Mémoire : la contrefaçon de produits de communication
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Mémoire : la contrefaçon de produits de communication
1 Bavent Aurélie Directeur : François Guerenne Deuxième membre du jury : Cécilia Brassier-Rodriguez Mémoire sur la contrefaçon de produits de communication Iup Information et communication, Blaise Pascal, Clermont-ferrand Année Universitaire 2007-2008 2 Avertissement au lecteur Les questions examinées dans ce mémoire à partir de descripteurs appartenant aux disciplines de la communication recouvrent des problématiques qui atteignent aussi le domaine de l’intelligence économique et touchent, par ce biais, le champ juridique et jurisprudentiel. Je veux avertir le lecteur que - trouver ici des allégations accusatoires en matière de contrefaçon pour les cas cités et n’ayant jamais fait l’objet de traitement juridique serait infondé. L’objectif de ce travail suppose l’examen de cas empiriques. Certains ont été jugés et présentés comme tels. Je le signalerai. Certains n’ont jamais été jugés et, pour un bon nombre, n’ont pas même fait l’objet de plaintes pour contrefaçons. Nous verrons que le laxisme dans le recours au droit de la propriété intellectuelle est l’un de problèmes d’intelligence économique spécifiques au domaine des produits de communication et qu’il a des explications. Il faudra donc pour le lecteur de ce travail tenir les analyses de similitudes que je proposerai en comparant entre eux des produits de communication (affiches, spots de Pub) pour de simples hypothèses de contrefaçon, non avérées par un constat d’infraction au droit de la propriété intellectuelle. Il ne pourra voir dans ces hypothèses aucune mise accusation des créateurs. La mise en accusation ne pourrait, en effet, être qu’une action des auteurs spoliés que la mise en comparaison entre deux ou plusieurs produits similaires ne pourrait toujours me suffire à identifier. Ainsi, lorsque je présenterai dans les pages qui suivent un produit comme original et autre, similaire, comme « copie », ce ne sera qu’au titre de l’antériorité de diffusion, ce qui, pas plus que l’étendue de similitude, ne suffit à attester la contrefaçon juridiquement répréhensible. Dans les cas empiriques que j’étudierai, la contrefaçon, à défaut d’accès aux conditions réelles de leur production, sera donc inférée à titre spéculatif de la seule similitude que j’analyserai. Pour cette étude des caractéristiques de similitudes, il importe peu de prouver lequel ressemble à l’autre. - les données empiriques soumises ici à l’analyse ont été recueillies selon plusieurs procédés : - j’ai investigué a minima les données jurisprudentielles les plus facilement accessibles - j’ai effectué, depuis l’origine de ma recherche, de la veille quasi continue des grands médias et de la veille sur internet - j’ai sélectionné des données d’observation dans mon environnement - j’ai exploré les sites web spécialisés en matière de communication et marketing cités dans ma webographie. Le lecteur doit donc savoir, pour les données comparées dans la présente étude, que certains rapprochements sont de mon seul fait, certains rapprochements m’ont été suggérés ou étaient déjà proposés comme tels dans les supports éditoriaux que j’ai consultés et dans lesquels je les ai parfois découverts, enfin j’ai pu retrouver dans certains supports des rapprochements que j’avais opérés moi-même dans mon travail avant de les y retrouver. Dans tous les cas, je n’ai retenu à comparer que des exemples où les caractéristiques présumées pillées me paraissaient indiscutablement saillantes. 3 Sommaire I - Introduction : idée originale, partir d’un exemple de produit où l’irrespect de la propriété intellectuelle est flagrant. …………………page 7 II – Définitions et Approches conceptuelles…………………………...page 15 1 – La question des similitudes……………………………………………….page 19 2 – Contrefaçon et métaphore…………………………………………………page 22 - définition 3 – Tare de la métaphore……………………………………………………...page 23 4 – Définition opératoire……………………………………………………...page 24 III – Aspects juridiques…………………………………………………page 26 A – Exemples………………………………………………………..page 26 1- Faux exemplaires du Terracotta ou faux produit de communication culturelle………………………………………………………………………page 26 2 – Contrefaçons, nouvelles technologies et droits de la communication………………………………………………………………..page 28 3 – Droits d’auteur et contrefaçon : téléchargement en p2p…………………..page 29 4 – contrefaçon de sculpture…………………………………………………. page 31 B – Le droit et la contrefaçon………………………………………..page 33 C- Evolution de l’art, évolution de la communication………………page 35 1- la contrefaçon entre art et technique……………………………………...page 35 2- La pub : « entre contrefaçon et paratisme »………………………………..page 37 D- Evolution du design des produits en fonction des cycles de mode et évolutions……………………………………………………………page 39 4 IV – Vers la problématique…………………………………………….page 41 A- Répression légale de la contrefaçon et de ces déterminants économiques ; le point de vie légaliste modéré de Sprigman et Raustalia……………………………………………………………..page 41 B- Mon application aux cas de la contrefaçon des produits de communication………………………………………………………page 43 1- Le choix des types des produits qui constitueront mes supports empiriques : les produits de communication…………………………………………………...page 43 2- Les produits de communication : art et technique…………………………page 44 3- Enoncé de ma problématique………………………………………………page 47 V – Etudes empiriques et analyses……………………………………..page 49 A- Le cas des produits de communication à format pérenne : le format du JT........................................................................................page 49 1- Présentation de la contrefaçon diffusée…………………………………….page 49 2- Analyse de la forme de ce produit de communication contrefait…………..page 54 3- Analyse du JT………………………………………………………………page 56 4- Grille d’analyse de la typicité d’un JT……………………………………..page 62 5- Application de la grille d’analyse au produit JT contrefait………………...page 65 6- Le cas du JT. Analyse 1 : validité empirique et efficacité des Contrefaçons en communication……………………………………………...page 78 a – Le discourt des contrefacteurs………………………………………page 79 b – La réaction des consommateurs de l’information…………………..page 79 c – L’attitude des autorités……………………………………………...page 79 d – L’influence politique du produit média……………………………..page 80 e – Un exemple ponctuel : le piège Dahan……………………………...page 80 7- Le cas du JT. Analyse 2 : contrefaçon d’un produit de communication non soumis aux « cycles de mode »…………………………………………..page 80 a – Vérification que ce JT n’appartient pas aux produits cyclés par la mode……………………………………………………………...page 80 b – Utilisation des critères d’appartenances de Sprigman et Raustalia.page 82 c – « Short list » des caractéristiques de Sprigman et Raustalia…………page 82 d – Conclusion partielle………………………………………………...page 83 B- Les cas des produits de communication cyclés par des modes…..page 84 1- Les affiches………………………………………………………………...page 84 5 a – Sémiologie de l’image : base de critérisation des caractéristiques sémiologiques…………………………………………………………...page 88 b – Grille des critères exploités…………………………………………page 89 c – Analyse des affiches comparées…………………………………….page 90 - Cas N°1 Induction de similitude par procédé graphique………..page 91 - Cas N°2 Induction de similitude par connotation…………….....page 92 - Cas N°3 Induction de similitude par fonctionnalité Décorative………………………………………………………...page 94 - Cas N°4 Induction de similitude par signe graphique de composition………………………………………………….....page 96 - Cas N°5 Induction de similitude par signe graphique de composition………………………………………………….....page 99 2- Les spots de pub TV………………………………………………………page 101 a – Grille d’analyse d’un spot de pub TV……………………………...page 101 b – Comparaison des spots de pub utilisant les transformers………….page 102 - La Citroën C4…………………………………………………..page 102 - L’Alfa Roméo………………………………………………….page 104 - La Skoda………………………………………………………..page 106 - La 2 Ch…………………………………………………………page 108 - Charal…………………………………………………………..page 109 - Conclusion……………………………………………………...page 110 c – Comparaison des spots de pub « chroniques éclair de la vie »…….page 112 - CNP…………………………………………………………….page 112 - Banque Populaire………………………………………………page 114 - Conclusion……………………………………………………..page 115 d – Conclusion : la contrefaçon des affiches et des spots de pub TV : cycles de modes et innovation…………………………………...page 116 VI- Conclusion : contrefaçon et différentiation des produits de communication……………………………………………………...page 118 6 La première impression que peut avoir le lecteur de mon mémoire avant même de le lire ce fait lorsqu’il regarde la page de couverture. J’ai ainsi voulu illustrer mon travail sur la contrefaçon grâce à cette page de couverture, et donc à travers cette image. De plus, le lecteur est ainsi invité à se placer dans la peau d’une personne admirant le célèbre tableau de Magritte1 : La trahison des images, 1929. Ce tableau représente une pipe. Il y a également l’inscription suivante : « Ceci n’est pas une pipe ». Avec la mention que j’inscris sur la page de couverture : « Ceci n’est pas un mémoire sur la contrefaçon », le lecteur peut donc effectivement faire rapidement l’allusion à ce tableau de Magritte. Et grâce à cette mention, le lecteur peut également en déduire que ce dossier est effectivement un travail sur la contrefaçon. L’illustration choisie nous pousse à nous interroger sur ce point : il s’agit d’une photographie publiée en 1973 par le magazine « Photo » et qui est due au talent de James Wedge. Je la lui emprunte donc en le citant. Faisant cela, est-ce la même chose que lorsque j’emprunte en le citant une phrase à un poète ? Et que fais-je lorsque j’emprunte à Magritte, non pas sa phrase : « ceci n’est pas une pipe » mais l’idée dite surréaliste qu’il a eue d’apposer cette phrase sur un tableau représentant une pipe. Emprunter une idée originale (un concept) est-il identique au fait d’emprunter une phrase originale ou un graphisme original, une photo ? En mettant sur la photo de James Wedge la mention « ceci n’est pas un mémoire sur la contrefaçon », je ne cite pas Magritte et je ne peux donc pas le déclarer auteur de ma phrase. En revanche, il est clair que j’utilise son concept et que je l’exploite pour un usage personnel. Est-ce que je contrefais son œuvre ? Est-ce que le simple fait de faire allusion à lui en déclarant qu’il est le père de ce concept suffit à lever le soupçon ou l’accusation de contrefaçon ? J’ai choisi d’utiliser cette photographie de Wedge pour ma page de couverture pour plusieurs raisons : - tout d’abord, parce qu’elle permet de faire référence au célèbre peintre surréaliste belge : René Magritte par rapport à son célèbre tableau et à sa célèbre citation : « ceci n’est pas une pipe ». La notoriété du tableau de Magritte pour un lecteur averti en matière de peinture surréaliste belge rend très claire ma référence. A partir de là, est-il possible de suggérer que l’emprunt de ce concept ne serait pas une contrefaçon pour un lecteur non averti ou non cultivé ? Une copie de sac Vuitton n’est-il une contrefaçon que s’il est acheté par un consommateur qui connaît la valeur de la marque ou du produit ? Un innocent ne peut-il prendre ce sac pour ce qu’il est : une poche en cuir qui possède certaines fonctionnalités ? Son usage peut-il être dissocié de sa « valeur » sociale dans la définition de la contrefaçon ? - de plus, si j’ai choisi cette photo de Wedge pour illustrer mon mémoire sur la contrefaçon, c’est aussi parce qu’existent des publicités qui contrefont cette photo : 1 René François Ghislain Magritte est un célèbre peintre surréaliste Belge. Il est né à Lessines le 21 novembre 1898 et est mort le 15 août 1967 à Bruxelles. 7 En 1999, Mike et Eduardo de l’agence Kraneo (République Dominicaine) publient l’annonce « Cuerpo y format body treatment » (source : Cannes Lions Archives Online). Il ne me parait pas utile de décrire dans le détail cette photo pour voir les similitudes qui existent avec celle de James Wedge car elles paraissent évidentes. On peut alors se poser la question de savoir si ce serait les similitudes qui suffiraient à définir une contrefaçon, si cela en est une. L’année suivante, en 2000, une annonce Playstation de Sony reçoit le « Lion d’or » à Cannes. Les communicants qui la signent, Eric Hellias et Jorge Carreno, de l’agence TBWA (Paris) sont ainsi honorés pour avoir produit ce que des non experts auraient envie d’appeler une contrefaçon. Pourtant la répression légale de la contrefaçon n’est-elle pas féroce ? Les auteurs des originaux n’ont-ils pas envie de faire valoir leurs droits ? Est-ce parce que ces originaux n’en sont pas ou est-ce pour d’autres raisons ? Peut-il être contre-productif de faire valoir ses droits ? Pourquoi ? La photographie que j’ai choisie, transformée voire personnalisée grâce à l’annotation, « façon Magritte », « ceci n’est pas un mémoire sur la contrefaçon » a un amont et un aval. Repérer un original peut-il alors consister à remonter de l’aval vers l’amont ? On peut facilement remonter de la photo d’Eric et Jorge à celle de Mike et Eduardo qui lui est antérieure. A moins qu’il faille remonter de ces deux photos directement à celle de James Wedge ? Mais peut-on affirmer que la photo de Wedge soit l’original ? Peut-être peut-on parler de photographie originale, mais sans doute pas de concept. Il suffit de remonter à Magritte. Mon illustration du mémoire, en effet, ne réfère pas à Magritte uniquement pour la contrefaçon de « ceci n’est pas une pipe » mais aussi par le concept graphique de la photo de Wedge. Magritte a en effet produit des œuvres connues sur la base de ce concept graphique : . Magritte (1966) En 1966, Magritte signe une gouache intitulée « La philosophie dans le boudoir ». On peut y voir la reprise du tableau de 1947 où la robe aux seins nus surplombe une paire de chaussures que terminent des doigts de pieds comme c’est le cas dans le « Modèle rouge ». En avril 1967, dans le numéro 61 de Fiction, Gérard Klein nous montre la cohérence conceptuelle entre ces œuvres du maître belge : « Il est une forme de peinture ou de dessin que l'on peut qualifier de littéraire. […] Mais je voudrais attirer l'attention sur la syntaxe particulière qui régit l'organisation de ces “mots” et sur un aspect de la peinture de Magritte qui élucide à mon sens au moins une partie de l'énigme qu'il nous propose. Cet aspect est celui 8 de la discontinuité dans l'espace, de la rupture entre tel objet et son environnement, considérés selon les canons habituels, ou à l'inverse, ce qui revient au même, de la continuité abusive et par là fantastique. […] les brodequins terminés par des doigts de pieds du Modèle rouge, thème repris, mais cette fois sous la forme de souliers féminins accompagnés d'une robe suspendue à un cintre, d'où jaillissent des seins nus, dans la Philosophie dans le boudoir. » Magritte (1947) Chez Magritte, « le problème pensé de la spatialité du visible emprunte des visages aussi divers que ceux déjà rencontrés, du caché cachant, du transparent, du fond transparaissant, du tableau-modèle 2 et de la vitre-image. La mise en scène de ce dernier « lieu » montre, non la transparaissance du paysage dans la transparence de la vitre, mais au contraire la persévérance du paysage dans l’opacité de la vitre brisée. Elle fait par ailleurs penser aux images qui, interrogeant le rapport corps-habit, montrent dans l’habit isolé les empreintes inoubliables d’un corps pourtant absent. Ainsi les deux souliers du « modèle rouge » (1935), posés côte à côte sur un sol graveleux et devant un fond de palissade en planches, adoptent la forme et la substance des orteils et du dos des pieds qu’ils ne chaussent pas ». 2 Il existe de ce tableau plusieurs variantes dont une version huile de la même année, une version dessin sans date et une version gouache de 1953. Dans une autre version gouache de la période « vache » (1947), on voit apparaître, dispersés sur le sol autour de l’objet hybride, différents objets-témoins : un morceau de papier, un billet de banque, un bout d’allumette et un mégot de cigarette. Magritte avait déjà inauguré cette idée dans une version huile de l’année 1937. on y voit sur le gravier le même bout d’allumette, plusieurs pièces de monnaie et une coupure de journal déchiré où la reproduction inversée du motif du tableau Les jours Gigantesques. Dans deux versions ultérieures intitulées La Philosophie dans le boudoir, la mise en scène est simplifiée –la chemise est simplement suspendue au cintre, sur fond de bois veiné-, mais le problème est redoublé. Une première version (1947) combine l’hybride de la robe-seins avec celui des souliers-pieds (qui apparaissent posés sur un coin de table, dans l’avant de l’image). L’autre version (1966) expose l’incrustation dans l’habit vide du corps absent-présent non seulement au niveau des seins mais également au niveau du pubis. 9 De même la chemise de nuit du tableau In Memoriam Mark Sennet (1937) : « suspendue à son cintre dans une penderie, elle conserve les empreintes charnelles des seins qu’elle n’enveloppe plus ». (René Magritte ou la pensée imagée de l’invisible ; Réflexions et Recherches. René-Marie Jongen, 1994, Publication des Fac St Louis, p 117) Magritte (1937) Citer la succession de ces œuvres, on le voit, c’est décrire la généalogie d’un concept, y compris au sens de design. C’est particulariser le concept même qui est peu à peu façonné à travers la création picturale de Magritte. Est-ce rendre flagrante l’hypothèse de contrefaçon chez James Wedge ? Il est clair que Magritte crée un concept pictural qu’il façonne progressivement à travers sa production de tableaux successifs. Qu’au bout du compte, il inscrive les ultimes productions (1947, 1966) dans l’ordre d’un discours évocateur de Sade n’y change rien. « La Philosophie dans le boudoir ou Les instituteurs immoraux est un ouvrage du marquis de Sade3, publié en 1795. Le sous-titre est Dialogues destinés à l'éducation des jeunes demoiselles. « L’ouvrage se présente comme une série de dialogues retraçant l’éducation érotique et sexuelle d’une jeune fille de 15 ans. Une libertine, Mme de SaintAnge, veut initier Eugénie « dans les plus secrets mystères de Vénus ». Elle est aidée en cela par son frère (le chevalier de Mirvel), un ami de son frère (Dolmancé) et par son jardinier (Augustin) » (Wikipaedia). Cependant, il faut bien comprendre que la mention « La philosophie dans le boudoir » par laquelle Magritte nomme ces deux tableaux n’a pas du tout le même statut que la mention « Ceci n’est pas une pipe », laquelle fait, quand à elle partie du concept de l’œuvre lui-même, (ce n’est pas le nom du tableau). 3 Incarcéré une première fois en 1768 pour affaires de moeurs, le marquis de Sade a passé la majeure partie de sa vie derrière les barreaux. En 1795, alors qu'il vient d'échapper de justesse à la guillotine et qu'il goûte à sa liberté retrouvée, paraît anonymement La Philosophie dans le boudoir ou les Instituteurs immoraux, adressé à tous les « aimables débauchés » et à toutes les « femmes lubriques ». 10 Tout comme le concept graphique des « habits-corps », le concept sémantique « ceci n’est pas une pipe » a été décliné par Magritte lui-même avant d’avoir été également repris par d’autres contrefacteurs. Voici quelques illustrations: "La trahison des images" par René Magritte, 1929. Rene Magritte Dardacha: Magritte, l’illusionniste René Magritte R. Magritte, The Two Mysteries, 1966 Marlène Dumas: “ceci est une pipe” shakalaka.gouns.free.fr/Greg/crayon-magritte.jpg Javadalizadeh : Magritte drawings Firefox: del.icio.us/tag/firefox www.bd-stoic.com 11 minotaure.centerblog.net This is NOT a potato. Aurélie Bavent: mémoire Master René Magritte's homage to Uncyclopedia IUP InfoCom de Clermont-Fd A partir de l’illustration que j’ai choisie pour mon mémoire, illustration qui fait référence à Magritte, j’ai proposé un parcours d’aval en amont ayant pour objectif la recherche de questions, de sens... Il se trouve qu’une ultime étape est envisageable pour compléter au mieux ce parcours. En effet, lorsqu'en 1925 un ami de Magritte lui montre la reproduction du tableau de Chirico « Le chant d'amour », le peintre ne peut retenir ses larmes. Cet évènement aurait été l’élément déclencheur qui a engendré l’influence que Chirico a pu avoir sur les peintures de Magritte. Voici l’œuvre de Chirico4 (en présence indirecte : il s’agit d’une reproduction) Le chant d'amour qui a provoqué cette forte réaction chez Magritte. Juger que Magritte doit beaucoup à Chirico est une chose qui peut paraître facile. Juger que « la trahison des images » (Magritte, 1929 (« ceci n’est pas une pipe »)) ou les deux œuvres nommées « La philosophie dans le boudoir » (Magritte, 1947,1966) lui on été inspiré grâce à Chirico est bien plus difficile. Chirico Et cette œuvre de Varo. Emprunt à Magritte ou à Chirico ? 4 Giorgio De Chirico est né en 1888 à Volos en Thessalie (Grèce) et mort en 1978 à Rome (Italie). Il est un peintre italien "métaphysique" selon sa propre définition, admiré des surréalistes dont il intègre le groupe jusqu'en 1928, puis, se rapprochant du futurisme, il participe au mouvement pictural italien Novecento. 12 Phénomène Remedios VARO, 1962. Bien sûr, le fait que ces deux peintres appartiennent au mouvement surréaliste peut expliquer pourquoi il existe des ressemblances entre les œuvres de Magritte et Chirico. Il est possible également que l’émotion ressentie par Magritte devant le tableau de Chirico ait pu influencer Magritte sur le courant qu’il a choisit, à savoir le surréalisme. Mais par contre, il est impossible de dire que les concepts que j’ai étudiés précédemment chez Magritte à partir de la photographie choisie pour ma couverture, aient été empruntés à Chirico. A l'époque des potiers gallo-romains les contrefacteurs apposaient le cachet de leurs concurrents les plus connus sur le col de leurs propres amphores. Ils fabriquent maintenant de faux appareils médicaux, de fausses pilules de Viagra vendues sans ordonnances sur la « toile », des copies de logiciels et CD. Elle touche déjà depuis longtemps des œuvres d’art, des œuvres de création, picturales, littéraires, musicales. La contrefaçon et le piratage ont évolué constamment avec les tendances et technologies nouvelles. Elle ne touche plus seulement des objets artisanaux ou manufacturés. Elle touche des produits aussi immatériels que matériels, même et surtout s’ils sont maintenant souvent issus de processus de production devenus industriels : industrie de la mode, ingénierie de la communication… Le marché illicite de produits de créateurs portant un "nom" ou une marque (produits de contrefaçon) et des marchandises fabriquées sans que les droits de propriété intellectuelle n'aient été acquittés (produits pirates) semble connaître une croissance dont les enjeux économiques, eu égard aux nouvelles échelles de production, sont devenus énormes. Outre ces conséquences économiques, ces activités ont maintenant la caractéristique d’attirer des réseaux de trafic internationaux, qui réalisent des bénéfices considérables, et font surtout peser une menace de plus en plus grande sur la santé et la sécurité des consommateurs et sur la santé et la sécurité des organisations humaines de production.. Pour mieux comprendre les phénomènes de la contrefaçon et du piratage, il convient de les considérer comme un problème en évolution en tenant compte de l’évolution des conséquences économiques, des types de contrefaçons, du rôle des organisations frauduleuses, des moyens législatifs dont disposent les administrations de contrôle et des nouvelles techniques susceptibles d'empêcher les différents types de trafic. Ce travail demande d’abord de comprendre que l’un de mes buts est de me pencher sur la question de la contrefaçon non pas de la manière classiquement limitée aux produits manufacturiers mais de modifier le regard de mon lecteur en attirant son attention sur les particularités de la contrefaçon de design (conception) des produits issus de processus de 13 production où la conception, parce que séparée de la réalisation, peut être pillée. C’est le cas du logiciel, bien sûr, mais c’est aussi le cas de tous les produits de communication comme les affiches, les spots publicitaires, les produits multi-média comme les sites web, les émissions de télévision ou de radio, les œuvres littéraires ou les écrits scientifiques etc. Le regard classique d’un spécialiste de la communication était habituellement centré sur l’étude de la contrefaçon des denrées matérielles ou des objets manufacturés et son intérêt se portait généralement sur le rôle que pouvaient jouer les techniques de communication dans la lutte contre la contrefaçon en dissuadant les contrefacteurs de mal agir ou en alertant les consommateurs sur les risques de leur collaboration volontaire ou involontaire à ces marchés illégaux. N’a-t-on pas vue et revue, par exemple, une recrudescence des actions de communication médiatisées dans lesquelles un ministre du gouvernement pour montrer sa volonté obstinée, se faisait filmer conduisant lui-même un rouleau compresseur qui détruisait des centaines de contrefaçons de fausses montres Rollex ou Cartier. Cet aspect des relations entre la contrefaçon et la communication professionnelle existe et est bien intéressant. Le mien dans ce mémoire touche à un tout autre aspect de ces relations, aspect plus rarement examiné, si j’en crois, par exemple l’absence totale de son évocation au musée de la contrefaçon de Paris : pas un seul exemple exposé de contrefaçon d’affiche, de photo, de texte, de logo… alors qu’il n’en manque pas. En disant « il n’en manque pas », je veux dire qu’il ne manque pas d’œuvres ou de produits dans la production desquels le droit de la propriété intellectuelle n’a pas été respecté et dont l’irrespect de ce droit a été constaté par les tribunaux comme il se doit. Je ne pense naturellement pas aux œuvres et produits que l’on rencontre quotidiennement et dont, à cause de leur ressemblance à un original, on juge soi même qu’il ne sont sans doute que des contrefaçons. Il peut sembler évident que le musée de la contrefaçon ne peut exposer aux visiteurs que des contrefaçons effectivement jugées comme telles par des autorités juridiquement compétentes. C’est ainsi que, dans ce mémoire, je dois prévenir mon lecteur et je devrai lui rappeler de temps à autre que les hypothèses que je pourrai être amenée à faire moi-même, à partir d’une analyse des techniques d’élaboration et de confection des produits de communication étudiés, sur la relation entre un original et une copie, restera toujours, si elle ne l’a déjà été, à soumettre à l’expertise juridique. C’est aussi pourquoi la question qui nous apparaît à tous évidente, de savoir pourquoi des contrefaçons manifestes donnent lieu à des poursuites juridiques et d’autres non, cette question sera posée. Certaines victimes de contrefaçons s’acharnent à faire valoir leurs droits et d’autres beaucoup moins. Certains secteurs de l’activité économique et sociale maximisent l’exigence de respect des marques, de la propriété intellectuelle, des droits d’auteur… et d’autres semblent beaucoup plus laxistes, voire plus tolérants. Pourquoi ? Est-ce à cause de différences dans les enjeux économiques ? Est-ce que l’impact de la contrefaçon serait différent d’un secteur d’activité à l’autre, d’un type de produit à l’autre ? La contrefaçon n’at-elle que des incidences négatives ? Peut-on différencier ses incidences et en fonction de quoi ? La tolérance à la contrefaçon présenterait-elle dans certains cas plus d’avantages que la sévérité de sa répression ? Est-ce à cause du rapport entre les coûts impliqués par la politique de lutte et les bénéfices qu’on est susceptible d’en retirer ? Y a-t-il d’autres variables qui motiveraient dans certaines configurations l’abandon d’une politique ferme de protection de ses droits ? Outre l’intérêt et la fascination qui, dès avant d’entrer à l’IUP et dès mon plus jeune âge, ont marqué mon attraction pour la publicité, ce sont ces types de questionnements appliqués à la contrefaçon des produits de la communication qui ont motivé le travail présenté ici. Retour au sommaire 14 Le 30 décembre 2006 Edouard Launet titre Bettina Rheims n’emporte pas « Paradis » sa publication du communiqué suivant dans Libération (http://www.liberation.fr/culture/225935.FR.php ): Le 28 juin, la cour d'appel de Paris a estimé que l'inscription «Paradis», réalisée en 1990 par Jakob Gautel au-dessus de la porte des toilettes de l'ancien asile de Ville-Evrard, constituait une oeuvre originale susceptible de bénéficier de la protection du droit d'auteur. Elle a en conséquence condamné la photographe Bettina Rheims pour contrefaçon : celle-ci avait fait des photos de modèles féminins (pour le triptyque la Nouvelle Eve) devant cette porte, exploitant de fait l'oeuvre de Gautel dans ses images sans lui verser de contrepartie. Bettina Rheims et la galerie qui l'exposait ont été condamnées à verser 3 000 euros pour l'atteinte au droit moral de l'artiste et 2 000 euros en réparation du préjudice patrimonial. Bettina Rheims a indiqué vouloir se pourvoir en cassation. Et n'a pas souhaité que nous reproduisions ici la Nouvelle Eve. Avec Jacqueline Coignard, il fait le point dans «Libération » de Trois procès en cours qui posent la délicate question du droit d'auteur et de la définition d'une oeuvre conceptuelle. Outre le procès que je viens d’évoquer à propos d’une photographie de Bettina Rheims deux autres affaires sont citées par les deux journalistes chroniqueurs : Première affaire : Le 4 janvier 2006, en fin de matinée, Pinoncelli s’était attaqué à l’oeuvre exposée au Centre Pompidou de Paris dans le cadre de l’exposition Dada, avec un petit marteau, ébréchant légèrement la céramique. Il l’avait également signée en écrivant «Dada». Se présentant comme un artiste ayant voulu «rendre hommage à l’esprit Dada» et à celui de Marcel Duchamp. Il avait déjà dégradé le même urinoir en 1993 exposé au Carré d’art de Nîmes (Gard). Ce « facétieux performeur» a brisé à coups de masse un des exemplaires de Fountain de Marcel Duchamp, célèbre ready-made5 se résumant à un urinoir de faïence tout à fait standard mais signé par l'artiste ( Libération du 25 novembre 2006). Cet attentat pose la question de la valeur de l'objet, dont la fixation permettra d'évaluer l'importance du préjudice subi par le propriétaire (l'Etat). Vaut-il 83 euros comme l'a suggéré le mois dernier, lors d'une audience en appel, l'avocat général après consultation du catalogue d'un fabricant de sanitaires ? Ou 2,8 millions d'euros, comme le clame le musée national d'Art moderne (centre Pompidou), dépositaire de l'urinoir duchampien, en se référant aux dernières transactions sur des «multiples» de Fountain ? » Deuxième affaire : A l'occasion d'une exposition à Paris, Spoerri avait proposé à des visiteurs d'exécuter des tableaux-pièges (ensemble d'objets «pris» tels quels, collés sur un support dans l'état où on les a trouvés). « L'acheteur d'un «tableau-piège» de Daniel Spoerri (reliefs d'un petit déjeuner collés sur bois) s'est senti lésé lorsqu'il s'est rendu compte que le tableau, bien que signé par l'artiste, avait été matériellement réalisé par un enfant de 11 ans : il s'est retourné contre le commissaire-priseur et a finalement eu gain de cause l'an dernier, après quelques allers-retours entre cour d'appel et Cour de cassation. Cette dernière a considéré que Spoerri n'était pas l'auteur «effectif» de l'oeuvre. Sans doute pourrait-elle en dire autant de l'urinoir de Duchamp. N'empêche que le tableau-piège vient de trouver preneur à près de 28 000 euros... » 5 L'attitude du ready-made consiste, initialement, à choisir un objet manufacturé et à le désigner comme œuvre d'art. Initiée par Marcel Duchamp, cette démarche a donné naissance à une grande partie des pratiques artistiques actuelles, qu'elles s'en réclament ou s'en défendent. Le ready-made a remis en question un certain nombre de certitudes sur lesquelles reposaient l'art, comme les notions de virtuosité et de savoir-faire ou encore d'œuvre, conçue désormais comme résultante de l'exposition et l'acte de nommer. Effectivement, les ready-made sont des œuvres d'art qui n'ont pas été réalisées par l'artiste, ce dernier n'intervient en effet que pour les sélectionner, changer leur contexte et leur statut par la désignation (l'affirmation « ceci est une oeuvre d'art », entonnée par Marcel Duchamp faisant dès lors acte de redéfinition – Wikipédia 15 Bettina Rheims est jugée condamnable et a été condamnée pour sa photo alors qu’on ne sait pas ce qu’il en aurait été de James Wedge pour sa photo « à la Magritte » publiée en 1973 puisqu’il n’a pas même été mis en cause. De plus, cette condamnation de Bettina Rheims est incohérente avec le jugement rendu dans l’affaire Spoerri. La décision en cassation contestant sa qualité d'auteur du «tableau-pièges » à Spoerri va dans le sens contraire de celle qui, dans l’affaire Gautel/Rheims pousse le philosophe Bernard Edelman6 à s’exclamer : «Si nous acceptons de protéger par le droit d'auteur certaines formes d'art contemporain où l'idée originale est au coeur de la création, nous risquons de subvertir tout notre système : tout le monde pourra se proclamer auteur» (Recueil Dalloz , 2006, no 37). Faire référence à Bernard Edelman, c’est penser qu’une définition de la contrefaçon, avant d’être exprimée en termes techniques qui conviendront aux produits de communication, peut être approchée sous deux angles : celle de la philosophie et celle du droit. L’objet de ce chapitre est donc de repérer des démarcations conceptuelles auxquelles la philosophie est indispensable. Je devrias donc apporter à mon lecteur quelques concepts juridiques de base. La position d’Edelman dans l’affaire Gautel/Rheims a l’avantage de recourir à l’articulation des deux versants : le philosophique et le juridique en s’interrogeant sur l’évolution des rapports entre le droit et l’art, en particulier l’art contemporain. C’est avec l’affaire de la première attaque de Pierre Pinocelli en 1993 contre l’urinoir de Duchamp qu’est posée pour la première fois en France la question de l’application du droit d’auteur ou de la protection de la propriété intellectuelle appliquée à l’art « conceptuel » alors qu’aux Etats-Unis, dès 1926, l'Oiseau dans l'espace de Brancusi avait suscité un débat juridique parce que les douanes avaient voulu taxer l'objet au prix du métal. Ce n’est pas à mon sens une question d’avance dans l’art lui-même mais plutôt dans l’inscription de l’art dans la société de consommation et de marché. Selon Edelman, avocat, « En droit, pour être protégée, une oeuvre doit remplir trois conditions : d'abord être une création. Depuis la fin du XVIIIe, on considère que l'auteur est un créateur unique, inventeur de ses propres formes, inventeur de lui-même. A cette aune-là, je ne peux pas m'emparer d'une boîte de soupe Campbell ou d'un urinoir pour dire que je crée. Sinon, cela signifie que l'industrie crée des objets d'art. Deuxième condition pour le juriste : s'il y a création, elle doit se cristalliser dans une forme. Dix lignes de synopsis, c'est une idée non protégeable, contrairement à un scénario abouti. Pour Gautel, l'idée, c'est le détournement de sens d'un lieu par une inscription. Et la forme, c'est l'inscription elle-même. Est-ce qu'il s'agit d'une forme protégeable en tant que telle ? La cour d'appel de Paris répond que la porte vermoulue, la serrure en forme de croix, les murs décrépis font partie de la forme, autant que l'inscription. Que cet ensemble donne la forme. Mais, si on efface l'inscription de Gautel, la porte reste identique. En revanche, on ne peut supprimer l'idée d'un roman sans supprimer le roman lui-même ! La forme doit être la réalisation de l'idée ; il y a indivisibilité entre les deux. Or la cour d'appel introduit une rupture entre l'idée et la forme, ce qui me choque en tant que juriste. Enfin, troisième exigence : la forme elle-même doit être originale. » Si l’on s’intéresse au cas de la photo de James Wedge, il a sans doute fabriqué un produit (combinaison type plongée en forme de peau de femme déchirée avec ses seins visibles, suspendue à un porte manteau) pour composer une nature morte qu’il a photographiée. Cette composition est-elle originale ou reprend-elle un tableau de Magritte (Hommage à Mark Sennet ou La Philosophie dans le boudoir) ? La création s’opère bien dans une forme, mais 6 Bernard Edelman est un philosophe et juriste français, spécialiste de la propriété littéraire et artistique et du droit d'auteur. Il est également avocat et ancien maître de conférence à l'ENS. Il est notamment l'auteur de l'Art en conflits (avec Nathalie Heinich, La Découverte), de l'Adieu aux Arts, 1926 : l'affaire Brancusi (Aubier) et de Quand les juristes inventent le réel : la fabulation juridique, Hermann, collection "Le bel aujourd'hui", 2007. Il rédige un ouvrage intitulé l'Esthétique des droits de l'homme, qui explore les relations entre art contemporain et idéologie des droits de l'homme. 16 une forme empruntée ou reproduite qui est la réalisation de l’idée. Cette forme n’est pas originale. Elle tire son particularisme d’une forme antérieure promue par René Magritte. Intéressons nous à l’exemple suivant : «Plein la vue ! C'est une bâche magnifique et gigantesque - 1 600 mètres carrés, 21 mètres de hauteur, 75 mètres de largeur - qui a été dévoilée le 27 mai, Place royale, à Bruxelles lors du lancement du chantier du futur musée Magritte» ( www.levif.be/actualite/culture/72-6117670/le...). Nous entrons dans l’univers des produits de communication au sens professionnel, produits du type de l’affiche publicitaire. Simulant d’autres œuvres, tout comme la photo de Wedge, cette bâche constitue le support d’une image « à la Magritte ». La différence réside dans sa fonction publicitaire et son utilité sociale. Elle est réalisée pour promouvoir l’exposition des œuvres de René Magritte. Cela change-t-il quelque chose au fait qu’il s’agisse d’une œuvre d’art, d’une œuvre originale ? Les critères du juriste Edelman doivent-ils s’appliquer de la même façon en matière de protection de la propriété des concepts de Magritte ? La définition de la contrefaçon est-elle identique ? Selon Bernard Edelman, philosophe, désormais, « n'importe quel geste devient artistique. Aujourd'hui, l'art contemporain reprend à son compte le fait que tout individu est artiste parce que le marché le lui permet ». […] maintenant, le marché fait l'art en faisant les artistes. L'idée a la même valeur qu'une idée publicitaire : elle est là pour faire vendre. C'est ce que dit JeanPhilippe Domecq à propos de Buren : «Buren nous oblige à avoir une marque, la marque Buren, qui n'est pas de lessive ni de voiture, mais d'artiste. Et quel artiste... Des rayures. Ainsi Buren a-t-il réalisé ce que la publicité n'a encore jamais fait : promouvoir un produit, un sigle, sans autre référent que lui-même.» Art conceptuel et dictature des marques, même combat ? Possible car on peut dire que c’est désormais la signature qui fait l'oeuvre. L'arrêt de la Cour de cassation dans l'affaire Spoerri dit en filigrane : « vous vous fichez de nous en considérant votre signature comme une marque. Quand on approfondit ces questions, on retombe sur le marché, inévitablement. Il nous vient à l'idée la notion de marque, et ce n'est pas anodin. Dans le Bonheur paradoxal, le sociologue Gilles Lipovetsky dit la même chose en analysant l'hyperconsommation. Le simulacre, en soi, c'est le fondement de l'art contemporain. Certains artistes disent qu'ils subvertissent le marché en retournant ses règles. Mais ce n'est dans le fond qu'une façon de tourner les lois du marché à leur profit. » (Interview de J. Coignard dans Libération ; 30 décembre 2006). 17 Dire que « l'idée a la même valeur qu'une idée publicitaire » en parlant du concept dans l’art, c’est dire que c’est l’art qui se réalise désormais en se vulgarisant. Ce n’est pas dire que le tableau de Wedge ou la bâche publicitaire du musée Magritte de Bruxelles simulent l’œuvre du maître, c’est dire que les œuvres de Magritte entreraient dans le domaine des produits informés comme des concepts de publicité, finalisés vers la « consommation » ou le marché. Ce serait la marque « Magritte » qui ferait l’œuvre ! On a quelque réticence à considérer que cela s’applique déjà à Magritte, même si on a bien envie de dire que la photo de Wedge est de « marque » Magritte. En revanche, personnellement, je n’ai aucune réticence à appliquer cela à Marcel Duchamp ou ses émules. Si l'arrêt de la Cour de cassation dans l'affaire Spoerri dit en filigrane : vous vous fichez de nous en considérant votre signature comme une marque, c’est dire que reconnaître l’œuvre banale comme œuvre d’art et, à la manière du théâtre de rue, par exemple, qui grandit de plus en plus, tout producteur comme artiste, fera disparaître la protection du droit d’auteur. C’est bien aussi en quoi ce jugement est en contradiction logique avec celui opposé à Bettina Rheims à propos duquel Edouard Treppoz7 s’exprime justement à mon sens en disant dans la revue Recueil Dalloz, 2006, no 15 : «Pour autant, cette décision recèle des dangers, notamment celui d'une surprotection au détriment des créations futures.» Il faudra donc faire confiance aux juges pour «trouver un équilibre afin que la protection ne devienne pas une entrave à la liberté créatrice». Cette considération est très importante pour définir, problématiser et traiter les questions relatives à la contrefaçon des biens matériels et immatériels et œuvres intellectuelles. La relation directe est établie ici par E. Treppaz entre le degré de protection juridique des droits de propriété intellectuelle et l’innovation dans la production des œuvres. La question est posée au philosophe Edelman par son intervieweuse Jacqueline Coignard «Le droit d'auteur doit-il évoluer pour prendre en compte de nouvelles formes d'art ? Réponse : « Je n'ai pas à porter de jugement de valeur sur l'art contemporain, mais, en tant que juriste spécialisé, j'affirme que de nouvelles formes d'art posent de véritables problèmes. Je marche dans la peinture, je laisse une trace de pas : c'est une oeuvre. J'empile des codes Dalloz dans un parallélépipède transparent et j'inscris «bonheur» en lettres d'or dessus : c'est une oeuvre. Alors tout devient oeuvre, et les tribunaux croulent sous les demandes les plus incongrues. Que le législateur fasse donc une loi pour dire que même les idées sont protégeables ! Si notre vision de l'auteur explose, au profit de quelle autre vision ce sera ? La notion juridique d'auteur est née avec la notion d'individu. A mes yeux, cet auteur unique, ce «génie», est en train de périr. On le voit avec le peer to peer, le sampling, le «tout est à tout le monde». Est-ce qu'un «auteur anonyme» va naître ? C'est possible. Pourquoi pas ? Je ne sais pas qui a construit Notre-Dame, mais c'est beau. Personnellement, non plus comme juriste ni comme philosophe, je suis en total accord avec notre définition traditionnelle de l'auteur ». Je montrerai dans le chapitre suivant, avec un exemple américain intéressant, ce que peut être la recherche universitaire dans les matières juridiques et l’importance qu’elle revêt en matière et de définition de la politique de répression de la contrefaçon. « Il ne saurait appartenir aux magistrats de définir des normes esthétiques qui échappent de plein droit à leurs codes de lois. Mais ils peuvent être amenés à se prononcer malgré tout sur ce qu'est une œuvre d'art, c'est-à-dire à répondre à une question décourageante tant elle est hérissée de chausse-trapes. Jusqu'à quel point un artiste doit-il y mettre la main à la pâte lui7 Edouard Treppoz est maître de conférences à l'université Jean-Moulin de Lyon 18 même pour qu'une œuvre soit dite la sienne (affaire Spoerri) ? Un artiste peut-il s'approprier l'exclusivité d'un procédé de fabrication qu'il a inventé et qui a fait son succès (affaire Christo)* ? Un pape de l'iconoclasme doit-il être protégé contre le zèle de disciples iconoclastes retourné contre lui (affaire Duchamp) ? Dans ce dernier cas, la question se creuse en abyme, puisque l'objet d'art en question est un produit industriel quelconque ou plutôt une réfection tardive et en petite série de ce qu'on ne peut légitimement plus appeler un original, ce qui ne l'empêche pas d'être l'œuvre la plus «originale» du XXe siècle» (B. Edelman). On sait que la protection juridique en matière de produits manufacturés fournit beaucoup de moyens pour s’opposer à la contrefaçon. On sait qu’elle a tendance, à la demande des agents économiques et en particulier des victimes, a évoluer vers la sévérité. La lutte est parfois féroce contre les faussaires et elle est imposée comme telle par les lois du marché des produits qui déterminent les conséquences économiques subies par les victimes. C’est généralement à partir du cas de la contrefaçon des produits manufacturés qu’est envisagée la définition de la contrefaçon et que celle-ci est définie au regard des conditions juridiques de sa répression. Contrefaçon • • nom féminin (de contrefaire) Reproduction frauduleuse d'une œuvre littéraire, artistique, d'un produit manufacturé, d'une monnaie, etc. Le Petit Larousse illustré 1999. © Larousse, 1998. Selon Wikipédia, la contrefaçon « est le fait de reproduire ou d'imiter quelque chose sans en avoir le droit. La notion de contrefaçon a souvent une connotation péjorative, sous-entendant une chose de mauvaise qualité ». Bien sûr, il y a quelque chose de purement formel dans ces définitions rapportées au droit. 1- La question des similitudes Lorsqu’en introduction de ce mémoire, je pose la question sur la relation entre la photo de James Wedge que je contrefais délibérément sur ma page de couverture en y apposant la mention « ceci n’est pas un mémoire sur la contrefaçon », je me posais des questions sur la double relation de cette page avec la photo de Wedge dont je présente d’autres contrefaçons présumées d’une part, mais aussi avec la mention « ceci n’est pas une pipe » de Magritte d’autre part. Je dégrade ainsi le graphisme de Wedge mais je dégrade aussi le concept de Magritte. Il nous dit que son tableau représentant une pipe n’est pas une pipe, ce qui veut dire qu’il ne se fume pas, par exemple. Il nous invite à regarder le tableau lui-même comme un objet du réel. Or, quand je contrefais son concept, j’emprunte le concept de sa phrase mais ne reproduis pas le caractère surréaliste de son indication. Mon indication est inscrite sur le mémoire lui-même et non sur une toile représentant cet objet. Sans être vraiment une contrefaçon de la modalité surréaliste de son expression, mon pillage de son concept est plutôt 19 parodique. Ma phrase suppose une touche humoristique en même temps qu’une référence au Maître belge. Un juriste qui la jugerait contrefaçon, pourrait le faire en référence, comme il est dit plus haut, à un usage abusif de la « marque » Magritte. Cela conduirait à admettre que Magritte est devenu une marque, au sens moderne de la communication. Mes recherches sur Internet m’ont conduite à découvrir le blog de Kitab (kitab.overblog.net/article-11338080.html). L’auteur y examine la question des similitudes entre les œuvres de René Magritte que j’ai présenté ici, d’Alain Robbe-Grillet, précurseur du nouveau roman qui fait paraître en 1975 un roman, « La belle Captive » dans lequel sont représentées 37 peintures de Magritte et d’Hayao Miyazaki, grand maître du cinéma d’animation japonais. Concernant les relations entre les œuvres de Robbe-Grillet et celles de Magritte : il publie dans « La belle Captive » 77 peintures. Or « La belle Captive » est un titre lui-même tiré de six tableaux de Magritte achevés entre 1931 et 1967, tous eux-mêmes intitulés La Belle Captive. On a déjà vu que Magritte avait nommé La philosophie dans le Boudoir deux de ses tableaux, comme l’œuvre de Sade, sans que l’on puisse y trouver un quelconque rapport avec le concept pictural utilisé (habits-corps). Dans la similitude avec Robbe-Grillet, à l’achèvement du dernier de ces tableaux, l’année de sa mort en 1967, Magritte ignorait le projet de l’écrivain. Cette similitude est recouverte par une autre fondamentale : chez Robbe-Grillet, selon Pierre Reverdy, la poétique définie par l’union des images et du texte vient du « rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées l’une de l’autre » telles que j’ai pu l’évoquer plus haut pour Magritte qui produit une forme de peinture ou de dessin que l'on peut qualifier de littéraire. […] avec une syntaxe particulière qui régit l'organisation de ces “mots” et un traitement de […] la discontinuité dans l'espace, de la rupture entre tel objet et son environnement…(Gérard Klein, 1967, Fiction, N°61). « Plus les rapports entre les deux réalités rapprochées seront lointains et justes, [ chez Robbe-Grillet], plus l’image sera forte » (Ben Stoltzfuss, 1999, The French Review). Cf Annexe Magritte 1 On le voit, à partir d’exemples tirés de ce blog, qu’il y a une similitude conceptuelle : 20 Laputa- Le Château dans le ciel. Le Château des Pyrénées Hayao Miyazaki René Magritte, 1959 Porco Rosso. La Bonne Fortune Hayao Miyazaki René Magritte, 1945. Le Sorcier René Magritte, 1945. Kamajii dans le voyage de Chirico. Hayao Miyazaki 21 Ce ne sont pas les liens de similitude qu’entretiennent deux œuvres qui permettent de définir l’une d’elles comme contrefaçon et dans les comparaisons qui viennent d’être examinées elles sont pourtant flagrantes, tant entre les deux « producteurs d’images » qu’entre Magritte et le littérateur. Pour en revenir à la page de couverture de ce mémoire, la ressemblance entre ma phrase et celle que Magritte a inscrite sur son œuvre « La trahison des images » est très forte : elles sont structurellement identiques. Pourtant, les relations qu’elles entretiennent avec l’objet désigné (dans mon cas) et la représentation de l’objet désigné (dans le cas du peintre) sont radicalement différentes. Il n’en va pas du tout de même des relations qu’entretiennent les images : celle que je reprends de James Web, celle que celui-ci publie dans le magazine photo et les tableaux de Magritte qu’elles contrefont, ces relations sont exactement établies sur le même concept original que nous pillons au grand peintre. Si la similitude formelle n’est pas à elle seule la garantie de définition de la contrefaçon et si, sous des approximations de correspondances formelles, c’est le copiage du concept qui peut valider l’hypothèse de contrefaçon, il faut se poser la question de la reproduction de nature métaphorique. Quels liens éventuels entretiennent la contrefaçon et la reproduction de type métaphorique ? Retour au sommaire 2- Contrefaçon et métaphore - Définition : On trouve dans Wikipédia une définition qui renvoie au grec µεταφορά, metaphorá, au sens propre, transport, c'est-à-dire une transposition de sens. Le procédé de langage appelé métaphore relève de la linguistique et de la rhétorique. Une métaphore est une figure de sens dans laquelle un mot qui a habituellement un sens A est utilisée avec un sens B. Cette substitution se fait sur la base de propriétés communes aux deux termes. La métaphore suppose toujours une similitude ressortant comparaison implicite, difficile à distinguer de l’analogie. C’est cette similitude qui m’intéresse dans le cadre de la présente étude sur la contrefaçon puisque qu’il est question de dire si cette dernière peut ou non se définir à partir des similitudes entre l’original et la « copie ». Mais l'intérêt de la métaphore est d'attribuer au sens B certaines nuances, et pas n'importe lesquelles, qui appartiennent au terme A. On peut citer des exemples de métaphores empruntant des noms désignant habituellement des parties du corps (homme ou animaux) pour désigner des objets ou parties d’objets : la tête du clou , les pieds et les bras du fauteuil, la bouche de l’égout, les yeux du bouillon, le nez de l’avion, l’épaulement d’un relief, la jambe de force, la cheville ouvrière, l’aile de l’avion. 22 Une définition restrictive de la métaphore est « Dire l’abstrait avec un mot concret ». Par exemple : « l’internaute tisse des liens sur le net (ou la toile), même lorsqu’il balaie les arguments de son contradicteur». Métaphore ne désigne pas seulement un ou plusieurs éléments de langage (tisse, toile, balayer) mais désigne aussi un procédé qui n’est pas réductible à la comparaison. Alors que la comparaison établit un rapport rationnel entre deux ensembles sémantiques qu'elle laisse intacts, la métaphore induit une correspondance inédite impossible dans la réalité. Dans la comparaison la question de repérage de la similitude a un sens ; pas dans la métaphore. On peut donc dire d’ores et déjà que pour la contrefaçon si, bien qu’insuffisante à la définir, la similitude a un rôle, cela suffit à distinguer métaphore et contrefaçon. Métaphore (comme contrefaçon) désignant un procédé, on peut en voir des applications et (comme pour la contrefaçon) se poser la question de son efficacité fonctionnelle. Prenons l’exemple des applications métaphoriques en informatique. Les ingénieurs sont familiers des métaphores linguistiques telles que « la mémoire de l’ordinateur » pour décrire une activité de stockage (magasin). En informatique, des métaphores vont plus loin que cela en constituant le procédé qui gouverne la façon (au sens de fabrication) même des interfaces entre l’homme et les machines. L’intuition du paradigme de la métaphore a lieu sans nécessité de comprendre les mécanismes d’un logiciel. Il s’agit ainsi d’un pas en avant par rapport au paradigme technologique, mais sa puissance et son utilité ont été gonflées en proportions peu réalistes. Le Larousse définit l’intuition comme une «forme de connaissance immédiate qui ne recourt pas au raisonnement». Nous comprenons intuitivement les choses par en les comparants avec ce que nous avons déjà appris. Vous comprenez intuitivement ce que signifie l’icône de la poubelle parce que vous savez tous ce qu’est une poubelle et quel est son fonctionnement. Mais en son temps, vous n’auriez pas pu comprendre intuitivement l’usage d’une poubelle. Retour au sommaire 3- Tare de la métaphore : « Le problème le plus insidieux avec les métaphores, le grain de sable dans l’engrenage, survient lorsqu’on associe nos interfaces à des objets de l’âge mécanique. Il est facile d’apprendre intuitivement comment utiliser, par exemple, un presse-papier (clipboard), parce que c’est une métaphore. Mais après l’adhésion effective à cette métaphore, le service rendu se révèle incroyablement faible. Le presse-papier ne peut pas contenir plus d’une chose, il ne garde en mémoire aucun historique des manipulations, il ne permet pas d’identifier l’origine des images, aucune visualisation sous forme de vignette n’est disponible et il ne sauve aucun contenu d’une manipulation à l’autre. Toutes ces actions sont non-métaphoriques et devraient être néanmoins apprises. Suivre cette métaphore donne aux utilisateurs une impulsion lors de la première utilisation du presse-papier, mais elle masque considérablement et de manière durable la faiblesse arbitraire du service. » "Le mythe de la métaphore" est une traduction par Marc Wathieu dans la revue "Visual Basic Programmer's Journal" en juin 1995. 23 La contrefaçon, quant à elle, peut-elle se contenter de fonctionnalités aussi limitées par des tares ? En tant que procédé, elle consiste à produire ou reproduire des exemplaires d’objets que l’utilisateur pourra assimiler aux originaux non seulement parce qu’ils leurs ressemblent mais aussi parce que leurs fonctionnalités sont comparables, si non identiques. Contrefaire un sac Louis Vuitton, c’est utiliser un procédé de fabrication qui ne se définit pas par sa stricte ressemblance avec l’original utilisé : il peut même être (et, pour des raisons économiques sera sans doute) sensiblement différent. L’essentiel est qu’il permette de produire un produit confondu avec l’original (et donc acheté et consommé) sur ses caractéristiques et ses fonctionnalités. Si nous venons au cas des contrefaçons des produits de communication, il est intéressant de faire le rapport avec les interfaces en informatique dont il vient d’être parlé. En effet, affiches, spots de pub TV, produits média, mais aussi expositions culturelles, articles de revues scientifiques pour les chercheurs… se présentent bien comme des interfaces entre l’individu et son environnement. La question des caractéristiques métaphoriques de ces contrefaçons et de leur utilité et de leur efficacité fonctionnelle se pose donc comme en informatique. On vient de voir qu’en informatique, le paradigme métaphorique n’est pas aussi efficace qu’il serait souhaitable et n’est flagrant que pour des développements assez limités. Qu’en est-il en matière de contrefaçon? S’agit-il d’un procédé qui ne serait valide que pour des applications limitées ? S’agit-il même d’un procédé qui, comme on en fait le reproche à l’approche métaphorique des interfaçages en informatique, stopperait l’innovation et l’inventivité des développeurs ? « Dans le domaine du design d’interface-utilisateur, le futur sera idiomatique [nous dit Alan Cooper], suite logique de la capacité normale des êtres humains à apprendre facilement et rapidement, tant que nous ne les forçons pas à comprendre le comment et le pourquoi. Il y a une infinité d’idiomes à inventer, plutôt qu’un éventail de métaphores à exploiter. Les métaphores semblent d’abord être un gain pour les utilisateurs débutants mais elles se montrent lourdes de conséquences lorsque l’on progresse dans l’utilisation approfondie d’un logiciel. Il est donc préférable de concevoir les choses de manière idiomatique, en utilisant la métaphore de manière occasionnelle, lorsque l’une d’elles nous tombe sous la main ». Dans le domaine de la contrefaçon qu’en sera-t-il ? C’est l’une des pistes de départ dans ce mémoire que de s’interroger sur la stérilisation éventuelle de l’innovation et de l’inventivité des développeurs de produits nouveaux de communication que pourrait entraîner l’expansion de la contrefaçon. Il faut considérer dans ce travail les relations susceptibles d’exister entre la contrefaçon, en tant que reproduction (vol) de design (conception) et les freins à l’innovation. Considérer ces liens ouvre à la question de la répression légale de la contrefaçon dans la société et, donc, des outils de droit sur lesquels doit reposer cette répression autant que sur leur mise en œuvre. Retour au sommaire 4- Définition opératoire Définir la contrefaçon à partir des seules correspondances du produit contrefait avec l’original, que ces correspondances soient homologiques ou métaphorique pourrait se faire ainsi : contrefaçon = réalisation d’un produit qui entretient avec un modèle original de telles 24 correspondances qu’il permet à son producteur de le faire passer abusivement pour cet original. Cette définition est de l’ordre de l’objet. Elle n’est pas de l’ordre de l’acte et n’introduit donc pas le jugement sur l’acte qui ouvre à la saisie juridique. Or cette saisie juridique est indispensable à cause des conséquences sociales et économiques de l’acte. - Dans le présent travail, le chapitre suivant le montrera, c’est à partir des jugements rendus par application du droit que les produits de communication pourront être définis comme « contrefaçon ». Chacun de ceux qui sera étudié dans la partie empirique de ce mémoire du point de vue des analogies qu’il présente avec son présumé « original » pourra donner lieu à une hypothèse de contrefaçon qui ne sera que provisoire tant qu’un jugement de droit ne l’aura pas validé. Qu’il s’agisse d’un jugement officiel rendu au regard des lois qui protègent la propriété intellectuelle ou qu’il s’agisse, provisoirement, de lois internes aux organisations de production comme des règles déontologiques, par exemple. Le faux Journal Télévisé de la RTBF qui sera l’un des produits de communication soumis à mon étude sur le plan de son analogie avec les vrais JT, par exemple, a d’abord été jugé en interne, par la corporation médiatique, puis par les responsables de la société belge, par le peuple, mais aussi par des instances de contrôle qui ont administré des sanctions aux auteurs. De même pour les affiches ou les spots de Pub TV que je retiens d’étudier du point de vue de leurs similitudes, l’hypothèse de contrefaçon sera formellement validée dans leur cas qu’après jugement des tribunaux, pour peu que les victimes portent plaintes. - Les produits étudiés ici pour supporter l’hypothèse de contrefaçon seront des produits de communication au sens professionnel. La contrefaçon d’un article de revue scientifique, par exemple, est bien un produit professionnel de communication dans l’univers de la recherche universitaire. J’ai, un temps, envisagé d’examiner de tels exemples. Finalement, j’ai choisi de limiter ce travail à des produits du monde professionnel dit « de la Communication », comme ma formation m’y prépare. Les produits de communication résultent d’un processus de production comportant deux dimensions : conception et exécution. Dans le cas de la contrefaçon des produits manufacturiers (ex : montres Cartier), le contrefacteur pille la conception (design) et appliquant un processus de production de format identique ou non, dans des conditions de réalisation économes de moyens, exécute (exécution) la fabrication d’un produit identique ou similaire à l’original en s’en attribuant de façon abusive l’origine conceptuelle. Dans le cas de la production de produits de communication (site web, affiche, spot de Pub…) on retrouve aussi, intégrées ou séparées, les deux dimensions de conception et d’exécution. Contrefaçon Je propose de considérer comme contrefaçon : le pillage de la conception de produits de communication au bénéfice de la production de produits identiques ou similaires dans des conditions d’exécution non-conformes à celles des produits originaux, lorsque le contrefacteur tente de faire passer le produit contrefait pour original ou l’utilise ou le diffuse comme tel. Retour au sommaire 25 L’objet du présent chapitre est, à partir d’exemples jugés, d’amener la question de la contrefaçon sur le registre juridique et d’apporter des informations basiques concernant le code de la propriété intellectuelle. Il est aussi d’ouvrir aux applications de recherches universitaires sur la contrefaçon d’une manière qui complètera l’introduction directe de ma problématique. A- Exemples : Il est intéressant de commencer par citer, en les rapportant tels que découverts sur le web, quelques exemples variés de ce que l’on appelle des contrefaçons. Le premier est porté devant la justice mais le verdict n’a pas encore été rendu. Les suivants ont été jugés. 1- Faux exemplaires de terracotta ou Faux produit communication culturelle ? “Irony Strikes as One of China's Biggest Attractions Gets Pirated They're one of the biggest draws on the global traveling artifact circuit. The Terracotta Army continues to march across the planet on a seemingly unstoppable mission to conquer museums. Even when they're not real. Emperor Qin would have been so proud. Or would he?” Le 17 décembre 2007, la page d’accueil du Deutsche Welle, -dw-world.de - (http://www.dwworld.de/dw/article/0,2144,2999093,00.html) s’ouvrait l’annonce, retentissante en Allemagne, d’une « piraterie » culturelle par utilisation dans un célèbre musée de Hambourg, le Hamburg Museum für Völkerkunde, à des fins de communication culturelle entre les grands peuples du monde, de contrefaçons de plusieurs statues parmi les plus admirées de Chine : des statues réputées provenir de la célèbre « armée de terracotta ». AFP Emperor Ying Zheng ruled China over 2,000 years ago and is credited with inventing the centralized empire -- albeit through often brutal means. 26 Depuis son ouverture, le 25 novembre 2007, quelques 10 000 visiteurs bernés ont déjà cru admirer des soldats originaux de terre cuite vieux de plus de 2000 ans, précieusement exposés, protégés pour certains dans des vitrines et gardés en sûreté dans ce musée. REUTERS Les maîtres d’œuvre de l’exposition, culturelle des spécialistes de l’art sculptural aux dirigeants du musée, des organisateurs aux spécialistes de la culture chinoise impériale, ont accueilli avec les plus grandes précautions et disposé avec le plus grand soin ces « œuvres sublimes », qui, contrefaçons d’apparence parfaites, étaient de créées récemment et, du coup, ne méritaient certainement pas toute cette publicité. 8 Getty Images The silent warriors have been sent from China for the exhibition "The First Emperor: China's Terracotta Army." La nouvelle ne fut traitée dans la presse française que plusieurs jours après que la presse allemande et internationale en ait fait les gros titres. Si je fais un point de ma revue de presse internationale sur cette question à la date du 17 Décembre, date de la première relation 8 une exposition est une forme produite de communication 27 télévisuelle des faits en France (France 2, Télématin du 17 12 07 - cf annexes numériques), je vois apparaître dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung un court résumé des faits, les premières mises en cause dégageant les deux pays, et les premières explications invoquées par les présumés coupables reconnaissant la contrefaçon (ce sont bien des copies) mais s’exonérant au regard du droit de la propriété intellectuelle (ce qui était annoncé authentique était l’argile, pas les copies) : « La dernière exposition du musée ethnologique de Hambourg qui présentait des statues de guerriers chinois en terracotta sensés avoir plus de 2000 ans vient d’être fermée. La direction du musée vient d’apprendre que les statuettes n’étaient pas des originaux. Ce sont les autorités chinoises qui ont révélé l’affaire et fait éclater le scandale en déclarant que les statuettes exposées à Hambourg n’étaient pas authentiques. L’organisme qui a servi d’intermédiaire entre les fournisseurs chinois des œuvres et le musée s’est défendu comme il pouvait : « Nous n’avons jamais utilisé le label « original ». Sur le contrat passé avec le musée, l’organisme s’engageait à fournir des « statuettes authentiques en matériel original » une formule qui prête à confusion ! C’est la matière et non l’œuvre qui était originale ! Guerre sur les mots et les contrats entre l’organisme fournissant les œuvres et le directeur du musée : « j’ai regardé dans le dictionnaire : original et authentique sont deux mots qui sont synonymes et qui ont le même sens ! » a-t-il lancé à ses détracteurs. Il espère que les visiteurs lui pardonneront. Il estime avoir été lui-même victime d’une supercherie. » Frankfurter Allgemeine cité par France 24 (http://www.france24.com ). L’affaire étant devant la justice, il sera intéressant de voir ce qui sera invoqué pour définir la contrefaçon mais nous sommes devant un exemple intéressant où la contrefaçon de produit matériel est en intersection avec celle de produit culturel. Est-ce la tromperie qui sera réprimée ou la contrefaçon elle-même. Rappelons nous que, dans la vallée de la Vézère, pour des raisons de protection de l’œuvre (sauvegarde des peintures rupestres) ce sont des contrefaçons qui sont présentées officiellement au public dans une réplique de la grotte de Lascaux. Retour au sommaire 2- Contrefaçon, Nouvelles technologies et Droit de la Communication. (tiré du site : www.bignonlebray.com ) Madonna et la violation d’exclusivité : contrefaçon, concurrence déloyale et publicité mensongère : De multiples fondements juridiques sont susceptibles de venir sanctionner la violation d’exclusivité de la distribution d’un titre musical. Le jeudi 20 juillet 2006. 28 Le tribunal de commerce de Paris, le 23 juin dernier, a sévèrement sanctionné VirginMega à raison notamment de la violation de l’exclusivité de mise à disposition d’un titre musical de Madonna consenti par Warner Music France à France Télécom et Orange, en dépit des critiques formulées à l’encontre de ce nouveau modèle de distribution d’œuvres. VirginMega, plate-forme de téléchargement, avait conclu un contrat avec Warner Music France afin d’obtenir les droits nécessaires à la distribution en ligne du « catalogue disponible » de la maison de disque. Or, Warner Music France avait concédé à France Télécom et Orange l’exclusivité de sa mise à disposition. La question était donc de savoir si le titre « Hung up » de Madonna, distribué par Warner entrait dans ce « catalogue disponible », si bien que VirginMega pouvait proposer le titre, en dépit de l’exclusivité consentie. Contrefaçon Aux termes du contrat liant VirginMega à Warner, cette dernière conservait le pouvoir de déterminer les phonogrammes y entrant. En conséquence, VirginMega ne pouvait proposer le téléchargement du titre avant la date précisée par Warner : le titre « Hung up » de Madonna ne faisait donc pas encore partie du « catalogue disponible ». Dès lors, le tribunal de commerce a sanctionné la plateforme pour contrefaçon de droits voisins, et également pour contrefaçon de droit d’auteur à raison de la reproduction et de la communication du visuel de l’album sur le site. Retour au sommaire 3- Droit d’auteur et contrefaçon : téléchargement en p2p. L'histoire remonte à juin 2005, quand la Galatée Films et Pathé Renn Production (les Choristes) attaque en justice opérateurs et annonceurs publicitaires sur le net estimant que ces annonceurs financent, par la publicité, les sites de téléchargement "pirate" (lorsque ces sites diffusent de la publicité pour la SNCF par exemple. L'exemple que souhaitait faire Christophe Barratier, réalisateur des "Choristes" est tombé à l'eau ! Neuf Telecom, AOL France, Telecom Italia France, Voyages-sncf.com, Finaref et La Française des Jeux, accusé de complicité de contrefaçon au droit d'auteur ont donc été rejeté par le tribunal correctionnel de Paris. Si le tribunal estime en effet que de tel site de téléchargement sont illégaux, il estime en revanche que s’il est "plausible de supposer que les annonceurs aient toléré leur présence sur ces sites qui attirent plusieurs millions d'internautes chaque jour et constituent des supports publicitaires particulièrement attractifs", "force est de constater que ces déductions ne reposent que sur des vraisemblances et des hypothèses"... "Aucun élément probant ne démontre leur intention de commettre l'infraction qui leur est reprochée". Pour autant le tribunal correctionnel ne dit pas que diffuser une pub de la SNCF ou de la Française des Jeux est légal (ou illégal) il estime simplement qu'aucun élément ne permet de déterminer si les annonceurs ont autorisés la 29 diffusion sur des sites de liens P2P de façon consciente ou non. Aucun élément ne permet de dire que cette diffusion est intentionnelle. http://www.bignonlebray.com/departements/pint/article.php3?id_article=491 En première instance, la complicité de contrefaçon n’est pas retenue pour les annonceurs de publicité apparaissant sur des sites de p2p Affaire « Les Choristes » Le vendredi 18 août 2006. Selon les juges de première instance, les annonceurs ne sont pas coupables de complicité de contrefaçon pour la diffusion de leurs publicités sur des sites p2p, faute de démonstration de l’élément intentionnel de la complicité. Les ayant-droits du film « Les Choristes » ont fait citer par devant le tribunal correctionnel plusieurs annonceurs dont des publicités étaient apparues sur des sites de p2p proposant illicitement le film en téléchargement. En premier lieu, les magistrats analysent l’existence du délit de contrefaçon pour la proposition du film sur les réseaux p2p et considèrent l’infraction constituée tant par les internautes téléchargeant et mettant à disposition illégalement le film que par les sites de p2p les mettant à disposition (« mise à disposition industrielle du public par les sites "peer to peer", d’œuvres illicitement téléchargées »). En second lieu, les magistrats analysent l’existence de la complicité, au regard des dispositions de l’article 121-7 du Code pénal, pour avoir volontairement facilité la consommation du délit. La complicité à été conclue à l’encontre des annonceurs dont des publicités apparaissaient sur les sites de p2p concernés. Sur ce point, les plaignants arguaient notamment de dispositions de la loi dite loi Sapin, pour soutenir que les annonceurs devaient être regardés comme ayant connaissance des conditions de diffusion de leurs publicités et donc du caractère manifestement illicite des actes de contrefaçon commis. Les magistrats ont écarté les dispositions de la loi Sapin, en considérant que ces dernières n’avaient pas à trouver application dans le cadre pénal de cette affaire. Les magistrats relèvent notamment les vraisemblances suivantes : que les annonceurs en cause font un usage massif de la publicité sur internet qu’il ne serait pas crédible qu’ils ignorent tout de la présence de publicité en leur faveur sur des sites de téléchargement illégal. qu’il n’est pas réellement crédible que les agences médias intervenant contractuellement pour leur compte aient, s’agissant de clients de cette importance, procédé sans obtenir leur accord, qu’il est « plausible de supposer que ces annonceurs aient toléré leur présence sur ces sites qui attirent plusieurs millions d’internautes chaque jour et qui constituent des supports publicitaires particulièrement attractifs. » Or le Tribunal rappelle que la complicité nécessite la démonstration d’un élément intentionnel et qu’il « n’existe pas légalement pour ce type d’incrimination d’obligation de vigilance renforcée ou de présomption de mauvaise foi. » 30 Les annonceurs versaient notamment aux débats : des contrats entre les annonceurs et les régies, versés aux débats, qui comprennent des stipulations interdisant les diffusions des publicités sur des sites p2p ou d’autre sites non agréés, des refus d’insertion et d’une plainte déposée contre X en raison d’une bannière publicitaire figurant, à l’insu de l’annonceur, sur l’un des sites incriminés, d’un rapport d’expertise notant que certains des annonceurs ne pouvaient pas « techniquement avoir une connaissance précise des sites sur lesquels sa bannière avait été utilisée. » des relevés d’insertions publicitaires et des plans médias qui n’incluent aucun site litigieux du fait que les régies ont fait appel à des sous régies. Le Tribunal note qu’ « aucune rémunération entre les annonceurs et les sites litigieux n’a pu être établie. » et conclut, au regard de l’ensemble des faits, que la preuve de l’élément intentionnel n’est pas rapportée. Le Tribunal prononce donc la relaxe des annonceurs : « Ainsi aucun élément probant ne démontre leur intention de commettre l’infraction qui leur est reprochée. Il y a lieu dès lors de les relaxer des chefs de la poursuite. » Les parties civiles ont interjeté appel de cette décision. (Charlotte Paoli ; Sources : Tribunal correctionnel de Paris 31ème chambre, 21 juin 2006, Pathé Renn Production et Galatée Films et autres / 9 Telecom et autres) Retour au sommaire 4- Contrefaçon de sculpture : ORDONNANCE DE REFÉRÉ rendue le 20 octobre 2006 N°RG : 06/58359 BF/N° : 1 Assignation du : 4 Octobre 2006. Extraits : […] « Attendu que le flacon exploité par la société GUERLAIN est caractérisé par le même principe d’empilement de trois éléments sphériques d’importance décroissante disposés de façon contrariée, produisant un effet de “triple révolution” ainsi que le souligne la publicité; qu’en dépit de différences mineures, l’impression d’ensemble produite par les deux pièces est identique, étant ici souligné que la mobilité des sphères supérieures formant le bouchon permet différents aspects de décalage par rapport à l’axe; Attendu que la société GUERLAIN fait valoir que le modèle qu’elle exploite en vertu du contrat de cession conclu avec la société EXERGUE a été réalisé sur la base d’une sculpture 31 créée en 1974 par M. M., sculpture qui a été ensuite adaptée pour la réalisation d’un flacon de parfum dont le modèle a été déposé le 2 juillet 1996 par la société EXERGUE auprès du Conseil National des Ingénieurs et des Scientifiques de France et qu’ainsi le modèle déposé par la société CARDIET se trouve antériorisé; […] attendu que la société GUERLAIN tient ses droits d’un contrat de cession Signe avec la société EXERGUE le 20 juin 2005, dont tant le préambule que l’article 2 précisent que la société EXERGUE est “l’ auteur” des deux modèles de flacons de parfum cédés qui ont été “spécialement créés à l’attention de la société GUERLAIN le 29 octobre 2004”. Que l’article 1 indique que la cession comporte les dessins originaux, les documents d’exécution, les illustrations diverses et les maquettes visuelles réalisées par le cédant; que ces documents, dont il a été indiqué à l’audience qu’ils n’avaient pu être retrouvés dans le court délai imposé par la nature de la procédure, ne sont pas versés aux débats; Qu’en se prévalant de créations antérieures réalisées par M. M. voire par la société EXERGUE, lesquelles ne lui ont pas été cédées, la société GUERLAIN admet implicitement mais nécessairement que le contrat de cession en date du 20juin 2005 est dépourvu d’objet, faute de création réalisée dans les conditions et à la date indiquées; Que s’il lui est possible tout comme aux intervenants volontaires, de contester la validité du modèle déposé par la société CARDIET et l’originalité de la création réalisée par son dirigeant, force est de constater que le modèle prétendument déposé par la société EXERGUE en 1996 n’est pas identifiable, ce dépôt ayant disparu avec d’autres dans un incendie; Qu’en ce qui concerne la sculpture, les pièces produites ne permettent ni de l’attribuer à M. M., ni de la dater avec l’évidence requise en référé; Qu’en conséquence, il y a lieu de constater que la société GUERLAIN exploite sans droit, un modèle de flacon de parfum produisant une impression générale d’ensemble identique au modèle déposé par la société CARDIET, créé par M. C ; Que les exploitations intensives ainsi réalisées causent un trouble manifestement illicite aux demandeurs et en particulier à la société CARDIET qui se trouve privée de toute possibilité de commercialiser le modèle en cause; Qu’il s’en suit que la mesure d’interdiction sollicitée est bien fondée ; Attendu que les demandeurs ont indiqué à l’audience renoncer à leur demande de retrait, ce dont il leur sera donné acte; Attendu qu’il n’incombe pas au juge auquel il incombe de trancher les litiges, de réserver les droits à agir des parties à l’instance; Qu’il serait inéquitable que les demandeurs supportent la charge de leurs frais non compris dans les dépens; qu’il leur sera alloué la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile; Que la société GUERLAIN sera condamnée aux dépens de la présente instance. PAR CES MOTIFS Statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance de référé contradictoire et en premier ressort, Rejetons les exceptions d’irrecevabilité des demandes, Donnons acte à C. et à la société CARDIET DESIGN de ce qu’ils renoncent à leur demande de retrait de la vente des flacons de parfum INSOLENCE, commercialisé par la société GUERLAIN; Faisons interdiction à la société GUERLAIN de poursuivre la reproduction du modèle de flacon de parfum qu’elle commercialise sous la dénomination “Insolence” en ce qu’elle cause un trouble manifestement illicite aux droits de la société CARDIET DESIGN sur le modèle 32 enregistré sous le n°DM013522/634 757 et au droit moral d’auteur de M. C. et ce dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision; Disons n’y avoir lieu à statuer sur la réserve des droits à agir sollicitée par les intervenants volontaires; Condamnons la société GUERLAIN à payer aux demandeurs la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance. » Retour au sommaire B- Le droit et la contrefaçon : Les quatre exemples rapportés ici suffisent à le démontrer, la question de la définition en droit de la contrefaçon serait aussi difficile que celle de sa définition tout court si la matière juridique n’avait pas recours à des a priori formalistes. Dans le premier exemple, l’incrimination portera sur l’usage d’objets qui sont des faux (terracota) et non sur la publicité mensongère qui a attiré 10 000 visiteurs devant des œuvres de soit disant 2000 ans et s’est annoncée comme « mission » de communication interculturelle. Dans les exemples où un jugement a été rendu, c’est autant la variété des attendus que les motifs qui retiennent notre attention. En droit, la contrefaçon est la reproduction totale ou partielle d’un élément protégé. Elle est caractérisée, indépendamment de toute mauvaise fois ou faute, par la reproduction, la représentation ou l’exploitation d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés. Selon l’article L. 335-2 du CPI (Code de la Propriété Intellectuelle), “ Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de tout autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon ; et toute contrefaçon est un délit […] ” L’article L. 335-3 du CPI précise que “ Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits d’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi. […] ” Par exemple, dans le cadre de ce mémoire, je rapporte un certain nombre de citations relevées sur Internet au cours de mes de recherches d’informations. Cette action est réglementée par le droit de la propriété intellectuelle. La reproduction par un tiers à son compte d’un texte publié sur un site web sera qualifiée d’acte de contrefaçon dans la mesure où ledit texte est original, et donc protégé dès sa création par le droit d’auteur. Toute personne peut le citer ou en faire une copie pour un usage privé, mais doit demander l’autorisation à son auteur pour le reproduire ou le communiquer au public. Une action en contrefaçon pour atteinte aux droits moraux de l’auteur est ainsi possible si la victime est en possession de preuves de sa qualité d’auteur desdits textes. 33 L’action civile est soumise au droit commun, sachant que le contrefacteur de bonne foi engage sa responsabilité civile. Les tribunaux compétents sont le tribunal de grande instance ou le tribunal de commerce selon les cas. Le juge des référés peut être saisi en cas d’urgence afin de faire cesser la contrefaçon et d’obtenir une provision sur dommages et intérêts. La juridiction des référés est habilitée à prendre toutes mesures pour faire cesser un trouble manifestement illicite. (Article L. 716-6 du CPI). Le droit de la propriété intellectuelle concerne aussi toutes autres œuvres intellectuelles que les textes : œuvres d’art, concepts et œuvres de design, dessins et images… « Le droit d'auteur fait partie du patrimoine de celui-ci. Juridiquement, il forme une catégorie autonome de droits patrimoniaux, car il n'est ni un droit réel portant sur une chose, ni un droit de créance exercé à l'encontre d'un débiteur. Le droit anglo-saxon connaît la notion de copyright9 qui ne recouvre que la part patrimoniale du droit d'auteur. Ces droits constituent l'élément essentiel de la propriété littéraire et artistique et scientifique, bien qu'ils soient tout à fait distincts du droit de propriété puisque ce ne sont pas des droits réels. L'usage du terme propriété intellectuelle est né d'une traduction approximative de l'anglais « property » signifiant « bien » et non « propriété ». […] Une œuvre entre dans le domaine public lorsque les droits patrimoniaux sont épuisés. C'est le cas, par exemple en droit de l'Union européenne, 70 ans après la mort de son auteur. Cette œuvre devient alors utilisable gratuitement, la seule contrainte étant due aux droits extrapatrimoniaux. Il suffit de citer le titre et l'auteur de l'œuvre utilisée, d'en respecter l'intégrité et les caractéristiques principales, ainsi que la forme originelle, sous réserve des exceptions.. Le droit d'auteur repose sur l'idée d'un droit personnel de l'auteur ou d'un éditeur, fondé sur une forme d'identité entre l'auteur et sa création. Le droit moral est ainsi constitutif de l'attachement du droit d'auteur à la personne de l'auteur plutôt qu'à l'œuvre : il reconnaît dans l'œuvre l'expression de la personne de l'auteur, et la protège donc au même titre. La protection du copyright se limite à la sphère stricte de l'œuvre, sans considérer d'attribut moral à l'auteur en relation avec son œuvre, sauf sa paternité ; ce n'est plus l'auteur proprement dit, mais l'ayant droit qui détermine les modalités de l'utilisation d'une œuvre. C'est en ce sens que droit d'auteur et copyright sont liés lorsqu'il y a litige. Les fondements du droit d'auteur sont traditionnellement présentés comme issus d'une approche naturaliste. Celle-ci se démembre en deux courants : la conception fondée sur le travail, dérivée des travaux de John Locke, la théorie de la personnalité d'autre part, dérivée des écrits de Kant et d'Hegel. Tout comme le droit de la propriété intellectuelle dont il procède, le droit d'auteur est fondé sur la conception lockienne de la propriété. En tant qu'être conscient et pensant, l'Homme est propriétaire de lui même. Or, par son travail, l'Homme mêle à ce que la nature lui a donné une partie de lui-même. Dès lors, il est propriétaire du résultat de son travail, en tant que celui-ci incorpore une partie de lui-même (Les deux Traités du gouvernement civil (1690), l’Essai sur l'entendement humain (II, 27, 9)). L'idée originale, mêlant la conscience de son auteur à des données de la nature, est donc soumise à la forme la plus pure de la propriété. » (Wikipédia). 9 Le symbole typographique représentant le mot copyright est le caractère ©) ; il est parfois représenté sous la forme (c) ou (C) 34 La situation du droit varie selon les pays et certaines règles s’imposent maintenant au niveau européen. En ce qui concerne la France, on y connaît un certain nombre d’exceptions au droit d’auteur. Les exceptions à l'exercice du droit d'auteur sont fixées par l'article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle. Un auteur dont l’œuvre est divulguée ne peut interdire les copies ou reproductions à usage privé, à l'exception des copies des œuvres d'art, et des copies d'un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l'article L. 122-6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d'une base de données électronique. Il est possible de copier une œuvre que l'on ne possède pas car la loi ne précise pas que l'original doit avoir été acquis par le copiste. La loi ne précise pas que l'accès doit être licite, mais elle le sous-entend : la copie d'un original obtenu illégalement (par vol, téléchargement en violation des droits d'auteur, etc.) serait un recel de contrefaçon. Sont autorisées, sous astreinte de référence à l’auteur, les citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées, les revues de presse, la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre, enfin quelques autres actions spécifiées. Dans le monde anglo-saxon, la définition du droit de la propriété intellectuelle est sensiblement différente mais très intéressante (pour des raisons que nous verrons plus loin). Il est établi un lien entre la protection des œuvres et l’innovation : « What is intellectual property? Intellectual property (IP) can allow you to own things you create in a similar way to owning physical property. You can control the use of your IP, and use it to gain reward. This encourages further innovation and creativity” (http://www.ipo.gov.uk/whatis.htm). Retour au sommaire C- Evolution du droit, évolution de l’art, évolution de la Communication. 1- La contrefaçon : entre art et technique. Au chapitre précédent, j’ai déjà parler de l’évolution de l’art vers un art conceptuel et les conséquences que cette évolution est susceptible d’entraîner sur la manière d’apprécier les similitudes entre les œuvres et les éventuelles contrefaçons. Dans le même cadre, j’ai cité une réflexion du philosophe avocat Bernard Edelman sur la nécessité de faire évoluer le droit pour s’adapter à l’évolution de l’art. La question de la nécessité de l’évolution du droit pour l’adapter à l’évolution des représentations et de la communication est ainsi soulevée à cause des implications que leur évolution sur le repérage même de la contrefaçon. Actuellement certains juristes fondamentalistes comme certains praticiens du droit tels des avocats réfléchissent à la protection des œuvres et à une reconsidération du droit d’auteur. Agnès Tricoire, par exemple, avocate spécialiste en propriété intellectuelle, qui a défendu Jakob Gautel dans l'affaire de la Nouvelle Eve de Bettina Rheims. Elle est déléguée du groupe culture à la Ligue des droits de l'homme. Elle a fait une thèse à Paris-I sur «la Définition de l'oeuvre» et peut donc avancer des propositions à la fois au nom de la recherche en la matière 35 et au nom de la pratique effective du droit de la contrefaçon. Ses conclusions en la matière proviennent des constats suivants : le droit d’auteur protège les auteurs depuis le début du XXe siècle, il est devenu un outil de concurrence pour l'industrie, au prix d'un assouplissement de ses critères. Ce constat sera totalement corroboré par les préconisations de chercheurs américains (Srigman et Raustiala des universités de Virginie et Berkeley) auxquels je référerai au paragraphe suivant et qui recommandent, dans certaines configurations, une approche laxiste de la protection de la propriété intellectuelle pour des raisons d’économie industrielle. Il est conforme, selon moi, à une tendance du droit anglosaxon à étendre son influence hors de son aire d’origine et en particulier en France. La conception subjectiviste de l'auteur s'est objectivée progressivement, pour que les mécanismes de protection du droit des auteurs s’adaptent à la protection des bases de données, des logiciels... Le droit d'auteur français est en voie de se transformer en droit des producteurs, comme le copyright anglo-saxon. Le relativisme juridique menace la protection des oeuvres et la liberté de création. Agnes Tricoire suggère de différencier les œuvres d’art des produits techniques, de publicité, de communication. Dans une affaire comme celle des « Tableaux-pièges » de Spoerri, elle déplore le jugement de la Cour de Cassation en ce qu’elle applique à un artiste connu pour avoir fait réaliser ses créations par des tiers, la règle de l'authenticité de l'œuvre qu’elle juge désormais dépassée, concernant l’art contemporain et qui ne le serait peut-être pas, si je comprends bien son opinion, en ce qui concerne des productions techniques comme les produits modernes de communication. Cette réflexion débouche sur la question générale de savoir à partir de quand on peut considérer un produit de communication comme résultant de l’art ou de la technique ! L’affiche est elle une œuvre d’art ou un produit industriel ? Que signifie la prétention des spécialistes en communication et des formateurs en ce domaine à nommer « création de produits multi-média » la production des sites web ? Quand on connaît le fonctionnement d’une agence de com’, exactement calqué sur la division du travail en vigueur dans l’industrie, quand on connaît le rôle de la veille sur internet par rapport à celui de la création pure dans la conception des sites, quand on sait les limites à l’originalité qui encadrent un tel processus de production pour être sûr que le produit sera consommé10… On peut comprendre la pertinence de la distinction qu’Agnes Tricoire propose à partir de son point de vue de juriste. Derrière l’attitude de certains juristes en matière de contrefaçon d’œuvres d’art, elle voir resurgir la querelle de l'art contemporain initiée en 1997 par Jean Clair, Jean-Philippe Domecq et Jean Baudrillard. Pour elle, « les naturalistes du XIXe siècle s'étaient déjà heurtés à de tels arguments. Les Sainte-Beuve contemporains, qu'ils soient critiques ou sociologues, s'en prennent violemment aux artistes, au sens générique, devenus des irresponsables. » […] Si l'on n'y prend pas garde, l'art, devenu marchandise dans ses modes majoritaires de production, ne pourra, lorsqu'il est créé par un individu libre et autonome, l'auteur, que respecter les règles du produit consommable. » (Agnes Tricoire interviewée par Edouard Launet de Libération 30 12 2006). La recommandation issue de ce type de réflexion est que c'est au droit de s'assouplir pour englober tout l'art de son temps et non de se définir en seul gardien des normes anciennes en stérilisant la créativité. Ce type de réflexion est directement issu d’une centration sur le concept d’auteur dans le secteur de l’art. Qu’en est-il lorsque la réflexion aborde le problème 10 si le site web « créé » est trop différent de ceux que le visiteur a l’habitude de consulter, on va voir baisser son taux de fréquentation, sa durée de consultation, le taux de conversion (clic=> achat) …sa valeur sur le marché. 36 de la protection du droit d’auteur à partir du secteur de la communication professionnelle, de la publicité, par exemple qui en est le prototype en matière technique ? Les publicitaires réclament justement de bénéficier d’une certaine liberté pour pouvoir s’exprimer et servir au mieux les intérêts des annonceurs. Est-ce une raison pour que le laxisme en matière de répression de la contrefaçon permette l’explosion de pratiques de plagiat ou d’ »emprunt » plus ou moins étendues ? On constate que l’activité publicitaire est un vivier relativement important de comportements contrefacteurs et/ou parasitaires ou considérés comme tels par des décisions que les professionnels du secteur trouvent parfois d’une grande sévérité. Il paraît acceptable que les publicitaires s’inspirent d’éléments qui les entourent et notamment de ceux pouvant donner lieu à un droit privatif préexistant pour produire leurs « créations ». Les droits privatifs auxquels il peut être porté atteinte par la création publicitaire sont généralement aisément identifiables. Il s’agira le plus souvent du droit d’auteur, du droit des marques ou encore du droit des dessins et modèles comme on l’a vu dans les extraits de l’Abrégé de la Propriété Intellectuelle que j’ai présentés dans la première partie de ce chapitre. « Le contentieux de la publicité imitante, relativement abondant, révèle que les juges s’attachent en règle générale aux ressemblances d'ensemble qui se dégagent des deux œuvres en présence et la seule présence de différences minimes ne permettra pas d’exclure le grief de contrefaçon. Certaines actions seront donc menées uniquement sur le terrain de l’atteinte portée à un droit privatif en l’absence de faits distincts de ceux de reproduction illicite du droit privatif, qui auraient permis de révéler en outre un comportement parasitaire. » (LA CREATION PUBLICITAIRE, UNE LIBERTE CONDITIONNELLE : ENTRE CONTREFACON ET PARASITISME. article paru dans « Légipresse septembre 2005, n° 224). Retour au sommaire 2- La Pub : « Entre contrefaçon et parasitisme ». Je me contenterai de citer ici sur deux pages des exemples tirés de l’article de Légipresse et des commentaires dont ils sont assortis pour illustrer la distinction entre contrefaçon et parasitisme à partir de la jurisprudence et introduire notamment un cas apparenté à ceux de spots TV dont je tenterai l’étude des similitudes dans ma partie empirique : celui de publicités pour des voitures. - Une partie d’un parterre du parc du château de Vaux le Vicomte avait été reproduite dans une publicité. La Cour d’Appel de Paris, confirmant la décision des premiers juges, considère que les parterres litigieux expriment incontestablement la personnalité de leur auteur qui a été à même d’exercer tout son art, son savoir faire et son imagination créatrice, conférant ainsi à l’œuvre réalisée une originalité certaine justifiant une protection au titre du droit d’auteur et que la reproduction, dans une publicité, d’une partie du parterre litigieux est donc contrefaisante et porte atteinte au droit moral de l’héritière de l’auteur. - Une scène du film « King Kong » avait été reprise dans un spot publicitaire. La Cour d’Appel après avoir constaté la protection par le droit d’auteur de la scène du film litigieuse, considère que : « en l’espèce, la publicité d’Olivetti reproduit ces éléments caractéristiques et les dissemblances ne font que confirmer le caractère contrefaisant de la photographie publicitaire d’Olivetti et surtout le caractère intentionnel de la contrefaçon, puisque, alors que le film présentait un singe terrifiant, les immeubles modernes World Trade Center, des 37 hélicoptères modernes et un ciel nuageux, le contrefacteur s’est attaché à l’opposé, pour tenter de dissimuler ses agissements, à présenter un singe à l’allure débonnaire, le Chrysler Building des années 30, des avions anciens et un ciel bleu. Et il ne s’agit pas d’une simple idée comme l’ont retenu à tort les premiers juges, mais d’une composition artistique originale qui est protégeable (…) ». La Cour retient donc l’existence d’une contrefaçon. Mais l’analyse de la jurisprudence révèle que, même lorsque l’accusation de contrefaçon n’est pas retenu, la sanction de la publicité qui reprend des éléments caractéristiques d’un ensemble protégé peut venir d’un autre fondement : le parasitisme qui se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’introduit dans le sillage d’un autre afin de tirer profit ses efforts et de son savoir-faire sans contrepartie financière. L'action judiciaire répond au régime de la responsabilité civile de droit commun définie par l'article 1382 du code civil. Il y a donc lieu de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. La jurisprudence donne un certain nombre d’exemples de publicités qui, s’étant inspirées de travaux antérieurs d’acteurs économiques, ont été sanctionnées sur le fondement des agissements parasitaires. Ces exemples ont souvent en commun le fait de sanctionner la reprise d’une idée ou d’un concept qui n’était pas en soi nécessaire pour illustrer le produit ou service objet de la publicité. Il s’agit là d’une limite posée au principe tiré du droit d’auteur selon lequel « les idées sont de libre parcours » et ne peuvent dès lors bénéficier de la protection attachée à la propriété intellectuelle. Encore faut-il distinguer une véritable imitation dans la structure du message et/ou les mots employés, les visuels …etc. En outre, il est important de noter que, même si le risque de confusion n’est pas une condition déterminante dans l’appréciation de l’existence d’un agissement parasitaire, certaines décisions y font néanmoins systématiquement référence, notamment pour écarter l’accusation. - Dans un affaire qui opposait deux sociétés fabricantes de matériel de golf, l’une d’entre elle ayant repris le concept publicitaire de la première consistant à effectuer un rapprochement entre le chariot de golf couramment appelé « caddy » et un chariot de supermarché généralement désigné du nom de son fabricant « Caddie », la Cour d’Appel de Versailles a jugé « (…) qu’il résulte d’un examen détaillé de ces deux messages publicitaires que leur seul élément commun est l’image d’un caddie de supermarché ; que (…) la figuration d’un tel objet dans une image publicitaire n’est pas une idée nouvelle ; qu’en l’espèce cependant, cette utilisation identique est sous-entendue par le même rapprochement entre le chariot de golf dénommé dans l’usage courant de la pratique de ce sport « caddy » et le chariot de supermarché généralement connu sous la marque de son fabricant « Caddie » ; que le double sens est confirmé par les slogans affichés qui jouent sur les mots ; que c’est bien la reprise par la société GOLF US de ce rapprochement par le raccourci d’image, qui est de nature à créer une confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne et qui constitue un fait de parasitisme ; (…) » On le voit c’est ici la reprise visuelle d’un caddie de supermarché « rapproché » du caddy de golf, même si l’idée et l’association entre les deux ne sont pas nouvelles, qui est sanctionnée. - Dans une autre affaire opposant deux fabricants de climatisation, l’un ayant repris le thème publicitaire de l’autre, la Cour de Cassation retient l’imitation du concept publicitaire en jugeant « (…) qu’ayant constaté que la comparaison d’une température intérieure constante et d’une température variable par l’attitude d’un personnage situé à l’intérieur d’une habitation utilisée par GIACOMINI pour la promotion de ses produits puis par le GIE n’est pas nécessaire en soi pour promouvoir la climatisation ainsi que l’établissent les diverses publicités produites au débat, et que l’utilisation de cette comparaison par le GIE est de nature à susciter une confusion dans l’esprit de la clientèle, ce dont il ressort que le GIE a 38 utilisé un concept publicitaire imitant celui retenu préalablement par la société GIACOMINI (…) » Ainsi, dans des hypothèses où l’idée reprise (non protégeable au titre du droit d’auteur) sera très banale ou sans aucune originalité, ou encore lorsque les éléments repris seront nécessaires, fonctionnellement, pour présenter les produits et services, empêchant toute autre forme de représentation, l’action fondée sur le parasitisme devra normalement être rejetée. - Dans une affaire qui opposait les sociétés Volkswagen et Peugeot, la première invoquant le parasitisme publicitaire opéré par le film Peugeot à l’encontre d’un précédent film Volkswagen, « en le piratant de manière subtile mais contraire à la déontologie devant prévaloir entre deux concurrents », le Tribunal de Commerce de Paris a rejeté l’action de la société Volkswagen tant au regard de la question relative à l’imitation qu’à celle du rattachement indiscret. En effet, concernant l’imitation, le tribunal estime que « s’agissant de produits appartenant à la même catégorie de véhicules et ayant parmi ses principaux arguments de vente, la sécurité, la probabilité que de tels produits donnent lieu au développement de thèmes publicitaires proches, voire identiques, est nécessairement très forte et non répréhensible ; S’agissant du rattachement indiscret qui était invoqué par Volkswagen, on notera que le tribunal rejette le grief de manière lapidaire en posant seulement que « le rattachement indiscret à la publicité Audi par Peugeot n’est pas démontré, pas plus que la volonté de la part de Peugeot de profiter des efforts de Volkswagen France dans le but de réaliser des économies ». Retour au sommaire D- Evolution du droit, évolution du design des produits en fonction de cycles de modes et innovation. Le 23 décembre 2007, sur l’antenne d’Europe N°1, Jacques Attali, dans une émission appelée « où va le monde » construit sa chronique hebdomadaire sur l’affirmation que « la copie aurait des incidences positives ». Bien qu’il ne le fasse que très approximativement et en généralisant leur propos. Il fait référence à deux universitaires américains, Chris Spirgman de la faculté de droit de l’université de Virginie et Kal Raustiala, du Berkeley Center for Law and Technology qui viendraient de démontrer les effets bénéfiques de la contrefaçon. Leur article s’intitule : Le paradoxe du piratage dans la mode: l'innovation et la propriété intellectuelle dans le design de mode11. Pour résumer, on y lit que les justifications orthodoxes de la propriété intellectuelle sont utilitaristes. Celui qui défend les droits de la propriété intellectuelle forts (IP right’s high level) souligne le fais que l’absence de ces droits encourage les copistes de free-ride encourage les efforts des créateurs et étouffe l’innovation. Cette justification est logique et bien consignée dans la loi. Pourtant, une importante anomalie empirique existe: l'industrie de la mode mondiale, qui produit une grande variété de marchandises sans forte protection de la propriété intellectuelle est créative. L'innovation et l'investissement restent dynamiques. Le 11 The Piracy Paradox: Innovation and Intellectual Property in Fashion Design (Virginia Law Review, Vol. 92, p. 1687, 2006,UCLA School of Law Research Paper No. 06-04) 39 régime juridique actuel a été fortement critiqué pour ne pas avoir protéger les dessins et modèles de vêtements. Les entreprises prennent des mesures pour protéger la valeur des marques, mais semblent accepter l'appropriation des dessins sont regardés comme une réalité de la vie. Pourquoi, alors que les autres grandes industries ont obtenu des protections de la propriété intellectuelle de plus en plus importantes pour leurs produits, le design de mode reste-t-il le plus souvent sans protection - et économiquement prospère? Pour Sprigman et Raustalia leur semble que l'industrie de la mode opère à l'intérieur d'un subtil équilibre en matière de propriété intellectuelle dans lequel la copie n'a pas dissuadé l'innovation et peut, en fait, même en assurer la promotion. Ils appellent ça le «paradoxe de la piraterie ». Leur article explique comment, dans l'industrie de la mode, fonctionne le paradoxe de la piraterie des œuvres et comment la copie fonctionne comme un élément important et peut-être même un élément nécessaire à rapidité de l'innovation cyclée de la production industrielle. Ils posent cependant la question de savoir dans quelle mesure les droits de propriété intellectuelle sont nécessaires pour stimuler l'innovation? Retour au sommaire 40 A – La répression légale de la contrefaçon et ses déterminants économiques ; Le point de vue légaliste modéré de Sprigman et Raustiala D’après les travaux des universitaires juristes Sprigman et Raustiala, la liberté de piller et contrefaire aurait pour effet de dynamiser le secteur de la mode vestimentaire en favorisant l’innovation. Leur étude montre que des marques grand public (Prada, H&M, Zara et Forever 21…) s’influencent mutuellement et reproduisent leurs modèles vestimentaires les unes les autres, modèles directement inspirés, des collections récentes des grandes maisons de haute couture et de prêt-à-porter (Chanel, Dior, Karan, Armani, Torrente, Lacroix, Lagerfeld, etc), quand ce n’en sont pas de pures copies. De plus, dans ce secteur les règles de protection de la propriété intellectuelle qui existent ne sont appliquées que faiblement et avec souplesse, leurs travaux présentent deux caractéristiques essentielles auxquelles ils attribuent le mécanisme qui, à partir d’une faible répression des fraudes, stimule le dynamisme de ce secteur et y accroît l’innovation : l’obsolescence induite et l’ancrage. L’obsolescence induite : le cycle saisonnier de la mode se caractérise par la diffusion rapide de copies qui après avoir assuré une forte notoriété à un ou plusieurs styles ou modèles, dégrade leur notoriété et donc leur valeur sociale dans l’esprit du consommateur. Quand le design est rare tout le monde en veut pour se distinguer. Beaucoup de gens se précipitent pour l’acheter. Résultat : tout le monde en a et la valeur de distinctivité du modèle est frappée d’obsolescence. On pourrait se poser la question de savoir si ce démodage serait un concept utilisable pour certaines catégories de produits de Communication (styles de spots de Pub ou affiches qui « vieillissent ») et non valide pour d’autres (formats de journaux télévisés, voire sites web pour lesquels l’innovation ne doit pas faire abandonner aux usagers leurs rituels de saisie perceptive et leurs habitudes de consultation ? L’ancrage est le processus par lequel toute l’industrie de la mode converge vers des thèmes identiques durant une même saison. Le mécanisme d’ancrage a pour effet d’être le répertoire de signaux par lequel l’industrie de la mode vestimentaire étudiée signale au consommateur que les tendances ont changé et qu’il est temps de renouveler sa garde-robe. « A partir d’intrants mercatiques et visuels provenant de consultants et de la presse spécialisée, d’observations de la concurrence lors de défilés professionnels ou publics, et d’interactions avec des acheteurs-clés, des grossistes et des détaillants considérés comme stratégiques, des processus convergents de création stylique émergent. Le copiage, l’émulation, le suivisme et l’instinct grégaire conséquents ancrent progressivement la nouvelle saison à quelques thèmes forts librement exploitables par toute l’industrie, thèmes qui muent ensuite en tendances lourdes. » (Agoravox, fichier « Le logiciel libre de la mode ») Je pense, à une possible application qui pourrait être appliquée au domaine des produits de communication. Les processus de production décrits par les auteurs américains sont comparables à ceux dans la création publicitaire. Ils sont aussi à comparer, pour en souligner les dissemblances, avec ceux en vigueur dans la réalisation d’autres produits de 41 communication (site web ou JT….). Les caractéristiques des ces processus et leurs paramètres peuvent-ils nous fournir un répertoire d’indicateurs permettant de distinguer, dans les domaines de production de produits de Communication, mais aussi, par nature implicative, dans les approches contrastées de la contrefaçon des produits de Communication, ceux dont la production ressortit du « démodage » et de l’ « ancrage », de ceux qui n’en relèvent pas. Donc ceux pour lesquels les incidences de la contrefaçon et la liberté de copier en abondance constitue des atouts de développement pour les auteurs pillés, et ceux pour lesquels le pillage est une forme d’extermination.« Pendant que les ouvrières marocaines, tunisiennes, turques, sri-lankaises, chinoises et vietnamiennes se font brimer - des millions d’inactifs, de par le monde, en découdraient pour prendre leurs places ! - la presse, la télévision et la publicité suscitent la convoitise et orientent les consommateurs vers les styles dominants de la saison. Les fashion victims, véritables convoyeurs de l’air du temps, découvrent peu à peu que les chemisiers arabisés et les sacoches demi-circulaires en cuir blanc seront de mise... Quelques mois plus tard, près des cabines d’essayage éclairées à 75 watts, les vendeuses United Colors taille 38 dégainent leur arme ultime : « c’est très tendance ». Le point d’ancrage canalise et fusionne les changements de tendances auprès des stylistes, redéfinit les productions des fournisseurs et des sous-traitants, indique leur prochaine direction aux grossistes et aux détaillants et révèle au grand public ce qu’il faut acheter pour surfer sur la vague. Le piratage de tendances et de styles ne date pas d’hier mais à l’ère du numérique, l’accélération de tous ces mécanismes est fulgurante. « Les mannequins n’ont pas encore quitté les podiums parisiens, milanais ou new-yorkais que déjà les images haute définition des collections parviennent aux ateliers chinois, qui inondent très souvent les magasins mondiaux de leurs copies bien avant les originaux ». (Agoravox, déjà cité). Les deux chercheurs américains s’intéressent aux relations entre le degré de protection juridique en matière de propriété intellectuelle et l’activité de ce secteur économique. Ils désignent que d’un coté, les acteurs du secteur rejettent l’idée d’accroître la répression de la contrefaçon qui, suivant les mécanismes qu’ils décrivent est plus favorable aux maisons installées qu’aux jeunes créateurs et assure donc indirectement une fonction de protection des créateurs établis dans la corporation. De l’autre coté, ils savent que le Council of Fashion Designers bénéficie de l’appui des sénatrices démocrates Hilary Clinton et Diane Feinstein en faveur du Design Piracy Prohibition Act. : il s’agit d’un projet de loi examiné par le Sénat américain en janvier 2008, qui mettrait fin au laxisme de la législation sur la mode et étendrait les copyrights « à l’apparence globale, à la confection et à la silhouette [...] pour une durée de trois ans », et ce, pour les vêtements, les sacs, les lunettes solaires, les chaussures, etc. Dans le blog des auteurs de la recherche à l’université, on peut découvrir un ensemble d’échanges entre chercheurs qui a accompagné la publication de leur article. Un certain nombre de questions et interrogations sont formulées ou des observations notées. Les suivantes peuvent concerner mon cas : - « La question de savoir ce que ce genre de faible niveau de protection de la propriété intellectuelle que les chercheurs constatent dans l'industrie de la mode constitue un bon équilibre imaginable dans d'autres secteurs industriels? 42 - Mais il semble que l'une des explications plausibles de la situation de la mode est qu'il n'y a pas suffisamment de consensus entre les acteurs de l'industrie pour que les gains de la protection de la propriété intellectuelle l'emportent sur les coûts d'exécution. - Les deux chercheurs se voient discutés sur le bien fondé de leur analyse de causalité : c’est à cause du cyclage que l'impact de la forte protection de la propriété intellectuelle dans le cadre d'un régime de droit d'auteur est sensiblement réduit. Le fait de ne pas tenir compte du cyclage amène les deux, les partisans d’une législation renforcée de la propriété intellectuelle et ses opposants, à surestimer l'impact d'un régime de la propriété intellectuelle plus fort sur la créativité dans l'industrie du vêtement. - Alors qu'il n'existe pas de protection du droit d'auteur pour les aspects fonctionnels de l'habillement, il y a protection du droit d'auteur pour les aspects non fonctionnels, tels que le tissu et les modes d'éléments décoratifs. - Les entreprises oeuvrant sur l’apparence peuvent obtenir la protection de l'apparence de leur fabrication. Cela donne à penser que la non protection joue un rôle relativement plus important dans les industries où l'apparence est un critère central du consommateur. - C'est la relation entre les meneurs et les suiveurs de mode, et le shoppingnorms des deux groupes, qui anime le cycle de la mode. - La rhétorique de la propriété intellectuelle a changé. La crainte de parasitisme, comme Mark Lemley a habilement décrit, est maintenant partout. Retour au sommaire B – mon application au cas de la contrefaçon des produits de communication 1 – choix des types de produits qui constitueront mes supports empiriques : les produits de communication : L’étude la plus classiquement réalisée sur la contrefaçon concerne, comme je l’ai déjà dit, celle de produits industriels, en général des produits à haute valeur ajoutée ou à forte incorporation de conception et d’ingénierie, contrefaits pour des raisons de rentabilité de la fraude. La contrefaçon de médicaments ou celle de pièces automobiles constituent ainsi essentiellement un vol de la conception (design) et une perversion des procédés de production. Le musée de la contrefaçon de Paris en compte nombre d’exemples. Autres thèmes d’études, les contrefaçons de produits dont il est possible, par copie, d’imiter l’ingénierie et de piller le « concept » et dont la forte incorporation de valeur provient de leur « statut dans l’univers social.». Ce statut, activé dans la comparaison et la différenciation sociales fait entrer ces produits dans le jeu des régulations par la mode où justement l’innovation tient une place de premier plan. C’est le cas, par exemple, dans la maroquinerie ou la bijouterie de luxe, domaines faisant aussi couramment l’objet d’études (cf celle soutenue l’an dernier par Sanaa El Haouat dans le cadre de l’IUP Commerce International de Clermont Ferrand). 43 Les procédés de la fabrication de « produits de communication », en font des produits complexes, relevant d’une quasi industrie dans leur production et diffusion et incorporant une très forte part de conception. De plus, une forte incorporation de valeur provenant de leur « statut dans l’univers social ». Ce statut tient à ce que la communication gère constamment de l’identité, donc de la comparaison et de la différenciation sociale, voire de la catégorisation sociale. Les produits de communication utilisent dans leur conception les marqueurs sociaux actifs à un moment donné dans la société. Ridiculiser à l’écran, dans un spot TV, un individu qui vide ses poubelles sans utiliser de sac poubelle, illustrer l’usage d’un produit dans un spot qui montre des comportements dits « écologiques » ou « citoyens »…, c’est utiliser le jeu des régulations sociales comme base de conception. Montrer une consommatrice qui sait « acheter » un produit pour que ses enfants soient « comme les autres », c’est mobiliser de la comparaison sociale… Les produits de communication reflètent donc bien des valeurs sociales et ont des profils de conception qui consacrent certaines de leurs similitudes avec les produits de « mode » et qui rend par deux fois la contrefaçon possible : contrefaire un spot de Pub TV, c’est s’approprier une « tendance » , une stratégie de communication socialement située dans l’espace et dans le temps (ex : spot de la C4 sur le thème du robot transformer) ; c’est aussi piller la conception même du produit « spot » ( produit vidéographique ou filmique, dans cet exemple. Retour au sommaire 2 – Les produits de communication : art et technique La question de savoir dans quelle mesure les produits de communications relèvent de l’art ou de la technique pourrait relever d’un traitement philosophique. On a déjà vu au chapitre 2 quel traitement pourrait en être fait du point de vue juridique, renvoyant à la question suivante de savoir si la législation applicable aux deux catégories pouvait être identique et subir les mêmes évolutions avec le temps. L’objet de mon travail n’est pas la recherche de ces limites philosophiques ou de ces adaptations juridiques. Je considère qu’ils relèvent des deux catégories, art et technique, je préfère m’interroger sur les implications que cela entraîne sur leur conception et, du coup, sur leur contrefaçon, laissant le juriste élaborer et vérifier des hypothèses sur l’évolution du droit. Prenons le cas de la communication publicitaire. - Dans l’affiche ou dans les supports similaires : Des images qui parlent comme des mots. On peut parler de concepts pour certaines images. Les mots-concepts qui traduisent ces images en expressions verbales mais aussi les « concepts »-conceptions des publicitaires qui ont imaginé ces icônes modernes. hebdo n° 920 - 19 juin 2008 Ce monde qui vient : Quand le baril de brut vaudra 200 dollars 44 La page de couverture du numéro 920 de l’hebdomadaire Courrier International en est un exemple. Cette image résulte, dans le processus de fabrication dont elle est l’aboutissement, d’un design abouti (concept) en matière de technique de communication. Pour devenir des concepts, les simples signes graphiques ou iconiques que sont d’abord les images doivent pénétrer et s’inscrire dans des champs sémantiques préalables. La signification qu’elles y acquièrent est relative et datée. Par exemple, l’image qui figure sur la couverture de ce numéro de « Courrier International » s’inscrit dans des champs sémantiques croisés : celui où elle prend la signification désuète (dans nos sociétés où la peine de mort n’est plus) d’une corde de pendu, celui où elle prend la signification du véritable cordon ombilical qui fournit au consommateur contemporain son énergie « vitale » et à la société de consommation actuelle son « irrigation sanguine ». Le sens de l’image qui illustre cette page de couverture est dans le paradoxe créé par cette double signification d’être menacé de mort par le cordon qui irrigue notre vie. Le concept ainsi créé a une actualité et est relatif à la conjoncture économique et politique. Dans la contrefaçon de ce genre de produit de Communication, ce qui peut être pillé n’est pas seulement l’image, mais le concept. C’est, selon ce que j’ai montré plus haut, comme dans l’art moderne de Magritte. Affiche pour le spéctacle de Jean-Marie Bigard : "Mon psy va mieux" Théâtre Comédia – 2006 Agence : Crapule! Productions Affichiste: Patrick Couratin, Photo : Jean Tholance, Affiche pour la pièce de Molière "Les femmes savantes" au théâtre du Bois de Coulonge - 1986 Affichiste : Yvan Adam Source : www.pixelcreation.fr Dans l’exemple du spectacle de Bigard de 2006, on se souvient tous du « génial » concept qui a été placardé sur les panneaux de nos villes et campagnes l’affiche qui figurait un cerveau (d’homme ?) « revêtu » d’une petite culotte, voire d’un string –de femme- et, associée au texte « Mon psy va mieux » connotait fortement avec la représentation publique du genre d’humour de Jean-Marie Bigard. Sans doute écrivait-il dans le même temps le livre, paru ensuite, dans lequel il « se couche sur le divan » pour raconter publiquement les avatars de 45 son enfance à partir desquels, comme maintenant classiquement tout un chacun, il explique ce qu’il est. Là encore, le concept associe l’image et le texte, image qui résulte d’une association préalable déjà signifiante en soi. La contrefaçon peut consister à piller, comme je l’ai fait avec ma page de couverture, le concept qui associe image et texte, ou à simplement pillée le concept qui associe les deux images assemblées. C’est peut-être bien le cas de l’affichiste Yvan Adam qui produit une image sur ce point totalement semblable à celle de l’affiche créée pour la pièce de Molière "Les femmes savantes" au théâtre du Bois de Coulonge en 1986. On le constate, l’idée du graphisme ne résume pas toujours le concept à elle seule. Son assemblage avec le texte est lui-même un élément du processus de conception et réussir de tels assemblages relève d’une certaine technicité professionnelle chez le communiquantconcepteur. En témoigne l’exemple ci-dessous : Autocollants de la campagne d’ASSE (Association pour une Solidarité Syndicale Etudiante) contre le publisexisme. Dans le cas des autocollants de la campagne d’ASSE (Association pour une Solidarité Syndicale Etudiante) contre le publisexisme, le graphe proposé est extrêmement simple : hanches et pubis de femme figuré par un code-barre. La figuration des poils pubiens en codebarre prend sens dans le champ de la consommation moderne. La signification globale de l’autocollant : halte à la considération de la femme comme « objet dans le champ de la consommation » et non pas comme « objet de consommation » comme il est parfois dit à propos du publisexisme. Il ne s’agit pas là d’une lutte contre la prostitution. C’est l’instrumentalisation de la femme par les publicitaires qui est visée. Il y a là aussi paradoxe. Cet autocollant évoque une femme nue comme objet de désir sexuel pour dénoncer le propre procédé publicitaire auquel il se rallie ainsi et s’il utilise ce procédé, c’est par souci d’efficacité dans la communication de son message, c'est-à-dire exactement pour les mêmes raisons que celles de ceux qu’il combat. Quoi qu’il en soit, l’évidence de similitude avec le procédé combattu est telle qu’il a été nécessaire de compléter l’image par un vocable de dénonciation pour s’identifier comme opposant : « ça suffit ». Une seconde version est d’ailleurs très différente qui propose comme mot d’accompagnement : « sexiste », ce qui ne renvoie pas du tout au même champ de significations. Il ne s’agit plus précisément de femme-objet mais de discrimination sexuelle. Or, dans le champ publicitaire, l’homme, lui aussi, devient un « objet sexuel ». On voit bien, dans cet exemple, que l’association icône-texte n’a pas du tout la même pertinence dans les deux cas. Je ne sais lequel fut l’original et lequel a repris le concept, mais il y a tout lieu de voir dans le modèle « sexiste » une dégradation du concept à l’œuvre dans le 46 modèle « ça suffit ». La valeur technique du concept est bien différente du point de vue de la communication du message. - Dans le spot pub vidéo, on retrouve les mêmes aspects mélangés : des images qui parlent comme des phrases. Leurs successions et arrangements construisent des « discours » et correspondent aussi à des « concepts » possiblement volés à leurs auteurs par les contrefacteurs. A titre indicatif, je rappelle que Magritte, d’une part, a lui-même travaillé dans la publicité et qu’il a, d’autre part fait l’objet de pillages par des concepteurs de produits de communication publicitaire. Ceci n'est pas une pipe!! Ca, c'est de la biere belge!! Or, you could say, what a 'surreal' way to plug Belgian beer! Go Magritte! Retour au sommaire 3 – Enoncé de ma problématique Dans un premier temps, mon avant projet n’avait pas pour but d’orienter l‘étude vers les aspects économiques de la contrefaçon des produits de communication, même s’ils existent et si le piratage peut avoir sur les entreprises « victimes » des conséquences semblables à celles d’autres types de contrefaçons. J’ai pour idée d’étudier des correspondances entre les produits originaux et les contrefaçons: nature des similitudes, équivalence des fonctionnalités, caractéristiques établissant la contrefaçon en termes de pillage de conception et caractéristiques propres à en satisfaire la définition juridique. Dans ce cadre initial, je m’orientais vers une problématique partie de l’interrogation suivante : de même qu’une fausse montre Cartier doit donner l’heure (au moins quelque temps) et qu’un faux sac à main Vuitton doit permettre à la femme le rangement de ses objets, la contrefaçon d’une publicité ou d’une affiche doit avoir une fonctionnalité comparable à l’originale. Elle ne doit pas avoir, comme eux, une fonctionnalité instable ou dégradable. Au contraire, elle est souvent commise en raison de la fonctionnalité escomptée ou vérifiée de l’original, sauf à ce qu’elle le soit pour des nécessités de « mode ». Une première orientation problématique générale avait donc été arrêtée. Elle portait sur la capacité des contrefaçons de produits de communication à être fonctionnellement aussi efficaces que les originaux pour atteindre les buts visés en termes de vente, d’influence des opinions, de modification des représentations des gens… 47 Hypothèse théorique : Je me propose de partir de l’hypothèse que, en raison des rapports au moins partiels de certains d’entre eux avec des phénomènes de mode, la contrefaçon de certains produits de communication est susceptible de présenter des analogies fonctionnelles avec les contrefaçons visées par l’étude américaine, c'est-à-dire de favoriser l’innovation. Problématique : La question est donc de savoir s’il est possible et pertinent d’opérationnaliser la distinction entre deux grandes catégories de contrefaçons de produits de communication : celles touchant les catégories de produits pour lesquels les effets de mode sont susceptibles de jouer un rôle (je retiendrai les affiches et les spots de publicité) et celles touchant les catégories de produits pour lesquels les effets de mode ne sont pas susceptibles de jouer ce rôle (je retiendrai un produit média très stable dans sa structure et sa conception : le Journal Télévisé. L’étude de contrefaçons de ces trois catégories contrastées de produits de communication ne visera pas, dans le cadre de ce mémoire, à valider dans mon domaine de la communication l’hypothèse juridique relative aux effets le la dureté des lois et de la vigueur de la répression des fraudes. Elle visera, en reprenant les descripteurs validés dans le cadre de la mode vestimentaire (obsolescence induite, ancrage…), à identifier, en même temps que j’en décrirai les caractéristiques et les comparerai de chaque original à sa contrefaçon présumée, les différences qui doivent être repérées entre ces catégories de produits de communication en même temps que les similitudes intra-catégorielles. C’est donc une problématique de type « semblable/différent » qui sera traitée. Elle le sera par voie descriptive. Les questions de validations d’hypothèses servant l’explication des mécanismes décrits sont à réserver pour d’autres cadres de recherches. Des hypothèses pratiques. Le Journal Télévisé (JT) est un produit de communication médiatique dont le format est extrêmement stable et qui n’est pas évolutif sur des cycles courts du type des cycles de mode Les règles de protection de la propriété intellectuelle y sont puissantes. Les pillages partiels (reportages par, exemple), voire la contrefaçon complète d’un JT telle qu’elle sera étudiée, doivent se caractériser par une forte conformité au format original qui est garante d’une efficacité de la communication (dont les objectifs sont de l’ordre de la persuasion et de l’influence sociale autant que de l’information et de la pédagogie). Le spot de Pub TV, tout comme l’affiche publicitaire, est un produit de communication médiatique évolutif et dont les transformations suivent des cycles courts du type des cycles de Mode. Les règles de protection de la propriété intellectuelle en leur matière sont celles qui s’appliquent au droit d’auteur et au droit de l’image. Elles sont appliquées de manière laxiste. La diffusion des concepts nouveaux y est courante et leur renouvellement fréquent. Retour au sommaire 48 A – Le cas des produits de communication à format pérenne : le format du JT 1- Présentation de la contrefaçon diffusée : édition spéciale de JT de la RTBF du 13-12-2006 «L e secret avait été bien gardé. Deux ans durant, une équipe de journalistes de la RTBF a travaillé sur l'idée la plus folle jamais née dans les couloirs du boulevard Reyers. Nom de code : « Karine et Rebecca », les deux gamines qui chantaient le répertoire de SaintNicolas... Hier soir, à 20 h 21, les téléspectateurs viennent de regarder le JT. Ils s'apprêtent à suivre deux reportages de « Questions à la une » à forte connotation communautaire (« Va-t-on supprimer les indemnités de chômage en Wallonie ? » et « Les Flamands sont-ils plus corrompus que les Wallons ? ») Puis l'émission devant présenter les résultats d'un sondage sur l'avenir du pays réalisé par Ipsos dans le prolongement de l'émission « Moi, Belgique ». Mais ils tombent de leur chaise ou sautent hors de leur canapé. Jean-Claude Defossé introduit son émission. La mire apparaît sur l'écran. Puis c'est l'annonce d'un flash spécial présenté par François De Brigode : le Parlement flamand vient de voter la sécession de la Flandre du Royaume de Belgique. Une heure et demie durant, se succèdent, 49 autour du présentateur du JT et d'Alain Gerlache, directeur de la télévision, des journalistes qui interviennent en direct, qui du Parlement flamand, qui du Palais royal déserté par Albert II, en fuite à l'étranger (la rumeur prétend qu'il a pris la direction de Kinshasa où l'annonce Elisabeth Burdot), qui du Parlement wallon, qui de l'Atomium où se sont réfugiés les ministres du gouvernement bruxellois. » C’est ainsi que Jean-François LAUWENS, dans le journal « Le Soir » de Bruxelles,le jeudi 14 décembre 2006 revient sur la contrefaçon de Journal télévisé (JT) que son auteur, Philippe Duthilleul avait diffusée la veille au soir sur la RTBF, télévision belge de langue française en prétendant qu’il ne s’agissait que d’un Docu-fiction, alors qu’on ignorait à l’époque l’impossibilité qui allait être celle du premier ministre qui sortirait des élections à venir de former un gouvernement pour des raisons liées aux relations entre les communautés belges rivales. Cette émission spéciale, copie de JT, faux JT conforme à un vrai, contrefaçon de JT, intitulée Bye Bye Belgium (nom de code : Tout ça ne nous rendra pas la Belgique) a débuté, par une interruption des programmes à 20 h 21, alors que les téléspectateurs s’apprêtent à suivre deux reportages de l'émission « Questions à la Une » à forte connotation communautaire et aux titres polémiques, Va-t-on supprimer les indemnités de chômage en Wallonie ? Et, Les Flamands sont-ils plus corrompus que les Wallons ? Dès le début de ce JT contrefait, le présentateur vedette du journal télévisé annonce la déclaration unilatérale d'indépendance de la Flandre. « L’objectif annoncé était, dans le prolongement de la série d’émissions sur l’histoire du pays depuis l’indépendance, intitulée « Moi, Belgique », de présenter une enquête sur l’avenir de la Belgique, réalisée auprès de la population, et de susciter le débat. Des reportages sur les premières conséquences de la sécession, dont la fuite du roi Albert II pour le Congo-Kinshasa ou le blocage des frontières entre les régions, sont diffusés, ainsi que des réactions à chaud d'hommes politiques comme Herman De Croo, de personnalités médiatiques comme Axelle Red, Philippe Geluck, JeanLuc Fonck ou de simples citoyens. L'émission, d'une durée d'environ 1 heure 30, est en fait une fiction. Elle est suivie d'un débat, réunissant des représentants des principales familles politiques francophones et néerlandophones, sur ce que cette fiction avait de vrai et envisageable. » (Wikipédia). Contrefaçon-fiction : Plutôt qu’un docu-fiction, nous avons à faire à une contrefaçon-fiction. Contrefaçon d’une édition spéciale de JT qui présente, comme je le montrerai ci-après, toutes les caractéristiques les plus typiques du produit de communication médiatique spécifique qu’est le Journal télévisé. Fiction qui est due non seulement à la fausseté, mais aussi à l’irréalité des informations contenues et organisées dans ce produit de communication. La qualité de la contrefaçon explique elle-même la crédibilité apporté par les téléspectateursconsommateurs aux informations-fictions quelle organise ? Ce crédit est apporté par eux malgré les signes que, par précaution ou anticipation des reproches qui leur seraient faits, les auteurs ont communiqués en suivant l’évolution du contenu fictionnel : 50 • • • le lancement de l'émission spéciale contient de nombreuses approximations, rares de nos jours, même lors d'émissions spéciales; avant que ne commence l'émission spéciale, la phrase : "Ceci n'est peut-être pas une fiction" - en référence au tableau La Trahison des images ("Ceci n'est pas une pipe") de René Magritte - apparaît en blanc sur fond noir pendant quelques secondes. Le générique est ensuite lancé; un petit logo avec la silhouette de La Dame au cochon / Pornocrates de Félicien Rops est affiché dès les premières secondes d'émission : il s'agit d'un des symboles populaires du surréalisme belge, notamment utilisé dans le générique de l'émission Tout ça (ne nous rendra pas le Congo); La Dame au cochon / Pornocrates de Félicien Rops • • • • • le bandeau blanc en bas de l'écran parle d'"émission spéciale" et non d'"édition spéciale" du journal télévisé; des messages en sous-titre, dont "ceci n'est peut-être pas une fiction", sont diffusés au cours de l'émission. Au bout d'une demi-heure, le journaliste François de Brigode le spécifie également dans ses commentaires en utilisant régulièrement le mot "fiction"; un journaliste posté devant le palais royal annonce en direct la présence d'une foule pro-Belgique sur-exitée, l'arrivée de voitures qui se stationnent n’importe comment : en arrière plan, on distingue quelques manifestants brandissant des drapeaux belges et le trafic routier paraît normal; des images, censées rendre compte d'une réunion en catastrophe entre Albert II et Guy Verhofstadt au Palais Royal, montrent des arbres bien verts en plein mois de décembre; bien que le ton général adopté dans l’émission soit très réaliste, de nombreux éléments d’information peu vraisemblables, voire grotesques, y ont été introduits. On y voit en effet des images d’une immense foule en délire à Anvers cinq minutes à peine après l’annonce de la sécession; le roi Albert II en fuite à Kinshasa; le gouvernement de la région de Bruxelles-Capitale réfugié dans la dixième boule (inexistante) de l’Atomium; le tram bloqué à la nouvelle frontière et les policiers locaux envoyés la surveiller; la présentation d’un timbre-poste à l’effigie d’Astrid, reine de Flandre et 51 • • • • enfin les images de l’effondrement de la tour des télécommunications de la RTBF et de la VRT (allusion claire à la tour de Babel); sur les autres chaînes, francophones et surtout néerlandophones, l'information n'est pas relayée; au bout d'une demi-heure de diffusion, submergée par les réactions, la RTBF fait afficher à l'écran un bandeau "Ceci est une fiction" en continu, lequel aurait été demandé par Fadila Laanan, ministre de tutelle de la RTBF. Mais, la chaîne publique précise que c'était à son initiative qu'elle avait décidé de mettre un bandeau "Ceci est une fiction", une demi-heure après le début de l’émission. le numéro de téléphone 070.22.20.22 donné en cours d'émission pour permettre aux téléspectateurs de réagir à l'information diffusée via un répondeur contenant un message révélant la fiction « comment on le sait ? » Quand on voit le drapeau belge s'abaisser du palais royal, on distingue clairement la silhouette de Christophe Deborsu ? Bien entendu, le contexte politique de l’émission au moment de sa diffusion assure à cette contrefaçon formellement impeccable, sa pertinence et son efficacité. Afin de mesurer l’efficacité de ce produit de communication contrefait, il nous faut, dans ce cas distinguer clairement le fond et la forme. On le voit, dans le contenu et les dimensions factuelles des informations présentées, de nombreux éléments sont là pour convaincre le téléspectateur que ce qu’il est en train d’apprendre n’était pas réel (utilisation d la femme au cochon, emploie du terme fiction…). C’est donc bien la forme de ce produit de communication amplifie l’attention que le télespectateur porte à ce qu’il apprend. C’est bien la similitude formelle entre ce faux JT et une vraie édition spéciale du JT qui trompe les gens et elle ne trompe pas que des gens de la population comme vous et moi mais aussi des politiques. Qu’est ce que cela révèle du point de vue des mécanismes de perception de l’information d’une part et du point de vue des caractéristiques formelles du produit de communication contrefait ? Du point de vue des mécanismes de perception, on sait depuis les travaux des scientifiques (Schank et Abelson) sur le rôle des « scripts » que le perceveur, à partir d’un certain nombre de signes organisés en une séquence typique (identifier par sa façade le type d’établissement dans lequel on entre, être accueilli par un serveur qui vous prend votre manteau, vous indique une table où vous asseoir, vous apporte une carte…) mobilise un schéma mental nommé « script » (ex : script du restaurant) capable de gérer automatiquement la suite des traitements cognitifs qui vont être opérés sur l’information disponible. Ce mécanisme de traitement de l’information permet un relâchement par le perceveur du contrôle investi et une économie correspondante en matière d’allocation de ressources attentionnelles. Dans le cas des informations qui nous parviennent dans un journal télévisé, ce mécanisme d’économie du contrôle de l’information reçue est d’autant plus sollicité qu’il s’agit d’un produit de communication qui soumet le téléspectateur-perceveur à une quantité considérable d’informations successives présentées séquentiellement de manière suffisamment rapide pour que la suggestion d’interprétation proposée par le journaliste en même temps que les informations soit utilisée sans contrôle par ce dernier. Disposant par habitude de « scripts » de saisie et traitement de l’information perçue dans un JT, le téléspectateur désinvestit fortement son contrôle sur cette information et devient donc une cible dépendante. 52 C’est la connaissance de ce mécanisme et des caractéristiques correspondantes du produit de communication qu’est le journal télévisé qui m’a conduite à considérer que mon analyse des similitudes entre le JT contrefait et l’original devait porter sur ces caractéristiques formelles qui sont susceptibles de déclencher le script de traitement automatisé de l’information de contenu. En effet, c’est à partir de signes de communication auxquels il est habitué que le téléspectateur identifie ce qu’est un JT et, sans y engager de contrôle explicite, donne son attention au contenu informatif. C’est bien parce que les téléspectateurs belges du JT spécial du 13 décembre 2006, à partir des signes habituels qui leur font prendre une émission TV pour un vrai JT, donnent par déclenchement du script de traitement leur crédit sans contrôle à l’information présentée que les nombreux signes suggérant le caractère fictionnel du contenu de ce faux JT échouent à les alerter, qu’ils soient simples citoyens ou hommes politiques réputés informés sur la probabilité réelle de disparition du pays. « La Belgique est un État fédéral composé de trois régions (Région flamande, Région wallonne et Région de Bruxelles-Capitale) et de trois communautés (Communauté flamande, Communauté française, et Communauté germanophone). Les compétences transférées aux entités fédérées (y compris sur la scène internationale: cas unique), correspondent à 51% du total des budgets étatiques belges (État fédéral + entités fédérées). Les exigences des partis démocratiques flamands étaient déjà lors de l'émission d'augmenter ce pourcentage et d'accentuer les aspects confédéralistes du fédéralisme belge. D'autres partis politiques flamands, comme le Vlaams Belang, réclament même l'indépendance de la Flandre. Des transferts se réalisant dans le budget de la Sécurité sociale du Nord au Sud, ceux-ci seraient perdus en cas de scission du pays et le tout apeure certains Wallons, soit qu'ils soient attachés à la Belgique, soit qu'ils redoutent que cette scission ipso facto des budgets sociaux ne provoque un appauvrissement (évalué parfois à 20%) de leurs allocations sociales et/ou de leur standing de vie. L'impact de l'émission s'explique par ces deux hantises, soit symbolique et affective, soit matérialiste et le contexte politique (une scène importante est supposée se dérouler au Parlement flamand et le président du Parlement wallon est interrogé), qui rendaient la fausse information plausible, d'autant que la disparition du pays est sans cesse évoquée dans les médias: le 15 juin 2007 après les élections législatives fédérales belges de 2007, Vincent de Correbyter déclare que le sort de la Belgique est entre les mains de séparatistes » (Wikipedia). Déroulement et contenu de l’émission : On l’a déjà dit, « Jean-Claude Defossé introduit son émission. La mire apparaît sur l'écran. Puis c'est l'annonce d'un flash spécial présenté par François De Brigode : le Parlement flamand vient de voter la sécession de la Flandre du Royaume de Belgique. Une heure et demie durant, se succèdent, autour du présentateur du JT et d'Alain Gerlache, directeur de la télévision, des journalistes qui interviennent en direct. De nombreuses réactions évidemment : Jean-Marie Dedecker, le trublion de la politique flamande, Herman De Croo, le sage président de la Chambre, Etienne Davignon, Axelle Red, Jean-Luc Fonck, José Happart, Annie Cordy, le ministre-président de la Communauté germanophone Karl-Heinz Lambertz... 53 Les reportages sur le terrain montrent les conséquences de la décision du Vlaams Parlement : le Ring de Bruxelles est paralysé, des trains sont bloqués à la frontière linguistique, des avions sont détournés sur Bierset, le siège de l'Otan est en état d'alerte, des scènes de joie éclatent à Anvers, des policiers inspectent la frontière linguistique à Flobecq, des militants catalans se réjouissent au Parlement européen et, cerise sur le gâteau, un tram bruxellois de la ligne 44 est bloqué au moment de quitter la Région de Bruxelles-Capitale pour Tervuren, en Flandre... Tout ça, bien sûr, n'était qu'un gigantesque bluff, un périlleux mais tellement vraisemblable exercice de politique-fiction. Périlleux car effectué entièrement dans les conditions du direct et sans trucage. Autrement dit, tous les intervenants savaient dans quelle pièce ils jouaient. Et tous ceux arrivés pour participer à un « Mise au point » spécial étaient au parfum. Au début de la soirée, était apparue une mention précisant que l'émission pouvait très bien être une fiction. A 20 h 50, un second insert précisant qu'il ne s'agit pas de la réalité apparaît. Manifestement, C'est certainement dû au nombre des appels - une centaine en une demi-heure. En fin de soirée, après un écroulement symbolique de la tour Reyers, un autre insert reprécisait que ceci n'était que fiction. » (Le Soir, 14 décembre 2006). Retour au sommaire 2- Analyse de la forme de ce produit de communication contrefait Elaboration d’une grille d’analyse de la typicité d’un JT en tant que produit de communication Méthodologie : Dans le cadre de ce mémoire, afin d’apporter le plus de crédibilité possible à mon analyse spécifique en terme de similitude de par rapport au modèle et afin d’éviter des biais implicites de confirmation d’hypothèse, j’ai décidé, pour analyser la typicité du produit de communication qu’est le JT de recourir à une grille d’analyse dont les bases ne sont pas es miennes. C’est pour cette raison méthodologique que j’ai décidé d’emprunter une base de décryptage reconnue et incontestable : celle construite et éditée par CEMEA et Jériko, spécialiste du multimédia éducatif. Cette méthodologie est disponible sous la forme d’un DVD appelé « apprendre la télé » et présente l’analyse des divers journaux télévisés récents et de documents d’archives, où sont mis en évidence les mises en scène, les procédés techniques et journalistiques, le rôle du présentateur… Cet hypermédia, construit autour de textes pédagogiques introduisant un corpus de 7 journaux télévisés dans leur intégralité (TF1, France 2, France 3, M6, Arte, RTBF, Radio Canada) finement décrits, indexés plan par plan les outils de décryptage des caractéristiques d’un JT. J’utilise aussi, en ce qui concerne plus particulièrement le rôle du présentateur de JT, aux archives analysées de l’INA (http://www.ina.fr/archivespourtous/popup.php?vue=edu_decrypt&mois=10&annee=2006 ) L’INA, les CEMEA et le CLEMI ont engagé leurs compétences (cf : http://www.cemea.assoc.fr/lejt) dans la conception et la production de cet outil d’analyse qui visait essentiellement des buts pédagogiques mais présente pour moi l’intérêt de prouver, par l’évidence de ses caractéristiques, que le JT est bien un produit de communication stable et hors du champ des évolutions réglées par la mode en matière de communication. 54 Afin de lister et vérifier leur application à la « contrefaçon RTBF d’un JT », j’ai sélectionné l’ensemble des critères adaptés pour faire l’étude de la composition (au point de vue de la forme) d’un journal télévisé. Afin de permettre au mieux l’étude du contenu de ce JT, cet ensemble de critères est organisé de la façon suivante (13 critères regroupés en 3 rubriques) : • • • La mise en scène du JT et ses dispositifs - Le cas du journal de plateau - Les caractéristiques du générique - A charte graphique d’un JT - Les caractéristiques du décor d’un JT - Pour un JT : quels cadrages spécifiques ? - Au JT : le rôle du présentateur Le JT : caractéristiques du traitement de l‘information - Les sources - L’angle de traitement - Les types de scénarisation - L‘écriture audio-visuelle typique du JT - La validation de l’information Le JT et son public : - Les pré-recquis - La loi de proximité du JT Retour au sommaire 55 3- Analyse du JT Contrairement à d’autres formats de communication (même audiovisuels comme le cinéma), la communication télévisuelle, et pas seulement le JT, renonce à monter pour chaque sujet traité un scénario propre et soumet l’ensemble de ses sujets à une écriture perpétuel de scénarios par format de communication. Ainsi, il y a lieu de repérer les caractéristiques habituellement utilisées en ce qui concerne le format JT dans la plupart des grandes chaînes (comparables) de télévision. Dans un format comme celui du JT, cette répétition formelle est le garant de l’induction chez le télé-spectateur consommateur d’habitudes de « lecture » et d’assimilation des informations en même temps que de fidélisation. Cela est également le cas pour les visites des sites web. On sait que le travail de « création » de sites web n’est pas exclusivement créatif pour la raison que si le webmaster qui signe la production du site ne veille pas à respecter des répétitions formelles auxquelles sont habitués les internautes, il verra le temps de consultation s’effondrer et chuter le taux de fréquentation. Comme les internautes, les téléspectateurs ritualisent leur consultation du média de manière à pouvoir dérouler des procédures habituelles et scriptées de prélèvement et de traitement des informations disponibles. Les concepteurs d’un JT respectent donc cette règle de reproduction formelle qui fait que ce format de communication échappe à des innovations régulières qui en feraient un produit soumis à des cycles de « mode ». Les rites stabilisés du JT ont, de plus, l’avantage de constituer une sorte d’invariant dans la variabilité de l’actualité. Nous avons tous constaté que, même dans la présentation des contenus, les rédactions de JT imposent des périodicités. La périodicité hebdomadaire est assez flagrante et une nouvelle semaine s’ouvre généralement sur un certain nombre de thématiques ou de contenus qui vont constituer l’ « actu » jusqu’au week end suivant. Jean François Lacan, dans « l’art du dispositif », décrit ces dispositifs de ritualisation comme la mise en place d’une « succession de filtres disposés entre le téléspectateur et l’évènement, une série d’instances d’énonciation ayant chacune leur fonction propre. Tout d’abord la technique dont l’importance est soulignée dès le générique de l’émission et qui réapparaît périodiquement dans son déroulement. On a vu son rôle spécifique d’ouverture sur le réel. Ensuite, le présentateur-vedette, véritable pivot du dispositif. Il est considéré comme étant le « médiateur privilégié », et délègue une partie de son pouvoir aux journalistes spécialisés et aux invités présents sur le plateau. Derrière tous ces discours, l’image fixe ou animée joue le rôle de référent, garant de la « réalité » des faits énoncés (cela renforce donc le texte, qui est donc appuyé par ces images, ou reportages). Elle est bien souvent doublée du commentaire de l’envoyé spécial ou du reporter, signée et sous-titrée comme pour atténuer sa brutalité. On peut y ajouter enfin la dépêche « tombée » à l’instant même sur le téléscripteur qui témoigne, elle aussi, de la liaison constante du dispositif avec le réel ». Le filtrage est actif à chacune de ces instances et vise à doter d’illusoire rationalité, ou plutôt de rationalisation pilotée, l’ensemble des informations présentées. Ainsi, ma grille d’analyse de la typicité du JT comporter des indicateurs généraux concernant sa mise en scène pour refléter ce qui vient d’être remarqué. Elle listera (C1 à C 28) tous les critères dégagés dans les trois rubriques. Ce répertoire de critères sera appliqué au cas du « vrai-faux JT de la RTBF » pour mettre en évidence sa similitude avec le format original dont il est une copie. • L’une des caractéristiques qui n’est pas exclusivement spécifique du JT mais qu’il partage avec les émissions « enregistrées » est d’être réglé par un « conducteur » qui assure la fonction de contrôle d’exécution du processus conformément à sa conception. Comme dans le travail taylorisé « à la chaîne », la distribution des matières (ici : informations traitées) et des opérations qui se succèdent répond à un plan conçu préalablement. Le 56 déroulement du conducteur donne simultanément au JT les caractéristiques d’une émission spontanée qui vient d’être « bouclée » dans l’authentique urgence et magistralement maîtrisée par des professionnels crédibles alors que, dans les émissions pré-enregistrées (magazines, variétés…), c’est la seule impression de qualité de préparation qui est mise en évidence. Le conducteur est donc au JT autant un principe organisateur du travail qu’un instrument du contrôle, qu’un script destiné à la régie. • Caractéristiques encore du JT par rapport à d’autres produits de communication audiovisuelle, celles qui concernent la charte graphique et le décor du plateau. Elles concernent les informations iconiques d’arrière plan : images fixes ou qui défilent à l’arrière plan, derrière les journalistes présentant l’information. Elles concernent ensuite le soustitrage et la signature visuelle des commentaires comme preuves du caractère explicite et authentique de l’info ainsi que de l’ « engagement » personnel des locuteurs. Elles concernent aussi la figure de la page-écran. Deux aspects, en ce qui concerne cette dernière : les aspects typographiques (mise en page avec bandeaux, inscriptions graphiques barrant l’écran, médaillons, cabochons) et les énoncés linguistiques ritualisés et standards visuels. • Des caractéristiques du JT portent sur le dispositif et le décor plateau. - Schéma d’un plateau de JT - Décor et équipement d’un plateau de JT Nouveau décor plateau TF1 Avril 2008 57 Nouveau plateau France 3 07 04 08 - source : http://tvnews.over-blog.com/article18518225.html Hervé Brusini, directeur délégué à l’information de France 3 • Un autre point que j’aborderai concernant la mise en scène du JT, c’est celui concernant les styles spécifiques de cadrages caméra, à cause des implications qu’ils ont en matière d’introduction de la relation privilégiée au téléspectateur. 58 Jean Claude Soulages, cité dans le support numérique « apprendre la télé : le JT » qui m’a servi de base d’analyse, s’exprime ainsi à propos du cadrage de base du présentateur : « Le cadrage de tout sujet filmé est dépendant de deux variables. En premier lieu, une variable proxémique qui correspond à l'échelle des plans dans le langage des professionnels. Celui-ci reconduit une codification des relations de proxémie renvoyant aux hypothèses culturalistes émises par Edward T. Hall, dans l'observation de la variation des distances interpersonnelles de communautés données. Ce dernier retient quatre types principaux de distances entre interlocuteurs, qui sont : • la distance intime (Rang 1), du très gros plan au gros plan, • la distance proche (Rang 2), du plan poitrine au plan taille, • la distance sociale (Rang 3), du plan américain au plan moyen, • la distance publique (Rang 4), du plan moyen au plan général. En allouant une certaine distance aux sujets filmés, la mise en images propose une relation proxémique dont le mètre étalon " est donné par le corps (virtuel) du destinataire visuel. Cette variation façonne la relation que le sujet regardant va entretenir avec la scène montrée. Aussi, l'emploi systématique par la télévision (contrainte par son " petit écran ") des rapports de distance de Rang 2 et 1 (proche ou personnelle et intime) pour le filmage des locuteurs, induit un certain nombre d'effets analysés par Gilles Deleuze dans le film narratif qu'il synthétise sous le terme " d'image-affection ". Elle opère, selon lui, comme toute image dans son sens de découpe, un effet de " déterritorialisation ". Le gros plan ou le plan serré sur un visage phagocyte l'arrière-plan. Le spectateur se trouve arbitrairement installé dans la proximité-intimité forcée des locuteurs (les talking-heads, les têtes parlantes) rendant dès lors possible l'appréhension perceptive des indices mimico-gestuels (expressions des visages, directions des regards, etc.). 59 La seconde variable du cadrage est relative à l'incidence angulaire de la prise de vue (plongée, contre-plongée, axe horizontal). Ainsi, face à l'image du présentateur, peut s'inscrire sur l'axe des caméras, symétriquement, celle d'un sujet regardant assis, face à celle du journaliste, debout dans les rues, celle d'un sujet regardant piéton. Cette figure visuelle de symétrie - construisant un sujet regardant alter ego - s'inscrit, à chaque occurrence, dans cette stratégie anthropomorphe de construction de la figure du " même ", celle du regard situé et individué du téléspectateur. » (Jean-Claude Soulages, Les Mises en scènes visuelles de l'information, INA-Nathan, Collection " Médias Recherches ", Paris, 1999). • Au JT : le rôle du présentateur constitue un autre domaine important de caractéristiques. Dès son apparition en 1954, un rôle-clef est affecté au présentateur : le lancement des sujets. La plupart du temps des journalistes et des spécialistes viennent le seconder. Aujourd'hui, il est l'homme-orchestre et le protagoniste du JT avec deux fonctions remarquables dans les JT des chaînes généralistes : baliser les grandes articulations du journal et assurer les transitions entre les sujets. - La personnalisation du journal se fait sentir dès les années 70 pour devenir une caractéristique stable des JT Langage : Christine Ockrent, première présentatrice et rédactrice en chef du JT d'Antenne 2 en 1981, impose un langage efficace, clair et riche. « Pour qu'un message soit bien reçu d'un auditoire vaste et hétérogène, il ne faut pas moins de 60% de mots usuels : la proportion était de 87% chez Ockrent ce jour-là. La technique de son langage révèle un souci évident de clarté et de dépouillement. » (Télérama, 1983) En revanche, contrairement aux émissions de divertissement où c’est très aléatoire, la correction langagière comme vestimentaire s’impose au JT. Pour mieux interpeller le téléspectateur, le présentateur le regarde droit dans les yeux. Ceci est facilité par l'utilisation du prompteur, apparu à la télévision en 1971. • Un domaine de caractéristiques du JT porte sur les sources : o « Les études empiriques suggèrent que les interactions entre les journalistes et leurs sources s’apparentent à un jeu d’échanges et de négociations, les protagonistes précédant à un marchandage de l’information contre la « publicité ». Les acteurs sociaux en quête de « publicité » (accès contrôlé à l’espace public) doivent négocier leur présence médiatique avec des journalistes » (Jean Marie Charron, 1998, La Communication. Etat des savoirs, (dir. Philippe Cabin), Paris, 60 éditions Sciences Humaines). C’est, dans le cadre de la division du travail, l’origine d’une industrie du Conseil en Relations Presse. o La dépêche d’agence. L’organisation centralisée (facilitation du contrôle) de la demande en information des journalistes de média TV fait dépendre de peu de grandes agences centrales (France Presse, Reuters…) les informations qui « tombent » sur les téléscripteurs. La réputation de fiabilité des informations est alors comprise par le téléspectateur à partir de l’assimilation de ce genre de sources à la voix officielle. o La règle professionnelle qui conduit le journaliste à être jaloux de la protection des sources conduit le téléspectateur à ne jamais s’étonner qu’elles ne soient pas citées. A la télévision, « une conséquence de l’utilisation généralisée du direct dans le domaine de l’information est la tendance à identifier la source avec l’évènement à partir duquel le document-source se constitue. » ( Andrea Semprini, Le direct ou le mythe de la source pure, Mscope n°7, CRDP de Versailles, Avril 1994), ce qui est constitutif d’un renversement de relation entre représentation et réalité qui dissuade de s’interroger sur la source et, notamment, sa crédibilité. • On peut aussi évoquer au titre des caractéristiques du JT l’angle de traitement. Il y a « une vision tragique du monde » : le JT montre ce qui échappe ou résiste à l’action institutionnelle « tendue » vers la réalisation d’un monde meilleur à partir du tragique (il est ainsi implicitement loyal par rapport au pouvoir). Le JT diffère des émissions de divertissement. (TV= informer/distraire ; tragédie/comédie) L’angle de traitement des infos dans un JT doit permettre de faire la part de l’ordre et du désordre : l’actualité est divisée entre les infos qui font exception à un ordre présumé normal du monde et celles qui participent à la construction de cet ordre. Le JT se révèle comme récit permanent d’une tragédie réitérée et propose, pour introduire cet angle de traitement un traitement de l’information inscriptible dans des cycles répétés. • Les types de scénarisation constituent un autre champ de caractéristiques du JT. On notera que « le développement factuel des évènements est rapporté en recourant à des modèles scénaristiques privilégiant le schéma narratif qui domine la fiction : ordreperturbation- conflit- dénouement (= restauration de l’ordre perturbé) » (Gérard Leblanc, 1999 – Les scénarios du réel, T1, Paris, L’Harmattan). Le direct [caractéristique des émissions de JT encore plus prégnante dans un flash spécial] « substitue le temps réel au processus réel » (op cit) alors que ce processus met toujours en œuvre plusieurs temporalités. Le temps réel du direct induit l’illusion de réalité du processus décrit par l’info • Il y a une écriture audio-visuelle typique du JT L’écriture audiovisuelle typique du JT constitue un jeu sur la distance du téléspectateur par rapport au réel. Alors que le JT dans son ensemble le tient à distance, lui donnant ainsi à bon compte l’illusion d’une capacité d’analyse en prise de recul par rapport aux infos diffusées, les reportages qui l’émaillent lui donnent dans le même temps l’illusion qu’on rapproche le monde de lui. C’est à cette écriture alternée que vient en contrepoint la séparation des rôles entre le présentateur vedette et « nos » envoyés spéciaux. L’écriture des reportages eux-mêmes est donc ainsi typique de la fonction de simple illustration qui leur est attribué. Les images sont ainsi inscrites dans un processus de validation de la parole du présentateur (qu’il s’agit de nous approprier comme notre discours pré-construit sur le réel –s’étonnera-t-on encore longtemps que ce que recueillent les sondages, c’est plus la trace de l’influence de la TV que l’opinion réelle des gens ?). 61 La prime à l’émotion - Patrick Poivre d’Arvor, rédacteur et présentateur du 20h de TF1, déclare : « On marche selon une théorie qu’il faut que vous n’oubliiez jamais, c’est la théorie de l’entonnoir. Nous n’avons de la place que pour une grosse émotion, une émotion par jour ou par semaine, on n’a pas la place pour trente six émotions ou trente cinq informations principales. » (Patrick Poivre d’Arvor, Extrait de l’émission diffusée par FR3, Famine, fatigue ou la pouvoir de l’image, réalisé par Partice Barrat, La Sept & Le Point du Jour, 1990. • Enfin, la validation de l’information au JT présente des caractéristiques qui, sans être exclusives, ont été à l’œuvre dans le JT contrefait qu’il s’agit d’étudier. L’un des modes privilégiés de validation de l’information dans le média TV est fourni par le recours aux « personnalités » médiatiquement « crédibles ». Comme la Publicité, la diffusion de l’information à la télévision utilise la notoriété (médiatiquement construite –cf le concept de circularité de Bourdieu, Sur la télévision) de certaines vedettes qui se prêtent au jeu pervers. Retour au sommaire 4 - Grille d’analyse de la typicité d’un JT • La mise en scène du JT et ses dispositifs - Le cas du journal de plateau °Critère C1 - Organisation du travail : dispatching des infos entre présentateur vedette et travailleurs spécialisés (journalistes envoyés spéciaux = opérateurs spécialisés [OS]). °Critère C2 - Présence d’un « conducteur » comme outil de pilotage des phases du travail. °Critère C3 - Informations hautement signifiantes illustrées par des images neutres et banales issues de banques de données. °Critère C4 - Annonce soudaine, dépêche de « dernière » minute, technique de duplex… constituent généralement des indicateurs portant le téléspectateur à émettre des inférences de « fraîcheur » des informations. °Critère C5 - Spécifications hors informations brutes et destinées à en rendre rationnelle la succession présentée. - Les caractéristiques du générique °Critère C6 - fonction de bornage du générique : frontière dans le flux de programmes et Prélude à l’entrée en matière 62 °Critère C7 - Fonction de nomination et identification de l‘émission. Il s’agit d’un « vignettage » catégoriel qui déclenche chez le téléspectateur la mobilisation de « scripts » appropriés de traitement de l’information. L’info présentée dans un JT suppose un traitement spécifique et ritualisé qui est ainsi sollicité. °Critère C8 - Fonction de signature de a chaîne et du collectif de professionnels auteur. °Critère C9 - Fonction de capture attentionnelle induite par l’imagerie de fidélisation et le message sonore d’amorçage. - La charte graphique d’un JT °Critère C10 - Informations iconiques d’arrière plan : images fixes ou défilantes en arrière plan des journalistes présentant l’information. °Critère C11 - Sous-titrage et signature visuelle des commentaires comme gages du caractère explicite et authentique de l’info ainsi que de l’ « engagement » personnel des locuteurs. °Critère C12 - La figure de la page-écran. - Aspects typographiques : mise en page avec bandeaux, inscriptions graphiques barrant l’écran, médaillons, cabochons. - Enoncés linguistiques ritualisés et standards visuels - Les caractéristiques du décor d’un JT °Critère C13 - Ligne de partage entre ce qui, dans un décor de JT, est invariant dans la fonction de générer la pénétration de l’information et ce qui, dans les détails de couleurs ou de type d’écran technologique ou autres éléments, relève de la mode. - Pour un JT : quels cadrages spécifiques ? °Critère C 14 - Ce n'est qu'après avoir présenté les titres du journal de 20h que Patrick Poivre d'Arvor envahit l'écran par un effet de zoom avant pour introduire un effet de pénétration chez le téléspectateur et de proximité avec lui. - Le présentateur apparaît le plus souvent en plan frontal, dans un souci de neutralité. De même le cadre serré est très utilisé pour créer une relation d'intimité avec le journaliste. Mais on peut aussi proposer d'autres points de vue sur le ou les présentateur(s) en multipliant les axes et les plans dynamiques (mouvements de caméra, zooms, etc.) qui dévoilent le dispositif. - Au JT : le rôle du présentateur 63 °Critère C 15 - Le lancement des sujets. La plupart du temps des journalistes et des spécialistes viennent le seconder. Aujourd'hui, il est l'homme-orchestre et le protagoniste du JT avec deux fonctions remarquables dans les JT des chaînes généralistes : baliser les grandes articulations du journal et assurer les transitions entre les sujets. - La personnalisation du journal Langage : efficace, clair et riche. Pas moins de 60% de mots. En revanche, contrairement aux émissions de divertissement où c’est très aléatoire, la correction langagière comme vestimentaire s’impose au JT. - Regard caméra : droit dans les yeux. • Le JT : caractéristiques du traitement de l‘information - Les sources °Critère C 16 - La dépêche d’agence. La réputation de fiabilité des informations est alors inférée par le téléspectateur à partir de l’assimilation de ce genre de sources à la voix officielle. - La règle professionnelle qui conduit le journaliste à être jaloux de la protection des sources conduit le téléspectateur à ne jamais s’étonner qu’elles ne soient pas citées. - La tendance à identifier la source avec l’évènement à partir duquel le document-source se constitue - L’angle de traitement °Critère C 17 - « une vision tragique du monde » - l’angle de traitement des infos dans un JT doit permettre de faire la part de l’ordre et du désordre - le JT se révèle comme récit permanent d’une tragédie réitérée dans des cycles répétés. - Les types de scénarisations °Critère C 18 - « le développement factuel des évènements est rapporté en recourant à des modèles scénaristiques privilégiant le schéma narratif qui domine la fiction : ordre- perturbationconflit- dénouement (= restauration de l’ordre perturbé) » - le direct [caractéristique des émissions de JT encore plus prégnante dans un flash spécial] « substitue le temps réel au processus réel » - L‘écriture audio-visuelle typique du JT °Critère C 19 - l’écriture audiovisuelle typique du JT constitue un jeu sur la distance du téléspectateur par rapport au réel - L’écriture des reportages eux-mêmes est donc ainsi typique de la fonction de simple illustration qui leur est assignée. - La prime à l’émotion - La validation de l’information 64 °Critère C 20 - L’un des modes privilégiés de validation de l’information dans le média TV est fourni par le recours aux « personnalités » médiatiquement « crédibles ». • Le JT et son public : - Les pré-recquis °Critère C 21 - La rédaction sélectionne et traite l’actualité en fonction de pré-requis supposés de son public. - La loi de proximité du JT °Critère C 22 - Les récepteurs retiennent ce qui leur est proche dans le temps, l’espace, l’univers social, le champ affectif. Retour au sommaire 5- Application de la grille d’analyse au produit JT contrefait de la RTBF J’ai commencé par définir ma grille de critères à partir du travail de recherche fait et publié par les pédagogues sur les caractéristiques du format d’un JT à partir de l’analyse comparée des plus grands JT. J’ai ensuite utilisé cette grille pour effectuer plusieurs visionnages du film de l’émission de la RTBF. J’ai identifié les caractéristiques de ce faux JT en correspondance avec celles de la grille et ai ainsi pu établir le descriptif critérisé qui suit. Pour le faire, je me suis contentée des 30 premières minutes d’émission et ai retenu 30 copies d’écran significatives capturées dans ces seules 30 minutes pour illustrer la grille des critères. Pourquoi trente minutes ? A cause du séquençage de l’émission qui conduit au bout de trente minutes les auteurs du faux JT à dévoiler explicitement son caractère fictionnel, même si cette révélation prononcée et incrustée en texte à l’écran n’a pas suffit, dans bien des cas, à modifier la perception du téléspectateur. Le script de ces trente premières minutes est ainsi séquencé : 0 minutes – Le faux JT arrive comme édition spéciale improvisée pendant le cours (au début) d’une émission : « Questions à la Une ». Il faut remarquer que, dès le début de cette émission, et alors que l’on n’est pas encore dans la contrefaçon fictionnelle, le petit logo avec dans un carré rouge la silhouette stylisée du tableau La Dame au cochon / Pornocrates de Félicien Rops est affiché. Il restera dans l’angle d’écran pendant toute l’émission contrefaçon du JT. Cette émission est interrompue au bout de quelques minutes de présentation de son sommaire par un brouillage progressif de l’image à l’écran Ce brouillage est calculé pour laisser très ponctuellement percevoir au téléspectateur une image substitutive de François 65 Debrigode au maquillage d’urgence avant d’apparaître à l’écran après le générique de l’édition spéciale. Enfin, c’est l’ouverture du JT et la présentation de l’information ; envoyés spéciaux et reportages de base ; analyse et commentaires présentés par le journaliste directeur de la RTBF en personne. Au bout de 16 minutes - reprise de l’information : on entre dans la répétition caractéristique des longs suivis d’évènements présentés en direct (type guerre du Golfe) appuyés par des d’illustrations successives et qui confirme l’analyse proposée. La TV fournit aux consommateurs les matériaux de rationalisation de l’analyse donnée comme devant être « adoptée »). A partir de la 19ième minute - sont diffusés des reportages courts sur des faits ayant eu lieu antérieurement (que la RTBF a dans ses tiroirs) et expliquant les faits actuels comme repérables dans une trajectoire logique et prévisible. Par exemple, on peut voir deux reportages successivement : l’un sur un repas ayant réuni l’extrême droite flamande à Anvers en juin « dernier », l’autre présentant une réunion du mouvement nationaliste wallon et des rattachistes (à la France) à Waterloo avec manifestation au monument de « l’aigle blessé ». La prétention des médias à faire objectivité en faisant la part des choses est ici illustrée par la symétrie des deux reportages sur les mouvements extrémistes des deux bords, par les images de réunions autour de repas des deux cotés, par les emblèmes et symboles utilisés des deux cotés (drapeaux). En fait, il n’y a guère d’objectivité en cela car si le mouvement nationaliste flamand est puissant, grandissant, menaçant, infiltrant de vrais courants d’opinion…, ce n’est pas le cas de son homologue wallon. Sous une apparence d’objectivité, la RTBF impose l’idée et l’analyse d’une menace extrémiste de droite comme explicative des infos présentées dans son faux JT. A la 28ième minute - une courte séquence concluant cette session de trente minutes par un reportage sur l’arrondissement Bruxelles-Halle-Vilvoorde permet de déplacer la question traitée jusque là sur le plan politique et institutionnel vers le plan linguistique. 30 minutes - Cette première session prend fin alors que se met à défiler à l’écran le bandeau « ceci n’est peut être pas une fiction » (allusion à René Magritte) puis un message permanent fixe « ceci est une fiction » et que le présentateur de plateau François Debrigode répète régulièrement que l’émission a un caractère fictionnel. 66 Ci-après, j’ai opté pour une présentation qui consiste à reprendre la grille de critères de départ, à la renseigner à partir des caractéristiques relevées dans l’émission de la RTBF et à illustrer celles-ci d’images correspondantes à partir de captures d’écran. • La mise en scène du JT et ses dispositifs - Le cas du journal de plateau °Critère C1 - Organisation du travail : dispatching des infos entre présentateur vedette et travailleurs spécialisés (journalistes envoyés spéciaux = opérateurs spécialisés [OS]) Dans le faux JT le présentateur vedette est François Debrigode. Le scénario adopté ici est absolument classique : Debrigode présente les informations sous forme d’annonces et passe la parole à des envoyés spéciaux qui relaient l’information en la présentant de nouveau avec des détails supplémentaires et surtout en se présentant sur le « terrain », en situation, à la source. Ensuite les envoyés spéciaux débutent un reportage qu’ils introduisent et qui consolide l’info, la crédibilise et l’illustre. °Critère C2 - Présence d’un « conducteur » comme outil de pilotage des phases du travail. L’émission de la RTBF ce soir là est bien entendu réglée par un conducteur comme le sont tous les JT. °Critère C3 - Informations hautement signifiantes illustrées par des images neutres et banales issues de banques de données. 67 Dans le JT contrefait, des reportages successifs montrent, par exemple, les images filmées du Roi Albert II qui quitte le palais royal en voiture, le drapeau belge qui est amené et un avion sur un tarmak d’aéroport. Ces images, banales et neutres en soi sont en réalité des extraits d’archives stockées par le média pour un usage du même type dans de vrais reportages de vrais JT. En effet c’est une pratique classique de ce format d’émission d’utiliser des données issues de banques d’images archivées. Cette pratique discutable et discutée a plusieurs fois été montrée et dénoncée dans la célèbre émission de Daniel Schneidermann : « Arrêt sur Images ». °Critère C4 - Annonce soudaine, dépêche de « dernière » minute, technique de duplex… constituent généralement des indicateurs portant le téléspectateur à émettre des inférences de « fraîcheur » des infos. Dans le JT contrefait du 13 décembre 2006, l’ensemble de l’émission repose sur une annonce soudaine. Cela est évident et il n’est pas nécessaire de le démontrer formellement au téléspectateur puisqu’il s’agit d’une édition spéciale de la rédaction du journal télévisé qui prend même le pas sur une autre émission des programmes qu’elle interrompt. Malgré cela, le format classique est repris dans ses détails : le présentateur, pour signifier qu’il est sous « le feu d’une actualité brûlante », décroche son téléphone pour se nourrir en direct des dernières confirmations et les reporters envoyés spéciaux annoncent leurs informations en les introduisant d’une formule du type « nous venons à l’instant d’apprendre que… ». 68 Ce procédé du coup de téléphone est même utilisé dans les interviews où les journalistes de terrain vont chercher les réactions des grands responsables concernés par l’information traitée. On voit dans cette contrefaçon de JT la mise en scène courante de l’interview d’un politique, filmé comme si l’équipe TV était entrée par effraction dans son bureau et le surprenait dans une conversation téléphonique qu’elle n’hésite pas à déranger pour ses raisons urgentes et prioritaires. La soudaineté et l’urgence sont encore appuyées par des images montrant les journalistes eux-mêmes en train de fabriquer leurs reportages. 69 °Critère C5 - Spécifications hors informations brutes et destinées à en rendre rationnelle la succession présentée. Dans le JT contrefait du 13 décembre 2006, ce procédé est tout aussi courant que dans n’importe quel JT. - Les caractéristiques du générique °Critère C6 - Fonction de bornage du générique : frontière dans le flux de programmes et prélude à l’entrée en matière. Dans le JT contrefait du 13 décembre 2006, l’introduction de l’émission se fait évidemment à partir de la copie exacte du générique habituel des journaux télévisés de la chaîne. °Critère C7 - Fonction de nomination et identification de l‘émission. Il s’agit d’un « vignettage » catégoriel qui déclenche chez le téléspectateur la mobilisation de « scripts » appropriés de traitement de l’information. L’info présentée dans un JT suppose un traitement spécifique et ritualisé qui est ainsi sollicité. 70 °Critère C8 - Fonction de signature de a chaîne et du collectif de professionnels auteur. Dans le JT contrefait du 13 décembre 2006, idem. °Critère C9 - Fonction de capture attentionnelle induite par l’imagerie de fidélisation et le message sonore d’amorçage. Dans le JT contrefait du 13 décembre 2006, idem. - La charte graphique d’un JT °Critère C10 - Informations iconiques d’arrière plan : images fixes ou défilantes en arrière plan des journalistes présentant l’info. Exemple dans le JT contrefait du 13 décembre 2006 °Critère C11 - Sous-titrage et signature visuelle des commentaires comme gages du caractère explicite et authentique de l’info ainsi que de l’ « engagement » personnel des locuteurs. °Critère C12 - La figure de la page-écran. - Aspects typographiques : mise en page avec bandeaux, inscriptions graphiques barrant l’écran, médaillons, cabochons. 71 - Enoncés linguistiques ritualisés et standards visuels Exemple dans le JT contrefait du 13 décembre 2006, de l’annonce d’un « extra-journal » avec bandeau « édition spéciale », incrustation du graphisme stylisé évocateur de La Dame au cochon / Pornocrates de Félicien Rops, de l’indication « la une ». - Les caractéristiques du décor d’un JT °Critère C13 - Ligne de partage entre ce qui, dans un décor de JT, est invariant dans la fonction de générer la pénétration de l’information et ce qui, dans les détails de couleurs ou de type d’écran technologique ou autres éléments, relève de la mode. C’est évidemment le cas dans l’exemple dans le JT contrefait du 13 décembre 2006 puisqu’il est tourné dans le décor même du JT ordinaire. - Pour un JT : quels cadrages spécifiques ? °Critère C 14 - Ce n'est qu'après avoir présenté les titres du journal de 20h que Patrick Poivre d'Arvor envahit l'écran par un effet de zoom avant pour introduire un effet de pénétration chez le téléspectateur et de proximité avec lui. Dans l’exemple du JT contrefait du 13 décembre 2006, François Debrigode est bien dans la même configuration comme le montre l’image ci-dessus. - Le présentateur apparaît le plus souvent en plan frontal, dans un souci de neutralité. De même le cadre serré est très utilisé pour créer une relation d'intimité avec le journaliste. Mais on peut aussi proposer d'autres points de vue sur le ou les présentateur(s) en multipliant les axes et les plans dynamiques (mouvements de caméra, zooms, etc.) qui dévoilent le dispositif. - Au JT : le rôle du présentateur °Critère C 15 - Le lancement des sujets. La plupart du temps des journalistes et des spécialistes viennent le seconder. Aujourd'hui, il est l'homme-orchestre et le protagoniste du JT avec deux 72 fonctions remarquables dans les JT des chaînes généralistes : baliser les grandes articulations du journal et assurer les transitions entre les sujets. - La personnalisation du journal Langage : efficace, clair et riche. Pas moins de 60% de mots. En revanche, contrairement aux émissions de divertissement où c’est très aléatoire, la correction langagière comme vestimentaire s’impose au JT. - Regard caméra : droit dans les yeux. • Le JT : caractéristiques du traitement de l‘information - Les sources °Critère C 16 - La dépêche d’agence. La réputation de fiabilité des informations est alors inférée par le téléspectateur à partir de l’assimilation de ce genre de sources à la voix officielle. - La règle professionnelle qui conduit le journaliste à être jaloux de la protection des sources conduit le téléspectateur à ne jamais s’étonner qu’elles ne soient pas citées. - La tendance à identifier la source avec l’évènement à partir duquel le document-source se constitue Dans l’exemple du JT contrefait du 13 décembre 2006, un reportage « à chaud » sur une manifestation pro-Belgique devant le palais royal et en face le parlement est présentée. La fausse information diffusée par le pseudo JT a créé les vraies réactions qui, filmées et commentées, deviennent la matière de vraies informations, telle ce mouvement des gens. De la même façon, la réaction réelle d’Hermann Decroo, président de la chambre, est une vraie réaction créée par la fausse information. Ainsi le faux JT devient de plus en plus 73 réaliste et conforme à la réalité lorsqu’il décrit les réactions qu’il a générées. - L’angle de traitement °Critère C 17 - « une vision tragique du monde » - L’angle de traitement des infos dans un JT doit permettre de faire la part de l’ordre et du désordre. - Le JT se révèle comme récit permanent d’une tragédie réitérée dans des cycles répétés. Les informations diffusées dans le vrai-faux JT de la RTBF le 13 décembre 2006, étaient pour la quasi-totalité des téléspectateurs belge ce soir là, « incroyables ». Pourtant, ne pouvaient-elles pas être confusément redoutées comme une menace ultime, à terme, pour l’unité, si non l’existence, du pays ? Sans doute le climat permanent de « vision tragique » du monde qui teinte les JT quotidiens et avec lequel entrait en résonance celui que François De Brigode présentait ce soir là, conduit à s’attendre à tout. Il me suffit de relever ici les éléments d’information exposés qui convergent vers cette représentation de tragédie mais aussi les signes qui dans le format du JT accréditent cette représentation : Le roi quitte secrètement le royaume Alain Gerlache, journaliste directeur de la RTBF vient sur le plateau lui-même renforcer la crédibilité mais aussi le caractère dramatique exceptionnel de l’évènement. Il vient aussi dire ce qu’il « faut penser » de ce qui est montré. 74 Un reportage fait mention d’un pseudo communiqué officiel visant à éviter les réactions violentes de la population On a ainsi à la fois la dramatisation et la fonction qui consiste à faire la part de l’ordre et du désordre. - Les types de scénarisations °Critère C 18 - « le développement factuel des évènements est rapporté en recourant à des modèles scénaristiques privilégiant le schéma narratif qui domine la fiction : ordre- perturbationconflit- dénouement (= restauration de l’ordre perturbé) » - Le direct [caractéristique des émissions de JT encore plus prégnante dans un flash spécial] « substitue le temps réel au processus réel » « Dans une éruption volcanique, il y a sans aucun doute le temps de l’éruption, mais il y a aussi le temps du volcan » (Gérard Leblanc, 1999 – Les scénarios du réel, T1, Paris, L’Harmattan). Seul un mode de traitement de l’information qui serait préoccupée des processus serait en mesure de séparer l’évènement de l’évènementiel et de mettre en relation plusieurs temporalités. On peut le rencontrer dans la presse écrite mais dans le média TV, une conception dominante de l’information, dite « incontestable » est caractéristique en ce qu’elle subordonne tout processus à son « visible » de l’instant (média d’images), c'est-à-dire à son « état » actuel (le direct). La contrefaçon RTBF copie parfaitement cette particularité du JT en présentant des états instantanés actuels de ce qui n’est pas compréhensible sans renvoyer à une évolution longue. Elle annonce le départ du roi, montre l’arrivée des responsables politiques au palais, les manifestations de joie des séparatistes anversois, l’arrêt d’un bus sur la ligne de frontière linguistique… Ce qui est montré en direct, doit suggérer l’aboutissement d’un processus long de décomposition de l’unité nationale, aboutissement peu crédible mais cru. 75 - L‘écriture audio-visuelle typique du JT °Critère C 19 - L’écriture audiovisuelle typique du JT constitue un jeu sur la distance du téléspectateur par rapport au réel. Par exemple, le JT contrefait du 13 décembre 2006, dans un reportage dit « à chaud », montre un tramway arrêté sur la frontière avec la « Flandre indépendante ». C’est un évènement proche des gens dans leur vie courante. - L’écriture des reportages eux-mêmes est donc ainsi typique de la fonction de simple illustration qui leur est assignée. « Qu’elle soit descriptive, explicative, analytique, narrative, l’image témoigne non de la réalité mais du discours qui est tenu sur elle » (Gérard Leblanc, 1999 – Les scénarios du réel, T1, Paris, L’Harmattan). - La prime à l’émotion Pour faire monter la tension émotionnelle, par exemple, le JT contrefait du 13 décembre 2006 montre, comme signe flagrant de retour « à une époque que l’on croyait révolue », une pseudo manifestation devant le parlement flamand. Il y a aussi un objectif semblable dans les deux reportages montrant des extrémistes hargneux, autonomistes flamands et autonomistes wallons ou rattachistes. 76 - La validation de l’information °Critère C 20 - L’un des modes privilégiés de validation de l’information dans le média TV est fourni par le recours aux « personnalités » médiatiquement « crédibles ». Par exemple, le JT contrefait du 13 décembre 2006 montre Axelle Red qui réagit en direct à l’annonce de déclaration d’indépendance de la Flandre. Elle déplore les évènements annoncés : « on est déjà si petits ». Dans la partie finale de l’émission Philippe Geluck sera lui-aussi interrogé. Leurs réactions sont appelées en tant que leaders d’opinion, conformément à une pratique typique des journaux télévisés. • Le JT et son public : - Les pré-recquis °Critère C 21 - La rédaction sélectionne et traite l’actualité en fonction de pré-requis supposés de son public. La conscience nationale, la connaissance de leur histoire, la sensibilité à l’évolution de leur situation communautaire et le positionnement dans les évolutions institutionnelles et politiques sont constitutifs chez les télé-spectateurs belges du répertoire de leurs prérequis. La justification précisément donnée par les auteurs du vrai faux JT controversé lorsqu’ils sont accusés d’ignominie porte bien sur la question des pré-requis. Ils prétendent faire œuvre de stimulation citoyenne en provoquant le débat sur la question communautaire et linguistique. Savoir si la diffusion de cette contrefaçon de JT a eu un impact susceptible d’induire des changements de mentalité qui vont dans le sens d’admettre l’idée séparatiste ou, au moins l’idée de séparation est une chose. Rappelons que quelques mois plus tard, le premier ministre sorti des élections n’a pas été en mesure de former un gouvernement et que les belges ont été conduits à admettre que leur pays reste plus de la moitié sans direction, puis soit ensuite dirigé, même si cela est réputé provisoire, par le candidat battu aux élections. Une autre chose, qui nous concerne directement dans le cadre de ce travail est de savoir que malgré des contenus informationnels proprement « incroyables », donc impossibles à attendre à partir des bases de pré-requis dont ils disposaient au moment de la diffusion, 77 une très forte importance a été attribuée le 13 décembre par les téléspectateurs de la RTBF aux contenus fictionnels qui leur ont été diffusés. Cela donne la mesure selon laquelle la contrefaçon du produit de communication qu’était ce vrai-faux JT était réussie. Cela prouve aussi que la contrefaçon porte bien sur le façonnage du produit de communication et non pas sur les contenus d’information communiqués. Contrefaire, c’est façonner selon les mêmes procédés un produit qui présente les mêmes caractéristiques. C’est « l’enveloppe » qui est copiée. Dans le cas d’un JT, la forme de ce produit de communication est conçue pour renforcer la pénétration de l’information et à influencer la source. Cette conception de procédés n’est pas susceptible de transformations sensibles en fonction de cycles de modes dans ce format de communication. - La loi de proximité du JT °Critère C 22 - Les récepteurs retiennent ce qui leur est proche dans le temps, l’espace, l’univers social, le champ affectif. Après 30 minutes, cette première session prend fin alors que se met à défiler à l’écran le bandeau « ceci n’est peut être pas une fiction » (allusion à René Magritte) puis un message permanent fixe « ceci est une fiction et que le présentateur de plateau François Debrigode répète régulièrement que l’émission a un caractère fictionnel ». Retour au sommaire 6 – Le cas du JT. Analyse 1 : validité empirique et efficacité des contrefaçons en communication Dans ce chapitre, j’ai d’abord pensé que je devais m’intéresser aux questions de fabrication du produit télévisuel contrefaisant un JT et à la crédibilité en matière de communication de ce produit comme aux implications en « matière de traitement de l’information » (cognitive) et réactions des téléspectateurs-consommateurs de ce produit. Je n’ai mis qu’au second plan la question de la guerre intercommunautaire belge qui n’était pas le cœur de cible dans ce mémoire. Néanmoins, en abordant l’analyse de ce thème, je crois devoir attirer l’attention de mon lecteur sur les relations étroites entre les caractéristiques du produit de communication contrefait lui-même et d’une part leurs implications et impacts chez le consommateur-perceveur puis, au-delà, les conséquences sociales entraînées par les effets qu’elles produisent en induisant des comportements sociaux dans la guerre inter communautaire qui en forme le contexte. 78 En étudiant les conséquences possiblement liées à l’émission de la RTBF que j’ai étudiée ici, j’ai été amenée à cinq constats. Retour au sommaire a - Le discours des contrefacteurs : Dès la diffusion de l’émission et jusqu’aujourd’hui en passant par les diverses interviews que j’ai écoutées (cf celle réalisée par Michel Field dans son émission Médiapolis sur Europe et dont j’ai joint l’enregistrement complet aux annexes numériques), les journalistes auteurs du « coup » de la RTBF ont tenu un discours clair et constant sur leurs intentions : « Il ne s’agit en aucun cas d’un canular, mais bien d’une émission de politique fiction. Notre intention était de provoquer un réveil des Belges sur la question qui ronronne et grossit depuis si longtemps. Nous n’avons pas triché puisque nous avons émaillé l’émission de signaux qui en indiquaient clairement le caractère fictionnel. Nous n’avions pas prévu l’impact « émotionnel » considérable de l’émission. Notre but déontologique était de provoquer une prise de conscience du peuple ». Retour au sommaire b - La réaction des consommateurs de l’information : D’une manière générale, les informations diffusées dans ce faux JT ont été crues, que cela soit par le téléspectateur moyen, par les gens des médias et du spectacle habitués aux procédés de communication médiatique (cf la réaction d’Axelle Red diffusée dans la contrefaçon ellemême), par les responsables politiques eux-mêmes, ce qui est plus étonnant lorsqu’ils sont des responsables du niveau de l’état ou du parlement européen. Pour ce qui concerne le roi luimême, on n’a pas d’informations. Pour la presse, on sait que les contrefacteurs l’ont prévenue avec plusieurs heures d’avance (vers 17 heures selon la journaliste du « Soir » de Bruxelles). Retour au sommaire c - L’attitude des autorités : Les responsables et autorités compétentes, depuis les supérieurs des contrefacteurs dans l’organe même de la RTBF jusqu’aux responsables politiques, ont d’abord eu la réaction critique de ceux qui sont honteux d’avoir été abusés comme tout le monde. Dans un deuxième temps et à plus long terme, cette réaction s’est estompée pour faire place soit à des sanctions très « douces » (trois communiqués à faire passer dans la presse pour déplorer des petites infractions techniques mineures aux règles internes de la RTBF) soit, de la part des politiques, à des recommandations classiques en la matière sur la nécessité pour les journalistes de conduire une réflexion déontologique interne à la profession. Retour au sommaire 79 d - L’influence politique du produit média : Les promoteurs de la contrefaçon ont assez vite avoué eux-mêmes qu’il y avait dans leur démarche une recherche d’influence politique. La construction même de cette démarche montre bien son intentionnalité politique. Sa réalisation, quant à elle, montre l’efficacité des procédés classiques de la communication politique de média TV. Il est clair que, comme le revendiquent les auteurs, l’émission a eu des effets massifs de prise de conscience. La question qui est posée un an après, alors que la Belgique est dans une impasse institutionnelle considérable, est celle de savoir si l’émission a pu avoir des effets générateurs (au moins au niveau de la classe politique des décideurs). Retour au sommaire e - Un exemple ponctuel : le piège Dahan Durant la campagne présidentielle française, un exemple de contrefaçon très ponctuelle et seulement téléphonique a démontré l’efficacité d’une communication qui emprunte les formats standardisés que les cibles ont l’habitude de traiter à partir de « scripts » disponibles dans leurs répertoires comportementaux. L’humoriste Gérald Dahan, contrefaisant la voix et l’accent d’un canadien et respectant les formes qui lui permettaient de joindre au téléphone la candidate socialiste, a parlé à Ségolène Royale et l’a amenée à s’exprimer d’une manière déplacée politiquement alors qu’elle se croyait en relation privée avec le premier ministre du Québec. (Cf l’enregistrement numérique de cet échange joint aux annexes sous format Realplayer). Retour au sommaire 7 – Le cas du JT. Analyse 2 : la contrefaçon d’un produit de communication non soumis aux « cycles de mode ». D’abord présentés dans leur article de la Virginia Law Review (The Piracy Paradox: Innovation and Intellectual Property in Fashion Design ) puis discutés dans le forum du Blog scientifique de leur faculté de droit de l’université de Chicago, les éléments qui, pour Chris Sprigman et K.Raustiala caractérisent les produits réglés dans l’univers social par un cycle de mode peuvent être répertoriés et servir de critères de base pour vérifier si les produits de communication qui font l’objet d’une contrefaçon relèvent ou non de cette catégorie. Je les utiliserai dans un deuxième temps (b). Dans un premier temps (a) la simple analyse de ce qui précède dans ce chapitre me semble de nature à nous convaincre que le Journal Télévisé n’appartient pas à cette catégorie. Retour au sommaire a - Vérification que le JT n’appartient pas aux produits de communication « cyclés par la mode » - Je viens de décrire les caractéristiques du produit de communication médiatique 80 qu’est un JT comme étant communes à tous les journaux télévisés,ceci en empruntant la méthodologie et les critères à des professionnels de ce décryptage (« apprendre la télé »). - Dans un deuxième temps, nous venons de proposer une analyse explicative des raisons pour lesquelles les procédés et formes de cette communication sont efficaces pour influencer les cibles. C’est le raffinement progressif des techniques de la communication télévisuelle à visée persuasive (le JT est de ce type) qui a permis d’aboutir à un format de produit (le JT) dont les caractéristiques sont optimisées dans ce but. C’est pourquoi on les retrouve stabilisées dans le temps (elles ne se transforment pas selon des modes) et généralisées à tous les JT, de toutes les chaînes et, de tous les pays. Ainsi, le journal télévisé est un format de communication dont l’optimisation en matière d’influence des cibles a stabilisé les caractéristiques ajustées à cette fonction. - Enfin, je viens de relever, dans mon étude d’un JT contrefait par une équipe de la RTBF, les indicateurs qui démontrent l’efficacité de cette contrefaçon en attribuant celle-ci au respect des caractéristiques de base du format. Tous ces éléments me semblent de nature à démontrer que, dans ses fonctionnalités d’influence sociale des téléspectateurs, le format du produit de communication qu’est le JT, n’est pas réglé par des cycles de mode. C’est un produit aux caractéristiques durables, pérenne. Retour au sommaire b - Utilisation des critères d’appartenance proposés par Sprigman et Raustalia Un autre moyen d’évaluer l’appartenance du JT à la catégorie des produits de communication qui ne sont pas réglés par un cycle de mode, c’est d’utiliser comme critères d’appartenance à cette catégorie ceux proposés par Spirman et Raustalia pour identifier, dans le cas des contrefaçons, les caractéristiques relevant de la mode et qui expliquent le rôle de la contrefaçon dans l’innovation en même temps que le turn over progressivement accéléré des produits. Retour au sommaire c - « Short list » des caractéristiques de Sprigman et Raustalia Voici une « short list » des caractéristiques de Sprigman et Raustalia et des autres spécialistes de leur université. Caractéristiques des productions cyclées Définition et application communication « mode » Obsolescence induite : ne s’applique pas au La mode est attributive de « statut », ou de cas du Journal télévisé bonne "position" dans l’univers social. Quand un design (= concept) attrayant commence à se propager, la valeur conférée croît à mesure que les consommateurs consomment ou que les utilisateurs l’utilisent. Mais à mesure que le design 81 Ancrage: ne s’applique pas au cas du Journal télévisé L’espace négatif du droit de la propriété intellectuelle (“negative space” of IP law) = espace de copyright négatif. Le cas du journal télévisé relève du copyright positif. Les coûts juridiques de la protection IP n’ont pas de retour sur investissement suffisant pour être engagés valablement. En matière de protection juridique, les coûts de la protection de propriété intellectuelle sont assumés pour des émissions TV Cyclages historiques Pas de cycles historiques dans le JT puisque pas d’ancrage (format stable) Rôle de la protection IP La protection IP joue un rôle important dans les médias. diffuse, la valeur positionnelle conférée diminue, et les premiers adeptes commencent à chercher le prochain nouveau design. Obligée, l'industrie de production réglée sur la mode entre dans un nouveau cycle de conception des innovations. Le cycle de l'innovation et de la diffusion s’engendrent mutuellement en se précipitant. En tournant sur un grand nombre de copies et de dérivées sur une période donnée d’exploitation, l’industrie "ancre" ses produits de saison en un ensemble de « concepts » qui caractérisent ce qui est, du moins pour le moment, dans la mode. « Par là nous entendons des activités créatrices auxquelles les règles de propriété intellectuelle pourraient être applicables, mais sont pas appliquées » une explication plausible de la situation de la mode est qu'il n'y a pas suffisamment de consensus entre les acteurs de l'industrie de production pour que les gains de la protection de la propriété intellectuelle l'emportent sur les coûts d'exécution. récurrence des tendances ou ancrages sur plusieurs années. la non protection joue un rôle relativement plus important dans les industries où l'apparence est un critère central du consommateur. Rôle des marques En cyclage mode, les marques jouent un rôle Le choix d’un JT n’est pas impulsif et la plus important dans les consommations marque TF1 ou RTBF pour un JT n’a pas de impulsives rôle dans la consommation du format puisque tous les formats sont identiques. Existence de lobbying pour la protection du En cyclage mode, il n’y a pas de lobbying design. pour la protection du design. JT ? Shoppingnorm C'est la relation entre les meneurs et les en Com’, il s’agit de normes dans la suiveurs de mode, et les shoppingnorms des recherche et le traitement de l’info (la lecture deux groupes, qui anime le cycle de la mode de pub ou d’affiches relève de la Dans la mode vestimentaire, par exemple, on normalisation sociale, celle du JT est captive ne veut pas se vêtir comme les autres, mais des procédés exploités par ce format de on n'est pas mécontent qu'ils veulent communication) s'habiller comme nous. Durabilité optimale Temps pendant lequel une chose ou un JT : très longue service produits doivent durer Mode cycles précipités en durées courtes. 82 d - Conclusion partielle au regard de ma problématique. On peut aisément, en consultant la liste de ces caractéristiques et en les utilisant comme critères pour évaluer l’appartenance du format JT à la catégorie des produits réglés par un cycle de mode, faire le constat qu’il n’y appartient pas. L’hypothèse que j’ai dérivée de Sprigman et Raustalia, selon laquelle on peut avec pertinence distinguer dans les contrefaçons de produits de communication, celles qui auront un effet stimulateur de l’innovation de celles qui n’en auront pas, reçoit ici une vérification partielle. Pour être totalement vérifiée, il me faut maintenant examiner l’alternative en considérant le cas de produits de communication dont la production est réglée sur des cycles de modes. C’est l’objet du sous-chapitre suivant (IV-B). Retour au sommaire B- le cas des produits de communication cyclés par des modes : 83 1-Les affiches IL existe de multiples catégories de produits de communication qui font l’objet de contrefaçon. Afin de pouvoir apporter un autre côté de l’étude empirique de ce mémoire, j’ai pris la décision de consacrer une partie de ce travail à l’affiche. Outil de communication très répandu, il est connu de tous, des professionnels tout comme des particuliers. A l’aide d’outils opératoires établis par certains spécialistes, je vais pouvoir établir une étude de ces différents groupes d’affiches afin d’en faire ressortir les critères qui diffèrent, de ceux qui sont similaires afin d’établir une comparaison entre elles. En ce qui concerne la problématique générale de mon travail, je l’ai retenue telle que définie précédemment pour organiser les connaissances et analyses présentées ici et pour rendre intelligibles ces analyses dans une perspective heuristique qui en assure l’intelligiblité. Appliquée au cas spécifique des affiches, elle conduit à avancer l’hypothèse que les conditions de leur production et de leur exploitation permettent de les compter au rang de ceux qui sont soumis à un renouvellement caractéristique des cycles de « modes ». J’aurai donc à viser la mise en évidence dans le chapitre qui s’ouvre ici, en plus des similitudes spécifiant les traits contrefaits, la signification des processus qui signent le cyclage de leur turn over en matière de conception : « l’ancrage » et « l’obsolescence induite ». Retour au sommaire a - Sémiologie de l'image : bases de critérisation des caractéristiques sémiologiques J’ai choisi pour l’étude de ce mémoire d’effectuer des comparaisons entre des affiches présumées contrefaites afin d’effectuer une analyse de similitude en partant de ces supports. Il sera donc utile pour ce travail d’extraire les caractéristiques sémiologiques qui permettront d’aboutir à des conclusions significatives en matière de similitude. J’ai alors pu établir une grille de critères sémiologique en me servant du cours de sémiologie des images présenté en Licence 3 d’IUP Infocom à Clermont-Ferrand. Je propose donc tout d’abord de présenter ces différents critères en résumant ce cours (les passages en italique écris dans la police Calibri correspondent au cours). Définition : Sémiologie = science des modes de production, de fonctionnement et de réception des différents systèmes de signes de communication affichés par un support : le système des interactions de signes est à la base de a signification de l’image supportée => le dispositif interactionnel des caractéristiques sémiologiques forme la grille de critérisation. Pour analyser et décrire une affiche publicitaire : – analyser le support (périodicité, que type de lecteurs, place dans le journal) – nature du produit – marque, label (valeur suggestive) – type de publicité 84 – – – – – présentation : qualité du papier, nombre de pages, images, contenu, plans, prise de vue. Texte : typographie, longueur, ton, langue, argumentation (sentiments/émotions ou copy strategy), rapport texte/image, renseignements pratiques. Auteur Jugement (personnel) qualités de l'information Mesure de l’iconicité d'une image = évaluation du degré de similitude (contenu + morphisme) qu'elle entretient avec l'objet. Pictogramme (degré d'iconicité très faible) : petite image représentant d'une façon simple et stylisée un sujet quelconque. L'hyperréalisme (mouvement américain). Degré d'iconicité très fort. Echelle d'iconicité de Moles * Du plus fort au moins fort • image virtuelle • photographie • dessin, • carte, • plan de ville, • schéma, • graphique, • tableau de chiffres • imageries scientifiques.(électrocardiogramme) L’iconicité est multidimensionnelle => le lien icône (image) – référent (objet) varie en fonction • De dimensions individuelles (selon le sujet perceveur) • De dimensions socioculturelles (position sociale du sujet ; caractéristiques culturelles) [ex : culture occidentale : le bras levé connotation négative] Lors de l’analyse de ces diverses affiches présumées contrefaites, la variable « perceveur » ne sera pas prise en compte. Elle ne paraît pas pertinente du fait qu’elles sont censées être destinées aux mêmes publics. Par contre, la variable « socioculturelle » peut être utilisée car une affiche contient généralement des caractéristiques iconiques saturées culturellement. Les différents critères de comparaison sont donc : Critère 1- l’iconicité culturelle. Fonctions de l'image Fonctions métaphysique : art funéraire, rites Fonction mémorielle : culte des ancêtres Fonction politique : propagande des souverains Fonctions décorative : signe de renommée Fonction religieuse : iconoclaste et iconodulie Fonction didactique : bible illustrées pour les illettrés 85 Chacune de ces fonctions renvoie à un critère possible de comparaison fonctionnelle des images affichées : Critère 2Critère 3Critère 4Critère 5Critère 6Critère 7- la fonctionnalité métaphysique des signes de l’affiche la fonctionnalité mémorielle la fonctionnalité politique la fonctionnalité décorative la fonctionnalité religieuse la fonctionnalité didactique Les signes plastiques Il est important de faire la différence entre les signes figuratifs ou iconiques et les signes plastiques. Le signe figuratif/iconique : il donne de façon codée une impression de ressemblance avec la réalité, interprété en fonction de notre culture. Les signe plastiques : ce sont les outils plastiques de l'image tels que la couleur, la texture, la composition. Analyse des signes plastiques : L'image utilise des signes plastiques : propriétés physiques (photographie papier, peinture sur toile). Le stéréotype plastique est constitué par un signe plastique universel (exemple du calendrier des postes). Ce critère n’est pas pertinent dans ma grille de comparaison d’affiches puisqu’elles utilisent toutes le même stéréotype plastique, contrefaçon ou non. Analyse des signes grapho-figuratifs : Composition, points forts, lignes de force : Composition d'une image : organisation d'éléments identifiables par l'oeil (droites/tâches colorées...). Points forts : passage obligé pour l'oeil. Lignes forces : lignes virtuelles qui parcourent le tableau/photo/affiches…, qui permettent la lecture de l'image. Critère 8- les points de force grapho-figurative Cercles, courbes et motifs : Courbe : cercle géométrique parfait. (cf. Raphaël, la vierge à la chaise, 1513) Les courbes confèrent à l'image une douceur qui tempère la dureté des droites et des angles. Peut être l'inspiration de la protection, la douceur féminine, et, si associées à des droites : l'harmonie et l'équilibre. Critère 9- les lignes et motifs grapho-figuratifs 86 Cf. Pietà KOOKAI. Les bases de l’harmonie grapho-figurative (ex : le nombre d'or rapport mathématique capable de créer un effet d'harmonie par des proportions idéales. Cf étude publiée de l’IREM de Clermont-Ferrand sur le nombre d’or dans l’architecture romane auvergnate). Critère 10- la base d’harmonie grapho-figurative L'illusion de la profondeur peut être donnée par la perspective mais aussi les couleurs bleutées pour les choses lointaines ou la hauteur des personnages (Cf. l'effet de Maray). (ex: la convergence des lignes de fuite accentue la profondeur). Critère 11- la base grapho-figurative de troisième dimension Le point de vue : l'endroit d'où le spectateur se tient pour fixer un objet Critère 12- la base grapho-figurative de centration Le rayon visuel : la ligne imaginaire menée du point de vue à l'objet. Critère 13- le rayon visuel La ligne d'horizon : la ligne imaginaire perpendiculaire au rayon visuel. Critère 14- la ligne d’horizon Le positionnement de prise de vue Vue de face : fonction de contact. Vue de dos : insolite et énigmatique. Vue de profil : imminence d'un danger ou événement fantastique. Vue de ¾ : affirmation moins forte du personnage. Vue au niveau du sujet : pas de parti pris ! La plongée : le regard domine le personnage ou le décor Contre-plongée : impression de puissance, de volonté, de personnalité, voir autoritaire ou despotique. plan rapproché : insiste sur la personnalité et le caractère d'un individu. Critère 15- le positionnement de prise de vue Les plans : - serré (type photo d'identité) - américain (à mi-cuisses) - italien (mi-mollets) - en pied 87 Critère 16- le type de plan L'harmonie des couleurs L'équilibre des couleurs dépend de leur luminosité. Les couleurs chaudes ont tendance à avancer, sont souvent utilisées pour le dynamisme, l'action, l'excitation. Les couleurs froides provoquent calme et apaisement. Loi de Chevreuil : chaque couleur primaire exige la présence de sa complémentaire rouge > vert bleu > orange jaune > violet Dans les agences de pub : bleu : fraicheur, vert : espérance, jaune : éternité, orange : équilibré, rouge : colère, blanc : pureté. Impression que le rouge avance vers nous. Noir : élément mystérieux/raffiné. Bleu : vertu/paix/immatérialité/méditation/sagesse. Rouge : force/passion/puissance/interdiction/danger. --> effet physiologique : stimulant. Jaune : idéalisme/action/luminosité. Vert : espérance/nature/immortalité. --> effet calmant, équilibrant, reposant, ambition, enthousiasme, imagination. Critère 17- le type de colorisation La direction de la lumière peut créer un effet : réalisme ou effet dramatique. L'analyse du type d'éclairage directionnel ou diffus contribue à l'interprétation du message visuel. L'éclairage : contre-jour, lumière de trois quart, lumière de face, contre jour total L'éclairage directionnel accentue les reliefs les textures, les couleurs et accroît l'impression de réalisme en situant l'œuvre dans le temps. Un éclairage diffus atténue le relief, crée une impression de réalisme. « la lumière détermine un état psychophysiologique chez le spectateur, état qui est lié à notre expérience » (Michael Fried). Violet : utilisé pour les arts et cultures. Critère 18- le type de luminosité Dénotation / connotation L'anamorphose : d'après Roland Barthes : "Une analogie en dérision. C'est une représentation volontairement déformée d'un objet, dont l'apparence ne peut-être distinguée qu'en regardant l'image sous un angle particulier ou par un miroir courbe. (cf. les ambassadeurs, Holbein, 1533) Vanité moderne : cliché de Mappelthorpe (photographe), auto-portrait, 1988 88 Barthes invente sa propre méthodologie : elle consiste à postuler que les signes contenus dans es images ont la même structure que les signes linguistiques proposés par Saussure. Il considère que s'il part de ce qu'il comprend du message publicitaire qu'il analyse, il tient des signifiés. Il va trouver des signes pleins. C'est ainsi qu'il découvre le concert d'"italianité" qui ressort d'une pub pour les pâtes Panzani. Signifiant plastique : les couleurs qui évoquent le drapeau italien Signifiants iconiques représentants les objets socio culturellement déterminés. La méthode mise en place par Barthes à partir des signifiés pour trouver les signifiants s'est montrée parfaitement opératoire (ex : la forme de croissant du filet qui évoque la corne d'abondance ; le filet entrouvert évoque la pêche miraculeuse ; le filet plein évoque le retour du marché, la fraîcheur Pour Barthes, toute image est connotée, donc symbolique. Critère 19- la structure de connotation Critère 20- la structure de dénotation Retour au sommaire b - Grille des critères exploités: Critère 1Critère 2 Critère 3 Critère 4 Critère 5 Critère 6 Critère 7 Critère 8 Critère 9 Critère 10 Critère 11 Critère 12 Critère 13 Critère 14 Critère 15 Critère 16 Critère 17 Critère 18 Critère 19 Critère 20 l’iconicité culturelle la fonctionnalité métaphysique des signes de l’affiche la fonctionnalité mémorielle la fonctionnalité politique la fonctionnalité décorative la fonctionnalité religieuse la fonctionnalité didactique les points de force grapho-figurative les lignes et motifs grapho-figuratifs la base d’harmonie grapho-figurative la base grapho-figurative de troisième dimension la base grapho-figurative de centration le rayon visuel la ligne d’horizon le positionnement de prise de vue le type de plan le type de colorisation le type de luminosité la structure de connotation la structure de dénotation Lors de cette analyse de similitude qui fait l’objet de ce mémoire, je ne retiendrais uniquement les critères, après les avoir appliqués au cas des affiches sélectionnées, qui représentent un intérêt dans cette étude des similitudes. C'est-à-dire ceux qui représentent un caractère susceptible de soutenir l’hypothèse d’un copiage de conception. De nombreux critères de cette grille permettent d’identifier dans les affiches comparées des similitudes qui relèvent des normes habituelles de création et de conception. Il n’est pas utile 89 pour l’étude de ce mémoire d’utiliser ces critères ; mais plutôt ceux qui permettront d’interpréter des similitudes entre ces affiches, hors normes habituelles. Retour au sommaire c- Analyse des affiches comparées Avertissement de présentation : il est fréquent dans un mémoire de présenter le texte en continu avec les illustrations correspondantes en annexes. Je me trouve ici dans le cas particulier où je fais l’analyse d’affiches. Si je les présente et les décris (ce qui serait nécessaire pour la bonne compréhension des lecteurs) dans mon corps de texte, le volume de texte produit sera trop conséquent. De plus, le fait de ne pas placer ces affiches avec la rédaction de l’analyse de celle-ci, cela obligerait les lecteurs à se reporter sans cesse aux annexes, ce qui provoquerait une lecture de ce mémoire peu confortable. Enfin, si je ne les propose pas en même temps que le texte d’analyse et n’apporte pas non plus de description détaillée, je ne réduis en rien le volume mais je cours le risque de noyer mon lecteur. J’ai donc opté pour une solution intermédiaire. Pour chacune des analyses de similitudes portant sur un exemple de contrefaçon présumée je vais : • assembler dans un tableau de présentation des « vignettes ou pictogrammes» présentant un très petit format des affiches originales et de leurs contrefaçons dans une colonne. Chaque vignette sera assortie, dans une seconde colonne, de ses références (support, date de parution, auteur créateur, Agence de Pub, éventuellement trophée remporté avec l’affiche, pays...) • exposer le texte dans lequel je présente l’analyse des similitudes à partir de la grille de critères utilisée comme outil méthodologique • renvoyer le lecteur, s’il souhaite avoir non seulement une illustration des commentaires mais des images d’un format plus propice à l’examen détaillé, aux annexes dans lesquelles les affiches seront présentées de façon moins réduite. Retour au sommaire 90 -Cas N° 1 : Induction de similitude par procédé graphique. La contrefaçon est-elle invocable dans le cas où, comme dans les exemples des deux affiches ci-dessous, l’essentiel de la similitude entre l’original présumé et la copie résulte de la mise en œuvre de procédés graphique ? Il s’agit, dans ce cas de faire paraître sur une affiche, (qui est par définition un espace plat), la caractéristique à mettre en valeur pour les objets présentés par la publicité qui ont justement la caractéristique d’être plats également (cf critères 8 à 12). Le procédé inventé (conception) consiste à représenter les deux plans (critère 11) de manière différenciable à la simple perception du consommateur. Ceci est obtenu dans le cas Philips. L’utilisation d’un fond de paysage avec des nuages cotonneux, sans irrégularités rend flagrante l’illusion (perceptible par tous) de surplomb de la ligne graphique basse de l’affiche par le plan d’écran. Dans le cas de l’affiche pour LG, la différenciation des plans est obtenue par représentation de l’écran en perspective inclinée (lignes de fuite critère 11). L’illusion perceptive est provoquée par la figuration d’une structure bâtie en angle, structure en architecture sous forme de dièdre révélant ses parties habituellement cachées (tubulures du support échafaudé) parce qu’elles dégraderaient le message. Ici elles informent le message en produisant l’illusion nécessaire à celui-ci. Le point qui nous pousse le plus nous interroger sur l’hypothèse d’une contrefaçon ici concerne l’insistance, le soulignement de la platitude des écrans représentés. Dans les deux cas un équilibriste est représenté sur la tranche. L’idée qui peut entraîner une présomption d’originalité dans le cas de l’affiche Philips où le funambule est clairement sur la tranche de l’écran, est l’application symétrique. Celle-ci est moins judicieuse dans l’affiche LG. En effet, l’équilibriste apparaît dans une position identique mais qui prête à confusion. Il peut être vu sur la tranche de l’écran, mais plus probablement sur la tranche du panneau d’affichage figuré (comme au second degré) sur l’affiche elle-même. Ce soupçon est renforcé, si non démontrée, par la nette antériorité de l’affiche Philips. L'affiche Philips Flat TV date de l’an 2000 (Source : Club des Directeurs Artistiques.) Création : Pauline Dubois, Benoit Guide de l’agence : Euro RSCG Works (France) L’affiche LG Flatron Extraflat TV date de 2005 (Source : Cannes Lions Archive et www.adme.ru) Création : Juan Manuel Ricciarelli, Pablo Alvarez Travieso, Gonzalo Vecino., Agence : BBDO (Argentina) (cité par JLP). Retour au sommaire 91 Cas N°2 : Induction de similitude par connotation. L'ORIGINAL ? : Annonce 4x4 LandRover Freelander - 2002 Source : A.P.P.M Best off 2002. DC : Hervé Riffaut, DA : Emmanuel Lahaye, CR : Patrick Maillet Agence : Young & Rubicam (France) LA COPIE ? : Annonce 4x4 Jeep - 2003 Source : Eurobest 2003 shortlist, NY Festivals 13 Finalist. DC : Daniel Matter, DA : Sabine Ries, CR : Michael Kathe Agence : Matter & Partner / Zurich (Suisse) LA COPIE ? : Annonce Toyota - 2003 Source : Cannes Lions Archive Online. Créas : Gerhard Myburgh, Mark Beckett, Eliot Powell. Agence : FCB JOHANNESBURG (Afrique du Sud) LA COPIE ? : Annonce Peugeot - 2005 Photographer : Andy Glass. Agence : Euro RSCG Paris (France) LA COPIE ? : Annonce Renault Megane LA COPIE ? : Annonce Renault Megane Cabriolet Coupé – 2004 Source : Lurzer's Archive. AD: William Tattoli, CR: Francesco Gori Agence : Saatchi & Saatchi (Milan-Italie) 92 Les six affiches ci-dessus présentent des caractéristiques de similitude susceptibles de générer l’hypothèse de contrefaçon (sauf reprise pour les deux pub Renault) sur la base d’une comparaison des structures de connotation (critère 19). Double connotation : • aux images télévisées et aux images cinématographiques contemporaines montrant les exploits d’un homme qui avait dressé des oies de guinée à voler avec lui alors qu’il évoluait en deltaplane pendulaire • connotation avec les images de pub qui montraient l’irréaliste compétition entre une voiture et un avion alors que la Pub des voitures était encore largement référée à la mise en évidence de performances en matière de vitesse. La structure de connotation (critères 8, 9, 10 et critère 12) est établie sur le morphisme en V qui est caractéristique du vol des oies en migration. C’est un phénomène dont le public a une large connaissance et le rapprochement qu’il peut y faire peut-être alors quasiautomatique. Elle s’appuie aussi sur le positionnement dans cette organisation graphique de la voiture promue dans la pub, en tête de flèche sur ce « V ». La signification liée au rang de leader dans la progression spatiale est évidente. La seconde base de cette première connotation est appuyée sur le contenu graphique lui-même. En effet, les oies sont représentées dans leur vol, ce qui rappelle les images du film « Le peuple migrateur ». On remarquera (critère 15) que la prise de vue, est la même pour chacune de ces affiches (sauf l’une des deux affiches Renault). Le survol de l’ensemble graphique qui vient d’être décrit, peut avoir une certaine pertinence dans l’invocation d’une contrefaçon. En effet, il ne s’agit, pas, en l’occurrence, d’un impératif de représentation sur un tel contenu : ce choix de positionnement ne s’impose pas de soi puisque l‘une des affiches présentées à comparaison déroge à ce procédé. L’une des six affiches, l’annonce Peugeot 2005, sans que cela remette en cause la similitude des structures de connotation, diffère des cinq autres dans les lignes et motifs grapho-figuratifs d’arrière plan (critère 9). L’évocation de vitesse n’est pas seulement représentée par la structuration graphique de l’ensemble et par la mise en avant de la compétition « voiture/animal » mais est elle est également visible sur cette affiche à travers le floutage ligné représenté sur le sol et qui constitue l’arrière plan de la figuration graphique (cf critère 11). Cette affiche ne reprend pas non plus l’harmonie de couleurs (critère 17) qui est une autre marque de similitude entre toutes les autres affiches mises ici en comparaison. Dans les 5 affiches semblables sur ce point et ce critère, la similitude de colorisation entre la voiture et les oiseaux renforce la perception d’appartenance de la voiture à l’ensemble en vol ce qui crédibilise visuellement l’identité des performances de vitesse. Enfin, l’un des critères de comparaison qui marque le plus fortement une similitude suspecte du point de vue de la contrefaçon entre ces affiches porte sur l’iconicité culturelle (critère 1). En effet le fort degré de similitude que les images présentées dans ces affiches avec l’objet (le vol accompagné de …… dans le film « Le peuple migrateur ») est saturé culturellement. C’est bien dans un contexte socio-culturel marqué par le « retour à la nature », l’anthropomorphisation des animaux ou l’assimilation hommes-animaux dans une indifférenciation néo-rousseauiste du Tout Nature (le grand être), la pureté des espaces et la valeur d’évocation de liberté du « vol libre » que la valeur d’iconicité des ces affiches prend sa mesure. Retour au sommaire 93 - Cas N°3 : Induction de similitude par fonctionnalité décorative. Neuf marques de liquides alimentaires dont sept en packaging bouteille et deux dans un emballage cylindrique ont eu « bizarrement » la même idée géniale d’habiller leur contenant d’une étiquette papier qui, tels les jeans des jeunes (surtout les garçons) à la mode « tombe sur les godasses » en plissant, pour plus de la moitié d’entre elles par analogie à ceux qui se présentent comme s’ils allaient perdre leurs pantalons : forte présomption de contrefaçon constitutive d’une innovation largement instruite sur un cycle de mode de l’affiche qui, cette fois-ci « marque à la culotte » le cycle de la mode vestimentaire elle-même. L'ORIGINAL ? : Annonce Hellmann's Light 1998 Moutarde régime. Source : Festival de Cannes : Lion d'or!!! DC : Alexander Gamma, CR : Joao F. Camargo Art Director: Claudia Bortolotti. Agence : Young & Rubicam (Brésil) LA COPIE ? : Annonce Viladrau - 2001 "Water for dieting" (eau pour régime) Source : New York Festivals Vol 11 - 2002 Médaille d'argent. DA : Jorge Herrera, CR : Gustavo Leon Agence : J.Walter Thompson (Madrid) LA COPIE ? : Annonce Joya Cola Light - 2004 Source : Cannes et NYFestivals 13 Finalist! Creas : Joel Jauregui, Carlos Ortiz, Ivan Zapata Agence : Zonazero (Mexico) LA COPIE ? : Annonce Diet Pepsi - 2004 Source : Cannes Lions Archive Online. Creas : Ted Sann, Jayson Atienza, Frank Anselmo, Chris Maiorino. Agence : BBDO New York (USA) 94 LA COPIE ? : Bundaberg Diet Ginger Beer 2004 Source : New York Festivals Finalist. Créas : Mark Smith , Wendy Johns. Agence : Publicis Mojo (Australia) LA COPIE ? : Annonce Carnation Light - 2005 Source : www.adlatina.com Agence : Publicis Caribbean (République Dominiquaine) LA COPIE ? : Annonce Hellman's Light Mayonnaise 2005 Source : www.adme.ru et Cannes Archive Online. Créas : Peter Gosselin, Jay Hunt, Agence : Lowe London (UK) LA COPIE ? : Annonce Orangina Light - 2003 Source : CB News + Shortlist Cannes 2003 + Gold award aux Eurobest + publiée au CDA. DA et CR : Fabien Teichner, Nicolas Harlamoff DC : Hervé Riffault. Agence : Young & Rubicam France LA COPIE ? : Annonce DietCoke - 2005 Source : NYork Festivals Gold Medal!!! Créas : Akshay Kapnadak, Satish S, Rahul Mathew, Akshay Kapnadak. Agence : McCann Erickson (India) Même si cette figuration n’est pas totalement irréaliste puisqu’elle présume un décollement de l’étiquette papier appliquée sur un support packaging avec une économie maximale des moyens d’encolage, nous nous trouvons dans le cas probable de contrefaçon d’un procédé décoratif (critère 5).En dehors de cette similitude évidente, il n’y a rien à dire en matière caractéristique comparée des toutes ces affiches si l’on s’en tient à la recherche de similitudes suspectes. Retour au sommaire 95 - Cas N° 4 Induction de similitude par signe graphique de composition L'ORIGINAL ? : Campagne Evian 1998. Origine : www.adforum.com Creative Directors : Michael Lee, LA COPIE ? : Ioli Mineral Water - 2005 Source : EPICA Awards 2005. Agence : Spot Thompson Total (Greece) La COPIE : Campagne Johnnie Walker 1999 EPICA Awards Book n°13 DC : Jurij Jwaszkiewics Agence : Double N , Varsovie. LA COPIE BIS : Campagne Guiness - 2000 Source : D&AD Book Clio Award Gold (2000) DA & CR : Jeremy Carr Agence : Abbott Mead Vickers BBDO (London) 96 LA COPIE TER : Campagne 7UP - 2001 Source : Festival de Cannes Longlist Créas : Craig Cooper, Jack Neary, B Wilson, Michael McLaughlin. Agence : BBDO (Canada) LA COPIE de la copie... : annonce Heineken 2001. CR : Olivier Georgeon DA : Pierre Penicaud. Agence : Publicis Conseil Paris. the saga continues... : Affiche UV Vodka 2003. Source : Graphis Advertising Annual 2004. CR : Derek Bitter DA : Cindy Olson, Andrea Floren. Agence : Olson & Company. C’est le bâton d’esquimau devenu « signe » qui, dans la composition graphique de l’affiche (critère 8), renvoie à la fraîcheur glacée. Ce signe graphique exprime de manière syncrétique ce que pourraient exprimer linéairement les signes d’un texte verbal d’accompagnement, un slogan, qui dirait à peu près ceci : « pour faire avec de l’eau, l’épreuve de la fraîcheur glacée, faut-il transformer la bouteille d’eau en pain de glace ? » (Phrase qui aurait pour but l’élaboration spontanée par le perceveur de l’affiche d’une réponse invoquée du style de : « non, car avec cette eau Evian, la fraîcheur est incluse dans la marque et va de soi ». Il est certain que le bâton d’esquimau est un puissant signifiant graphique. Il est donc possible de dire que partir de là, qu’il puisse être substitué à un éventuel slogan, ou phrase de présentation sans que cela représente une gène pour tout public, lecteur. L’affiche peut être ainsi délestée de la quasi-totalité de signes verbaux et, sur sa base de couleur bleutée (critère 17 ) (pour la plupart des affiches ci-dessus), réfracter une image de pureté, qualité essentielle dont il convient de l’assimiler implicitement à un produit comme l‘eau. La première copie présumée que je présente est une affiche qui, sept ans après, reprend exactement le modèle de détermination des signifiés par l’assemblage graphique que je viens 97 de décrire. La charte couleur est tout à fait semblable, elle aussi. Le produit vanté est aussi de l’eau minérale et les qualités mises en avant sont absolument identiques. On peut noter une amélioration (si toutefois on considère ce phénomène comme une amélioration) à la conception de cette affiche, alors le constat établi et qu’il n’y a aucune présence écrite. En dehors de cela, on a complété l’analogie à l’esquimau en poussant l’isomorphisme par la représentation de l’eau paradoxalement à la fois « auto-contenue » dans une forme virtuelle d’esquimau et déjà prête à gicler alors que, dans l’affiche originale, le packaging plastique de la bouteille était conservé et l’eau non pas glacée mais en glace n’est pas prête à se répandre. Du fait que, dans la seconde affiche, celle de 2005, le morphotype du packaging qu’est une bouteille, n’apparaît pas sur le produit présenté ni n’est évoqué par des signes verbaux, il a été indispensable de figurer (en bas à droite de l’affiche) l’icône de bouteille. Dans ces deux affiches pour de l’eau minérale, tous les ingrédients de la composition sont strictement identiques. Si leur organisation diffère dans l’assemblage, c’est dans les deux cas l’incorporation du signe (le bâton d’esquimau) que constitue le graphisme du bâton d’esquimau qui dote de la même signification ces assemblages et constitue le principe d’innovation. Dans le cas des affiches de Johnnie Wlaker et de Guiness, c’est là encore ce même assemblage graphique, crée avec le même signifiant, qui indique le même principe de conception. Différentes couleurs apparaissent (pour renvoyer à la couleur du whisky, par exemple, mais cela n’y change pas grand-chose, pas plus que le fait qu’y apparaissent des signes verbaux comme c’était le cas dans l’affiche originale). On notera que la reproduction Johnnie Walker ne succède que d‘un an à l’affiche présumée originale et introduit le morphotype esquimau (contenant virtuel) qui sera reproduit en 2005. Si l’on est conduit à l’hypothèse de contrefaçon sur ces bases, l’affiche de 2005 se présente donc comme un « mix ». Les trois affiches que je présente ensuite, Heineken de 2001, 7up de 2001 et celle de Vodka de 2003, les deux premières pour des boissons rafraîchissantes et la troisième pour une boisson alcoolisée qui se boit fraîche, reprennent le même principe générateur de signification à partir de l’assemblage graphique et du rôle qu’y joue le signe décisif du bâton d’esquimau. Toutes trois sont semblables du fait qu’ils contiennent des signes verbaux et diffèrent du point de vue de leurs bases de colorisation comme l’impose la diversité des produits dont elles font publicité. Retour au sommaire 98 - Cas N° 5 Induction de similitude par signe graphique de composition L'ORIGINAL ? : Annonce Firestone - 1995 Source : Livre "35ans d'affiches françaises". Agence : BCP (France) LA COPIE ? : Annonce Sava Scooter Tyres 1998 Source : EPICA Awards. Créas : Mitja Petrovic, Zoran Zmiljanic, Ines Petrovic. Agence : Pan, Kranj (Slovénie) LA COPIE ? : Annonce Bridgestone - 1999 Source : Cannes Lions Archive. Créas : Alfonso Ochoa, Carl Jones, Jose Luis Rosales. Agence : BBDO (Mexico) LA COPIE ? : Firestone - 2000 Source : Cannes Lions Archive. Créas : Ryan Menezes, Andrew White. Agence : Scanad Marketing (Kenya) LA COPIE ? : Annonce Continental - 2004 Source : Cannes Lions Archive. Créas : Julian Michalski, Martin Schulz, BorisAue. Agence : Change Communication (Allemagne) 99 LA COPIE ? : Annonce pour les pneumatiques Firestone - 2001 Source : Cannes Lions Archive. Créas : David Vega, Nines Montero, Tony Fernandez-Manes, Isabel Bragado. Agence : Publicis (Espagne) Dans les affiches qui reprennent l’idée de conception dont procède l’affiche que l’agence BCP réalise en 1995 pour Firestone, la similitude repose exactement sur le même principe que celle qui existe entre les affiches où le signe graphique organisateur de la composition est un bâton d’esquimau : le support de rouleau de papier collant, outre qu’il joue un rôle fonctionnel de présentoir dans la figuration proposée, est bien le signe graphique qui renvoie à la qualité essentielle des pneumatiques telle qu’on veut la définir, c'est-à-dire « coller » à la route. Dans l’affiche originale, le graphisme qui représente ce support est quasi transparent et d’une totale discrétion. Il est redoublé par un signifiant verbal sous forme de slogan : « coller à la route » Retour au sommaire 100 2 2- Les spots de pub TV a- Grille d’Analyse d’un spot de pub TV Afin de pouvoir faire une étude maximale de spots publicitaire qui pourraient représenter des contrefaçons, j’ai effectué des recherches sur Internet afin de pouvoir y trouver une grille d’analyse éventuelle pour un spot publicitaire. J’y ai trouvé, dans le mémoire de Geoffrey Dupupet (http://dupupet.m.free.fr/memo2000/chap2/index.htm) une forme de grille très intéressante qui me permettrait d’étudier au mieux les publicités télévisées que j’ai choisies. Cette grille, même si elle est bien moins professionnelles que celle pour l’étude du JT par exemple, est simple et me paraît être suffisante et adéquate pour cette étude. Produit Durée Plan Composition Statut de l’écrit Description du produit concerné Durée de la publicité Nombre de plans 1- ouverture a – type de plan b- description évènementielle brève 2 - développement a – type de plan b- description évènementielle brève 3 - clôture a – type de plan b- description évènementielle brève 1- type de textes utilisés, avec reproduction a – texte simple : description des éléments concernés b- texte animé : description des éléments concernés c- texte mélangé de graphismes : effets spéciaux et textes enrichis de graphismes ; description des éléments concernés d- objets graphiques : description des éléments concernés 2 – remarques sur le rôle des textes Statut de la parole Musique Slogan Type de pub Stéréotype 1- transcription des dialogues et des commentaires oraux - présence - type de musique - mouvement (dynamique, lent…) - rapport musique image - rôle de la musique dans le scénario - présence - transcription - rôle du slogan - position - type principal - type secondaire - présence - explicitation du stéréotype ou de l’antistéréotype - rôle de ce stéréotype 2- voix in - présence - Nombre de voix in 101 - types de voix in - adressage des voix in 3 – voix off - présence - nombre de voix off - types de voix off - adressage - remarques Cette grille d’analyse est une grille très complète, il est donc ainsi fort probable que nous nous ne pourrons pas utiliser tous les critères d’analyse. Tout ceci sera bien entendu en fonction du type de publicité étudié Retour au sommaire b- comparaison des spots de pub TV des voitures « transformers » Musique : Les Rythmes Digitales - Jacques Your Body Durée : 31 secondes Conception : cabinet de création de citroën et du bureau de l’agence EURO RSCG ; produit par SY Films à Torronto Animation : société de production THE EMBASSY VFX, basée à Vancouver Sortie en Angleterre en novembre 2004 Le slogan : "La voiture vivante"... Ce spot publicitaire a immédiatement séduit le grand public après sa première parution en Angleterre en novembre 2004. D’une durée d’environ trente secondes, ce spot représente l’aboutissement d’une Citroën C4 qui se transforme en robot. Sur une musique dynamique (Les Rythmes Digitales - Jacques Your Body) elle se met à danser, se dressant sur ses deux roues arrières, utilisant ses bras afin d’effectuer des gestes faisant partie intégrale de la danse, toujours en rythme avec la musique. La tête de la voiture robot suit la même cadence que la musique également. Ce spot est composé d’une quinzaine de plans environ montrant la C4 sous différents angles ; qu’elle soit en action ou non. Ce spot est composé de trois parties : l’ouverture, le développement et la clôture. L’ouverture concerne environ trois plans où l’on voit dans un premier lieu la voiture, garée sur un parking. On peut la distinguer sous deux angles différents par l’avant et par l’arrière mais de biais) avant que la voiture ne commence à se dresser sur ses roues pour finir complètement droite, verticale au sol, tel un humain qui serait fait de ferraille : elle devient donc le robot (troisième plan). 102 Mais ce spot n’a pas fini d’étonner puisque dans son développement on découvre le robot qui se met à danser. On peut associer cette danse au style de Michael Jackson. La musique très dynamique, entraînante, est l’élément moteur qui incite la voiture à se surpasser, à montrer « de quoi elle est capable ». Tous les gestes effectués par la voiture robot ne sont pas fait au hasard. La tête, les bras, les jambes… tout bouge et donne le rythme sur cette musique. Quelle voiture surprenante. On a envie d’une voiture comme celle là, une voiture sui déborde d’énergie, qui est imprégnée de joie de vivre sans compter son agilité, sa souplesse… expressions qui, soit dit en passant, sont importantes en terme de conduite. La souplesse et la qualité de danse de Michael Jackson ne sont bien connues. Identifier la voiture à M.Jackson éventuellement, c’est lui attribuer de nombreuses qualités au niveau de la souplesse, du geste… Ce passage dansant est filmé sous divers plan montrant tour à tour les différents membres du corps du robot, articulés de façon spectaculaire. Du gros plan sur la tête, les jambes, on passe à des plans globaux (vu d’ensemble) pour revenir à un point précis avant d’achever son chef d’œuvre. Le fin du spot (la clôture) se termine de la même façon qu’il a débuté mais en sens inverse : le robot se repli et prend sa forme initiale, la C4 réapparaît. Ensuite, on retrouve le deux premiers plans faits sur la voiture mais d’abord un plan arrière puis un plan de face. Alors, une fois que l’image définitive de la voiture nous revient, la marque, le nom de la voiture et le slogan s’affichent sous forme écrite bien sûr mais dans le même temps, on entend un homme lire ces quelques mots. Revenons quelques instants sur la musique. Elle est en effet un élément essentiel de cette publicité. Elle est moderne, voire très à la mode avec un rythme très soutenu. Elle est très entraînante est la voiture se laisse aller autant que le spectateur qui apprécie cette musique des temps modernes. C’est cette musique, ce style qui fait tout le dynamisme du spot publicitaire. Chaque geste de la voiture, chaque plan, chaque action colle parfaitement avec cette musique. D’ailleurs, la musique est présente du début jusqu’à la fin. Elle débute avant toute activité de la voiture ce qui nous laisse supposer que c’est bien elle qui guide la voiture à travers cette danse incroyable. La conception de ce spot publicitaire est basée sur la mise en mouvement peu ordinaire d’un véhicule, ici la Citroën C4. Le fait de montrer une voiture, active et dynamique renforce d’une certaine façon les qualités diverses que peuvent avoir les véhicules d’aujourd’hui et en particulier la C4. D’ailleurs, plusieurs autres spots sur ce thème, avec ce même concept ont été crées pour vanter la citroën C4. Ces spots sont des améliorations du premier robot. Ce robot ne fait pas que danser, non il sait aussi faire du patin à glace, du roller sur les rails de sécurité, en slide… tout ceci a fait de ces spots publicitaires des spots très connus et reconnus par sa musique ses danses et son agilité en général. Peut-on alors parler de mode ? On se souvient tous du film « transformers » adapté en 2007 au cinéma et mettant en scène deux espèces de transformers se « faisant la guerre ». Retour au sommaire 103 Alfa Roméo 147 (date de sortie : 2006) Durée : 38 secondes Réalisé par Arthur Lecaron Musique : Car Wash-Chritina Aguilera & Missy Elliott Slogan : elle risque de faire des jaloux Ce spot publicitaire d’une durée de 38 secondes met en scène deux voitures : une Alfa Roméo (voiture rouge) et une autre voiture de marque inconnue (en jaune). On peut supposer que cette publicité à été crée aux alentours de l’année 2006, date de sortie de l’Alfa Roméo 147 (voiture représentée sur ce spot en rouge). La scène se déroule la nuit. Il est possible de compter 14 plans environ durant cette publicité. Elle est décomposée en trois parties : l’ouverture, le développement et la clôture bien que la clôture soit très peu présente. On peut dire ici que la clôture représente en réalité la fin du spot : l’affichage de la marque et du slogan. Il y a une coupure très brève su développement qui donne même une impression d’inachevé ? L’ouverture compte environ 4 plans où l’on voit l’Alfa Roméo arriver. Elle avance sur la route en direction d’une station de lavage pour voiture et s’installe dans l’espace de lavage automatique. On voit clairement le sigle Alfa Roméo sur l’avant de la voiture. Nous avons deux types de musique très différents tout au long de ce spot. La première musique que l’on entend est une musique dynamique et plutôt moderne. On peut facilement imaginer que cette musique provienne de l’intérieure de la voiture. On pourrait alors imaginer que c’est un jeune qui est au volant. La musique s’interrompt quand la voiture rentre dans l’emplacement de lavage, prête à être nettoyée. Il se passent un ou deux plans où l’on voit la voiture, sourire. Visiblement, elle apprécie la séance de lavage ! Mais cette séquence dévoile surtout le fait que cette voiture peut être un « Transformers ». C’est alors que, pour le développement nous constatons un revirement de situation. Une nouvelle voiture de marque inconnue entre en scène. Elle stationne tout près de l’Alfa Roméo et d’un coup se dresse tel un robot. Elle se rapproche de l’Alfa Roméo d’un pas décidé, regarde à l’intérieur de la voiture et commence à la frapper afin de la détruire ou au moins de l‘endommager. Durant ce développement, une musique, bien différente de la première se fait entendre. Elle débute à partir du moment où cette mystérieuse voiture fait son apparition. Le son est faible et augmente progressivement au fur et à mesure que la « voiture robot » se transforme et s’approche de l’Alfa Roméo. La musique est construite sur une base rythmée très particulière. C’est toujours le même rythme et la même tonalité du début à la fin organisé de façon très régulière : à chaque 104 seconde on a une tonalité. Cette musique est une musique angoissante. La régularité du rythme renforce l’inquiétude. Ce genre de musique pourrait être utilisée dans les vieux films d’horreurs. Dans l’immédiat, il n’y a pas de relation directe avec les images mais de cette façon nous pouvons imaginer qu’il va se passer quelque chose. On peut sentir comme une sorte de menace. D’autant plus quand on associe cette musique au pas décidé avec lequel la voiture se dirige vers l’Alfa Roméo. Toutefois ce genre de musique permet un certain suspens dans lequel règne une atmosphère stressante. Comment cela va-t-il se terminer ? A la fin du développement, on obtient la solution : la voiture se prend à l’Alfa Roméo ; debout sur ses « nouvelles jambes », elle la frappe à l’aide de ces bras. Puis, le film s’arrête net : on ne connaîtra jamais le dénouement. Après cette coupure nette, nous pouvons avoir la confirmation de la marque de la voiture : Alfa Roméo ainsi que nous apprenons le modèle : Alfa 147. Ainsi que le slogan qui révèle toute l’énigme : pourquoi cette voiture de marque inconnu s’en prend t-elle à l’Alfa 147 ? Tout simplement par jalousie. Ce spot publicitaire fait apparaître des voitures sous forme de robots. On peut également parler ici de « transformers ». Retour au sommaire 105 Skoda Musique inspirée d’une musique populaire russe : kalinka Titre de l’extrait musical remixé : Infernal, kalinka, trance remix L’origine de Skoda vient de la république thèque. A travers ce spot télévisé, il est impossible de distinguer la marque ainsi que le modèle de la voiture. On peut donc en déduire que ce n’est pas un spot à destination commerciale. On peut alors imaginer que ce soit une parodie du spot publicitaire de la Citroën C4. A la fin de ce spot, on peut noter une adresse web qui nous redirige vers un site Internet de Skoda mais ce site n’est pas en Français. Il est totalement rédigé dans une langue slave, sans possibilité de traduction et donc incompréhensible pour moi. Ayant trouvé ce spot sur You Tube, je n’ai malheureusement dans ce cas aucunes informations quand aux dates de création, dates de diffusion, créateurs… Cela pourrait aussi en être ainsi car il pourrait s’avérer être une parodie. La voiture serait donc une Skoda, et en ce qui concerne le modèle, on peut dire, par comparaison, que cela pourrait être une Félicia. Ce spot de 45 secondes met en avant une démonstration de danse d’une voiture, ici encore changée en robot. Elle comporte le même modèle de fonctionnement que celui du spot de la C4. Il est composé de trois parties distinctes qui sont l’ouverture, le développement et la clôture (comme vu dans la grille d’analyse de… ?). L’ouverture est composée de 4 plans qui nous amènent progressivement à la voiture. On voit tout d’abord une feuille d’arbre, qui vire volte dans l’air. A ce moment, il nous est impossible de prédire que ce spot concerne une voiture. Puis progressivement le feuille va se déposer délicatement sur le pare brise arrière du véhicule. Cet évènement est l’élément déclencheur de la réaction de la voiture. C’est ainsi que la deuxième partie du film, le développement, débute. C’est alors que la voiture se transforme en robot adaptant sa carcasse de ferraille en une forme humaine. Elle se met à danser avec un dynamisme exemplaire, accumulant de gestes de gymnastique perfectionnés. Cette partie est composée de douze plans. Tous ces plans sont consacrés à la danse. Alors que la clôture n’est composée que d’un plan qui correspond à la remise en forme initiale de la voiture. 106 La musique utilisée pour ce spot est une musique d’origine russe : la kalinka. Ce titre a été remixé et donne ainsi un dynamisme suplémentaire. Musique mondialement connue qui est accompagnée de sa danse traditionnelle, effectuée par la voiture. Cette musique, au début de la partie du développement, subit une forte accélération de rythme, un mixage est effectué sur cette musique. Ce qui donne un coup d’élan à la voiture et lui donne le sens du rythme à suivre, ce qu’elle fait à merveille. On passe donc ici d’une musique plutôt de style classique à une musique qui serait transformée en un style plutôt électro, très à la mode en ce moment. Retour au sommaire 107 2 Chevaux Musique : Les Rythmes Digitales - Jacques Your Body Ce spot est une parodie du film publicitaire de la Citroën C4. Il est construit de façon identique à celui de la C4. La musique est exactement la même, les décors également. En effet, la scène se déroule sur un parking. La voiture est stationnée sur une place délimitée par des bandes blanches. Elle est exactement dans la même position initiale que la C4 : les plans de l’ouverture sont les mêmes. On voit la voiture de l’avant puis de l’arrière. On passe au développement pour voir l’automobile se redresser afin d’effectuer le même type de dans e dynamique que la C4. Les pas de danse, quand à eux, ne sont pas tout à fait identiques par contre. La clôture se déroule de la même manière : la voiture reprend sa forme initiale et retombe lourdement sur ses roues. Le seul problème est que la voiture se brise. C’est le côté ironique qui est dû au fait que ce soit une parodie. Cependant, les plans de clôture sont semblables à ceux du spot de la C4 : un plan sur l’arrière du véhicule tout d’abord, puis le spot se termine sur un plan sur l’avant de la voiture ; situation inverse à celle lors de l’ouverture. Le cadre est le même : un parking dans un endroit qui semble désert, néanmoins entouré de nombreux bâtiments. Retour au sommaire 108 Titre : Le meuble Media : TV Annonceur : Charal Marque : Charal snack burger Secteur : Alimentation Agence : Leo Burnett Date de diffusion : 10/06/2007 Pays : France Signature : Hum ! CHARAL ! Ce spot publicitaire Charal présente un homme, certainement à l’heure du repas, qui souhaite réchauffer son hamburger. A noter que son hamburger est composé d’un steak haché Charal. Subitement le four à micro-onde, guidé par un homme, se déploie tel un robot. Voila donc notre four micro-onde muni de bras qui lui permettent d’ouvrir la porte afin de pouvoir attraper le hamburger pour le déguster. Puis, dès qu’il entend le bruit du « propriétaire » du hamburger qui revient, il reprend sa forme initiale, comme si de rien était. Lorsque le jeune homme réapparaît, à sa grande surprise, le hamburger a disparu. Ce spot publicitaire mettant en avant un produit alimentaire Charal est d’une durée de 29 secondes. Il est composé de 8 plans. L’ouverture comporte 4 plans. Dans un premier plan, nous voyons un homme qui se dirige vers le frigo afin d’y prendre un hamburger Charal. Une fois le hamburger attrapé, le jeune homme le place dans un four micro-onde, ce qui constitue un deuxième plan. Dans le troisième plan qui constitue cette ouverture, on a un zoom sur la minuterie du micro-onde (39 secondes) et enfin le jeune homme se retire de la cuisine dans le quatrième plan. Le développement est composé de 3 plans. Immédiatement après la sortie de la cuisine du jeune homme, entre en scène un autre personnage. Il s’est hissé à l’intérieur du four microonde et a également utilisé le meuble qui le soutient pour se cacher. Seulement ce matériel fait alors partie intégrante de sa personne physique et lorsqu’il se redresse, il a l’apparence d’un robot ; d’un transfomer. Durant les trois plans suivants, on voit alors ce « robot » ouvrir la porte du micro-onde afin de déguster ce hamburger. On note par ailleurs la sensation de plaisir que dégage le personnage en le mangeant. Soudain, un bruit survient. Celui de l’homme qui revient chercher son hamburger. Immédiatement l’homme micro-onde se replie sur lui, reformant à la perfection le micro-onde sur le meuble. Et le hamburger, à la grande surprise de l’homme, a disparu. Et nous avons alors la clôture qui représente un seul plan. Ce plan présente le hamburger et la marque : Charal. Il existe dans ce spot une présence musicale. La même musique est diffusée deux fois durant ce spot à des moment précis. La première quelle est diffusée est au cours du plan 5. En effet, l’homme met en marche le micro-onde (plan 3) et quitte la cuisine (plan 4). C’est alors que l’on entend l’espace d’une seconde le bruit du micro-onde puis immédiatement la musique commence. Elle ne dure qu’un court instant (quelques secondes) durant lequel le micro-onde se déploie. Dès que l’on entend le « bip » du micro-onde qui indique que le temps de chauffe 109 est terminé, la musique s’arrête. Ce « bip » peut être vue comme étant un élément déclencheur : on porte alors toute notre attention sur le micro-onde qui mange le hamburger. Elle reprend dès que l’on perçoit que l’homme micro-onde entend le jeune revenir pour s’arrêter définitivement lors de la fin du septième ainsi que lors du huitième plan, lorsque l’appareil électroménager a reprit sa forme initiale et que le jeune homme refait son apparition dans la cuisine. Le type de musique colle parfaitement à la situation. On voit l’apparition d’un robot sur une musique très électronique très probablement créée par un vocodeur, qui renvoie à une image qui frôle la limite du futurisme (comme on le voit dans certains films datant des années 2030…). Une musique électronique qui renvoie quasi-systématiquement au monde des robots. Cette musique nous plonge dans cette ambiance futuriste irréelle où les robots font partie du quotidien. On note également la présence d’une voix off dans le dernier plan, plan de clôture. Cette voix off annonce le slogan du spot télévisé : « Hum, Charal ». Il s’agit ici d’une voix grave, sûr et déterminée. Le slogan a ici pour rôle d’annoncer la marque du produit alimentaire mis en avant dans ce spot télévisé. On ne l’entend pas immédiatement. En effet, le spot est conçu de façon à laisser le spectateur voir l’emballage quelques instants (avec le nom Charal dessus) avant d’entendre la voix off, annoncer oralement la marque. Le « hum » insiste sur fait que la viande et également les produits Charal sont bons. Cela peut rappeler l’attitude d’un parent qui voudrait prouver à son petit enfant que ce qu’il s’apprête à manger est bon. Il en est de même dans ce spot. Sans forcément s’adresser à un public jeune, cette expression, identifiable par tous, est très certainement utilisée dans ce but : faire comprendre que c’est bon. Retour au sommaire Conclusion Ce spot est comparable à celui de la Citroën C4 (et des autres : Alfa Roméo…) sur différents points. Au niveau de la conception, on peut noter un mécanisme identique de la mise en scène de la voiture robot et celle du micro-onde. L’unique différence qui règne est la présence d’un humain pour piloter les gestes du micro-onde. Seulement le principe de base est le même. Il s’agit de mettre en scène une présence en forme de robot. Là où l’on peut faire une entière relation, c’est en voyant l’homme robot dans la pub Charal. En effet, même s’il y a une présence humaine réelle, l’homme est totalement confondu physiquement avec le meuble et l’appareil électroménager qui est le micro-onde. Cela fait donc de ce mélange un véritable robot ; tout comme les voitures qui se dressent deviennent de véritables robots également. Le principe ici, dans ces deux types de publicités mettant en avant des produits totalement différents, est de faire agir des robots. L’un danse, l’autre mange, mais ils agissent tous deux comme de véritables humains. Il peut s’agir ici d’un effet de mode. Il est de plus en plus fréquent de voir apparaître des éléments faisant plus ou moins partie d’une vision futuriste du monde dans divers domaines. Le plus souvent au cinéma. De plus en plus de films font appel à des robots (par exemple : 110 Transformers, I robots, La guerre des mondes…), de plus que l’on entend également souvent parler au journal télévisé des recherches des japonais notamment sur les robots… Les robots ou l’idée prochaine de leur utilisation au quotidien « font de plus en plus partie de notre vie ». On sait également qu’un spot télévisé, contrairement au journal télévisé vue précédemment, est un produit de communication qui évolue et qui doit suivre le mouvement actuel, la mode. Il fait partie d’un cycle de mode. Et comme l’expliquent Spriman et Kaustallia, il faut sans arrêt une évolution pour rester dans la compétition et donc c’est cet engrenage qui incite à l’innovation. Cela est tout à fait valable dans les produits de communication comme les affiches (vue précédemment) et comme le spot télévisés. Simplement, n’y a –t-il pas des limites à cela ? Jusqu’où peut-on aller dans la mode sans que cela discrédibilise le spot ou la marque ? Ce sont des questions parmi tant d’autres à se poser. Utiliser des robots transformer pour faire la promotion d’une voiture peut-être adaptée. Tout d’abord, tout le monde a connu les voitures Transformers. Cela représente donc un très bref rappel pour la population qui dispose de « scripts » leur permettant une économie du contrôle de l’information et dans ce cas l’association est donc faite immédiatement. De plus, une voiture est déjà un appareil mécanique ; il est donc moins surprenant de la voir se transformer en robot, qui reste dans tous les cas « un tas de ferraille ». Par contre, en ce qui concerne la pub pour Charal, on peut se poser la question de savoir si l’utilisation d’un robot est aussi appropriée. Tout d’abord, on peut noter que Charal fait, dans ce spot fait appel à la mise en scène d’un robot ce qui est très loin de ce que cette marque a pu proposer précédemment. On a en effet eu l’habitude de voir des steaks cuisinés ou non, ou dernièrement la publicité de l’antilope… mettant en scène des animaux, à viande… Charal nous a habitué à des spots publicitaires près de la nature ou essayant de persuader un végétarien de « changer de bord » ; chose qu’il réussi à faire grâce à sa viande. Mais Charal n’est pas coutumier de l’utilisation de la mécanique et donc certainement pas de la mise en scène de robots dans ses spots ; contrairement à Citroën où l’on a déjà vu voir un robot écrire sur la Picasso lors de sa fabrication en usine. Il faut se poser la question de savoir si, voulant respecter le cycle de la mode, et le mouvement actuel, la marque Charal fait de ce spot un outil de communication adapté ou non. Adapté au public, à la marque, au produit de par l’utilisation du robot… Adapté au public, on peut dire que oui. Le spot est réalisé sur un format de bas habituel. Tous public n’a aucune difficultés à identifier sa nature : un spot tv. Par contre, même si dans un imaginaire plus ou moins lointain, on peut voir des robots faisant la cuisine à notre place, estil judicieux de lier un robot à un produit alimentaire ? En effet, le monde des robots n’a à priori rien à voir avec le monde alimentaire, contrairement à une voiture qui a des points communs avec un robot (composants, consistance…). A mon avis, la mise en scène par Charal d’un robot dans sa publicité n’est pas appropriée et ne la sert pas. Il semble par ailleurs que la publicité n’ai pas été diffusée bien longtemps. Il même possible que cela discrédibilise le produit voir même la marque, ce qui est dommage. Mais Charal a voulu évoluer lui aussi. On peut donc en déduire que parfois, il vaut mieux ne pas suivre complètement le courant de la mode qui n’est pas adapté forcément à tous produits promus. Retour au sommaire 111 c – Comparaison des spots de pub TV « Chroniques éclair de la vie » 1993 en France Musique : Valse N°2 de Chostakovitch Ce spot publicitaire est réalisé pour la CNP. A travers ce spot, il est facile de comprendre que la CNP est présente tout au long de la vie de chaque individu pour leur assurer la meilleure assurance. Cette publicité est une représentation de la vie d’un personnage. On le voit petit, puis il grandi, se marie, devient père, grand-père… et il est soutenu par la CNP. Ce spot contient neuf plans. Il est intéressant de constater qu’il existe une transition évidente et volontaire entre chaque plan : le personnage passe derrière une voiture, ou une colonne de fleur… et un autre plan, montrant un autre stade de la vie du garçon et ainsi de suite. Selon moi, ce spot n’est pas tout à fait construit sur le modèle standard : ouverture, développement, clôture ; comme le sont la grande majorité des spots publicitaires. Pour moi ce spot est dépourvu d’ouverture. En effet, on rentre directement dans le vif du sujet. Tout le spot est d’une régularité exemplaire, construit du début à la fin de la même façon. Le petit garçon commence à marcher devant lui. Plus il marche, plus il grandi. Par contre, on peut dire qu’il y a la présence d’une clôture. Elle est représentée par l’annonce visuelle de la CNP. Chaque plan a une signification est chaque transition aussi. Ce n’est pas une transition au hasard. Elle concerne la suite de ce qui va se passer dans le spot (par exemple, l’homme disparaît derrière une colonne de fleur (transition) et on le voit offrir un bouquet de fleur à une femme (plan suivant immédiatement la transition)) Le premier plan concerne un petit garçon. Il court sur un trottoir. On peut supposer que c’est un écolier peut-être âgé d’environ une dizaine d’années. Il a un cartable sur le dos et tient également un violon dans sa main. Il court et saute dans les flaques d’eau comme tout gamin l’aurait fait. Puis une première transition : une voiture qui circule dans le sens inverse de celui du jeune garçon. Cette transition donne lieu à un deuxième plan. Le garçon devient un homme, peut-être d’une vingtaine d’année. Il s’agit du même garçon qui est reconnaissable grâce au violon qu’il a toujours dans sa main droite. Il marche toujours devant lui sur le trottoir où il rencontre deux jeunes filles. Puis il passe derrière un homme ce qui constitue la deuxième transition de ce spot. Poursuivant sa marche virevoltante, il bouscule dans un troisième plan une jeune femme, puis il reprend sa marche en sa compagnie. Il passe derrière une colonne de fleur (troisième transition). C’est alors qu’on le voit se munir d’un bouquet de fleurs dans le but de l’offrir à sa bien aimée. C’est alors qu’une voiture décorée pour un mariage avance, dans les même sens que ces personnes. Puis on les voit alors en couple avec un petit garçon. On comprend alors que le jeune homme s’est marié et est devenu papa à son tour. Dans ce plan, on distingue les personnages sous une pluie battante. La transition utilisée pour passer au sixième plan est donc un parapluie. C’est alors que l’on voit le fils grandir, accompagné d’amis. Il passe derrière un arbre et, subitement joue le rôle du marié. Puis, un 112 passage derrière une fontaine et l’on retrouve notre jeune garçon du début, qui est devenu grand-père et qui saute à son tour dans une flaque d’eau avec son petit garçon. A travers ce saut, on peut noter un retour au début. Peut-être une nouvelle expérience du même type se déroulera pour ce petit garçon. Enfin, le dernier plan concerne l’affichage du nom de l’assurance qui suit chaque individu tout au long de sa vie. Dans certains plan ou lors de certaines transitions, nous pouvons percevoir certains indices qui confirment l’évolution de la vie du garçon. Notamment dans la quatrième transition (la voiture de marié qui passe). On voit en effet très brièvement à travers la fenêtre arrière de cette voiture, la femme en robe de mariée qui tourne dans les bras de son mari. Puis dans le cinquième plan, la femme qui est dans les bras de son mari, tournant, deviens un homme tenant un petit garçon. Sa femme, enceinte sur le trottoir, n’est plus enceinte dès lors que cet homme et cet enfant passent devant elle. Durant ce spot, on comprend alors que la vie de chaque individu suit un cycle logique. Tout individu a une vie semblable : petit garçon il grandi, se mari, fonde une famille… et la CNP est alors présente pour chacun de ces individus tout au long de leur cycle de vie, pour ceux qu’il aime… On distingue dans le décors les quatre saisons qui se succèdent ainsi que les changements de la société au fil du temps. Habits des figurants, voitures, façade des bâtiments qui prouve avec insistance que quelque soit l’évolution de la vie, de la société, de l’individu, la CNP est toujours présente pour eux… La musique présente dans ce spot est une musique totalement appropriée. Il s’agit ici d’une musique classique de Chostakovitch (Valse N°2 de Chostakovitch). Elle a une notoriété qui n’est plus à faire, et ce grâce à cette publicité (qui a également été le tout premier spot télévisé de la CNP). Aujourd’hui, l’association de cette valse à la CNP est quasi-automatique car l’identité sonore est devenue très forte. Il s’agit donc d’une musique qui a un rythme qui colle parfaitement à la marche et à la progression du personnage dans le spot. Cette musique est une valse. Elle a certainement été choisit intentionnellement pour accompagner le(s) personnage(s) qui, tout au long du spot, virevolte(nt) tel(s) qu’il(s) l’aurai(ent) fait lors d’une danse, lors d’une valse. Il existe également dans ce spot la présence d’une voix off qui intervient juste à la fin (fin du septième plan). Texte : « depuis 150 ans, la CNP assure la vie des hommes et des femmes. C’est parce que la CNP connaît aussi bien la vie qu’aujourd’hui 14 millions de français lui ont confié leur avenir. CNP, vivez bien assuré ». Cette voix off donne des informations chiffrées intéressantes. Qui crédibilise et renforce l’idée que les gens auront de cette entreprise de services. Le fait d’annoncer le nombre d’années depuis lequel la CNP exerce peut être un indice de confiance pour les gens. 150 ans représentent une période plutôt conséquente. A travers une période de ce type, on peut avoir une image de solidité de l’entreprise, d’expérience… Puis, le public entend alors le nombre d’adhérents. 14 millions, est un chiffre important. il est certainement employé pour que les gens puissent se dire : « tant de gens lui font confiance, il doit y avoir une bonne raison. Alors pourquoi pas moi ? » Ceci est renforcé par l’emploie du mot « confié ». Quand on confie quelque chose, et surtout sa vie, son avenir, c’est qu’il existe une réelle confiance. Puis, immédiatement après, la voix off annonce le slogan « CNP, vivez bien assuré ». Ce slogan renforce l’idée de confiance. Le gens n’ont pas à s’en faire, ils peuvent vivre Retour au sommaire tranquilles, la CNP est là pour veiller sur eux. 113 2004 Musique : Free- Stevie Wonder Ce spot publicitaire est réalisé pour la Banque Populaire. Le message ici est que la Banque populaire est présente auprès de chacun tout au long de sa vie, quelques soient ses projets éventuels. Nous voyons donc à travers ce spot la vie d’une personne qui est bébé et qui grandi. Toutes les étapes importantes de sa vie sont évoquées, depuis le jour où il né. Ce bébé se projette dans le future et imagine sa vie et la Banque populaire est toujours présente pour l’aider, lui et les autres dont la vie peut-être semblable. La Banque populaire est donc présente pour soutenir toute personne ayant des projets de vie : études, mariage, maison, enfants… bref une vie comme beaucoup de gens. Ce spot publicitaire est composé d’une cinquantaine de plans. Il serait long et pas forcément utile de détailler chaque plan un par un. Il est plus abordable de décrire le contenu du spot, sa composition et sa décomposition. Chaque plan correspond à un stade de la vie décrit par le spot. Ce spot représente d’une façon générale le déroulement de la vie qu’un bébé imagine en se projetant dans le future. On a donc trois parties qui composent se spot. Tout d’abord l’ouverture qui représente deux plans de ce spot : un premier plan où l’on voit un bébé (en gros plan : plan sur sa tête). Un zoom est effectué, se rapprochant du visage de cet enfant jusqu’à son œil (deuxième plan). Un gros plan uniquement sur l’œil avant de passer au récit de son imagination nous laisse entendre qu’effectivement, tout ce que nous allons voir sort de l’œil de cet enfant. Le développement concerne le maximum de plan de cette séquence publicitaire. Le bébé dévoile alors sa vie. Il présente ses parents, se fait des amis à l’école rencontre des filles, va à l’université où il se fait d’autres amis rencontre d’autres filles, s’amuse en soirée… puis arrive le moment de sa vie où il rencontre « la » fille, où il rentre dans la vie active et commence à travailler. Alors il devient papa, se marie avec « la » fille, achète une maison…puis un bref récapitulatif de ces étapes sont reprises de façon très rapide, comme un flash que l’on se remémore (« on voit sa vie défiler devant ses yeux » !). Cette séquence de « photos souvenir » achève le développement et l’on passe alors à la dernière partie du spot qui est la clôture. C’est alors ici que l’on comprend que toute cette vie est en fait celle de l’enfant (mis à part que certains indices sont exposés dans le spot : l’enfant se cite). On comprend de façon sûr et définitive que l’enfant se projette dans le future et imagine sa vie. En effet, on a un retour sur le bébé que l’on a vu au départ, partant de son œil, jusqu’au gros plan sur sa tête. Il sourit. Un dernier plan le montre sous un autre angle, il sourit toujours. On peut alors imaginer qu’il est heureux de sa vie et de la Banque populaire qui le suit et le soutient tout au long de sa vie, appuyant ses projets. La musique est très connue, ce qui permet de créer une identité sonore au spot très intéressante. Elle est douce plutôt lente au début mais devient plus rythmée lors du développement. Sans vocale pendant un certain temps, les paroles apparaissent en toute fin de 114 spot, lorsque la voix off fini les explications des images. Les paroles sont en anglais. Elle a un rythme soutenu qui s’accorde parfaitement avec les différentes étapes de la vie de cet enfant, passages cours mais qui se succèdent plutôt rapidement. Un texte est raconté du début à la fin du spot par une seule et unique voix off. Le narrateur est un homme. Il relate et explique toutes les étapes de la vie imaginaire du bébé. Texte : « maman, papa, les gens, moi, l’école, les filles, l’école, les amis, les filles, le travail, la fille, l’amour, la vie ; si vous vous lancez dans cette aventure, nous serons toujours à vos côtés pour vous aider à entreprendre. » « Banque populaire, Banque et populaire à la fois ». Cette voix off a pour rôle de donner un sens aux images que le spectateur voit. Il explique au fur et à mesure ce qui se passe dans ce clip. Puis, en fin de spot, cette même voix annonce le slogan. Le slogan (« Banque populaire, Banque et populaire à la fois ») est énoncé à la fin du spot, servant de clôture à celui-ci. Il est basé sur un jeu de mot. Le nom de la banque est également employé pour montrer quelle a une grande notoriété et une bonne image : « populaire ». Retour au sommaire Conclusion Ces deux publicités sont semblables au niveau de leur conception. Elles mettent toutes les deux en scène des personnages dont la vie défile et représente un cycle qui est à peu près semblable chez tous. Une forme de vie telle que la suivante : un enfant grandit, se marie, et est parent à son tour… tout le monde vit ce genre de vie. Il n’est alors pas surprenant de constater que l’on puisse avoir des publicités basées sur un même concept 10 après. Il est également possible de parler d’effet de mode dans ce cas précis. En effet, même si la période de diffusion concerne une décennie, il n’est est pas effet de mode ici à cause du mouvement du moment. Il me semble effectivement que l’on peut parler ici, contrairement à ce qu’il en est dans le cas des robots, de la façon dont est faite la société. Depuis, disons une cinquantaine d’années, la société a subit une transformation. On vit de plus en plus dans une société protectionniste, où la population recherche de façon exigeante une certaine sécurité en ce qui la concerne. Sécurité de l’emploi, sécurité routière, sécurité en ce qui concerne la santé de chacun, sécurité alimentaire… Toute cette soif de protection, de sécurité engendre des besoins. D’où le développement massif de compagnies d’assurance, les banques se développent et diversifient leurs services. On voit en effet depuis les années 80-90 ce phénomène se répandre de façon significative. Cela peut-être une raison intéressante pour laquelle un effet de mode dans ce cas précis peut concerner une période large. Ces publicités ont toutes deux pour objectif de montrer le service adapté aux besoin des français : une présence sécuritaire tout au long de leur vie. Les deux spots, malgré qu’ils soient basés sur le même concept, sont réalisés de façon différente. Le premier montre un cycle de vie très nette qui se répète. On voit l’évolution d’un petit garçon, sa vie. 115 Alors que le deuxième spot, pour la Banque Populaire diffère du premier dans les sens où c’est sa vie future qu’imagine un bébé. Il est constitué d’une succession d’images ou éventuellement de mini clips. d - Conclusion – la contrefaçon des affiches et des spots TV : cycles de mode et innovation Nous pouvons reprendre ici en guise de conclusion la « short list » de Sprigman et Raustalia pour démontrer que ces deux types de produit de communication appartiennent bien à la catégorie des produits de communication réglés par un cycle de mode : Caractéristiques des productions cyclées Définition et application communication « mode » Obsolescence induite : s’applique aux Spots La mode est attributive de « statut », ou de Tv et aux affiches bonne "position" dans l’univers social. Quand un design (= concept) attrayant commence à se propager, la valeur conférée croît à mesure que les consommateurs consomment ou que les utilisateurs l’utilisent. Mais à mesure que le design diffuse, la valeur positionnelle conférée diminue, et les premiers adeptes commencent à chercher le prochain nouveau design. Obligée, l'industrie de production réglée sur la mode entre dans un nouveau cycle de conception des innovations. Le cycle de l'innovation et de la diffusion s’engendrent mutuellement en se précipitant. Ancrage: s’applique aux Spots Tv et aux En tournant sur un grand nombre de copies et affiches de dérivées sur une période donnée d’exploitation, l’industrie "ancre" ses produits de saison en un ensemble de « concepts » qui caractérisent ce qui est, du moins pour le moment, dans la mode. L’espace négatif du droit de la propriété « Par là nous entendons des activités intellectuelle (“negative space” of IP law) = créatrices auxquelles les règles de propriété espace de copyright négatif. intellectuelle pourraient être applicables, Le cas des Spots TV et des affiches relève du mais sont pas appliquées » copyright négatif. Les coûts juridiques de la protection IP n’ont une explication plausible de la situation de la pas de retour sur investissement suffisant mode est qu'il n'y a pas suffisamment de pour être engagés valablement. consensus entre les acteurs de l'industrie de En matière de protection juridique, les coûts production pour que les gains de la de la protection de propriété intellectuelle protection de la propriété intellectuelle 116 relèvent du droit d’auteur et du droit à l’image Cyclages historiques Cycles historiques dans les Spots TV et affiches puisque d’ancrage (format stable mais évolution de concept) Rôle de la protection IP La protection IP ne joue pas un rôle important pour ces produits de communication car générateur d’innovation. l'emportent sur les coûts d'exécution. récurrence des tendances ou ancrages sur plusieurs années. la non protection joue un rôle relativement plus important dans les industries où l'apparence est un critère central du consommateur. Rôle des marques Cas présents de cyclage mode En cyclage mode, les marques jouent un rôle plus important dans les consommations impulsives Existence de lobbying pour la protection du En cyclage mode, il n’y a pas de lobbying design. pour la protection du design. JT ? Shoppingnorm C'est la relation entre les meneurs et les en Communication, il s’agit de normes dans suiveurs de mode, et les shoppingnorms des la recherche et le traitement de l’info : la deux groupes, qui anime le cycle de la mode. lecture de Spots de TV ou d’affiches relève Dans la mode vestimentaire, par exemple, on de la normalisation sociale ne veut pas se vêtir comme les autres, mais on n'est pas mécontent qu'ils veulent s'habiller comme nous. Durabilité optimale Temps pendant lequel une chose ou un Spot TV et affiches : durée très courte service produits doivent durer. Mode cycles précipités en durées courtes. Retour au sommaire Généalogie du mémoire et motivations : 117 Parvenue au terme de ce travail entrepris il y a bientôt un an et demi, j’observe que le mémoire produit résulte d’une modification progressive de sa conception en deux principales étapes. Dans un premier temps, j’étais partie sur l’idée d’utiliser mes connaissances en sémiologie de la communication pour étudier des produits de communication publicitaire contrefaits et analyser autant que possible leurs similitudes avec les originaux supposés. J’ai toujours été motivée par le domaine de la publicité, ce qui m’a tout d’abord donné l’idée de faire mon mémoire autour de ce sujet. Mais pas seulement. D’autres motivations et d’autres qualités visées étaient aussi actives au départ de ce long parcours : - - - - - - Dans mon esprit, contrefaire, c’est comme faire et étudier dans le domaine de la communication une sorte de « travail à façon » qu’est la contrefaçon, c’était marquer l’orientation professionnelle du mémoire. L’étude de la contrefaçon de produits créatifs comme des produits publicitaires, sans qu’alors je sache que cela me conduirait à m’intéresser d’aussi prêt à la peinture surréaliste et à Magritte, me paraissait particulièrement intéressante pour comprendre ce que le contrefacteur emprunte au créateur lorsqu’il ne s’agit pas de simple reproduction de l’oeuvre à l’identique. Etudier la contrefaçon dans la « création de produits multimédias » était un autre aspect qui m’intéressait, bien que je n’aie pas choisi l’option multimédia dans le cadre de mes études à l’IUP et, peut-être justement à cause de cela. Il me semble, à considérer le travail tel qu’il est organisé en agence de communication à partir de la veille sur Internet, que créer des produits multi média, c’est en partie « créer du conforme ». C est aussi le cas de la contrefaçon. En effet, si, lorsque l’on crée un site web, on ne produit que de l’originalité et pas de conformité, on est sûr que les internautes ne fréquenteront pas longtemps le site dans lequel ils ne peuvent se repérer avec leurs habituels rituels de navigation. Au départ ce sujet me semblait présenter un autre intérêt que je n’ai finalement guère exploité finalement : celui d’un sujet à l’interface du façonnage de produit de communication et de l’étude de la valeur des marques en Marketing En revanche, l’un des attraits de mon sujet me semblait de toucher deux fois au comportement du consommateur : • marques et processus de décision d’achat • comportement d’achat de produits contrefaits à l’intersection d’une régulation économique (acheter du bradé) et d’une régulation sociale (comparaison sociale avec des cibles qui jouissent d’une forte estime sociale dont on croit trouver les signes dans leurs attributs (Vuitton, Cartier Le cas de la PUB contrefaite : qui l’achète, la connaît-il consciemment en tant que contrefaçon ou la perception de son apparentement au modèle est-il subliminal, sa valeur de communication ou marketing est-elle comparable à l’original, pourquoi ? Je trouvais un avantage à faire un mémoire sur sujet non traité à l’IUP La problématique de la contrefaçon me semblait transposable et ses soubassements conceptuels généralisables en matière de rôle de la communication dans l’univers de la production de biens et services et de l’échange social. 118 - - D’autres questions très intéressantes me semblaient aussi devoir se dévoiler en lien avec la problématique de la contrefaçon : • La problématique de la contrefaçon soulève des questions éthiques • La problématique de la contrefaçon soulève la question des limites de la créativité sans emprunt et de la distinction entre l’art et l’artisanat Enfin des aspects d’un tel sujet me semblaient aussi répondre aux objectifs du mémoire professionnel dans ma formation à l’IUP : • Mémoire qui a matière à reposer sur une partie empirique portant sur l’étude de produits (de publicité). • Mémoire dont les bases théoriques constituent une exceptionnelle synthèse quasi complète des disciplines enseignées à l’IUP : *sciences de la communication et sciences cognitives : théorie et mécanismes de la persuasion vus en cours de M1 *sciences juridiques droit de la contrefaçon (propriété intellectuelle) *marketing marques *sciences du comportement *sciences cognitives de la décision et de la conception *sémiologie de l’image… Dans un second temps, c’est après avoir entendu une chronique radio sur Europe N°1 de Jacques Attali à propos de la contrefaçon et de sa répression par la loi aux USA que s’est aajoutée une seconde dimension à mon mémoire, plus orientée vers la recherche à partir de références à des travaux universitaires américains sur le domaine : KAL RAUSTIALA (University of California, Los Angeles - School of Law) et CHRIS SPRIGMAN (University of Virginia - School of Law). Sans changer la première dimension de départ j’ai pu alors constituer la base d’une problématique un peu plus scientifique (si l’on peut dire cela sans prétentions). La recherche d’explications de la souplesse dans le recours au droit de la propriété intellectuelle est l’un de problèmes économique spécifiques au domaine des produits de communication. La question de savoir pourquoi des contrefaçons manifestes donnent lieu à des poursuites juridiques et d’autres non, cette question a été l’une de celles que j’ai posées J’ai décliné aussi plusieurs questions qui découlent de celle-ci : Pourquoi ? Est-ce à cause de différences dans les enjeux économiques ? Est ce que l’impact de la contrefaçon serait différent d’un secteur d’activité à l’autre, d’un type de produit à l’autre ? La contrefaçon n’a-t-elle que des incidences négatives ? Peut-on différencier ses incidences et en fonction de quoi ? La tolérance à la contrefaçon présenterait-elle dans certains cas plus d’avantages que la sévérité de sa répression ? Est-ce à cause du rapport entre les coûts impliqués par la politique de lutte et les bénéfices qu’on est susceptible d’en retirer ? Y a-t-il d’autres variables qui motiveraient dans certaines configurations l’abandon d’une politique ferme de protection de ses droits ? 119 Une oeuvre d’affichage publicitaire (bâche pour le futur musée Magritte) présentée dans ce mémoire avait été réalisée en copiant une idée de Magritte pour promouvoir l’exposition des œuvres de René Magritte. Cela change-t-il quelque chose au fait qu’il s’agisse d’une œuvre d’art, d’une œuvre originale ? Les critères du juriste Edelman doivent-ils s’appliquer en matière de protection de la propriété des concepts de Magritte ? La définition de la contrefaçon est-elle identique à celle qu’Edelmann propose au vu de différents jugements rendus au tribunal? Ensuite est venue la question de la définition d’une œuvre conceptuelle au regard du droit d’auteur. J’ai eu recours à Edouard Treppaz qui, selon moi, s’exprime justement en disant comment on doit inclure la dimension juridique de protection de la propriété intellectuelle dans la définition même de la contrefaçon : «Pour autant, cette décision recèle des dangers, notamment celui d'une surprotection au détriment des créations futures», il faudra faire confiance aux juges pour «trouver un équilibre afin que la protection ne devienne pas une entrave à la liberté créatrice». Cette référence me semblait avoir l’avantage à la fois d’introduire le droit (dont j’ai rappelé à mon lecteur les éléments de base) et en même temps d’introduire la relation entre celui-ci l’innovation, connexion déjà repérée chez les chercheurs américains. J’ai indiqué dans mon chapitre de démarcations conceptuelles que cette considération est importance pour définir, problématiser et entreprendre de traiter les questions relatives à la contrefaçon des biens matériels et immatériels et œuvres intellectuelles. La relation directe est établie ici par E. Treppaz entre le degré de protection juridique des droits de propriété intellectuelle et l’innovation dans la production des oeuvres. C’est ce qui m’a permis de problématiser mon travail sur la contrefaçon des produits de communication. Une définition opératoire : J’ai d’abord été amenée à considérer la nature des processus de production des produits de communication dans le cadre de la division du travail pour donner une définition opératoire de leur contrefaçon. Les produits de communication sont d’abord des produits en tant qu’ils résultent d’un processus de production comportant deux dimensions : conception et exécution. Dans le cas de la contrefaçon des produits manufacturés, le contrefacteur pille la conception et, appliquant un processus de production de format identique ou non, dans des conditions de réalisation économes de moyens, exécute la fabrication d’un produit identique ou similaire à l’original en s’en attribuant l’origine conceptuelle. C’est ainsi que sont produits et contrefaits les affiches, sites web, spots de pub… D’où ma définition de la contrefaçon : c’est le pillage de la conception de produits de communication au bénéfice de la production de produits identiques ou similaires dans des conditions d’exécution non-conformes à celles des produits originaux, lorsque le contrefacteur tente de faire passer le produit contrefait pour original ou l’utilise ou le diffuse comme tel. Notions juridiques. Les notions juridiques, à partir d’exemples ayant fait l’objet de jugements réels m’ont permis de mettre en évidences les questions pertinentes sur ce plan. Dans une affaire incriminant Virgin Média, un tribunal de commerce a sanctionné la plateforme pour contrefaçon de droit d’auteur à raison de la reproduction et de la 120 communication d’un visuel de l’album de Madonna sur le site. La question posée était celle de la violation de l’exclusivité de mise à disposition d’un titre musical. Neuf Telecom, AOL France, Telecom Italia France, Voyages-sncf.com, Finaref et La Française des Jeux, accusés de complicité de contrefaçon au droit d'auteur ont été relaxés par le tribunal correctionnel de Paris quand Galatée Films et Pathé Renn Production (les Choristes) les ont attaqués en justice en tant qu’opérateurs et annonceurs publicitaires sur le net. Dans une affaire de contrefaçon de sculpture, une instance de premier ressort a fait interdiction à la société GUERLAIN de poursuivre la reproduction du modèle de flacon de parfum qu’elle commercialisait sous la dénomination “Insolence” en ce qu’elle causait un trouble manifestement illicite aux droits de la société CARDIET DESIGN sur le modèle de forme qu’elle avait déposé. J’ai, avec cet exemple, introduit le référence au dépôt préalable de marque ou de concept qui protège les créateurs en matière de propriété intellectuelle. Si, dans un tout premier exemple, celui des terracotta exposés au musée de Hambourg, l’incrimination portait sur l’usage d’objets qui sont des faux et non sur la publicité mensongère qui a attiré 10 000 visiteurs devant des œuvres prétendues bi-millénaires et s’est annoncée comme « mission » de communication inter-culturelle, dans les 3 autres exemples où un jugement a été rendu, c’est autant la variété des attendus que les motifs qui ont retenu mon attention. Ils m’ont conduite, après avoir cité à mon lecteur quelques éléments essentiels du droit actuel en matière de propriété intellectuelle, à me tourner vers la question à la fois plus générale et plus spécifique déjà évoquée dès le début de ce travail : quel peut être le degré pertinent de dureté de la loi en matière de contrefaçon de produits tels que ceux de communication ? J’ai fait réfence à des chercheurs en la matière. J’en ai d’abord référé à Agnès Tricoire qui a fait une thèse sur «la Définition de l'oeuvre» et avancé des propositions à la fois au nom de la recherche en la matière et au nom de la pratique effective du droit de la contrefaçon à partir de constats empiriques : - le droit d’auteur protège les auteurs *depuis le début du XXe siècle, il est devenu un outil de concurrence pour l'industrie, au prix d'un assouplissement de ses critères. Ce constat est conforme, selon moi, à une tendance du droit anglo-saxon à étendre son influence en particulier en France. * La conception subjectiviste de l'auteur s'est objectivée progressivement, pour que les mécanismes de protection du droit des auteurs s’adaptent à la protection des bases de données, des logiciels... *Le droit d'auteur français est en voie de se transformer en droit des producteurs, comme le copyright anglo-saxon. *Le relativisme juridique menace la protection des oeuvres et la liberté de création. Contrefaçon et différenciation des produits de communication : analyses empiriques. Agnès Tricoire suggère de régler les problèmes posés par des différenciations : par exemple différencier les œuvres d’art des produits techniques, de publicité, de communication. 121 Cette idée de différenciation m’a parue applicable au cas des produits de communication contrefaits à partir d’un critère que j’ai repris de travaux américains sur la contrefaçon des produits de mode (dans l’industrie du vêtement). Partant des hypothèses de Sprigman & Raustalia de l’université de Virginie, j’ai eu l’idée de vérifier si l’application d’une différenciation entre les produits de communication caractérisés par un cyclage du type de la mode et ceux qui ne le sont pas pouvait avoir une pertinence du point de vue de la lutte contre la contrefaçon et ses tenants et aboutissants juridiques. Les analyses empiriques qui concernent une importante partie de ce mémoire, réalisées sur la base de descripteurs et de critères appropriés, confortent la validité de cette distinction. L’étude approfondie des caractéristiques d’un faux journal télévisé a permis d’examiner le cas d’un produit de communication média fort peu évolutif, en tout cas dont les transformations, même minimes, ne suivent pas des cycles de mode. A partir des critères fournis par l’étude publiée de cinq des plus grands JT actuels dans les grandes chaînes TV, j’ai montré que la contrefaçon de JT proposée en décembre 2006 par la RTBF, correspondait point par point au modèle standard sur l’ensemble des critères. En revanche, les deux études empiriques que j’ai réalisées sur la contrefaçon des spots de Pub télévisée et des affiches publicitaires ont porté sur deux produits de communication dont on connaît l’évolution réglée par des cycles du type de la mode. Dans ces deux cas, j’ai mis en évidence des correspondances entre originaux présumés et copies qui portent sur des formes, des contenus, des concepts qui apparaissent et se propagent de marque en marque selon les lois de la « mode » à un moment donné : des robots transformers aux voitures qui guident le vol des oies sauvages. Dans bien des cas, ce cyclage de mode est en relation avec l’actualité des concepts pillés, actualité dans la société où les publicités sont propagées. Il peut, on l’a vu porter sur les graphismes et tout élément de contenu mais aussi et surtout sur le concept général et le format du spot ou de l’affiche. Comme dans les spots de pub, dans le cas des affiches comparées, en définissant une grille de critères de mise en correspondance des originaux présumés aux contrefaçons présumées pour caractériser la copie, j’ai pu montrer que ces tendances cycliques qui caractérisaient les originaux dans leur conception et dans leurs innovations, se retrouvaient point pour point dans les copies. Les travaux de Sprigman & Raustalia de l’université de Virginie et notamment les publications qu’ils en ont proposées avec les discussions entre chercheurs ont avancé un certain nombre de caractéristiques des produits de mode dans le domaine du vêtement (fashion design). C’est à partir de ces publications et en les retenant tels qu’ils étaient définis par ces chercheurs pour le « prêt-à-porter » que je les ai rassemblés en un ensemble de critères que j’ai appliqués sans les modifier aux produits de communication que sont les spots de pub et les affiches. Résultats : Les résultats sont concluants. 122 Les données empiriques rassemblées dans ce mémoire sont de deux ordres : * d’une part on y trouve une analyse fine des correspondances pour les caractéristiques de plusieurs types de produits de communication susceptibles de relever d’hypothèses de contrefaçons : le Journal Télévisé, le spot de Pub télévisé, l’affiche publicitaire. Cette analyse met en œuvre les principes dégagés dans les définitions préalables et les précisions conceptuelles qui introduisaient la problématique de ce mémoire. * d’autre part, on y trouve démonstration de la pertinence d’une différenciation entre des catégories de produits de communication qui évoluent selon un cyclage du type de la mode et les autres. Ce mémoire montre que l’on peut exploiter les critères de Sprigman et Raustalia dans des analyses scientifiques mais aussi des études pratiques. Le concept de « point d’ancrage » est utile pour traiter la question des ajustements périodiques (sortes de « modes ») qui, dans la Publicité ou l’affiche, permettent d’adapter les formats, voire les contenus, à l’évolution du contexte de la société. Par lorsque l’agence de Pub travaillant pour Citroën et concevant les spots de la C4 utilisent comme contenu les robots transformers, elle s’ajuste aux focalisations actuelles dans le contexte social. De même, en ce qui concerne l’ajustement des formats, on a vu, par exemple, la CNP, utiliser un format de spots vidéo fondé sur « les chroniques éclairs de faits de vie » (cf mémoire de Patrice Monnet, IUP 2005) qui a été repris abondamment (Banque Populaire, par exemple). Ce format semblait parfaitement correspondre à un climat social d’inquiétude généralisée et médiatisée sur l’avenir des gens dans la société de consommation, climat propice autant à l’ambition de 70% des français de devenir ou voir leurs enfants devenir fonctionnaires qu’à l’idée de garantie, de sécurité totale, d’assurance… La CNP est un assureur. La Banque Populaire, comme toute banque actuellement, tend à devenir un assureur (bancassurance). Nous sommes bien dans une logique d’ajustement social des formats de produits de com. L’évolution de ces ajustements est sans doute l’une des explications du cyclage des innovations en communication. En revanche, en ce qui concerne, les sites web ou, comme nous avons envisagé d’en étudier ici un exemple, les formats de produits de com médiatique tels qu’un JT, leur conception doit respecter des règles en matière d’innovation qui les abrite du « démodage ». Pour que des visiteurs d’un site web ne le quittent pas trop vite ( ce qui est nécessaire pour atteindre des objectifs conséquents ou même minimaux de taux de conversion (-le clic visite devient un clic achat ou un clic décision-) il faut qu’il emprunte des itinéraires et des procédures de consultation qui lui sont familières et qui sont, d’un site à l’autre. De la même façon, les téléspectateurs fidèles du JT, ont ritualisé des formats de perception et de traitement des informations auxquels on les a familiarisés et qui sont relativement standardisés, sont très peu différents d’une chaîne à l’autre ou d’un pays à l’autre. C’est à partir de la mise en branle de scripts de décodage de ces formats que la consultation s’automatise. Je pense que ce travail a été très intéressant pour ma formation professionnelle en ce qu’il m’a bien permis d’articuler dans leur traitement des connaissances sur les domaines techniques de production relevant de mes connaissances, des informations sur les caractéristiques des produits contrefaits (– objets ici de mon étude), mais aussi des informations sur l’utilité 123 sociale et économique des logiques de répression de la contrefaçon (-relevant de travaux de recherche sur les implications des comportements juridiques) et sur les cadres légaux qui la permettent (relevant de l’état du droit et de la jurisprudence sur la protection de la propriété intellectuelle). Retour au sommaire 124
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