28 29 31 6: CHANGEMENTS TECHNOLOGIQUES RÉCENTS Cartes à puce et à NIP Payment Card Industry Data Security Standard (PCI DSS – norme de sécurité de l’industrie des cartes de paiement) 33 34 7: MESURES RÉCENTES DES COMMERÇANTS 37 8: MESURES RÉCENTES DU GOUVERNEMENT Actions entreprises par le Bureau de la concurrence Autres actions entreprises par le gouvernement 39 40 41 9: MESURES PRISES PAR D’AUTRES PAYS 43 10: LES POSITIONS DES INTERVENANTS Commerçants Consommateurs Réseaux Émetteurs Acquéreurs Autres 47 48 49 50 51 51 51 11: CONCLUSION : NOTRE POSITION ET NOS RECOMMANDATIONS 53 Bibliographie 56 ANNEXE A – Opération par carte de crédit dans un système quadripartite 57 ANNEXE B – Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit Objet Portée Exigences pour les réseaux de cartes de paiement Éléments stratégiques 58 54 54 54 54 ENCADRÉS ET TABLEAUX Encadré E1 – Système quadripartite 57 Tableau E1 – Produits de crédit à la consommation et aux entreprises de Visa Canada – Frais d’interchange 23 Tableau E2 – Taux d’interchange de MasterCard au Canada – Consommateurs et commerçants 24 Tableau E3 – Comparaison des taux d’interchange des cartes privilèges de Visa et de MasterCard 24 Tableau E4 – Taux d’interchange par défaut pour les cartes de crédit personnelles Visa – juin 2011 25 35 Les marchés des cartes de crédit et de débit | 3 4 | Les marchés des cartes de crédit et de débit Avant-propos Les cartes de crédit et de débit occupent une place importante au sein du système de paiement du Canada. Les Canadiens comptent parmi les plus grands utilisateurs de cartes de paiement du monde. Celles ci présentent en effet de nombreux avantages : elles sont largement acceptées, elles offrent généralement une meilleure protection que l’argent comptant ou les chèques et elles permettent aux consommateurs d’acheter des biens à prix élevé sans avoir à transporter de grosses sommes d’argent sur eux. Nous avons pour mandat d’évaluer si les consommateurs et les commerçants sont bien servis par le système de paiement. Pour ce faire, le Groupe de travail a entrepris un examen des marchés des cartes de crédit et de débit au Canada. Il a pu recueillir une somme d’information considérable au sujet des cartes de crédit et de débit, notamment auprès d’intervenants manifestant un vif intérêt pour la question et en puisant des exemples de la scène internationale, où les gouvernements ont pris des mesures variées pour défendre l’intérêt public dans les marchés des cartes de crédit et de débit. Désirant mieux comprendre les besoins des utilisateurs de ce type de paiement, le Groupe de travail a entrepris de consulter le plus d’intervenants possible à l’échelle du pays. Il a ainsi organisé des centaines de rencontres et une série de tables rondes à Halifax, Montréal, Toronto, Winnipeg, Calgary et Vancouver. évoluent sans cesse. Imposer une réglementation normative dans un tel contexte freinerait l’innovation et retarderait le passage du Canada vers une économie numérique. Cela dit, nous sommes d’avis qu’il est nécessaire que les réseaux de cartes de paiement, les émetteurs et les acquéreurs soient structurés et régis par les paramètres qu’offrent les mécanismes comme les codes volontaires, de sorte que les préoccupations des consommateurs puissent être entendues et prises en compte. Nous estimons par ailleurs que les pouvoirs publics devraient suivre l’évolution de ces marchés et contribuer à orienter les décisions collectives des intervenants pour veiller à ce que les marchés des cartes de crédit et de débit évoluent généralement selon l’intérêt public. En l’absence de réglementation normative, la surveillance publique est essentielle. Bien qu’il constitue un document autonome, Les marchés des cartes de crédit et de débit n’est qu’un des nombreux documents qui découlent de notre mandat. Nous invitons les lecteurs à consulter les documents d’orientation et Le passage au numérique : Faire la transition vers les paiements numériques pour situer les enjeux relatifs aux cartes de crédit et de débit dans le contexte élargi du système de paiement, et à prendre connaissance de notre réponse complète au Ministre des Finances. La recherche repose sur des sources universitaires et sur des entrevues réalisées avec des représentants officiels de l’Australie, de la Nouvelle Zélande, du Royaume-Uni et des États Unis. Nous avons interrogé des interlocuteurs issus de sociétés émettrices de cartes de crédit et de débit, des émetteurs ainsi que des acquéreurs et des groupes de commerçants et de consommateurs de façon à bien saisir la complexité du portrait d’ensemble. Les enseignements tirés des marchés des cartes de crédit et de débit, où les problèmes de gouvernance sont flagrants, nous ont aussi aidés à préciser comment se traduiraient dans la réalité les recommandations en matière de gouvernance du Groupe de travail, décrites en détail dans nos documents d’orientation. Nos recommandations visant les cartes de crédit et de débit reposent sur notre conviction selon laquelle la réglementation normative serait inefficace dans ces marchés. Nous croyons que les forces du marché exerceront un contrôle beaucoup plus efficace étant donné que les modes de paiement au détail Pat Meredith, présidente Groupe de travail sur l’examen du système de paiement Les marchés des cartes de crédit et de débit | 5 Sommaire et recommandations Les Lesmarchés marchésdes descartes cartesde decrédit créditet etde dedébit débit|| 7 Les Canadiens comptent parmi les plus grands utilisateurs de cartes de crédit et de débit du monde. Les cartes de crédit et de débit sont largement employées et acceptées au Canada pour les paiements de détail, et leur utilisation ne cesse de croître. Les services de paiement électronique par carte de débit et de crédit profitent à deux parties : les marchands et les consommateurs. Les consommateurs aiment avoir le choix du mode de paiement et la possibilité d’acheter des biens instantanément au moyen de leur carte de débit ou de crédit. En acceptant les paiements par carte, les commerçants obtiennent des paiements garantis plus rapidement qu’avec les chèques, et les frais de traitement sont moins élevés que ceux associés au paiement en espèces. Les commerçants aiment aussi que les consommateurs puissent acheter à leur convenance des biens à prix élevé sans avoir à leur faire crédit eux-mêmes. Étant donné que les cartes de crédit et de débit sont généralement assorties d’une meilleure protection contre la fraude et le vol que l’argent comptant ou les chèques, les deux parties effectuent ainsi des opérations de paiement plus sécuritaires. Pour les consommateurs, la perspective de pouvoir différer les paiements et obtenir des récompenses en utilisant des cartes de crédit est très attrayante. Les commerçants se plaignent toutefois de devoir payer, sous forme de commissions d’interchange, une grande proportion de ce qu’il en coûte pour offrir des avantages aux consommateurs; les cartes privilèges sont en effet assorties de frais accrus. En 2008, Visa et MasterCard ont apporté des changements importants à leurs formules de calcul des taux d’interchange et lancé des cartes privilèges à taux d’interchange élevés. En outre, l’arrivée de nouvelles technologies et normes s’est accompagnée de hausses de coûts pour les commerçants, particulièrement pour ceux qui ont préféré acheter plutôt que louer leur équipement au point de vente. Les commerçants ont dû procéder à des changements coûteux pour s’adapter à la technologie des cartes à puce et à numéro d’identification personnel (NIP), lesquelles sont munies de micropuces qui améliorent les techniques d’authentification et qui diminuent les risques de fraude. Par ailleurs, les commerçants ont dû investir du temps et de l’argent pour se conformer à la norme de sécurité sur les données de l’industrie des cartes de paiement (Payment Card Industry Data Security Standard – PCI DSS), qui vise à renforcer la sécurité des données des comptes de paiement. 8 | Les marchés des cartes de crédit et de débit Les cartes de débit constituent le mode de paiement préféré des commerçants parce que leurs frais d’utilisation sont beaucoup moins élevés pour eux que ceux des cartes de crédit. Les commerçants craignent que l’arrivée de Visa et de MasterCard sur le marché des opérations par carte de débit au point de vente, actuellement monopolisé par Interac, n’entraîne inévitablement une hausse de leurs frais. L’Association Interac, qui exploite le service Débit Interac, est tenue de fonctionner selon le mode de recouvrement de coûts et n’impose pas de taux d’interchange. Contrairement aux commerçants, les consommateurs paient directement, par leurs frais bancaires, l’essentiel des coûts liés à l’utilisation du système de paiement par carte de débit. Le fait qu’il coûte relativement moins cher aux consommateurs canadiens d’utiliser leurs cartes de crédit (lesquelles offrent en plus des programmes de récompenses) incite un nombre toujours croissant d’entre eux à opter pour le paiement par carte de crédit plutôt que par carte de débit. L’industrie des paiements est dynamique et la technologie évolue rapidement. L’incapacité des gouvernements à intervenir rapidement constitue un handicap, de sorte que les outils dont ils disposent sont bien souvent mis au point de façon ponctuelle et non proactive. La technologie ou le mode de paiement visé évolue parfois en moins de temps qu’il n’en faut pour mettre au point un nouveau code ou règlement, d’où le risque de gaspillage et d’inefficacité. Des exemples récents et éloquents ont permis d’arriver à ce constat, dont l’un ayant trait au Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit. Bon nombre d’intervenants nous ont affirmé qu’il avait eu un effet positif, ayant conféré aux commerçants un pouvoir accru dans leurs relations avec les réseaux, les émetteurs et les acquéreurs. Il améliore aussi la transparence et la divulgation et il accorde une plus grande liberté de choix aux commerçants, en plus de les aider à régler leurs différends. Il s’agit de progrès encourageants. Or, le Code était à peine entré en vigueur qu’il était dépassé en raison des changements incessants dans les marchés des cartes de crédit et de débit. Le Code est pratiquement muet au sujet des nouvelles formes de paiement, comme le paiement mobile, et ne fournit aucune ligne directrice à propos du portefeuille mobile, un produit qui a déjà fait son entrée sur le marché. La réglementation normative est tout simplement mal adaptée aux marchés dynamiques en pleine évolution. Nous croyons que les marchés devraient pouvoir fonctionner le plus souplement possible, pour autant que les commerçants et les consommateurs puissent faire des choix éclairés, et que l’intérêt public soit protégé par un organisme de surveillance à même d’observer les pratiques de l’industrie et l’évolution du marché. De cette façon, les Canadiens profiteront de l’innovation et de la concurrence. Une association de participants à l’industrie des paiements, composée d’usagers et de fournisseurs, devrait avoir la possibilité d’établir des règles et des codes volontaires, y compris des codes de conduite, en collaboration avec l’industrie privée, ce qui s’avérerait profitable étant donné que l’industrie est reconnue pour sa capacité de s’adapter et de réagir promptement. L’industrie des paiements, qui préférerait éviter les interventions gouvernementales, devrait être tout à fait disposée à établir des codes qui respectent les objectifs de politique publique du gouvernement. La réglementation des taux d’interchange est problématique et pourrait avoir des conséquences imprévues et néfastes. L’établissement des taux d’interchange et la détermination de taux plafonds adéquats est une entreprise très complexe sur le plan administratif. En pratique, il est difficile d’évaluer les taux d’interchange optimaux. Par ailleurs, les réseaux de cartes de paiement réglementés pourraient perdre des émetteurs au profit des réseaux non réglementés, comme Amex, qui n’impose pas de taux d’interchange. En somme, le marché des cartes de crédit est si complexe qu’il est presque impossible que les choix effectués n’aient aucune conséquence inattendue sur la concurrence, l’innovation et les consommateurs. Le Groupe de travail a quelques recommandations à formuler au sujet des marchés des cartes de crédit et de débit, qui se rapportent au modèle de gouvernance que nous proposons pour le système de paiement dans les documents d’orientation. Outre nos recommandations à l’égard d’Interac énoncées dans le document d’orientation D, nous formulons les recommandations qui suivent. I. L’organisme de surveillance public au sein du modèle de gouvernance recommandé devrait suivre de près les faits nouveaux dans les marchés des cartes de crédit et de débit. Le gouvernement pourrait ainsi prendre les mesures nécessaires en temps opportun en vue d’assurer l’efficacité des marchés et de favoriser l’innovation. II. L’organisme de gouvernance autonome au sein du modèle de gouvernance proposé, qui comprendrait tous les participants au marché (dont les consommateurs et les commerçants), devrait avoir la possibilité d’établir en collaboration des règles et des codes volontaires – y compris des codes de conduite – pour les réseaux de paiement au détail, notamment les réseaux de cartes de crédit et de débit. III. En vue d’assurer son efficacité au fil du temps, il faudrait revoir et mettre à jour le Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit régulièrement (tous les deux ans, par exemple), de sorte qu’il puisse tenir compte des nouvelles questions stratégiques et de l’évolution technologique dans le domaine des paiements. La législation a aussi sa place, mais son rôle consisterait à définir l’industrie des paiements et son modèle de gouvernance, y compris en ce qui concerne les marchés des cartes de crédit et de débit. Par ailleurs, nous croyons que les intervenants des secteurs public et privé pourraient fonder leurs décisions et leurs actions sur les principes ainsi établis. Il est essentiel de s’éloigner de la démarche réglementaire actuelle qui offre des solutions normatives et réactionnelles pour adopter une façon de faire plus souple et plus axée sur les risques et la collaboration. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 9 1: Importance des cartes de crédit et de débit Les marchés des cartes de crédit et de débit | 11 Les cartes de crédit et de débit sont largement utilisées et acceptées au Canada pour les paiements de détail, et leur emploi ne cesse de croître. Les Canadiens figurent parmi les plus grands utilisateurs de cartes de paiement du monde. Les Canadiens possèdent environ 75 millions de cartes de crédit Visa, MasterCard et American Express d’utilisation courante, et plus de 80 % des ménages canadiens ont au moins une carte de crédit. Le nombre de cartes de débit en circulation au Canada est moins élevé, soit quelque 22 millions; toutefois, en 2009, le nombre d’opérations par carte de débit a dépassé le nombre d’opérations par carte de crédit selon un ratio de près de 1,5 pour 1. En 2009, la valeur au détail nette des ventes réglées par carte de crédit et par carte de débit avoisinait 289 milliards de dollars et 171 milliards de dollars respectivement, ou 32 % et 19 % des dépenses de consommation au Canada respectivement. D’après la Banque des règlements internationaux (BRI), les cartes de paiement ont été utilisées pour régler 68 % des opérations autres que les opérations bancaires et les opérations en espèces au Canada en 2009, 28 % des opérations ayant été réglées par carte de crédit et 41 %, par carte de débit. Le Canada se situe au troisième et au quatrième rangs des pays observés pour le nombre de paiements attribuables aux cartes de crédit et de débit. Ces modes de paiement reculent toutefois considérablement lorsqu’il est tenu compte de la valeur des opérations de paiement non bancaires. En effet, en 2009, la part attribuable aux cartes de crédit (2,7 %) et de débit (1,6 %) était beaucoup moins forte que celle des virements crédits1 (59 %) et des paiements par chèque (31 %). 1 Les virements crédits sont des ordres de paiement permettant de transférer des fonds du compte bancaire du payeur au compte bancaire du bénéficiaire. 12 | Les marchés des cartes de crédit et de débit De 2004 à 2009, l’utilisation des cartes de crédit et de débit a continué de progresser, les cartes de crédit ayant connu une hausse beaucoup plus rapide que les cartes de débit. Du point de vue de la valeur des opérations, la part des gains annuels attribuables aux cartes de crédit (9,8 %) a dépassé celle des gains attribuables aux cartes de débit (6,6 %). Le taux d’utilisation des cartes de crédit a augmenté plus rapidement au Canada que dans la moyenne des pays membres du Comité sur les systèmes de paiement et de règlement (CSPR) de la BRI, mais le taux d’utilisation des cartes de débit est demeuré relativement stable. Plutôt que de se servir des cartes de crédit comme d’instruments leur donnant accès à du crédit renouvelable, une grande majorité de Canadiens les utilisent comme des cartes de paiement et en paient le solde chaque mois. Un sondage réalisé en 2011 par The Strategic Counsel a révélé que 64 % des Canadiens paient le solde complet de leur carte de crédit tous les mois. Les cartes de crédit sont utilisées principalement pour payer des achats au détail d’une valeur transactionnelle moyenne d’environ 110 dollars. La valeur transactionnelle moyenne des achats réglés par cartes de débit se situe pour sa part autour de 45 dollars. 2: Avantages et coûts du paiement par carte de crédit Les marchés des cartes de crédit et de débit | 13 Les cartes de crédit sont des instruments de paiement relativement sécuritaires et faciles d’utilisation, qui sont largement acceptés par les commerçants de nombreux pays partout dans le monde. Les consommateurs qui possèdent et utilisent une carte de crédit profitent des avantages suivants : • commodité (nul besoin de se rendre au guichet automatique ou à la banque) et possibilité de faire un suivi des dépenses plus facilement avec le paiement; • acceptation à l’échelle mondiale : les cartes sont acceptées dans presque tous les pays; • paiement sans intérêt à partir de la date d’achat jusqu’à la date d’échéance du délai de grâce (36 jours en moyenne); • accès au crédit sans garantie (aucune garantie accessoire exigée pour l’obtention de fonds); • protection contre les fraudes souvent assortie d’une politique de responsabilité zéro pour le consommateur2 ; • autres récompenses et avantages, comme des points de voyages par avion, des programmes de remise différée, des assurances de voyage, des assurances pour les voitures de location et des programmes de garantie prolongée. Le principal inconvénient est le fait que des intérêts relativement élevés sont facturés aux titulaires qui ne paient pas le solde de leur compte en entier chaque mois3. Les titulaires de carte privilège doivent pour leur part payer des frais annuels d’une centaine de dollars. L’examen préliminaire des résultats de l’enquête sur les modes de paiement menée par la Banque du Canada en 2009 auprès des consommateurs canadiens révèle que ceux ci règlent leurs transactions de faible valeur surtout en espèces parce qu’il s’agit d’un mode de paiement rapide, bien accepté par les commerçants et peu coûteux. En revanche, les consommateurs utilisent les cartes de débit et de crédit pour régler des achats d’une valeur plus élevée parce que ces modes de paiement sont plus sécuritaires, permettent de faire le suivi des dépenses et de différer le paiement, en plus d’offrir des récompenses. 2 Certaines restrictions s’appliquent à la politique de responsabilité zéro de chaque réseau de cartes de paiement, ce qui, dans les faits, accorde aux émetteurs des cartes une grande latitude pour décider de l’issue des réclamations. 3 Les cartes à faible taux d’intérêt sont offertes aux consommateurs qui jouissent d’une bonne cote de crédit. 14 | Les marchés des cartes de crédit et de debit Un récent rapport d’Ipsos Reid4 révèle que les consommateurs canadiens qui possèdent au moins une carte de crédit pour leurs dépenses personnelles affichent une préférence marquée pour les paiements par carte de débit et de crédit plutôt qu’en espèces. Les résultats du rapport montrent qu’environ un titulaire de carte sur trois (34 %) affirme utiliser très souvent sa carte de débit, soit à une fréquence beaucoup plus élevée que l’argent comptant et la carte de crédit mis ensemble. Une personne sur quatre (25 %) utilise ses cartes de crédit plus souvent que tous les autres modes de paiement combinés. À peine une personne sur dix préfère payer en espèces. Les autres répondants (28 %) utilisent les divers modes de paiement à parts plus égales pour régler leurs dépenses personnelles. Selon l’étude, les grands utilisateurs utilisent leurs cartes de crédit deux fois plus souvent que les utilisateurs qui se situent dans la moyenne; les premiers dépassent en effet les seconds au chapitre de la fréquence d’utilisation et de la valeur des opérations. Ils sont de plus en plus nombreux à régler par carte de crédit les achats qu’ils payaient auparavant par carte de débit, et ce, pour faire l’achat de toute une gamme de produits, dont l’épicerie et les petits achats, des catégories traditionnellement associées au paiement en espèces et par débit. Les commerçants qui acceptent les cartes de crédit profitent des avantages suivants : • paiement garanti plus rapide que le paiement par chèque; • paiement plus rapide au point de vente que le paiement par chèque et, dans certains cas, le paiement en espèces; • élimination des coûts associés au traitement de l’argent comptant, à la contrefaçon et aux dépôts; • diminution des risques en matière de sécurité liés au traitement de l’argent comptant et des pertes causées par le vol qualifié et les vols commis par les employés; • élimination de la nécessité de consentir du crédit directement aux consommateurs pour faire augmenter les ventes. 4 Ipsos Payment Methods Report, décembre 2010. Les cartes de crédit sont un instrument de paiement relativement coûteux pour les commerçants. Selon des conclusions tirées d’une enquête nationale menée par la Banque du Canada en 2006 auprès des commerçants 5, le paiement par carte de débit est préféré par la majorité des commerçants (53 %), suivi du paiement en espèces (39 %) et du paiement par carte de crédit (5 %). Ces résultats donnent à penser que les paiements en espèces reviennent moins cher que les paiements par carte de crédit, peu importe la valeur des opérations, et que les paiements par carte de débit reviennent moins cher que les paiements en espèces pour les opérations dépassant 23,40 dollars si les frais d’opération par carte de débit sont de 0,12 dollar, soit la somme médiane payée par les commerçants interrogés dans le cadre de l’étude. Les frais facturés aux commerçants pour une opération par carte de crédit s’élèvent en moyenne à 2 % de la valeur transactionnelle. Les commerçants qui n’acceptent pas les cartes de crédit ont expliqué leur décision en invoquant principalement l’absence de demande de la part des consommateurs et le coût. 5 Il convient de noter que l’enquête a été réalisée avant que ne soit entreprise la réforme à grande échelle des structures des taux d’interchange des cartes de crédit, qui a soulevé de nombreuses plaintes dans la communauté de commerçants concernés. Un sondage en ligne mené par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI)6 en juillet 2011 auprès des propriétaires indépendants de petites et moyennes entreprises (PME) a permis de dégager les constatations suivantes. • Les chèques (35 %) sont le mode de paiement préféré des propriétaires de PME, suivis des cartes de débit (22 %) et des transferts électroniques ou prélèvements automatiques (19 %). L’argent comptant (17 %) est plus apprécié que les cartes de crédit (6 %). • Les industries du commerce de détail et de l’accueil, très concernées par les enjeux relatifs aux cartes de crédit et de débit, préfèrent généralement les paiements par carte de débit (44 %) et en espèces (36 %), car leur traitement revient moins cher aux entreprises, tandis qu’un peu plus de 5 % préfèrent les paiements par carte de crédit. • Pour ce qui est de la valeur totale des ventes, la plus grande part était attribuable aux paiements par chèque (46 %), suivis des paiements par carte de crédit (22 %) et par carte de débit (13 %). En moyenne, les industries du commerce de détail et de l’hébergement ont totalisé le volume d’opérations le plus élevé, réparti notamment entre les paiements par carte de crédit (35 %), les paiements par carte de débit (27 %) et les paiements en espèces (19 %). Les opérations par chèque (15 %) étaient les moins fréquentes dans les industries du commerce de détail et de l’hébergement. 6 Marvin Cruz et Queenie Wong, Changing the Way We Pay: Getting the Transition Right for SMEs, Canadian Federation of Independent Business Research, octobre 2011 (en anglais). Les marchés des cartes de crédit et de débit | 15 3: Caractéristiques des marchés des cartes de crédit et de débit Les marchés des cartes de crédit et de débit | 17 a) Fonctionnement des réseaux de cartes de paiement La capacité d’utiliser des cartes de crédit et de débit pour acheter des biens et des services repose largement sur un ensemble de procédures, de règles et de technologies par lesquelles les fonds et les informations sont transférés entre les particuliers et les institutions dans le processus de règlement des comptes, c’est à dire le processus par lequel les vendeurs de biens et de services sont payés par ceux qui les achètent. Toute opération réglée par carte de paiement met en présence une partie ou la totalité des participants suivants : 1. Le consommateur ou titulaire de carte, qui utilise sa carte de paiement pour acheter des biens et des services; 2. l’émetteur, qui commercialise et émet des cartes de paiement à l’intention des consommateurs et qui fixe les modalités de leur utilisation; 3. le commerçant, qui vend des biens et des services et qui accepte les paiements réglés par carte de paiement; 4. l’acquéreur, ou processeur de paiements, qui permet aux commerçants d’accepter les paiements par carte de paiement, qui obtient des autorisations d’opération, et qui rapproche et règle les opérations effectuées par carte pour les commerçants; 5. l’exploitant de réseau, qui surveille le système et coordonne la transmission de l’information et le transfert des fonds entre l’émetteur et l’acquéreur. Le nombre de parties qui interviennent dans une opération réglée par carte de paiement varie suivant que le consommateur utilise une carte émise par une société structurée selon le modèle tripartite ou quadripartite. Les sociétés émettrices de cartes qui reposent sur un modèle tripartite jouent à la fois le rôle d’exploitant du réseau, d’émetteur et d’acquéreur. Par conséquent, elles traitent directement avec les consommateurs et les commerçants et elles fixent l’ensemble des modalités et des frais applicables. American Express fonctionne d’après le modèle tripartite au Canada. Selon le modèle quadripartite, l’émetteur est une institution financière qui commercialise des cartes de paiement et fixe les frais et les modalités imposés aux consommateurs, tandis que l’acquéreur négocie et fixe les frais et les modalités imposés aux commerçants. L’exploitant de réseau est la société exploitant la marque qu’on trouve sur de la carte. Visa, MasterCard et Interac fonctionnent selon le modèle quadripartite. L’annexe A illustre un exemple d’une opération par carte de crédit reposant sur le modèle quadripartite. 18 | Les marchés des cartes de crédit et de débit L’exploitant de réseau s’efforce d’amener le plus grand nombre de consommateurs à utiliser ses cartes de crédit et le plus grand nombre de commerçants à les accepter, car son revenu est tributaire du nombre et de la valeur des opérations effectuées dans son réseau. Afin d’accroître l’utilisation et l’acceptation de leurs cartes, les exploitants de réseau ont recours à des techniques de commercialisation pour faire connaître leur marque, ils créent des produits susceptibles d’inciter les consommateurs et les commerçants à l’adopter, et ils établissent des frais et des règles à l’intention des participants, dont voici quelques exemples. • Exigences d’adhésion – Visa et MasterCard exigent que les émetteurs et les acquéreurs soient des institutions financières réglementées ou qu’elles soient parrainées par une institution financière réglementée. Interac exige également que les émetteurs soient des institutions financières réglementées. • Commissions d’interchange – Elles sont fixées par les exploitants du réseau, mais sont généralement versées par les acquéreurs aux émetteurs et sont habituellement comprises dans les frais de service que les commerçants paient aux acquéreurs. Les commissions d’interchange peuvent prendre la forme de frais fixes par opération, être calculés comme un pourcentage de la valeur transactionnelle, ou les deux; • Frais de commutation (ou d’accès au réseau) – Ces frais fixés et perçus par le réseau sont facturés aux acquéreurs ou aux émetteurs, ou aux deux. Ils peuvent prendre la forme de frais fixes par opération ou être calculés comme un pourcentage de la valeur transactionnelle. • Les règles d’acceptation que les commerçants doivent suivre sont les suivantes : – les règles de non discrimination, qui empêchent les commerçants d’inciter les clients à envisager d’utiliser des instruments de paiement à moindre coût (ou de les convaincre de les utiliser); – les règles interdisant la perception de frais additionnels, qui empêchent les commerçants d’imposer aux consommateurs des frais pour l’utilisation d’une carte de crédit donnée plutôt qu’une autre carte de crédit ou méthode de paiement; – les règles obligeant à honorer toutes les cartes, qui obligent les commerçants qui acceptent toute carte d’un réseau de cartes de crédit à accepter la totalité des cartes de crédit de ce réseau (cartes de base, cartes à valeur ajoutée et cartes privilèges à valeur ajoutée dans le cas de MasterCard), quels que soient les taux d’interchange en vigueur. Les réseaux ont élargi la portée de cette règle pour inclure les cartes de débit (c’est à dire que si un commerçant accepte une carte de débit, il doit accepter toutes les autres cartes de débit du réseau). Il convient également de noter que dans les réseaux de cartes reposant sur un modèle quadripartite, comme Visa et MasterCard, les exploitants cherchent à maximiser les opérations effectuées par leur entremise en attirant toujours plus d’émetteurs. Pour y arriver, les réseaux donnent la possibilité aux émetteurs d’obtenir des commissions d’interchange, espérant ainsi hausser le taux d’interchange à son maximum viable dans le marché (le marché étant en l’occurrence les parties qui doivent le payer). Les commissions d’interchange peuvent être considérées comme des paiements de transfert servant à faire augmenter le nombre d’opérations. En théorie, un taux d’interchange efficace devrait générer un nombre d’opérations de cartes de paiement qui soit socialement optimal. En pratique, toutefois, il est difficile d’évaluer avec exactitude le taux d’interchange optimal. Dans un document daté de 20098, le Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine a énuméré certaines caractéristiques de base des taux d’interchange socialement optimaux. Enfin, les marchés des cartes de crédit et de débit se caractérisent aussi par le fait que les membres du réseau Interac rapprochent et règlent leurs opérations au moyen du Système automatisé de compensation et de règlement et sont donc assujettis aux règles et aux normes de l’Association canadienne des paiements (ACP). Visa et MasterCard possèdent leurs propres systèmes de compensation et ne sont soumises à aucune règle ou norme spécifique au Canada. • Le taux d’interchange efficace n’est pas uniquement lié à ce qu’il en coûte pour effectuer une opération avec une carte de paiement et il n’est pas nul non plus. b) Aspects économiques des réseaux de cartes Selon le document du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine de 2009, il reste à établir si le marché privé et la concurrence peuvent générer des taux d’interchange efficaces. Les recherches à ce sujet présentent des résultats fort variables. Bien qu’aucune conclusion ne soit entièrement irréfutable, la plupart des modèles théoriques vont dans le sens des affirmations suivantes dans les cas où les prix des commerçants ne varient pas selon le mode de paiement. Les économistes décrivent souvent la demande de services de paiement par carte7 comme un marché « bilatéral », car une carte de paiement n’a de valeur que si le consommateur et le commerçant acceptent tous deux de l’utiliser pour régler une transaction. Le réseau agit comme un agent de liaison entre les deux. Les opérations par carte créent également des « externalités de réseau », ce qui signifie que la valeur accordée à un bien ou à un service augmente en même temps que son utilisation s’accroît. L’utilisation des cartes de paiement devient plus profitable pour les consommateurs à mesure que s’élève le nombre de commerçants qui les acceptent, et elle devient plus profitable pour les commerçants à mesure que s’élève le nombre de consommateurs qui les utilisent. Or, le commerçant et le consommateur ne tiennent compte que de leurs propres avantages directs lorsqu’ils décident de participer, d’où le risque que le nombre d’opérations soit trop peu élevé pour être efficace. Lorsque les effets externes sont positifs, la théorie économique soutient que des subventions ou des transferts peuvent servir à harmoniser les coûts et les avantages individuels et sociaux. 7 Il convient de noter que nous faisons référence au marché des services, et non à l’autre marché dans lequel les réseaux de cartes sont en concurrence, soit celui des émetteurs, qui, comme il a été mentionné, influe aussi sur les mesures d’incitation liées à l’établissement des taux d’interchange. La dynamique à l’œuvre dans ce cas mériterait une analyse approfondie. • Le taux d’interchange efficace peut avantager l’un des pôles du marché aux dépens de l’autre et même se traduire par un prix négatif pour l’un d’eux. Par exemple, les revenus générés par les commissions d’interchange servent souvent à financer des programmes de récompenses pour les consommateurs. • En général, la recherche de la maximisation du profit ne mène pas un réseau à fixer un taux d’interchange efficace. • Les taux d’interchange établis dans le marché privé peuvent être trop élevés ou trop bas par rapport au taux d’interchange efficace. • Dans la plupart des marchés, une hausse de la concurrence entre les entreprises exerce une pression à la baisse sur les prix, mais pas nécessairement sur les commissions d’interchange. En général, la concurrence entre les réseaux de paiement suscite rarement une pression à la baisse sur les commissions d’interchange, car les efforts concurrentiels des exploitants de réseaux visent le plus souvent à amener les consommateurs à privilégier leur carte plutôt que les autres. Il est plus facile d’atteindre cet objectif si des commissions d’interchange accrues peuvent servir à financer des modalités attrayantes pour le consommateur (p. ex. des coûts moins élevés et davantage de récompenses). 8 Robin A. Prager, Mark D. Manuzak, Elizabeth K. Kiser et Ron Borzekowski, Interchange Fees and Payment Card Networks: Economics, Industry Developments, and Policy Issues, 13 mai 2009. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 19 4: Réseaux de cartes de crédit Les marchés des cartes de crédit et de débit | 21 a) Réseaux b) Émetteurs et acquéreurs Visa et MasterCard dominent le marché canadien des cartes de crédit et sont ensemble à l’origine d’environ 92 % de la valeur des opérations effectuées avec des cartes de crédit multiservices au Canada. En 2009, la part de marché de Visa totalisait 64 % et celle de MasterCard, 28 %. MasterCard surpasse cependant Visa pour ce qui est du nombre de cartes en circulation. Visa et MasterCard exigent généralement que les émetteurs et les acquéreurs soient des institutions financières réglementées ou soient financés par une institution financière réglementée. L’institution financière réglementée est ultimement responsable envers le réseau des obligations de l’institution financée. À l’heure actuelle, leur seul concurrent est American Express (Amex), qui détient 8 % du marché. La société cible les créneaux de marché comme les consommateurs qui gagnent un revenu supérieur, ainsi que les entreprises et les gouvernements. Toutes deux issues d’associations de banques émettrices, Visa et MasterCard fonctionnent actuellement au Canada comme des filiales de sociétés cotées en bourse. La présence de Visa au Canada remonte à 1977 lorsque Chargex, une alliance de banques formée en 1968 pour émettre des cartes de crédit, s’est jointe à Visa. À la suite d’une restructuration en 2008, Visa est devenue une société cotée en bourse, Visa Inc., sauf en Europe de l’Ouest. Visa Europe est en effet demeurée une société appartenant à ses membres, qui possède une licence de Visa Inc. et détient une participation minoritaire dans Visa Inc. Visa Canada est une filiale de Visa Inc. L’arrivée de MasterCard au Canada en 1973 constituait la première percée internationale de la société américaine, mais MasterCard n’a ouvert son premier bureau canadien qu’en 1993. À l’origine, MasterCard Worldwide était une coopérative regroupant les banques émettrices de cartes; elle s’est constituée en société en 2006. MasterCard Canada, constituée en société au Delaware, est une filiale de MasterCard Worldwide. La Banque Amex du Canada, l’émetteur et l’acquéreur des cartes Amex au Canada, est une filiale en propriété exclusive de la société American Express Travel Related Services Company, Inc., dont le siège est à New York. Visa et MasterCard perçoivent des frais de commutation des émetteurs et des acquéreurs en fonction de la valeur des opérations et elles sont tenues d’indemniser les émetteurs et les acquéreurs des pertes subies lorsqu’un autre émetteur ou acquéreur n’acquitte pas ses obligations quotidiennes de règlement. Visa et MasterCard fixent les taux d’interchange, mais ce sont les acquéreurs qui paient les commissions d’interchange aux émetteurs. Étant donné que la Banque Amex du Canada est à la fois l’émetteur et l’acquéreur, les opérations de carte Amex ne sont assorties d’aucune commission d’interchange ni de frais de commutation, mais les commerçants doivent acquitter, pour chaque opération, des frais de service ad valorem négociés de gré à gré. 22 | Les marchés des cartes de crédit et de débit Les exigences d’adhésion pour les émetteurs ne semblent pas entraver la concurrence. Le Groupe de travail n’a eu vent d’aucune préoccupation de la part des consommateurs au sujet de l’accès aux cartes de crédit 9. Visa compte 10 institutions financières émettrices et MasterCard en compte 16. RBC Banque Royale et CIBC émettent des cartes de crédit Visa et MasterCard. Les banques fournaissaient auparavant elles-mêmes les activités d’acquisition; toutefois, dans la dernière décennie, les activités des acquéreurs en sont venues à constituer un secteur d’activité en soi. Plusieurs banques, dont CIBC et Banque Scotia, ont confié la prestation de leurs services d’acquéreur à de grandes sociétés américaines de traitement des paiements au début des années 2000. RBC Banque Royale et BMO Banque de Montréal ont cofondé Moneris Solutions. TD Canada Trust et le Groupe Desjardins exercent toujours leurs activités d’acquéreurs. Par ailleurs, les exigences d’adhésion pour les acquéreurs ne semblent pas restreindre l’accès au marché et la concurrence dans ce secteur d’activité. Les commerçants canadiens font maintenant affaire avec la plupart des grandes sociétés américaines de traitement des paiements, dont Chase Paymentech, Global Payments, First Data, Elavon et Heartland Payment Systems par l’entremise de Collective Point of Sales Solutions. Des institutions financières de moindre envergure comme Home Trust, qui traite avec PSIGate, et Peoples Trust, sont devenues acquéreurs. Visa a accepté que Global Payments devienne un acquéreur officiel à titre de société de prêt réglementée. À l’heure actuelle, sur dix acquéreurs, huit sont inscrits à la fois auprès de Visa et de MasterCard et, des deux autres, l’un est inscrit auprès de Visa et l’autre, auprès de MasterCard. Depuis que des sociétés américaines de traitement des paiements et de petites institutions financières ont investi le marché des acquéreurs, des entreprises de services indépendantes agissant comme agents de vente auprès d’acquéreurs et de sociétés de traitement des paiements ont commencé à faire leur apparition et à s’imposer au Canada. À la fin de mars 2011, 69 entreprises de services indépendantes traitant avec les commerçants étaient inscrites auprès de Visa. 9 Les associations de consommateurs s’inquiètent plutôt de ce que les émetteurs facilitent trop l’accès au crédit, et donc à l’endettement, aux particuliers. c) Commissions d’interchange De même, à l’automne 2008, MasterCard a apporté les premiers changements importants à ses taux d’interchange en sept ans. La société est passée de 3 à 18 formules, les taux se situant entre 1,21 % et 2,13 %. MasterCard a également créé une nouvelle catégorie de taux d’interchange, soit les taux associés aux cartes à valeur ajoutée, comme les nouvelles cartes privilèges assorties de taux accrus s’établissant entre +0,20 % et +0,41 %. Dans certains cas, les émetteurs ont reclassé les cartes standards ou de base (Or et Platine) dans la catégorie des cartes à valeur ajoutée sans émettre de nouvelles cartes. Encore aujourd’hui, les commerçants ont du mal à faire la différence entre une carte MasterCard de base et une carte MasterCard à valeur ajoutée. Au printemps 2008, Visa a apporté d’importants changements à ses formules de calcul du taux d’interchange pour la première fois en plus de trente ans. La société a également lancé une nouvelle carte de crédit privilège, la carte Visa Infinite, assortie de commissions d’interchange plus élevés permettant d’accroître les avantages offerts aux titulaires. Avant avril 2008, Visa n’utilisait que deux formules, l’une s’appliquant aux cartes personnelles et l’autre aux cartes commerciales : • cartes personnelles : 1,75 % moins 0,25 $, frais minimums de 0,10 $; • cartes commerciales : 2,00 % moins 0,15 $, frais minimums de 0,10 $. En mars 2010, MasterCard a créé une autre catégorie de taux d’interchange pour un nouveau type de carte de crédit, les cartes MasterCard World ou World Elite, des cartes privilèges à valeur ajoutée assorties de taux d’interchange plus élevés que les cartes de crédit MasterCard à valeur ajoutée et Visa Infinite. Par conséquent, MasterCard est passée de 18 à 30 formules, l’éventail des taux allant de 1,21 % à 2,65 %. En avril 2008, Visa est passée de 2 à 21 formules de calcul du taux d’interchange. Elle compte aujourd’hui 24 formules dont les taux s’échelonnent entre 1,00 % et 2,00 %, selon les éléments suivants : • secteur d’activité : segment émergent (1,00 %), essence (1,21 %), épicerie (1,36 %) et autres (1,54 %); • volume d’opérations élevé : programmes de rendement – palier 1 (1,40 %) et 2 (1,45 %); • nature de l’opération : périodique (1,40 %), en personne (de 1,00 % à 1,54 %) et sans la carte (1,65 %); • type de carte utilisée : carte standard (Classique, Or et Platine) et Infinite (+ 0,20 %); • carte personnelle ou carte d’entreprise (de +0,35 % à +0,60 %). TABLEAU E1– PRODUITS DE CRÉDIT À LA CONSOMMATION ET AUX ENTREPRISES DE VISA CANADA – FRAIS D’INTERCHANGE CARTES DE CRÉDIT PERSONNELLES Classique, Or, Platine Infinite Paiement standard 1,65 % 1,85 % CARTES DE CRÉDIT COMMERCIALES Produits de crédit aux entreprises 2,00 % Paiement électronique 1,54 % 1,74 % 1,90 % Programme de rendement – palier 1 1,40 % 1,60 % 1,80 % Programme de rendement – palier 2 1,45 % 1,65 % 1,85 % Programme sectoriel – essence 1,21 % 1,41 % 1,80 % Programme sectoriel – épicerie 1,36 % 1,56 % 1,85 % Paiement périodique 1,40 % 1,60 % 1,85 % Avances en espèces – en personne 1,55 $ (frais payés par l’émetteur à l’acquéreur) Avances en espèces – GAB 0,75 $ (frais payés par l’émetteur à l’acquéreur) Les marchés des cartes de crédit et de débit | 23 Aux points de vente, les commerçants arrivent à reconnaître les cartes Visa Infinite et MasterCard World et World Elite, mais pas les cartes MasterCard à valeur ajoutée. Récemment, un petit nombre de grands commerçants ont réussi à négocier une baisse des taux d’interchange auprès de Visa et de MasterCard. Il semble que les exploitants de réseaux élèvent les taux d’interchange dans le but d’accroître leur part du marché des titulaires de carte actifs. Les émetteurs perçoivent davantage de frais si les taux d’interchange sont accrus, ce qui les inciterait à encourager les titulaires de carte actifs à opter pour des cartes de crédit à taux d’interchange plus élevés. Selon Visa, le taux d’interchange moyen n’a pas connu de hausse importante, mais celle ci a tout de même produit des effets variés sur les commerçants. Voici les frais pour les opérations de 100 $ réglées par carte de crédit personnelle Visa : • avant avril 2008 : 1,50 $; • aujourd’hui : entre 1,00 $ (p. ex. achats de commodité) et 1,54 $ (p. ex. restaurants), mais plus élevés lorsque la carte n’est pas présentée (1,65 $) et lors de l’utilisation de la carte Visa Infinite (+0,20 $). TABLEAU E2 – TAUX D’INTERCHANGE DE MASTERCARD AU CANADA – CONSOMMATEURS ET COMMERÇANTS CONSUMER COMMERCIAL Cartes de base Cartes à valeur ajoutée Cartes privilèges à valeur ajoutée Cartes de base Cartes privilèges à valeur ajoutée Commerçants chez qui le montant annuel porté aux cartes MasterCard est égal ou supérieur à 1 milliard de dollars 1,40 % 1,60 % 2,00 % 2,00 % 2,00 % Commerçants chez qui le montant annuel porté aux cartes MasterCard est égal ou supérieur à 400 millions de dollars 1,45 % 1,65 % 2,00 % 2,00 % 2,00 % Commerçants de la catégorie « Pétrole » chez qui le montant annuel porté aux cartes MasterCard est égal ou supérieur à 400 millions de dollars 1,21 % 1,41 % 2,00 % 2,00 % 2,00 % Commerçants de la catégorie « Supermarché » chez qui le montant annuel porté aux cartes MasterCard est égal ou supérieur à 400 millions de dollars 1,36 % 1,56 % 2,00 % 2,00 % 2,00 % Toutes les autres opérations MasterCard par voie électronique où la carte est présente 1,59 % 2,00 % 2,25 % 2,00 % 2,25 % Toutes les autres opérations MasterCard 1,72 % 2,13 % 2,65 % 2,00 % 2,65 % TABLEAU E3 – COMPARISON DES TAUX D’INTERCHANGE DES CARTES “PRIVILÈGE” VISA ET MASTERCARD VISA INFINITE MASTERCARD WORLD ET WORLD ELITE ÉCART Carte électronique présentée 1,74 % 2,25 % 0,51 % Carte non présentée 1,85 % 2,65 % 0,80 % 24 | Les marchés des cartes de crédit et de débit Voici les frais pour les opérations de 100 $ réglées par carte de crédit d’entreprise ou commerciale Visa : • avant avril 2008 : 1,85 $; • aujourd’hui : entre 1,80 $ et 1,90 $, mais plus élevés lorsque la carte n’est pas présentée (2,00 $). Les modifications apportées en 2008 aux formules de calcul des taux d’interchange s’ajoutaient à d’autres changements survenus à la même période. • Des cartes de crédit privilèges assorties de commissions d’interchange plus élevées ont été lancées en même temps, soit la carte Visa Infinite et la carte MasterCard à valeur ajoutée en 2008 et la carte MasterCard privilège à valeur ajoutée en 2010. • Les commerçants craignaient une hausse des frais d’opération de carte de débit au Canada lorsque MasterCard a effectué sa toute première opération par carte de débit Maestro au Canada dans le cadre d’un projet pilote, et que Visa a publié ses frais pour les opérations réglées par carte de débit en date du 28 mai 2009. – Par ailleurs, l’Association Interac, sans but lucratif, avait fait une demande auprès du Bureau de la concurrence au début de 2009 pour obtenir le statut d’organisation à but lucratif. Certains détracteurs craignaient qu’en tant que société à but lucratif, Interac n’impose des frais plus élevés et ne devienne vulnérable aux prises de contrôle par les réseaux internationaux de cartes de crédit. Le Bureau de la concurrence a toutefois refusé la demande d’Interac en février 2010.10 • Les commerçants devaient investir dans du nouvel équipement et dans la formation aux points de service en raison de l’arrivée des nouvelles cartes à puce et à NIP. • Les commerçants étaient tenus de respecter la nouvelle norme de sécurité sur les données de l’industrie des cartes de paiement (Payment Card Industry Data Security Standard – PCI DSS). • Un examen réglementaire et juridique de l’établissement des prix et des modalités se rapportant à l’utilisation des cartes de crédit et de débit était en cours dans de nombreux pays développés et en développement. • Les acquéreurs devaient désormais payer des frais de commutation, ou frais d’évaluation, équivalant à 0,06 % plus la TVH pour les opérations avec une carte Visa et à 0,062 % plus la TVH pour les opérations avec une carte MasterCard. Avant 2008, tous les frais de réseau étaient payés par les émetteurs. • Tout indique que les acquéreurs auraient profité du fait que les émetteurs modifiaient leurs formules de calcul des taux d’interchange pour accroître leurs propres frais d’opération, plus particulièrement ceux qu’ils imposent aux petits commerçants. Si les taux d’interchange sont plus élevés au Canada qu’ailleurs, ils sont généralement inférieurs à ceux en vigueur aux États Unis, au Mexique et dans les pays de l’Amérique du Sud. TABLEAU E4 – TAUX D’INTERCHANGE PAR DÉFAUT POUR LES CARTES DE CRÉDIT PERSONNELLES VISA – JUIN 2011 CARTE ÉLECTRONIQUE STANDARD Canada CARTE ÉLECTRONIQUE PRIVILÈGE FOURCHETTE 1,54 % 1,74 % De 1,00 % à 1,85 % 1,54 % + 0,10 $ 2,10 % + 0,10 $ De 0,75 $ US et 1,15 % + 0,05 $ à 2,95 % + 0,10 $ Union européenne 0,50 % 0,50 % De 0,50% à 0,75 % Royaume-Uni Australie 0,77 % 0,44 % 0,77 % 1,87 % De 0,65 % à 1,30 % De 0 %10 à 1,87 % États Unis Les formules de calcul des taux d’interchange applicables aux opérations transfrontières effectuées au moyen d’une carte de crédit émise par une institution financière étrangère pour l’achat de biens et de services au Canada diffèrent des formules de calcul des taux d’interchange applicables aux opérations réalisées à l’intérieur du Canada, évoquées plus haut dans la présente section 10 En Australie, le taux est nul pour les organismes de bienfaisance enregistrés. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 25 d) Frais de service des commerçants Les frais payés par les commerçants aux acquéreurs pour l’acceptation des cartes de crédit sont couramment appelés taux d’escompte du commerçant ou frais de service du commerçant (FSC). Les FSC peuvent être soit un montant fixe par opération, soit un taux, c’est Durant dire calculés en pourcentage de la valeur de chaque opération, ou les deux, et constituent la somme des frais suivants : • les commissions d’interchange payées par les acquéreurs aux émetteurs, qui pourraient représenter plus de 90 % des FSC pour les grands commerçants; • les frais de commutation payés aux réseaux de cartes de paiement, soit 0,06 % de la valeur de l’opération plus la TVH pour Visa, et 0,062 % plus la TVH pour MasterCard; • les frais d’opération retenus par l’acquéreur – la marge de l’acquéreur – qui vont de 0,04 $ par opération pour les grands commerçants à plus de 1,0 % de la valeur de l’opération pour les petits commerçants; • les frais mensuels payés à l’acquéreur pour la location d’équipement et l’administration, par exemple 17 $ par clavier d’identification personnelle, 30 $ par terminal et 7 $ de frais d’administration. Les frais que les commerçants paient aux acquéreurs peuvent être calculés de plusieurs façons, dont les suivantes : • grands commerçants possédant leur propre équipement au point de vente : les commissions d’interchange, les frais de commutation et un montant fixe par opération (contrat en régie). • petits commerçants : un taux pour les opérations régulières (vérifiées), les frais de commutation et des frais additionnels pour les opérations non vérifiées, comme les opérations de cartes Visa Infinite, de cartes MasterCard à valeur ajoutée et de cartes MasterCard privilèges à valeur ajoutée, ainsi que pour les opérations où la carte n’est pas présentée (tarification progressive). • très petits commerçants : un seul taux en fonction de la valeur de l’opération et un montant fixe par opération. 26 | Les marchés des cartes de crédit et de débit À la lumière de l’information que le Groupe de travail a recueillie auprès des commerçants, il appert que les FSC moyens de certains grands commerçants ont légèrement diminué de 2007 à 2010 et que les FSC moyens pour les petits commerçants ont augmenté de près de 40 % à la même période. En outre, tout porte à croire que les acquéreurs ont profité des modifications apportées aux formules de calcul des taux d’interchange pour augmenter leurs frais d’opération, plus particulièrement ceux imposés aux petits commerçants soumis à une tarification progressive visant à accroître les marges perçues par les acquéreurs sur les opérations de cartes de crédit privilèges. De nombreuses associations de commerçants ont négocié avec les acquéreurs en vue d’obtenir des FSC spéciaux pour leurs membres, dont la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, le Conseil canadien du commerce de détail, la Chambre de commerce du Canada, l’Association canadienne des restaurants et des services alimentaires, et la Chambre de commerce des provinces de l’Atlantique. Nous avons constaté que les acquéreurs et les organismes de service indépendants affichent maintenant davantage de renseignements au sujet des FSC sur leurs sites Web depuis l’adoption du Code de conduite. Par ailleurs, les commerçants canadiens peuvent visiter le site FeeFighters.com pour comparer les FSC et choisir la solution qui leur convient, sans aucune obligation de leur part. 5: Réseaux de cartes de débit Les marchés des cartes de crédit et de débit | 27 a) Bref historique d’Interac Au Canada, le seul réseau de cartes de débit permettant de régler des achats aux points de vente est le réseau Interac, exploité par l’Association Interac. Interac est un système de paiement exploité par deux entités, soit l’Association Interac, une association sans but lucratif non constituée en personne morale, et Acxsys, une organisation à but lucratif. Une troisième entité, Interac Inc., possède les marques Interac. En 1984, cinq grandes institutions financières émettrices de cartes Visa ont lancé une initiative de coopération visant à relier leurs réseaux de guichets automatiques bancaires (GAB)11, initiative qui a marqué la naissance de l’Association Interac. À la fin de 1985, les quatre principales institutions financières émettrices de cartes MasterCard se sont jointes à l’Association. Au début des années 1990, Interac a lancé le projet pilote de Débit Interac permettant aux consommateurs de régler des achats aux points de vente au moyen de leur carte bancaire ou de leur carte de guichet automatique. En 1994, le Débit Interac était disponible à l’échelle nationale. Le Bureau de la concurrence a commencé l’examen des activités de l’Association Interac et d’Interac Inc. en 1990 puis a ouvert, en juillet 1992, une enquête sur l’allégation selon laquelle Interac se serait livrée à des agissements anticoncurrentiels relevant de trois grandes catégories : la limitation de l’accès au réseau, la création d’obstacles à l’innovation dans les produits, et le contrôle de la tarification de l’accès et des services. En 1996, après la tenue d’audiences publiques exhaustives, le Tribunal de la concurrence a prononcé une ordonnance par consentement12, laquelle est toujours en vigueur aujourd’hui, exception faite de légères modifications. Entre autres choses, l’ordonnance par consentement a permis de réaliser ce qui suit. 11 Au Canada, le seul autre réseau de GAB est The Exchange. Beaucoup plus restreint, il compte quelque 2 300 GAB au Canada, par rapport à près de 60 000 pour le réseau Interac. Certaines petites banques et presque toutes les coopératives de crédit sont membres du réseau The Exchange. Aucuns frais d’interchange ne s’appliquent à The Exchange; dans le cas d’Interac, cependant, l’émetteur verse 0,75 $ à l’exploitant du GAB (ou acquéreur) à chaque opération. 12 Dans le cas présent, l’ordonnance par consentement constituait un recours en cas d’abus de position dominante qui a fait l’objet d’une négociation entre le Bureau de la concurrence et neuf membres fondateurs de l’Association Interac et d’Interac Inc., avant d’être approuvée par le Tribunal de la concurrence. L’ordonnance par consentement a été remplacée par un consentement en 2002. 28 | Les marchés des cartes de crédit et de débit • Ajout d’entités sur la liste des membres admissibles à l’Association Interac. L’ordonnance par consentement a modifié les règlements administratifs de façon à permettre à toute entité commerciale de devenir membre, à condition qu’elle puisse fournir des services liés au réseau de débit Interac, à l’exception de l’émission de cartes. Dans les faits, le nombre de membres de l’Association Interac, soit 27 à l’époque où l’ordonnance par consentement a été rendue, est aujourd’hui passé à 58. Depuis 2002, les émetteurs de cartes doivent être des institutions financières réglementées. • Mise sur pied d’une nouvelle structure de gouvernance de l’Association Interac. Avant le prononcé de l’ordonnance par consentement, seuls les membres fondateurs, les grandes institutions financières directement liées au réseau Interac, avaient le droit de voter sur les questions d’importance. L’ordonnance par consentement a imposé des mesures visant à transférer une certaine fraction du pouvoir décisionnaire des membres fondateurs aux autres membres de l’Association Interac. L’ordonnance a imposé la création d’un conseil composé d’au moins 14 membres, dont au moins deux nommés par des institutions non financières ayant un lien direct avec le réseau Interac, et trois nommés par des membres n’ayant pas de lien direct. Les changements fondamentaux exigent une majorité des deux tiers. Les décisions portant sur les améliorations au réseau, les nouveaux services et les commissions d’interchange sont prises par vote à majorité simple. • Obligation pour l’Association Interac d’établir ses prix selon un modèle de recouvrement de coûts. L’ordonnance par consentement exige que l’Association Interac tire la totalité des revenus des frais d’interconnexion – des frais facturés aux utilisateurs du réseau Interac pour chaque message, établis en fonction du coût de prestation du service et du coût de développement du réseau. L’ordonnance par consentement exige également qu’Interac Inc. poursuive ses activités à titre d’organisme sans but lucratif. Toutefois, l’ordonnance de consentement n’a pas privé l’Association Interac de la capacité d’établir le taux d’interchange, qui est actuellement nul. • Autorisation accordée aux commerçants d’imposer des frais additionnels pour les opérations de débit sur le réseau Interac. Cette pratique était interdite avant le prononcé de l’ordonnance par consentement. Selon le Bureau de la concurrence, l’ordonnance par consentement avait pour but « d’ouvrir l’accès au réseau afin de créer un environnement propice au lancement de nouveaux services ». À la suite des restrictions imposées en vertu de l’ordonnance par consentement, les neuf membres fondateurs de l’Association Interac 13, qui étaient également les actionnaires d’Interac Inc., ont fondé en 1996 l’organisation à but lucratif Acxsys Corporation, qui fournit des services de gestion à l’Association Interac et se spécialise dans la conception et l’exploitation de services de paiement. Acxsys et l’Association Interac sont dirigées par le même président-directeur général. Les activités d’Acxsys comprennent l’exploitation des services de virement Interac, d’Interac en ligne et de paiement direct transfrontière. Ce dernier est offert grâce à un partenariat avec NYCE Corporation, l’un des principaux réseaux de débit aux États Unis. Les activités de l’Association Interac sont demeurées les mêmes qu’avant le prononcé de l’ordonnance par consentement, soit l’exploitation du service Fric Interac, qui constitue le réseau des GAB des membres, et du service Débit Interac pour les opérations aux points de vente. Au début de 2009, préoccupée par l’arrivée de MasterCard et l’entrée imminente de Visa sur le marché des cartes de débit, l’Association Interac a fait une demande auprès du Bureau de la concurrence pour pouvoir passer du statut d’organisme à but non lucratif à celui d’organisation à but lucratif. Dans sa présentation au Comité permanent des banques et du commerce, la direction d’Interac a fait savoir que l’Association Interac était pour la concurrence au sein d’un marché libre, mais seulement si elle-même pouvait rivaliser à armes égales avec ses concurrents en fonctionnant comme une organisation à but lucratif. Interac a expliqué que sa structure de gouvernance était dysfonctionnelle et qu’elle entravait la capacité de l’Association de prendre les mesures nécessaires, comme la réalisation d’investissements et la prise de décisions relatives à l’établissement de prix pour soutenir la concurrence des sociétés expérimentées et disposant de fonds telles que Visa et MasterCard. Interac a affirmé que si l’Association Interac obtenait le statut d’organisation à but lucratif, elle ferait concurrence à Visa et à MasterCard en misant sur sa forte présence auprès des commerçants et en s’annonçant comme fournisseur à faible coût et à prix fixe. Toutefois, les commerçants craignaient qu’en accédant au statut d’organisation à but lucratif, l’Association Interac hausse ses frais et devienne vulnérable aux prises de contrôle par les réseaux internationaux des cartes de crédit. 13 Le nombre de membres fondateurs de l’Association Interac est passé à huit après la fusion de la Banque TD et de Canada Trust. En février 2010, le Bureau de la concurrence a refusé d’accéder à la demande de l’Association Interac, se justifiant ainsi : « À la lumière de l’information disponible actuellement, notamment en ce qui concerne l’actuelle position dominante d’Interac dans le marché, le Bureau ne peut appuyer la modification ou la suppression des garanties offertes par l’ordonnance, qui s’avèrent efficaces pour protéger les consommateurs contre des activités potentiellement anticoncurrentielles ». Le Bureau s’est cependant montré disposé à accepter que certaines modifications soient apportées à la structure de gouvernance, comme l’autorisation de nommer des administrateurs indépendants. b) Entrée en scène de MasterCard et de Visa MasterCard a fait son entrée sur le marché canadien des cartes de débit avec la carte Maestro à la fin de 2008. BMO Banque de Montréal et CUETS, une division de MBNA, ont lancé les cartes de débit co badgées (mixtes) Maestro et Interac. Pour les consommateurs, la carte Maestro fonctionnait exactement comme une carte de débit Interac, car elle permettait de régler un achat en retirant directement la somme du compte bancaire du titulaire de la carte; or, l’utilisation de cette carte aux points de vente était légèrement moins coûteuse pour les acquéreurs et les commerçants. Tout comme les cartes de Débit Interac, la carte Maestro n’était assortie aucune commission d’interchange, mais ses frais de commutation (0,005 $) étaient moins élevés que ceux des cartes de débit Interac (0,008253 $ à l’époque) 14. Cela dit, Maestro avait la priorité sur Débit Interac, de sorte que si un commerçant acceptait les deux réseaux, les opérations étaient automatiquement redirigées vers le réseau de MasterCard. Selon MasterCard, la carte Maestro était un produit supérieur à Débit Interac, car elle pouvait être utilisée dans tous les pays du monde où la carte Maestro est acceptée; en outre, la société prévoyait que la carte pourrait dans l’avenir être utilisée pour régler les achats en ligne et au téléphone, et qu’elle serait dotée de la technologie PayPass de MasterCard, permettant de faire des opérations de débit sans contact aux points de vente. 14 Les frais de commutation imposés aux acquéreurs pour le service Débit Interac ont été réduits à 0,007299 $ en novembre 2009. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 29 Cela dit, en raison des pressions exercées par les commerçants et par leurs associations en vue de protéger Interac, le gouvernement a modifié la version préliminaire du Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit afin d’interdire qu’une carte de débit comporte des applications de paiement domestiques concurrentes de réseaux différents, utilisables par exemple à un point de vente15. Par conséquent, l’émetteur devrait fournir une seconde carte aux titulaires pour leur donner accès aux réseaux Maestro ou Visa Débit aux points de vente s’il souhaitait qu’ils puissent également continuer d’utiliser le réseau Interac. Les commerçants ont dit craindre que l’arrivée de réseaux de cartes de crédit internationaux sur le marché canadien des cartes de débit ne fasse inévitablement augmenter leurs frais de service. D’après la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), [TRADUCTION] « l’expérience sur la scène internationale a montré que l’entrée des sociétés émettrices de cartes de crédit sur le marché des cartes de débit met à mal le réseau intérieur de débit à faible coût, puis fait monter en flèche les frais de débit pour les commerçants ». Devant l’opposition des commerçants et l’interdiction stipulée par le nouveau Code de conduite de doter une même carte de débit d’applications de paiement domestiques concurrentes de réseaux différents, MasterCard a retiré l’accès au réseau de paiement par carte de débit Maestro des points de vente canadiens en 2010. Les cartes peuvent cependant être utilisées à l’extérieur du Canada sur le réseau de débit Maestro. 15 Le Code précise toutefois que les applications domestiques non concurrentes complémentaires (p. ex. les opérations en ligne par rapport aux opérations aux points de vente) de réseaux différents peuvent coexister sur une même carte de débit. Par ailleurs, le Code interdit d’offrir des cartes qui puissent être employées à la fois pour les opérations de crédit et de débit au Canada. 30 | Les marchés des cartes de crédit et de débit Bien que Visa ait publié des taux d’interchange associés aux cartes de débit qui étaient en vigueur en mai 2009, la société n’a fait son entrée sur le marché des cartes de débit qu’en octobre 2010 en lançant la carte de débit Avantage CIBC. Au début de 2009, Visa avait annoncé que les émetteurs pourraient choisir d’émettre la carte Visa Débit sur une carte à puce co badgée compatible avec le réseau Débit Interac ou sur une carte Visa Débit uniquement, mais que l’utilisation de cette carte nécessiterait la présence d’un terminal pouvant lire les cartes à puce aux points de vente. À la différence du cas de Maestro, les titulaires d’une carte co badgée pourraient choisir le réseau à utiliser pour traiter l’opération au terminal du point de vente, le réseau par défaut étant cependant Visa Débit. Les taux d’interchange (FSC exclus) associés aux cartes de débit personnelles Visa vont de 0,15 % de la valeur de l’opération plus 0,05 $ (0,125 $ pour une opération de 50 $), pour les achats de produits d’épicerie et d’essence, à 1,15 % de la valeur de l’opération (0,575 $ pour une opération de 50 $) lorsque la carte n’est pas présentée, par exemple lors des opérations en ligne ou par téléphone. Lorsque la carte à puce est présentée, les frais (FSC exclus) sont de 0,25 % de la valeur de l’opération, plus 0,05 $ (0,175 $ pour une opération de 50 $). Ni Interac ni Maestro n’ont de commissions d’interchange. En octobre 2010, CIBC a commencé à émettre la nouvelle carte co badgée Visa Débit et Débit Interac sur ses cartes de débit Avantage CIBC. La carte Avantage CIBC permet aux titulaires de faire une multitude d’achats en ligne, par téléphone ou par commande postale auprès de commerçants canadiens et internationaux, les fonds étant débités directement de leur compte bancaire par l’entremise du réseau Visa. Lorsque la carte est utilisée à un point de vente canadien, l’opération est traitée par le réseau Débit Interac. c) Commissions d’interchange et coûts pour les consommateurs À la différence des opérations réglées par carte de crédit Visa et MasterCard, les opérations réglées par carte de débit ne sont assorties d’aucune commission d’interchange, et les frais de commutation ne s’élèvent qu’à 0,0073 $ par opération pour l’émetteur et l’acquéreur 16. Débit Interac nécessite l’utilisation d’un numéro d’identification personnel (NIP), encore que l’Association Interac ait récemment commencé à émettre des cartes de paiement par débit sans contact, dans le cadre du service Flash Interac, avec lesquelles les titulaires peuvent régler des opérations de faible valeur sans avoir à entrer leur NIP. D’après la FCEI, les commerçants qui acceptent ce type de paiement par Débit Interac paient moins de 0,07 $ par opération. Selon l’enquête réalisée en septembre 2010 par le Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine, les commissions d’interchange versées aux émetteurs pour l’ensemble des opérations de débit aux États Unis en 2009, y compris celles réglées par cartes prépayées, s’élevaient à 0,44 $ en moyenne par opération. Les commissions d’interchange moyennes par opération par carte de débit à signature (0,56 $) sont beaucoup plus élevées que les frais par opération par carte de débit à NIP (0,23 $). Par conséquent, le coût moyen des opérations par carte de débit pour les commerçants est bien moins élevé au Canada qu’aux États-Unis, les commissions d’interchange étant généralement imposées aux commerçants par les acquéreurs dans les deux pays. L’Association des banquiers canadiens révèle que 31 % des titulaires de compte bancaire ne paient pas de frais de service, et que le solde minimum nécessaire pour qu’un compte bancaire soit sans frais est habituellement de 1 000 $. En moyenne, les Canadiens paient chaque année entre 131 $ et 167 $ pour un compte permettant un nombre illimité d’opérations de débit, et entre 84 $ et 125 $ pour un compte de base donnant droit à 240 opérations de débit par année. Les frais peuvent atteindre jusqu’à 0,65 $ par opération pour les consommateurs qui dépassent leur limite mensuelle17. Nous concluons donc que les consommateurs paient une proportion considérable des coûts des opérations de débit aux points de vente au Canada, sous forme de frais bancaires. Par ailleurs, les institutions financières ont tiré parti au fil du temps de l’implantation du réseau Débit Interac grâce aux économies réalisées par la réduction du volume d’opérations effectuées en succursale au profit de la hausse du volume d’opérations réalisées aux guichets automatiques bancaires et aux points de vente, qui sont beaucoup moins coûteuses et qui génèrent en outre des profits. Cette situation ne nous apparaît certes pas idéale; cela dit, le Groupe de travail ne peut prévoir l’effet qu’aurait l’introduction de frais d’interchange pour les opérations de débit, ni ne pourrait prétendre que cette solution représenterait un gain d’efficacité par rapport à l’actuel mode de financement indirect du service Débit Interac par les frais bancaires. Dans les faits, bon nombre de Canadiens doivent payer pour utiliser leurs cartes de débit. Au Canada, les émetteurs de cartes de débit facturent généralement des frais aux titulaires pour chaque opération de débit ou pour un forfait de services donnant droit à un nombre limité d’opérations sans commissions. Le forfait de services est offert gratuitement dans certaines institutions financières ou sous certaines conditions, par exemple si le solde du compte bancaire dépasse un certain montant. 16 Les commerçants paient cependant des commissions médians de 0,12 $ par opération, comme il a été mentionné. 17 Il convient de noter que la situation est en train de changer aux États Unis en ce qui concerne les revenus tirés des frais liés aux cartes de débit. Une nouvelle règle de la Réserve fédérale américaine, imposée en vertu de la Dodd Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act (dans le cadre de l’amendement Durbin) établit un montant maximum admissible applicable aux frais d’interchange pour les opérations par carte de débit. De nombreux médias ont rapporté que certaines banques avaient commencé à facturer de nouveaux frais de compte ou songeaient à le faire en réaction à cette réglementation, qui réduira leurs revenus d’interchange. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 31 6: Changements technologiques récents Les marchés des cartes de crédit et de débit | 33 a) Cartes à puce et à NIP Pour effectuer des paiements à un point de vente avec une carte à puce, les titulaires n’ont qu’à insérer leur carte dans un terminal muni d’un lecteur de puces, puis à entrer leur numéro d’identification personnel (NIP). Au Canada, le déploiement de la technologie des cartes à puce et à NIP s’est étalé sur près d’une décennie, et la coordination entre les réseaux de cartes de paiement a été quelque peu déficiente au départ. En 2003, Visa s’est engagée à passer aux cartes à puce et à NIP au Canada et a incité les acquéreurs et les commerçants à adopter cette nouvelle technologie en octobre 2004 en réduisant les frais d’interchange de 10 points de base pour chaque opération réalisée à l’aide d’un terminal muni d’un lecteur de puces. MasterCard a attendu que débute un essai sur le marché de Kitchener-Waterloo en 2008 avant d’annoncer qu’elle entendait adopter la carte à puce et à NIP, soit cinq ans plus tard. Visa, MasterCard et Interac ont participé à cet essai, mais pas American Express. L’Association Interac a annoncé qu’elle adoptait la technologie des cartes à puce et à NIP à la fin de 2008, après l’essai sur le marché, tandis qu’American Express n’a que récemment fait connaître son intention d’emboîter le pas aux autres sociétés. • À la fin de 2008, après l’essai réalisé sur le marché de Kitchener Waterloo, l’Association Interac a annoncé que ses membres commenceraient à distribuer les nouvelles cartes aux consommateurs et qu’ils continuaient d’intégrer la technologie de lecture de puces aux GAB et aux terminaux des points de vente. Elle a précisé que la transition prendrait plusieurs années, car les institutions financières et les sociétés de traitement de paiements suivaient chacune leur propre échéancier, mais qu’elle espérait bien que la majorité des GAB et des cartes de débit seraient compatibles avec la technologie à puce et à NIP en 2010. L’Association Interac a fixé des dates limites pour l’industrie et exige que tous les GAB soient compatibles avec la nouvelle technologie d’ici la fin de 2012 et que tous les terminaux des commerces le soient d’ici la fin de 2015. • American Express a annoncé qu’elle commencerait à émettre des cartes à puce et à NIP au Canada en 2011, pour que les titulaires de carte soient mieux protégés contre la fraude. Le Groupe de travail a appris que l’industrie avait fait une autre tentative sérieuse (outre l’essai sur le marché de 2008) en vue de coordonner ses efforts et de mobiliser les commerçants, tentative qui a pris la forme d’un forum de deux ans parrainé par Visa. Si les principaux joueurs de l’industrie étaient présents, de même qu’un certain nombre d’associations de commerçants, un seul commerçant a pris part aux discussions sur la mise en place de la technologie de cartes à puce et à NIP. Pour ce commerçant, la transition dans ses établissements s’est déroulée beaucoup plus en douceur et à coût bien moindre que pour beaucoup de ses concurrents. 34 | Les marchés des cartes de crédit et de débit Selon les acquéreurs, le passage à la technologie à puce et à NIP constitue une modernisation de l’infrastructure très coûteuse pour tous. Les commerçants qui ont acheté l’équipement pour leurs points de vente et qui ont choisi de procéder à la transition devront payer pour se procurer des appareils compatibles avec la technologie à puce et à NIP, tandis que les commerçants qui ont loué l’équipement aux acquéreurs ont déboursé des sommes considérables au fil du temps en frais de location18. Fait encourageant toutefois, un acquéreur affirme que le nombre de contestations et de rétrofacturations était généralement inférieur de 50 % chez les commerçants ayant adopté la technologie à puce et à NIP que chez les autres commerçants19. Visa et MasterCard ont fait preuve de compréhension à l’égard des commerçants relativement à la date limite pour le transfert de responsabilité. En septembre 2010, Visa et MasterCard ont annoncé qu’elles-mêmes et les institutions financières émettrices de leurs cartes, à la demande des commerçants, reportaient au 31 mars 2011 le transfert de la responsabilité à l’égard des opérations frauduleuses lors de l’utilisation d’une carte à puce au Canada. Depuis cette date, on tient les commerçants responsables des operations frauduleuses commises alors qu’une carte émise au Canada a été dûment présentée et que la fraude aurait pu être évitée si on avait utilisé la technologie entourant la puce. La responsabilité relative à l’usage de cartes à puce dans des terminaux qui ne peuvent les lire devait d’autre part être reportée sur les commerçants le 1er octobre 2010 à l’égard des cartes Visa et le 15 octobre 2011 à l’égard des cartes MasterCard, mais les émetteurs continueront à l’assumer jusqu’au 31 mai 2012. De plus, Visa et MasterCard ont repoussé de six mois, soit au 31 décembre 2012, la date du transfert de la responsabilité des opérations frauduleuses en présence d’une carte à puce aux détaillants d’essence qui disposent d’un système de paiement à la pompe. Au Royaume-Uni, le déploiement de la technologie de carte à puce et à NIP s’est étalé sur plusieurs années. Après un essai de mise en marché effectué à Northampton en Angleterre en 2003, les trois réseaux de cartes de paiement (Visa, MasterCard et American Express) ont fait appel à l’Association for Payment Clearing Services (APACS), une association commerciale regroupant les institutions offrant des services de paiement aux consommateurs, pour coordonner le déploiement en 2004. Le 1er janvier 2005, la responsabilité des opérations frauduleuses en présence d’une carte magnétique a été transférée aux commerçants, ce qui les a incités à mettre à niveau leur équipement aux points de vente. 18 Le Conseil canadien du commerce de détail a évalué à plus d’un milliard de dollars le coût de l’adoption de la technologie de la carte à puce et à NIP. 19 Témoignage livré par Jim Baumgartner, président et PDG de Moneris Solutions, devant le Comité sénatorial des banques et du commerce, lors de l’audience concernant le projet de loi S 201 tenue le 2 mars 2011. b) Payment Card Industry Data Security Standard (PCI DSS – norme de sécurité de l’industrie des cartes de paiement) La norme PCI DSS a été établie et publiée par le PCI Security Standards Council, une organisation créée en septembre 2006 par cinq sociétés émettrices de cartes de paiement, soit Visa, MasterCard, American Express, Discover et JCB. L’objectif de la norme est de prévoir un ensemble complet de principes et d’exigences de sécurité internationaux visant à renforcer la sécurité des données des comptes de paiement et à normaliser la protection des données des cartes. Avant l’établissement de la norme PCI DSS, chaque marque de carte avait ses exigences propres. La norme PCI DSS est un ensemble de 12 exigences de sécurité réparties en quelque 230 sous-exigences auxquelles les organisations doivent se conformer. Ces exigences s’appliquent aux systèmes et aux réseaux utilisés pour stocker, traiter ou transmettre des données sur les opérations de cartes de paiement de l’une ou l’autre des cinq marques précitées. Ces exigences concernent tant les systèmes que la technologie utilisée. La version actuelle de la norme, la version 2.0, a été lancée en octobre 2010. Le 1er janvier 2011, toutes les organisations qui traitent des données de cartes de paiement devaient l’avoir adoptée, et toutes les évaluations de conformité devaient être faites au moyen de la version 2.0 de la norme à partir du 1er janvier 2012. Toute organisation qui stocke, traite ou transmet des données de titulaires de carte de paiement de l’une des cinq marques de carte de paiement doit se conformer à la norme PCI DSS. La mesure dans laquelle les organisations doivent s’y conformer varie selon le type de système qu’elles utilisent et le nombre d’opérations qu’elles traitent annuellement. Tous les commerçants qui stockent, traitent ou transmettent des données de titulaires de carte de paiement doivent se conformer à la norme PCI DSS et évaluer leur conformité au moyen de la méthode appropriée. Des amendes ou une hausse des frais d’opération peuvent être imposées aux commerçants qui ne respectent pas la norme PCI DSS et les programmes de conformité aux réseaux de cartes de paiement. Le réseau de cartes de paiement infligera ces pénalités à l’acquéreur, qui les transmettra fort probablement aux commerçants. Dans certains cas extrêmes, le commerçant pourrait se voir retirer le droit d’utiliser des cartes de paiement. Les pénalités imposées ne font pas l’objet de discussions ouvertes ni ne sont rapportées dans les médias; elles sont plutôt traitées à titre confidentiel entre le commerçant et son acquéreur ou réseau de carte. Étant donné que l’Association Interac n’est pas membre du PCI Security Standards Council, les opérations réglées au moyen du service Débit Interac ne sont pas visées par la norme PCI DSS. Il est fort utile pour les réseaux de cartes de paiement que le PCI Security Standards Council mette au point une norme internationale visant à protéger les données des titulaires de carte de paiement qui s’applique dans tous les pays où les réseaux fonctionnent. Le PCI Security Standards Council a intégré à son modèle de gouvernance un processus de consultation des intervenants. Toute organisation active dans l’industrie de traitement des paiements, de quelque façon que ce soit, peut adhérer au PCI Security Standards Council à titre de société participante, moyennant une cotisation annuelle de 3 000 $, et ainsi adresser ses observations directement au forum, et avoir la possibilité d’examiner et de commenter les normes et les documents pertinents avant leur sortie. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 35 7: Mesures récentes des commerçants Les marchés des cartes de crédit et de débit | 37 Comme partout ailleurs, les commerçants du Canada s’inquiètent de l’étendue du pouvoir des réseaux de cartes de crédit, de la hausse des FSC et du peu d’influence qu’eux-mêmes exercent dans l’établissement des taux d’interchange. Les commerçants sont en quelque sorte contraints d’accepter les cartes de crédit, étant donné que leur usage est si répandu chez les consommateurs. Les commerçants craignent par ailleurs de voir leurs frais augmenter après l’arrivée des cartes de débit Visa et MasterCard aux points de vente dans un marché déjà monopolisé par le service Débit Interac. Le gouvernement fédéral a pris un certain nombre de mesures après que des commerçants et leurs associations eurent exprimé des plaintes. La section 8 décrit brièvement ces mesures. Les commerçants ont aussi dernièrement multiplié les initiatives pour remettre en question les pratiques des réseaux. • Les commerçants ont récemment intenté des recours collectifs contre les réseaux pour activité anticoncurrentielle, notamment en décembre 2010 au Québec contre Visa et MasterCard. À la fin de mars 2011, une femme d’affaires de Vancouver a déposé une poursuite en recours collectif contre Visa, MasterCard et d’autres grandes institutions financières parce que celles-ci se seraient entendues afin d’accroître ou de maintenir les frais payés par les commerçants pour les opérations par cartes de crédit. En avril 2011, un recours collectif a été intenté au Québec contre Amex au motif que sa règle interdisant aux commerçants d’orienter les clients vers un type de carte ou mode de paiement particulier était anticoncurrentielle. • Au début de mars 2011, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) a lancé une campagne visant à renseigner les consommateurs sur le fait que les opérations par carte de crédit s’accompagnent de frais élevés pour les commerçants et qu’il serait judicieux de payer avec une carte de débit ou en espèces. La FCEI distribue à ses membres des affichettes à installer en évidence aux caisses et des tableaux exposant les avantages du paiement par Interac ou en espèces. Dans un communiqué de presse daté du 14 avril 2011, le Conseil canadien du commerce de détail a encore une fois demandé au gouvernement de réglementer l’industrie des cartes de crédit et de débit, et plus particulièrement d’exiger l’imposition de frais fixes aux commerçants pour les opérations réglées par carte de débit et l’élimination des frais de service accrus facturés aux commerçants pour les opérations réglées par carte de crédit privilège. • En août 2011, après des discussions avec la FCEI, MasterCard et Visa ont décidé d’afficher sur leurs sites Web la liste de leurs cartes de crédit émises au Canada et des taux d’interchange connexes. En septembre 2011, la FCEI a publié une liste révélant les frais de service imposés aux commerçants pour chaque opération électronique au point de vente effectuée à 38 | Les marchés des cartes de crédit et de débit l’aide de chacune des cartes de crédit émises au Canada, en se fondant sur les taux préférentiels accordés aux membres de la FCEI par l’entremise de Chase Paymentech. La FCEI a fait savoir qu’elle avait demandé à MasterCard de voir à ce que toutes ses cartes affichent une marque distincte, de sorte que les commerçants puissent connaître la catégorie de taux applicable et remplacer les cartes privilèges par des cartes portant une marque distinctive20. La FCEI a également indiqué que la CIBC avait volontairement reclassé sa carte Aventura CIBC MasterCard de la catégorie des cartes à valeur ajoutée à celle des cartes de base (ou de la catégorie premium à la catégorie régulière) après que la FCEI eut annoncé qu’elle prévoyait publier la liste des cartes de crédit et de leurs coûts pour les commerçants. Voici d’autres initiatives que les commerçants pourraient prendre à l’égard des réseaux dans le but de réduire leurs frais de service : • refuser certaines marques de carte de crédit; • refuser d’accepter de nouveaux produits ou services, dont les cartes de débit Visa et MasterCard pour les opérations aux points de vente; • offrir un rabais21 aux consommateurs qui utilisent un mode de paiement en particulier ou une certaine marque de carte de crédit et, dans le cas de Visa, un type donné de cartes de crédit (p. ex. Visa Classique, Or et Platine); • orienter les titulaires de carte MasterCard vers un mode de paiement ou une marque de carte de crédit en particulier, et orienter les titulaires de carte Visa vers un type de carte de crédit particulier, p. ex. Visa Classique, Or et Platine (Amex interdit ces pratiques); • informer les consommateurs des coûts associés aux divers modes de paiement pour le commerçant; • tirer le meilleur parti possible du tarif des frais de service des commerçants négocié par les associations de commerçants; • invoquer la possibilité de mettre fin au contrat avec l’acquéreur sans pénalité advenant une hausse des frais ou de nouveaux frais comme argument de négociation en vue de réduire les FSC. 20 Les cartes de crédit MasterCard à valeur ajoutée sont à l’origine des cartes de crédit régulières ou de base qui seront reclassées dans la catégorie de cartes à taux d’interchange plus élevés, avec le consentement du titulaire, si celui ci répond à certains critères en matière de revenus et de dépenses. 21 Il serait intéressant d’analyser plus profondeur ce qu’il en est concrètement de la pratique de consentir des rabais aux consommateurs. Cette pratique n’est pas très répandue auprès des commerçants canadiens, ce qui donne à penser que ces derniers n’ont pas toute la liberté voulue à cet égard. 8: Mesures récentes du gouvernement Les marchés des cartes de crédit et de débit | 39 a) Actions entreprises par le Bureau de la concurrence Le Bureau de la concurrence s’emploie à traiter les questions de concurrence dans le marché canadien des cartes de crédit et de débit. La section 5 intitulée Le réseau des cartes de débit, résume les actions entreprises par le Bureau de la concurrence. En novembre 2008, le Bureau a annoncé qu’il ne prendrait pas de mesures d’application contre les institutions financières qui concluent des ententes en vue de l’émission de cartes de crédit de différentes marques ou de la fourniture de services de traitement et de règlement de transactions relatives à de multiples réseaux de cartes de crédit. En raison de la restructuration de Visa et de MasterCard et de leur conversion en sociétés cotées en bourse, le Bureau ne craignait plus qu’un membre d’un réseau puisse exercer une influence sur les activités concurrentielles de l’autre réseau en participant à la gestion de chacun. Auparavant, le Bureau de la concurrence avait veillé à ce qu’une même institution financière n’émette pas de cartes de crédit Visa et MasterCard, ni ne traite les opérations de ces deux sociétés, plus particulièrement dans le cas de fusions entre un émetteur de cartes Visa et un émetteur de cartes MasterCard. 40 | Les marchés des cartes de crédit et de débit En décembre 2010, le Bureau de la concurrence a annoncé qu’il avait déposé une demande auprès du Tribunal de la concurrence pour faire abolir les règles imposées par Visa et MasterCard aux commerçants acceptant leurs cartes de crédit : la non discrimination, l’interdiction de percevoir des frais additionnels et l’obligation d’honorer toutes les cartes d’une même société émettrice. Le Bureau conteste les règles de Visa et de MasterCard en vertu des dispositions sur le maintien des prix de la Loi sur la concurrence. Le Bureau a entamé un examen en réponse aux plaintes des commerçants et de leurs associations et a ouvert une enquête officielle en avril 2009. Le Tribunal a accordé le statut d’intervenants à l’Association des banquiers canadiens et au Groupe Financier Banque TD et a établi le calendrier des travaux préparatoires à l’audience et de l’audience. Celle ci devrait commencer le 23 avril 2012 et prendre fin le 7 juin 2012. Dans leur réponse au Tribunal de la concurrence, Visa et MasterCard ont soutenu que leurs règles de fonctionnement ne sont pas contraignantes pour les commerçants et qu’elles contribuent plutôt au bon fonctionnement des réseaux de paiement, qui apparaissent comme des mécanismes de paiement attrayants, efficaces et concurrentiels aux yeux des consommateurs et des commerçants. Les exploitants de réseau ont également avancé que les cartes de crédit sont en concurrence avec tous les autres modes de paiement sur le marché, soit le paiement en espèces, le paiement par chèque, les diverses formes de paiement électronique et les paiements réalisés au moyen de toute autre carte de paiement, sans compter les autres méthodes actuellement mises au point. b) Autres actions entreprises par le gouvernement En 2009, deux comités parlementaires ont tenu des audiences sur les systèmes canadiens de cartes de crédit et de débit. De mars à mai 2009, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a tenu des audiences sur les systèmes de cartes de crédit et de débit. En juin 2009, il a déposé son rapport intitulé Les systèmes de cartes de crédit et de cartes de débit au Canada : transparence, pondération et choix. Le rapport formule cinq recommandations à l’intention du gouvernement fédéral, dont les trois suivantes. • Créer un conseil de surveillance au sein d’un organisme fédéral qui aurait pour mandat : – de recommander des mesures législatives ou réglementaires jugées nécessaires afin de garantir l’équité entre les parties prenantes des systèmes de paiement par carte de crédit et carte de débit; – de surveiller les tendances des frais d’interchange, des frais de commutation, des frais des commerçants et des autres frais associés aux systèmes de paiement et publier de l’information à ce sujet; – d’établir un code de conduite pour les participants aux systèmes de paiement. • En ce qui concerne les cartes de crédit, prendre les mesures nécessaires pour : – autoriser les commerçants à imposer une surcharge ou à accorder un rabais; – obliger les commerçants à afficher au point de vente le montant des surcharges ou rabais, s’il y a lieu; – permettre aux commerçants d’informer les clients sur les méthodes de paiement relativement moins coûteuses; – interdire les règles obligeant les commerçants à accepter toutes les cartes. • En ce qui concerne les cartes de débit, prendre les mesures nécessaires pour : – exiger que les frais de commutation et d’interchange soient calculés sur la base d’un montant fixe par transaction pour les transactions par carte de débit; – fixer les frais d’interchange à zéro pendant trois ans pour toutes les transactions effectuées par carte de débit; – interdire le traitement prioritaire afin que les titulaires de carte puissent choisir, au point de vente, le mode de paiement qu’ils préfèrent lorsqu’ils utilisent une carte dite « mixte » ou « co-badgée ». De mai à novembre 2009, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes a tenu des audiences sur les commissions d’interchange associées à l’utilisation des cartes de crédit et sur le système de paiement par carte de débit. Outre l’examen du Bureau de la concurrence et la demande présentée au Tribunal de la concurrence, le gouvernement a aussi récemment pris des mesures pour répondre aux préoccupations des consommateurs et des commerçants au sujet du marché des cartes de crédit. En septembre 2009, le gouvernement a promulgué un nouveau règlement en matière de cartes de crédit, le Règlement sur les pratiques commerciales en matière de crédit, et un règlement modifiant le Règlement sur le coût d’emprunt qui renforcent les exigences de communication imposées aux émetteurs à l’intention des consommateurs, et qui obligent les émetteurs à mieux informer les consommateurs et à modifier leurs pratiques commerciales. En mai 2010, le ministre a présenté la version finale du Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit et a annoncé que les réseaux de cartes de paiement, les principaux émetteurs de cartes de crédit et de débit et les grandes sociétés de traitement de paiements avaient tous adopté le Code. Le Code vise à améliorer la transparence et la communication des informations aux commerçants pour que ceux-ci puissent choisir librement les cartes de crédit et de débit qu’ils accepteront. En vertu du Code, les commerçants reçoivent des renseignements clairs sur les frais et les taux, sont informés à l’avance des ajouts et des augmentations de frais et peuvent annuler leur contrat sans pénalité lorsqu’ils reçoivent un préavis d’augmentation ou d’ajout de frais. L’annexe B reproduit le texte du Code. Le Code est partiellement entré en vigueur en août 2010, puis intégralement en mai 2011. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) surveille la conformité au Code des réseaux, des émetteurs et des acquéreurs. Selon l’ACFC, tous les exploitants de réseaux de cartes de paiement ont convenu d’intégrer le Code de conduite à leurs contrats, règles et règlements. L’entrée en vigueur de la Loi sur les réseaux de cartes de paiement en juillet 2010 a conféré au ministre des Finances le pouvoir de réglementer la conduite sur les marchés des réseaux de cartes de paiement et de leurs participants par la prise de mesures réglementaires. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 41 9: Mesures prises par d’autres pays Les marchés des cartes de crédit et de débit | 43 L’évolution des marchés étrangers cartes de crédit et de débit est aussi épineuse que celle des marchés canadiens, et caractérisée elle aussi par des enjeux complexes concernant la concurrence, la mise à niveau de l’équipement, les restrictions imposées aux commerçants et les méthodes d’établissement des taux d’interchange pour les cartes de crédit et de débit. En septembre 2009, plus de trente pays avaient déjà pris des mesures ou envisageaient d’intervenir pour résoudre les problèmes de concurrence et répondre aux préoccupations des commerçants au regard du coût des cartes de paiement. Les gouvernements à l’étranger se sont concentrés sur les mesures suivantes : • réglementer les rapports entre les commerçants, les émetteurs et les exploitants de réseaux de cartes, en interdisant par exemple aux exploitants de réseaux d’imposer certaines règles aux commerçants; • fixer un plafond pour les frais d’interchange ou pour les commissions d’interchange moyennes; • ouvrir l’accès au marché des cartes de crédit à davantage d’institutions en modifiant les exigences à respecter pour se qualifier comme émetteur ou acquéreur; • enquêter sur le fonctionnement du marché des cartes de paiement et intenter au besoin des poursuites au titre des lois antitrust. Les mesures variées prises par les divers pays suivent deux orientations : pour certains pays, elles consistent en actions législatives ou mesures réglementaires, ou émanent des autorités en matière de concurrence (autorités antitrust), tandis que pour d’autres pays, elles procèdent d’une démarche coopérative, qui dans bien des cas n’exclut pas le recours à des mesures réglementaires. L’établissement des taux d’interchange se fait selon diverses modalités : par les gestionnaires des réseaux, par les membres des réseaux collectivement ou en fonction des limites établies par la réglementation. Les taux d’interchange ont diminué ou sont en baisse dans plusieurs pays, principalement grâce aux interventions récentes des gouvernements. Les pays diffèrent considérablement pour ce qui est des principales catégories de règles que les réseaux imposent aux commerçants. À titre d’exemple, la facturation de frais additionnels est permise dans certains pays, dont l’Australie, la Nouvelle Zélande, les Pays Bas et le Royaume-Uni, ainsi que pour les opérations réglées par carte MasterCard en Espagne et pour les paiements transfrontières en Union européenne. Le Groupe de travail a suivi l’évolution des marchés des cartes de crédit et de débit de dizaines de pays. La section suivante fait le survol des récents progrès réalisés en Australie, aux États Unis, en Nouvelle Zélande et au Mexique, qui nous paraissent riches d’enseignements. 44 | Les marchés des cartes de crédit et de débit L’Australie est intervenue sur le plan législatif et réglementaire. En 2001, la Reserve Bank of Australia (RBA) a choisi de surveiller et de réglementer les trois réseaux australiens de cartes de crédit quadripartites, soit Visa, MasterCard et Bankcard. À la lumière de son examen, la RBA a conclu que la structure d’établissement des coûts des réseaux de cartes de crédit donnait lieu à une utilisation inefficace des cartes de crédit, ce qui n’était pas le cas pour le système national de paiement par carte de débit. De 2003 à 2006, la RBA a progressivement introduit des réformes pour pallier le problème : les commissions d’interchange pour les cartes de crédit ont été réduites, et les commerçants ont eu le droit de facturer des frais additionnels, en plus de se voir accorder une plus grande liberté au chapitre de l’acceptation des instruments de paiement. La RBA n’a toutefois pas modifié les taux d’interchange pour les cartes de crédit depuis 2006 et a fait savoir qu’elle préférait que ce soit la concurrence plutôt que la réglementation qui les maintienne à un faible niveau, tout en reconnaissant que l’état actuel de la concurrence ne le permettait pas22. Aux États Unis, conformément aux exigences de la Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, le Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine a promulgué en juin 2011 une règle finale établissant les normes s’appliquant aux taux d’interchange pour les cartes de débit et interdisant les accords d’exclusivité de réseau et les restrictions relatives au routage. Depuis le 1er octobre 2011, les commissions d’interchange maximales qu’un émetteur peut percevoir pour une opération réglée par carte de débit électronique sont la somme de 0,21 $, de 5 points de base de la valeur de l’opération et de 0,01 $ par opération si l’émetteur conçoit et met en œuvre des politiques et des procédures satisfaisant raisonnablement aux normes en matière de prévention de la fraude. Ainsi, pour une opération moyenne de 38 $ réglée par carte de débit, les frais d’interchange maximaux ne dépasseraient pas 0,24 $. Les émetteurs disposant d’actifs inférieurs à 10 milliards de dollars sont exemptés de la norme des frais d’interchange moyens applicables aux opérations par carte de débit. Aucun émetteur ni exploitant de réseau n’a le droit de limiter à moins de deux réseaux non affiliés le nombre de réseaux pouvant traiter des opérations de débit électroniques. La date d’entrée en vigueur de l’interdiction d’imposer une exclusivité de réseau est le 1er avril 2012 pour les émetteurs et le 1er octobre 2011 pour les exploitants de réseaux de cartes de paiement. Depuis le 1er octobre 2011, les émetteurs et les exploitants de réseaux n’ont pas le droit d’empêcher un commerçant d’acheminer une opération électronique réglée par carte de débit par tout réseau que l’émetteur a autorisé pour le traitement. 22 Se reporter au discours de Malcolm Edey (gouverneur adjoint, Financial System, Reserve Bank of Australia) intitulé « Competition and Regulation In The Card Payments Market », présenté à l’occasion de la conférence annuelle sur les cartes et les modes de paiement en Australasie, tenue à Sydney, le 15 mars 2010. L’établissement de commissions d’interchange pour les cartes de débit est un sujet très controversé aux États Unis. Le FRB a reçu plus de 11 000 observations traitant de son projet de règle, présenté en décembre 2010. Selon Ben Bernanke, le président du FRB23, le Congrès a chargé le FRB d’une tâche fort difficile. D’après les auteurs d’une analyse économique indépendante portant sur les effets de la réduction des commissions d’interchange liées aux cartes de débit proposée par le FRB24, les consommateurs et les petites entreprises verraient augmenter les frais des services bancaires de détail et seraient privés de certains services bancaires utiles puisque les banques chercheraient logiquement à compenser par tous les moyens la perte de revenus des frais d’interchange qui s’ensuivrait advenant la concrétisation du projet du FRB25. La diminution des frais constituerait en revanche un avantage inattendu pour les grands détaillants. • d’exprimer une préférence pour l’utilisation d’une carte de crédit multiservices d’une marque ou d’un type particulier, ou de tout autre mode de paiement; En octobre 2010, le département américain de la Justice a intenté une poursuite civile pour pratiques anticoncurrentielles à l’encontre de Visa, de MasterCard et d’Amex, afin de s’opposer aux règles de ces émetteurs de cartes de crédit interdisant aux commerçants d’offrir des rabais ou des récompenses et des informations sur les coûts associés aux cartes. Le département américain de la Justice est rapidement parvenu à un projet de règlement avec Visa et MasterCard, mais pas avec American Express. La Cour de district des États-Unis pour l’État de New York Est a approuvé le règlement en juillet 2011. La poursuite intentée contre Amex suit quant à elle son cours. Selon une analyse économique préparée par le personnel de la Federal Reserve Bank de Boston26, le règlement représente un grand pas en avant pour la promotion de la concurrence dans le marché des cartes de crédit; toutefois, les commerçants ne pourront probablement pas tirer pleinement parti des nouvelles libertés qui leur seront accordées en vertu du règlement, car ils n’ont pas accès à de l’information complète et compréhensible sur la totalité des frais de service qui leur sont facturés exactement pour les cartes de crédit utilisées par leurs clients. Dans le cadre du règlement qu’elles ont conclu, Visa et MasterCard ont convenu d’accorder aux commerçants une plus grande liberté au chapitre de l’offre de rabais, de la différentiation des prix et de la divulgation de l’information, liberté qui permet : • d’offrir un escompte ou un rabais aux consommateurs qui utilisent une carte de crédit multiservices d’une marque ou d’un type particulier, ou tout autre mode de paiement; • de promouvoir une carte de crédit multiservices d’une marque ou d’un type particulier, ou tout autre mode de paiement; • de communiquer aux consommateurs les frais raisonnablement estimés ou réels que doit payer le commerçant lorsque les consommateurs utilisent des cartes d’une marque ou d’un type particulier, par rapport aux coûts liés à l’utilisation de cartes d’autres marques ou d’autres types, ou d’autres modes de paiement; • d’interdire à MasterCard et à Visa d’empêcher une banque acquéreur de fournir aux commerçants de l’information sur les coûts ou les frais liés à l’acceptation des cartes de crédit. Comme en Australie, la Reserve Bank de Nouvelle Zélande est chargée de surveiller le système de paiement pour assurer la bonne marche et l’efficacité du système financier. Cela dit, à la différence de ce qui s’est produit en Australie, la Reserve Bank n’est pas intervenue sur les marchés des cartes de crédit et de débit. C’est plutôt la Commerce Commission, l’autorité en matière de concurrence de la Nouvelle Zélande, qui a pris des mesures contre Visa et MasterCard et contre les émetteurs de cartes de crédit. • d’offrir un produit gratuit ou à prix réduit, un service amélioré, ou toute autre récompense en échange de l’utilisation d’une carte ou d’un mode de paiement susmentionné; 23 Déclaration de Ben S. Bernanke, président du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine, 29 juin 2011. 24 David S. Evans, Robert E. Litan et Richard Schmalensee, Economic Analysis of the Effects of the Federal Reserve Board’s Proposed Debit Card Interchange Fee Regulations on Consumers and Small Businesses, février 2011. 25 De récents articles de presse confirment en effet que de nombreuses banques américaines élèvent leurs frais bancaires pour compenser la perte de revenu des frais d’interchange associés aux opérations réglées par carte de débit. 26 Scott Schuh, Oz Shy, Joanna Stavins et Robert Triest, An Economic Analysis of the 2010 Proposed Settlement between the Department of Justice and Credit Card Networks, Federal Reserve Bank of Boston, « Public Policy Discussion Papers », no 11-4, juillet 2011. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 45 En novembre 2006, la Commerce Commission a intenté des poursuites au civil contre Visa, MasterCard et 11 institutions financières pour fixation des taux d’interchange des cartes de crédit. Selon la Commission, le taux d’interchange atteignait 1,8 %. La Commission n’a pas allégué qu’il y avait eu collusion entre Visa et MasterCard, mais plutôt qu’il y avait eu entente de fixation des taux entre les réseaux de cartes de crédit et leurs institutions financières membres. En août 2009, deux jours avant le début de la procédure en cour, la Commission a négocié des accords satisfaisants similaires avec Visa et avec MasterCard. Les accords prévoyaient d’apporter les changements suivants aux règles régissant le fonctionnement des cartes de crédit : • les émetteurs doivent fixer individuellement les taux d’interchange en respectant un plafond déterminé par la société de cartes de crédit, et les taux et les taux plafonds doivent être communiqués au public; • les commerçants peuvent imposer des frais additionnels pour les paiements réglés par carte de crédit ou par des types particuliers de cartes de crédit, de même qu’orienter les consommateurs vers l’emploi d’autres modes de paiement; • les institutions non bancaires qui respectent les critères financiers et les règles de prudence sont autorisées à jouer le rôle d’acquéreurs. Deux mois plus tard, la Commission a conclu avec chacune des institutions financières des ententes distinctes, en vertu desquelles les institutions se sont engagées à prendre les mesures suivantes : • réduire considérablement le taux d’interchange moyen; • offrir aux commerçants la possibilité de payer séparément les frais de service associés aux opérations réglées par des cartes provenant de sociétés différentes, par exemple Visa et MasterCard; • permettre aux commerçants de payer des frais de service dégroupés, en fonction par exemple des types de cartes de crédit (et ainsi révéler le taux d’interchange pour chaque opération), de façon à aider les commerçants à négocier la réduction des frais de service; • se refuser à toute pratique contractuelle qui interdit aux commerçants d’imposer des frais supplémentaires ou d’orienter la clientèle vers des types de cartes ou des modes de paiement particuliers. 46 | Les marchés des cartes de crédit et de débit À la suite de ces ententes, la Commission a annoncé que le taux d’interchange moyen avait grandement diminué pour tous les commerçants de la Nouvelle Zélande. Le plus grand détaillant du pays a réussi à faire passer son taux d’interchange de 1,02 % à 0,20 %. Les petits commerçants adhèrent à des associations pour négocier la baisse des taux d’interchange avec les émetteurs. Ils imposent aussi des frais additionnels pour les paiements réglés par carte de crédit. Au Mexique, la banque centrale, la Banco de México (BM), a le pouvoir législatif de réglementer les systèmes de paiement au détail à l’échelle du pays. Dès 2004, elle a exercé des pressions morales sur l’association des banques du Mexique, l’Asociación de Bancos de México (ABM), en vue de faire réduire les taux d’interchange (et les frais de service des commerçants en découlant) afin d’inciter les commerçants à accepter le paiement par carte et accroître l’utilisation du paiement électronique. Parallèlement, le gouvernement mexicain a financé l’installation de terminaux de cartes de paiement aux points de vente. Ensemble, ces deux initiatives ont effectivement permis d’atteindre l’objectif, qui était d’accroître la proportion de paiements par carte (au détriment des paiements en espèces) au Mexique. En août 2004, ABM a commencé à établir des taux d’interchange distincts pour les cartes de débit et les cartes de crédit. Auparavant, les taux étaient les mêmes pour les deux types de cartes, calculés en fonction du volume mensuel d’opération des commerçants. En août 2005, le taux d’interchange est passé de 2 % à 0,75 % pour les paiements par débit, et de 2 % à 1,80 % pour les cartes de crédit. La catégorie qui visait les plus petits commerçants a été éliminée, ce qui a fait chuter le taux d’interchange pour ce groupe de 3,50 % à 1,95 % pour les cartes de débit, et de 3,50 % à 2,70 % pour les cartes de débit. En 2008, ABM a réduit encore davantage les taux d’interchange pour les cartes de crédit et de débit par une moyenne pondérée de 12,5 % et de 9 %, respectivement. Comme prévu, les frais des commerçants ont également diminué. De 2005 à 2008, les frais moyens des commerçants ont diminué de 12,3 % pour les cartes de crédit et de 23,3 % pour les cartes de débit. 10: Les positions des intervenants Les Lesmarchés marchésdes descartes cartesde decrédit créditet etde dedébit débit|| 47 a) Commerçants La présente section résume les propos tenus par les intervenants et les autres parties intéressées au sujet du marché canadien des cartes de crédit et de débit, y compris les observations reçues à l’automne 2010 et le fruit des consultations menées auprès des petites et moyennes entreprises au début de 2011. Dans le document de travail de juillet 2011 intitulé Nos modes de paiement : Vers un système de paiement moderne, le Groupe de travail a cerné l’un des quatre défis que le Canada doit relever s’il veut devenir chef de file dans le domaine des paiements, soit de rendre les relations plus équitables dans le cadre des réseaux de crédit et de débit. Le document de travail a également cerné comme défis les coûts croissants pour les commerçants qui acceptent des cartes de crédit et les contraintes appliquées à la concurrence des cartes de débit nationales. Le document de travail posait également les questions suivantes aux intervenants : • La concurrence entre les réseaux entraîne-t-elle des conséquences inattendues pour d’autres entreprises, comme les acquéreurs ou les entités émettrices de cartes telles que les banques? • Les commerçants sont ils désavantagés en bout de ligne par les effets multidimensionnels des pratiques relatives aux cartes de crédit? • Convient-il de contrôler le marché des paiements par débit aux points de vente pour que les prix demeurent peu élevés? Les paragraphes suivants résument les commentaires sur le document de travail qu’ont formulés de nombreux intervenants et leurs observations sur les marchés des cartes de crédit et de débit. 48 | Les marchés des cartes de crédit et de débit Les commerçants craignent fort que l’entrée de Visa et de MasterCard sur le marché des cartes de débit ne fasse augmenter leurs frais, surtout dans un contexte où il leur en coûte de plus en plus cher d’accepter les cartes de crédit. En général, les commerçants souhaiteraient qu’il y ait un meilleur équilibre entre leurs besoins et ceux des réseaux des cartes de crédit, que le gouvernement réglemente les frais de cartes de crédit et que l’Association Interac demeure un organisme sans but lucratif. Certains commerçants se sont plaints des sommes qu’ils avaient dû dépenser pour adopter la technologie de cartes à puce et à NIP et pour appliquer et respecter la norme PCI DSS, affirmant que ces investissements additionnels ne leur avaient procuré aucun avantage direct. Les commerçants conviennent que le Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit contribue à résoudre ces problèmes. Certains ont avancé que le Code devrait constituer le cadre de référence pour la mise en œuvre d’autres réformes du système de paiement. Or, les commerçants ne s’entendent généralement pas sur la nature des mesures que le gouvernement devrait prendre. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) et le Conseil canadien du commerce de détail ont récemment commenté publiquement les marchés des cartes de crédit et de débit. La FCEI est d’avis que la réglementation n’est pas nécessaire, puisqu’il existe un Code de conduite convenablement structuré. Dans un rapport daté du 17 août 2011, la FCEI se disait fort satisfaite de la portée qu’avait eue le Code de conduite l’année précédente. Selon la FCEI, la plus grande contribution du Code de conduite est de protéger le système canadien de cartes de débit. Son autre apport important est de conférer aux commerçants un certain pouvoir dans leurs relations avec les sociétés émettrices de cartes de crédit, les banques et les sociétés de traitement de cartes. La FCEI affirme s’être prévalue du Code pour résoudre des différends relatifs aux services de débit pour les achats en ligne, à la divulgation d’informations importantes sur les frais exigés aux commerçants, ainsi qu’aux préavis de changement des contrats de service des commerçants assortis de pénalités en cas d’annulation. Par ailleurs, la FCEI recommande d’apporter certaines modifications au Code de conduite, entre autres pour autoriser les commerçants à accepter seulement les cartes assorties de frais moindres d’un réseau particulier ou à percevoir des frais additionnels pour certaines cartes assorties de frais élevés. b) Consommateurs L’ACC n’a pas du tout approuvé que le Bureau de la concurrence conteste en décembre 2010 deux règles imposées par des sociétés émettrices de cartes de crédit aux commerçants qui acceptent leurs cartes, soit l’obligation d’accepter toutes les cartes de crédit d’une même société émettrice et l’interdiction de percevoir des frais additionnels. L’ACC estime que ces règles sont des mesures de protection des consommateurs fondamentales. Selon l’ACC, ne plus obliger les commerçants à accepter toutes les cartes sèmerait la confusion chez les consommateurs, serait une pratique irréalisable et irait à l’encontre des intérêts des consommateurs. L’ACC estime en outre que l’imposition de frais additionnels constituerait pour les commerçants une nouvelle source de profits et ferait augmenter les prix pour les consommateurs. Une enquête menée en septembre 2011 pour le compte de l’ACC et publiée en novembre 2011 a révélé que parmi les Canadiens à qui l’on expliquait le concept de l’imposition des frais additionnels, 68 % s’y opposaient vigoureusement et 16 % s’y opposaient modérément. Plusieurs associations de consommateurs se sont dites préoccupées par la hausse des frais des commerçants et estiment que le gouvernement devrait réglementer les frais d’interchange. Pour sa part, l’Association des consommateurs du Canada (ACC) n’est pas très favorable à la réglementation gouvernementale. L’Institut national canadien pour les aveugles recommande que le gouvernement fédéral réglemente l’ensemble des appareils, terminaux et opérations aux points de vente pour faire en sorte que tous les utilisateurs, y compris ceux ayant une déficience visuelle, puissent confirmer les détails des opérations personnellement et indépendamment. Le 14 avril 2011, le Conseil canadien du commerce de détail a encore demandé au gouvernement de réglementer les marchés des cartes de crédit et de débit, ce qui permettrait selon lui d’obtenir l’équité, la responsabilisation et une réelle concurrence au sein du marché. Le Conseil est d’avis que la principale contribution du Code de conduite est d’avoir mis en lumière les pratiques en vigueur au sein du système de paiement et d’avoir clarifié, pour les commerçants, le fait qu’il n’y a aucune concurrence réelle au sein du marché. Le Conseil reconnaît cependant que le Code de conduite a permis de maintenir en place et de protéger le système Débit Interac. Le Conseil a également appelé à la création d’un nouveau forum ouvert à tous les intervenants, y compris les commerçants et les consommateurs, en vue de discuter de la gouvernance et des règles et normes communes à fixer pour régir les modes de paiement courants. Le document intitulé Demystifying Credit and Debit Cards in Canada, publié par l’Association des consommateurs du Canada (ACC), conclut que [TRADUCTION] « l’intervention réglementaire sur le marché des cartes de paiement devrait être considérée en dernier recours, car la réglementation pourrait entraîner des conséquences inattendues et néfastes pour ceux qu’elle cherche à protéger ». L’ACC croit que si la participation des émetteurs de cartes de crédit aux réformes était volontaire, les résultats obtenus seraient meilleurs, et les joueurs de l’industrie des cartes de paiement et le gouvernement pourraient faire preuve d’une plus grande souplesse dans leurs démarches. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 49 c) Réseaux Tous les réseaux de cartes de crédit, soit Visa, MasterCard et Amex (qui ne facture pas de frais d’interchange), s’opposent à toute tentative visant à réglementer les taux d’interchange et les règles en matière d’acceptation qu’elles imposent aux commerçants, c’est à dire les règles obligeant les commerçants à accepter toutes les cartes d’une même société et les empêchant de percevoir des frais additionnels. Ils conviennent également que le Groupe de travail devrait tenir compte de l’effet du Code de conduite sur les marchés des cartes de crédit et de débit et répondre aux préoccupations des commerçants. Visa trouve préoccupant qu’un grand nombre des propositions formulées par le Groupe de travail dans le document Nos modes de paiement : Vers un système de paiement moderne [TRADUCTION] « semblent s’articuler autour d’un point de vue résolument centré sur les détaillants », et elle ne croit pas que le Groupe de travail ait encore bien examiné l’effet de ses propositions sur les consommateurs canadiens. De l’avis de Visa, l’essor fulgurant observé sur les marchés des cartes de crédit et des autres modes de paiement émergents ne découle ni de la réglementation ni de la collaboration obligatoire de l’industrie, mais plutôt de la concurrence sur le marché. Visa dit avoir, de son propre chef, intensifié son engagement auprès des commerçants et de leurs associations. La société a déclaré que les commissions d’interchange facturées par opération sur carte de crédit Visa sont demeurées relativement stables ces dix dernières années. Visa estime que le marché canadien des paiements est fondamentalement efficace et elle ne partage pas la perception selon laquelle le système de paiement électronique du Canada serait en retard par rapport à celui d’autres pays. À son avis, le principal domaine où le Canada tire de l’arrière est celui des paiements par carte de débit aux points de vente, parce que l’intervention de l’État a doté les Canadiens d’un fournisseur unique de services de paiement par débit. Selon Visa, le Code de conduite ne fournit pas seulement un cadre permettant de remédier aux préoccupations des parties prenantes à propos du paiement électronique, mais il a déjà répondu à bon nombre des inquiétudes des commerçants énumérées par le Groupe de travail dans Nos modes de paiement : Vers un système de paiement moderne. MasterCard juge inquiétant qu’il soit accordé si peu de poids aux opinions des consommateurs dans le document Nos modes de paiement : Vers un système de paiement moderne. Pour MasterCard, le Code de conduite constitue le modèle de réglementation et de gouvernance du système de paiement qui est le plus à jour et le plus directement pertinent. MasterCard soutient que les commerçants qui acceptent les cartes de crédit en retirent des gains énormes, et que les émetteurs de cartes perçoivent des frais d’interchange qui sont bien inférieurs à ce qu’il leur en coûte pour offrir les services qui profitent aux commerçants en bout de ligne. De l’avis de MasterCard, il est impératif d’analyser en profondeur le système canadien de paiement par carte de débit à fournisseur unique, car un tel exercice permettrait de constater que le Canada traîne de l’arrière par rapport au reste du monde à plus d’un titre, entre autres parce qu’il soutient un système à fournisseur unique, non concurrentiel et protégé par le Code de conduite. Amex croit que la concurrence dans le secteur des paiements stimule l’innovation et l’investissement et profite aux consommateurs et aux commerçants. Selon Amex, il est encore trop tôt pour évaluer l’effet du Code de conduite sur l’actuel système de paiement et pour apporter des changements. 50 | Les marchés des cartes de crédit et de débit d) Émetteurs Interac (Association Interac et Acxsys Corporation) recommande de fonder sur le Code de conduite l’élaboration des politiques que l’évolution du marché et des progrès technologiques rendra nécessaire. Selon Interac, le Code de conduite est un excellent exemple de solution pragmatique aux problèmes du marché, qui a contribué à promouvoir une concurrence efficace et équitable. Le Code de conduite a été créé pour favoriser une saine concurrence grâce à une transparence accrue et à la communication aux utilisateurs du système de paiement, aux commerçants et aux consommateurs de l’information dont ils ont besoin pour prendre des décisions efficaces. L’Association des banquiers canadiens (ABC) ne croit pas que le système de cartes de crédit soit inéquitable pour les commerçants, étant donné que les consommateurs et les commerçants retirent des gains considérables de l’utilisation et de l’acceptation des cartes de crédit. Les commerçants, les émetteurs et les réseaux eux-mêmes sont des entités à but lucratif qui doivent générer un taux de rendement suffisant pour justifier leur participation. Selon l’ABC, le taux d’interchange moyen est demeuré généralement stable ces dernières années, car les rajustements effectués par les réseaux de cartes de crédit se sont traduits par des hausses pour certaines catégories de commerçants et par des baisses pour d’autres. Interac soutient que le Code de conduite n’est pas anticoncurrentiel, car l’interdiction de doter les cartes de débit co badgées d’applications concurrentes et l’obligation de mettre également en valeur les marques des réseaux permettent aux consommateurs d’exercer leur choix en toute connaissance de cause. En fait, les émetteurs peuvent offrir des applications et des fonctionnalités différentes et concurrentes à leurs clients. Les cartes de débit co badgées maintenant offertes par CIBC, BMO Banque de Montréal et la Banque Nationale combinent chacune l’accès à deux réseaux de débit qui permettent aux titulaires de régler des transactions aux points de vente canadiens (par Interac) et à l’étranger (par Visa Débit ou Maestro). Dans le cas de la carte de débit Avantage CIBC, les titulaires peuvent également faire des achats en ligne au moyen du réseau Débit Visa. La carte de débit BMO permet de régler des achats en ligne au moyen du réseau Interac. L’ABC conseille fortement au Groupe de travail de tenir compte du point de vue des consommateurs dans ses recommandations finales. e) Acquéreurs Les nombreux acquéreurs interrogés étaient généralement d’avis que les exploitants de réseaux ne donnent pas un préavis adéquat en cas de changements technologiques et de modifications apportées aux normes. Global Payments a fait observer que l’industrie canadienne des paiements est efficace et très avancée, en partie grâce à l’autoréglementation qui a joué un rôle majeur dans son évolution (p. ex. la norme PCI DSS). Par ailleurs, il faudrait éviter de se limiter à des approches et à des réglementations strictement canadiennes qui empêchent de tirer parti des normes, de l’interopérabilité et des échelles mondiales. L’Association Interac estime qu’il faudrait annuler l’ordonnance par consentement du Tribunal de la concurrence ou, à tout le moins, la modifier, de façon à accroître la marge de manœuvre d’Interac. Elle fait valoir que l’ordonnance par consentement la confine dans une structure désuète, qui se traduit par un désavantage concurrentiel considérable. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 51 f) Autres L’Institut C.D. Howe et l’International Center for Law and Economics recommandent que le Groupe de travail donne une définition claire et précise de ce qu’il entend par « équitable ». Ils soutiennent que le système canadien de cartes de crédit a est de calibre mondial, innovateur et pleinement intégré à l’ensemble de l’économie. L’examen de la documentation théorique sur l’économie ne permet de dégager aucun consensus sur la question de savoir si les frais d’interchange sont trop élevés, trop faibles ou adéquats. Selon les deux organismes, toute tentative d’intervenir dans le processus d’établissement des taux d’interchange pourrait se solder par des conséquences néfastes et inattendues. Les deux organismes croient aussi qu’il est important de reconnaître à quel point les forces de la concurrence et de l’innovation à l’œuvre dans le marché des paiements sont puissantes. Il est également essentiel de veiller à ce que les manœuvres des « coureurs de rentes politiques27 » et les connaissances relativement limitées des organismes de réglementation gouvernementaux ne freinent pas le dynamisme et l’innovation. Ils recommandent que le Groupe de travail s’efforce d’abord d’éliminer les structures de réglementation et de gouvernance qui sont nuisibles à l’innovation et à la concurrence avant de songer à en adopter de nouvelles. Ils soutiennent que les obstacles sur le marché des cartes de débit ont fait entrave à l’exercice d’une saine concurrence dans des conditions équitables. Ces obstacles comprennent les restrictions visant les cartes co badgées imposées par le Code de conduite, les règles et les normes n’offrant pas des chances égales à tous et les contraintes d’exploitation découlant de l’ordonnance par consentement. 27 Il s’agit du processus par lequel les partis cherchent à s’attribuer la richesse ou les bénéfices au détriment du bien être collectif, en manipulant les systèmes politique et réglementaire. 52 | Les marchés des cartes de crédit et de débit L’entreprise internationale de consultation en gestion Edgar, Dunn & Company ne croit pas que les associations de commerçants et de consommateurs sont dépourvues d’un forum efficace leur permettant de régler les problèmes en collaboration avec les fournisseurs de services de paiements. Elle estime que les réseaux de cartes de paiement, les commerçants, les institutions financières et leurs associations industrielles leur offrent de multiples occasions de débattre et de négocier nombre de questions techniques et financières. Selon Edgar, Dunn & Company, l’intervention directe et constante du gouvernement a empêché Interac et ses concurrents éventuels d’avoir la souplesse nécessaire pour générer des revenus par leurs réseaux au moyen de pratiques concurrentielles et axées sur le marché. Ces contraintes, conjuguées à une structure de gouvernance lourde, semblent avoir freiné le potentiel d’innovation d’Interac et avoir nui à sa capacité d’administrer efficacement et de financer les actions, les produits et les services requis pour demeurer à la fine pointe du commerce électronique. De plus, si certains participants (p. ex. les commerçants) sont peut être satisfaits des faibles coûts d’utilisation du réseau Débit Interac, les coûts de la prestation de services sont facturés à d’autres participants (les consommateurs en l’occurrence), sous forme de frais relativement élevés associés à l’utilisation des comptes de chèques. 11: Conclusion : Notre position et nos recommandations Les marchés des cartes de crédit et de débit | 53 Le Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit accorde aux commerçants un pouvoir accru dans leurs relations avec les réseaux, les émetteurs et les acquéreurs. Il permet d’améliorer la transparence et la divulgation et il accorde une plus grande liberté de choix aux commerçants, en plus de les aider à régler leurs différends. Selon la FCEI, l’efficacité du Code de conduite, souvent mise à l’épreuve, a été confirmée chaque fois. Le Conseil canadien du commerce de détail a déclaré que la principale contribution du Code de conduite est d’avoir mis en lumière les pratiques en vigueur au sein du système de paiement et d’avoir clarifié, pour les détaillants, le fait qu’il n’y a aucune concurrence réelle au sein du marché. Le Conseil reconnaît cependant que le Code de conduite a permis de maintenir en place et de protéger le système Débit Interac. En vue d’assurer son efficacité au fil du temps, il faudrait revoir et mettre à jour le Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit régulièrement (tous les deux ans, par exemple), de sorte qu’il puisse tenir compte des nouvelles questions stratégiques et de l’évolution technologique. De cette façon, les instruments de contrôle du gouvernement ne seraient pas figés dans le temps et s’adapteraient aux changements. La portée actuelle de l’applicabilité du Code de conduite révèle déjà ses limites, car le Code n’aborde pas la question des portefeuilles mobiles et des paiements mobiles au moyen de la communication en champ proche. Ces nouveaux modes de paiement intégreront les cartes de crédit, les cartes de débit et les autres instruments de paiement électroniques des consommateurs à leur téléphone cellulaire. L’élément 6 du Code de conduite interdit qu’une même carte de débit comporte des applications de paiement domestiques concurrentes de réseaux différents, mais il reste muet sur la question des applications de paiement par débit intégrées aux téléphones cellulaires. Un examen et une mise à jour périodiques permettraient aux décideurs de modifier le Code pour qu’il tienne compte de l’avènement des portefeuilles mobiles et des nouveaux modes de paiement mobile. Sachant que le Bureau de la concurrence a contesté les règles que Visa et MasterCard imposent aux commerçants et que le Tribunal de la concurrence tiendra des audiences en 2012, nous avons dressé la liste de certaines modifications à apporter au Code de conduite. Celles-ci contribueraient à améliorer la transparence et la communication d’information entre les intervenants des marchés des cartes de crédit et de débit, et accorderaient aux commerçants une liberté de choix accrue. • Les exploitants de réseaux de cartes de paiement devraient s’assurer que les commerçants et les titulaires de carte peuvent identifier les cartes privilèges et savent, avant l’opération, quels sont les frais d’interchange ou commissions de service des commerçants qui y sont associés. • L’élément 9 exige que les cartes privilèges ne soient accordées qu’aux personnes qui atteignent des seuils de dépenses ou de revenus individuels. Les exploitants de réseaux devraient communiquer ces seuils de dépenses et de revenus aux consommateurs et aux commerçants. • L’élément 5 permet aux commerçants d’accorder des rabais pour différents modes de paiement. Les commerçants devraient aussi avoir la possibilité d’offrir des rabais différents selon les différents types ou catégories de cartes de paiement d’un même réseau. • Le Code de conduite devrait préciser le droit des commerçants de rediriger leurs consommateurs vers l’utilisation d’un mode de paiement en particulier. Les trois grands réseaux de cartes de paiement (Visa, MasterCard et Amex) ont des règles différentes à ce sujet et en matière de non-discrimination. Le Groupe de travail recommande également que l’organisme de gouvernance autonome que nous proposons de mettre sur pied soit chargé de recueillir et de publier régulièrement de l’information sur les tendances en matière de taux d’interchange, de frais de commutation, de frais de commerçants et d’autres frais liés aux systèmes de paiement par carte. Le Groupe de travail croit que l’incapacité des gouvernements à intervenir rapidement constitue un handicap, de sorte que les outils dont ils disposent sont bien souvent mis au point de façon ponctuelle et non proactive. Il est essentiel de renoncer à la démarche réglementaire actuelle, qui offre des solutions normatives et réactionnelles, pour adopter une façon de faire plus souple, plus axée sur les risques et la collaboration. 54 | Les marchés des cartes de crédit et de débit L’organisme de gouvernance autonome devrait avoir la possibilité d’établir des règles et des codes volontaires, y compris des codes de conduite, en collaboration avec l’industrie privée, ce qui s’avérerait profitable étant donné la capacité de s’adapter et de réagir promptement de l’industrie. L’industrie des paiements, qui préférerait éviter les interventions gouvernementales, devrait être tout à fait disposée à établir des codes qui respectent les objectifs des politiques publique du gouvernement. Si le modèle de gouvernance proposé par le Groupe de travail avait déjà été en place, c’est à l’organisme de gouvernance autonome proposé et à l’organisme de surveillance public qu’aurait incombé la tâche de fixer un code de conduite adéquat, plutôt qu’au ministre et au ministère des Finances. Toutefois, étant donné les opinions et les préférences diverses des intervenants, l’organisme de gouvernance autonome et l’organisme de surveillance public auraient probablement eu besoin de l’appui du ministre des Finances et de l’adoption d’une loi semblable à la Loi sur les réseaux de cartes de paiement pour mettre au point un code volontaire qui aurait été globalement acceptable par tous les intervenants et adopté par les réseaux de cartes de paiement. La réglementation des taux d’interchange est problématique et pourrait avoir des conséquences imprévues et néfastes28. L’établissement des taux d’interchange et la détermination de taux plafonds adéquats est une entreprise très complexe sur le plan administratif. En pratique, il est difficile d’évaluer les taux d’interchange optimaux. Qui plus est, le marché des cartes de crédit est si complexe qu’il est presque impossible que les choix effectués n’aient aucune conséquence inattendue sur la concurrence, l’innovation et les consommateurs29. Contrairement à la situation observée sur le marché des cartes de crédit, les consommateurs (plutôt que les commerçants) paient directement une grande proportion des coûts liés aux paiements par Débit Interac aux points de vente. Le fait que le paiement par carte de crédit soit relativement moins coûteux pour les consommateurs que le paiement par carte de débit pourrait avoir 28 L’une des conséquences possibles serait que les réseaux de cartes de paiement réglementés pourraient perdre des émetteurs au profit des réseaux non réglementés, comme Amex, lequel n’impose pas de taux d’interchange. incité les consommateurs canadiens à utiliser davantage leurs cartes de crédit que leurs cartes de débit. Entre 2005 et 2009, l’utilisation des cartes de crédit au Canada a crû plus rapidement que celle des cartes de débit. C’est toutefois l’inverse aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et dans la moyenne des pays membres du Comité sur les systèmes de paiement et de règlement (CSPR) de la BRI. Au cours de la dernière année, les réseaux de cartes de paiement ont de leur propre initiative décidé de collaborer avec les commerçants, et le Groupe de travail est d’avis qu’ils devraient continuer de travailler de concert avec tous les intervenants, dont les commerçants, les consommateurs et les acquéreurs. Le Bureau de la concurrence s’emploie à résoudre les problèmes posés par les pratiques anticoncurrentielles sur les marchés des cartes de crédit et de débit depuis le début des années 1990, et il devrait poursuivre dans cette voie. Étant donné la complexité et le dynamisme du marché des cartes de crédit, le gouvernement (ou l’organisme de gouvernance autonome au sein du modèle de gouvernance proposé) devrait suivre de près les faits nouveaux dans les marchés des cartes de crédit et de débit. Il serait donc à même de prendre les mesures nécessaires en temps opportun en vue d’assurer l’efficacité des marchés et de favoriser l’innovation. Eu égard au système de paiement dans sa globalité, le Groupe de travail croit que le temps est venu d’adopter de nouvelles dispositions législatives, mais dont l’objet consisterait à définir l’industrie des paiements et à établir un nouveau modèle de gouvernance pour le système de paiement, y compris les marchés des cartes de crédit et de débit. Par ailleurs, nous croyons que les intervenants des secteurs public et privé pourraient fonder leurs décisions et leurs actions sur les principes ainsi établis. Les marchés des cartes de crédit et de débit est l’un des nombreux rapports préparés dans le cadre de notre mandat. Nous invitons les lecteurs à consulter les documents d’orientation et Le passage au numérique : Faire la transition vers les paiements numériques pour situer les enjeux relatifs aux cartes de crédit et de débit dans le contexte élargi du système de paiement, et à prendre connaissance de notre réponse complète au ministre des Finances. 29 L’Australie a commencé à réglementer les taux d’interchange pour les cartes de crédit en 2003, mais n’a pas modifié les taux depuis 2006. La Reserve Bank of Australia (RBA) a fait savoir qu’elle préférait que les taux soient maintenus bas par les forces de la concurrence plutôt que par la réglementation, ce qui pourrait se concrétiser selon la RBA si la concurrence s’intensifiait dans le marché australien des cartes de crédit et de débit. Se reporter au discours de Malcom Edey (gouverneur adjoint, Financial System, Reserve Bank of Australia) intitulé « Competition and Regulation In The Card Payments Market », présenté à l’occasion de la conférence annuelle sur les cartes et les modes de paiement en Australasie, tenue à Sydney, le 15 mars 2010. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 55 Bibliographie ARANGO, Carlos, et Vera TAYLOR. « Coûts des divers modes de paiement : l’argent comptant est-il le moyen le moins onéreux pour les commerçants? » Revue de la Banque du Canada, hiver 2008-2009. KJOS, Ann. The Merchant-Acquiring Side of the Payment Card Industry: Structure, Operations, and Challenges, Federal Reserve Bank of Philadelphia Payment Cards Center Discussion Paper no 07 12, octobre 2007. ARANGO, Carlos, Kim P. HUYNH et Leonard SABETTI. Will that be Cash, Debit, or Credit? How Canadians Pay, version préliminaire, mai 2011. MACKINNON, Stewart. Demystifying Credit and Debit Cards in Canada, Consumers’ Association of Canada, novembre 2009. BERGEVIN, Philippe. Change is in the Cards: Competition in the Canadian Debit Card Market, C.D. Howe Backgrounder no 125, février 2010. MEAD, Tim, Renee COURTOIS HALTOM et Margaretta BLACKWELL. The Role of Interchange Fees on Debit and Credit Card Transactions in the Payments System, The Federal Reserve Bank of Richmond Economic Brief, mai 2011. BOLT, Wilko, Santiago CARBÓ-VALVERDE, Sujit CHAKRAVORTI, Sergio GORJÓN et Francisco RODRÍGUEZ FERNÁNDEZ. What is the Role Of Public Authorities in Retail Payment Systems? The Federal Reserve Bank of Chicago, lettre du Federal Reserve Board of Chicago no 280a, novembre 2010. PRAGER, Robin A., Mark D. MANUZAK, Elizabeth K. KISER et Ron BORZEKOWSKI. Interchange Fees and Payment Card Networks: Economics, Industry Developments, and Policy Issues, « Federal Reserve Board, Finance and Economics Discussion Series », no 2009-23, mai 2009. CHAKRAVORTI, Sujit. « Externalities in Payment Card Networks: Theory and Evidence », Review of Network Economics, vol. 9, no 2, article 3, 2010. SCHUH, Scott, Oz SHY, Joanna STAVINS et Robert TRIEST. An Economic Analysis of the 2010 Proposed Settlement between the Department of Justice and Credit Card Networks, « Federal Reserve Bank of Boston, Public Policy Discussion Papers », no 11 4, juillet 2011. CHOICE. Credit Card Surcharging in Australia, novembre 2010. Rapport préparé pour le compte du NSW Office of Fair Trading. COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE. Les systèmes de cartes de crédit et de cartes de débit au Canada : transparence, pondération et choix, Sénat du Canada, juin 2009. CRUZ, Marvin, et Queenie WONG. Pour une transition à un nouveau mode de paiement adapté aux besoins des PME, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, octobre 2011. EVANS, David S., Howard H. CHANG et Margaret WEICHERT. Economic Analysis of Claims in Support of the “Durbin Amendment” to Regulate Debit Card Interchange Fees, mai 2011. EVANS, David S., Robert E. LITAN et Richard SCHMALENSEE. Economic Analysis of the Effects of the Federal Reserve Board’s Proposed Debit Card Interchange Fee Regulations on Consumers and Small Businesses, février 2011. 56 | Les marchés des cartes de crédit et de débit UNITED STATES GOVERNMENT ACCOUNTABILITY OFFICE. Credit Cards: Rising Interchange Fees Have Increased Costs for Merchants, but Options for Reducing Fees Pose Challenges, GAO-10-45, novembre 2009. ANNEXE A – Opération par carte de crédit dans un système quadripartite ENCADRÉ E1 – SYSTÈME QUADRIPARTITE Le consommateur achète des biens ou des services. CONSOMMATEUR Le consommateur acquitte le solde impayé. L’émetteur paie les frais d’opération. COMMERÇANT RÉSEAU DE CARTE Le commerçant reçoit le paiement. Le commerçant paie les frais d’escompte du commerçant. L’acquéreur paie les frais d’opération. ACQUÉREUR Une opération réglée par carte de crédit dans le cadre du système quadripartite se déroule habituellement en huit étapes. Étape 1 : L’émetteur émet une carte de crédit au profit d’un particulier, le titulaire de la carte. Étape 2 : Le titulaire de la carte donne au commerçant des renseignements relatifs à la carte pour effectuer un achat (p. ex. d’une valeur de 100 dollars). Étape 3 : Le commerçant envoie les renseignements relatifs à la carte de crédit et à l’achat à l’acquéreur pour obtenir une autorisation de paiement par l’entremise du réseau de cartes de crédit, en vue de conclure la transaction. Étape 4 : L’acquéreur transmet les renseignements à l’exploitant du réseau, qui les transmet à son tour à l’émetteur pour obtenir une autorisation. Étape 5 : L’émetteur autorise l’opération, et l’exploitant du réseau communique l’autorisation à l’acquéreur. ÉMETTEUR DE CARTE L’acquéreur paie les frais d’interchange. Étape 6 : L’acquéreur confirme auprès du commerçant que l’opération a été autorisée, et le commerçant conclut l’opération avec le titulaire de la carte. Étape 7 : Chaque jour, l’exploitant du réseau doit rapprocher et régler les opérations effectuées entre les émetteurs et les acquéreurs sur une base de règlement net. L’émetteur facture la valeur totale de l’opération sur le relevé mensuel du titulaire (100 dollars aux fins du présent exemple), et l’acquéreur reçoit la somme de 100 dollars moins les frais d’interchange perçus par l’émetteur. Selon l’entente conclue entre le commerçant et l’acquéreur, le commerçant paie des frais mensuels ou quotidiens. Les fonds nets perçus par le commerçant dans cet exemple seraient de 98 dollars si les frais de service du commerçant étaient de 2 %. Étape 8 : Le titulaire de la carte est tenu de régler la totalité ou une partie du solde figurant au relevé mensuel de la carte envoyé par l’émetteur de la carte (un compte de 100 dollars aux fins du présent exemple), 21 jours après la date de l’achat effectué à l’étape 2. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 57 ANNEXE B – Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit OBJET ÉLÉMENTS STRATÉGIQUES Le présent code vise à montrer l’engagement de l’industrie à : 1. Les réseaux de cartes de paiement et les acquéreurs feront preuve d’une plus grande transparence et assureront une meilleure communication avec les commerçants. 1. veiller à ce que les commerçants soient pleinement informés des coûts associés à l’acceptation de paiements par carte de crédit ou de débit, ce qui leur permet de prévoir raisonnablement les coûts mensuels relatifs à l’acceptation de tels paiements; 2. accorder une marge de manœuvre accrue en matière de tarification, afin d’encourager les consommateurs à choisir l’option de paiement la moins coûteuse; 3. permettre aux commerçants de choisir librement les options de paiement qu’ils accepteront. PORTÉE Le Code s’applique aux réseaux de cartes de crédit et de débit (ci après nommés « réseaux de cartes de paiement ») et à leurs participants (p. ex. les émetteurs de cartes et les acquéreurs1). Les réseaux de cartes de paiement qui choisissent d’adhérer au Code respecteront les politiques décrites ci-après et veilleront à ce que leurs participants s’y conforment. Le Code sera entièrement intégré aux contrats, aux règles et aux règlements des réseaux de cartes de paiement. Le Code s’appliquera dans les 90 jours suivant son adoption par les participants et les réseaux de cartes de paiement. Les réseaux et acquéreurs auront jusqu’à neuf mois afin de mettre en œuvre l’élément 1. Les émetteurs auront un an pour réémettre les cartes déjà en circulation qui contreviennent à l’élément 6 ou 7. EXIGENCES POUR LES RÉSEAUX DE CARTES DE PAIEMENT En adoptant le Code, les réseaux de cartes de paiement acceptent de fournir à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, d’après sa fonction de surveillance du respect du Code, tous les renseignements demandés en lien avec les actions qu’eux-mêmes ou que leurs participants ont prises. De plus, les réseaux de cartes de paiement acceptent d’engager les frais liés à la surveillance du respect du Code, comme établis par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. 1 Les « acquéreurs » sont des entités qui permettent aux commerçants d’accepter les paiements par carte de crédit ou de débit, en leur donnant accès à un réseau de cartes de paiement pour la transmission ou le traitement de ces paiements. 58 | Les marchés des cartes de crédit et de débit Les réseaux de cartes de paiement et leurs participants travailleront avec les commerçants, directement ou par l’intermédiaire d’une association de commerçants, pour que les ententes commerçant-acquéreur et les relevés mensuels soient suffisamment détaillés et faciles à comprendre. Les réseaux de cartes de paiement afficheront les taux d’interchange applicables sur leurs sites Web de manière à ce qu’ils soient aisément accessibles. De plus, ils afficheront tous les changements imminents à ces frais dès qu’ils auront été communiqués aux acquéreurs. Les règles des réseaux de cartes de paiement prévoiront que les relevés des commerçants comprennent les renseignements suivants : • le taux d’escompte du commerçant en vigueur2 pour chaque type de carte de paiement d’un réseau de cartes de paiement; • les taux d’interchange et, au besoin, tous les autres taux facturés aux commerçants par l’acquéreur; • le nombre et le volume de transactions pour chaque type d’opération de paiement; • le montant total des frais applicables à chaque taux; • les détails de chacun des frais et le réseau de cartes de paiement auquel ces frais s’appliquent. Ces renseignements doivent être présentés de façon claire, simple et de façon à ne pas induire en erreur. 2. Les règles des réseaux de cartes de paiement prévoiront que les commerçants reçoivent un préavis d’au moins 90 jours avant toute augmentation ou tout ajout de frais relatif aux opérations par carte de crédit et de débit. Les réseaux de cartes de paiement donneront aux acquéreurs un préavis d’au moins 90 jours avant toute modification de taux et/ou de frais et un préavis d’au moins 180 jours avant tout changement structurel3. 2 Le taux d’escompte du commerçant en vigueur est calculé en divisant le montant total des frais qu’un commerçant verse à un acquéreur, relié au traitement d’un type précis de carte de paiement d’un réseau de cartes de paiement, par le volume total des ventes pour ce type de carte de paiement. 3 Les changements structurels sont des changements importants apportés au barème tarifaire d’un réseau de cartes de paiement. Ils comprennent l’ajout de nouveaux types de taux d’interchange ou d’autres frais, une modification de la structure du taux d’interchange ou l’ajout d’un nouveau type de carte de crédit ou de débit. Les préavis ne sont pas requis dans le cas de modifications de frais apportées conformément à des barèmes tarifaires préétablis, tels que ceux fondés sur le volume d’opérations du commerçant, à condition que les barèmes soient inclus dans le contrat du commerçant. 3. Les règles des réseaux de cartes de paiement prévoiront que les commerçants peuvent annuler leur contrat sans pénalité lorsqu’ils reçoivent un préavis d’augmentation ou d’ajout de frais. Tout au long d’un contrat qu’il aura conclu avec un acquéreur, le commerçant aura droit à une certitude à l’égard des coûts. Par conséquent, en cas d’augmentation ou d’ajout de frais, les commerçants pourront mettre fin à leur contrat, sans encourir quelque pénalité que ce soit, dans les 90 jours suivant réception du préavis. Les commerçants ne peuvent pas annuler leur contrat en raison d’augmentation de frais lorsque celle-ci est effectuée conformément aux barèmes tarifaires préétablis, tels que ceux fondés sur le volume d’opérations du commerçant, à condition que les barèmes soient inclus dans le contrat du commerçant. 4. Les règles des réseaux de cartes de paiement prévoiront que les commerçants qui acceptent les cartes de crédit d’un réseau donné ne sont pas obligés d’accepter les cartes de débit de ce même réseau, et vice-versa. Les réseaux de cartes de paiement n’exigeront pas des commerçants qu’ils acceptent à la fois leurs cartes de crédit et leurs cartes de débit. Un commerçant pourra choisir d’honorer seulement les paiements par cartes de crédit ou par carte de débit d’un réseau, sans avoir à honorer les deux. 5. Les règles des réseaux de cartes de paiement permettront aux commerçants d’accorder des rabais pour différents modes de paiement (p. ex. en espèces, par carte de débit, par carte de crédit). Les commerçants auront aussi la possibilité d’offrir des rabais différents selon les réseaux de cartes de paiement. Les commerçants pourront accorder des rabais, peu importe le mode de paiement. De plus, il sera permis de différencier les rabais selon les réseaux de cartes de paiement. Les rabais doivent être clairement indiqués au point de vente. 6. Une même carte de débit ne peut comporter des applications de paiement domestiques concurrentes de réseaux différents. Toutefois, il est possible qu’une même carte de débit comporte des applications domestiques non concurrentes complémentaires de différents réseaux. Une carte de débit peut contenir plusieurs applications, par exemple par NIP et sans contact. Une carte ne peut contenir des applications de plus d’un réseau permettant de traiter chaque type de transaction domestique, tel qu’à un point de vente, par Internet, par téléphone, etc. Cette limitation ne s’applique pas aux transactions internationales ou par guichet automatique. 7. Les règles des réseaux de cartes de paiement prévoiront que sur les cartes de débit co badgées, les marques des réseaux soient également mises en valeur. Les règles des réseaux de carte de paiement devraient prévoir que les réseaux disponibles sur une carte de débit soient clairement indiqués. Les réseaux de cartes de paiement n’incluront pas de règles qui obligent les émetteurs à donner un traitement avantageux à une marque par rapport à une autre. Afin d’assurer un marquage égal, les logos des marques doivent être de même taille, situés sur le même côté de la carte et les deux logos des marques doivent être soit en couleur ou en noir et blanc. 8. Les règles des réseaux de cartes de paiement prévoiront qu’une même carte de paiement ne peut être employée à la fois comme carte de crédit et carte de débit. Les cartes de débit et de crédit ont des fonctions distinctes, telles que l’accès à un compte de dépôt et l’accès à un compte de carte de crédit. Ces comptes comportent leurs propres dispositions et frais. Compte tenu des caractéristiques précises liées aux deux types de cartes et à leurs comptes connexes, ces dernières seront émises en tant que cartes de paiement distinctes. Le fait de ne pas autoriser la corésidence des fonctions de débit et de crédit sur une même carte de paiement minimiserait la confusion chez les consommateurs. 9. Les règles des réseaux de cartes de paiement prévoiront que seuls les consommateurs qui en font la demande ou qui donnent leur consentement peuvent recevoir une carte de crédit et de débit privilège. En outre, les cartes de paiement privilèges ne doivent être accordées qu’à un groupe bien précis de détenteurs de cartes sur la base de seuils de dépenses et/ ou de revenus individuels, et non pas sur la moyenne du portefeuille d’un émetteur. Les cartes de paiement privilèges ont un taux d’interchange plus élevé que la moyenne. Elles doivent être ciblées pour les individus dont les dépenses et/ou les revenus atteignent un seuil donné. 10. Les règles des réseaux de cartes de paiement prévoiront que l’adhésion par défaut n’est pas permise. Si les réseaux de cartes de paiement lancent de nouveaux produits ou services, les commerçants ne doivent pas être obligés d’accepter ces nouveaux produits ou services. Les commerçants doivent fournir un consentement exprès pour l’acceptation de nouveaux produits ou services. Les marchés des cartes de crédit et de débit | 59