Épidémiologie du cancer de l`ovaire
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Épidémiologie du cancer de l`ovaire
Épidémiologie du cancer de l’ovaire C. Lasset Fréquence En France, avec 4 488 nouveaux cas en 2000 (tableau I), le cancer de l’ovaire représente 3,8 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers chez la femme et se place au cinquième rang des cancers féminins (fig. 1). Avec un taux standardisé annuel de 9,0 pour 100 000, sa fréquence est voisine de celles du cancer de l’endomètre et du cancer du poumon (respectivement 9,2 et 8,6 pour 100 000). Elle est moindre que celle des cancers colorectaux (24,6 pour 100 000) et beaucoup plus faible que celle du cancer du sein qui reste à la première place des tumeurs féminines avec un taux annuel de 88,9 pour 100 000 (1). Le taux d’incidence du cancer de l’ovaire est considéré comme stable et n’a progressé que de + 0,55 % par an entre 1978 et 2000. Le taux cumulé 0-74 ans est de 1,08 % pour les femmes nées en 1930, soit une femme sur 93. Il diminue pour les cohortes plus jeunes. Il est estimé à 0,92 % pour la cohorte 1950. Le risque dépend fortement de l’âge : le taux d’incidence augmente régulièrement de 15 à 74 ans jusqu’à un taux de 43 pour 100 000, puis il décroît lentement jusqu'à 36 pour 100 000 après 85 ans (fig. 2 et tableau II). En 2000, l’âge médian au diagnostic était de 65 ans. Seulement 7 % des cas de cancer de l’ovaire surviennent avant 40 ans et environ 10 % entre 40 et 50 ans. Le cancer de l’ovaire est donc pour l’essentiel une tumeur de la femme ménopausée (tableau I). Comparée aux autres pays européens, la France est un pays à faible risque de cancer de l’ovaire. La Suède, la Finlande, l’Angleterre et le Danemark Tableau I – Nombre de cas incidents et de décès par tranches d’âge en 2000. Âge 0- 15- 20- 25- 30- 35- 40- 45- 50- 55- 60- 65- 70- 75- 8014 19 24 29 34 39 44 49 54 59 64 69 74 79 84 85 Total + Incidents 7 14 29 53 80 122 185 307 495 432 470 575 595 528 269 327 4 488 Décès 0 1 2 4 10 26 58 120 215 221 304 427 538 588 361 633 3 508 20 Les cancers ovariens B. Femmes Nombre de nouveaux cas (2000) Nombre de décès (1999) 42000 17000 5000 4600 4500 50 000 40 000 30 000 20 000 10 000 0 Sein Côlon et rectum Endomètre Poumon Ovaire Lymphome non hodgkinien Mélanome Col utérin Rein Thyroïde Bouche, pharynx et larynx Leucémies Estomac Encéphale Pancréas Vessie Myélome Foie Œsophage Hodgkin 10 000 Source : Inserm Fig. 1 – Incidence et mortalité par cancer chez la femme en France. présentent des taux d’incidence de 67 à 47 % supérieurs à ceux de la France. L’Espagne est le pays européen qui semble le moins touché par ce cancer (14 % d’incidence en moins que le taux français). La très grande majorité des cas sont des tumeurs épithéliales (80 % à 90 %) et les types histologiques habituels sont les cystadénocarcinomes séreux (50 %) ou mucineux (5-10 %) et des tumeurs endométrioïdes (10-25 %) et, plus rarement, des tumeurs à cellules claires (4-5 %), indifférenciées (5 %). Les tumeurs germinales de l’ovaire sont très rares et atteignent plutôt les enfants et adolescentes. Mortalité Avec 3 210 décès observés en 2000 (2) pour 3 508 décès estimés (tableau I), le cancer de l’ovaire se situe au quatrième rang si l’on considère les décès féminins, après le cancer du sein (10 950 décès), le cancer du côlon-rectum (7 604 décès) et le cancer du poumon (4 246 décès) (fig. 1). Le taux de mortalité standardisé est de 5,4 pour 100 000. Entre 1978 et 2000, le taux annuel moyen de progression de la mortalité par cancer de l’ovaire est + 0,93 %. La mortalité du cancer de l’ovaire reste forte : le ratio mortalité sur incidence est de l’ordre de 0,8 (il n’est que de 0,3 pour le cancer du sein) et près de 6 % des décès par cancer chez la femme sont dus à cette localisation. Épidémiologie du cancer de l’ovaire 21 Une femme née en 1940 à une diminution de 19 % du risque de décéder d’un cancer de l’ovaire par rapport à une femme née en 1930 pour laquelle le risque cumulé 0-74 ans est de 0,73 %, soit une femme sur 137. En 2000, le taux de mortalité augmente avec l’âge régulièrement jusqu’à un taux de 69 pour 100 000 après 85 ans (fig. 2). La mortalité dans les cinq ans après le diagnostic de cancer de l’ovaire est estimée à 68 %. Facteurs de risque Âge Comme pour la plupart des cancers, l’âge est un facteur de risque important puisque l’incidence annuelle est multipliée par six entre 40 et 70 ans (de 5,6 à 39,7 pour 100 000 femmes) (tableau II). Antécédents familiaux Les femmes ayant des antécédents familiaux de cancer de l’ovaire apparaissent plus à risque de développer elles aussi cette tumeur. Plusieurs études de type cas-témoins ont mis en évidence cette composante familiale : si l’observation de plusieurs cas de cancers de l’ovaire dans une famille est rare (moins de 10 % des cas incidents), la fréquence d’un cancer de l’ovaire chez une parente au premier degré (c’est-à-dire la mère, la sœur ou la Fig. 2 – Taux d’incidence et de mortalité selon l’âge. 22 Les cancers ovariens Tableau II – Taux pour 100 000 personnes-années par tranche d’âge en 2000. Âge 0- 15- 20- 25- 30- 35- 40- 45- 50- 55- 60- 65- 70- 75- 8014 19 24 29 34 39 44 49 54 59 64 69 74 79 84 85 Total + Incidence 0,1 0,8 1,5 2,6 3,8 5,6 8,6 14,6 23,5 30,4 34,1 39,7 42,6 42,0 40,2 35,8 14,9 Mortalité 0 0,1 0,1 0,2 0,5 1,2 2,7 5,7 10,2 15,5 22,0 29,5 38,5 46,8 54,0 69,1 11,6 fille) est significativement multipliée par quatre chez les femmes présentant un cancer de l’ovaire par rapport à une population témoin indemne et de même structure d’âge. Le risque semble le même, qu’il s’agisse de la mère ou de la sœur. Cette même fréquence est trois fois plus grande si l’on tient compte des apparentées de premier et de deuxième degré (c’est-à-dire la grand-mère, la tante, la nièce ou la petite-fille) (3). Le risque cumulé sur la vie passe de 1 % environ en l’absence d’antécédents à près de 5 % si une personne apparentée au premier degré a eu un cancer de l’ovaire et atteint 7 % s’il existe deux cas chez des personnes apparentées au premier degré (3). Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer l’observation de contextes familiaux de cancers de l’ovaire. Dans la majorité des cas, ce sont des modes de vie et d’alimentation « à risque » identiques au sein des mêmes familles qui semblent en cause. Dans un petit nombre de cas, il existe une prédisposition héréditaire au cancer de l’ovaire transmise sur un mode autosomique dominant et en relation avec les gènes BRCA1 et BRCA2. Les concentrations familiales sont alors particulières, permettant d’isoler des groupes à très haut risque de cancer de l’ovaire (cf. chapitre spécifique). Facteurs hormonaux endogènes et exogènes Le cancer de l’ovaire partage avec le cancer du sein certains facteurs de risque liés à la fertilité et à la reproduction. En effet, le risque de cancer de l’ovaire est augmenté chez les femmes nullipares (4-6), ainsi que chez celles ayant eu une puberté précoce et une ménopause tardive (mais les résultats sont discordants). Il est en revanche clairement établi que le risque de cancer de l’ovaire diminue à chaque nouvelle grossesse (de l’ordre de 10 à 16 %) (6) et avec un âge plus avancé à la première naissance (6, 7) ou à la dernière naissance (7). Le risque de cancer de l’ovaire diminuerait avec l’allaitement (5) et les grossesses gémellaires (8), ainsi qu’après une hystérectomie ou une ligature des trompes (4-6). L’effet des hormones synthétiques exogènes a été beaucoup étudié. Il est maintenant reconnu que la prise d’une pilule contraceptive pour plus de cinq ans diminue le risque de cancer de l’ovaire de 30 à 50 % (6, 9). Cet effet serait expliqué par le blocage de l’ovulation entraîné par ce traitement. L’effet favorable a été observé dix à quinze ans après la fin de la prise de pilule (6, 10) et la protection pourrait persister plus longtemps, au-delà de 20-25 ans (4, 11). Épidémiologie du cancer de l’ovaire 23 En revanche, des études récentes montrent qu’un traitement hormonal substitutif de la ménopause prolongé (plus de cinq ou dix ans) augmente le risque de cancer de l’ovaire de 1,5 à 2 (12, 13). Le risque de cancer de l’ovaire serait majoré dans le syndrome des ovaires polykystiques (14) et dans l’endométriose, pour les tumeurs endométrioïdes ou à cellules claires (15). L’infertilité n’augmenterait le risque de cancer de l’ovaire que chez les femmes n’ayant jamais eu de grossesse (5, 6). Mais, plusieurs études récentes, dont une méta-analyse (16), tendent à montrer que les traitements de la stérilité n’augmentent pas le risque de cancer de l’ovaire. Risques environnementaux Plusieurs études sur des femmes asiatiques ayant immigré aux États-Unis, en Australie ou au Canada ont montré qu’elles-mêmes et leur descendance développent plus fréquemment un cancer de l’ovaire que les femmes restées en Asie, même si les risques restent moins importants que ceux des femmes américaines. La comparaison des modes de vie entre les deux pays permet d’incriminer une alimentation riche en graisses animales (17). Cette hypothèse a été confortée par des études cas-témoins mettant en évidence une consommation plus forte de graisses d’origine animale et de produits laitiers (6). L’excès de poids entraîne un risque modérément élevé de cancer de l’ovaire (18), en particulier à l’adolescence ou chez l’adulte jeune (19). Hypothèses physiopathologiques L’explication physiopathologique du lien entre cancer de l’ovaire et facteurs hormonaux serait le nombre total de cycles ovulatoires. Chaque ovulation entraîne une rupture de l’épithélium ovarien avec un phénomène secondaire de cicatrisation. La répétition successive de ces « microtraumatismes » ovariens pourrait augmenter le risque de transformation maligne à ce niveau. Comme présenté dans le tableau III, beaucoup de facteurs de risque (ou de protection) de cancer de l’ovaire sont concordants avec cette hypothèse, alors que d’autres le sont moins. En particulier, l’effet protecteur des grossesses et de la pilule est supérieur à celui lié à la seule suppression de cycles ovulatoires. D’autres mécanismes hormonaux sont donc possibles. Le rôle de taux élevés d’androgènes et d’estrogènes et de taux bas de progestérone est une hypothèse actuellement retenue (20). La contribution relative de la synthèse ovarienne et des taux circulants d’hormones sexuelles dans le développement et la progression du cancer de l’ovaire doit être étudiée ; de même que l’effet des gonadotrophines et des IGF (insulin growth factors). 24 Les cancers ovariens Tableau III – Accord entre l’association de facteurs épidémiologiques avec le cancer de l’ovaire et l’effet prévu sous différentes hypothèses étiologiques (d’après 20). Facteur épidémiologique Lien observé avec le risque Accord entre effet observé et effet prévu selon le facteur hormonal O G ↑ Âge puberté Grossesses Grossesses multiples ~ ↓↓ ~↓ + - + - Allaitement ~↓ + LH +/FS H- Pilule ↑ Âge ménopause TSH Estrogènes seuls TSH combiné ↓↓ ~ + - + - Excès de poids ~↑ ~ (-) - Endométriose SOPC Ligation tubaire/ hystérectomie ↑ ~↑ - + ~↑ ~↑ ↓ A P E + + - IGF I + + - - + ~ (+) + - + + + - ~ (+) ~ (+) pre ~ (+) post ~ (+) + + + + + ↑/ ↓/~ : augmentation du risque / diminution du risque /association faible avec le risque, +/- : accord / désaccord entre l’association observée avec le risque et l’hypothèse étiologique O : ovulation ; G : gonadotrophines ; A : androgènes ; P : progestérone ; E : estrogènes ; IGF : Insulin-growth factor ; I : insuline Références 1. Remontet L et al. (2003) Évolution de l’incidence et de la mortalité par cancer en France de 1978 à 2000. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire 2. 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