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A. A. - H.J.F.
PREMIERE SESSION DE FORMATION DES MAGISTRATS DES
JURIDICTIONS MEMBRES DE L’ASSOCIATION AFRICAINE DES HAUTES
JURIDICTIONS FRANCOPHONES (AA‐HJF)
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1
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
SOMMAIRE
N° D’ORDRE
RUBRIQUES
PAGES
1
A – CEREMONIE D’OUVERTURE
4
2
- Allocution du Président de la Cour suprême du Bénin, Président du bureau du Conseil
d’Administration de l’AA-HJF
5
3
- Message de Madame Patricia HERTZ, Représentant l’Organisation Internationale de la
Francophonie
10
4
- Discours d’ouverture de la session de formation du Ministre de la Défense Nationale,
Représentant son Excellence, Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat,
Chef du Gouvernement.
13
5
B – TRAVAUX PROPREMENT DITS DE LA SESSION
18
6
B-1 – Conférence Inaugurale
19
7
Thème : Le rôle des Hautes juridictions dans l’éthique judiciaire
19
8
B-2 – Travaux en Plénière : Présentation des communications communes à tous
les ordres de juridictions
25
9
Thèmes : - Le Droit environnemental dans l’espace AA-HJF : Etat de la réglementation
et son application
25
10
- La libre circulation des personnes et des biens
40
11
- Les généralités sur le droit OHADA
45
12
- L’intervention des hautes juridictions dans l’élaboration des actes législatifs
et règlementaires.
74
13
- L’intérêt des Hautes juridictions communautaires et internationales
79
14
B-3 – Communications en ateliers sur les thèmes spécifiques aux différents ordres
de juridiction
96
15
• Juridictions de Cassation, Juridictions Communautaires et Haute Cour de
Justice
96
16
17
Thèmes : - Droit spécifique de certains actes uniformes de l’OHADA
- Droit de la propriété intellectuelle, application et limites
96
251
1ère Partie : Propriété Industrielle
2ème Partie : Propriété Littéraire et Artistique
18
- Les méthodes en matière de Cassation
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
264
271
2
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
19
20
• Juridictions Administratives
Thème : - La gestion du Contentieux des Marchés Publics
277
277
21
- Le Contentieux Fiscal dans le droit français
283
22
- Le contrôle juridictionnel de la décentralisation
287
23
- L’expropriation pour cause d’utilité publique : Modalités, conséquences et
gestion du contentieux
294
24
25
• Juridictions des Comptes
Thème : - Droit comptable et plan comptable OHADA
303
303
26
- Evaluation des politiques de la dette publique et de l’affectation des
ressources mobilisées
377
27
- Traitement juridictionnel des opérations de gestion de fait
379
28
29
• Juridictions Constitutionnelles
Thème : - La gestion du contentieux des élections présidentielles et législatives
398
398
30
- Mécanismes de régulation du fonctionnement des institutions par la Cour
constitutionnelle
410
31
B-4 – Adoption des rapports des ateliers, du rapport général, des recommandations et
des motions de remerciement.
424
32
¯ Rapports des ateliers
424
33
¯ Rapport général
447
34
¯ Recommandations
464
35
¯ Motions de remerciements
465
36
C – Evaluation de la Session
470
C-1 – Questionnaire d’évaluation
471
C-2 – Rapport d’évaluation
475
37
D – Cérémonie de clôture
477
38
Allocution de clôture du Président de la Cour suprême du Bénin, Président du Conseil
d’Administration de l’AA-HJF
478
39
Annexes
482
40
¯ Programme de la Session
483
41
¯ Liste des participants
489
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
3
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
A – CEREMONIE D’OUVERTURE
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
4
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
ALLOCUTION DU PRESIDENT DE LA COUR SUPREME DU BENIN, PRESIDENT DU BUREAU DU CONSEIL
D’ADMINISTRATION DE L’AA-HJF
Cotonou, le 18 Décembre 2006
ƒ Monsieur le Ministre de la Défense Nationale, Représentant Personnel du Président de la
République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement,
ƒ Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions de la République,
ƒ Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
ƒ Messieurs les Présidents de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, de la Cour de Cassation du Burkina
Faso, du Conseil d’Etat du Sénégal, Vice-Présidents du bureau du Conseil d’Administration de l’AA-HJF,
ƒ Madame le Représentant du Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la
Francophonie,
ƒ Mesdames et Messieurs les Honorables Députés,
ƒ Mesdames et Messieurs les Membres des Hautes Juridictions Africaines ici présents,
ƒ Monsieur le Préfet des Départements de l’Atlantique et Littoral,
ƒ Excellence Mesdames et Messieurs les Représentants du Corps Diplomatique et des Organisations
Internationales et Consulaires,
ƒ Mesdames et Messieurs les membres de la grande famille judiciaire du Bénin,
ƒ Honorables Invités,
ƒ Mesdames et Messieurs,
Je voudrais au nom des membres du Conseil d’Administration de l’Association Africaine des Hautes
Juridictions Francophones (AA-HJF) et en mon nom propre, souhaiter à vous tous ici présents, la bienvenue
dans cette salle du Centre International de Conférence de Cotonou qui accueille la cérémonie d’ouverture
solennelle de la première session de formation des magistrats animant les hautes juridictions membres de notre
réseau.
Je me réjouis de vous savoir aussi nombreux à cette cérémonie qui incontestablement, marque le
début d’un nouveau chantier que l’AA-HJF vient d’ouvrir sur le vaste terrain de l’intégration juridique et judiciaire
des Etats africains.
Bienvenue au Bénin à vous tous, bienvenue surtout à nos collègues venus de la France et des quatre
coins d’Afrique pour prendre part à la première session de formation que notre Institution a initiée avec le
concours et l’appui déterminants de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Mais mes premiers mots en cette circonstance aussi solennelle, iront en direction du Président de la
République, Chef de l’Etat, et de tout son gouvernement pour avoir accepté de soutenir la présente manifestation
que nous avons bien voulu placer sous sa haute présidence.
Le Président de la République avec qui j’ai échangé à plusieurs reprises sur cette importante activité
de notre Association, a partagé avec moi, sa vision de l’intégration africaine dans laquelle le volet juridique et
judiciaire a une place de choix. Il s’est par conséquent engagé à soutenir nos initiatives en commençant déjà par
la présente session de formation à la tenue de laquelle son gouvernement a apporté un appui matériel et
financier fort appréciable.
C’est bien volontiers qu’il aurait été des nôtres ce matin si les contraintes de calendrier ne l’avaient
amené à s’absenter du territoire national depuis quelques jours.
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
5
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Qu’il me soit donc permis de prier Monsieur le Ministre de la Défense Nationale, de bien vouloir
transmettre au Chef de l’Etat, le Docteur YAYI Boni les sincères remerciements et la profonde reconnaissance
des responsables des juridictions africaines membres de notre Association.
Monsieur le Ministre de la Défense Nationale, Représentant le Chef de l’Etat,
En acceptant de venir présider la présente cérémonie, malgré les multiples contraintes de vos charges
surtout en cette fin d’année, vous donnez la preuve de votre foi en la justice perçue comme l’épine dorsale du
processus de démocratie et d’Etat de droit en cours dans notre région.
Votre présence parmi nous ce matin est le témoignage éloquent de l’intérêt tout particulier que vous
portez en ce que nous incarnons, nous les magistrats.
Merci d’avoir accepté d’être des nôtres ce matin.
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs,
Soucieux de contribuer à la consolidation des processus démocratiques en cours en Afrique et
attachés à la construction de l’Etat de droit comme gage de développement et d’épanouissement dans la paix
pour les peuples africains, des magistrats responsables de hautes juridictions ouest africaines avaient décidé de
créer en leur sein, un creuset d’échanges et de concertation qui après quelques années, s’est révélée un
véritable outil d’intégration juridique et judiciaire.
En effet, la jeune Association grâce à l’appui constant de ses partenaires dont notamment
l’Organisation Internationale de la Francophonie, s’est efforcée de réunir chaque année, ses membres autour de
questions d’actualité juridique et judiciaire ou touchant au fonctionnement de nos hautes juridictions à travers
différents colloques et séminaires.
Neuf différents thèmes ont tour à tour, fait l’objet de réflexions organisées depuis la création de
l’Association et qui ont porté respectivement sur :
Le contentieux électoral et l’Etat de Droit,
Le contrôle juridictionnel de la décentralisation,
La problématique de l’indépendance du pouvoir judiciaire en Afrique,
Le juge suprême et la gestion du contentieux électoral local,
L’opportunité de l’éclatement ou non des cours suprêmes en plusieurs juridictions distinctes,
L’application du droit international dans l’ordre juridique interne des Etats Africains Francophones,
L’Etat de Droit et la séparation des pouvoirs,
Les contrariétés de décisions entre hautes juridictions constitutionnelle, administrative et judiciaire.
Les rapports entre les juridictions nationales de cassation et la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage : bilan et perspectives d’avenir.
Les différentes rencontres organisées autour de ces sujets, les uns aussi pertinents que les autres et
ayant débouché sur des conclusions et recommandations dignes d’intérêt, n’ont cependant pas étanché toute la
soif des magistrats de nos hautes juridictions qui n’ont cessé d’exprimer leurs besoins sans cesse croissants de
formation sur des questions de droit plus pointues et auxquelles, ils sont confrontés quotidiennement dans
l’exercice de leurs fonctions.
Aussi, le Conseil d’Administration de notre Association a t-il décidé d’élaborer un plan commun de
formation des membres de toutes les juridictions de notre réseau. Il s’agit des Cours Suprêmes et Cours de
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
6
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Cassation, des Cours et Conseils Constitutionnels, des Conseils d’Etat, des Cours des Comptes et des
juridictions communautaires que sont la Cour de Justice et la Cour des Comptes de l’Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’Organisation pour
l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA).
Notre Association ainsi que vous le constatez est de caractère pluridisciplinaire.
Le plan de formations ainsi élaboré qui couvre une période de cinq ans allant de 2006 à 2010 a été
conçu autour de la vision qu’en 2010, notre Association sera composée de juridictions nationales et
communautaires animées par des Magistrats plus compétents et capables de contribuer de façon significative à
la promotion de l’Etat de droit et au rayonnement de la démocratie dans les différents pays membres.
Trois principaux axes se dégagent de cette vision :
¯ l’amélioration des performances des hautes juridictions membres de l’Association ;
¯ le renforcement du capital humain des hautes juridictions membres du réseau ;
¯ la contribution à la promotion de l’Etat de droit et au rayonnement de la démocratie.
L’objectif général ainsi poursuivi qui vise l’amélioration des connaissances et les performances des
juges à travers des décisions de qualité rendues dans des délais raisonnables en matière constitutionnelle,
administrative, judiciaire, des comptes et d’application du droit communautaire, se décline en des objectifs
spécifiques qui permettront d’atteindre les sept résultats suivants :
Résultat 1 : Les magistrats des juridictions membres de l’AA-HJF ont pris part aux sessions de
formation communes organisées en vue de renforcer leur maîtrise des questions pratiques du droit
communautaire et des questions d’ordre général et spécifique à chaque ordre de juridiction ;
Résultat 2 : Les magistrats des juridictions de l’AA-HJF affirment l’indépendance de la justice à travers
leurs décisions.
Résultat 3 : Les actes des séminaires et ateliers organisés au profit des magistrats des juridictions
membres de l’AA-HJF sont édités et publiés par le Secrétariat général de l’Association.
Résultat 4 : Les recueils des arrêts rendus par les hautes juridictions sont édités et publiés par le
Secrétariat Général de notre réseau.
Résultat 5 : La banque de données législatives et jurisprudentielles sur les hautes juridictions
africaines francophones est constituée, alimentée et administrée.
Résultat 6 : Les moyens financiers et matériels nécessaires à l’organisation des activités de formation
et à la motivation du personnel de la cellule de formation sont obtenus par le Secrétariat général de l’AA-HJF.
Résultat 7 : L’intégration juridique et judiciaire africaine est amorcée de façon concrète et suivie.
Il s’agit là, vous vous en doutez, Mesdames et Messieurs, d’un ambitieux programme, un ambitieux
plan de formation dont la mise en œuvre nécessite la mobilisation d’un minimum de moyens tant humains,
matériels que financiers.
Nous en convenons volontiers mais au regard du rôle que jouent les hautes juridictions africaines dans
la régulation de la vie socio-économique de nos Etats, à travers leurs décisions qui sont sans recours et
s’imposent à tous, nous pensons qu’aucun effort ne devra être ménagé pour permettre la mise en œuvre
effective et efficiente d’un tel programme.
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Nous avons en effet la profonde conviction que la justice est au cœur du débat démocratique et que
comme l’a si bien souligné le bâtonnier Robert BADINTER que nous ne cesseront jamais de citer, « c’est sur le
terrain de la justice que se jouera la démocratie. »
L’Etat de droit que tous les peuples africains appellent aujourd’hui de leur vœux, ne serait que pure
illusion si la justice, n’était considérée, perçue et construite comme le pilier de tout le système démocratique.
Notre société doit avoir une ambition pour ses juges.
La contrepartie de cette ambition est une exigence sociale de plus en plus renforcée vis-à-vis des
juges dans leur indépendance, leur pratique quotidienne, leur formation, leur régime de responsabilité.
L’AA-HJF fidèle à ses objectifs, entend jouer pleinement sa partition dans ce processus de promotion
des valeurs internes plus spécifiques aux animateurs du pouvoir judiciaire.
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs,
C’est ici le lieu et le moment d’exprimer à l’Organisation Internationale de la Francophonie qui nous
accompagne depuis la création de notre Association dans nos différentes activités, nos sincères remerciements
et l’expression renouvelée de notre infinie gratitude.
Le plan de formation dont la mise en œuvre nous réunit en ces instants, a été en effet élaboré avec
l’appui technique et le soutien moral de cette Organisation Francophone qui a financé la tenue de cette première
session de formation.
Aussi, voudrais-je prier le Représentant de cette famille Francophone ici présent, à transmettre à
Monsieur Abdou DIOUF, Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, l’expression de
la reconnaissance des responsables de toutes les juridictions francophones d’Afrique membres de notre réseau.
A Madame Christine DESSOUCHES qui a été l’artisan infatigable de l’œuvre que nous célébrons ce
jour, nous adressons toute notre satisfaction et l’assurons de notre détermination à poser pas à pas, les jalons de
l’édification d’une Afrique forte et prospère parce que soumise à la force du droit et de la justice.
La convergence des visions et des idéaux qui caractérise fort heureusement nos deux Institutions,
nous encourage à aller de l’avant.
La déclaration de BAMAKO qui a mis en relief de façon fort pertinente le rôle de la justice en tant
qu’entité indépendante dans la construction de l’idéal démocratique, nous oblige, nous animateurs du pouvoir
judiciaire, à prendre la mesure de nos responsabilités.
La démocratie et les droits de l’homme constituent des impératifs et des enjeux majeurs pour les
magistrats avec toute la force de leur universalité mais aussi toute la complexité de leurs problématiques par
rapport aux réalités socio-politiques du monde d’aujourd’hui. Nous avons décidé pour ce faire, de nous préparer
à faire efficacement face aux défis qui sont les nôtres.
Une seule hirondelle dit-on, ne saurait faire le printemps.
L’Organisation Internationale de la Francophonie a besoin d’être rejointe par d’autres partenaires qui
partagent la vision d’une justice garante de l’Etat de droit pour nous appuyer, nous soutenir dans la mise en
œuvre continue du premier plan quinquennal de formation de notre Association qui constitue une première en
Afrique.
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
8
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Aussi, voudrais-je lancer du haut de cette tribune, un appel solennel à toutes les Représentations
diplomatiques et à toutes les Organisations Internationales ici présentes pour qu’elles portent à notre initiative
tout l’intérêt qu’elle mérite.
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs les participants à cette première session de formation,
Pendant cinq jours, nous aurons à échanger entre gens de métiers sur des questions de
préoccupation quotidienne et relative à notre office aussi bien en séance plénière qu’en atelier plus spécifique à
chaque Ordre de juridiction.
Je voudrais souhaiter que chacun de nous donne le meilleur de lui-même pour faire de cette session,
une réussite et en tirer le meilleur profit.
C’est à cette condition et à elle seule, que nous mériterons de la confiance de nos partenaires qui
nous soutiennent dans nos initiatives.
Les membres du Conseil d’Administration de notre Association ici présentes, voudraient compter sur la
disponibilité et l’engagement de tous.
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs,
Je ne saurais terminer mes propos sans réitérer nos profonds sentiments de gratitude au Président de
la République, Chef de l’Etat et à tout son gouvernement pour le soutien que l’Etat béninois nous a apporté dans
l’organisation de nos Assises.
Nous renouvelons à l’Organisation Internationale de la Francophonie nos remerciements les plus
infinis.
Aux Experts venus des juridictions sœurs de France et des quatre coins d’Afrique nous disons grand
merci.
A vous toutes, personnalités béninoises ici présentes, nous exprimons notre gratitude de vous savoir à
nos côtés en ces moments forts de la vie de notre Association.
Ensemble faisons de l’intégration juridique et judiciaire une réalité africaine au service du
développement socio-économique de nos Etats.
Vive la Coopération interjudiciaire !
Vive l’AA-HJF !
Je vous remercie.
Saliou ABOUDOU
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
MESSAGE DE MADAME PATRICIA HERTZ, REPRESENTANT L’ORGANISATION
INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE (OIF)
¯ Excellence,Monsieur le Ministre de la Défense Nationale représentant personnel de Monsieur
le Président de la République , Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement,
¯ Excellences, Mesdames et Messieurs les Ministres,
¯ Mesdames et Messieurs les Députés,
¯ Mesdames et Messieurs les Représentants des corps Constitués et du Corps Diplomatique,
¯ Monsieur le Président de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones,
Président de la Cour Suprême du Bénin,
¯ Mesdames et Messieurs les Présidents et Représentants des Hautes Juridictions
Francophones, membres de l’AA-HJF,
¯ Mesdames et Messieurs,
¯ Distingués invités,
(…)
En débutant la lecture de ce message, permettez-moi tout d’abord de vous confier les profonds regrets
de Madame Christine DESOUCHES, Délégué à la paix, à la démocratie et aux droits de l’homme de
l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui aurait vivement souhaité prendre part,
personnellement, à la première session de formation commune aux Hautes Juridictions francophones, qui
s’ouvre aujourd’hui à Porto-Novo, et pouvoir vous adresser les plus chaleureuses félicitations de l’OIF pour
l’aboutissement de ce projet, porté par les institutions béninoises, qui se présentent comme une référence au
sein de l’espace francophone.
La mise en place de ce programme significatif de formation des magistrats africains s’inscrit, vous le
savez, dans le prolongement d’un partenariat exemplaire développé depuis bientôt dix ans entre l’Organisation
Internationale de la Francophonie (OIF) et l’association africaine des Hautes Juridictions Francophones (AAHJF), grâce à l’engagement inlassable de la Cour Suprême du Bénin, en faveur du renforcement des Hautes
Juridictions Africaines.
Un partenariat exemplaire, puisqu’il a su s’enrichir, constamment, des engagements souscrits par les
Etats et les gouvernements francophones en faveur de l’indépendance de la Justice ainsi que de l’intégration
judiciaire, et puiser dans ce capital l’impulsion nécessaire à la définition et à la mise en œuvre de projets
mobilisateurs et concrets.
Dès 1995, dans la Déclaration dite du Caire, les Ministres francophones de la Justice ont réaffirmé le
rôle déterminant de la Justice dans la protection des droits de l’homme et la promotion du développement,
appelant l’élaboration de plans nationaux de modernisation du secteur judiciaire.
Mais c’est en novembre 2000, que la Francophonie se dote, en adoptant la déclaration de Bamako sur
la démocratie, les droits et les libertés, d’un texte normatif de référence qui consacre les engagements des Etats
et gouvernements francophones en faveur, notamment, sous le chapitre consacré à la consolidation de l’Etat de
droit, de l’indépendance, de la transparence et de l’efficacité des institutions judiciaires et qui prévoit, aussi, un
mécanisme innovant de suivi du respect de ces engagements, mécanisme d’observation et d’évaluation qui
requiert la mobilisation permanente des partenaires de l’OIF.
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
10
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
En septembre dernier, les Chefs d’Etat et de gouvernement francophones ont réaffirmé leur « volonté
d’accorder des moyens substantiels à la lutte contre la corruption et contre l’impunité, ainsi qu’à l’indépendance
de la Justice, en favorisant l’intégration régionale par le droit », dans la Déclaration qu’ils ont adoptée à Bucarest,
à l’issue de leur XIème Sommet.
En s’attachant à donner toute leur portée aux principes garant de l’Etat de droit comme au projet
politique de la Francophonie qui mobilise aussi les praticiens du droit en faveur de la promotion de la paix, de la
démocratie et des droits de l’homme, l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones s’est investie,
pleinement, depuis sa création en 1997, pour la pleine opérationnalité des garanties prévues par les textes et la
mise en œuvre d’actions porteuses de cette dynamique.
J’évoquerais, notamment, la tenue de colloques ambitieux comme l’ont illustré les récents travaux de
l’Association, tenus à Lomé, en juin dernier sur la question des rapports entre les Cours de Cassation nationales
et la Cour commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; l’adoption, en janvier 2004, de la Déclaration de
Cotonou sur l’Etat de droit et la séparation des pouvoirs ; ou encore la contribution majeure de l’Association à la
diffusion tant des corpus normatifs et jurisprudentiels africains, qu’au développement de la doctrine.
Dans le domaine de formation, c’est une double démarche qui à utilement été conduite dans l’espace
francophone, associant tant le soutien à des modules de formation conçus en liaison avec les responsables
nationaux de la formation judiciaire, que l’échange d’expérience et le développement d’une solidarité entre Hauts
Magistrats.
L’échange d’expériences et de connaissances constitue une voie privilégiée par la Francophonie pour
la réalisation des objectifs consignés dans les textes que nous avons évoqués. L’échange de pratiques et de
savoir faire s’est trouvé soutenu par les Associations francophones de compétences qui ont successivement vu
le jour, réunissant, notamment, les Institutions supérieures de contrôle des finances publiques, les Cours
constitutionnelles, les Hautes Juridictions de cassation et, dans un cadre panafricain, par votre Association,
réseau de solidarité et d’influence, auquel l’OIF porte la plus grande attention.
Autant d’actions qui confortent l’engagement francophonie. Autant d’actions qui témoignant de
l’appropriation, par les Hautes Juridictions africaines, des normes et des valeurs de la Francophonie, retiennent,
vous le savez, l’intérêt majeur de son Excellence Monsieur Abdou DIOUF, Secrétaire Général de la
Francophonie.
Le dispositif pérenne de formation des Magistrats que l’AA-HJF ambitionne de mettre en place trouve,
à travers la première session de Porto-Novo, une identité propre, caractérisée par le choix consensuel des
thématiques qui seront traitées avec le concours d’éminents experts, aussi bien que par la diversité des séances
de travail programmées privilégiant la spécialité des compétences, nationales et communautaires.
Le déploiement de ce projet puis son retentissement dans l’espace francophone appellent d’ores et
déjà quelques engagements :
Qu’il nous soit possible, à l’issue de la présente session de formation, de publier vos travaux, les
documents pédagogiques et notamment la jurisprudence qui aura illustré les cas pratiques traités, afin de
capitaliser, sans attendre, ce dispositif, en usant, en particulier, des technologies de l’information et de la
communication ;
Qu’il nous soit possible d’assurer sa promotion auprès des multiples acteurs et partenaires
francophones et internationaux préoccupés par les questions de formation ;
Qu’il nous soit possible de procéder à son évaluation afin de reconduire, dans les meilleures
conditions, l’expérience qui débute aujourd’hui ;
Qu’il nous soit possible, enfin, de proposer au Hautes Autorités du Bénin la création d’un Centre
d’excellence, pôle panafricain de formation dans le domaine de la gouvernance, en s’appuyant sur l’expérience
non seulement de l’AA-HJF mais encore de l’Ecole régionale supérieure de la Magistrature de l’OHADA qui
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
11
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
accueille votre session, du Centre international de formation en Afrique des Avocats francophones (CIFAF), basé
à Cotonou ou du Réseau des Instances africaines de régulation de la communication (RIARC), toutes initiatives
bâties au Bénin, dans une vision d’intégration régionale africaine.
Excellences,
Distingués invités,
Je voudrais, en terminant la lecture de ce message, souhaiter plein succès à vos travaux et
transmettre les plus sincères et vifs remerciements de l’Organisation Internationale de la Francophonie aux
Hautes Autorités ainsi qu’à l’Association africaine des Hautes Juridictions francophones tant pour les facilités
déployées qui ont permis de convoquer cette session dans les meilleures conditions que pour leur engagement
constant à l’endroit du projet francophone et de son approfondissement.
Je vous remercie de votre attention.
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
12
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
DISCOURS D’OUVERTURE DE LA SESSION DE FORMATION DU MINISTRE DE LA DEFENSE
NATIONALE, REPRESENTANT SON EXCELLENCE MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA
REPUBLIQUE, CHEF DE L’ETAT, CHEF DU GOUVERNEMENT
ERSUMA, Porto-Novo le 18 Décembre 2006
- Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions de la République,
- Monsieur le Président de la Cour Suprême du Bénin, Président du bureau du Conseil
d’Administration de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF),
- Messieurs les Présidents de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, de la Cour de Cassation du
Burkina Faso, du Conseil d’Etat du Sénégal, Vice-Présidents du bureau du Conseil d’Administration de
l’AA-HJF,
- Madame le Représentant du Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la
Francophonie,
- Mesdames et Messieurs les Honorables Députés,
- Mesdames et Messieurs les Membres des Hautes Juridictions Africaines ici présents,
- Monsieur le Préfet des Départements de l’Atlantique et du Littoral,
- Excellence Mesdames et Messieurs les Représentants du Corps Diplomatique et des
Organisations Internationales et Consulaires,
- Mesdames et Messieurs les membres de la grande famille judiciaire du Bénin,
- Honorables Invités,
- Mesdames et Messieurs,
Le Bénin tout entier, s’honore de l’Organisation ici à Cotonou puis à Porto-Novo, de la première
session de formation des magistrats des Hautes Juridictions membres de l’Association Africaines des Hautes
Juridictions Francophones (AA-HJF).
Il s’agit là vous vous en doutez, d’un évènement majeur auquel le Gouvernement béninois n’a voulu et
ne saurait rester indifférent.
Le Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, le Docteur YAYI Boni ainsi que
vient de le souligner le Président de la Cour Suprême du Bénin, avait tenu à présider en personne la présente
cérémonie qui consacre le lancement d’une activité à laquelle il accorde une importance toute particulière.
Les questions de formation, et plus singulièrement la formation de ceux qui sont en charge de dire le
droit en dernier ressort, intéresse à un haut degré le premier magistrat de la République du Bénin.
Mais empêché à la dernière minute, les contraintes de sa charge étant souvent imprévisibles, il m’a fait
l’honneur de le représenter auprès d’une si auguste assemblée composée des hommes et des femmes de droit à
qui il me charge de délivrer le présent message.
Honorables invités,
Mesdames et Messieurs,
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
13
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Il est évident qu’au moment où le Bénin embrasse une nouvelle ère de son développement à travers
l’option d’un renouveau économique et social, le Gouvernement du changement accorde une attention
particulière à la justice, pièce maîtresse de tout développement durable.
Mais loin d’être une préoccupation nationale, le développement économique et social fondé sur la
Justice est aujourd’hui une problématique régionale et internationale. Cette problématique interpelle
particulièrement l’Afrique où les contingences politiques, socio-économiques et culturelles rythment
quotidiennement les processus démocratiques en construction sur le continent.
En effet, l’Etat de droit constitue le socle des systèmes démocratiques que nos pays s’emploient à
édifier depuis quelques années à travers la mise en place et le fonctionnement régulier des Institutions
républicaines de pouvoir et de contre pouvoir. L’Etat de droit sur lequel se bâtit l’édifice démocratique prône le
droit, un droit dynamique et vivant dont la justice est le seul garant.
Il est aujourd’hui en effet admis de tous que le processus démocratique dans lequel se sont
courageusement engagés les Etats Africains depuis quelques années ne peut se construire et se fortifier sans un
environnement porteur d’Etat de droit.
Or l’Etat de droit ne serait que leurre et chimère sans une justice performante, responsable, efficace et
indépendante.
C’est pourquoi, l’initiative prise par l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AAHJF) d’organiser une session de formation régionale à l’intention des principaux acteurs de la justice que sont les
magistrats des Hautes Juridictions Africaines me paraît à la fois judicieuse et opportune.
L’impérieuse nécessité d’une justice africaine forte, indépendante et crédible semble fonder la justesse
d’une telle initiative si l’on s’interroge simplement sur ce que serait le développement sans une telle justice.
En effet, quel développement l’Afrique est-elle susceptible d’entreprendre sur la base de systèmes
judiciaires pluriels, mal équipés et aux ressources humaines et financières approximatives et insuffisantes ?
Mieux, le juge africain, en l’occurrence celui des Hautes juridictions, est-il aujourd’hui suffisamment
outillé pour rendre la justice qui renforce la démocratie et qui fonctionne en tant que véritable facteur de
développement ?
Le vécu quotidien dans nos pays nous rappelle constamment à la réalité que, pour jouer sa partition
dans la promotion de l’Etat de droit et le renforcement de la Démocratie, la justice a besoin de moyens mais
surtout que le juge a besoin de compétences pointues face à des questions de droit de plus en plus complexes,
nouveaux et dynamiques.
En effet, nos sociétés qui sont devenues de plus en plus illisibles à elles mêmes, demandent au droit
et plus particulièrement au juge, de trancher nombre de ses débats. Et le juge au regard de sa place dans la
société est tenu d’apporter des solutions de droit aux conflits multiples et multiformes qu’elle génère.
En organisant la session de formation qui s’ouvre ce jour, c’est manifestement sur un chantier
fondamental du développement que s’engage l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones,
notamment dans la mouvance régionale africaine de synergie politique commandée par l’harmonisation, la
coopération et l’intégration.
Dans cette logique et comme je le disais tantôt, l’initiative de votre Association est également
opportune puisqu’elle cherche à tisser au sein de ce grand réseau, la toile de fond d’une intégration judiciaire
régionale qui prend ses racines dans l’échange d’expériences et de connaissances, de pratiques judiciaires et de
productions jurisprudentielles.
Honorables Invités, Mesdames et Messieurs,
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
L’importance de la session de formation dont la cérémonie d’ouverture solennelle nous rassemble en
ce jour mérite que les initiateurs de l’évènement soient encouragés et soutenus.
L’événement est majeur puisqu’il s’agit d’une première en Afrique où un plan de formation commun à
plusieurs hautes juridictions a été conçu et est mis en œuvre afin de créer les conditions nécessaires au
renforcement des capacités d’intervention des acteurs de la régulation de la vie socio-économique de nos Etats.
Le Gouvernement béninois reste convaincu de ce que le développement des Etats Africains passe par
une véritable politique d’intégration régionale.
Aussi, est-ce avec une attention soutenue et un intérêt tout particulier qu’il apprécie les efforts que
déploie l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones dans la construction depuis quelques
années de l’intégration juridique et judiciaire si nécessaire au renforcement et à la consolidation des chantiers
démocratiques ouverts en Afrique.
Je m’en voudrais donc à ce stade de mes propos de ne pas saluer au nom du Président de la
République du Bénin les pionniers de cette belle et historique initiative de création d’un cadre dynamique de
concentration et d’échanges entre les magistrats des hautes juridictions de nos Etats dont les décisions sont
sans recours et s’imposent à tous les citoyens et à toutes les institutions de l’Etat.
Le chemin parcouru depuis le 10 novembre 1998 date de la création ici même au Bénin de cette
Association, est digne d’éloges et témoigne de la détermination de ses juridictions membres à en faire un
véritable outil d’intégration au service de nos Etats.
La dynamique dont est porteuse cette Association est en parfaite adéquation avec la volonté politique
des Etats Africains qui n’ont de cesse réaffirmé la nécessité de favoriser le développement économique et social
de nos pays grâce à l’harmonisation de leurs législations, à l’unification de leurs marchés intérieurs et à la mise
en œuvre de politiques sectorielles communes dans les secteurs essentiels de leurs économies.
Une telle politique qui vise la construction d’une économie de marché ouverte et concurrentielle n’est
réalisable que dans un environnement sécurisé au plan juridique et judiciaire.
L’œuvre d’édification de l’intégration juridique et judiciaire à laquelle travaille votre Association,
Monsieur le Président, Messieurs les Vice-Présidents, est d’une importance capitale pour nos Etats et mérite par
conséquent d’être encouragée et soutenue.
Aussi le Gouvernement du Bénin qui a l’honneur d’abriter le siège de votre prestigieuse Institution, ne
ménagera t-il aucun effort pour continuer de vous accompagner dans la réalisation des nobles objectifs que vous
avez assignés à votre réseau.
Honorables Invités, Mesdames et Messieurs,
En me réjouissant particulièrement de la présence parmi nous ce matin d’un Représentant du
Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, je voudrais me féliciter de l’excellence
des relations institutionnelles qui existent entre ladite Organisation et l’Association Africaine des Hautes
Juridictions Francophones qu’elle accompagne depuis sa création par ses multiples soutiens.
Le dixième sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement qui s’est tenu à Ouagadougou au BURKINA
FASO du 26 au 27 novembre 2004 a donné, si je pus dire, la mesure de la volonté politique de renouveler
l’ambition francophone.
En adoptant dans un souci de cohérence et de lisibilité le cadre stratégique décennal de l’Organisation
Internationale de la Francophonie, le sommet de Ouagadougou avait indiqué les axes prioritaires de l’action
francophone articulés à travers la promotion de la langue française et la diversité culturelle et linguistique, la
promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme, l’appui à l’éducation, à la formation, à
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
l’enseignement supérieur et à la recherche, enfin la promotion de la coopération au service du développement
durable et de la solidarité.
En soutenant comme elle le fait si bien déjà, l’outil d’intégration juridique et judiciaire qu’est
l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones, l’Organisation Internationale de la Francophonie
met en œuvre la conception francophone du développement économique durable basé sur la démocratie, l’Etat
de droit et la justice, perception maintes fois réaffirmée à travers différentes déclarations dont celle de Bamako
adoptée le 3 novembre 2000.
A travers cette déclaration, le monde francophone prenait l’engagement entre autres, d’assurer
l’indépendance de la magistrature et la promotion d’une justice efficace et accessible garante de l’Etat de droit
conformément à la Déclaration et au Plan d’Action quinquennal du Caire adoptés par la troisième Conférence
des Ministres Francophones de la Justice.
Je m’en voudrais donc de ne pas saluer l’action déterminante de l’ Organisation Internationale de la
Francophonie dans la tenue des présentes assises qui vise, faut-il le souligner, le renforcement des capacités
d’action des plus hauts animateurs du service public de la justice dans nos différents Etats.
Je voudrais par conséquent vous prier Madame le Représentant, de bien vouloir transmettre à son
Excellence Monsieur le Président Abdou DIOUF, les vives félicitations et les sincères remerciements qu’au nom
des Chefs d’Etat dont les juridictions sont membres de l’Association Africaine des Hautes Juridictions
Francophones le BENIN, adresse à l’Organisation Internationale de la Francophonie pour son accompagnement
déterminant dans la concrétisation de l’idéal de développement francophone en Afrique.
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs,
Si la place et le rôle de premier plan qui sont ceux de la justice au sein de nos sociétés en mutation
n’échappent plus à personne, il n’en demeure pas moins vrai que nombre de dysfonctionnements caractérisent
de nos jours les systèmes judiciaires africains, dysfonctionnements qui hypothèquent si dangereusement
l’accomplissement de leurs missions.
Au nombre de ces dysfonctionnements, figure en bonne place l’inaptitude technique du juge lui même
à trancher en temps réel et conformément au droit les litiges qui lui sont soumis.
Cette déplorable situation endogène au juge et liée à sa formation, se trouve aggravée par les
nombreuses mutations qui s’opèrent dans le monde au plan politique, économique et social et qui génèrent des
droits nouveaux auxquels le juge contemporain n’est point formé.
Le développement des nouvelles technologies de la communication, le droit de l’environnement, le
droit des affaires, le droit communautaire en construction, -la liste n’est pas exhaustive - sont en effet, autant de
domaines de préoccupation pour tout juge de notre temps.
En raison de l’importance du rôle que jouent au quotidien les hautes juridictions dans la consolidation
de l’Etat de droit dans nos pays respectifs et de l’accroissement de leurs activités dû à la judiciarisation de plus
en plus prononcée de nos sociétés, le renforcement des capacités de leurs personnels s’avère indispensable
lorsqu’on sait que les décisions de ces hautes juridictions sont sans recours et s’imposent à tous, au pouvoir
Exécutif, au pouvoir législatif, à toutes les juridictions et à tous les citoyens.
La rencontre de Porto-Novo qui pendant cinq jours, permettra aux magistrats africains venus de toutes
les juridictions membres de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones, de confronter leurs
expériences et leurs connaissance à la lumière d’une expertise africaine et internationale avérée, reste donc une
réponse qualitative à l’exigence d’adaptation de nos magistrats à l’évolution de leurs temps.
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Le Président de la République du Bénin, le Docteur YAYI Boni a noté avec beaucoup de satisfaction et
de fierté la vision dans laquelle s’est inscrite résolument ce plan quinquennal de formation dont la mise en œuvre
démarre ce jour et qui vise principalement le renforcement des capacités du capital humain afin d’améliorer les
connaissances et les performances des juges à travers des décisions de qualité rendues dans des délais
raisonnables aussi bien en matière administrative, judiciaire, constitutionnelles, des comptes que dans le
domaine du droit communautaire.
Il s’agit là d’un défi historique que vous vous êtes lancés, Mesdames et Messieurs les membres de
l’AA-HJF, défi dont les enjeux sont en phase avec les exigences de construction de sociétés humaines fondées
sur la force du droit et de la justice.
C’est pourquoi en réitérant mes remerciements à l’Organisation Internationale de la Francophonie qui
soutient au plan financier cette première session de formation, je voudrais saluer tout particulièrement, les
responsables des hautes juridictions de France, qu’il s’agisse de la Cour de Cassation, du Conseil d’Etat et de la
Cour des Comptes qui ont accepté d’accompagner cette session en mettant à la disposition de l’AA-HJF certains
de leurs membres arrivés au Bénin pour partager leurs expériences avec leurs homologues africains.
Aux magistrats Français présents à cette session de formation, je voudrais exprimer tous mes
remerciements et la reconnaissance infinie de l’ensemble des Exécutifs africains dont les juridictions sont
représentées au sein du réseau AA-HJF.
Mes remerciements vont également à tous les experts africains qui ont cru en la pertinence de cette
initiative de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones en se joignant à elle dans l’organisation
de la session dont les travaux s’ouvrent ce jour.
Merci à vous tous.
Le Gouvernement béninois souhaite ardemment que les Organisations Internationales s’intéressent
comme le fait l’Organisation Internationale de la Francophonie à ces initiatives de l’AA-HJF car elles sont
porteuses de progrès dans l’édification en Afrique de véritable systèmes judiciaires à même de soutenir l’état
démocratique.
Le continent noir à la croisée des chemins, dans un monde en pleine mutation technologique,
politique, économique et sociale, doit s’adapter à l’évolution du temps si elle veut s’intégrer à l’irrésistible
processus de la globalisation.
Le pouvoir judiciaire dont les animateurs ont en charge la régulation de la vie socio-économique de
nos Etats doit, permanemment de par la qualité de ses membres, être en mesure de faire face et en temps réel
aux besoins de justice exprimés par les justiciables.
Nous devons tous y travailler.
C’est sur ces mots d’engagement qu’au nom du Président de la République du Bénin je déclare
ouverts ce jour Lundi 18 décembre 2006, les travaux de la première session de formation des magistrats des
juridictions membres de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones.
ƒ Vive l’intégration juridique et judiciaire au service du développement de nos Etats,
ƒ Vive la solidarité internationale,
Je vous remercie.
Le Ministre de la Défense Nationale
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
B – TRAVAUX PROPREMENT DITS DE LA SESSION
République du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA, du 18 au 22 Décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
B-1 – CONFERENCE INAUGURALE
LE ROLE DES HAUTES JURIDICTIONS DANS L’ETHIQUE JUDICIAIRE
Par Gabriel DOSSOU, Bâtonnier de l’ordre des Avocats du Bénin
INTRODUCTION
La confiance concédée à la justice ainsi qu’aux Magistrats qui y concourent est un fervent essentiel du
débat judiciaire, voire, de l’Etat de droit auquel aspirent aujourd’hui tous les peuples. Pour favoriser et parvenir à
cette œuvre que bon nombre d’individus perçoivent comme un idéal, il paraît indispensable de mieux faire
connaître les principes et règles qui gouvernent l’Institution, mais davantage les Hautes Juridictions qui animent
celle-ci au travers de l’éthique qui caractérise l’activité judiciaire.
C’est certainement à cette préoccupation que répond le thème : LE ROLE DES HAUTES
JURIDICTIONS DANS L’ETHIQUE JUDICIAIRE.
Que devons-nous entendre par Haute Juridiction et éthique judiciaire ?
Aux termes de l’article 2 des statuts de l’Association Ouest- Africaine des Hautes Juridictions
Francophones (AOA-HJF), adoptés à Cotonou, le 10 novembre 1998, « On entend par Haute Juridiction […]
toute juridiction suprême, quelle que soit sa dénomination, dont les décisions sont sans recours et
s’imposent à tous ».
Le dictionnaire encyclopédique illustré LAROUSSE définit l’éthique comme « ce qui concerne les
principes de la morale […] ou l’ensemble des règles de conduite ».
On peut donc déduire de cette définition que l’éthique judiciaire est l’ensemble des règles de conduite
saine observées ou à observer en toute conscience par le Magistrat dans le cadre de l’activité judiciaire.
Ainsi, au contraire de la déontologie- qui est un ensemble de règles et devoirs qui régissent une
profession- et qui consiste en une contrainte extérieure, l’éthique judiciaire a un caractère identitaire et personnel
en tant qu’elle renvoie au cas de conscience auquel un Magistrat peut être confronté.
Dès lors il importe d’analyser (1ère partie) la contribution des Hautes Juridictions à l’éthique judiciaire et
ensuite (2ème partie) les perspectives de consolidation de l’éthique judiciaire par les Hautes Juridictions.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
PREMIERE PARTIE : CONTRIBUTION DES HAUTES JURIDICTIONS A L’ETHIQUE JUDICIAIRE
Rappelons qu’au regard de la définition que nous avons donnée tantôt de la Haute Juridiction, deux (2)
conditions sont requises pour qu’une juridiction soit qualifiée de Haute Juridiction, savoir :
- Etre une juridiction suprême
- Rendre des décisions sans recours et qui s’imposent à tous.
Les Hautes Juridictions sont donc celles qui n’ont au-dessus d’elles, aucune autre juridiction pouvant
apprécier ou sanctionner leurs décisions.
Sur cette base, nous aborderons (A) les Hautes Juridictions nationales ainsi que (B) les Hautes
Juridictions sous-régionales et internationales.
A- Les Hautes Juridictions nationales
Ce sont les juridictions expressément déclarées Hautes Juridictions et celles que l’on peut qualifier
implicitement Hautes Juridictions.
Dans le premier cas, nous pouvons citer :
La Cour Suprême
L’article 131 de la Constitution du Bénin stipule que « La Cour Suprême est la plus haute juridiction
de l’Etat en matière administrative, judiciaire et des comptes de l’Etat.
[…]
Les décisions de la Cour Suprême ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent au
pouvoir exécutif, au pouvoir législatif ainsi qu’à toutes les juridictions. »
Il ressort de cette disposition constitutionnelle béninoise que, la Cour Suprême a pour fonction
essentielle, d’unifier l’interprétation et l’application stricte de la règle de droit, unification sans laquelle la mission
des juridictions de l’ordre judiciaire échapperait à toute hiérarchie et à tout contrôle de leurs activités.
Ce rôle se remarque surtout à travers les arrêts de cassation des décisions des juges du fond.
(Cf. à titre illustratif l’Arrêt N° 04-CJ-CT du 1er octobre 1999 publié au recueil des Arrêts de la Cour
Suprême du Bénin de l’année 1999 à la page 122)
La Cour Constitutionnelle
L’article 114 de la Constitution du Bénin édicte : « La Cour Constitutionnelle est la plus haute
juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle ».
Quant à l’article 124, il prévoit en ses alinéas 2 et 3 que « les décisions de la Cour
Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et
juridictionnelles ».
Dans beaucoup de décisions, cette Haute Juridiction a œuvré pour un ancrage plus prononcé de
l’éthique judiciaire.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Ainsi est-elle intervenue à plusieurs reprises, sur la question du délai raisonnable dans lequel les juges
doivent rendre leurs décisions.
(Cf. décisions DCC 00-07 du 02 février 2000, DCC 03-166 du 11 novembre 2003, DCC 03-059 du 19
mars 2003.)
La Haute Cour de Justice
Elle est compétente pour juger le Président de la République et les membres de son gouvernement à
raison de faits qualifiés de haute trahison, d’infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de
leurs fonctions… Article 136 de la Constitution du Bénin.
Aux termes de l’article 17-5 de la loi N°93-013 du 10 août 1999 portant loi organique de la Haute Cour
de Justice, « les décisions de la Haute Cour de Justice ne sont susceptibles d’aucun recours ».
Dans le second cas, nous pouvons citer essentiellement :
Le Conseil Supérieur de la Magistrature
Aux termes de l’article 20 alinéa 3 de la loi organique n°94-027 du 15 juin 1999 relative au Conseil
Supérieur de la Magistrature, la décision de cette juridiction disciplinaire des Magistrats béninois « n’est
susceptible d’aucun recours sauf en cas de violation des droits de la personne humaine et des libertés
publiques ».
Il résulte de cette disposition que le Conseil Supérieur de la Magistrature peut être amené à prendre
des décisions contre lesquelles aucun recours ne pourra être formé. Dans cette hypothèse, le Conseil Supérieur
de la Magistrature peut donc être considéré comme une Haute Juridiction.
B- Les Hautes Juridictions sous-régionales et internationales
- La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) qui fait office de Cour Suprême ou de
Cassation dans les matières régies par les Actes Uniformes de l’OHADA.
- La Cour de Justice de l’UEMOA qui juge les Institutions et ressortissants des pays membres de
l’espace.
- La Cour de Justice de la CEDEAO dont les règles de procédure et de saisine sont en cours de
vulgarisation au sein des pays composant la communauté.
S’agissant des Hautes Juridictions internationales nous citerons :
- le Tribunal Pénal International pour le RWANDA
- le Tribunal Pénal International pour l’ex-YOUGOSLAVIE.
Il s’infère du répertoire des Hautes Juridictions que nous venons de dresser, que celles-ci, du fait de
leur position, et de leur autorité subséquente, exercent au moyen de leur compétence, une influence perceptible
sur les juridictions inférieures en matière d’éthique.
En réalité, chaque fois qu’une décision fait l’objet d’une voie de recours, et que de ce fait, la décision
des juridictions inférieures est soumise à l’examen des hautes juridictions, les premiers juges se voient ainsi
évalués par leurs pairs.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
21
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Leur comportement outre leur approche de la règle de droit s’en ressent au travers des décisions qu’ils
rendent plus tard à la suite de celles des Hautes Juridictions.
Ainsi le fait pour la Cour Constitutionnelle de déclarer une loi contraire à la Constitution, constitue un
cas de conscience pour le juge qui auparavant appliquait cette loi sans se soucier de sa conformité ou non à la
loi fondamentale.
Il en est de même d’une détention déclarée arbitraire et contraire à la Constitution, lorsque ayant omis
de renouveler le titre de détention de l’inculpé, le Juge d’instruction a continué de le faire détenir à la maison
d’arrêt.
Par ailleurs, lorsque les Hautes Juridictions, notamment la Cour Suprême, sont amenées à casser une
décision rendue par les juridictions inférieures, le Juge dont les décisions sont constamment infirmées ou
cassées et dont l’évolution de la carrière dépend au moins en partie de la qualité de ces décisions, se voit ainsi
interpellé et devra nécessairement améliorer son rendement et repenser sa propre éthique.
A ces éléments d’appréciation qui ont un caractère général, il y a lieu d’ajouter le cas spécifique
inhérent à la discipline du Magistrat qui, quoique distinct de l’éthique, contribue à son renforcement. Il s’agit de
celui du Conseil Supérieur de la Magistrature.
En effet, l’article 57 de la loi portant Statut de la Magistrature dispose : « Tout manquement par un
magistrat aux convenances de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité constitue une faute
disciplinaire.
Cette faute disciplinaire est appréciée par le Conseil Supérieur de la Magistrature ».
L’honneur, la délicatesse et la dignité imposés au Magistrat s’entendent aussi de sa correction dans le
traitement des causes à lui confiées que dans son comportement et sa tenue aux audiences vis-à-vis des
justiciables. Les devoirs qui sont imposés au Magistrat par l’exercice de sa profession l’obligent à observer
rigoureusement l’éthique, sous peine de sanction disciplinaire par sa hiérarchie ou le Conseil Supérieur de la
Magistrature.
Harold Epineuse dira que « amenés à opérer un choix sur la façon dont ils doivent remplir leur
mission, ces professionnels trouvent dans l’éthique, les repères qui leur permettent de guider leur
action ».
Il en résulte que l’éthique trouve son origine dans l’intérieur de l’homme, du Magistrat, et n’est pas, de
ce fait, codifiable. D’où la nécessité de recourir à d’autres perspectives pour sa consolidation.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
22
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
DEUXIEME PARTIE : PERSPECTIVES DE CONSOLIDATION DE L’ETHIQUE JUDICIAIRE PAR LES HAUTES
JURIDICTIONS
S’il est vrai que les Hautes Juridictions exercent une influence certaine sur l’éthique judiciaire qu’elles
observent elles-mêmes avant de l’imposer aux juridictions inférieures, elles constituent par leur nombre, au sein
d’un même Etat, ou de la sous- région, outre les conflits de compétence et d’attribution qu’elles véhiculent, une
entrave à l’éclosion d’une éthique constante et durable.
A- Les insuffisances liées au rôle des Hautes Juridictions dans l’éthique judiciaire
Sous cette rubrique, nous nous bornerons à citer les jurisprudences nationales et/ou sous-régionales
qui illustrent les insuffisances dénoncées en tête de cette deuxième partie de notre exposé.
Il s’agit essentiellement des jurisprudences qui mettent en relief les contrariétés de décisions entre la
Cour Suprême et la Cour Constitutionnelle du Bénin et qui ont fait l’objet d’une précédente session de formation
de l’AA-HJF.
(Cf. en annexe)
B- Les perspectives de consolidation de l’éthique judiciaire
Elles tiennent d’une part à la suppression au sein d’un même Etat ou d’une sous- région des Hautes
Juridictions qui font un double emploi avec d’autres et qui génèrent des conflits de compétence ou d’attribution.
D’autre part, et à défaut de supprimer quelques unes de ces Hautes Juridictions, il serait indiqué soit,
de repenser leur domaine de compétence et d’attribution en y apportant les limites requises, soit de créer un
organe régulateur de leurs conflits lesquels pourraient être tranchés par cet organe. Ce qui risque à terme, d’ôter
à l’une des juridictions, sa qualité de Haute Juridiction.
Mais au-delà de ces conflits, et du défaut d’opter pour une codification de l’éthique judiciaire- comme
c’est le cas en Italie, aux USA et dans certains pays de l’Est- il serait souhaitable d’intégrer dans le serment des
Magistrats les éléments de l’éthique judiciaire. Dans ces conditions, toutes les exigences professionnelles qui
constituent l’essence de l’éthique seront lisibles dans le serment qu’ils prêtent. Ce qui donnera lieu à sept (7)
principes fondamentaux dans le texte suivant : « Je jure, au service de la loi, de remplir mes fonctions avec
impartialité et diligence, en toute loyauté, intégrité et dignité, dans le respect du secret professionnel et
du devoir de réserve ».
La formation à l’éthique judiciaire, à la déontologie de la corporation, l’élaboration d’un recueil des
principes de déontologie outre l’aménagement des modalités de recrutement en vue d’une meilleure appréciation
des garanties éthiques des candidats à la Magistrature sont autant de pistes de réflexion qui devront nous
amener à revoir les conditions de consolidation de l’éthique judiciaire par les Hautes Juridictions sous-régionales
ou africaines.
Sans doute devrons-nous améliorer également les procédures administratives d’évaluation et
d’avancement de nos Magistrats outre leurs situations. La tendance pour certains à s’adonner à la politique en
même temps qu’ils exercent devrait nous inciter à donner toute leur portée aux régimes d’incompatibilités, de
réserves et de détachement.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
23
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
ANNEXE 1
Dans un cas intéressant, la Cour Constitutionnelle a rendu une décision DCC 06-076 du 27 juillet 2006
par laquelle, au motif qu’aucune juridiction ne saurait asseoir sa décision sur une loi, un texte réglementaire, un
acte administratif censé porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés
publiques, a décidé que le jugement du Tribunal de Première Instance de Ouidah et l’Arrêt de la Cour d’Appel de
Cotonou, qui ont invoqué une disposition du coutumier du Dahomey qui fait état du statut d’esclavage d’une des
parties au procès, violent la Constitution.
Cette décision a été portée à la connaissance de la Cour Suprême.
En dépit de cela, la Cour Suprême dans son Arrêt N° 13/CJ-CT du 24 novembre 2006, a rejeté le
pourvoi formé contre l’Arrêt de la Cour d’Appel pourtant déclaré contraire à la Constitution.
La Cour Constitutionnelle a d’ailleurs dans une autre espèce, avoué son incapacité à statuer dans le
cas où la Cour Suprême ne tient pas compte des décisions de la Cour Constitutionnelle.
ANNEXE 2
Essai de définition de l’éthique judiciaire
Ensemble de règles et exigences professionnelles – contenues dans le serment – du Magistrat et dont
l’observance stricte, au cours de l’examen d’une cause, lui permet de répondre aux attentes sociales du
justiciable.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
B-2 – TRAVAUX EN PLENIERE : PRESENTATION DES COMMUNICATIONS COMMUNES A TOUS
LES ORDRES DE JURIDICTIONS
LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT DANS L’ESPACE AA-HJF : ETAT DE LA REGLEMENTATION
ET SON APPLICATION
Par Aboubacar MAIDOKA, Maître Assistant à la Faculté de Droit, Université de Niamey.
Introduction
L’espace de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) est constitué de
11 Etats : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, la République de Guinée, la République de Guinée Bissau,
le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo, la République démocratique du Congo (RDC). Le Ghana jouit du
statut d’observateur.
Le droit de l’environnement est en plein essor dans tous ces pays, s’affirmant de plus en plus comme
une branche autonome du droit, marqué par un développement tant quantitatif que qualitatif. On constate en effet
l’existence d’une production normative importante, destinée à encadrer les activités humaines pour en atténuer
les effets néfastes sur l’environnement et favoriser le bien-être des populations.
La récente affaire des déchets toxiques en Côte-d’Ivoire a remis à l’ordre du jour la nécessité pour les
Etats de l’espace AA-HJF et d’une manière générale pour tous les Etats africains, de se doter non seulement
d’un cadre juridique de protection de l’environnement, mais aussi d’en assurer l’effectivité.
La création de ministères voués spécifiquement à la gestion de l’environnement ainsi que de
nombreuses institutions spécialisées en la matière atteste de l’intérêt croissant des différents Etats pour les
questions environnementales. Parmi les cas les plus récents, on peut citer la Guinée qui s’est dotée d’un
ministère de l’environnement en mars 2004.
Une interrogation sur l’état de la réglementation environnementale et son application dans l’espace
AA-HJF suppose au préalable une clarification du concept même de droit de l’environnement (A). Par la suite, le
statut juridique de l’environnement dans cet espace sera dégagé à travers l’examen des textes constitutionnels
(B).
A. Eléments de définition du droit de l’environnement
On pourrait définir le droit de l’environnement comme étant l’ensemble des règles et techniques
juridiques ainsi que des institutions relatives à la protection de l’environnement. Mais cette définition nous oblige
à définir la notion d’environnement elle-même. Celle-ci peut être appréhendée à travers les dispositions des
diverses lois relatives à la gestion de l’environnement dont se sont dotés les Etats de l’espace AA-HJF. Il
apparaît que l’environnement s’entend de « l’ensemble des éléments naturels et artificiels qui favorisent
l’existence, l’évolution et le développement du milieu, des organismes vivants et des activités de l’homme dans le
respect de l’équilibre écologique » (article 2-1 de la loi n° 014/PR/98 définissant les principes généraux de la
protection de l’environnement au Tchad).
On trouve des dispositions similaires dans la plupart des lois environnementales des Etats de l’espace
AA-HJF, avec cependant des nuances rédactionnelles. Ainsi, alors que le texte tchadien revêt une connotation
finaliste en assignant aux activités humaines notamment l’objectif de « respect de l’équilibre écologique », les lois
environnementales du Bénin (article 2, 5ème tiret de la loi n° 98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur
l’environnement en République du Bénin), de la Côte-d’Ivoire (article 1er de la loi n° 96-766 du 3 octobre 1996
portant code de l’environnement), du Sénégal (article L 2-13 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code
de l’environnement), du Niger (article 2 h de la loi n° 98-056 du 29 décembre 1998 portant loi-cadre relative à la
gestion de l’environnement) donnent une définition plus « neutre ».
En particulier, la loi nigérienne envisage l’environnement comme étant « l’ensemble des éléments
physiques, chimiques et biologiques, des facteurs sociaux et des relations dynamiques entretenues entre ces
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différentes composantes ». Mais ces nuances disparaissent dès lors qu’on aborde les principes fondamentaux ou
les objectifs assignés aux différentes lois environnementales : il s’agit d’améliorer les conditions de vie des
populations. La définition précitée est très globale car elle prend en compte les composantes traditionnelles de
l’environnement, notamment la nature (constituée des espèces animales et végétales et des équilibres
biologiques naturels), les ressources naturelles (composées de l’eau, de l’air, du sol, des mines) ainsi que les
activités humaines susceptibles de les affecter.
Ainsi, le droit de l’environnement englobe non seulement les règles déjà constituées en corpus
juridique et ayant fait l’objet d’une codification plus ou moins poussée (code forestier, code rural, code pétrolier,
loi minière, etc.) mais aussi les règles juridiques relatives à la nature et à ses ressources, aux pollutions et
nuisances, contenues de manière éparse dans divers textes.
Il est logique qu’une tentative d’appréhension environnementale de l’activité socio-économique globale
engendre des chevauchements, d’où la nécessité d’une harmonisation et d’une unification des règles relatives à
la protection de l’environnement. Le développement du processus de codification des règles relatives à la gestion
de l’environnement dans l’espace AA-HJF participe de ce souci.
Au total, le dispositif juridique de protection de l’environnement dans cet espace est constitué du droit
rural, du droit de la nature, du droit de l’urbanisme, du droit minier, du droit des pollutions et nuisances, du droit
de l’aménagement du territoire. D’autres branches du droit peuvent être affectées par les préoccupations
environnementales : droit du travail, droit de l’énergie, droit de la consommation, etc.
La finalité de toutes ces règles est la protection de la nature et de ses ressources, la lutte contre les
pollutions et nuisances en vue de l’amélioration de la qualité de vie des populations, le tout dans une perspective
de développement durable.
Quel est le statut juridique de l’environnement dans l’espace AA-HJF ?
B. Le droit de l’environnement dans l’espace AA-HJF
L’environnement est un intérêt constitutionnellement protégé dans la plupart des Etats de l’espace AAHJF. La Constitution du Bénin du 11 décembre 1990 reconnaît à toute personne le droit à un environnement
sain, satisfaisant et durable, tout en mettant à sa charge un devoir de le défendre. L’Etat est chargé de veiller à la
protection de l’environnement (article 27).
La Constitution du Burkina Faso du 21 janvier 2002 consacre le droit à un environnement sain et
impose à tous un devoir de protection, de défense et de promotion de l’environnement (article 29). Elle va plus
loin en reconnaissant aux citoyens Burkinabé le droit d’initier des actions ou d’adhérer à des actions collectives
sous forme de pétition notamment contre des actes portant atteinte à l’environnement ou au patrimoine culturel
ou historique (article 30). La Constitution ivoirienne du 26 juin 1995 fait de la protection de l’environnement et de
la promotion de la qualité de la vie un devoir pour la communauté et pour chaque personne physique ou morale
(article 28). La Constitution nigérienne du 19 août 1999 reconnaît le droit de toute personne à un environnement
sain, l’Etat étant chargé par ailleurs de veiller à la protection de l’environnement (article 27 al. 1). En outre,
chacun est tenu de contribuer à la sauvegarde et à l’amélioration de l’environnement dans lequel il vit (article 27
al. 2). La Constitution togolaise du 31 décembre 2002 reconnaît à toute personne le droit à un environnement
sain et charge l’Etat de veiller à la protection de l’environnement (article 41). La Constitution du Tchad adoptée
par référendum le 31 mars 1996 proclame le droit de toute personne à un environnement sain (article 47). Elle
charge l’Etat et les collectivités territoriales décentralisées de veiller à la protection de l’environnement (article 48
al. 1). La Constitution de la République démocratique du Congo entrée en vigueur le 18 février 2006 consacre le
droit de toute personne à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral, tout en lui imposant
une obligation de le défendre (article 53 al. 1 et 2).
Le droit de l’environnement semble jouir d’un contexte favorable à son développement dans l’espace AAHJF, au regard du statut juridique réservé à l’environnement. Il convient à présent d’examiner les règles établies par les
différentes législations (chapitre 1), ainsi que les mécanismes de sanction de leur violation (chapitre 2).
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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CHAPITRE I – LE SYSTEME NORMATIF
Le droit applicable à l’environnement dans l’espace AA-HJF est constitué non seulement de règles
internes (section 1), mais aussi de règles internationales (section 2).
SECTION 1 – LES REGLES INTERNES
Elles se décomposent en textes de portée générale (paragraphe1) et en textes sectoriels (paragraphe 2).
Paragraphe 1 – Les textes généraux
Les textes généraux comportant des dispositions relatives à la protection de l’environnement sont peu
nombreux. Il s’agit pour l’essentiel des Constitutions et des lois relatives à la gestion de l’environnement. Les
Constitutions adoptées par les différents Etats après la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le
développement (CNUED, 1992) portent la marque des débats et des résolutions qui y furent adoptées. Ceci
explique sans doute que la Constitution de la Guinée Bissau qui date de 1984 (16 mai 1984) soit l’une des rares
à ne pas consacrer spécifiquement des dispositions à l’environnement.
En définitive, on se trouve en présence d’une multiplicité de textes régissant divers secteurs d’activités
et visant à y introduire l’idée de la protection de l’environnement.
Paragraphe 2 – La réglementation sectorielle
Les règles sectorielles protectrices de l’environnement dans l’espace AA-HJF ont trait à la protection et
à la gestion de la nature (A), à la gestion des ressources naturelles (B), à la protection de l’environnement urbain
et culturel (C).
A. La protection et la gestion de la nature
Les ressources naturelles fauniques, halieutiques et forestières font l’objet d’une réglementation visant
à les protéger contre une exploitation inconsidérée et à assurer leur régénération. D’une manière générale,
l’approche a été longtemps répressive, consistant à multiplier les interdictions pour soustraire ces ressources à
l’emprise de populations considérées comme prédatrices. Mais on s’oriente aujourd’hui vers une gestion
concertée et durable des ressources, tant animales que végétales.
Indépendamment des ressources qu’ils renferment, certains espaces naturels présentent un intérêt
spécial du fait de leur valeur scientifique ou esthétique particulière, d’où leur préservation contre toute
dégradation naturelle ou agression humaine.
1. La protection des espèces végétales et animales
a. La protection des ressources forestières
Les législations forestières des pays de la zone sahélienne se distinguent de celles des pays de la
zone tropicale humide. Dans ces derniers pays, les législations forestières s’intéressent surtout aux grands
massifs forestiers, seules quelques dispositions étant consacrées à la forêt des zones de savane1.
Cette réalité transparaît à travers la classification des forêts dans les pays de l’espace AA-HJF, suivant
leur destination ou leurs modes d’utilisation, ou le régime de la propriété forestière.
Ainsi, la loi n° 011/2002 du 29 août 2002 portant code forestier en République Démocratique du
Congo (RDC) distingue trois catégories de forêts : les forêts classées, les forêts protégées et les forêts de
1
Cf. Maurice Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, EDICEF/AUPELF, 1996, p. 179
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production permanente. Ces dernières sont soustraites des forêts protégées à la suite d’une enquête publique en
vue de leur concession (article 10). Les deux premières catégories de forêts (forêts classées et forêts protégées)
sont plus classiques et se retrouvent dans les législations de la plupart des Etats. Ainsi la loi n° 2004-040 du 8
juin 2004 portant régime forestier au Niger distingue, d’une part, les forêts domaniales de l’Etat et des
collectivités territoriales, d’autre part, les forêts des privés (article 15). Les forêts domaniales comprennent le
domaine forestier classé, composé des forêts classées, et le domaine forestier protégé, composé des forêts non
classées. Les forêts classées sont celles soumises, en application d’un acte de classement, à un régime restrictif
concernant les droits d’usage et d’exploitation. Les forêts protégées sont celles qui n’ont pas fait l’objet d’un acte
de classement et sont soumises à un régime juridique moins restrictif quant aux droits d’usage et aux droits
d’exploitation.
Toutes les législations forestières des Etats de l’espace AA-HJF comportent des mesures de
protection des ressources forestières. Ainsi, l’article 29 de la loi n° 014/PR/98 définissant les principes généraux
de la protection de l’environnement au Tchad stipule : « Les forêts doivent être protégées contre toute forme de
dégradation, de pollution ou de destruction causées notamment par la surexploitation, le surpâturage, les
incendies, les brûlis, les maladies ou l’introduction d’espèces inadaptées ».
On retrouve exactement la même disposition, reprise mot pour mot, à l’article 56 de la loi n° 98-030 du
12 février 1999 portant loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin, ou moyennant quelques
adaptations rédactionnelles à l’article 45 du code forestier de la RDC, 56 al. 1 du code de l’environnement de la
République de guinée. Le texte tchadien prévoit une peine d’emprisonnement de 1 an à 3 ans et une amende de
10.000 F à 1.000.000 F ou l’une de ces deux peines seulement, à l’encontre de quiconque aura contrevenu aux
dispositions de l’article 29 (article 30).
La loi n° 2004-040 du 8 juin 2004 portant régime forestier au Niger punit d’une amende de cinquante
mille (50.000) francs à cinq cent mille (500.000) francs et d’un emprisonnement de trois (3) mois à deux (2) ans,
ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui auront notamment allumé intentionnellement des feux dans
les forêts classées, les forêts privées, les parcs nationaux et les aires protégées (article 82). Aux termes de
l’article L 38 de la loi n° 98-03 portant code forestier au Sénégal, quiconque, en violation du code forestier coupe
ou enlève un ou des arbres, les ébranche ou les écorce abusivement ou exploite des produits forestiers
accessoires, est puni d’une amende de 10.000 à 300.000 francs et d’un emprisonnement d’un mois à deux ans
ou de l’une de ces deux peines seulement, sans préjudice de la confiscation et des dommages-intérêts. La loi
ivoirienne n° 96-766 du 3 octobre 1996 portant code de l’environnement prévoit une peine d’emprisonnement de
deux mois à deux ans et une amende à l’encontre de quiconque procède ou fait procéder à l’abattage d’arbres
dans les forêts classées, les forêts protégées et les parcs nationaux (article 89).
Les législations forestières des Etats de l’espace AA-HJF sont marquées par le souci de concilier la
protection des forêts avec leur exploitation durable en vue du développement national et du bien-être des
populations.
La question des biotechnologies et des risques liés à leur utilisation est abordée par quelques
législations. Ainsi, la loi-cadre nigérienne relative à la gestion de l’environnement renvoie à des textes
d’application pour déterminer les mesures à prendre en vue de la préservation de la santé humaine et de la
protection de l’environnement contre les risques liés aux biotechnologies (article 81).
Le Burkina Faso, qui a commencé en 2003 l’expérimentation de la culture de coton transgénique, s’est
doté dans un premier temps de « règles nationales en matière de sécurité en biotechnologie » (18 juin 2004),
avant d’adopter la loi n° 005-2006/AN portant régime de sécurité en matière de biotechnologie au Burkina Faso
(17 mars 2006).
b. La protection des ressources fauniques
Les pays de l’espace AA-HJF renferment une importante faune sauvage caractérisée par sa richesse
et sa diversité. Mais dans la plupart des pays, cette faune est en proie à de nombreuses menaces, notamment la
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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destruction de son habitat et les prélèvements illégaux qui ont entraîné la raréfaction de certaines populations et
la disparition d’autres espèces.
Dans ces conditions, la faune ne trouve les conditions idéales de son développement que dans les
aires protégées. Le cadre juridique de la gestion de la faune dans l’espace AA-HJF fut longtemps marqué par
son caractère obsolète. En effet, les Etats adoptèrent une politique de préservation pure basée sur l’interdiction
des activités anthropiques d’exploitation. Parmi les mesures mises en œuvre figuraient la création de
nombreuses aires protégées (parcs, réserves, forêts classées) et surtout l’institution de la fermeture temporaire
puis définitive de la chasse. L’objectif poursuivi était de soustraire la faune sauvage aux dangers qui la
menaçaient et de favoriser ainsi sa reconstitution. Mais cette politique n’a pas produit les résultats escomptés car
il a été constaté au cours de cette période une accélération de la dégradation de l’habitat de la faune, le
développement du braconnage, le tout entraînant un profond déséquilibre entre le rythme d’exploitation (le plus
souvent illégale) et la disponibilité de la ressource. Cette situation est imputable à l’inadaptation du cadre
juridique de gestion de la faune qui remontait pour la plupart des pays concernés aux premières années de leur
indépendance. S’agissant de l’Afrique de l’ouest, la chasse a fait l’objet d’une réglementation dès 1914, à travers
le décret du 25 mars 1914 réglementant cette activité sur les territoires de l’Afrique occidentale française. Par la
suite interviendront d’autres textes, notamment le décret n° 47-2254 du 18 juin 1947 modifié par le décret n° 541290 du 24 décembre 1954 qui consacre une extension de la possibilité reconnue aux populations locales de
prélever des animaux sauvages à des fins alimentaires.
A leur accession à l’indépendance, les différents Etats vont se doter dans un premier temps de
législations davantage tournées vers la répression et la sauvegarde que vers une gestion concertée des
ressources fauniques.
A la suite de diverses réformes, les législations actuellement en vigueur sont marquées par le souci
d’assurer une conservation et une gestion durable de la faune en associant désormais les populations à sa
gestion et à sa valorisation.
Ainsi, aux termes de l’article 23 de la loi tchadienne définissant les principes généraux de la protection
de l’environnement, « la faune et la flore doivent faire l’objet d’une gestion rationnelle et durable en vue de
préserver les espèces, le patrimoine génétique et l’équilibre écologique ». La même loi interdit ou soumet à
autorisation préalable de l’autorité compétente toute activité susceptible de porter atteinte aux espèces animales
et végétales ou à leurs biotopes (article 24). Les personnes qui portent atteinte aux espèces animales, végétales
ou à leurs biotopes dans les conditions fixées à l’article 23 ou qui contreviennent aux dispositions visées à
l’article 24 (interdiction ou autorisation préalable de certaines activités) sont punies d’un emprisonnement de 1
mois à 1 an et d’une amende de 20.000 F à 700.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement.
Le code de l’environnement ivoirien interdit de tuer, blesser ou capturer les animaux appartenant aux
espèces protégées (article 87 1er tiret) et punit d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende
ceux qui procèdent ou font procéder à l’abattage d’arbres ou d’animaux dans les forêts classées et les parcs
nationaux (article 89).
La loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin interdit ou soumet à l’autorisation préalable
de l’administration « toute activité pouvant porter atteinte aux espèces animales ou à leurs milieux naturels »
(article 50).
La loi n° 88-14 du 3 novembre 1988 portant code de l’environnement au Togo interdit de tuer, blesser
ou capturer les animaux appartenant aux espèces protégées (article 79 al. 1).
Le code de l’environnement de la République de Guinée interdit ou soumet à autorisation préalable de
l’administration toutes les activités susceptibles de porter atteinte aux espèces animales, végétales ou à leurs
milieux naturels (article 49).
Si les lois environnementales des différents pays de l’espace AA-HJF comportent des dispositions
relatives à la gestion de la faune, les règles spécifiques de cette gestion sont précisées dans des lois
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
particulières. Ainsi, la loi n° 98-07 du 29 avril 1998 fixant le régime de la chasse et de la protection de la faune au
Niger définit la chasse et soumet son exercice à l’obtention d’un permis de chasse (articles 2 et 3). La loi précitée
institue cinq types de permis de chasse : le permis scientifique de chasse, le permis de capture commerciale, le
permis de chasse coutumière, le permis de chasse sportive et le permis de chasse de vision. La liste des
espèces à chasser pour chaque type de permis est fixée par décret pris en conseil des ministres (article 6). La loi
précitée interdit notamment la chasse, en dehors des périodes d’ouverture, à bord d’engins motorisés ou de tout
véhicule à l’exception des embarcations, les battues au moyen de feu, de filet et de fosse (article 8). L’exercice
de la chasse, sans permis, en temps prohibé, ou en violation de la réglementation relative à la circulation et au
séjour dans les aires protégées est puni d’un emprisonnement d’un mois à un (1) an et d’une amende de 20.000
à 500.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement (article 37). La loi organise les professions de guide et de
concessionnaire de chasse et prévoit la création d’aires de conservation et de gestion.
Au Sénégal, la loi n° 86-04 du 24 janvier 1986 portant code de la chasse et de la protection de la
faune punit quiconque fait acte de chasse sans permis, la nuit ou en période de fermeture, sauf dérogations
prévues par la réglementation en vigueur, d’une amende de 24.000 à 240.000 F et d’un emprisonnement d’un
mois à un an ou de l’une de ces deux peines seulement (article L. 24).
c. La protection des ressources halieutiques
Le développement des activités halieutiques suppose l’existence d’un cadre juridique approprié. Dans
les Etats côtiers, le droit de pêche dans le domaine maritime et le domaine public fluvial appartient à l’Etat. Dans
les Etats sans littoral cela concerne le droit de pêche dans le domaine public fluvial.
La loi n° 98-042 du 7 décembre 1998 portant régime de la pêche au Niger institue trois types de
permis de pêche : le permis de pêche sportive, le permis de pêche scientifique, le permis de pêche commerciale
(article 4). Les deux premiers sont gratuits, alors que le troisième (permis de pêche commerciale) est toujours
subordonné au paiement préalable de redevances dont les montants sont fixés par la loi. La pêche est interdite
dans les « réserves de pêche », sauf autorisation spéciale délivrée par le ministre chargé de la pêche (article 14).
Sont notamment interdits : la pêche en temps prohibé, la pêche à la senne et aux filets raclant, l’usage des
explosifs, de substances susceptibles d’intoxiquer, d’enivrer ou de présenter un danger quelconque pour
l’aquifaune en général et pour les poissons, crustacés, mollusques et algues en particulier, la capture et la
commercialisation des poissons immatures (article 16).
Les infractions en matière de pêche sont recherchées et poursuivies en conformité avec les
dispositions du code pénal et du code de procédure pénale. Elles sont punies de peines de simple police (article
18).
La loi n° 96-766 du 3 octobre 1996 portant code de l’environnement en Côte-d’Ivoire interdit les
déversements, les immersions et incinérations dans les eaux maritimes sous juridiction ivoirienne, de substances
de toutes natures susceptibles notamment de nuire aux activités maritimes y compris la navigation et la pêche
(article 80). Cette prohibition se retrouve à l’article L 64 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de
l’environnement au Sénégal et à l’article 39 2ème tiret de la loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin.
Aux termes de l’article L 96 du code de l’environnement sénégalais, « quiconque aura jeté, déversé ou laissé
couler dans les cours d’eau directement ou indirectement des substances quelconques dont l’action ou les
réactions ont détruit le poisson et toutes autres ressources halieutiques ou ont nui à leur nutrition, reproduction
ou valeur alimentaire, ou que ces substances contribuent à aggraver la pollution ou à la causer est puni d’une
amende de 500.000 à 2.000.000 de francs CFA et d’un emprisonnement de six mois à deux ans ou de l’une de
ces deux peines seulement ».
Le décret n° 2001-109 du 4 avril 2001 fixant les normes de qualité des eaux résiduaires en République
du Bénin prévoit que « les points de rejet dans les eaux de surface sont localisés pour minimiser l’impact sur les
eaux réceptrices et assurer une diffusion optimale ». En outre le choix de leur emplacement doit tenir compte de
la proximité des zones de captage d’eau potable, de baignade et d’élevage de poissons et fruits de mer (article
21 al. 1).
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
d. La protection renforcée des espaces naturels
Les législations de la plupart des Etats de l’espace AA-HJF prévoient la possibilité, lorsque la
conservation d’un milieu naturel présente un intérêt particulier et qu’il convient de le préserver de toute
intervention humaine susceptible de l’altérer, de le dégrader ou de le modifier, d’ériger la partie du territoire
national concernée en aire écologiquement protégée. On retrouve de telles stipulations notamment dans la loi n°
98-056 du 29 décembre 1998 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement au Niger (article 83), la loi
n° 98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin (article 53 al.1),
l’ordonnance n° 045/PRG/87/SGG du 28 mai 1987 portant code de l’environnement de la République de Guinée
(article 52), la loi n° 014/PR/98 définissant les principes généraux de la protection de l’environnement au Tchad
(article 41).
Les aires protégées se présentent sous deux formes : les parcs nationaux et les réserves naturelles.
Ces deux institutions visent à préserver un milieu naturel présentant un intérêt particulier contre tout effet de
dégradation naturelle ou d’intervention artificielle susceptibles d’en altérer la composition.
Il n’y a pas de différence fondamentale au niveau des objectifs poursuivis entre parcs nationaux et
réserves naturelles. La distinction tient à l’énumération précise des éléments pris en compte dans la création des
réserves naturelles et à la procédure de classement. Un parc national peut être défini comme un périmètre d’un
seul tenant dont la faune, la flore, le sol, le sous-sol, l’atmosphère, les eaux, bref le milieu naturel, présentent un
intérêt spécial qu’il importe de préserver contre toute dégradation naturelle ou agression humaine. Le parc
national a donc pour fonction de protéger les écosystèmes naturels, y compris des paysages ou des formations
géologiques d’une valeur scientifique ou esthétique particulière. Quant aux réserves naturelles, il convient de
distinguer deux catégories : les réserves naturelles intégrales et les réserves naturelles partielles. Les premières
font généralement partie du domaine forestier classé et sont placées tout comme les parcs nationaux et les
sanctuaires de faune sous le contrôle de l’Etat. Les secondes sont des zones faisant l’objet de restrictions quant
à la chasse, la nature des animaux, l’exploitation des végétaux ou l’installation des bâtiments.
La loi n° 98-07 du 29 avril 1998 fixant le régime de la chasse et de la protection de la faune au Niger
procède à une énumération non limitative des catégories d’aires de conservation et de gestion pouvant être
créées sur le territoire national. Il s’agit des parcs nationaux, des réserves naturelles, des réserves de faune, des
réserves intégrales ou sanctuaires, des réserves de la biosphère, des zones d’intérêt cynégétique, des ranchs et
fermes à gibier (article 23). La même loi punit d’un emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d’une amende de
40.000 à 1.000.000 de francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement quiconque aura chassé dans un
parc national, une réserve naturelle intégrale ou une réserve de faune, ou aura chassé dans une zone d’intérêt
cynégétique sans permis (article 38). Au Sénégal, la loi n° 86-04 du 24 janvier 1986 portant code de la chasse et
de la protection de la faune prévoit une amende de 12.000 à 120.000 francs et un emprisonnement d’un mois à
un an ou l’une de ces deux peines seulement à l’encontre de quiconque contrevient volontairement à la
réglementation relative à la circulation et au séjour dans les parcs nationaux (article L 25).
Le code de l’environnement de la République de Guinée punit d’une amende de 15.000 à 150.000 FG
et d’une peine d’emprisonnement de 3 mois à 1 an ou de l’une de ces deux peines seulement, toute personne
portant atteinte aux espèces animales, végétales ou à leurs milieux naturels en infraction aux règles de gestion et
de protection instituées par l’acte de classement (article 107). La loi n° 014/PR/98 du 17 juillet 1998 définissant
les principes généraux de la protection de l’environnement au Tchad prévoit un emprisonnement de 1 an à 3 ans
et une amende de 10.000 F à 1.000.000 F ou l’une de ces deux peines seulement à l’encontre de quiconque
aura contrevenu notamment à la réglementation relative aux aires protégées (article 44).
B. Les règles de gestion des ressources naturelles
On examinera successivement les règles relatives à la gestion de l’eau et à l’assainissement (1) et
celles régissant les mines et les carrières (2).
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
1. L’eau et l’assainissement
L’eau est une ressource stratégique pour tous les pays de l’espace AA-HJF, y compris ceux qui
disposent d’un important potentiel dans ce domaine. L’approvisionnement en eau potable constitue un des
problèmes les plus aigus auxquels sont confrontées les villes de ces pays.
Les législations relatives à la gestion de l’eau comportent des dispositions destinées à assurer sa
protection qualitative, dont certaines ont été évoquées plus haut (interdiction de rejets de toute nature susceptible
de provoquer la dégradation des eaux). Au Sénégal, le code de l’environnement prévoit que les caractéristiques
des eaux résiduaires rejetées doivent permettre aux milieux récepteurs constitués par les eaux continentales et
les eaux marines de satisfaire aux objectifs qui leur sont assignés. En outre, les déversements d’eaux résiduaires
dans le réseau d’assainissement public ne doit nuire ni à la conservation des ouvrages, ni à la gestion de ce
réseau (article L 60). Est punie d’une amende de 500.000 à 2.000.000 de francs CFA et d’une peine
d’emprisonnement de six mois à un an ou de l’une de ces deux peines, toute personne ayant pollué les eaux de
mer et eaux continentales en violation du code de l’environnement. En cas de récidive, le montant maximal des
peines est doublé. La loi renvoie à des arrêtés pour déterminer les conditions dans lesquelles sont effectués les
contrôles des caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques des eaux réceptrices et des
déversements, notamment les conditions dans lesquelles il est procédé aux prélèvements et aux analyses
d’échantillons (article L 62 al. 3).
Le code de l’environnement de la Côte-d’Ivoire institue des périmètres de protection en vue de la
conservation ou de la restauration notamment des systèmes hydrauliques et de la qualité des eaux (article 51
4ème tiret).
La gestion de l’eau peut être concédée. Le concessionnaire est responsable de la qualité de l’eau
distribuée, conformément à la réglementation en vigueur (article 14). L’auteur de rejets interdits ou sans
autorisation de rejets soumis à autorisation préalable est passible d’une amende de 100.000.000 de francs à
500.000.000 de francs (article 96). La loi-cadre sur l’environnement en République du Bénin soumet les travaux,
installations et équipements de prélèvement et d’approvisionnement en eau destinée à la consommation à une
déclaration d’intérêt public. Aux fins de préserver la qualité desdites eaux, la déclaration d’intérêt public
susmentionnée peut concerner, autour du ou des points de prélèvement, des périmètres de protection à
l’intérieur desquels sont interdites ou réglementées toutes activités pouvant nuire à la qualité de ces eaux (article
27). Le décret n° 2001-109 du 4 avril 2001 fixant les normes de qualité des eaux résiduaires en République du
Bénin détermine notamment les conditions de rejet des eaux usées industrielles et des eaux usées domestiques,
les normes de rejet, ainsi que les critères de qualité requis.
La loi n° 98-041 du 7 décembre 1998 modifiant l’ordonnance n° 93-014 du 2 mars 1993 portant
régime de l’eau au Niger punit d’un emprisonnement de six mois à un an et d’une amende de 50.000 à 500.000 F
ou de l’une de ces deux peines seulement, notamment ceux qui sans autorisation préalable, auront déversé dans
les cours d’eau, lacs, étangs, des eaux usées provenant des usines et d’établissements sanitaires ou
scientifiques (article 70, 1er tiret).
Le Mali s’est doté d’un texte fixant les modalités de gestion des eaux usées et des gadoues (décret n°
01-395/P-RM du 6 septembre 2001).
2. Les mines et les carrières
L’exploitation des installations minières et des carrières entraîne un épuisement des ressources
naturelles et perturbe souvent l’équilibre de l’écosystème en portant atteinte à des éléments aussi essentiels que
le sol, le régime hydrique, le paysage, la faune et la flore.
Les législations des Etats de l’espace AA-HJF relatives aux mines et aux carrières comportent de
nombreuses mesures protectrices. Ainsi la loi n° 88-14 du 3 novembre 1988 portant code de l’environnement au
Togo pose un certain nombre de conditions à l’exploitation des mines et des carrières ainsi qu’aux travaux de
recherches minières. Ceux-ci devront en effet être conçus et exécutés de manière :
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
32
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
1. à ne pas endommager l’environnement aux abords des chantiers ni créer ou aggraver des
phénomènes d’érosion ;
2. à permettre la remise en l’état des chantiers exploités.
La remise en l’état aura pour objet de remettre sur les sites des chantiers des terres arables et d’y
restaurer le couvert végétal, ou de préparer le site en vue d’une autre utilisation (article 57). La loi togolaise
portant code minier (loi n° 96-004/PR du 26 février 1996) soumet les opérations minières au respect des
prescriptions du code de l’environnement (article 2).
La loi tchadienne définissant les principes généraux de la protection de l’environnement soumet à
autorisation préalable l’affectation et l’aménagement du sol notamment à des fins minières ainsi que les travaux
de recherche en vue de l’exploration ou de l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol susceptibles de
porter atteinte à l’environnement dans les cas prévus par les textes d’application de la même loi (article 21 al. 1).
L’exercice sans autorisation préalable de l’administration de l’une des activités ci-dessus mentionnées
est puni d’un emprisonnement de 2 mois à 6 mois et d’une amende de 500.000 F à 700.000 F ou de l’une de ces
deux peines seulement (article 22). La loi n° 011/PR/1995 du 20 juin 1995 portant code minier au Tchad fait
obligation, lors d’une renonciation, au titulaire d’un titre minier ou au bénéficiaire d’une autorisation, d’exécuter les
obligations qui leur incombent relativement à l’environnement pour la superficie abandonnée ou pour toute la
superficie, selon le cas, ainsi que celles qui survivent à l’expiration du titre minier ou de l’autorisation ou le cas
échéant, à la convention minière (article 46 al. 6).
Au Niger, l’ordonnance n° 92-45 du 16 septembre 1992 portant code pétrolier modifiée par
l’ordonnance n° 97-45 du 11 décembre 1997 fait de l’Etat le propriétaire des substances et des ressources en
hydrocarbures découvertes ou non découvertes situées dans le sol et le sous-sol du territoire national, et soumet
les travaux de prospection, de recherche et d’exploitation à des autorisations administratives.
L’ordonnance précitée consacre tout son titre VIII à la surveillance de l’administration et à la protection
de l’environnement. Il comporte des dispositions destinées à assurer une exploitation compatible avec la
préservation de l’environnement. Ainsi, aux termes de l’article 60, « les titulaires de permis de recherche et
d’exploitation sont tenus de veiller à ce que leurs travaux et leurs installations ne nuisent en aucune façon au
patrimoine naturel et culturel de la République du Niger, tout particulièrement en matière de rejets de déchets
toxiques et de pollution atmosphérique ou par le bruit et les odeurs à proximité des agglomérations ». L’article 61
institue l’obligation d’une étude d’impact sur l’environnement pour toute demande de permis de recherche et de
concession ou de projet de canalisation.
C. La protection de l’environnement urbain et culturel
Le développement urbain s’accompagne d’une multitude de problèmes dans l’espace AA-HJF.
Jusqu’à une époque récente, ce qui y tient lieu de politiques urbaines se réduisait à la continuation de quelques
actions de la période coloniale ou à des interventions ponctuelles, généralement impulsées par les bailleurs de
fonds extérieurs. Cette situation se traduit par une occupation anarchique de l’espace génératrice de précarité et
de promiscuité et d’une dégradation accélérée de l’environnement urbain.
Divers acteurs, tant publics que privés, tentent d’apporter des solutions à ces défis. L’une de ces
solutions est la planification urbaine à travers laquelle les pouvoirs publics déterminent la configuration de la ville
ainsi que les affectations de l’espace urbain. La loi n° 98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur
l’environnement en République du Bénin pose le principe de la prise en compte des impératifs de protection de
l’environnement par les plans d’urbanisme. Sont également pris en compte les risques dans les choix
d’emplacement et la réalisation des zones d’activités économiques, de résidence et de loisirs. A cet effet, l’Etat
doit se doter d’un schéma national d’aménagement du territoire (article 59 al. 1).
La prise en compte des contraintes environnementales est prévue également par la loi tchadienne
définissant les principes généraux de la protection de l’environnement (articles 11 et 12), la loi n° 96-766 du 3
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
octobre 1996 portant code de l’environnement en Côte-d’Ivoire (article 21), la loi n° 98-056 du 29 décembre 1998
portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement au Niger (articles 60 et 61). Outre les prescriptions des
lois environnementales, les codes de l’urbanisme des différents pays intègrent la nécessité de protéger
l’environnement.
La gestion des déchets urbains constitue une préoccupation générale. Si elle relève de la compétence
des municipalités, c’est l’Etat qui en fixe les règles générales. La loi-cadre sur l’environnement en République du
Bénin prévoit que « les déchets doivent faire l’objet d’un traitement adéquat, afin d’éliminer ou de réduire à un
niveau requis leurs effets nocifs sur la santé de l’homme, les ressources naturelles, ou la qualité de
l’environnement en général » (article 67). On retrouve des stipulations similaires dans la loi tchadienne
définissant les principes généraux de la protection de l’environnement (article 56), le code de l’environnement de
la République de Guinée (article 60), le code de l’environnement de la Côte-d’Ivoire (article 26). Dans ce dernier
pays, l’affaire dite des déchets toxiques a mis en évidence la méconnaissance des textes régissant ce secteur de
la part de nombreux acteurs. Selon le rapport de la Commission nationale d’enquête déposé le 21 novembre
2006, « c’est la non application des textes relatifs à la gestion des déchets industriels qui a permis aux agents…
de recevoir et de gérer sans précaution aucune lesdits déchets… ».
La question des déchets constitue une préoccupation si importante qu’elle est prise en compte non
seulement par les lois environnementales et les textes sectoriels, mais également par les Constitutions qui
abondent en prohibitions et en sanctions. Ainsi, aux termes de l’article 29 de la Constitution du Bénin, « le transit,
l’importation, le stockage, l’enfouissement, le déversement sur le territoire national des déchets toxiques ou
polluants étrangers et tout accord y relatif constituent un crime contre la nation. Les sanctions applicables sont
définies par la loi ». On retrouve les mêmes dispositions dans la Constitution du Niger (article 27 al. 4), de la
République démocratique du Congo (article 55), du Tchad (article 48 al. 3).
Les pays de l’espace AA-HJF sont dotés d’un important dispositif juridique de gestion et de prévention
des situations critiques en matière de déchets.
Ici comme dans d’autres secteurs de l’environnement se pose le problème de l’effectivité des normes
établies.
Les législations des différents pays comportent des règles relatives à la protection du patrimoine
architectural et historique, ainsi qu’à la lutte contre les pollutions et nuisances. S’agissant de ce dernier domaine,
la loi tchadienne définissant les principes généraux de la protection de l’environnement consacre ses articles 76 à
79 aux nuisances auditives et olfactives. L’article 103 du code de l’environnement ivoirien traite des nuisances
sonores. L’article 74 de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement au Niger interdit les émissions de
bruits et d’odeurs susceptibles de nuire à la santé de l’homme, de constituer une gêne excessive pour le
voisinage ou de porter atteinte à l’environnement. L’article 59 de la loi n° 005/97/ADP du 30 janvier 1997 portant
code de l’environnement au Burkina Faso renvoie à des décrets pris en conseil des ministres pour l’interdiction
ou la réglementation des nuisances diverses. Le Mali s’est doté d’une loi relative aux pollutions et nuisances (loi
n° 01-020 du 30 mai 2001 relative aux pollutions et nuisances). Le décret n° 2001-294 du 8 août 2001 portant
réglementation du bruit en République du Bénin définit les normes applicables en la matière.
Il convient à présent d’examiner les études d’impact sur l’environnement qui occupent une place
particulière dans le droit de l’environnement, à mi-chemin entre textes généraux et réglementation sectorielle.
Paragraphe 3 - Les études d’impact sur l’environnement
La plupart des Etats membres de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AAHJF) ont institué l’étude d’impact sur l’environnement (EIE) dans leurs lois relatives à la gestion de
l’environnement ou dans des textes particuliers.
Ainsi, aux termes de l’article 88 al. 1 de la loi n° 98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur
l’environnement en République du Bénin, « nul ne peut entreprendre des aménagements, des opérations, des
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
installations, des plans, des projets et programmes ou la construction d’ouvrages sans suivre la procédure
d’impact sur l’environnement lorsque cette dernière est exigée par les lois et règlements ».
On trouve des stipulations similaires dans les lois environnementales du Burkina Faso (article 17 de la
loi n° 005/97/ADP du 30 janvier 1997 portant code de l’environnement au Burkina Faso), du Niger (article 31 de
la loi n° 98-56 du 29 décembre 1998 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement), du Togo (article
22 de la loi n° 88-14 du 3 novembre 1988 portant code de l’environnement) de la Côte-d’Ivoire (articles 35.1 et
35.2 de la loi n° 96-766 du 3 octobre 1996 portant code de l’environnement), du Sénégal (article L 48 de la loi
2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement), du Tchad (article 80 de la loi n° 014/PR/98
définissant les principes généraux de la protection de l’environnement), de la Guinée (article 82 de l’ordonnance
n° 045/PRG/87/SGG du 28 mai 1987 portant code de l’environnement de la République de Guinée).
La Guinée Bissau a amorcé quant à elle le processus d’élaboration d’un code de l’environnement et
d’une loi sur l’évaluation des impacts environnementaux.
Au Mali, c’est le décret n° 03-594/PRM du 31 décembre 2003 relatif à l’EIE qui rend celle-ci obligatoire
pour tous les projets dont la réalisation peut avoir des effets néfastes significatifs sur le milieu naturel et humain
(article 6 al. 1).
L’étude d’impact sur l’environnement comporte au minimum une analyse de l’état initial du site et de
son environnement, une description du projet, l’étude des modifications que le projet est susceptible d’engendrer
et les mesures envisagées pour supprimer, réduire et si possible compenser les conséquences dommageables
pour l’environnement.
Lorsqu’un projet est assujetti à l’étude d’impact sur l’environnement, le commencement des travaux
est subordonné à l’obtention d’une autorisation délivrée par le ministre chargé de l’environnement2.
Des textes réglementaires fixent le contenu du rapport d’étude d’impact environnemental et de la
notice d’impact sur l’environnement ainsi que la procédure applicable. Celle-ci prévoit une consultation publique
destinée à recueillir les avis des populations concernées par le projet, conformément au principe de participation
du public au processus de décision environnementale consacré par les diverses lois relatives à la gestion de
l’environnement.
Les législations de certains pays se limitent à l’EIE proprement dite qui est une évaluation a priori, une
étude prévisionnelle qui analyse et décrit les impacts futurs d’un projet. Mais la tendance générale est, pour les
pays qui ne l’ont pas prévu initialement de compléter leur dispositif d’EIE par des dispositions relatives à l’audit
environnemental. Celui-ci est une évaluation a posteriori qui porte sur une situation existante ou un plan en
vigueur.
Au delà de sa consécration juridique, l’EIE tend à s’inscrire dans les pratiques des différents Etats.
Ainsi, au Bénin par exemple, une centaine d’EIE et d’audits environnementaux ont été réalisés3.
Les infrastructures existantes font l’objet d’un audit environnemental en vue de leur mise en conformité
avec les normes établies par le ministère chargé de l’environnement. Ainsi, un audit environnemental à l’usine
FLUDOR a mis en évidence des insuffisances en matière de traitement des eaux usées. Cette usine a pris en
conséquence des mesures d’atténuation des inconvénients constatés. Quant à la fabrique de ciment CIMBENIN,
à l’origine d’une forte pollution atmosphérique, elle a réduit celle-ci en modernisant ses installations, avant de
demander un audit environnemental.
2
La dénomination de cette autorisation varie selon les pays : certificat de conformité environnementale au Bénin et au
Niger, permis environnemental au Mali
3
Voir l’interview du Directeur général de l’Agence Béninoise pour l’environnement (ABE) in ECO Citoyen, magazine
d’information et d’analyses du ministère de l’environnement, de l’habitat et de l’urbanisme n° 9, avril – juin 2002, p. 6. Voir
également, dans le même ordre d’idées, Marcel A. Baglo « l’expérience du Bénin en évaluation environnementale » sans lieu
ni date, 16 pages
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
35
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Si l’EIE constitue désormais un outil de gestion durable de l’environnement dans les pays de l’espace
AA-HJF, elle a fini par déborder les frontières nationales pour devenir, pour la plupart de ces pays, une obligation
internationale d’origine conventionnelle. Ainsi, par exemple, l’article 14-a de la convention sur la diversité
biologique du 11 juin 1992 ratifiée pratiquement par tous les Etats de l’espace AA-HJF, prévoit l’adoption par les
parties contractantes de procédures permettant l’évaluation des impacts sur l’environnement des projets qu’elles
proposent.
La convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontalier de
1991, doit faire l’objet d’accords complémentaires pour déterminer les seuils et critères des impacts
transfrontaliers et prévoir le cas échéant la réalisation en commun d’études d’impact. C’est dans ce cadre que se
situe l’élaboration en cours de textes réglementaires en matière d’EIE et d’installations classées communs aux
pays de l’espace AA-HJF partageant les mêmes écosystèmes naturels.
La violation des règles prescrites en matière d’EIE donne lieu à des sanctions. Au Mali, les sanctions
encourues sont les suivantes : avertissement par lettre recommandée, injonction de remise en état des lieux ou
de procéder dans un délai préfixé à la mise en œuvre de mesures de correction et de compensation, suspension
ou retrait du permis environnemental ou de l’approbation du rapport de la notice d’impact (article 34 du décret n°
03-594/P-RM du 31 décembre 2003).
Au Burkina Faso, le service chargé de l’environnement ou la juridiction saisie peuvent prononcer la
suspension des activités ou la fermeture de l’établissement concerné (article 83 de la loi n° 005/97/ADP du 30
janvier 1997).
Au Bénin, la falsification du résultat d’une étude d’impact ou l’altération des paramètres permettant sa
réalisation est punie d’une amende de cinq millions (5.000.000) à vingt-cinq millions (25.000.000) de francs et
d’une peine d’emprisonnement de un (1) à trois (3) ans, ou de l’une de ces peines seulement.
L’article 97 de la loi nigérienne relative à la gestion de l’environnement prévoit une peine
d’emprisonnement de six (6) mois à deux (2) ans et/ou une amende de cinq millions à cinquante millions de
francs CFA à l’encontre de toute personne qui :
aura réalisé, sans étude d’impact, des activités, projets ou programmes de développement
nécessitant une étude d’impact ;
aura réalisé les opérations ci-dessus mentionnées en violation des critères, normes et mesures
édictées pour l’étude d’impact.
Les règles examinées jusqu’ici découlent de l’ordre juridique interne des différents Etats. Quel est le
contenu des instruments internationaux applicables ?
SECTION 2 – LES TEXTES INTERNATIONAUX
Le droit international de l’environnement constitue une source d’inspiration pour les législations
nationales de protection de l’environnement. Il existe aujourd’hui plus de 300 Conventions multilatérales
consacrées entièrement ou partiellement à la protection de l’environnement et environ 900 Traités bilatéraux
ayant un objet similaire.
A ces textes conventionnels, il convient d’ajouter de nombreux textes de caractère déclaratoire ou
programmatoire : déclarations de toutes sortes, programmes d’action, résolutions des organisations
internationales qui, malgré leur portée juridique incertaine, acquièrent dans certaines législations nationales une
valeur juridique indirecte. Parmi les instruments universels non contraignants, on peut citer la déclaration de
Stockholm (1972) qui constitue le texte fondateur du droit international de l’environnement. Elle est composée de
26 principes précédés d’une proclamation en 7 points qui lui sert de préambule.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
36
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
La déclaration de Stockholm traduit une « conception commune et des principes communs qui
inspireront et guideront les efforts des peuples du monde en vue de préserver et d’améliorer l’environnement »
(chapeau introductif de la déclaration).
La stratégie mondiale de la conservation publiée par l’UICN en 1980 a influencé les politiques de
préservation des ressources naturelles des années 1980.
La déclaration de Rio (1992) réaffirme et prolonge 20 ans après, celle de Stockholm. Ses 27 principes
visent un double objectif : confirmer les règles existantes et consacrer des règles émergentes. Parmi les
premières, on trouve le droit à l’environnement et au développement notamment.
Le plan d’action de Rio (Agenda 21) est une source matérielle de droit. Il a donné lieu à l’élaboration
d’agendas 21 nationaux.
Les textes internationaux contraignants font souvent l’objet de références dans les lois
environnementales des différents Etats. Ainsi, la loi-cadre sur l’environnement au Bénin prévoit la possibilité de
conclure « dans l’intérêt de la République du Bénin et en conformité avec les lois et règlements en vigueur, tout
accord avec tout autre gouvernement ou organisme international afin de faciliter l’exécution » de la loi-cadre sur
l’environnement. Le code de l’environnement du Burkina Faso cite parmi les principes fondamentaux de
préservation de l’environnement « la mise en œuvre des accords internationaux ratifiés par le Burkina Faso en
matière de préservation de l’environnement » (article 2). La loi n° 98-056 du 29 décembre 1998 portant loi-cadre
relative à la gestion de l’environnement au Niger charge le ministère de l’environnement de s’assurer « que les
engagements internationaux souscrits par le Niger dans le domaine de l’environnement sont introduits
progressivement dans la législation, la réglementation et la politique nationale en la matière » (article 28 al. 2).
Parmi les conventions internationales ratifiées par la plupart des Etats membres de l’espace AA-HJF,
on peut citer : la convention de Bamako du 31 janvier 1991 sur l’interdiction d’importer des déchets dangereux en
Afrique et le contrôle de leurs mouvements transfrontières ; la convention internationale sur la lutte contre la
désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification particulièrement en
Afrique (CCD) ; la convention des Nations Unies sur les changements climatiques ; la convention des Nations
Unies sur la diversité biologique et son protocole sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la
convention sur la diversité biologique.
Le dispositif juridique de protection de l’environnement dans l’espace AA-HJF tel qu’il découle des
développements précédents, constitue un atout dans la lutte pour la préservation des écosystèmes et pour le
bien-être des populations. Mais pour en assurer l’effectivité, il convient, entre autres mesures, d’organiser la
répression des atteintes à l’environnement.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
CHAPITRE II – LA REPRESSION DES ATTEINTES A L’ENVIRONNEMENT
Il existe deux types d’instruments applicables en matière de sanction des délits environnementaux : les
sanctions administratives (section 1) et les sanctions judiciaires (section 2).
SECTION 1 – LES SANCTION ADMINISTRATIVES
Leur intérêt principal réside dans la possibilité qu’elles offrent, sans passer par le juge, d’imposer au
délinquant des mesures immédiatement exécutoires. Les lois environnementales et certains textes sectoriels
prévoient par exemple la possibilité pour l’autorité administrative d’exécuter des travaux d’office sans intervention
des tribunaux. Ainsi, lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux dispositions
des textes en vigueur, l’administration chargée de l’environnement peut, après mise en demeure, assurer d’office
l’élimination desdits déchets aux frais du responsable : article 58 de la loi tchadienne définissant les principes
généraux de la protection de l’environnement ; article 72 de la loi-cadre sur l’environnement au Bénin, article 68
de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement au Niger.
Les sanctions administratives peuvent également consister en confiscations et saisies. L’ordonnance
n° 96-008 du 21 mars 1996 relative à la protection des végétaux au Niger habilite les agents assermentés
chargés de la protection des végétaux à procéder à la saisie de végétaux, de produits végétaux et autres
supports infestés par les organismes nuisibles et à la saisie des produits phytopharmaceutiques non conformes à
la procédure de l’homologation et aux textes pris pour son application.
Certaines législations prévoient également la possibilité pour l’autorité chargée de l’environnement,
d’imposer à tout auteur d’une infraction ayant eu pour conséquence une dégradation de l’environnement de
remettre en état celui-ci lorsque cela est possible (article 101 de la loi tchadienne sur l’environnement).
SECTION 2 – LES SANCTIONS JUDICIAIRES
Le droit de l’environnement dans l’espace AA-HJF se caractérise, on l’a vu, par une diversité de
textes, une multiplicité d’incriminations spéciales découlant des réglementations sectorielles. Mais de
nombreuses sanctions ne sont pas appliquées et aucune incrimination globale n’existe. D’une manière générale,
sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions des lois environnementales et de leurs
textes d’application, outre les officiers et agents de police judiciaire, les agents assermentés des administrations
chargées de la protection de l’environnement et les agents habilités par des lois spéciales (article 94 de la loicadre relative à la gestion de l’environnement au Niger, article 106 de la loi-cadre sur l’environnement au Bénin,
article 92 du code de l’environnement de la Guinée, article 107 du code de l’environnement ivoirien).
Les infractions en matière d’environnement sont constatées par procès-verbaux faisant foi jusqu’à
preuve du contraire. Lorsque le cas est prévu par la loi et les règlements, les délits et infractions en matière
d’environnement peuvent faire l’objet de transactions, avant ou pendant jugement (articles 108 du texte béninois,
108 du code de l’environnement ivoirien, 96 de la loi-cadre relative à la gestion de l’environnement au Niger). Au
Sénégal, la procédure de transaction est exercée avant jugement (article 103 al. 2 du code de l’environnement).
Les infractions en matière environnementale sont poursuivies en conformité avec les dispositions du
code pénal et du code de procédure pénale. Une des caractéristiques des incriminations pénales en matière
d’environnement est que l’élément légal ne figure pas dans le code pénal mais dans des lois particulières.
Au terme de ce bref survol du droit de l’environnement dans l’espace AA-HJF, on perçoit toute la
complexité d’un droit foisonnant et les difficultés de sa mise en œuvre, notamment par les juges. Il s’agit tout
d’abord d’un droit récent, surtout dans les Etats concernés par cette étude. Peu de juges ont reçu une formation
initiale en droit de l’environnement au cours de leurs études.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
38
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Il est donc indispensable de prévoir une formation continue dans ce domaine, voire d’intégrer le droit
de l’environnement dans le programme de formation des magistrats.
Une autre difficulté à laquelle sont confrontés les juges est l’absence de ressources documentaires qui
se « limitent généralement aux textes législatifs et réglementaires en vigueur »4.
La suggestion de mettre en ligne un recueil de jurisprudence environnementale sur le site du
Programme des Nations Unies pour l’environnement semble pertinente pour favoriser l’accès des juges à cette
source importante du droit de l’environnement5.
4
Voir la synthèse de Mme Dominique GUIHAL, Conseiller référendaire à la Cour de cassation sur la contribution du droit
au développement durable à l’occasion de la Conférence des présidents des Cours suprêmes des Etats francophones
d’Afrique (Paris, 3 et 4 février 2005)
5
Idem
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
39
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ET DES BIENS DANS L’ESPACE L’AA-HJF
Par Malet DIAKITE, Premier Avocat Général près la Cour de Justice de l’UEMOA
Introduction
Le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) en date du 10 janvier 1994,
entend créer un marché commun fondé entre autres, sur la libre circulation des personnes et des biens dans un
environnement juridique harmonisé, cohérent ; ce qui implique l’abolition des barrières nationales entravant ce
processus. L’objectif n’est pas exclusif à l’UEMOA, puisque et bien avant elle, la Communauté Economique des
Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui englobe les Etats membres de l’UEMOA, avait réglementé la libre
circulation des personnes par divers protocoles en dates des 29 mai 1979, 1er juillet 1986 et 29 mai 1990 et celle
des biens par diverses dispositions du Traité originaire, articles 36 et 41, respectivement sur la suppression des
droits de douane et des restrictions quantitatives et 42 sur l’interdiction du dumping. La similitude voire l’harmonie
des législations des deux organisations d’intégration est telle qu’il est superflu, voire anti juridique de les
présenter séparément ; du reste, le Traité de l’UEMOA (article 100) prend en compte les acquis de la CEDEAO
en l’espèce.
L’UEMOA ne peut être fondée sur la seule logique de l’économie et de la monnaie, qui est insuffisante
pour pérenniser une communauté ; elle doit être un espace d’échanges, de circulation des personnes et des
biens ; en décidant de respecter les principes fondamentaux de la personne humaine (article 3 du Traité), elle
établit sa volonté de sauvegarder les droits des ressortissants communautaires et étrangers dans l’exercice des
libertés objet de la présente communication.
Le plan que j’ai estimé devoir présenter est le suivant :
1° - La libre circulation des personnes
- Le droit d’établissement
- Le droit de prestation de services
2° - La libre circulation des biens (marchandises et capitaux)
1°
a) La libre circulation des personnes
Le droit d’aller et venir est une liberté fondamentale universellement reconnue. L’article 91 du Traité de
l’UEMOA garantit au ressortissant communautaire le droit de circuler et de résider dans l’un quelconque des
Etats membres, en vue d’y exercer une activité indépendante ou salariée et d’y rester même après la cessation
de son activité. Cette liberté de circulation vise essentiellement les travailleurs ; au sens du droit communautaire,
est travailleur celui qui exerce une activité réelle et effective – et non marginale et accessoire – sous la direction
d’une personne, en contrepartie d’une rémunération.
La disposition communautaire exclut de son champ d’application les emplois dans l’administration
publique, de manière générale toute participation à l’exercice de la puissance publique.
Le droit à la libre circulation des personnes interdit toute discrimination fondée sur la nationalité,
cependant le travailleur qui ne se déplace pas, qui ne franchit pas de frontière ne peut l’invoquer, d’où une
discrimination à rebours résultant de situation purement interne.
Les ressortissants d’Etats tiers peuvent bénéficier de la réglementation communautaire sur la base
d’accord d’association de ces Etats avec l’Union. Le regroupement familial permet aux conjoints, enfants à
charge et ascendants de bénéficier des mêmes droits que les nationaux en la matière.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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L’UEMOA (Conseil des Ministres) n’a pas encore pris les mesures d’application tendant à faciliter
l’usage de cette liberté de circulation et qui ont trait :
sociale ;
- aux régimes applicables aux membres des familles des travailleurs migrants et à leur sécurité
- à la définition des réserves limitant cette liberté.
Les Etats membres de l’UEMOA sont néanmoins parties à la Conférence Interafricaine de Prévoyance
Sociale (CIPRES). Cette Convention qui est entrée en vigueur le 10 octobre 1995, assure la protection des
travailleurs migrants en matière de sécurité sociale, en leur garantissant le principe de l’égalité de traitement et
en maintenant le principe des droits acquis. Elle préconise l’harmonisation des différentes législations de sécurité
sociale des Etats membres qui relèvent tous de la zone franc et qui sont les Etats de l’UEMOA plus le Tchad, le
Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Cameroun. La CIPRES siège à Lomé (Togo).
b) Le droit d’établissement
Il s’étend à l’ensemble des activités économiques. Les ressortissants d’un Etat membre bénéficient du
droit d’établissement dans un autre Etat. Sont assimilés aux ressortissants d’un Etat membre, les sociétés et
personnes morales qui sont constituées conformément à la législation d’un Etat membre et qui ont leur siège
social ou leur principal établissement à l’intérieur de l’Union.
Le droit d’établissement permet d’accéder aux activités non salariées et donne la possibilité de créer et
de gérer des entreprises dans les mêmes conditions que les nationaux de l’Etat d’établissement.
c) La libre prestation de service
Elle n’exige aucune obligation de résidence ou d’établissement.
Les ressortissants de chaque Etat membre peuvent fournir des prestations de service dans un Etat
membre, dans les mêmes conditions que celles que cet Etat accorde à ses propres ressortissants ; toutefois, un
Etat membre peut interdire à des ressortissants d’autres Etats membres et à des entreprises contrôlées par ceuxci, des activités relevant du droit d’établissement ou de la libre prestation de service et ce, pour des raisons
d’ordre public ou d’intérêt général.
Le bénéfice de toutes ces libertés est tempéré par des réserves d’ordre public, de sécurité publique,
de moralité publique ; autrement dit, un Etat peut valablement restreindre les libertés en cause au nom de ces
principes, du fait qu’il est seul juge des exigences de la morale et de l’ordre public sur son territoire. Aucune
législation étatique – le droit de l’immigration est national et ressortit à la compétence des Etats – ne traite de la
même manière les nationaux et les ressortissants d’autres Etats membres, d’où la nécessité de protéger ces
derniers ; le droit communautaire n’admet pas une appréciation unilatérale et abusive de ces réserves par les
Etats, qui viderait ces libertés de leur substance ; un contrôle des autorités communautaires s’impose ; il y a lieu
également d’harmoniser les législations disparates des différents Etats membres, en matière d’immigration. La
restriction à la liberté d’une personne doit lui être notifiée et être basée sur la menace effective et suffisamment
grave résultant du comportement personnel incriminé de celle-ci. La notification permet à l’intéressé d’user des
voies de recours prévues, devant les juridictions nationales compétentes.
Dans le cadre de la facilitation du droit de la prestation de service et du droit d’établissement, le
Conseil des Ministres de l’UEMOA a édicté diverses réglementations concernant :
- Les experts comptables et comptables (Règlement n°05 du 2 mai 2005) ;
- Les médecins (Règlement n°06 du 16 décembre 2005) ;
- Les architectes (Règlement n°07 du 16 décembre 2005) ;
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
- Les avocats (Règlement n°10 du 15 septembre 2006).
2°
a)
La libre circulation des marchandises
Elle constitue l’un des piliers du marché commun, un espace sans frontière où tout ce qui est
appréciable en argent et susceptible de faire l’objet d’une transaction commerciale, doit pouvoir circuler
librement ; pour parvenir à cet objectif l’UEMOA a pris différentes mesures :
- Elle abolit dans les échanges entre Etats membres les droits de douane à l’importation et à
l’exportation et toutes taxes d’effet équivalent (entraves tarifaires article 77 (a) du Traité) ;
- Elle a institué un Tarif Extérieur Commun (TEC) barème douanier communautaire régissant les
droits de porte des marchandises importées des pays tiers et permettant du coup d’annihiler les détournements
de trafic.
Les droits de douane sont des charges pécuniaires imposées sur les importations du fait de leur
passage à une frontière ; ils sont déterminés suivant leur valeur normale (ad valorem).
Les taxes équivalant à des droits de douane, sont des fiscalités déguisées qui frappent les
marchandises du seul fait que celles-ci franchissent la frontière, quelle que soit la dénomination ou la finalité de la
taxation (taxe de contrôle par exemple). Elles ne doivent pas être confondues avec les impositions intérieures
étatiques qui frappent les produits nationaux et les produits similaires importés des autres Etats membres ; les
impositions intérieures ne sont pas prohibées par le Traité, en revanche l’interdiction des taxes d’effet équivalent
est absolue et d’effet direct et les opérateurs économiques peuvent s’en prévaloir devant les tribunaux
compétents pour se faire rembourser (répéter) la fiscalité indûment payée.
La taxe d’effet équivalent est supprimée sur les importations de produits originaires en provenance des
Etats membres ; par contre elle est maintenue en ce qui concerne l’exportation de ces mêmes produits vers
l’étranger.
Le Traité interdit également les restrictions quantitatives et les mesures d’effet équivalent [mesures
non tarifaires – article 77 (b)].
Ces mesures incluent toutes les restrictions partielles ou totales d’importer ou d’exporter ainsi que les
limitations quantitatives (quotas) des importations ou des exportations.
Elles se définissent comme étant toutes réglementations commerciales d’un Etat membre susceptibles
d’entraver même potentiellement le commerce intra communautaire ; il en est ainsi notamment de l’institution de
licence d’importation ou d’exportation, de certificat de conformité aux normes techniques d’un Etat alors qu’une
marchandise légalement fabriquée et commercialisée dans un Etat donné doit pouvoir être commercialisée dans
un autre Etat.
Le Conseil des Ministres de l’UEMOA détermine les modalités d’élimination sur les échanges intra
communautaires, des droits de douane, des restrictions quantitatives et de toutes taxes d’effet équivalent.
Les escortes douanières, très onéreuses pour l’opérateur économique importateur, les contrôles
administratifs excessifs sur les corridors de l’Union et la multiplicité des contrôles routiers étatiques constituent
d’autres mesures non tarifaires que l’UEMOA entend enrayer ou à tout le moins limiter par l’instauration de
postes de contrôle juxtaposés aux postes frontières (directive n°08/2005 du 16/12/2005 sur la réduction des
postes de contrôle sur les axes routiers inter Etats en vue d’une amélioration de la libre circulation des
marchandises et de la réduction des coûts de transport routier).
Les Etats membres peuvent déroger aux mesures d’effet équivalent pour divers motifs, tirés des
dispositions de l’article 79 du Traité, aux termes desquelles ils peuvent maintenir et édicter des interdictions et
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des restrictions d’importation et d’exportation et de transit des marchandises, lorsque ces mesures sont justifiées
par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de moralité publique, de protection de la santé ou de la vie
humaine ou animale, de protection de l’environnement, de protection des trésors nationaux ayant une valeur
artistique, historique ou archéologique et de la protection de la propriété industrielle ou commerciale, mais ces
interdictions ou restrictions ne doivent pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou une entrave dans
le commerce inter étatique.
La libre circulation des marchandises exclut les pratiques de dumping. Selon le Règlement n°09 du
23/5/2003 du Conseil des Ministres de l’UEMOA, il y a dumping lorsque la marchandise importée d’un pays tiers
est introduite sur le territoire de l’Union à un prix inférieur à sa valeur normale qui est le prix pratiqué sur le
marché du pays exportateur (par rapport au prix d’exportation pratiqué sur le marché d’importation). La pratique
de dumping doit affecter une branche de la production de l’Union ; un lien de causalité doit exister entre
l’importation faisant l’objet d’un dumping et le préjudice économique causé à la branche de production.
Le dumping introduit une discrimination sur les prix des marchandises qui est de nature à fausser le
jeu de la libre concurrence sur le marché communautaire.
b) La libre circulation des capitaux
Aux termes de l’article 96 du Traité, les restrictions aux mouvements à l’intérieur de l’UEMOA, de
capitaux appartenant à des personnes résidant dans le territoire communautaire sont interdites.
Le Traité ne définit pas la notion de capitaux. Selon le dictionnaire Larousse ; ils constituent un
ensemble de moyens financiers et techniques dont dispose une entreprise industrielle et commerciale et qui peut
générer d’autres richesses. La définition qu’en donne la Cour de Justice des Communautés Européennes semble
plus précise et appropriée ; elle a établi – arrêt du 31/01/1984, Affaire 286/82 – 26/83, Affaire Luisi et Carbone,
Recueil page 377 – que les capitaux sont « des opérations financières tendant au placement ou à
l’investissement du montant en cause et non la rémunération d’un service. »
Cette liberté de mouvement, comme toute liberté, ne doit pas être illimitée, car elle saperait la politique
économique commune et créerait un déséquilibre de la balance des paiements, toutes choses qui remettent en
cause les objectifs même du Traité. Si les mouvements de capitaux sont susceptibles d’affecter le marché de
change et la politique monétaire d’un Etat membre, celui-ci doit pouvoir, pour des raisons d’ordre public, prendre
d’office des mesures de sauvegarde, en aviser la Commission de l’UEMOA qui prendra les dispositions
nécessaires (article 86 du Traité). Le principe de libre circulation des capitaux ne préjudicie pas au droit des Etats
membres :
- de prendre des dispositions pour prévenir les infractions à leur législation fiscale ;
- d’avoir une statistique sur les mouvements de capitaux ;
- d’opposer à ces flux des restrictions motivées par des raisons d’ordre public et de sécurité publique.
Par ailleurs, ces mesures dérogatoires ne peuvent préjuger de la possibilité des Etats membres
d’appliquer des restrictions en matière de droit d’établissement compatibles avec le droit du Traité.
Les pouvoirs ainsi reconnus aux Etats ne doivent pas être détournés pour constituer un moyen de
discrimination arbitraire ou une entrave à la libre circulation des capitaux.
Le contrôle des changes (BCEAO) apporte une autre dérogation à cette liberté en soumettant à
autorisation ou à des limitations, le transfert des capitaux hors de l’Union.
La lutte contre le blanchissement d’argent restreint également le mouvement de capitaux : la directive
n°07/2002/CM/UEMOA du Conseil des Ministres de l’UEMOA en date du 10/9/2002 sur le blanchissement des
capitaux dans les Etats membres de l’UEMOA donne mandat aux Etats membres de poursuivre et sanctionner
par application de leur droit pénal les auteurs et complices (personnes physiques et personnes morales autres
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
que les Etats) de blanchissement d’argent ; les juridictions nationales peuvent ordonner la saisie ou la
confiscation des capitaux en cause.
Le blanchissement consiste, faut-il le rappeler, à introduire des capitaux d’origine illégale dans les
circuits d’organismes financiers et bancaires réguliers dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine illicite
(article 2 de la directive).
Pour conclure, le marché commun, en raison de ses multiples objectifs et de leur étendue, ne peut se
réaliser que progressivement ; l’effectivité des libertés en cause obéit à ce rythme. Ne dit-on pas que le monde
lui-même ne s’est pas fait en un jour ?
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
GENERALITES SUR LE DROIT OHADA : LES ORGANES DE L’OHADA ET LES ACTES UNIFORMES
Par Filiga Michel SAWADOGO, Professeur Agrégé des Facultés de Droit, Université de Ouagadougou.
Introduction : Le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique
D’emblée, il faut souligner que le Conseil des Ministres de l’OHADA a fêté le 10e anniversaire de
l’Organisation les 16 et 17 octobre 2003 à Libreville, ce qui traduit le fait que l’OHADA a un certain temps
d’existence dernière elle, marqué par un certain nombre de réalisations.
L’harmonisation du droit des affaires en Afrique constitue une question d’importance nationale et
régionale, qui intéresse les autorités politiques, les techniciens du droit dont les magistrats et les professeurs de
droit, les techniciens de l’économie et de la comptabilité, et surtout le monde des affaires et des entreprises.
Cette marche vers un droit régional unifié, qui participe de la mondialisation, devrait entraîner des répercussions
économiques bénéfiques à travers le décloisonnement des marchés. Ses répercussions positives devraient se
manifester à différents niveaux, spécialement dans l’attrait des investissements au profit des Etats Parties. C’est
pourquoi, il est utile que le maximum de personnes, parmi celles qui sont le plus directement concernées, soient
informées des tenants et des aboutissants du processus d’harmonisation afin de contribuer activement à son
avancement.
Et d’abord un peu d’histoire. L’un des jalons majeurs de ce processus d’harmonisation est
incontestablement constitué par l’adoption à Port-Louis (Ile Maurice) le 17 octobre 1993, par la plupart des pays
francophones d’Afrique, du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, traité qui crée
l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Mais il n’y a pas que des pays
francophones dans l’OHADA : il y a aussi un pays lusophone (la Guinée Bissau), un pays hispanophone (la
Guinée Equatoriale) et un pays bilingue francophone-anglophone (le Cameroun). L’événement sur ce plan est
l’adhésion presque apparemment effective, et depuis longtemps attendue, du Congo démocratique en 20066.
L’idée d’harmoniser le droit des affaires en Afrique, tout au moins dans la zone franc, a été clairement
exprimée pour la première fois1 par les Ministres chargés des finances à Ouagadougou en avril 1991, puis à
Paris en octobre 1991.
Sur la base des observations des opérateurs économiques et de leurs propres constatations, les
Ministres chargés des finances ont senti la nécessité d’élaborer un « droit régional des affaires, unique, moderne
et adapté, susceptible de favoriser le développement de leurs pays respectifs », contribuant à l’instauration d’une
sécurité juridique et judiciaire à même de favoriser les investissements indispensables au développement
économique et social des Etats de la zone OHADA. L’action du droit sur l’économie n’est pas négligeable. Un
auteur a d’ailleurs écrit que la véritable réforme économique, c’est la réforme du cadre juridique de l’économie7.
Dans le même sens, le Doyen Ripert écrivait que s’il faut réformer l’économie, les économistes détermineront la
voie et les juristes fourniront les moyens. A cette fin, les Ministres ont chargé une mission de 7 membres,
présidée par M. Kéba M’Baye, d’en étudier la faisabilité.
Par la suite, le sommet des Chefs d’Etats, tenu à Libreville en octobre 1992, allant dans le sens
préconisé par le rapport de la mission, a décidé du principe de l’harmonisation, adopté les grandes lignes du
6
Pour ce qui est de l'adhésion de la RDC, nous avons tous suivi les déclarations du Ministre de la Justice de ce pays. Nous
avons ensuite été informés par Me Babonguéno de l'approbation de cette adhésion le 10 février 2006 par le Conseil des
Ministres. L'Assemblée Nationale du pays devait par la suite être saisie du dossier. Je ne sais plus si cette saisine a été faite
ou pas. Par ailleurs, il était dit qu'une lettre d'intention devait être transmise par le Gouvernement congolais au Secrétariat
Permanent. A ce jour, je n'ai pas connaissance de l'arrivée d'un tel courrier chez nous. Notons toutefois qu'en matière
d'intention, la RDC nous a déjà écrit plusieurs fois de par le passé : lettre du Vice-Président chargé des affaires
économiques et financières, M. Jean-Pierre Mbemba, lettre du Doyen Roger Massemba en tant que consultant de la Banque
Mondiale assistant le gouvernement congolais dans ce processus... (Mail de M. Idrissa Kéré, Cadre du Secrétariat
permanent de l’OHADA, du 31-3-06).
1
La défunte UAM (Union Africaine et Malgache) l’avait envisagée et avait créé à cet effet le Bureau Africain et Mauricien
de Recherches et d’Etudes Législatives (BAMREL) par une convention du 5 juillet 1975.
7
Allais M., A la recherche d’une discipline économique.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
45
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
projet et mis en place un directoire de trois membres pour le piloter. En novembre 1992 à Dakar, les Ministres de
la Justice ont décidé la création d’une commission nationale dans chaque Etat intéressé afin de contribuer à
l’étude des projets d’actes uniformes. Au cours de l’année 1993, précisément les 19 et 20 avril 1993, s’est tenu à
Abidjan à l’Hôtel Ivoire un important séminaire regroupant plus de 500 participants (magistrats, avocats,
opérateurs économiques, professeurs de droit, comptables, etc.) pour tracer les grandes lignes du contenu des
avant-projets de textes harmonisés. Entre 1994 et 1997, de nombreuses réunions, notamment à Ouagadougou,
Bangui, Dakar, et Bamako, ont permis aux commissions nationales d’échanger sur les projets d’actes uniformes
déjà élaborés. Du reste, trois d’entre eux2 ont été adoptés par la Conférence des ministres de l’OHADA le 17 avril
1997 à Cotonou après la mise en place des organes, puis deux à Libreville le 10 avril 19983, un Acte uniforme et
un règlement relatifs à l’arbitrage ont récemment été adoptés à Ouagadougou le 11 mars 1999, et les deux
derniers à Yaoundé en 2000 et en 2003.
Pour préciser succinctement les mécanismes de l’harmonisation en cours, il convient de relever que
l’harmonisation n’est pas un terme technique auquel s’attacherait un contenu précis dans le domaine du droit.
D’ailleurs, la terminologie est flottante : on parle de coordination, d’harmonisation, d’uniformisation, d’unification…
Ainsi, elle peut être plus ou moins ambitieuse ou profonde, se limiter aux principes, s’étendre aux règles ou
embrasser les détails d’application. Sur un plan technique, relativement aux conventions tendant à faciliter la
connaissance des règles applicables et à rapprocher les solutions à retenir en droit international privé, l’on peut
distinguer trois niveaux : un premier niveau se limite aux règles du droit international privé, c’est-à-dire que la
convention va prévoir des règles uniformes de conflits de lois ou de juridictions ; un second niveau concerne le
cas où les règles du droit international sont des règles matérielles mais s’appliquant uniquement aux opérations
internationales telles que les ventes internationales ; le troisième est relatif au cas où les règles adoptées
concernent toute une matière comme la vente, qu’elle soit interne ou internationale8. On peut rapprocher de la
convention la loi type ou loi modèle9. Il est certain que si elle est adoptée par un nombre important d’Etats sans
trop de modifications, elle aboutit à des effets comparables à ceux d’une convention. Toutefois, sur le plan
juridique, la différence entre les deux est nette en raison de ce que la loi type est adoptée en tant que texte de
droit interne insusceptible, de ce fait, de soulever des difficultés du type de celles qu’entraîne un texte
international.
En s’en tenant au cas spécifique de l’OHADA10, le traité met en place des organes ou institutions dont
la finalité est l’adoption et la correcte application des actes uniformes.
Il convient donc d’examiner les organes de l’OHADA puis les actes uniformes au double plan de leur
contenu et des problèmes techniques qu’ils soulèvent.
2
Ce sont les actes uniformes relatifs au droit commercial général, au droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique, et à l’organisation des sûretés.
3
Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif et Acte uniforme relatif aux
procédures simplifiées de recouvrement et aux voies d’exécution.
8
Voy. dans ce sens : Derruppé J., Droit international privé, Dalloz, 1995, p. 4 et 5 ; Mayer P., Droit international privé,
Montchrestien, 4e éd., 1991, n° 32 et s. ; Meyer P., Droit international privé burkinabè, Collection Précis de droit burkinabè,
Imprimerie Presses africaines, 2004, n° 21 où l’auteur souligne que, « outre l’unification des règles de conflits, des
conventions internationales peuvent avoir pour objet d’élaborer de véritables règles matérielles internationales qui
n’éliminent cependant pas, dans tous les cas, le recours au procédé conflictuel ».
9
Pour une approche technique de la problématique de l’harmonisation ou de l’unification législative, voy. Gandolfi G., Pour
un code européen des contrats, R.T.D.Civ., oct-déc. 1992, p. 707 à 736.
Concernant les lois types, la CNUDCI a réalisé un important travail ayant abouti à l’adoption de nombreuses lois types
sous son égide, notamment celle sur sur l’arbitrage commercial international.
10
L’harmonisation au sein de l’OHADA n’exclut pas les efforts qui peuvent être entrepris dans d’autres cadres. Elle
concerne les Etats suivants : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée
(Conakry), Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo et, en dernier lieu, le Congo démocratique, c’est-à-dire
pour l’essentiel les anciennes colonies françaises de l’AOF et de l’AEF. Ce cadre est particulièrement favorable en raison de
la communauté de langue, de monnaie et de culture juridique. Toutefois, le traité est ouvert à tout Etat membre ou même non
membre de l’OUA.
Voy. pour les aspects juridiques :
- les commentaires du Prof. J. Lohoues-Oble, in Issa-Sayegh J. et autres, OHADA : Traité et Actes uniformes commentés et
annotés, Juriscope, 2002, p. 31 et s. ;
- Issa-Sayegh Joseph et Lohoues Oble Jacqueline, Harmonisation du droit des affaires, Manuel, Editions Bruylant, Bruxelles,
Collection droit uniforme africain, 2002, 245 p.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
PREMIERE PARTIE : LES ORGANES DE L’OHADA
Le traité créant l’OHADA est assez original puisque, d’un côté, il ne vise pas l’intégration économique
dans le sens de l’UEMOA, de la CEDEAO, de l’Union européenne ou d’organisations similaires et que, de l’autre
cependant, il parvient à une harmonisation des règles juridiques dans de nombreuses matières. Ainsi, il met en
place des organes légers qui sont, d’une part, le Conseil des ministres auquel sont rattachés certaines structures
et, d’autre part, la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA).
SECTION I : LE CONSEIL DES MINISTRES ET LES STRUCTURES RATTACHEES
Il convient de commencer par examiner le Conseil des Ministres avant d’évoquer les structures qui lui
sont rattachées.
A- Le Conseil des Ministres
Le Conseil des ministres est composé des ministres chargés de la Justice et des ministres chargés
des finances, soit deux représentants par Etat partie mais en cas de vote chaque Etat dispose d’une voix. La
présidence est exercée à tour de rôle par chaque Etat partie pour une durée d'un an, dans l'ordre alphabétique et
si un Etat partie ne peut exercer la présidence du Conseil des ministres pendant l'année où elle lui revient, le
Conseil désigne, pour exercer cette présidence, l'Etat venant immédiatement après dans l'ordre alphabétique.
Le Conseil des Ministres se réunit au moins une fois l’an sur convocation de son président, à l'initiative
de celui-ci, ou du tiers des Etats parties. Le lieu où il siège n’est pas précisé mais en pratique c’est la pays qui
assure la présidence qui l’accueille. Il ne peut valablement délibérer que si au moins deux tiers des Etats parties
sont représentés. Il joue, en tant qu’organe à compétence législative un rôle primordial : en effet, il adopte, en
substituant aux organes nationaux normalement compétents sur ces questions, les actes uniformes à l’unanimité
des représentants des Etats parties présents et votants à la condition que deux tiers au moins des Etats parties
soient représentés, l'abstention ne faisant pas obstacle à l'adoption des actes uniformes. Le Conseil des
Ministres prend les autres décisions à la majorité. A titre d’exemple, il fixe la procédure devant la CCJA par un
règlement (1996), il approuve le règlement d’arbitrage de la CCJA (1999), définit l’organisation, le
fonctionnement, les ressources et les prestations de l’Ecole régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA),
élit les juges de la CCJA, nomme le Secrétaire permanent et le Directeur de l’ERSUMA, adopte les budgets de la
CCJA et du Secrétariat permanent.
Le projet de révision du Traité prévoit, au-dessus du Conseil des ministres, la Conférence des Chefs
d’Etat et de gouvernement qui sera l’instance suprême de l’OHADA. Cette instance pourrait favoriser les
révisions souhaitables du Traité et donner l’impulsion nécessaire dans la marche de l’OHADA quand on connaît
le rôle central des chefs d’Etats en Afrique.
Concernant les questions et décisions du Conseil des ministres au cours des dernières années,
surtout depuis 2003, elles tournent autour de :
- la révision du traité qui prévoit, entre autres mesures, l’institution de la Conférence des Chefs d’Etat
et de gouvernement et l’utilisation d’autres langues en plus du français ;
- l'adoption et la mise en oeuvre du prélèvement OHADA en tant que nouveau mécanisme de
financement autonome des Institutions de l'Organisation ;
- la bataille sur ce que l'on a appelé les « arrangements de N'Djamena » de 1996, c'est-à-dire le
partage implicite mais bloqué des postes des hauts responsables des Institutions de l'OHADA ; il est question de
trouver des solutions afin de tenir compte des compétences et de permettre la compétition entre les
ressortissants des Etats Parties pour les différents postes à pourvoir ; dans tous les cas, il faut éviter qu’une
grande partie des postes revienne à un groupe réduit d’Etats, ce qui entraînera désintérêt et désaffection ;
- la lenteur dans la finalisation et l’adoption des projets d’acte uniforme en cours, spécialement celui
sur le droit du travail.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
C'est pour cela d'ailleurs que ces questions ont fait l'objet de l'ordre du jour d'une réunion spéciale du
Conseil des ministres que la Présidente dudit Conseil, la Ministre malienne de la Justice, avait convoqué pour
les 20 et 21 avril 2006 à Bamako. Mais le tout dernier Conseil des Ministres vient de se tenir également à
Bamako les 1er et 2 décembre 200611.
B- Les structures rattachées
Au Conseil des Ministres est rattaché le Secrétariat permanent dont dépend l’ERSUMA. Ayant son
siège à Yaoundé, le Secrétariat permanent est dirigé par un secrétaire permanent nommé pour une durée de 4
ans renouvelable une fois. Contrairement aux juges de la CCJA, le traité n’apporte aucune précision sur le profil
qu’il doit avoir. Il assiste le Conseil des ministres dont il prépare le travail et assure la liaison avec les Etats et les
autres organes de l’OHADA. A ce titre, il n’a pas de pouvoir propre12. Mais certainement de son dynamisme et de
ses initiatives dépend, dans une large mesure, l’efficacité de l’OHADA, si bien qu’il apparaît comme la cheville
ouvrière de l’OHADA. Dans ce sens, il est à noter que c’est lui qui propose l'ordre du jour du Conseil des
Ministres à son président ainsi que le programme annuel d'harmonisation du droit des affaires. Il invite les Etats
parties à présenter des candidats aux postes de juges à la CCJA et dresse leur liste avant les élections. En cas
de décès d’un juge, il déclare le poste vacant après information du président de la Cour. Il en est de même en
cas de démission ou d’absence d’un membre de la Cour.
Avant la mise en place des organes, son rôle a été assumé par le Directoire composé de trois
membres.
Quant à l’Ecole régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA), qui est prévue par le Traité mais
dont la réglementation est renvoyée au Conseil des ministres, elle concourt à la formation et au perfectionnement
des magistrats et des auxiliaires de justice des Etats parties et, d’une manière générale, de tous ceux qui sont
intéressés à la connaissance et à l’application du droit OHADA. Son siège est à Porto-Novo au Bénin.
Sur le plan analytique, l’ESRSUMA est chargée :
- d’assurer la formation des magistrats, des auxiliaires et des fonctionnaires de justice des Etats
membres ;
- d’initier, de développer et de promouvoir la recherche en droit africain ; elle dispose à cet effet d’un
centre de documentation et de recherche en matière juridique et judiciaire ;
- d’œuvrer, en liaison avec la CCJA et les hautes juridictions des Etats membres, à une harmonisation
de la jurisprudence et du droit, principalement dans toutes les matières relevant du traité.
Les organes propres de l’ERSUMA sont le Conseil d’administration, le conseil d’établissement et la
direction comprenant le directeur général, le directeur des études et des stages et le directeur des affaires
administratives et financières.
L’ERSUMA a abattu un travail important, de même que nombre d’Etats et d’universités, qui explique
que le droit OHADA soit incontestablement le droit communautaire le plus connu en Afrique. Il est même plus
connu que le droit national. Il reste à poursuivre l’œuvre en veillant à l’accroissement de son efficacité.
Finalement, le rôle essentiel de l’ERSUMA, c’est de contribuer à une correcte application des actes uniformes et
c’est dans la même direction qu’est prévue la Cour commune de justice et d’arbitrage.
SECTION II : LA COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE
11
Il a confirmé l’application des arrangements de N’Djamena jusqu’à nouvel ordre, ce qui permet au Sénégal de continuer à
assurer la présidence de la CCJA, procédé au remplacement du Secrétaire permanent, renouvelé le mandat du Directeur
général de l’ERSUMA…
12
L’article 40 du Traité précise tout de même qu’il nomme ses collaborateurs conformément aux critères de recrutement
définis par le Conseil des Ministres et dans la limite des effectifs prévus au budget.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
48
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
La Cour est une institution judiciaire de l’OHADA. Son organisation, son fonctionnement et son rôle
méritent d’être abordés, ne serait-ce que de manière succincte, avant d’évoquer les perspectives d’évolution.
A- L’organisation et le fonctionnement de la CCJA
La CCJA est composée de 7 juges élus pour 7 ans, renouvelables une fois. Il doit s’agir de magistrats,
d’avocats ou de professeurs de droit13 expérimentés puisqu’une ancienneté de 15 ans est exigée. La Cour ne
peut comprendre plus d’un ressortissant du même Etat14. Elle est renouvelée par septième chaque année. Aucun
membre de la Cour ne peut exercer des fonctions politiques ou administratives. L'exercice de toute activité
rémunérée doit être autorisée par la Cour. Elle élit en son sein son président et ses deux vice-présidents pour
une durée de 3 ans et demi non renouvelable.
S’agissant de son rôle, celui-ci est fondamental : en effet, la Cour assure dans les Etats parties
l’interprétation et l’application communes du traité, des règlements pris pour son application et des actes
uniformes15. Au plan strictement judiciaire, elle joue le rôle d’une cour de cassation. Elle peut, en effet, être saisie
par la voie du recours en cassation contre les décisions rendues par les juridictions d’appel et, d’une manière
générale, contre les décisions non susceptibles d’appel, à condition que, dans les deux cas, les décisions
soulèvent des questions relatives à l’application des actes uniformes ou des règlements prévus par le traité. Sont
toutefois exclues des compétences de la CCJA les décisions appliquant des sanctions pénales, ce qui peut
appeler des discussions. En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond, ce qui évite les lenteurs que
provoquent les renvois ainsi que la tentation de résistance des juridictions du fond.
Les pourvois en cassation sont portés devant la CCJA par l’une des parties ou sur renvoi d’une
juridiction nationale statuant en cassation. La saisine suspend toute procédure de cassation engagée devant une
juridiction nationale contre la décision mais elle n’affecte pas les procédures d’exécution.
Toute partie peut contester la compétence d’une juridiction nationale statuant en cassation pour avoir
méconnu la compétence de la CCJA dans les deux mois suivant la notification de la décision contestée. La
compétence de la CCJA peut aussi être contestée in limine litis.
Outre le rôle juridictionnel, la CCJA a reçu un rôle consultatif concernant l’application et l’interprétation
du traité et des actes qui en dérivent. Elle peut être consultée par tout Etat partie, le Conseil des ministres ou les
juridictions nationales. Seuls quelques Etats ont fait usage de cette faculté.
Enfin, la CCJA est appelée à exercer un rôle en matière d’arbitrage comparable à celui de la Cour
d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris16. Elle ne tranche pas elle-même le litige ; elle
nomme ou confirme les arbitres, est informée du déroulement de l’instance, examine les projets de sentences et
peut proposer des modifications de pure forme. Elle accorde l’exequatur aux sentences rendues conformément
au traité17.
La CCJA est obligatoirement consultée sur les projets d’acte uniforme.
B- Les perspectives d’évolution
13
5 membres sur les 7 sont nécessairement des magistrats de carrière. De fait, tous les 7 juges sont des magistrats.
La centralisation des candidatures, leur publicité, le renouvellement par septième, les cas de décès ou de démission font
l’objet de dispositions tatillonnes destinées à régler dans le détail les principales hypothèses de difficultés prévisibles.
15
Le rôle de la Cour qui résulte du traité (articles 13 à 26) est explicité par :
- le règlement de procédure de la Cour commune de justice et d’arbitrage adopté le 18 avril 1996 ;
- le règlement d’arbitrage de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA adopté le 11 mars 1999 ;
- le règlement intérieur de la CCJA en matière d’arbitrage, adopté par celle-ci le 2 juin 1999.
16
Voy. dans ce sens le règlement d’arbitrage de la Cour du 11 mars 1999.
17
Sauf dans les cas prévus à l’article 25 : absence ou nullité de la convention d’arbitrage, non-respect des missions,
procédure non contradictoire, sentence contraire à l’ordre public international.
14
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
49
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
La CCJA a déjà réalisé un travail important en termes de décisions et d’avis rendus, lesquels ont
apporté un éclairage décisif dans l’application du droit OHADA, même si certains arrêts ont fait couler beaucoup
d’encre comme l’arrêt Epoux Karnib c/ SGBCI du 11 Octobre 2001 par lequel la CCJA déclare solennellement qu’
« en matière mobilière, l’exécution forcée pouvant être poursuivie jusqu’à son terme aux risques et périls du
créancier en vertu d’un titre exécutoire par provision, la juridiction supérieure saisie ne peut, se référant au droit
national qui organise les défenses à exécution, en ordonner la suspension sans se mettre en contradiction avec
les dispositions en vigueur du droit uniforme ». Mais des arrêts du 19 juin 2003 constituent un revirement
important. La CCJA y déclare, en effet, que, « contrairement à ce que prétend la demanderesse au pourvoi,
l’article 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution n’est pas applicable en l’espèce, la procédure introduite le 03 février 2001 et qui a abouti à l’arrêt
attaqué n’ayant pas eu pour objet de suspendre une exécution forcée déjà engagée mais plutôt d’empêcher
qu’une telle exécution puisse être entreprise sur la base d’une décision assortie de l’exécution provisoire et
frappée d’appel ; qu’il s’ensuit que la Cour de céans doit se déclarer incompétente pour statuer sur le recours en
cassation introduit par SOCOM SARL »18.
Les arrêts ci-dessus et bien d’autres montrent que l’activité juridictionnelle de la CCJA intéresse en
grande partie l’AUPSRVE, peut-être à hauteur de 2/3, voire de ¾, des saisines contentieuses19. Mais nombre
d’arrêts rendus le sont sur le motif de ce que les recours ne sont fondés sur aucun Acte uniforme ou règlement
prévu par le Traité instituant l’OHADA20 ou sur le fait que le recours n’est pas recevable si la partie recourante n’a
pas soulevé l’incompétence de la cour ou juridiction de cassation nationale devant celle-ci et saisit la CCJA après
que la juridiction de cassation ait rendu sa décision.
Malgré le travail positif accompli, une réflexion doit être menée sur la CCJA et les juridictions de
cassation nationales. On ne peut fermer les yeux sur la situation des saisines de la CCJA, qui se limite à
quelques trois ou quatre Etats sur les 16 qui composent l’organisation, la majorité des saisines émanant du pays
siège de la Cour. C’est sûr que tous les recours en cassation ne sont pas portés devant elle, à moins que sa
création n’ait eu pour effet de tarir ce genre de recours. C’est sûr aussi qu’avec le nombre actuel des juges, elle
aurait des difficultés pour trancher les recours dans les délais si toutes les affaires lui étaient portées alors que
les Etats ne semblent pas prêts à accroître sensiblement le nombre des juges, ce qui signifierait un
accroissement important du budget qui lui est alloué. D’ailleurs, elle semble déjà connaître des arriérés assez
importants21. Une réflexion courageuse et réaliste s’impose. Elle pourrait explorer les différentes pistes de
réforme possibles.
18
CCJA, arrêt n° 014/2003 du 19 juin 2003, Affaire SOCOM SARL contre Société générale de Banques au Cameroun
(SGBC) et Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), Recueil de Jurisprudence CCJA, n° 1 janvier-juin 2003, p. 19 à
21. Voy. également dans le même recueil deux autres arrêts de la CCJA de la même date : arrêt n° 012/2003, Société
d’Exploitation Hôtelière et Immobilière du Cameroun, dite SEHIC Hollywood SA, contre Société générale de Banques au
Cameroun dite SGBC ; arrêt n° 013/2003, affaire SOCOM SARL contre Société générale de Banques au Cameroun dite
SGBC.
A ce sujet, M. Gaston Kenfack Douajni a émis l’opinion suivante, dans une communication lors du Conseil des Ministres
consacré au 10e anniversaire de l’OHADA les 16 et 17 octobre 2003 à Libreville : « Par un arrêt en date du 19 juin 2003, la
CCJA a tranché l’une des questions que l’avènement du droit OHADA a fait naître et qui a longtemps divisé les praticiens du
droit. Il s’agit de savoir si les dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice et contenues dans le droit interne
des Etats parties ont ou non été abrogées par le droit OHADA ». Commentant les faits, il avance que « le risque serait grand
pour les banques et plus généralement pour les opérateurs économiques de se voir dépouillés de leur fortune si, sur la base
de décisions de justice non définitives, ils ne peuvent pas obtenir la suspension de l’exécution forcée desdites décisions, au
motif que le droit OHADA a abrogé les dispositions nationales réglementant l’exécution provisoire des décisions de justice ».
Et l’auteur, qui approuve les dernières décisions de la CCJA, de conclure : « Ainsi se trouve préservé dans l’espace
OHADA le pouvoir qu’a le juge de moduler l’exécution d’une décision de justice pour en prévenir les conséquences
irréparables, cette décision fût-elle assortie d’une exécution provisoire ».
19
Voy. le recueil semestriel de jurisprudence de la CCJA : N° spécial janvier 2003, N° 1 janvier 2003 ; N° 2 juillet décembre 2003 ; N°3 janvier - juin 2004, N° 4 Juillet - décembre 2004, N° 5 janvier- juin 2005 (vol. 1) ; N° 5 janvier - juin
2005 (vol. 2) ; N° 6 juillet - décembre 2005 ; n ° 7 janvier – juin 2006.
20
Exemples : Arrêts n° 045/2005 du 7 juillet 2005, Etablissements Soules &Cie contre Société Négoce & Distribution dite N
& D et Continental Bank Benin ; n° 046 du 7 juillet 2005 avec les mêmes parties que l’arrêt précédent ; n° 047 du 7 juillet
2005 Société Kindy-Mali SARL contre Banque internationale pour le Mali dite BIMA ; n° 051/2005 du 21 juillet 2005,
Société TEXACO Côte d’Ivoire contre la Société Groupe Fregate ;
21
« Il ressort du bilan de l’activité juridictionnelle, consultative et arbitrale de la CCJA au 31 décembre 2005 et ce,
conformément à la communication du représentant de ladite Cour que depuis l’installation de cette dernière dans ses
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
50
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
A titre de suggestions, on peut penser que ce problème sérieux pourrait être résolu, ne serait-ce que
partiellement, par l’adoption de l’une des solutions suivantes ou par leur combinaison :
- faire connaître des recours en cassation intéressant des litiges d’un montant faible ou moyen aux
juridictions nationales de cassation ; mais l’on pourra rétorquer l’importance juridique d’une question n’est pas
liée au montant financier en jeu ;
- faire en sorte que, dans la plupart des cas, la saisine de la CCJA soit à titre préjudiciel, comme c’est
le cas de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
- permettre la saisine des juridictions nationales de cassation lorsque les parties décident librement de
leur soumettre leur pourvoi ;
- situer le recours en cassation auprès de la CCJA après que la juridiction nationale de cassation se
sera prononcée, même si cela déroge aux règles classiques de procédure ;
- clarifier les cas dans lesquels, lorsque le pourvoi concerne le droit OHADA et un droit interne, la
CCJA ou la juridiction nationale est compétente et, en cas de compétence concurrente, l’ordre dans lequel elles
devront être saisies et le rôle de chacune d’elles ; la solution adoptée par la Cour suprême du Niger paraît
recommandable, qui préconise de reconnaître la compétence de la juridiction nationale de cassation lorsque le
pourvoi est fondé à titre principal sur des moyens tirés du droit national et la compétence de la CCJA lorsque le
pourvoi est fondé titre principal sur le droit OHADA22 ; la même clarification s’impose en cas d’application de
sanctions pénales dont les incriminations sont prévues par les actes uniformes de l’OHADA au lieu de la solution
actuelle de l’incompétence.
Ces suggestions vont dans le même sens que celles qui ont été formulées par le colloque organisé par
l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) tenu à Lomé du 6 au 9 juin 2006 sur le
thème : « Rapports entre les Juridictions de Cassation Nationales et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage
de l’OHADA : Bilan et Perspectives d’avenir ». Elles tendent à ce qu’une place plus ou moins importante soit
laissée aux cours de cassation, ou juridictions de cassation, nationales en tant qu’éléments de l’Etat de droit23.
nouveaux locaux, elle a rendu 160 décisions contentieuses sur les 401 pourvois en cassation dont elle été saisie, 5 sentences
arbitrales sur les 10 demandes enregistrées et émis 17 avis consultatifs » (Rapport général du colloque organisé par
l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) sur le thème « Rapports entre les Juridictions de
Cassation Nationales et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA : Bilan et Perspectives d’avenir », tenu à
Lomé du 6 au 9 juin 2006, p. 9.
22
Cour suprême du Niger, Chambre judiciaire, 16 août 2001, Arrêt N°01-158/C du 16/08/01 : SNAR Leyma et Groupe
HIMA Souley Oumarou.
23
Les recommandations multiples et multiformes de ce colloque liées à la CCJA sont les suivantes :
« 1. L’unanimité s’est dessinée autour de l’idée d’une nécessaire et impérieuse révision du traité de Port-Louis dans le sens
de permettre aux juridictions nationales de retrouver pleinement leurs prérogatives relatives aux attributions dont elles ont
été dépouillées par la CCJA, cette dernière devant être érigée en une juridiction d’harmonisation connaissant des recours
contre les décisions des juridictions de cassation rendues en violation d’un acte uniforme.
La volonté exprimée par les délégations a été par conséquent ferme de voir la CCJA être confinée à un rôle de contrôle de la
légalité c’est-à-dire de l’exacte application du droit OHADA, jouant ainsi un rôle régulateur.
2. Il est également suggéré que le pouvoir d’évocation conférée à la CCJA par le traité soit revu dans le sens de la limitation
des compétences de cette Cour à la seule cassation et que ladite cour ne soit autorisée à être saisie qu’après épuisement des
voies de recours sur le plan national.
3. Par ailleurs il est aussi proposé au pire des cas de faire en sorte que la saisine de la CCJA n’exclut pas le recours aux
juridictions nationales de cassation de sorte que ces dernières redeviennent compétentes pour connaître le contentieux
OHADA lorsque les parties en litige s’accordent pour agir ainsi.
4. En outre, pour permettre aux justiciables de pouvoir accéder plus facilement à la CCJA, il est proposé la création du
ministère d’avoués ce qui éviterait l’obligation de recourir à l’assistance d’un conseil dont les services sont souvent onéreux
pour les justiciables. Dans ce même ordre d’idées, certains préconisent l’institution d’une mesure d’assistance judiciaire
auprès de la CCJA en faveur des justiciables démunis.
5. Pour enrayer les problèmes de lenteur judiciaire et accroître l’efficacité de la CCJA en favorisant le règlement rapide des
litiges, il est suggéré l’augmentation substantielle du nombre des juges qui devra prendre en considération le nombre des
Etats parties à l’OHADA.
6. Par ailleurs selon certains, l’Institution d’un parquet général près la CCJA chargé des recours dans l’intérêt de la loi
constitue l’une des innovations qui favorisera le bon fonctionnement de la Cour.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
51
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Il apparaît dans l’ensemble que la CCJA joue un rôle important au sein des institutions de l’OHADA
dont elle constitue une des spécificités, rôle qu’elle exerce en direction avec les actes uniformes.
DEUXIEME PARTIE : LES ACTES UNIFORMES DE L’OHADA : CONTENU ET ASPECTS
TECHNIQUES GENERAUX
Les actes uniformes constituent assurément le cœur ou la finalité de l’OHADA puisque les institutions
(Conseil des ministres, Secrétariat permanent, Ecole régionale supérieure de la magistrature, Cour commune de
justice et d’arbitrage) et les dispositions du Traité, soit, participent à leur élaboration ou à leur adoption, soit,
visent leur correcte et « uniforme » application. Les actes uniformes vont permettre, à l’intérieur de chacun des
Etats concernés comme au niveau de l’espace couvert, d’avoir une législation claire, moderne, adaptée, facile
à connaître, d’application uniforme, à même de créer la sécurité juridique et judiciaire recherchée. Il
devrait en résulter indirectement, et peut-être plus effectivement, un marché unique à même de stimuler les
investissements locaux et d’attirer les investissements extérieurs.
De ce point de vue, il est indéniable que l’évolution est rapide. En dehors du Traité et des actes
uniformes, on notera, entre autres :
- le Règlement de procédure de la Cour commune de justice et d’arbitrage adopté le 18 avril 1996 ;
- le Règlement d’arbitrage de la Cour commune de justice et d’arbitrage adopté le 11 mars 1999 à
Ouagadougou ; en liaison avec ce règlement ont été adoptés la décision n° 004-99-CCJA du 3 février 1999
relative aux frais d'arbitrage ainsi que la décision n° 004-99-CM du 12 mars 1999 qui l'approuve et ses annexes I
à III relatifs aux frais administratifs, aux honoraires d'un arbitre et aux frais administratifs et honoraires d'un arbitre
résultant de calculs corrects24 ; en dernier lieu s'est ajouté le Règlement intérieur de la Cour commune de justice
et d'arbitrage de l'OHADA en matière d'arbitrage, adopté par celle-ci le 2 juin 1999 ;
- les règlements et autres textes statutaires relatifs au fonctionnement des organes25.
Concernant les actes uniformes dont l’adoption et la correcte application constitue la finalité majeure
de l’OHADA, l’on relève huit actes uniformes adoptés entre 1997 et 2003. Ce sont :
- d’abord, trois actes adoptés à Cotonou le 17 avril 1997, à savoir l’Acte uniforme portant sur le droit
commercial général (AUDCG), l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique (AUDSC) et l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) ;
- ensuite, deux actes adoptés à Libreville le 10 avril 1998, à savoir l’Acte uniforme portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) et l’Acte uniforme portant
organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) ;
7. La nécessité pour le juge Communautaire de prendre la liberté par rapport aux dispositions du traité et des actes
uniformes subséquents afin de faire résolument œuvre de création de jurisprudence qui reste la seule et véritable noble
mission du Juge de droit communautaire que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage entend jouer a été soulignée ».
Nous tenons à nous désolidariser de la recommandation n° 7 qui nous semble en contradiction avec l’objectif poursuivi par
l’harmonisation et les principes juridiques des systèmes romano-germaniques.
24
Tous ces textes ainsi que l'Acte uniforme et le Règlement d'arbitrage CCJA ont été publiés au Journal Officiel de l'OHADA
n° 8 du 15 mai 1999, p. 1 à 27.
25
On note, entre autres :
- le Statut de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) adopté le 03 octobre 1995 à Bamako, République
du MALI ;
- le Règlement n°001/98/CM du 30 janvier 1998 portant Règlement financier des Institutions de l’OHADA ;
- le Règlement n°002/98/CM du 30 janvier 1998 portant statut des fonctionnaires de l’OHADA ;
- le Règlement n°003/98/CM du 30 janvier 1998 portant régime applicable au personnel non permanent de l’OHADA ;
- le Règlement n°0009/2000/OHADA fixant les conditions d’application du statut des fonctionnaires de l’OHADA au
personnel de l’ERSUMA.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
52
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
- puis, l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUDA) adopté le 11 mars 1999 à Ouagadougou ;
- également, l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises
sises dans les Etats parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (AUOHC) adopté à
Yaoundé le 24 mars 2000 ;
- enfin, l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route (AUCTMR) adopté
le 22 mars 2003 à Yaoundé.
Au total, le processus OHADA d’intégration juridique, qui est profond, ambitieux et inédit, a permis
l’adoption de huit actes uniformes comportant plus de 2000 articles généralement longs et détaillés26, constituant
de ce fait un monument juridique de la première importance dont le contenu appelle quelques indications.
SECTION I : LE CONTENU DES ACTES
Chacun des actes uniformes peut faire l’objet de longs développements. Il s’agira ici modestement de
fournir quelques indications à même de donner une idée de leur contenu. On peut regrouper les actes uniformes
en deux catégories : ceux qui ont trait aux structures et aux opérations des entreprises et ceux qui sont liés au
recouvrement des créances et au règlement des litiges.
A- Les actes uniformes relatifs aux structures et aux opérations des entreprises
Ce sont l’AUDCG, l’AUDSC, l’AUOHCE et l’AUCTMR.
L’AUDCG
Dans ses 289 articles, il traite de questions variées intéressant les commerçants, surtout personnes
physiques mais également les sociétés, et qui généralement n’étaient pas réglées au sein des Etats Parties ou
l’étaient de manière lacunaire et éparpillée. En dehors de son chapitre préliminaire qui aborde son champ
d’application, il traite en cinq livres des questions ci-après.
- Le statut du commerçant, à travers la définition du commerçant et des actes de commerce, l’édiction
de règles concernant la capacité d’exercer le commerce, avec les interdictions et les incompatibilités, les
obligations comptables du commerçant, la prescription qui, de décennale, devient quinquennale.
- Le registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM), qui comprend un registre local tenu au greffe
de chaque tribunal compétent, un fichier national et un fichier tenu auprès de la CCJA. Il reçoit l’immatriculation
des personnes physiques à qui elle confère une présomption de possession de la qualité de commerçant, celle
des sociétés à qui elle confère la personnalité morale et la publication de certaines sûretés ou garanties
(nantissements, privilèges, clause de réserve de propriété, crédit-bail) pour leur opposabilité aux tiers.
- Le bail commercial et le fonds de commerce : le bail commercial confère au preneur le droit au
renouvellement de son bail ou une indemnité d’éviction ; il bénéficie en réalité à tous les baux professionnels. Le
fonds de commerce est défini de manière classique mais avec une innovation créée par le législateur OHADA à
travers l’article 104, alinéa 2, en l’occurrence la notion nouvelle de fonds commercial ; celle-ci devra être
comprise comme constituant le « noyau dur » du fonds de commerce. Le fonds de commerce ayant une
composition variable, il se posait souvent, à l’occasion des opérations qui y sont relatives (location-gérance,
nantissement et surtout la cession, qui sont toutes réglementées par l’Acte uniforme), des problèmes de
26
Les 8 actes uniformes font 2135 articles, soit : AUDCG : 289 articles ; AUSCGIE : 920 articles ; AUS : 151 articles ;
AUPSRVE : 338 articles ; AUPCAP : 258 articles ; AUA : 36 articles ; AUDCpt : 113 articles ; AUCTMR : 30 articles, et le
professeur Issa-Sayegh relève avec précision que un total de 2290 articles pour les actes uniformes et les deux règlements :
Règlement de procédure de la CCJA : 59 articles ; Règlement sur l’arbitrage : 34 articles, et sans compter le Traité :
63 articles.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
53
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
détermination de l’élément ou des éléments essentiels, celui ou ceux dont la cession entraîne nécessairement
celle du fonds de commerce lui-même. La question est dorénavant réglée par la notion fonds commercial qui
comprend la clientèle, l’enseigne ou le nom commercial. On notera que le droit au bail peut, sur le plan pratique,
présenter une importance comparable, voire supérieure, que ceux formant le fonds commercial.
- Les intermédiaires du commerce, de façon générale, et spécifiquement le commissionnaire, le
courtier et les agents commerciaux ; leur statut s’appuie sur le mandat dont la réglementation s’inspire de
l’évolution jurisprudentielle du mandat ; l’AUDCG réglemente les droits et les obligations de ces intermédiaires.
- La vente commerciale, largement inspirée de la convention de Convention de Vienne sur les contrats
de vente internationale de marchandises, adoptée par la Conférence des Nations Unies le 11 avril 1980. Les
dispositions y relatives essaient, entre autres, de préserver le contrat dans la mesure du possible et retarde le
transfert de propriété jusqu’à la livraison, le transfert des risques demeurant lié au transfert de la propriété. Le
dédoublement de cette réglementation avec les dispositions du Code civil concernant les ventes internes ne
paraît pas très opportun.
L’AUDSC
C’est l’acte uniforme le plus long avec 920 articles.
Formellement, si l’on néglige le chapitre préliminaire comprenant trois articles qui traitent du champ
d’application personnel et temporel de l’Acte uniforme et du caractère d’ordre public de ses dispositions, l’AUDSC
comprend quatre parties, chacune des parties étant subdivisée, suivant les besoins, en livres27, titres, sous-titres,
chapitres, sections, sous-sections et paragraphes. Ainsi, la partie 1 traite des « dispositions générales sur la
société commerciale », la partie 2 traite des « dispositions particulières aux sociétés commerciales », la partie 3
est relative aux « dispositions pénales », et la partie 4 aux « dispositions finales et transitoires ».
Si l’on exclut les dispositions pénales, qui pour l’essentiel retiennent des solutions qui étaient en
grande partie généralement acquises mais éparses, et les dispositions finales et transitoires qui, avec la fin de
l’année 1999, ont perdu de leur importance ou de leur intérêt, l’on s’aperçoit que l’Acte Uniforme consacre avec
netteté :
- d’une part, un droit général ou droit commun des sociétés, applicables à toutes les sociétés depuis
leur constitution jusqu’à leur dissolution et liquidation ;
- d’autre part, un droit spécial des sociétés, dont l’essentiel des dispositions concerne la société
anonyme (constitution, organisation, fonctionnement… ainsi que les valeurs mobilières) et la SARL ; ce droit
spécial aborde aussi la SNC, la société en commandite simple, la société de fait et la société créée de fait, la
société en participation et le groupement d’intérêt économique.
Pour faire court, c’est une législation moderne des sociétés qu’apporte l’AUDSC28 avec notamment la
nécessité de l’immatriculation au RCCM pour le bénéfice de la personnalité morale, la protection des associés
27
Formellement, il est permis de penser que ce sont les livres qui devaient être divisés en parties et non l’inverse comme le
fait l’Acte uniforme.
28
Pour une vue d’ensemble du droit OHADA des sociétés commerciales et du GIE voy., entre autres :
- Anoukaha F., Cissé A., Diouf N., Nguébou Toukam J., Pougoué P.-G., Samb M., OHADA : Sociétés commerciales et GIE,
Bruylant, Bruxelles, 2002, 589 p. et la bibliographie citée aux pages 37 à 39 ;
- Pougoué P.-G., Anoukaha F., Nguébou J., Le droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
OHADA, PUA, Yaoundé, 1998, 630 p.
- Pougoué P.-G., Nguébou-Toukam J., Anoukaha F., Commentaires de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique, in OHADA : Traité et Actes uniformes commentés et annotés,
Juriscope, 2e édition, 2002, p. 289 à 548 (sous la direction de Issa-Sayegh J., Pougoué P.-G. et Sawadogo F.M.) ;
- Sambe O. et Diallo M.I., Guide pratique des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (GIE) OHADA,
Editions comptables et juridiques, 1998, 498 p. ;
- Tapin D., Droit des sociétés commerciales et du GIE, Penant, Spécial OHADA, n° 827, mai à août 1998, p.
- Cabinet Ernst & Young, OHADA : Droit des sociétés commerciales et du GIE, Commentaires, EDICEF/Editions FFA,
1998, 329 p.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
minoritaires et des tiers, le rôle accru du commissaire aux comptes, la protection de la société avec la procédure
d’alerte, l’expertise de gestion, les comptes prévisionnels... Les innovations majeures tiennent dans l’admission
de la société unipersonnelle non seulement dans la SARL mais surtout dans la SA et dans l’exigence de
l’intervention du notaire dans l’adoption des statuts.
L’AUOHCE
L’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises sises dans les
Etats parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (AUOHC), couramment appelé
Acte uniforme sur le droit comptable, comprend 113 articles, lesquels traitent des grands principes applicables
aux opérations d’enregistrement comptable dans le respect des grands principes comme celui de prudence, avec
comme objectifs de garantir la fiabilité, la compréhension et la comparabilité des informations et de donner une
image fidèle du patrimoine et des opérations de l’entreprise, avec comme référentiel temporel l’année civile.
L’article 8 pose que :
« Les états financiers annuels comprennent le Bilan, le Compte de résultat, le Tableau financier des
ressources et des emplois, ainsi que l’état annexé.
Ils forment un tout indissociable et décrivent de façon régulière et sincère les événements, opérations
et situations de l’exercice pour donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de
l’entreprise.
Ils sont établis et présentés conformément aux dispositions des articles 25 à 34 ci-après, de façon à
permettre leur comparaison dans le temps, exercice par exercice, et leur comparaison avec les états financiers
annuels des autres entreprises dressés dans les mêmes conditions de régularité, de fidélité et de
comparabilité ».
Dans ses annexes, il contient de nombreux tableaux et définitions constituant ce que l’on peut appeler
le Plan ou le Système comptable OHADA, qui se situe dans le sens de l’évolution de la technique comptable sur
le plan international. Dans l’ensemble, le système comptable OHADA n’est pas différent du système comptable
ouest africain (SYSCOA).
L’AUCTMR
C’est le huitième acte uniforme de l’OHADA et le dernier en date. C’est aussi le moins volumineux en
nombre d’articles : 31 articles contre 36 pour l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, tous les autres actes
uniformes comportant plus d’une centaine d’articles. Il ne traite que du transport de marchandises par route en
sept chapitres : champ d’application et définitions ; contrat et document de transport ; exécution du contrat de
transport ; responsabilité du transporteur ; contentieux ; dispositions diverses ; dispositions transitoires et finales.
L’acte ne traite pas des autres modes de transports (ferroviaire, air, mer) mais sur l’un des aspects, il
est large puisqu’il intéresse bien aussi bien les transports internes que les transports internationaux, pourvu que
le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au
contrat, soient situés soit sur le territoire d’un Etat membre de l’OHADA, soit sur le territoire de deux Etats dont
l’un au moins est membre de l’OHADA. L’Acte paraît restrictif en limitant son objet au transport routier avec en
plus de nombreuses exclusions comme les transports de marchandises dangereuses, les transports funéraires,
les transports de déménagement ou les transports effectués en vertu de conventions postales internationales.
Certaines de ces exclusions sont discutables. Il en est ainsi également d’autres options ou règles de l’AUCTMR
mais l’on peut penser que l’AUCTMR sera d’un apport positif en ce qu’il précise les conditions de formation du
contrat, les obligations des parties et surtout la responsabilité des transporteurs. Et cela, même si l’on peut d’ores
et déjà penser à l’harmonisation souhaitable des autres domaines du droit des transports ou à des améliorations
à apporter au texte de l’AUCTMR.
B- Les actes uniformes liés au recouvrement des créances et au règlement des litiges
Il s’agit de l’AUS, de l’AUPSRVE, de l’AUPC et de l’AUDA.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
L’AUS
Ses 151 articles traitent en premier lieu des sûretés personnelles que sont le cautionnement, avec
comme innovation le principe que le cautionnement est solidaire et des règles de protection de la caution de tous
engagements et de la caution qui ne sait ni lire ni écrire, ainsi que la garantie à première demande qui n’existait
pas dans la législation des Etats parties. Seules les personnes morales peuvent souscrire de telles garanties. En
second lieu, elle traite des sûretés réelles avec comme souci majeur la clarification. C’est ainsi qu’elle aborde, au
titre des sûretés mobilières, d’abord celles qui sont conventionnelles, à savoir le gage mais aussi les
nantissements dont l’assiette diversifiée aboutit aux distinctions suivantes :
- le nantissement des droits d'associés et de valeurs mobilières ;
- le nantissement du fonds de commerce ;
- le nantissement du matériel professionnel ;
- le nantissement des véhicules automobiles ;
- le nantissement des stocks de matières premières et de marchandises.
Ensuite celles de source légale que sont :
- les privilèges, caractérisés par la suppression des privilèges spéciaux immobiliers transformés en
hypothèques légales si bien que la distinction fondamentale est celle entre les privilèges généraux, qui portent
aussi bien sur les meubles que sur les immeubles du débiteur, et les privilèges spéciaux, qui portent sur un bien
mobilier précis du patrimoine du débiteur (art. 106) ;
- le droit de rétention qui devient une sûreté complète avec la possibilité de réalisation forcée.
Enfin, il y a la sûreté réelle immobilière qu’est l’hypothèque, classiquement considérée comme la reine
des sûretés du fait du droit de suite et du droit de préférence qui lui sont attachés.
Les deux princiapux problèmes rencontrés concernent assurément la suspension des poursuites
engagées ou non ainsi que la détermination des personnes bénéficiant de l’immunité d’exécution.
L’AUPRSVE
Avec ses 338 articles, l’AUPSRVE traite des procédures simplifiées de recouvrement que sont
l’injonction de payer et l’injonction de délivrer ou de restituer (art. 1 à 27), qui visent deux objectifs :
- le premier est d’obtenir l’exécution rapide de l’obligation du débiteur, en faveur du créancier,
par le seul effet de l’injonction délivrée par le juge sans qu’il soit nécessaire de recourir aux voies d’exécution ;
cette exécution se situerait entre l’exécution spontanée et l’exécution forcée ;
- le second, et seulement au cas où l’injonction n’a pas abouti à l’exécution, est de permettre au
créancier d’obtenir un titre exécutoire plus rapidement que s’il recourait à la procédure civile ordinaire.
Il traite ensuite des voies d’exécution. Après l’exposé de règles générales applicables à toutes les
voies d’exécution, il aborde les saisies conservatoires et d’exécution en distinguant selon les biens objets de la
saisie. Les saisies conservatoires ne peuvent concerner que les biens meubles corporels, les créances, les droits
d’associés et les valeurs mobilières. Les saisies d’exécution peuvent concerner tous les biens saisissables sans
distinction, y compris les rémunérations et les immeubles à condition que le créancier saisissant soit muni d’un
titre exécutoire.
Les objectifs poursuivis semblent être la rationalisation, l’accélération et une plus grande efficacité de
la procédure en veillant à ne pas porter une atteinte injustifiée aux droits du débiteur. Il est d’une technicité
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rebutante. Son application montre de grandes difficultés dues en grande partie à la mauvaise foi des débiteurs
entraînant un contentieux abondant au sein des juridictions des Etats comme auprès de la CCJA ainsi qu’à la
coordination entre ses règles et celles des droits nationaux.
L’AUPC
Cet acte uniforme de 258 articles, qui s’inspire des législations africaines et de celle de la France en
vigueur au moment de son élaboration, traite des entreprises en difficulté en mettant en place trois procédures,
lesquelles s’appliquent aux commerçants personnes physiques et aux personnes morales de droit privé.
Il s’agit, d’abord, du règlement préventif (RP), avant la cessation des paiements, qui constitue à ce titre
la pièce maîtresse de la prévention, prévention qui doit être complétée par des mesures hors AUPC, comme la
procédure d’alerte, l’expertise de gestion ou les mesures idoines que peuvent prendre l’entrepreneur ou les
dirigeants de la société ; il passe par une décision de suspension des poursuites suivie, dans les deux ou trois
mois, de l’adoption d’un concordat impliquant les créanciers.
Il s’agit ensuite du redressement judiciaire (RJ) et de la liquidation des biens (LB) après la cessation
des paiements et qui poursuivent, soit le sauvetage de l'entreprise s’il est présenté dans les délais une
proposition de concordat sérieux, soit la liquidation de celle-ci, avec un rôle important pour le syndic et le jugecommissaire dans les deux procédures ainsi que pour le débiteur dans le RJ. Les solutions de ces procédures
sont le concordat soumis au vote des créanciers, la clôture pour extinction du passif, l’union et la clôture pour
défaut d’intérêt de la masse. Les créanciers impayés recouvrent leurs droits de poursuites individuelles contre le
débiteur.
Le dispositif prévu, qui prend en compte l’urgence qui caractérise la matière, paraît cohérent et peut
permettre d’atteindre les objectifs de sauvetage de l’entreprise, de paiement des créanciers et de punition des
débiteurs ou dirigeants fautifs, surtout si les règles y afférentes sont bien connues et appliquées, en particulier
celles qui ont trait aux sanctions civiles et pénales applicables aux débiteurs, aux dirigeants, aux associés tenus
indéfiniment et solidairement ainsi qu’aux syndics que sont le comblement du passif social, l’extension de la
procédure, la restriction des droits des dirigeants sur leurs titres sociaux, la faillite personnelle, les banqueroutes
simple et frauduleuse.
L’AUDA
Ce qui frappe dès le premier abord du système juridique OHADA, c'est la place de choix accordée à
l'arbitrage. Ainsi, dès son préambule, le Traité de Port Louis (Maurice) du 17 octobre 1993, relatif à
l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, fait état du désir des Hautes parties contractantes « de
promouvoir l'arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels »29.
Le droit OHADA de l’arbitrage réside principalement dans l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
dont l’article 35 proclame solennellement que « le présent acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans
les Etats parties ». Il contient un ensemble de règles traitant de manière conforme à l’évolution de l’arbitrage sur
le plan international de son champ d’application et spécialement de la convention d’arbitrage (chapitre 1), de la
composition du tribunal arbitral (chapitre 2) dont la saisine ouvre l'instance arbitrale (chapitre 3) devant aboutir au
prononcé d'une sentence arbitrale (chapitre 4) ouvrant droit, le cas échéant, à l'exercice de voies de recours
(chapitre 5) et faisant l'objet d'une reconnaissance et d'une exécution forcée à la suite d'une procédure
d'exequatur (chapitre 6). Ainsi, « la structure de la loi (AUDA) est celle du déroulement d’un procès et la
terminologie est judiciaire. Quant au règlement d’arbitrage de la CCJA, il est conçu et rédigé à la manière d’un
code de procédure civile »30. La critique que l’on peut lui faire, c’est de n’avoir eu en vue que l’arbitrage
international, en sorte que certaines de ses règles ne paraissent pas adaptées à l’arbitrage interne.
29
« Le présent traité a pour objet l'harmonisation du droit des affaires par... l'encouragement au recours à l'arbitrage pour
le règlement des différends contractuels » (Traité OHADA, article 1er).
30
Meyer P., ouvrage précité, n° 48.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Le Traité aborde dans son titre IV (articles 21 à 26) l'arbitrage sous l'égide de la CCJA qui joue,
lorsque les parties y ont recours, un rôle semblable à celui de la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce
internationale de Paris (CCI), sauf que la CCJA est compétente pour délivrer l’exequatur aux sentences rendues
sous son égide. Les dispositions du Traité ont été complétées par le Règlement d’arbitrage de la CCJA adopté
11 mars 1999.
Après le survol du contenu des actes uniformes, il paraît utile d’évoquer les problèmes techniques
généraux qu’ils soulèvent.
SECTION II : LES ASPECTS TECHNIQUES GENERAUX
Il ne manque pas de soulever des questions ou d’appeler des précisions ayant trait à la délimitation du
champ géographique, matériel et personnel des actes uniformes, à la place de ceux-ci dans le système juridique
ainsi qu’à leur application dans le temps31, questions qui méritent d’être successivement abordées.
A - La délimitation du champ géographique, personnel et matériel des actes uniformes
La portée des actes uniformes nécessite que l’on aborde successivement, d’une part, l’espace
géographique au sein duquel ils s’appliquent ainsi que les personnes auxquelles ils s’adressent et, d’autre part,
les matières dont ils traitent.
1)
Le cadre territorial et du champ personnel
Le cadre territorial de l’OHADA paraît bien balisé : l’OHADA comprend les territoires des seize Etats
signataires du Traité de Port-Louis. Ce sont : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République
Centrafricaine, les Comores, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée (Conakry), la Guinée-Bissau, la
Guinée Equatoriale, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo et, bientôt, le Congo Démocratique. Ces pays
semblent pour la plupart apparentés au plan juridique et monétaire du fait de leur appartenance à la zone franc
et/ou à l’ex empire colonial français. De fait, la liste des Etats membres de l’OHADA (ou Etats parties au Traité
OHADA) peut a priori sembler fermée.
Cependant, il n’en est rien : en effet, d’une part, le Traité est ouvert à l’adhésion de tout Etat membre
de l’OUA, d’autre part, il est également ouvert à tout Etat non membre de l’OUA, sauf que, dans ce dernier cas, il
faut au préalable une invitation à y adhérer formulée à l’unanimité des Etats parties. L’OHADA est ainsi un traité
ouvert. Des considérations d’ordre économique, historique, linguistique, culturel ou d’apparentement juridique
pourraient cependant limiter les nouvelles adhésions. Mais ces considérations sont atténuées par le fait
que l’intégration économique et l’intégration juridique sont encouragées en Afrique, ce qui a permis l’émergence
de la Communauté Economique Africaine et, en dernier lieu, celle du traité de l’Union Africaine adoptée à Lomé
en juillet 2000.
S’agissant des problèmes linguistiques, de fait un Etat lusophone et un Etat hispanophone, en
l’occurrence la Guinée-Bissau et la Guinée Equatoriale, et un Etat bilingue (français et anglais), en l’espèce le
Cameroun, sont déjà membres de l’OHADA et il ne semble pour le moment se poser que des problèmes de
traduction (des textes et documents) et d’interprétariat (lorsqu’il faudra plaider à la Cour commune de justice et
31
Sur ces questions voy. :
- Issa-Sayegh J., Quelques aspects techniques de l’intégration juridique : l’exemple des actes uniformes de l’OHADA, Revue
de droit uniforme, 1999-1, p. 5 à 32 et particulièrement l’intéressante bibliographie sur l’OHADA, le Traité et les actes
uniformes aux pages 29 à 32.;
- Issa-Sayegh J., Pougoué P.-G, Sawadogo F. M. (sous la direction de) : OHADA : Traité et Actes uniformes commentés et
annotés, Juriscope, 1999;
- Louhes-Oble J., L’apparition d’un droit international des affaires en Afrique, Revue internationale de droit comparé, 31999, p. 543 à 591 ;
- Tiger P., Le droit des affaires en Afrique OHADA, PUF, Que sais-je ?, 1999 ;
- Penant, numéro spécial OHADA, n° 827, mai à août 1998.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
d’arbitrage). Il est souhaitable que les autres langues officielles des Etats parties soient reconnues, ce que retient
le projet de révision du Traité (anglais, espagnol, portugais).
Certes, l’OHADA s’inspire assez largement du droit français et, d’une manière générale, des systèmes
juridiques romano-germanistes. Toutefois, un effort d’ouverture est fait vers les autres systèmes juridiques et
spécialement les droits relevant de la common law. Par exemple, l’OHADA se montre perméable au droit de
common law dans le droit de la vente par le biais de la reprise substantielle des dispositions de la convention de
Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises. Par ailleurs, certains des
projets d’acte uniforme s’appuient sur l’expérience d’Unidroit qui vise l’universalisme du droit (droit des contrats).
Parlant de cadre territorial, il est utile de préciser qu’une loi, fût-elle uniforme, ne s’applique pas, à
proprement parler, à un territoire mais à des situations ou opérations juridiques qui y sont localisées ou qui s’y
rattachent. Cela pose le problème du droit international privé qui n’est pas harmonisé. Ainsi, si tous les éléments
localisateurs d’une situation se rattachent à l’espace OHADA, il n’y a pas de difficulté : le droit OHADA
s’applique. En revanche, si une situation est spatialement diversifiée dans ses éléments constitutifs, par exemple
un banal contrat de vente entre un acheteur domicilié dans l’espace OHADA et un vendeur domicilié en
Allemagne, en France ou en Belgique, le droit OHADA est muet, ce qui renvoie à la diversité des règles de
conflits de lois des Etats membres. Or de ce point de vue, sauf à tenir compte de l’apparentement des droits des
Etats membres, les règles du droit international privé des Etats membres sont pour l’essentiel de source
jurisprudentielle et d’une connaissance malaisée, d’où une certaine absence de prévisibilité si utile dans le
domaine des affaires32.
S’agissant des personnes auxquelles les actes uniformes s’adressent, ce sont naturellement les
personnes qui seraient assujetties à ce nouveau droit s’il était d’origine interne comme les commerçants, les
sociétés, les groupements d’intérêt économique, les cocontractants, les personnes morales de droit privé…, bref
les particuliers.
Cela paraît à première vue normal. Toutefois, s’agissant du droit des affaires, même lato sensu, il eût
été possible de limiter systématiquement le champ d’application aux commerçants et aux personnes assimilées
mais une telle conception aurait limité la portée ou l’impact des actes uniformes. Dans certains cas néanmoins,
les dispositions des actes uniformes ne s’appliquent qu’à des catégories strictement définies de personnes : ainsi
les dispositions sur la vente commerciale ne régissent que les contrats entre commerçants (AUDCG, art. 202).
Mais au regard de l’évolution vers la déréglementation, la dérégulation et la privatisation33, la question
se pose de la place des entités semi-publiques, voire même de l’Etat et des collectivités publiques. A cet égard,
dans un but de protection et de promotion des relations d’affaires et d’instauration d’un espace juridique et
judiciaire sain, transparent et favorable aux investissements, l’option a été faite en faveur de l’extension maximale
du champ d’application du droit des affaires en direction des personnes semi-publiques et publiques. A titre
d’exemple, l’AUDSC s’applique expressément aux sociétés commerciales dans lesquelles un Etat ou une
personne morale de droit public est associé, dont le siège est situé sur le territoire de l’un des Etats parties
(article 1er). Il en est de même de l’Acte uniforme relatif au droit comptable qui astreint à la mise en place de la
comptabilité générale « les entreprises soumises aux dispositions du droit commercial, les entreprises publiques,
parapubliques, d’économie mixte, les coopératives et, plus généralement, les entités produisant des biens et des
services marchands ou non marchands…. » (article 2). Il ressort également de l’AUPC que le règlement
préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens sont applicables non seulement à toute personne
physique ou morale de droit privé non commerçante mais également « à toute entreprise publique ayant la forme
32
Voy. cependant le cas du Burkina Faso où l’essentiel des règles figure aux articles 988 à 1050 formant le titre I de la
troisième partie du Code des personnes et de la famille, titre intitulé « Application du Code et conflits de lois dans l’espace ».
33
Voy. sur cette question :
- Contamin B. et Fauré Y.-A., La bataille des entreprises publiques en Côte d’Ivoire, L’histoire d’un ajustement interne,
Karthala-ORSTOM, 1990, 369 p ;
- SAWADOGO F. M., La privatisation des entreprises publiques au Burkina Faso, Revue Burkinabè de droit, n° 27 – janvier
1995, p. 9 à 38.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
d’une personne morale de droit privé »34 qui, selon le cas, connaît une situation économique et financière difficile
mais non irrémédiablement compromise ou cesse ses paiements (article 2).
Dans le même sens, et de façon plus dérogatoire, même si le principe de l’immunité d’exécution des
personnes morales de droit public est maintenu, l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement
et les voies d’exécution instaure la règle nouvelle de compensation entre les dettes certaines, liquides et
exigibles de ces personnes et leurs créances remplissant les mêmes conditions (art. 30). Enfin, l’Acte uniforme
relatif au droit de l’arbitrage, après avoir affirmé que toute personne physique ou morale peut recourir à l’arbitrage
sur les droits dont elle a la libre disposition, instaure une règle nouvelle favorable à l’arbitrage et aux partenaires
des personnes morales de droit public. Selon celui-ci, « les Etats et les autres collectivités publiques territoriales
ainsi que les établissements publics peuvent également être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur
propre droit pour contester l’arbitrabilité d’un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention
d’arbitrage » (article 2, alinéa 2)35.
2) Le champ matériel : les matières à harmoniser
Relativement aux matières faisant l’objet de l’harmonisation, il ressort de l’intitulé même du Traité qu’il
s’agit du droit des affaires. On a pu considérer le droit des affaires, dans une approche très large, comme « une
technique de gestion et d’organisation au service des finalités économiques, sociales, politiques et culturelles »
de l’entreprise36 ou comme englobant « la réglementation des différentes composantes de la vie économique :
ses cadres juridiques (réglementation du crédit, de la concurrence…) ; ses acteurs (commerçants, sociétés,
intermédiaires du commerce…) ; les biens et services qui en sont l’objet ; les activités économiques (production,
distribution, consommation…) »37. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne se ramène pas au droit commercial stricto sensu :
c’est un droit de caractère pluridisciplinaire. Mais quelles sont les disciplines juridiques qui relèvent du droit des
affaires ? L’unanimité est loin d’être faite sur la question.
C’est pourquoi le Traité a jugé utile d’énumérer les matières qui en relèvent. Ainsi, « pour l’application
du présent traité, entrent dans le domaine du droit des affaires l’ensemble des règles relatives au droit des
sociétés et au statut juridique du commerçant, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies
d’exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au
droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports » (Traité, article 2).
Il apparaît que les auteurs du traité ont une conception fonctionnelle et extensive du droit des affaires :
semblent y entrer toutes les matières ou questions intéressant le monde des affaires et des entreprises. C’est
ainsi que peut s’expliquer l’inclusion de matières telles que les procédures simplifiées de recouvrement des
créances et les voies d’exécution. Par ailleurs, pour permettre de réparer les éventuels oublis et, surtout, pour
ménager les évolutions souhaitables liées aux nécessités du monde des affaires, il est laissé la possibilité au
Conseil des Ministres d’y inclure, à l’unanimité, « toute autre matière ». On peut penser qu’à terme, il serait
indiqué d’y inclure le droit de la propriété industrielle et commerciale, le droit de la société civile, le droit des
nouvelles technologies de l’information et de la communication, le droit de la concurrence et peut-être aussi celui
de la consommation, certains aspects du droit bancaire et de celui des assurances, le droit des contrats spéciaux
les plus utilisés dans les affaires ainsi que le droit international privé, sauf à considérer que certaines questions
sont régies de manière satisfaisante par d’autres institutions comme la CIMA, l’OAPI, l’UEMOA et/ou la CEMAC.
34
Sous la poussée des programmes d’ajustement structurel (PAS) auxquels les Etats parties au Traité de l’OHADA ont
souscrit, les véritables entreprises publiques, c’est-à-dire celles qui ont pour objet la vente de biens ou de services contre un
prix, doivent revêtir la forme d’une personne morale de droit privé (société d’Etat ou société nationale, société d’économie
mixte, société dans laquelle existe une participation majoritaire d’une ou de plusieurs personnes publiques).
35
Voy. sur cette question où l’AUDA fait preuve d’innovation et de hardiesse : Kamto M., La participation des personnes
morales africaines de droit public à l’arbitrage OHADA, in Fouchard P. (sous le direction de), L’OHADA et les perspectives
de l’arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René-Jean Dupuy pour le droit et le développement, Bruylant, 2000, p. 89 –
100 ainsi que les débats (p. 109 à 121).
36
Champeaud C., Le droit des affaires, 1981, cité par Ripert et Roblot, Traité de droit commercial, L.G.D.J., tome 1, 17e éd.
par Germain M. et Vogel L., n° 139.
37
Issa-Sayegh J., op. cit., p. 9.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Les projets d’acte uniforme en cours38 sont le droit du travail, les contrats, les sociétés coopératives et
mutualistes, le droit de la consommation et le droit de la preuve des actes juridiques.
- Le droit du travail est très avancé et devrait en principe faire l'objet d'une assemblée plénière des
commissions nationales pour l'OHADA dans le courant de l'année 2006. Le Secrétariat permanent a actuellement
reçu douze observations des Etats Parties pour seize attendues.
- Le droit des contrats, qui amorce une sorte de revirement de philosophie dans la marche de
l'OHADA, a été conçu par Unidroit, organisme reconnu pour ses efforts dans la promotion d'un type universel de
droit. Le projet a été communiqué aux Etats Parties pour leurs observations conformément aux articles 6 et 7 du
traité, mais seuls deux Etats ont réagi pour l'instant.
- Le droit de la consommation est pratiquement dans la même position que celui des contrats. En effet,
communiqué aux Etats, le Secrétariat permanent attend les observations des Etats, qui n'arrivent pas dans les
délais. Certes, le traité impartit 90 jours aux Etats pour réagir mais le Secrétariat permanent se montre
pragmatique dans l’objectif d’amener tous les Etats à participer effectivement à l’élaboration des actes uniformes.
- Le droit des sociétés coopératives et mutualistes est actuellement remis au Secrétariat permanent
par les partenaires intéressés à ce projet : la BCEAO qui a financé le consultant Santos et les réunions de
consultation des acteurs concernés ; le BIT qui a financé quelques réunions du comité du pilotage ; la
Conférence Panafricaine Coopérative ; la BEAC et la COBAC. Le secrétariat a en charge d'y intégrer quelques
observations du Comité de pilotage avant sa transmission aux Etats Parties. Le Secrétariat Permanent a dirigé
ce comité de pilotage. L’ambition du Secrétariat est de faire aboutir le projet d’acte uniforme d'ici la fin de l’année
2006. Cet acte a une histoire particulière : son intégration au programme d'harmonisation de l'OHADA a été
expressément demandée par les bénéficiaires qui l'attendent avec impatience.
- La rédaction du droit de la preuve des actes juridiques, qui a été confiée une fois de plus à Unidroit,
n'a pas encore commencé.
Ce qui nous paraît vraiment urgent est l’instauration dans l’espace juridique OHADA de règles
uniformes favorisant la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires rendues dans les Etats parties. Il
est curieux et presque anormal que l’on soit plus avancé en ce qui concerne la reconnaissance et l’exécution des
sentences arbitrales avec l’adoption de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage alors que les jugements
rendus par les juridictions étatiques peuvent également concerner les litiges qui naissent dans les relations
d’affaires. D’ailleurs, de nombreux Etats de l’espace OHADA n’ont aucune législation sur l’efficacité des
jugements étrangers. « L’absence de législation et de jurisprudence publiée et connue rend incertain et
quasiment divinatoire le sort susceptible d’être réservé aux décisions judiciaires étrangères dans ces pays »39.
On note cependant que quelques Etats, comme le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Sénégal,
disposent d’une législation organisant la reconnaissance et l’exequatur des actes judiciaires étrangers40.
Pour finir avec les matières faisant l’objet de l’harmonisation, deux précisions, qui contribuent à bien
situer la portée des actes uniformes, paraissent utiles. D’abord, il n’est pas sans intérêt de rappeler que
l’harmonisation ou l’unification est susceptible de gradation : elle aurait pu se limiter aux règles de droit international
privé, c’est-à-dire essentiellement aux conflits de lois ou de juridictions, ou s’étendre aux règles de droit matériel
ayant trait uniquement au droit international privé (par exemple les ventes internationales), ou enfin embrasser
l’ensemble du droit matériel d’une matière donnée (par exemple toutes les ventes, qu’elles soient internes ou
internationales). L’option a été faite en faveur de la dernière modalité qui conduit à une harmonisation plus poussée.
Ensuite, l’on relève qu’en général, les dispositions des actes uniformes revêtent un caractère détaillé : on ne s’est
pas contenté des règles générales ; bien souvent les actes uniformes vont jusqu’au détail d’application, ce qui, dans
beaucoup de systèmes juridiques nationaux, relèverait du domaine du règlement, si bien que leur application, bien
souvent, ne requiert pas l’adoption de règlements d’application par les Etats parties.
38
Informations recueillies avec M. Idrissa Kéré, cadre en service au Secrétariat Permanent de l’OHADA (mail du 31-3-06).
Meyer P., La circulation des jugements en Afrique de l’Ouest francophone, Revue Burkinabè de droit, numéro spécial 20e
Anniversaire, 2e semestre 2001.
40
Meyer P., op. cit.
39
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Après la délimitation géographique, personnelle et matérielle du champ des actes uniformes, il
convient de se demander quelle est la place de ceux-ci dans le système juridique.
B – La place des actes uniformes dans le système juridique
La place des actes uniformes peut être située à un double point de vue : d’abord en ce qui concerne la
procédure d’élaboration et d’adoption des normes où leur place peut être qualifiée d’originale ou de sui generis,
ensuite relativement à la hiérarchie des normes juridiques où leur place est caractérisée par la supranationalité,
autrement dit la supériorité aux normes internes, ainsi que leur portée abrogatoire.
1) L’originalité de la procédure d’élaboration et d’adoption des actes uniformes
Schématiquement, l’élaboration et l’adoption des actes uniformes suivent les principales étapes suivantes :
a) Le projet d’acte uniforme est préparé par le Secrétariat permanent41, en concertation avec les
Gouvernements des Etats parties. En pratique, en tenant compte de l’expérience relative aux actes uniformes
déjà adoptés, l’on peut affirmer que chaque projet est préparé par un expert, un groupe d’experts ou un cabinet
spécialisé qui bien entendu est désintéressé. Les avant-projets s’inspirent des conclusions du séminaire
d’Abidjan42, du droit français mais également de l’évolution du droit des affaires43.
b) Le projet élaboré est soumis aux Gouvernements des Etats parties qui disposent de 90 jours pour
faire parvenir leurs observations écrites. C’est à ce niveau qu’interviennent les commissions nationales dont la
composition doit refléter les principaux intérêts en présence. Plusieurs rencontres tenues dans différentes capitales des
Etats parties ont permis aux commissions nationales d’échanger leurs points de vue sur les projets d’actes uniformes.
c) L’intervention de la CCJA se situe à la fin du processus. En effet, après le délai de 90 jours
accordé aux Gouvernements, le Secrétariat permanent transmet le projet d’acte, accompagné des observations
des Etats parties et d’un rapport du Secrétariat permanent, à la CCJA pour avis. Celle-ci dispose d’un délai de 30
jours pour faire ses observations.
d) L’inscription à l’ordre du jour du plus prochain Conseil des ministres (CM) a lieu à l’expiration
de ce nouveau délai accordé à la CCJA. A cet effet, le Secrétariat permanent met au point le texte définitif du
projet d’acte uniforme puis propose son inscription à l’ordre du jour du CM au Président du CM.
e) Les actes uniformes sont adoptés par le Conseil des ministres à l’unanimité des représentants
des Etats présents et votants. L’adoption n’est valable que si les deux tiers au moins des Etats parties sont
représentés. Toutefois, l’abstention ne fait pas obstacle à l’adoption des actes uniformes.
Sur le plan pratique, la place déterminante dans le processus d’élaboration semble revenir aux experts
qui conçoivent le projet d’acte uniforme. En effet, le délai de 90 jours laissé aux gouvernements pour faire
parvenir leurs observations écrites est relativement bref. Par ailleurs, les Commissions nationales, soit sont trop
lourdes pour réaliser un travail de grande qualité, soit ne reflètent pas l’ensemble des intérêts que soulèvent les
actes uniformes. Enfin, l’urgence qui a prévalu jusque-là dans l’adoption des actes uniformes n’a pas permis,
sauf pour l’acte uniforme relatif à l’arbitrage, de prendre en compte de manière significative les amendements
des Etats. Un auteur avisé en vient à souhaiter un allongement du délai afin que les gouvernements puissent
« organiser une consultation de leurs instances (y compris le parlement) de la meilleure façon possible »44.
Au total, l’adoption des actes uniformes se fait sans l’intervention des parlements nationaux. Cette
procédure accroît la rapidité d’adoption et réduit les divergences relativement aux amendements provenant des
Etats mais elle limite l’implication nationale ainsi que l’efficacité et l’effectivité des normes adoptées. Par ailleurs,
le contrôle de la correcte application des actes uniformes échappe aux juridictions nationales de cassation pour
41
Avant la mise en place des organes, ce rôle a été dévolu au directoire.
Voy. Gomez Jean-René, Réflexions d’un commercialiste sur le projet d’harmonisation du droit des affaires dans la zone
franc, Recueil Penant, 1994, p. 3 et s. dont les réflexions s’appuient sur les conclusions du séminaire d’Abidjan.
43
Par exemple la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises.
44
Issa-Sayegh J., op. cit., p. 16.
42
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
être confié à la CCJA, ce qui est de nature à assurer leur interprétation et leur application uniformes. Tout cela
pose la question du caractère supranational des normes OHADA.
2) Le caractère supranational des normes de l’OHADA
Le problème du caractère supranational des normes de l’OHADA et de la place des actes uniformes
dans le système juridique ou dans la hiérarchie des normes juridiques ne se pose que lorsque ceux-ci acquièrent
force juridique45.
Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant
toute disposition contraire du droit interne antérieure ou postérieure. Ils se situent donc au-dessus des lois
internes. Cette position supra-législative découle de ce que les actes uniformes l’emportent sur les dispositions
internes postérieures. S’agissant des dispositions internes antérieures, même si les actes uniformes se situaient
sur la même position que les lois internes, elles primeraient celles-ci en raison du principe qui veut que la loi
nouvelle l’emporte sur la loi ancienne. C’est donc dire que les actes uniformes se situent bien au-dessus des lois
internes. Mais de quelles lois s’agit-il ? De toutes les règles écrites, y compris la Constitution ?
La primauté des normes communautaires sur les normes nationales, législatives ou réglementaires,
primauté considérée comme un « principe selon lequel le droit communautaire prime sur le droit national quel
que soit, par ailleurs, les rapports entre normes internes et normes internationales »46, n’est pas sérieusement
discutée, sauf lorsqu’il est question de la constitution. C’est que, comme l’écrit un auteur, « la primauté est la
solution apportée à une antinomie irréductible entre normes prises par des autorités pouvant revendiquer
l’exercice de la compétence dans le cas soumis au juge »47.
a) La position supra législative des normes communautaires
Au-delà du principe d’applicabilité directe, la supranationalité se matérialise à travers les articles 10 du
Traité OHADA et 6 du Traité UEMOA qui affirment expressément la primauté du droit communautaire. Par cette
affirmation formelle, les Traités de Dakar et de Port-Louis adoptent un postulat moniste pour résoudre le
problème de l’intégration du droit communautaire dans les ordres juridiques nationaux. La mise en œuvre de
cette conception aboutit à une solution non équivoque : le droit d’essence communautaire prime le droit interne
des Etats membres. Le principe de primauté devient ainsi une composante essentielle de l’ordre public
communautaire, principe devant assurer, dans chacune des deux organisations, la cohérence ou la cohésion de
l’ordre juridique. Il ne pouvait en être autrement car le postulat de la primauté du droit communautaire répond à
des impératifs d’unité, d’uniformité et d’efficacité48. La primauté est une exigence fondamentale dans un ordre
d’intégration. Sans elle, « l’ordre juridique communautaire risquerait de se décomposer en une série d’ordres
partiels, autonomes et divergents »49. Dans le même sens, le professeur Richard Ghevontian50 avance comme
justification du principe de primauté que celui-ci :
- garantit l’effectivité de l’applicabilité immédiate et de l’effet direct ;
- est la conséquence logique du transfert de compétence des Etats membres vers la Communauté ;
- est indispensable à l’application uniforme du droit communautaire par les Etats membres.
Telle est la position du droit dérivé de l’UEMOA, particulièrement pour ce qui est des règlements, et du
droit dérivé de l’OHADA, dont l’essentiel est constitué par les actes uniformes, qui occupent un rang supra
législatif mais dont la place par rapport aux constitutions des Etats membres reste discutée.
45
Voy. sur un plan d’ensemble : Abarchi D., La supranationalité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires (OHADA), Revue Burkinabé de Droit , n° 37 – 1er semestre 2000, p. 9 à 27.
46
Richard Ghevotian, Droit communautaire, Sirey, Aide-mémoire, 2e éd., 2004, p. X.
47
Jean-Victor Louis, « La primauté, une valeur relative », Les Cahiers, 1994, p. 27.
48
R. Kovar, « Les rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux », op. cit., p. 118.
49
M. Dehousse, cité par L. Cartou, in Communautés Européennes, 10e édition, Paris, Dalloz, 1991, p. 124.
50
Droit communautaire, op. cit., p. 125.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Les dispositions des deux traités relatives à cette question sont pratiquement identiques. En effet, le
Traité de l’OHADA prévoit que « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats
parties nonobstant toute disposition contraire du droit interne antérieure ou postérieure » (article 10) tandis que le
Traité instituant l’UEMOA dispose que « les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des
objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci sont appliqués dans
chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire antérieure ou postérieure » (article 6). C’est
dire que ces droits dérivés, et a fortiori les droits primaires, se situent au-dessus des lois internes. Cette position
supra législative découle d’une affirmation expresse des deux traités contrairement à son origine prétorienne
dans la Communauté européenne51. Il en résulte que la place du droit communautaire, et cela de façon expresse,
procède du Traité et non des constitutions nationales, ce qui exclut tout renvoi à ces dernières pour fonder
l’autonomie du droit communautaire. La position supra législative de ces deux droits communautaires (OHADA et
UEMOA)52 ne constitue donc pas une obligation qu’il appartiendrait au constituant ou au législateur de mettre en
oeuvre.
Ainsi, il ne fait aucun doute que toutes les normes ayant au plus le rang de lois, au sens formel ou
organique du terme, sont subordonnées aux règles internationales conventionnelles ou communautaires, comme
les traités OHADA et UEMOA et leurs droits dérivés53. Dans ce sens, l’on relève que la plupart des constitutions,
à la suite de la constitution française de 1958, contiennent une disposition consacrant de façon générale la
supériorité des traités sur les lois internes, libellée comme suit : « Les traités et accords régulièrement ratifiés ou
approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou
traité, de son application par l’autre partie »54. Il est vrai que la règle constitutionnelle ne vise que le traité
constitutif mais c’est à celui-ci que le droit dérivé doit être rattaché et assimilé.
Mais la primauté sur les lois internes comprend-elle la Constitution ?
b) Le cas particulier des normes constitutionnelles
La question de savoir si la Constitution est également hiérarchiquement subordonnée aux normes
internationales reste, cependant, posée. Cette question demeure dans une large mesure sans réponse certaine.
Deux réponses pourraient être formulées, l’une affirmative, l’autre négative mais il convient de souligner la
position que la Cour de Justice de l’UEMOA vient d’adopter sur la question.
b1) Les arguments en faveur d’une réponse affirmative
Dans le sens d’une réponse affirmative, l’on note que les constitutions de la plupart des Etats parties
aux deux Traités contiennent une disposition prévoyant que si un engagement international comportant une
disposition contraire à la Constitution doit être ratifié, cette ratification n’intervient qu’après une modification de la
Constitution. Le fait que la Constitution doive être adaptée au traité, et non le contraire, semble exprimer une
supériorité de la norme internationale conventionnelle sur la norme constitutionnelle. D’ailleurs, la supériorité de
la norme internationale sur les normes internes ne découle pas uniquement de son affirmation par les différentes
constitutions mais également et surtout des articles 10 du Traité de l’OHADA et 6 du Traité de l’UEMOA. La
nature même du droit international conventionnel, qui requiert l’accord et l’engagement de plusieurs Etats, peut
être considérée comme devant impliquer la supériorité de celui-ci sur l’ensemble du droit interne, y compris les
dispositions constitutionnelles. En effet, l’efficacité du droit international serait gravement compromise si elle était
conditionnée par la conformité de la règle internationale à la règle constitutionnelle55. Dans le même sens, la
51
Cf. les arrêts de principe : Van Gend en Loos, Costa/Enel, Simmenthal.
Voy. sur un plan d’ensemble : D. Abarchi, « La supranationalité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires (OHADA) », op. cit., p. 9 à 27.
53
Il faut signaler qu’il en est de même des règlements autonomes que l’on situe souvent au même niveau que la loi au sens
formel dans le domaine qui leur est réservé.
54
C’est la formulation de l’article 151 de la Constitution du Burkina Faso du 2 juin 1991.
55
Voy. sur une telle argumentation appliquée au cas de l’UEMOA : L. M. Ibriga et P. Meyer, « La place du droit
communautaire UEMOA dans le droit interne des Etats membres », Revue Burkinabè de droit, n° 37-1er semestre 2000, p. 28
à 46.
52
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Cour internationale de justice estime qu’ « un Etat ne saurait invoquer vis-à-vis d’un autre Etat sa propre
Constitution pour se soustraire aux obligations que lui imposent le droit international ou les traités en vigueur »56.
b2) Les arguments en faveur d’une réponse négative
Si la supériorité du droit international sur le droit constitutionnel semble préférable en tant que
correspondant à l’évolution et à l’efficacité du droit international, spécialement en présence d’un processus
d’intégration, comme c’est le cas de l’OHADA, de l’UEMOA ou de l’Union européenne où la solution semble
acquise ou tout au moins favorablement envisagée57, il ne faut pas cependant se cacher que l’affirmation de cette
solution est délicate dans des Etats, comme ceux de l’OHADA et de l’UEMOA, qui ont une histoire relativement
brève dans l’édification de l’Etat de droit entraînant une sorte de sacralisation de la Constitution58.
C’est pourquoi, il peut sembler prudent, au regard de la faible évolution des mentalités et des fortes
tendances nationalistes, de considérer que les normes communautaires, celles du droit dérivé comme d’ailleurs
celles du droit primaire, se situent au-dessus des normes de caractère législatif ou réglementaire mais audessous de la Constitution. Cette position classique de supériorité de la Constitution sur les traités ne manque
pas d’arguments en sa faveur : d’une part, c’est la Constitution qui classiquement prévoit la supériorité des traités
sur les lois internes et non un principe général du droit international ; d’autre part, aucun traité qui serait contraire
à la Constitution ne peut être ratifié, sauf bien entendu modification préalable de la Constitution ; « enfin et
surtout, on doit prendre en considération le fait que les autorités habilitées à signer et à ratifier les traités tiennent
leur pouvoir de la Constitution et ne peuvent donc agir que dans les limites fixées par celle-ci »59. Dans un sens
voisin, la Cour d’Arbitrage de Belgique relève qu’« aucune norme du droit international - lequel est une création
des Etats - même pas l’article 27 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, ne donne aux Etats
le pouvoir de faire des traités contraires à leur Constitution »60. Par ailleurs, il n’est pas inutile d’indiquer que,
même en Europe, la supra constitutionnalité des traités et des normes qui en dérivent est loin de faire
l’unanimité61. Les évolutions récentes de la jurisprudence française, tant du Conseil d’Etat62 que de la Cour de
cassation63, corroborent cette affirmation.
56
CIJ, 2 novembre 1958, Rec. p. 55, cité par Ghislaine Alberton, « De l’indispensable intégration du bloc de
conventionnalité au bloc de constitutionnalité ? », Revue française de droit administratif, n° 2, mars-avril 2005, p. 257.
57
Dans ce sens, par un arrêt du 29 octobre 1992 (Open door contre Irlande, RFDC, 13-1993, note F. Sudre, p. 217 et s.), la
Cour européenne des droits de l’homme a indirectement mais certainement fait prévaloir la convention européenne des
droits de l’homme sur les dispositions de la constitution irlandaise relative à la prohibition de l’avortement. C’est dans le
même sens de la supériorité des normes communautaires sur les constitutions nationales que se prononce la Cour de Justice
des Communautés européennes (voy. les nombreuses décisions citées par R. Kovar, « Rapports entre le droit communautaire
et les droits nationaux », op. cit., p. 115 et s.). Pour M. Louis Favoreu (« Souveraineté et supraconstitutionnalité », Revue
Pouvoirs, n° 67-1993, p. 77), « les dispositions constitutionnelles ne sont pas à l’abri d’un contrôle supranational de
supraconstitutionnalité ».
58
Voy. dans ce sens L. M. Ibriga et P. Meyer, op. cit., p. 41.
59
B. Chantebout, Droit constitutionnel et science politique, Armand Colin, 10e éd., 1991, p. 600.
60
Arrêt 12/94 du 13 février 1994, cité par MM. Ph. Brouwers et H. Simonar, « Le conflit entre la constitution et le droit
international conventionnel dans la jurisprudence de la Cour d’arbitrage », Les Cahiers, 1994, p. 11.
61
Ainsi, M. Robert Kovar (op. cit., p. 138) reconnaît que « dans aucun des Etats membres, le droit communautaire n’est
assuré d’une primauté absolue sur les normes constitutionnelles ». M. Bruno De Witte (Droit communautaire et valeurs
constitutionnelles nationales, Droits, PUF, 1991, p. 88 et 89), après avoir noté la position de la CJCE dans l’arrêt Costa
selon laquelle le droit communautaire « ne peut se voir opposer de norme interne quelle qu’elle soit » relève que « cette
doctrine de la Cour de justice n’est pas pleinement acceptée par les Cours supérieures nationales ». M. Francis Delpérée
(« Les rapports de cohérence entre le droit constitutionnel et le droit international public, Développements récents en
Belgique », RFDC n° 36, 1998, p. 740) se félicite de ce que « la Cour d’arbitrage et le Conseil d’Etat contribuent à
replacer… la Constitution au sommet des règles juridiques qui s’imposent dans un Etat ». C’est dans le même sens que se
prononce MM. Ph. Brouwers et H. Simonar (op. cit., p. 7 à 22 ; contra Jean-Victor Louis, « La primauté, une valeur
relative », Les Cahiers, 1994, p. 23 à 28). M. Georges Vedel (« Souveraineté et supra constitutionnalité », Revue Pouvoirs,
n° 67 – 993) soutient qu’il n’existe pas en droit positif français de normes juridiques d’un rang supérieur à celui de la
constitution, que le concept de normes juridiques supra constitutionnelles est logiquement inconstructible et que la supra
nationalité est dangereuse pour l’ordre juridique démocratique. C’est dans un sens voisin que s’exprime M. Pactet (op. cit.,
p. 559). Quant à M. Louis Favoreu et autres, ils admettent que rien n’empêche qu’il existe des normes « supérieures » à la
Constitution pour autant qu’elles ne fassent pas partie du système juridique en question… « Ce qui est conceptuellement
impossible, c’est que le même système ait une constitution formelle et quelque chose d’autre au-dessus d’elle » (Droit
constitutionnel, Dalloz, 1998, n° 120).
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
A cela s’ajoute, dans le cas de l’OHADA, le but visé par l’harmonisation, qui est de doter les Etats
parties d’une législation moderne et adaptée et non d’une constitution et le fait que les Traités OHADA et
UEMOA semblent avoir des égards pour les constitutions des Etats membres. L’on peut relever dans ce sens
l’article 52, alinéa 1er, du Traité OHADA selon lequel « le présent Traité est soumis à la ratification des Etats
signataires conformément à leurs procédures constitutionnelles » et l’article 116 du Traité de l’UEMOA aux
termes duquel « le présent Traité sera ratifié par les Hautes Parties Contractantes conformément à leurs règles
constitutionnelles respectives ». N’est-ce pas une façon discrète de reconnaître la supériorité de la
Constitution des Etats membres sur le Traité ?
Il semble que l’évolution ira probablement dans le sens de la supériorité des normes du droit
international, tout au moins lorsqu’il s’agit d’un droit communautaire, sur les normes internes. On peut penser que
cette tendance aurait été renforcée en Europe si la Constitution européenne avait été adoptée mais tel n’est pas
encore le cas. Mais ce n’est pas ce que retient le Conseil constitutionnel français dans sa décision du 19
novembre 2004 sur la constitutionnalité du projet de constitution de l’Union européenne. Pour lui, la Constitution
européenne n’apporte pas de changement en ce qui concerne le principe de primauté du droit de l’Union
européenne si bien que la Constitution française conserve « sa place au sommet de l’ordre juridique interne ».
Extraits de la Décision du Conseil constitutionnel français n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 sur la
constitutionnalité du Traité établissant une Constitution pour l'Europe (la décision comporte 43 considérants au total)
…
- SUR LE PRINCIPE DE PRIMAUTÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE :
9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations du traité soumis au Conseil
constitutionnel, intitulé « Traité établissant une Constitution pour l'Europe », et notamment de celles relatives à
son entrée en vigueur, à sa révision et à la possibilité de le dénoncer, qu'il conserve le caractère d'un traité
international souscrit par les Etats signataires du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur
l'Union européenne ;
10. Considérant, en particulier, que n'appelle pas de remarque de constitutionnalité la dénomination
de ce nouveau traité ; qu'en effet, il résulte notamment de son article I-5, relatif aux relations entre l'Union
et les Etats membres, que cette dénomination est sans incidence sur l'existence de la Constitution
française et sa place au sommet de l'ordre juridique interne ;
11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République
participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement,
en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; que le
constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et
distinct de l'ordre juridique international ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article I-1 du traité : « Inspirée par la volonté des citoyens et des
Etats d'Europe de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les
Etats membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les
politiques des Etats membres visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les
compétences qu'ils lui attribuent » ; qu'en vertu de l'article I-5, l'Union respecte l'identité nationale des Etats
membres « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles » ; qu'aux termes de
l'article I-6 : « La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des
compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des Etats membres » ; qu'il résulte d'une
62
CE, 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres. Voy les commentaires s’y rapportant de : D. Alland dans la RFDA 1998,
1094 ; F. Rayanud et P. Fombeur dans l’AJDA 1998, 1039 ainsi que de D. Simon dans la Revue Europe de mars 1999, p. 46.
63
C. cas., 2 juin 2000, Pauline Fraisse. Voy. sur cet arrêt Alain Ondoua, « La Cour de cassation et la place respective de la
Constitution et des traités dans la hiérarchie des normes (A propos de l’arrêt n° 450P, Assemblée plénière, du 2 juin 2000Madame Pauline Fraisse) », RGDIP, 2000, p. 985-1001.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
66
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
déclaration annexée au traité que cet article ne confère pas au principe de primauté une portée autre que
celle qui était antérieurement la sienne ;
13. Considérant que, si l'article I-1 du traité substitue aux organisations établies par les traités
antérieurs une organisation unique, l'Union européenne, dotée en vertu de l'article I-7 de la personnalité
juridique, il ressort de l'ensemble des stipulations de ce traité, et notamment du rapprochement de ses articles I-5
et I-6, qu'il ne modifie ni la nature de l'Union européenne, ni la portée du principe de primauté du droit de
l'Union telle qu'elle résulte, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions susvisées, de
l'article 88-1 de la Constitution ; que, dès lors, l'article I-6 du traité soumis à l'examen du Conseil
n'implique pas de révision de la Constitution ; …
c) La position de la Cour de Justice de l’UEMOA
Concernant le droit UEMOA, la question a connu une évolution récente à la faveur d’une demande
d’avis introduite par la Commission de l’UEMOA auprès de la Cour de Justice de l’UEMOA. Celle-ci dans son
avis du 18 mars 2003, rendu en assemblée générale consultative, soutient que :
« La primauté bénéficie à toutes les normes communautaires, primaires comme dérivées,
immédiatement applicables ou non, et s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales administratives,
législatives, juridictionnelles et même constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte
dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux.
Les Etats ont le devoir de veiller à ce qu’une norme de droit national incompatible avec une norme de
droit communautaire qui répond aux engagements qu’ils ont pris ne puisse pas être valablement opposée à celuici. Cette obligation est le corollaire de la supériorité de la norme communautaire sur la norme interne »64.
La position de la Cour de Justice de l’UEMOA est des plus claires. Il y a lieu cependant de relativiser
grandement la portée de la solution ainsi donnée. D’une part, elle est donnée sous la forme d’un avis. Or si la
force exécutoire des arrêts de la Cour est affirmée65, tel ne semble pas être le cas en ce qui concerne les avis
pour lesquels le règlement de procédures de la Cour se contente d’énumérer les domaines dans lesquels l’avis
de la Cour peut être sollicité66. D’autre part, en adoptant une telle solution, la Cour de Justice de l’UEMOA ne fait
qu’emboîter le pas à son aînée, la Cour de justice des Communautés européennes, qui, depuis son arrêt du 15
juillet 1964, a consacré la primauté du droit communautaire sur les droits internes des Etats membres. Or cela
n’a pas empêché les juridictions supérieures des Etats membres de la Communauté d’affirmer la place de la
constitution au sommet de l’ordre juridique, notamment en France avec le Conseil constitutionnel, le Conseil
d’Etat et la Cour de cassation. Il est probable que cette position des juridictions supérieures des Etats membres
de l’Union européenne serait suivie par les juridictions internes des Etats membres de l’UEMOA si elles étaient
saisies d’un problème similaire, surtout avec la sacralisation de la constitution que l’on y observe.
Il faut mentionner pour terminer l’opinion d’un auteur qui souhaite l’abandon de la thèse de la
hiérarchie normative et prône l’adoption de la thèse de l’harmonie normative. S’appuyant sur certaines décisions
de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat français, l’auteur relève que ces Hautes juridictions procèdent à une
interprétation conciliatrice des normes concernées aboutissant à une égalité normative des normes
concernées67.
64
Avis n° 001/2003 du 18 mars 2003 sur demande d’avis de la Commission de l’UEMOA relative à la création d’une Cour
des comptes au Mali.
65
Protocole additionnel n° I relatif aux organes de contrôle de l’Union, article 20.
66
Voy. le règlement n° 01/96/CM du 5 juillet 1996 portant règlement de procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA,
article 15, 7.
67
Ghislaine Alberton, « De l’indispensable intégration du bloc de conventionnalité au bloc de constitutionnalité ? », Revue
française de droit administratif, n° 2, mars-avril 2005, p. 249 et s. Dans un sens voisin, MM. Ph. Brouwers et H. Simonar
(« Le conflit entre la constitution et le droit international conventionnel dans la jurisprudence de la Cour d’arbitrage »,
Cahiers, 1994, p. 21) suggèrent que « soient mis en place, en droit belge, des mécanismes permettant une intégration la plus
harmonieuse possible des ordres juridiques en cause. La nécessité pour tout traité d’obtenir l’assentiment législatif pour
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Mais quelle va être la conséquence pratique de la primauté ou de la prééminence du droit
communautaire sur le droit interne ? Les règles nationales contraires sont-elles abrogées ou simplement
écartées ?
3) La conséquence de la solution : la portée abrogatoire des droits communautaires
Il est certain que si le juge national se trouve devant un cas de contrariété entre une norme
communautaire et une norme nationale ou interne, il a le devoir de faire prévaloir la première. C’est ce que
formule en termes exprès la Cour de Justice de l’UEMOA dans son avis du 18 mars 2003. Pour elle, « le juge
national, en présence d’une contrariété entre le droit communautaire et une règle de droit interne, devra faire
prévaloir le premier sur la seconde en appliquant l’un et en écartant l’autre »68. La norme ainsi évincée subsiste-telle ou est-elle abrogée ? Et dans le cas de l’abrogation, dans quelle mesure opère-t-elle ? L’abrogation
concerne-t-elle toute la loi ou seulement les dispositions de la loi qui sont contraires à celles du droit
communautaire ? Quelles conséquences tirer de cette abrogation ?
a) Les règles générales
On aurait pu penser que l’important est que la règle communautaire soit appliquée au détriment de la
règle interne qui se trouverait ainsi écartée mais pas nécessairement abrogée. N’est-ce pas ce que dit la Cour de
l’UEMOA lorsqu’elle affirme en quelque sorte que l’important est « qu’une norme de droit national incompatible
avec une norme de droit communautaire qui répond aux engagements qu’ils [les Etats membres] ont pris ne
puisse pas être valablement opposée à celui-ci ». Cependant, il découle des textes, en particulier du Traité de
l’OHADA, qu’en cas de contrariété entre une norme de droit communautaire et une norme de droit national, la
seconde va se trouver abrogée et non simplement momentanément écartée comme dans le cas d’une exception
d’illégalité soulevée devant le juge judiciaire. Les Etats ont entendu reconnaître aux normes communautaires un
« effet abrogatoire automatique » pour toutes les dispositions nationales contraires.
En pratique, il n’est pas aisé de délimiter la portée abrogatoire des droits dérivés, en particulier celle
des actes uniformes. En effet, relativement à l’abrogation des règles internes antérieures ou postérieures
qu’opèrent les actes uniformes, deux interprétations peuvent être proposées. La première consiste à considérer
comme abrogées ou interdites pour l’avenir les lois ayant le même objet que tel ou tel acte uniforme de l’OHADA
ou règlement de l’UEMOA sans qu’il y ait lieu de se demander si ces lois contiennent telle ou telle disposition
précise contraire à celles d’un acte uniforme ou d’un règlement. La seconde invite à ne pas considérer
l’ensemble du texte ayant le même objet que l’acte uniforme ou le règlement comme étant abrogé mais
seulement ses dispositions précises qui seraient contraires à celles d’un acte uniforme ou du règlement. La
première interprétation semble a priori préférable parce que plus aisée à mettre en œuvre et donnant une grande
portée à l’œuvre d’uniformisation du droit tandis que la seconde risque de priver l’uniformisation de toute
efficacité69 et conduit à un examen tatillon et harassant aux résultats incertains à même de nuire à la sécurité
juridique recherchée70.
produire effet en droit interne est déjà l’occasion d’un contrôle préventif systématique opéré par la section de législation du
Conseil d’Etat ».
68
Avis n° 001/2003 précité du 18 mars 2003.
69
Issa-Sayegh J., op. cit., p. 21.
70
La question n’est cependant pas si simple dans la mesure où des actes uniformes, comme celui relatif au droit commercial
général (article 1er), maintiennent expressément en vigueur les lois qui ne leur sont pas contraires. Par ailleurs, certaines
dispositions des actes uniformes ont un objet spécifique impliquant le maintien des dispositions du droit interne qui constitue
le droit commun : tel est le cas de celles relatives à la vente commerciale qui, non seulement n’abrogent pas les dispositions
du Code civil relatives à la vente (articles 1582 à 1601), mais en plus invitent à les utiliser à titre de complément (article
205, AUDCG).
Enfin, certaines dispositions des actes uniformes peuvent avoir un caractère supplétif laissant subsister la norme interne :
par exemple, l’Acte uniforme sur les sûretés dispose que le cautionnement est réputé solidaire mais laisse la possibilité du
cautionnement simple lorsqu’il en est décidé ainsi, expressément, par la loi de chaque Etat partie (ou la convention des
parties).
C’est dire que les nouveaux textes n’anéantissent pas systématiquement les dispositions des textes internes antérieurs mais
doivent plutôt, assez souvent, s’y emboîter, ce qui pose également le problème de l’application des actes uniformes dans le
temps.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
68
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Ce n’est pourtant pas cette position qui est retenue par la CCJA dans son avis du 30 avril 2001. Cette
position est la suivante :
« Sauf dérogation prévue par les actes uniformes eux-mêmes, l'effet abrogatoire de l'article 10
concerne l'abrogation de tout texte législatif ou réglementaire de droit interne présent, ou l'interdiction de tout
texte législatif ou réglementaire de droit intérieur à venir.
Cette abrogation concerne toute disposition de droit interne ayant le même objet que celles des actes
uniformes, qu'elle soit contraire ou identique.
Selon les cas d'espèce, la "disposition" peut désigner un article d'un texte, un alinéa de cet article ou
une phrase de cet article.
Les dispositions abrogatoires contenues dans les actes uniformes sont conformes à l'article 10 du
Traité de l'OHADA.
L'effet abrogatoire du droit uniforme de l'OHADA découlant du Traité lui-même d’une part, et les Actes
uniformes dérivant de celui-ci d’autre part, il s'ensuit que les actes uniformes n'ont pas seuls compétence pour
déterminer leur effet abrogatoire sur le droit interne.
Selon les cas d'espèce, une loi contraire peut s'entendre aussi bien d'un texte de droit interne ayant le
même objet qu'un Acte uniforme et dont toutes les dispositions sont contraires à celles d'un autre Acte uniforme,
que d'une loi ou d'un règlement dont seulement l'une des dispositions ou quelques-unes de celles-ci sont
contraires ; dans ce dernier cas, les dispositions du droit interne non contraires à celles de l'Acte uniforme
considéré demeurent applicables »71.
La position ci-dessus de la CCJA a l’avantage de réduire les risques de vides juridiques et de
permettre au droit national de venir au secours du droit communautaire en lui apportant d’utiles compléments.
Mais est-il vraiment nécessaire d’abroger expressément les dispositions de droit interne contraires ou
identiques ? La réponse négative paraît s’imposer.
b) Le caractère non obligatoire de l’abrogation expresse
Selon la CCJA, « en vertu du principe de supranationalité qu'il consacre, l'article 10 du Traité relatif à
l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique qui prévoit l'application directe et obligatoire des Actes Uniformes
dans les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure, contient
bien une règle relative à l'abrogation du droit interne par les Actes Uniformes »72.
Devant la complexité de la portée abrogatoire des droits communautaires, et tout particulièrement des
actes uniformes de l’OHADA, des auteurs comme Monsieur Djibril Abarchi suggèrent que le législateur lui-même
mène une recherche systématique des dispositions incompatibles avec le droit harmonisé pour les abroger
explicitement. M. Abarchi cite à cet égard l’exemple à suivre du législateur sénégalais73.
Certes, il peut être utile d’indiquer quels sont les textes nationaux ou leurs dispositions qui se trouvent
abrogés par tel ou tel texte de l’OHADA ou de l’UEMOA : ce qui va sans dire va mieux en se disant. Dans ce
sens, même les textes internes pourraient citer tous les textes abrogés au lieu du recours fréquemment fait à la
71
Avis n° 001/2001/EP précité du 30 avril 2001 de la Cour commune de justice et d’arbitrage. Voy. également sur cet avis et
de manière générale sur la portée abrogatoire des actes uniformes :
- Abarchi Djibril, « La supranationalité de l'OHADA », Revue burkinabè de droit, n° 37, deuxième semestre 2000, p. 9-27.
- Joseph Issa-Sayegh, « La portée abrogatoire des Actes uniformes de l’OHADA sur le droit interne des Etats parties »,
Revue burkinabè de droit, n° 39-40, n° spécial, 2001, p. 51-61.
- Félix Onana Etoundi, Jean Michel Mbock Biumla, OHADA : Cinq ans de jurisprudence de la Cour commune de justice et
d’arbitrage (CCJA)(1999-2004), Yaoundé, Presses de l’Atelier de Matériel, 1ère édition, 2005, p 129 et s.
72 Avis n° 001/2001/EP précité de la CCJA du 30 avril 2001.
73 op. cit., p. 24.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
formule : « Le présent texte abroge toutes dispositions contraires ». D’ailleurs, des études certainement utiles
sont menées sur ce plan au bénéfice de nombre d’Etats Parties au Traité de l’OHADA.
Sur le plan juridique toutefois, il n’est pas nécessaire que chaque législateur national intervienne pour
abroger l’ensemble des dispositions de son droit national qui seraient contraires ou identiques à celles du droit
communautaire. En effet, la supranationalité ou la primauté sur le droit interne fait que l’absence d’abrogation
expresse présente moins d’inconvénient qu’en droit interne où l’abrogation concerne des textes se situant au
même niveau au plan de la hiérarchie des normes juridiques74. A cet égard, la CCJA relève pertinemment :
« Au regard des dispositions impératives et suffisantes des articles 9 et 10 du Traité relatif à
l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, sont superfétatoires les textes d'abrogation expresse du droit
interne que pourraient prendre les Etats Parties en application des Actes Uniformes »75.
En définitive, non seulement l’abrogation expresse n’est pas nécessaire mais en plus elle peut, au
regard de l’expérience de certains Etats, se révéler dangereuse si elle n’est pas effectuée avec toutes les
précautions requises. On pourrait, en effet, malencontreusement abroger des dispositions internes qui seraient
d’utiles, voire d’indispensables, compléments au droit communautaire.
C – L’application des actes uniformes dans le temps
L’application des actes uniformes dans le temps, comme celle des normes juridiques nouvelles de
façon générale, soulève des difficultés. On peut retenir d’une part le problème des dates d’entrée en vigueur et
des délais de mise en conformité, d’autre part les problèmes liés à la non-rétroactivité des actes uniformes.
1)
Les dates d’entrée en vigueur et les délais de mise en conformité
En rappel, les actes uniformes entrent en vigueur 90 jours après leur adoption. Ils sont opposables 30
jours après leur publication au journal officiel (JO) de l’OHADA. Il y a lieu de souligner que la publication au JO
des Etats parties ou par tout autre moyen approprié est facultative du point de vue strictement juridique. Il n’en
est pas de même de la publication au JO de l’OHADA qui est tout à fait essentielle : l’entrée en vigueur ou
l’opposabilité des actes juridiques y est subordonnée. En effet, même si un délai de 90 jours s’est écoulé depuis
l’adoption d’un acte uniforme et que celui-ci n’a pas fait l’objet de publication dans ce délai, il ne peut entrer en
vigueur. « Seule sa publication au JO de l’OHADA déclenche son application maladroitement appelée
« opposabilité »76.
Mais c’est là la règle de principe : en effet, l’acte uniforme lui-même peut prévoir des modalités
particulières d’entrée en vigueur. C’est ainsi, par exemple, que l’AUDSC, adopté le 17 avril 1997, a prévu son
entrée en vigueur le 1er janvier 1998. L’AUPC, adopté le 10 avril 1998, a retenu le 1er janvier 1999 comme date
d’entrée en vigueur. Enfin, l’AUOHC, adopté à Yaoundé le 24 mars 2000, a prévu son entrée en vigueur pour le
1er janvier 2001 ou le 1er janvier 2002 selon qu’il s’agit de comptes personnels des entreprises ou de comptes
consolidés ou combinés. Ces « entrées en vigueur retardées » s’expliquent par la volonté de permettre aux
praticiens et aux utilisateurs de mieux connaître les règles nouvelles, souvent très techniques, avant leur mise en
application.
C’est également la même explication qui prévaut lorsque des délais postérieurs à l’entrée en vigueur
sont accordés aux assujettis pour se conformer aux nouvelles règles. Dans ce sens, l’AUDCG a permis aux
personnes physiques ou morales et aux GIE, constitués ou en cours de formation à sa date d’entrée en vigueur,
74 En sens contraire, un auteur mentionne que le « phénomène d’articulation de règles de provenance diverses n’est, à coup
sûr pas propre au droit communautaire. Il se présente déjà dans le droit interne, où telle ou telle disposition de la loi
gouverne le contenu du droit subjectif tandis que telle autre son opposabilité aux tiers ou encore la prescription de l’action
ou du droit lui-même. Mais dans ce cas, toutes les règles qu’il s’agit de combiner relèvent du même ordre juridique qui
fournit lui-même les définitions et catégories juridiques générales et uniformes permettant de discerner, sans trop de peine,
la combinaison exacte » (Josse Mertens De Wilmars, « Réflexions sur le système d’articulation du droit communautaire et du
droit des Etats membres », op. cit., p. 391).
75
Avis n° 001/2001/EP précité de la CCJA du 30 avril 2001.
76
Issa-Sayegh J., op. cit., p. 20.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
70
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
de mettre les conditions d’exercice de leur activité en harmonie avec la nouvelle législation dans un délai de deux
ans à compter de sa publication au JO77. C’est une situation comparable qui a prévalu pour l’AUDSC78. Un délai
de deux ans, soit du 1er janvier 1998 au 1er janvier 2000, a été accordé aux sociétés et groupements
antérieurement constitués pour mettre leurs statuts en conformité avec la nouvelle législation. Passé ce délai, et
pour éviter un « gâchis économique », il est prévu que les dispositions statutaires contraires, qui n’auront pas été
mises en conformité, sont simplement réputées non écrites. En revanche, les sociétés en commandite par
actions qui ne seront pas transformées en société d’une autre forme seront dissoutes. Il en est de même des SA
et des SARL qui, à l’issue de la période transitoire, n’auraient pas augmenté leur capital pour atteindre le
minimum légal. Le mécanisme mis en place par les articles 907 à 919 de l’AUDSC au titre des dispositions
transitoires, dont la complexité est généralement reconnue, particulièrement en ce qui concerne les sociétés
anonymes, a grandement perdu de son intérêt avec l’expiration du délai accordé aux sociétés et groupements
pour la mise en harmonie de leurs statuts avec les dispositions de l’Acte uniforme, sauf à faire jouer les sanctions
prévues en cas de défaillance.
Outre ces questions techniques auxquelles le Traité ou les actes uniformes donnent des solutions
relativement claires se pose le problème, classique mais difficile, de la prise en compte de la non-rétroactivité des
actes uniformes.
2) La non-rétroactivité des actes uniformes
La question de la non-rétroactivité se pose pour les actes uniformes comme pour les normes
juridiques internes. Elle est dominée par les principes dégagés du droit commun dans la mesure ou
généralement les actes uniformes ne contiennent pas d’indication précise en la matière ou reprennent celles
découlant du droit commun.
Le principe de non-rétroactivité signifie qu’une norme juridique nouvelle ne peut remettre en cause les
situations anciennes nées de l’application de la règle antérieure. Fondé sur la recherche de la sécurité juridique,
de la prévisibilité et de la justice, il trouve sa base textuelle dans l’article 2 du Code civil selon lequel « la loi ne
dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». Il faut concilier au mieux la nécessité de ne pas
déjouer les prévisions des parties et de ne pas remettre en cause les droits acquis avec celle de faire régir le
maximum de situations par la loi nouvelle censée être de qualité supérieure à la loi ancienne et mieux à même de
satisfaire l’intérêt général et les intérêts particuliers. Sur ce plan, l’on attend beaucoup des actes uniformes tant
en ce qui concerne la qualité technique que l’impact économique bénéfique.
La question ne soulève pas de difficulté dans deux séries de cas : d’abord lorsque la situation juridique
réglée par la loi nouvelle ne naît qu’après l’entrée en vigueur de cette loi, comme une sûreté qui serait constituée
après le 1er janvier 1998, date d’entrée en vigueur de l’Acte uniforme sur les sûretés : il est évident que c’est la loi
nouvelle qui la régit ; ensuite lorsque la situation juridique a disparu : par exemple, une procédure collective
ouverte sous l’empire de loi ancienne a été clôturée avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme sur les
procédures collectives, de sorte que la loi nouvelle ne peut lui être appliquée.
Du droit commun, on déduit qu’échappent à la loi nouvelle en vertu du principe de non rétroactivité les
droits ou situations juridiques acquis ou constitués avant elle, les effets des situations juridiques contractuelles et
non ceux des situations juridiques non contractuelles. Cependant, les lois d’ordre public, celles de procédure et
de compétence judiciaire s’appliquent immédiatement. En revanche, les lois non pénales peuvent être
rétroactives si telle est l’intention claire du législateur. Enfin, les lois interprétatives et les lois pénales plus douces
rétroagissent.
Appliquée aux actes uniformes, cette question pleine de nuances, appelle les remarques suivantes :
77
L’AUDCG a été publié au JO OHADA, n° 1 du 1er octobre 1997, p. 1 et s.
L’AUDSC a été publié au JO OHADA, n° 2 du 1er octobre 1997, p. 1 et s.
Voy. : - Fénéon A. et Chassey S., La mise en harmonie des statuts des sociétés anonymes au Burkina Faso, Revue burkinabè
de Droit, n° 35 – 1er semestre 1999, p. 7 à 17 ;
- OHADA : Droit des sociétés commerciales et du GIE, Commentaires, EDICEF/Editions FFA, 1998, p. 322 à 328.
78
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
71
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
- les actes uniformes s’appliquent aux situations juridiques en cours de constitution comme les sûretés
non encore constituées mais faisant seulement l’objet d’une promesse ;
- lorsqu’une situation est statutaire c’est-à-dire entièrement définie par un acte uniforme, le nouveau
texte lui est immédiatement applicable ; tel est le cas des commerçants même s’ils exerçaient le commerce
depuis longtemps ou des sociétés et groupements d’intérêt économique existants ; par faveur, un délai plus ou
moins important peut être accordé pour la mise en conformité des conditions d’exercice ou la mise en harmonie
des statuts aux nouvelles dispositions ;
- lorsqu’il s’agit de contrats en cours, sauf disposition contraire d’un acte uniforme pour des raisons
d’ordre public, la loi ancienne continue de recevoir application.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
72
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Conclusion
En conclusion, le processus d’harmonisation du droit des affaires en cours en Afrique prévoit des
institutions légères, une procédure simple et rapide permettant de parvenir dans des délais raisonnables à
l’adoption de textes harmonisés dans la plupart des matières relevant du droit des affaires. Les actes uniformes,
dont le contrôle de la correcte application incombe à la CCJA, soulèvent des interrogations ayant trait à la
délimitation de leur champ géographique, matériel et personnel, à leur place dans le système juridique ainsi qu’à
leur application dans le temps, interrogations auxquelles la brève analyse ci-dessus a été consacrée. Les actes
uniformes constituent assurément la finalité immédiate de l’OHADA mais la finalité médiate poursuivie par ce
processus d’intégration juridique est d’ordre économique et social.
L’harmonisation devrait se révéler bénéfique pour le monde des affaires et des entreprises à un double
plan : au plan sous-régional parce qu’elle va décloisonner les marchés ; en effet, la plupart des obstacles que l’on
rencontre lorsque l’on franchit les frontières nationales sont d’ordre juridique. Au plan national ou interne, parce
que chaque Etat va être doté de règles simples, modernes et adaptées, de manière rapide et à un moindre coût.
L’on sait que la plupart des Etats ayant conservé la législation coloniale devenue vétuste et inadaptée
envisageaient des réformes plus ou moins profondes dans le domaine du droit des affaires et des entreprises.
Par ailleurs, l’harmonisation, que l’on peut tenter de distinguer de l’intégration organique, n’entraîne ni
solidarité, ni perte financière et peut constituer une base solide sur laquelle l’intégration économique effective et
efficace pourra se construire.
L’harmonisation entraîne néanmoins une perte de souveraineté même si elle peut sembler limitée
puisque l’Assemblée nationale et la juridiction de cassation perdent leurs compétences relativement aux matières
faisant l’objet d’harmonisation. Mais s’agissant spécialement de l’Assemblée, il ne s’agit pas d’une grande perte
puisque, depuis l’indépendance, très peu de législateurs africains sont intervenus de façon profonde dans ces
matières. Néanmoins, passé la phase du lancement, marquée par l’urgence, il peut sembler opportun, pour plus
d’efficacité, de trouver les voies appropriées d’implication des pouvoirs et institutions au sein des Etats afin
d’éviter que l’harmonisation apparaisse comme une greffe sur un corps étranger ou un mécanisme affaiblissant la
démocratie dont l’approfondissement au sein des Etats est prôné. Dans le même sens, l’adhésion des Etats
ayant le plus de liens, notamment économiques, avec ceux qui sont engagés dans le processus d’harmonisation
est recommandée. On notera également la nécessité de poursuivre la diffusion du droit OHADA79.
Au total, le processus d’harmonisation du droit des affaires, tel qu’entrepris, est un instrument efficace
et peu onéreux du développement économique des Etats concernés, dont on peut espérer l’aboutissement
prochain avec un peu plus d’enthousiasme et d’implication des parties prenantes. Pour le moment, malgré son
importance, le processus d’harmonisation ne semble pas avoir pris toute la place qui lui revient dans les Etats
parties, si bien qu’il demeure une certaine incertitude, même si celle-ci semble limitée, quant au devenir du
processus et des actes uniformes qui en découlent. Concernant ce genre d’incertitude si fréquente dans le
domaine juridique, un auteur a écrit de manière imagée que les constitutions sont comme des vins de noble
extraction dont nul ne sait s’ils vieilliront bien. Il est permis d’espérer que le Traité, les actes uniformes et les
autres textes de l’OHADA qui en dérivent vieilliront bien.
79
Le droit OHADA est assurément plus connu que le droit interne des Etats parties et que le droit UEMOA. Cela est dû aux
actions de diffusion, de vulgarisation et d’analyse approfondie dont il a bénéficié. Beaucoup d’opérateurs économiques
analphabètes savent l’existence de l’OHADA et de ses actes uniformes. Sans ces actions, la seule publication au journal
officiel (JO) de l’OHADA aurait été inopérante car, comme le bulletin officiel (BO) de l’UEMOA, celui-ci n’est ni bien
connu ni accessible. Chaque Etat devrait avoir des points de dépôt de ces supports juridiques de première main que sont ces
JO et BO.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
73
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
L’INTERVENTION DES HAUTES JURIDICTIONS DANS L’ELABORATION DES ACTES LEGISLATIFS
ET REGLEMENTAIRES
Par Gabriel DOSSOU, Bâtonnier de l’ordre des Avocats du Bénin
INTRODUCTION
Deux cents ans après la promulgation du code civil, le contrôle de la quantité des lois et de leur qualité
est devenu très difficile. De l’arche sainte où on l’avait placée au 18ème siècle, la loi est donc tombée au niveau
des vicissitudes banales de la production législative, qui s’est sous certains cieux, industrialisée, standardisée ;
ses produits finis s’ajoutent et s’intègrent sans relâche au stock de textes des J.O. : productivité ferait donc loi.
L’opinion générale formule de plus en plus de très vives critiques sur la prolifération des lois leur mode
d’adoption, leur rédaction, leur style et leur contenu.
Ainsi en France le rapport public du conseil d’Etat pour l’année 1991, s’intéressant à la sécurité
juridique, a souligné l’instabilité des règles, la dégradation de la norme, les textes d’affichage, un droit mou, un
droit flou, un droit à l’état gazeux, la pratique des lois fourre-tout et la hâte avec laquelle sont préparés et
examinés certains textes ; toute chose qui est valable et en vogue dans les pays africains.
Or l’Etat a l’obligation d’assurer l’accessibilité au droit et à la sécurité juridique sous peine de sanction
pour violation par la Cour Constitutionnelle de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité
de la loi, complétée par le principe de clarté de cette même loi.
La confection de la loi, expression de la volonté générale – pour reprendre les termes de la déclaration
de 1789 – est une action majeure dans tout régime démocratique.
Toute recherche sur la technique législative ou la légistique se présente comme l’espoir d’un soin pour
la loi malade.
C’est le mérite exceptionnel des présentes assises qui mettent l’accent sur l’Intervention des Hautes
Juridictions dans l’élaboration des Actes Législatifs et Réglementaires.
Afin de cerner au mieux les contours de ce thème aussi vaste, il convient à mon sens de s’interroger
dans un premier temps sur l’importance de l’Intervention des Hautes Juridictions dans l’élaboration des actes
législatifs et réglementaires, quitte à étudier dans un second élan l’influence relative de la jurisprudence des
hautes juridictions sur l’élaboration des textes législatifs et réglementaires.
I – L’IMPORTANCE DE L’INTERVENTION DES HAUTES JURIDICTIONS DANS L’ELABORATION
DES TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES
A – Les Hautes Juridictions Nationales
1 – L’intervention de la Cour Suprême
L’article 132 de la Constitution du Bénin est le siège de cette intervention.
Ce texte dispose en effet : « La Cour Suprême est consultée par le Gouvernement, plus
généralement sur toutes les matières administratives et juridictionnelles.
Elle peut, à la demande du Chef de l’Etat, être chargée de la rédaction et de la modification de
tous les textes législatifs et réglementaires, préalablement à leur examen par l’Assemblée Nationale ».
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
74
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Il ressort de ce texte que la Cour Suprême joue deux (02) rôles essentiels dans l’élaboration des
textes législatifs et réglementaires à savoir :
- donner son avis sur toutes les matières administratives et juridictionnelles.
- rédiger et modifier les textes législatifs et réglementaires.
L’avis de la Cour Suprême en matières administrative et juridictionnelle
Cet avis est sollicité par le Gouvernement.
Il s’agit pour le pouvoir exécutif de solliciter l’expertise de la Cour Suprême qui est une institution
regroupant des spécialistes rompus à la tâche dans les matières concernées.
Mais la loi fondamentale n’indique pas qu’il s’agit d’un avis qui lie le Gouvernement. Il s’agit donc d’un
avis purement consultatif même s’il est motivé.
La rédaction et la modification des textes législatifs et réglementaires
Rédaction et modification des textes législatifs
Aux termes de l’article 105 de la Constitution du Bénin, « l’initiative des lois appartient
concurremment au Président de la République et aux membres de l’Assemblée Nationale.
Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis motivé de la Cour
Suprême saisie conformément à l’article 132 de la présente Constitution. »
Ainsi, sur demande du Gouvernement, la Cour suprême intervient dans l’élaboration des textes
législatifs, qu’il s’agisse de leur rédaction ou même de leur modification. C’est suite à cette intervention que le
texte législatif susdit est transmis sous forme de projet, à l’Assemblée Nationale.
Rédaction et modification des textes réglementaires
Comme pour la rédaction des textes législatifs, la Cour Suprême peut être sollicitée par le
Gouvernement pour son expertise.
Cette rédaction ou modification faite par la Cour Suprême est préalable à l’élaboration définitive du
texte réglementaire en question qui du point de vue formel, est l’œuvre exclusive du Gouvernement.
L’intervention postérieure de la Cour Suprême n’a lieu enfin que dans le cadre de la modification (qui
suppose que le texte existe déjà) d’un texte législatif ou réglementaire telle que prévue par l’article 132 alinéa 2
de la Constitution, et dont il a été débattu plus haut.
2 – L’intervention de la Cour Constitutionnelle
Cette intervention a lieu dans plusieurs cas :
Cas de mise en accusation du Président de la République
Dans ce cas, le Président de la Cour constitutionnelle assure l’intérim du Président de la République
en exerçant toutes les fonctions de celui-ci à l’exception de celles prévues aux articles 54 alinéa 3, 58, 60, 101 et
154 de la Constitution.
En clair, le Président de la Cour Constitutionnelle exerce dans ces circonstances le pouvoir
réglementaire et dispose de l’administration publique. Il peut donc être amené à prendre des actes
réglementaires, ou même l’initiative d’un acte législatif.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Les avis de la Cour Constitutionnelle
L’avis de la Cour Constitutionnelle est sollicité dans plusieurs cas :
- Lorsque le Président de la République prend l’initiative d’un référendum sur toute question relative à
la promotion et au renforcement des droits de l’homme, à l’intégration sous-régionale ou régionale et à
l’organisation des pouvoirs publics. (art 58 de la Constitution)
- Lorsque le Président de la République entend prendre des mesures exceptionnelles en cas de
menaces graves et immédiates pesant sur l’intégrité du territoire national, l’indépendance de la nation etc. (art 68
de la Constitution)
- Lorsque le Gouvernement souhaite prendre par ordonnances, des mesures qui sont du domaine de
la loi. (art 102 de la Constitution)
- Lorsque le Gouvernement entend prendre des décrets pour modifier des textes législatifs intervenus
dans le domaine réglementaire. (art 100 de la Constitution).
L’intervention de la Cour Constitutionnelle comme juridiction
Il s’agit de l’hypothèse où la Cour est saisie par le Gouvernement ou l’Assemblée Nationale pour
connaître d’une contestation relative aux propositions, projets et amendements se situant en dehors du domaine
de la loi. (art 104 alinéa 4 de la Constitution).
L’Intervention postérieure de la Cour Constitutionnelle s’observe pour sa part à double titre.
Compétence de la Cour Constitutionnelle en matière de promulgation de la loi
Lorsque, à la suite de la transmission d’une loi au Chef de l’Etat, ou d’une seconde délibération de la
loi, sur sa demande, celui-ci refuse de promulguer ladite loi, la Cour Constitutionnelle, saisie par le Président de
l’Assemblée Nationale, est compétente pour déclarer la loi exécutoire si elle est conforme à la Constitution. (art
57 alinéa 6 et 7 de la Constitution).
La Cour Constitutionnelle, Juge de la constitutionnalité des actes législatifs et réglementaires
Cette attribution prend sa source dans l’article 114 de la Constitution. Il y est notamment mentionné
que la haute juridiction est juge de la constitutionnalité de la loi et qu’elle est régulatrice de l’activité des pouvoirs
publics.
Cette juridiction peut donc être saisie soit d’office soit sur demande du Chef de l’Etat où de tout
membre de l’Assemblée Nationale sur la constitutionnalité des lois avant leur promulgation.
Elle peut être également saisie par tout citoyen, soit à titre principal, soit de façon incidente par
l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant une juridiction qui doit surseoir à statuer jusqu’à la décision de
la Cour Constitutionnelle.
La loi doit être entendue ici dans son sens large.
B – Les hautes juridictions sous-régionales
1 – La Cour commune de justice et d’arbitrage
Les articles 6 et 7 obligent les gouvernements des Etats parties au traité OHADA, avant toute
délibération et adoption des Actes Uniformes, à recueillir préalablement l’avis de la Cour commune de justice et
d’arbitrage.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
76
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Cet avis doit être donné dans un délai de trente (30) jours à compter de la date de réception de la
demande de consultation.
Le traité ne renseigne pas sur le caractère consultatif ou non de cet avis.
Il en découle que la Cour commune de justice et d’arbitrage OHADA joue un rôle important dans
l’élaboration des Actes Uniformes de l’OHADA.
Quid de la Cour de justice de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine ?
2 – La Cour de justice de l’UEMOA
C’est l’article 25 alinéa 2 de l’acte additionnel N° 10/96 portant statut de la Cour de justice de l’UEMOA
en date du 10 mai 1996, qui permet à cette Juridiction d’émettre des avis et des recommandations sur tout projet
de texte soumis par la commission, même s’il s’agit d’accords ou de conventions internationaux.
Il faut cependant préciser que l’avis émis dans ce cadre n’est que consultatif et que la saisine de la
Cour de justice par la commission ou les Etats parties, n’est que facultative.
II – L’INFLUENCE RELATIVE DE LA JURISPRUDENCE DES HAUTES JURIDICTIONS SUR
L’ELABORATION DES TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES
En raison du principe de la séparation qui peut être perçu en droit interne comme une limite à
l’influence de la jurisprudence des Hautes Juridictions sur l’élaboration des textes, seule la jurisprudence de la
Cour Constitutionnelle pour le cas du Bénin, exerce une véritable influence sur la confection de la loi, au contraire
de la Cour suprême, de la CCJA et la Cour de justice de l’UEMOA, dont la jurisprudence exerce une moindre
influence.
A – La jurisprudence de la Cour Constitutionnelle
En vertu de l’article 124 de la Constitution béninoise une disposition déclarée inconstitutionnelle ne
peut être promulguée ni mise en application, et les décisions de la Cour Constitutionnelle s’imposent aux
pouvoirs publics et à toutes les autorités mêmes juridictionnelles.
De même l’article 3 de la Constitution indique que toute loi, tout texte réglementaire et tout acte
administratif contraires à la Constitution sont nuls et non avenus.
C’est en raison de ces dispositions que la jurisprudence constitutionnelle exerce une influence
considérable sur l’élaboration de la loi.
Ainsi à travers de nombreuses décisions, la Cour Constitutionnelle béninoise, au risque de s’attirer de
vives critiques, a influencé la confection du Code des personnes et de la famille, et déclaré contraire à la
Constitution le texte de loi voté par les Députés pour augmenter la durée de leur mandat.
En revanche, la jurisprudence des autres Hautes Juridictions n’exerce pas la même influence.
B – Cas des autres Hautes Juridictions
Dans sa fonction d’interprétation de la loi, le Juge s’applique à rendre selon les mots du Premier
Président de la Cour de Cassation française, Monsieur CANIVET, une décision ponctuelle dans ses délais,
claire dans sa motivation, juste, prévisible et sûre dans sa solution, précise, adaptée et exécutable dans
son dispositif.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
77
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
A l’opposé du système de la common law, le système de droit romano-germanique impose le principe
de séparation des pouvoirs qui interdit implicitement aux Juges de légiférer.
Néanmoins, force est de constater que la doctrine jurisprudentielle surtout en cas de constance ou
même en cas de revirement, sert souvent de déclic et pousse le législateur à codifier dans le sens indiqué par les
Juridictions.
A ce jour, les cas du genre ne sont malheureusement pas légion au niveau de la Cour Suprême
béninoise ni à celui de la CCJA et de la Cour de justice de l’UEMOA.
CONCLUSION
Au total, il est à retenir que les Hautes juridictions africaines, notamment les Cours Suprêmes de
Cassation, Conseils d’Etat et Cours Constitutionnelles jouent un rôle particulièrement important dans l’élaboration
des actes législatifs et réglementaires.
A travers leur intervention, lesdites juridictions purgent les actes susdits de leurs irrégularités et les
rendent conformes à la loi fondamentale de chacun des Etats.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
INTERET DES HAUTES JURIDICTIONS COMMUNAUTAIRES ET INTERNATIONALES
Par Sadikou Ayo ALAO, Avocat-Conseil, Expert en Gouvernance
INTRODUCTION GENERALE
La régulation des relations entre les sujets de droit que sont les personnes physiques et morales de
droit public ou privé est à l’origine du développement au sein des sociétés organisées que sont les Etats, de
l’organisation et du développement de la fonction de justice.
La fonction de justice qui s’est révélée être un outil incontournable de gestion des contradictions, des
antagonismes, voire de la compétition qu’impliquent les activités humaines à l’intérieur d’un Etat, deviendra
rapidement un outil pour réguler les mêmes activités humaines au delà des frontières des Etats.
D’abord, paradoxalement suscitée par la guerre, la justice extra-nationale s’est révélée être un
excellent outil de « containment » de la guerre et des ambitions politiques de suprématie et ensuite de
développement des relations entre Etats et entre les personnes au delà des frontières.
Les traités ou accords régionaux entre Etats ou à travers le système des Nations Unies (Véritables lois
ou codes internationaux) ont précédé la mise en place d’organes de régulation des organisations internationales
et même des juridictions de régulation qui échappent à la justice nationale et des fois s’imposent à elle.
Nous sommes ainsi passés de la coopération à l’intégration et de l’intégration à la globalisation, certes
encore imparfaite, mais suffisamment avancée sur le plan de la justice au point de susciter quelquefois un « rasle-bol », pas toujours injustifié, mais qui peut être contenu comme le justifient les récentes évolutions de la justice
supra-nationale.
Si la justice internationale a commencé à pas feutrés par trouver un autre cadre que la guerre pour
gérer les relations difficiles entre Etats, très rapidement les relations économique et sociales ont fait leur
apparition dans la justice internationale.
De même, pour donner plus de chance aux intégrations régionales et au développement devant
l’étroitesse des marchés nationaux, la justice extra-nationale en matière du droit des affaires s’est révélée être un
excellent outil de rapprochement et d’intégration. Cette avancée significative est appelée à faire d’immenses
progrès dans son propre domaine comme dans d’autres domaines, au fur et à mesure que renaîtra la confiance
intérieure indispensable à la sécurité d’une manière générale.
C’est d’ailleurs cette nécessité de sécurité et de respect des droits humains qui a conduit aux
développements récents dans le domaine de la justice criminelle internationale.
L’intérêt de cette justice extra-nationale ne peut s’apprécier que si l’on l’examine de manière
typologique conformément aux critères de création et d’établissement de la compétence matérielle des
juridictions au plan national.
Ici, seuls les principes sur lesquels reposent ces juridictions et quelques pratiques générales qui
dérogent aux pratiques nationales retiendront notre attention dans la mesure où leur connaissance est
susceptible d’enrichir les pratiques nationales à une époque où la notion de compétence universelle fait du
chemin.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
CHAPITRE I : DES JURIDICTIONS A CARACTERE POLITIQUE
Sous ce vocable un peu court, il faudra rassembler toutes les structures à caractère juridictionnel
internationales ou régionales chargées de réguler les relations entre les Etats ainsi que la protection des droits
humains, à l’exclusion des commissions et autres institutions internationales ayant en charge des activités
similaires.
Dans ce cadre, seules la Cour internationale de justice (CIJ), la Cour africaine de justice et des droits
de l’Homme et la Cour de Justice de la Communauté, CEDEAO retiendront notre attention.
Paragraphe 1 : LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE (CIJ)
1) Organe majeur des Nations Unies, la CIJ a été créée en 1946 pour succéder à la Cour permanente
de justice internationale de la Société des Nations.
2) Sa fonction est de rendre des jugements sur les disputes qui lui sont présentées par les Etats et de
fournir des avis consultatifs sur des questions à elles posées par la Charte des Nations Unies ou les Traités et
conventions en vigueur (article 36-1 du Statut de la Cour), les Etats, acceptant dans le cadre d’une réciprocité,
l’obligation de la juridiction de la Cour sur les différends ayant trait à (art. 36.2) :
- l’interprétation d’un Traité,
- Tout point de droit international,
- La réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement international,
- La nature et l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement international.
Il reste entendu que c’est à la Cour qu’il appartient de statuer sur sa compétence en cas de
contestation.
3) Les éléments du droit applicable devant la Cour conformément à l’article 38 du Statut sont :
- Les conventions internationales, soit générales, soit spéciales établissant des règles expressément
reconnues par les Etats en litige,
- La coutume internationale comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit,
- Les principes généraux du droit reconnus par les Nations civilisées,
- Sous réserve des dispositions de l’article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes
les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit,
- La Cour peut aussi statuer ex æquo et bono si les parties sont d’accord (en équité).
4) La Doyenne des juridictions internationales a largement fait ses preuves dans les disputes et
conflits de limitation des frontières.
Pour mémoire, en Afrique de l’Ouest, l’appartenance des Iles de BAKASSI entre le Nigeria et le
Cameroun dénouée en 2003 poursuit sa mise en œuvre avec l’aide des Nations Unies.
De même, le conflit entre l’Erythrée et l’Ethiopie a connu un arbitrage en 2002 ; la mise en œuvre de
cet arbitrage reste laborieuse.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
80
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
D’autres cas, séquelles de l’autodétermination inachevée de l’Afrique, pourraient lui être soumis
comme celui des Iles Chagos (entre Maurice et le Royaume Unis) ou celui de Mayotte (entre la France et les
Comores).
5) Les fonctions et activités juridictionnelles et consultatives de la Cour ont permis une consolidation
du droit international tant public que privé. Ils ont permis de consolider la paix, but ultime de l’organisation des
Nations Unies.
6) Le mode de saisine de la Cour reste imparfait, de même que la portée de ses décisions. Les effets
induits aux plans matériel, académique et intellectuel, restent limités à l’exclusion de l’enrichissement des
sources juridiques (Droit international)80
Paragraphe 2 : LA COUR AFRICAINE DE JUSTICE ET DES DROITS DE L’HOMME
1) a) La Cour africaine de justice et des droits de l’Homme a été créée par l’Acte constitutif de
l’Union Africaine adopté le 12 juillet 2000 et est régie par le Protocole adopté le 11 juillet 2003 à Maputo
(Mozambique). Son siège est à Addis-Abeba, siège de l’Union81.
b) La Cour se compose de 11 juges indépendants élus parmi les personnes jouissant de la plus haute
considération morale et qui réunissent les conditions nécessaires requises pour l’exercice des plus hautes
fonctions judiciaires ou qui sont des jurisconsultes possédant une compétence notoire en matière de droit
international dans leurs pays respectifs. Chaque Etat membre ne peut présenter qu’un candidat. Les juges sont
élus pour un mandat de 6 ans renouvelable une fois. La cour élit son Président et Vice-Président pour une
période de 3 ans renouvelable une fois (art. 3 à 13 du Protocole)
2) La Cour est compétente pour connaître des différends et requêtes qui lui sont soumis
conformément à l’Acte constitutif de l’Union Africaine et à son Protocole (Statut) (article 19 du Protocole) et ayant
pour objet :
a) L’interprétation et l’application de l’Acte (Acte constitutif de l’UA) ;
b) L’interprétation, l’application ou la validité des Traités de l’Union (UA) et de tous les instruments
juridiques subsidiaires adoptés dans le cadre de l’Union ;
c) Toute question relative au droit international ;
d) Tous actes, décisions, règlements et directives des organes de l’Union ;
e) Toutes questions prévues dans tout autre accord que les Etats parties pourraient conclure entre
eux ou avec l’Union et qui donne compétence à la Cour ;
f) L’existence de tout fait qui, s’il est établi, constituerait une rupture d’une obligation envers un Etat
partie ou l’Union ;
g) La nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement.
Par ailleurs, la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’UA, peut donner compétence
à la Cour pour connaître des litiges autres que ceux visés ci-dessus.
80
Les résumés des arrêts, avis consultatifs, ordonnances de la CIJ et autres informations sur la CIJ peuvent être trouvés sur
le site de la Cour http//www.icj-cij.org
81
Le Protocole adopté le 11 juillet 2003 à Maputo n’est pas encore entré en vigueur, parce que non encore ratifié par la
majorité requise d’au moins 15 Etats membres
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
81
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
3) Le droit applicable : Si le droit international reste la principale source d’inspiration du règlement
des différends soumis à la Cour, l’article 20 du Protocole y ajoute :
a. L’Acte constitutif de l’UA ;
b. Les Traités internationaux, généraux ou spéciaux établissant des règles expressément reconnues
par les Etats en litige ;
c. La coutume internationale, comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit ;
d. Les principes généraux du droit reconnus universellement ou par les Etats africains ;
e. Sous réserve des dispositions de l’article 37 du présent Protocole (obligation attachée aux arrêts de
la Cour par les parties), les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes
Nations ainsi que les règlements, les directives et les décisions de l’Union comme moyens auxiliaires de
détermination des règles de droit.
Il faut ajouter que les dispositions précédentes ne portent pas atteinte à la faculté pour la Cour de
statuer ex-aequo et bono, si les parties sont d’accord.
4) Comme la Cour Internationale de Justice (CIJ), la saisine de la Cour de l’UA peut être consultative
comme contentieuse.
a) La compétence consultative s’exerce à la demande des organes de l’Union ;
b) La compétence contentieuse s’exerce sur les différends qui lui sont soumis en matière
d’interprétation et d’application de l’Acte constitutif de l’UA, des textes de l’UA et pour toutes questions relatives
au droit international ;
c) A la différence de la CIJ, il est clair que l’orientation donnée à la Cour est plus juridictionnelle que
politique. Ceci est d’autant plus important, dans la mesure où l’Acte constitutif de l’UA contient des dispositions
potentiellement litigieuses comme celle concernant le droit d’intervention de l’UA ;
d) Le volet droit de l’homme rattaché à la compétence de la Cour devrait conduire à terme :
D’une part , à la fusion en faveur de la Cour, de ses compétences avec celles de la Cour Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples, dont la saisine par les individus était problématique et les décisions non
contraignantes pour les Etats82. Ceci ne fera donc que l’objet de commentaire plus spécifique dans le cadre de la
présente étude83 ;
Et d’autre part, à ouvrir la saisine de la Cour aux individus et aux ONG84 alors qu’il sera possible
d’étendre les sanctions infligées aux Etats en cas d’inexécution des arrêts de la Cour aux cas d’atteintes aux
droits de l’Homme85.
82
Voir a/s : Etude de Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU, Avancées et limites du système africain de protection des droits
de l’homme : la naissance de la Cour africaine de droit de l’Homme et des peuples in Revue des droits fondamentaux :
http//www.droits-fondamentaux.org/article php3 ?id_article=79
83
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples créée en 1998 à Ouagadougou, sur la base de la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples
84
En vertu du Protocole de Ouagadougou de 1998, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a une double
compétence : obligatoire et facultative. Dans le cadre de sa compétence obligatoire, la Cour peut recevoir et traiter les
requêtes d’un certain nombre d’acteurs comme la Commission africaine des droits de l’homme, les Etats et les organisations
intergouvernementales. Dans le cadre de sa compétence facultative, la Cour peut recevoir et traiter les requêtes provenant
des individus et des ONG seulement si l’Etat mis en cause a préalablement reconnu à la Cour la compétence d’examiner les
requêtes des particuliers. Le projet de fusion institutionnelle de la Cour de justice et de la Cour africaine des droits de
l’Homme a permis de relancer les négociations sur la question de l’ouverture de la saisine de la Cour aux individus et aux
ONG (à l’instar du Protocole n° 11 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, du
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
82
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Paragraphe 3 : LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
1) a) La Cour de justice de la Communauté CEDEAO a été créée le 6 juillet 1991 à Abuja par le
Protocole n° A/P1/7/91, adopté le 26 août 1991 et est entré en vigueur le 5 novembre 1996, après sa création
par l’article 5 du Traité de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La Cour a
son siége à Abuja (Nigeria).
b) La Cour est composée de 7 juges nommés par la Conférence et choisis sur une liste de personnes
désignées par les Etats membres, un Etat ne pouvant désigner plus d’une personne. Les membres de la Cour
sont des juges indépendants, de haute valeur morale, possédant les qualifications requises dans leurs pays
respectifs pour occuper les plus hautes fonctions juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes de compétence
notoire en matière de droit international. Ils doivent être âgés de 40 ans au moins et 60 ans au plus. Un membre
ne peut prétendre à une nouvelle nomination s’il est âgé de plus de 65 ans. Les membres sont nommés pour un
mandat de 5 ans renouvelable une fois. Les membres élisent en leur sein le président et le Vice président
pendant une période de 3 ans (art. 3 à 8 du protocole)
2) Conformément aux dispositions de l’article 76.2 du Traité révisé et des articles 9 et 10 du Protocole
relatif à la Cour, la Cour a pour rôle principal, l’interprétation et l’application du Traité, des Protocoles et
conventions y annexées. La Cour est aussi compétente pour connaître des différends entre ses membres ou
entre ses membres et la Communauté relativement à l’interprétation et à l’application du Traité ; la tentative de
règlement amiable étant un préalable (article 76.1 du Traité de la CEDEAO)
3) Saisine :
a. Les Etats membres peuvent saisir la Cour en leur nom propre ou au nom de leurs ressortissants,
contre un autre membre ou une Institution de la Communauté relativement à l’interprétation et à l’application des
dispositions du Traité en cas d’échec des tentatives de règlement amiable (article 9.3 du Protocole)
b. La Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements peut, en cas de besoin saisir la Cour,
lorsqu’elle constate qu’un Etat membre n’a pas honoré ses obligations ou qu’une Institution de la Communauté a
agi en dehors des limites de sa compétence ou excédé ses pouvoirs tels que fixés par le Traité, une décision de
la Conférence ou un règlement du Conseil (article 7.3(g))
4) Outre les arrêts qu’elle prend à la suite de sa saisine, la Cour peut émettre des avis consultatifs sur
saisine de la Conférence des Chefs d’Etats, du Conseil des Ministres, d’un ou plusieurs Etats membres, du
Secrétaire Exécutif et toute autre Institution de la Communauté ( Article 18 du Protocole)
De même, la Conférence des Chefs d’Etats peut demander à la Cour d’émettre un avis sur toute
question juridique (article 7.3(h) du Traité)
Les citoyens de la Communauté peuvent également saisir la Cour en matière des violations des droits
humains, le Traité révisé garantissant les droits fondamentaux des citoyens de la CEDEAO conformément à la
Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples ; ceci à la suite d’un élargissement des compétences de
la Cour par une décision du Conseil des Ministres intervenue en 2003.
11 mai 1994). A ce jour, cette question fait encore l’objet de négociations, notamment sur la question d’introduire dans le
nouveau Protocole, une disposition offrant la possibilité aux Etats membres qui le ratifient, de formuler des réserves à
l’encontre d’une ou plusieurs dispositions et notamment celle qui concerne la compétence obligatoire de la Cour, étendue
aux requêtes individuelles. Voir : DUJARDIN Stéphanie, Pour une opérationnalisation rapide de la Cour africaine de
justice et des droits de l’homme, in EU-Africa e-alert, n° 3, Novembre 2006
85
Si le Protocole portant création de la Cour de justice prévoit la possibilité pour la Conférence de sanctionner l’inexécution
d’un arrêt par un Etat fautif, le protocole relatif à la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples ne donne aucune
force obligatoire aux arrêts de la Cour. Le nouveau Protocole permet donc d’étendre le régime des sanctions aux arrêts
relatifs aux droits de l’Homme. Voir DUJARDIN Stephanie, idem
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
83
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
5) La Cour, depuis sa création a eu à émettre des avis consultatifs et a même été saisie de cas de
violation de droits à la suite de la fermeture de la frontière entre le Bénin et le Nigeria par un ressortissant
Nigérian en 2003.
- Dans une décision à la lisibilité difficile, la Cour a enjoint au Nigeria de s’abstenir à l’avenir de telles
fermetures sans reconnaître au demandeur le droit d’introduire un tel recours (Arrêt n° 01/04/04 du 27 avril
2004)86.
- La jeune Cour de la CEDEAO n’a pas encore fait la preuve de sa détermination à exercer les
pouvoirs juridictionnels que lui confère son Protocole.
En conclusion de ce chapitre, on peut noter que l’impact de ces juridictions de type politique est très
important sur l’amélioration des relations inter-étatiques et l’intégration régional au sommet ; toutefois, force est
de reconnaître qu’au niveau des populations, l’impact reste limité même si on peut affirmer que la libre circulation
des personnes et des biens, même très aléatoire a cause de la corruption frontalière a connu une nette
amélioration.
Il n’est pas évident qu’à court terme, les nouvelles avancées en matière d’extension de compétence de
ces juridictions aux violations des droits humains (Cour de justice de l’Union Africaine et Cour de justice de la
Communauté, CEDEAO) y changent grand chose.
6. L’espoir est toutefois permis, car au niveau de la Cour de justice de l’Union Africaine, s’inspirant de
l’héritage de la bientôt défunte Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples, il y a un savoir faire qui peut
ébranler la résistance des Etats les plus téméraires.
Les premières initiatives de la Cour de justice de la Communauté, CEDEAO en matière de violation
des droits fondamentaux sont symptomatiques des limites des juridictions régionales en matière de protection
des droits fondamentaux. Cette situation n’a rien d’étrange, car des précédents existent au niveau de la
Commission des droits de l’Homme des Nations Unies qui n’a jamais admis sa compétence pour connaître des
violations des droits fondamentaux commises par les organes de l’ONU et en l’occurrence ses juridictions ad hoc.
86
Arrêt n° 01/04/04 du 27/04/04, M. OLAJIDE AFOLABI c/ Rep. Fédérale du Nigeria
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
84
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Chapitre 2 : DES JURIDICTIONS REGIONALES ET INTERNATIONALES A CARACTERE SOCIAL
Il s’agira ici d’examiner sommairement, au titre de la justice internationale du travail, les cas des
Tribunaux administratifs des Nations Unies et de l’Organisation Internationale du Travail pour noter les avancées
enregistrées et mesurer tout le chemin qu’il reste à parcourir pour une couverture intégrale de la justice sociale
en Afrique.
Paragraphe 1 : LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES (TA NU)
1) Créé le 24 Novembre 1949 (Résolution 351 A (IV) plusieurs fois amendée) par l’Assemblée
Générale des Nations Unies, le TANU est compétent pour régler les contentieux de travail entre le Secrétariat
des Nations Unies et ses fonctionnaires ou leurs successeurs. La violation des dispositions des contrats de
travail ou des conditions de service et toute réglementation y ayant trait sont concernés y compris le règlement
des pensions du personnel (Article 2-1 du Statut) pourvu que les faits à l’origine du contentieux soient survenus
après le 1er Janvier 1950 (Article 2-4 du Statut du TANU).
2) Les recours sont ouverts à tout fonctionnaire du Secrétariat même ayant cessé ses fonctions y
compris à ses successeurs en cas de prédécès.
Il en est de même pour toute personne pouvant se prévaloir de droits résultant du contrat de travail en
vertu du Statut du personnel ou autre règlement dont aurait pu se prévaloir le fonctionnaire.
En cas de contestation de sa compétence, c’est le TANU qui statue.
3) Les Magistrats du TANU sont au nombre de 7, désignés pour un mandat de 4 ans renouvelable une
fois par l’Assemblée Générale ; ils élisent eux-mêmes leur Président et deux Vice-Président.
Les réunions du TANU se font par des sessions ordinaires et extraordinaires.
Conformément à sa procédure telle que fixée par son Règlement, le TANU a rendu de nombreuses
décisions ; la jurisprudence du TANU est abondante et régulièrement publiée ; elle peut être consultée sur le site
http://www.un.org/french/law. Cette jurisprudence a inspiré l’excellent jurisconsulte, Alain PLANTEY dont
l’ouvrage (« Droit et Pratique de la Fonction Publique Internationale ») est une référence intarissable en la
matière87.
Paragraphe 2 : LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE L’ORGANISATION INTERNATIONALE DU
TRAVAIL (TA OIT)
1) Créé par la Conférence internationale du Travail le 9 Octobre 1946, le TAOIT est compétent pour
connaître des litiges se rapportant aux contrats d’engagement des fonctionnaires du Bureau International de
Travail ainsi que des dispositions du Statut du personnel applicables. Les litiges relatifs aux indemnités
d’invalidité ou d’accident, de maladie de même que ceux ayant trait à la caisse de pension entrent dans sa
fonction (Article II du Statut).
Il est important de noter que le TAOIT connaît des litiges de travail des autres organisations
internationales qui acceptent sa compétence (Article II-5 du Statut)
Le siège du TAOIT est à Genève, en Suisse.
87
PLANTEY Alain, Droit et pratique de la fonction publique internationale, Ed. du CNRS, Paris, 1977
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
85
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
2) Le TAOIT comprend 07 juges de différentes nationalités nommés pour 3 ans par la Conférence de
l’OIT (Article III-1 et 2 du Statut). Le TAOIT siège en session ordinaire ou extraordinaire (Article IV du Statut)
3) Il est évident que seules sont recevables devant le TAOIT, les requêtes conformes à son
Règlement adressée par les fonctionnaires de l’OIT ou des organisations affiliées ou leurs ayant-droits et ayant
cause. Toutefois, s’agissant des fonctionnaires eux-mêmes, ils doivent avoir, avant de saisir le TAOIT, épuisé
toutes les voies de recours internes prévues par le Statut du personnel (Article VII-1 du Statut du Tribunal)
4) Sur la base de son Règlement adopté le 24 Novembre 1993, le TAOIT est la plus grande référence
jurisprudentielle en matière du droit de travail pour les organisations internationales et leurs Tribunaux88.
Sa jurisprudence qui est publiée dans son bulletin officiel est aussi disponible sur son site.
(http://www.ilo.org/public/french/tribunal)
L’ouvrage précité du jurisconsulte Alain PLANTEY reste la meilleure référence pour les professionnels
en la matière.
En résumé de ce chapitre, l’on peut affirmer que les institutions internationales ont réussi à éviter tout
vide juridique et déni de justice en organisant leur justice en matière de droit du travail.
Le TAOIT a même fait une ouverture en direction des autres organisations internationales dont la taille
ne justifie pas qu’elles aient leurs propres Tribunaux (voir Annexe au Statut du Tribunal administratif de l’OIT).
Peut-être devrait-on réfléchir sur un domaine de vide juridique dans la justice du droit de travail très
répandu en Afrique :
- Celui du droit applicable aux agents des organisations à statut international ou des représentations
diplomatiques et consulaires et leurs annexes couvertes par les immunités et privilèges diplomatiques et qui
souvent, en dehors des salaires, offrent à leurs employés des conditions arbitraires et peu attrayantes de
séparation.
- Certaines juridictions nationales, « courageuses » ont fait des incursions dans ce domaine au nom
de l’inacceptabilité du déni de justice, laissant ensuite aux diplomates nationaux les questions ayant trait aux
voies d’exécution.
Peut-être est-il permis de réfléchir à un amendement de l’annexe au Statut du TAOIT pour inclure
cette catégorie de contrat de travail dans ses compétences au nom du droit d’ingérence, tellement à la mode ces
temps derniers.
88
Les Tribunaux Administratifs de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement (BAD) ont été calqués
sur ce modèle mais sont restés moins célèbres que lui.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
86
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
CHAPITRE III : LES JURIDICTIONS A CARACTERE ECONOMIQUE
Deux juridictions régionales retiendront ici notre attention, compte tenue des secteurs économiques
dans lesquels elles interviennent, même si l’une d’entre elles semble plus proche des juridictions à caractère
politique que économique. (La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, CCJA et la Cour de justice de l’UEMOA)
Il est vrai que la Cour de justice de la Communauté, CEDEAO est elle aussi l’organe de contrôle et de
régulation de la plus large institution économique et financière de l’Afrique de l’Ouest.
La Cour de justice de l’UEMOA est en effet très proche de la Cour de la CEDEAO, même si elle est
aussi compétente en matière de protection des droits fondamentaux garantis par la Charte de l’Union Africaine.
L’ancrage originel des deux juridictions régionales dans la francophonie (CCJA et Cour de Justice
UEMOA) peut ne pas paraître un critère de rapprochement suffisant. Peut-être que l’expérience pratique et la
lisibilité que s’est donnée depuis quelques années la Cour de justice de l’UEMOA peut expliquer un tel
rapprochement à un moment où il est question d’étendre la compétence de la CCJA au domaine du droit du
travail.
Paragraphe 1 : LA COUR DE JUSTICE DE L’UEMOA
1) La Cour de justice de l’UEMOA a été créée par le Protocole N° 1 relatif aux organes de contrôle de
l’UEMOA alors que les Statuts de la Cour ont été consacrés par l’acte additionnel n° 10/96 du 10 mai 1996. Son
siège est à Ouagadougou.
2) La fonction essentielle de la Cour est de veiller au respect du droit quant à l’interprétation et à
l’application du Traité de l’Union (Art. 1er du Protocole n° 1)
- La Cour connaît, sur recours de la Commission ou de tout Etat membre, des manquements des
Etats membres aux obligations qui leur incombent en vertu du Traité de l’Union (art. 5 du Protocole n° 1)
- Le recours en appréciation de la légalité est aussi ouvert à toute personne physique ou morale
contre tout acte d’un organe de l’Union lui faisant grief. Ici, le contentieux des contrats de travail des
fonctionnaires de l’Union ou de ses organes trouvera sa place.
- La Cour connaît aussi des recours préjudiciels sur l’interprétation du Traité de l’Union.
3) La composition de la Cour est de sept (07) membres de différentes nationalités, nommés pour un
mandat de six (6) ans renouvelable. Ce sont des personnes indépendantes, de la plus haute compétence
juridique. Les membres de la Cour désignent en leur sein leur Président pour trois (3) ans.
- La jurisprudence de la Cour de 2001 à 2004 comporte une dizaine d’arrêts et d’avis dont une bonne
partie concerne le contentieux du droit du travail89
- Il faut s’attendre néanmoins au développement du contentieux économique avec les contradictions
inhérentes aux pôles concurrents d’intégration économique que sont la CEDEAO et d’une moindre façon, l’Union
Africaine.
Il est certain que la Cour de justice de l’UEMOA devra rapidement se rapprocher de la Cour de justice
de la Communauté CEDEAO, nonobstant les barrières linguistiques, nettement en recul de nos jours.
89
Cour de Justice de l’UEMOA, Recueil de la jurisprudence de la Cour : 2001-2004
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Paragraphe 2 : LA COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA)
1- Créée par le Traité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA), signé à Port-Louis, le 17 octobre 1993 (art. 3) et dont elle est l’une des deux principales institutions
avec le Conseil des Ministres. La CCJA a été organisée par les articles 31 et suivants du Traité. Son siège est à
Abidjan (Cote d’Ivoire), même si elle peut se réunir ailleurs sur le territoire d’un Etat partie (art. 19 du Règlement
de procédure)
- La CCJA est compétente pour connaître dans les Etats parties au Traité, de l’interprétation et de
l’application commune du Traité et des règlements pris pour son application et des Actes uniformes (art. 14 al. 1
du Traité)
- La CCJA est aussi l’organe de cassation des décisions et arrêts des Cours d’Appel des Etats
parties, dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes Uniformes et des
règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales (art. 14, 3ème
al. du Traité)
- Elle est de même, compétente pour connaître des décisions non susceptibles d’appel rendues par
toutes juridictions des Etats parties dans les mêmes contentieux (art. 14, 4ème al. du Traité)
- Il est à noter que cette compétence couvre aussi bien la cassation que l’évocation, s’il y a cassation
(art. 14 dernier al. du Traité)
- Ceci est exorbitant et contre-productif au regard des préoccupations originelles du Traité, à
savoir l’unification et non le monopole, la sécurité juridique et l’incitation à l’investissement.
2- La saisine de la CCJA peut être exercée directement par l’une des parties à l’instance ou sur
renvoi de la juridiction nationale, notamment en cassation, saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à
l’application des actes uniformes (art. 15 du Traité). Par ailleurs, toute saisine de la CCJA suspend toute
procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale, à l’exception des procédures d’exécution. La
procédure nationale peut toutefois reprendre si la CCJA se déclare incompétente (art. 16 du Traité)
3- La CCJA se compose de sept (7) juges élus pour sept (7) ans renouvelable une seule fois et de
nationalités différentes, tous des juges de haut rangs (Magistrats : d’au moins quinze (15) années d’expérience
judiciaire et ayant exercé de hautes fonctions juridictionnelles, Avocats : ayant au moins quinze (15) années
d’expérience professionnelle, Professeurs : de droit ayant au moins quinze (15) années d’expérience). La Cour
ne peut comprendre plus de membres non magistrat. (art. 31 du Traité)
La Cour élit son Président pour un mandat de trois (3) ans non renouvelable sauf si son mandat avait
duré moins de trois (3) ans (art. 6 du règlement de procédure de la CCJA). Le premier et le deuxième vices
présidents sont élus par les membres de la Cour sous la direction du Président nouvellement élu.
4) a) La CCJA dès l’entrée en vigueur du Traité n’a pas chômé et depuis octobre 2001, a eu une
abondante jurisprudence au point de connaître un engorgement90, puisqu’il ressort des statistiques disponibles
au 31 décembre 2005, qu’en matière contentieuse, sur 401 pourvois, 160 décisions ont été rendues et 5
sentences arbitrales sur 10 demandes enregistrées. Cette jurisprudence est publiée dans le recueil de
jurisprudence de l’OHADA paraissant depuis 2003. Un tel engorgement de la CCJA suffit-il pour affirmer que la
Cour a atteint les objectifs qui lui ont été assignés par le Traité ?
b) Sans vouloir faire écho aux critiques dont la Cour est l’objet et qui sont en cours de discussion au
niveau des instances appropriées, l’objectif principal d’harmonisation peut être difficilement atteint par le
monopole, tant en ce qui concerne la cassation que le pouvoir d’évocation attribué à la CCJA, alors que les
objectifs de sécurité et d’incitation à l’investissement sont théoriques et ne compensent pas le déséquilibre que
90
Rapport général du colloque de Lomé sur : « Rapports entre les Juridictions de Cassation Nationales et la Cour Commune
de Justice et d’arbitrage de l’OHADA : Bilan et perspectives d’avenir », (7 au 9 juin 2006)
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
88
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
créent les coûts de l’éloignement de la Cour à la plupart des centres des affaires. Ce qui éloigne la Cour de
certaines réalités des affaires ; alors que le droit des affaires est un droit d’essence professionnelle forgé par les
acquis d’une profession que la coutume et les traditions ont contribué à édifier.
c) L’objectif d’harmonisation du droit des affaires ne peut être atteint par le biais du monopole en
matière de cassation et d’évocation
- En effet, l’incompétence des juridictions, notamment de cassation entraînera un abandon rapide par
les juridictions nationales de cassation de ce secteur d’activité et l’effet normatif de la jurisprudence de la CCJA
s’en trouvera réduit, de même que le recours à la CCJA et la mise en œuvre de ses arrêts ; les développements
récents sur le code CIMA91 devrait inciter à une réflexion approfondie.
- Si cette réflexion s’impose, parmi les directions possibles, il n’est pas évident que l’abandon pur et
simple de l’évocation puisse être une panacée ; le coût et la durée engendrés des procès, sont des obstacles
préliminaires.
- Peut-être que la compétence concurrentielle des Cours de cassation nationales avec la CCJA, au
choix du plaideur, peut-être une approche salutaire, le droit applicable étant celui de la législation OHADA ;
l’harmonisation jurisprudentielle, en cas d’écarts patents, étant du ressort d’une « session spéciale » (à
envisager), de la CCJA, élargie aux Présidents des juridictions de cassation nationales, sur pourvoi spécial en
révision du plaideur ou d’office, à l’initiative de la CCJA.
- Cette piste de réflexion est d’ailleurs aujourd’hui largement partagée par les orientations nouvelles
en matière de criminalité internationale où on est passé de la notion de la compétence partagée à celle de la
compétence universelle.
91
Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
89
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
CHAPITRE 4 : DES JURIDICTIONS A CARACTERE CRIMINEL
La situation actuelle de la justice criminelle internationale peut être répartie entre deux catégories de
juridictions : les juridictions ad hoc et les juridictions permanentes.
Depuis les procès de Nuremberg qui ont sanctionné les crimes de la dernière guerre mondiale, les
événements dans les Balkans ont conduit, d’une part les Nations Unies à créer le Tribunal Pénal International
pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et d’autre part, les événements de 1994 au Rwanda ont conduit à créer le Tribunal
Pénal International pour le Rwanda (TPIR) ; lequel a été calqué sur le premier (Statut et Règlement de Preuves
et de Procédure (RPP)). Pour cette raison, les deux juridictions seront examinées ensemble.
La Cour Pénale Internationale (CPI) pour sa part a été créée dans le cadre du Statut de Rome92, elle a
une compétence universelle.
Paragraphe 1 : DES JURIDICTIONS CRIMINELLES INTERNATIONALES AD HOC : TPIY ET TPIR
1)
a) Le TPIY a été créé par la résolution n° 827 du Conseil de Sécurité des Nations Unies le 25 mai
1993. Son siège est à la Haye (Pays Bas).
b) Le TPIR quant à lui a été créé par la résolution 995 du Conseil de Sécurité le 8 novembre 1994,
son siège est à Arusha (Tanzanie).
2)
a) Le TPIY est compétent pour connaître des violations graves du droit international humanitaire,
commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991. Le Statut du TPIY en précise la teneur
alors que la procédure est réglée par le Règlement de Procédure et de Preuve (RPP). Il s’agit (articles 2 à 5 du
Statut) :
-
Des infractions graves aux conventions de Genève de 1949
-
Des violations des lois ou coutumes de la guerre
-
Du génocide
-
Des crimes contre l’humanité
Le Statut du TPIY a été amendé deux fois alors que le RPP a été régulièrement amendé pour faire
face aux difficultés procédurales rencontrées par le Tribunal d’où une instabilité incompatible avec les principes
de stabilité et de non rétroactivité qui caractérisent le droit pénal.
b) Le TPIR quant à lui, est chargé de juger les personnes accusées d’actes de génocide ou d’autres
violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
accusés de tels actes ou violations commises sur le territoire des Etats voisins entre le 1er janvier et le 31
décembre 1994, conformément aux dispositions de son Statut et poursuivies conformément à son Règlement de
Procédure et de Preuve (RPP). Les différents crimes sont les suivants (art. 1-4) :
- le génocide
- le crime contre l’humanité
92
Le Statut a été signé le 17 juillet 1998 et est entré en vigueur le 1er Juillet 2002
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
90
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
- la violation de l’article 3 commun aux conventions de Genève et du Protocole additionnel N° II
Cette compétence n’est pas exclusive puisque l’article 8 du Statut, permet des poursuites nationales,
si le TPIR ne réclame pas sa primauté (Compétence partagée).
Le Statut du TPIR a été amendé à cinq (05) reprises, en 1998, 2000, 2002 (2 fois) et 2003, alors que
le RPP est quant à lui, régulièrement amendé pour réadapter la procédure aux difficultés rencontrées par le
Tribunal. Ces modifications portent souvent atteinte aux principes de rigueur, de stabilité et de non rétroactivité
qui caractérisent le droit criminel.
c) Il faut noter que le principe du double degré de juridiction est assuré par l’existence d’une Chambre
d’appel commune, pour chacun des deux Tribunaux.
3)
a) Le TPIR se compose de 16 juges permanents indépendants, élus pour quatre (04) ans
renouvelable une fois et au maximum neuf Juges ad litem indépendants élus pour quatre (04) ans non
renouvelable (articles 11 à 12 ter). Le Président et le Vice-Président sont élus pour une période de deux (02) ans
renouvelable.
b) Le TPIY se compose de 16 juges permanents indépendants élus pour quatre (04) ans renouvelable
et de 12 Juges ad litem au maximum élus pour quatre (04) ans non renouvelables. Ils élisent le Président et le
Vice-Président pour un mandat de deux (02) ans renouvelable une fois.
4) La jurisprudence du TPIY et du TPIR est abondante et peut être consultée en ligne sur les
http//www.icty.org et http//www.ictr.org. La caractéristique essentielle de cette jurisprudence est :
a) d’être fondée sur une procédure accusatoire de la Common law (complexe et plus longue que celle
continentale et plus coûteuse) ; chaque partie devant réunir ses moyens à charge pour l’un et à décharge pour
l’autre, en conséquence, le procès peut s’ouvrir sans que l’Accusation ait jamais entendu l’accusé comme si la
présomption de culpabilité l’emportait sur la présomption d’innocence, pourtant théoriquement affirmée par le
Statut (art.20.3).
b) d’être moins rigoureuse en matière de preuve que les juridictions nationales. La preuve testimoniale
ostensiblement mensongère y a droit de cité, donnant l’impression au Tribunal d’être un Tribunal des vainqueurs
sur les vaincus.
c) d’avoir l’avantage de développer une construction doctrinale : complexe de la complicité, connue
son vocable anglais de « joint criminal entreprise » (JCE) (Entreprise criminelle commune en français),
incompatible avec la complicité au sens strict dont elle est une variante. Cette construction jurisprudentielle et
coutumière a défini 3 formes de JCE, à savoir :
- la forme élémentaire
- la forme systématique
- la forme élargie93
93
Kvocka et consorts, Chambre d’appel, Arrêt, 28 Février 2005, para. 82 et 83
par. 81 : “A joint criminal entreprise requires a plurality of co-perpetrators who act pursuant to common purpose involving
the commission “ par. 82 : “Three broad forms of joint criminal entreprise have been recognised by the International
Tribunal’s jurisprudence. In the first form of joint criminal entreprise, all of the co-perpetrators possess the same intent to
effect the common purpose. The second form of joint criminal enterprise, the “systematic” form, a variant of the first form,
is characterized by the existence of an organized criminal system, in particular in the case of concentration camps. This form
of joint criminal requires personal knowledge of the organized system and intent of further the criminal purpose of that
system”. Par. 83 : “The third, « extended » form of joint criminal entreprise entails responsibility for crimes committed
beyond the common purpose, but which are nevertheless a natural and foreseeable consequence of the common purpose. The
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
91
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Des trois formes de l’ECC seule la première se rapproche de la législation française de l’association
de malfaiteurs des articles 265 à 267 du code pénal ancien et 450-1 du nouveau code pénal.
Au plan de la doctrine et de la jurisprudence, l’excellent ouvrage : « Archbold : International Criminal
Court : Practice Procedure and Evidence » paraît incontournable et est une véritable référence en la matière94.
Paragraphe 2 : LA COUR PENALE INTERNATIONALE (CPI)
i. Créée le 17 Juillet 1998 par la Conférence diplomatique des plénipotentiaires des Nations Unies
réunie à Rome du 15/06/1998 au 17/07/1998, la CPI a son siège à la Haye (Pays-bas). Elle est entrée en vigueur
le 1er Juillet 2002.
Certains Etats ne sont pas parties à ce Traité comme les Etats-Unis d’Amérique et Israël.
ii. La CPI est compétente (Article 5 du statut) pour connaître des crimes de génocide, crime contre
l’humanité, crime de guerre et crime d’agression (à définir) tels que définis aux articles 6 à 8 du Statut soumis
après son entrée en vigueur.
La Cour admet que les juridictions nationales puissent exercer leur juridiction sur les mêmes crimes et
exclut donc sa compétence, en vertu du principe non bis in ibidem de l’article 20 du Statut.
Cette compétence concurrente est sous-tendue par une intense coopération entre les Etats parties au
Traité et la CPI avec la possibilité pour ces Etats de dénoncer au Procureur de la CPI les infractions constatées
sur leurs territoires.
Le principe du double degré de juridiction est assuré par l’existence d’une Chambre d’Appel.
La saisine de la Cour est possible par les Etats non parties mais aussi par le Conseil de sécurité des
Nations Unies.
iii. Les organes de la Cour sont :
- La Présidence
- La Chambre des Appels
- Le bureau du Procureur
- Le greffe.
- Les juges dont des juges à plein temps sont élus. Les Présidents serviront aussi à temps plein dès
qu’ils sont élus.
Le Président peut toutefois, en accord avec les autres membres, compte tenu de l’importance des
tâches, de temps à autre, déterminer dans quelle limite il est demandé aux autres juges, autre que les
Présidents, de servir à temps plein.
requisite mens rea for the extended form is twofold. First, the accused must have the intention to participate in the criminal
purpose. Second, in order to be held responsible for crimes which where not part of the common criminal purpose…the
accused must also know that such a crime might be perpetrated by a member of the group, and willingly take the risk that the
crime occur by joining or continuing to participate in the enterprise” ; Voir aussi Tadic, Chambre d’appel, 15 juillet 1999,
par. 190-208 ; Ntakirutimana, jugement et sentence, 21 février 2003, par. 463 à 465 . Vasiljevic, arrêt, 25 février 2004, para.
96 à 99. Krnojelac, arrêt, 17 septembre 2003, para. 30
94
DIXON Rodney, KHAN Karim A.A., MAY Richard, Archbold :International Criminal Court Practice, procedure and
evidence, Sweet & Maxwell, London, 2003, 1532 p.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
92
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
i. L’expérience de la Cour est limitée et sa jurisprudence inexistante. Nul doute que cette
jurisprudence s’inspirera de celle des juridictions ad hoc qu’elle contribuera à améliorer parce que moins soumise
aux instances politiques nationales et onusiennes.
Parmi les dossiers en instance devant la Cour, il faut noter ceux des rebelles Ougandais et de la
République Démocratique du Congo (RDC) dont certains ont été arrêtés et transférés à la Haye.
Toutes les informations sur la CPI sont disponibles sur le site http./www.icc.cpi.int
CONCLUSION GENERALE
Les seules questions que l’on peut se poser de nos jours sont de savoir si la justice et le Droit
International ont atteint leur plein épanouissement avec la multiplication des juridictions internationales et si les
droits humains et ceux des Etats se trouvent mieux protégés.
Les importants efforts de la communauté internationale ne connaîtront leur plein épanouissement que
lorsque tous les Etats du monde auront renoncé à la domination et à l’unilatéralisme.
Ceux qui ont souhaité une justice internationale pour l’intégration et plus de sécurité juridique pour la
paix, devraient accepter ce principe pour eux-mêmes d’abord.
Les limites et faiblesses des juridictions criminelles ad hoc ne devraient pas inciter au découragement,
la CPI ayant pour objet de faire reculer ces avatars, devrait finalement être acceptée par tous, avec le recul de
l’impérialisme et le triomphe de la coopération internationale, la libre concurrence qui sous-tend la globalisation.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
93
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
1) DIXON Rodney, KHAN Karim A.A., MAY Richard, Archbold :International Criminal Court Practice,
procedure and evidence, Sweet & Maxwell, London, 2003, 1532 p.
2) La Voix de l’intégration juridique et judiciaire africaine : Bulletin semestriel de droit et d’information
de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (A.A.-H.J.F.) n° 05 et 06, 2005.
3) PLANTEY Alain, Droit et Pratique de la Fonction Publique Internationale, Ed. du CNRS, Paris, 1977,
499 p.
Jurisprudence
4) Cour de Justice de l’UEMOA, Recueil de la jurisprudence de la Cour : 2001-2004.
5) Cour de Justice de la Communauté CEDEEAO, OLAJIDE AFOLABI C/ République Fédérale du
Nigeria, arrêt n° 01/04/04, 27 avril 2004.
Actes et rapport de séminaires, articles de périodiques
6) ABOUDOU Saliou, Suivi de la mise en œuvre des recommandations du Colloque de Lomé (07-09
juin 2006) : Contribution de l’AA-HJF au projet de révision du Traité OHADA, juin 2006.
7) ATANGANA AMOUGOU Jean Louis, Avancées et limites du système africain de protection des
droits de l’Homme : la naissance de la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples, in Revue droits
fondamentaux (http:/www.droits-fondamentaux.org/article.php3?id_article=79.
8) DUJARDIN Stéphanie, Pour une opérationnalisation rapide de la Cour africaine de justice et des
droits de l’Homme, in EU-Africa e-alert—N° 3, novembre 2006.
9) Rapport du colloque sur « Rapports entre les Juridictions de Cassation Nationales et la Cour
Commune de Justice et d’arbitrage de l’OHADA : Bilan et perspectives d’avenir », Lomé, 6 au 9 juin 2006.
Statuts, règlements et autres textes
10) Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de justice de la Communauté, CEDEAO.
11) Protocole de la Cour de justice de l’Union africaine, 11 juillet 2003.
12) Protocole additionnel N°1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA, in www. uemoa.int/actes.
Règlement de la Cour Internationale de justice, adopté le 14 avril 1978 et entré en vigueur le 1er juillet
1978, in www.icj-cij.org.
Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage, adopté par le Conseil des
Ministres le 18 avril 1996.
13) Règlement de Procédure et de Preuve (RPP) du Tribunal Pénal International pour le Rwanda
(TPIR).
14) Règlement de Procédure et de Preuve (RPP) du Tribunal Pénal International pour l’exYougoslavie.
15) Règlement N° 1/96/CM portant Règlement des procédures de la Cour de justice de l’UEMOA.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
94
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
16) Règlement du Tribunal administratif de l’Organisation Internationale du Travail adopté le 24
novembre 1993.
17) Règlement du Tribunal administratif des Nations Unies, adopté le 7 Juin 1950, successivement
amendé, le dernier amendement datant du 27 juin 2004.
18) Statut de la Cour Internationale de Justice, in www.icj-cij.org.
19) Statut de Rome sur la Cour Pénale Internationale.
20) Statut du Tribunal administratif de l’Organisation Internationale du Travail adopté le 9 octobre
1946 et modifié en 1949, 1986, 1992 et le 16 juin 1998.
21) Statut du Tribunal administratif des Nations Unies adopté le 24 novembre 1949, amendé à
plusieurs reprises dont le dernier amendement date du 13 avril 2005 (Résolution 59/283).
22) Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.
23) Statut du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie.
24) Traité de l’OHADA, 17 Octobre 1993.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
95
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
B-3 –COMMUNICATIONS EN ATELIERS SUR LES THEMES SPECIFIQUES AUX DIFFERENTS
ORDRES DE JURIDICTION
•
JURIDICTIONS DE CASSATION, JURIDICTIONS COMMUNAUTAIRES ET HAUTE COUR DE
JUSTICE
DROIT SPECIFIQUE SUR L’OHADA : L’AUDCG, L’AUS, L’AUPSRVE ET L’AUPC
Par Filiga Michel SAWADOGO, Agrégé des Facultés de Droit, Professeur titulaire (Univ. Ouga),
Membre du Conseil constitutionnel du Burkina Faso (décembre 2006).
Les Actes uniformes constituent assurément le cœur ou la finalité de l’OHADA puisque les institutions
(Conseil des ministres, Secrétariat permanent, Ecole régionale supérieure de la magistrature, Cour commune de
justice et d’arbitrage) et les dispositions du Traité, soit, participent à leur élaboration ou à leur adoption, soit, visent
leur correcte et « uniforme » application. Les Actes uniformes vont permettre, à l’intérieur de chacun des Etats
concernés comme au niveau de l’espace couvert, d’avoir une législation claire, moderne, adaptée, facile à connaître,
d’application uniforme, à même de créer la sécurité juridique et judiciaire recherchée. Il devrait en résulter
indirectement, et peut-être plus effectivement, un marché unique à même de stimuler les investissements locaux et
d’attirer les investissements extérieurs.
Concernant les Actes uniformes dont l’adoption et la correcte application constituent la finalité majeure de
l’OHADA, on en relève huit adoptés entre 1997 et 2003. Ce sont :
- d’abord, trois actes adoptés à Cotonou le 17 avril 1997, à savoir l’Acte uniforme portant sur le droit
commercial général (AUDCG), l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique (AUDSC) et l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) ;
- ensuite, deux actes adoptés à Libreville le 10 avril 1998, à savoir l’Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) et l’Acte uniforme portant organisation
des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) ;
- puis, l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUDA) adopté le 11 mars 1999 à Ouagadougou ;
- également, l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises sises
dans les Etats parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (AUOHC) adopté à Yaoundé
le 24 mars 2000 ;
- enfin, l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route (AUCTMR) adopté le 22
mars 2003 à Yaoundé.
Au total, le processus OHADA d’intégration juridique, qui est profond, ambitieux et inédit, a permis
l’adoption de huit Actes uniformes comportant plus de 2000 articles généralement longs et détaillés, constituant de ce
fait un monument juridique de la première importance dont le contenu appelle quelques indications.
Il conviendra d’aborder successivement les quatre actes uniformes retenus par l’AA-HJF.
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L’ACTE UNIFORME DE L’OHADA RELATIF AU DROIT COMMERCIAL GENERAL
L’Acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG) est l’un des trois actes uniformes adoptés le
17 avril 1997 à Cotonou. Il a été publié au JO OHADA n° 1 du 1er octobre 1997 (p. 1 et s.) et est entré en vigueur sur
le territoire des Etats parties au Traité de l’OHADA le 1er janvier 1998. Cet Acte uniforme a pour objectif, comme les
autres, de moderniser le droit des affaires. Cela se traduit notamment par la mise en cohérence de la matière et
l’introduction de nouvelles dispositions censées mieux répondre aux exigences de la pratique du commerce interne et
du commerce international.
L’AUDCG traite du droit commercial général à travers un chapitre préliminaire et six (6) livres. Le dernier
livre ne contient qu’un seul article, l’article 289, qui déclare l’AUDCG conforme aux dispositions du Traité du 17
octobre 1993 relatif à l’OHADA et prévoit qu’il sera publié sera publié au JO de l’OHADA et des Etats parties et
entrera en vigueur le 1er janvier 1998.
Quant au chapitre préliminaire contenant des dispositions traitant du champ d’application, il mérite
quelques observations en raison de son intérêt. Sous l’intitulé « Champ d’application », il définit les personnes
soumises au nouveau droit, le sort du droit antérieur et les dispositions transitoires.
S’agissant des personnes assujetties aux nouvelles normes, ce sont les commerçants personnes
physiques et personnes morales. L’AUDCG tranche aussi l’épineux problème des sociétés d’économie mixte et des
sociétés d’Etat ainsi que les sociétés dans lesquelles l’Etat détient une simple participation, qui sont des personnes
morales commerçantes. Il faut noter une innovation due à l’intégration des GIE dans le système juridique des Etats
parties : les GIE sont soumis au droit commercial tel que défini par l’AUDCG.
Relativement au sort des normes juridiques antérieures, la disposition de l’AUDCG y afférente se retrouve
dans tous les actes : l’Acte uniforme abroge toutes les lois internes qui lui sont contraires mais laisse subsister les
lois non contraires. C’est la coexistence des différentes normes juridiques : le commerçant soumis au nouveau droit
commercial reste également soumis au droit antérieur dans la mesure où celui-ci n’est pas contraire aux dispositions
de l’Acte uniforme. Par exemple, l’autorisation d’établissement délivrée par le Ministère en charge du Commerce, là
où elle est instituée, subsiste.
Quant au sort des situations juridiques existantes, il était imparti un délai, aujourd’hui dépassé, de deux
ans à compter de l’entrée en vigueur de l’AUDCG aux commerçants personnes physiques ou morales et aux GIE
pour la mise en harmonie des conditions d’exercice de leur activité avec les nouvelles dispositions. Cette prescription
n’est pas assortie de sanction véritable, mais le juge saisi à la demande de tout intéressé peut ordonner la
régularisation sous astreinte.
Après ces précisions, il convient de traiter succinctement et successivement des cinq livres de l’AUDCG.
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LIVRE I : LE STATUT DU COMMERÇANT
Il découle essentiellement de l’AUDCG, lequel traite, un peu en vrac, de la plupart des questions
intéressant le monde des affaires et ne ressortissant pas d’autres Actes uniformes. L’AUDCG tire sa source première
du Traité de l’OHADA qui fait entrer « dans le domaine du droit des affaires l’ensemble des règles relatives… au
statut juridique des commerçants… au droit de la vente » (art. 2). De manière analytique, il aborde le champ
d’application de l’Acte, le statut du commerçant, le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM), le bail
commercial et le fonds de commerce, les intermédiaires de commerce et la vente commerciale.
S’agissant spécialement du statut du commerçant, il fait l’objet de dispositions peu nombreuses (art. 2 à
17) mais importantes et susceptibles de longs développements. Pour s’en tenir à l’essentiel, l’on note que ce statut
fait l'objet du Livre I composé de quatre chapitres relatifs respectivement à la définition du commerçant et des actes
de commerce, à la capacité d'exercer le commerce, aux obligations comptables du commerçant et à la prescription.
Le législateur a introduit quelques innovations sans vraiment toucher à l'essentiel. Outre ces règles qui doivent être
exposées, il convient d’évoquer ou de rappeler ce que l’on pourrait appeler les autres règles applicables aux
commerçants.
SECTION I : LES REGLES DE L’AUDCG
Elles seront successivement et succinctement exposées.
§ I : Les actes de commerce et le commerçant
La définition du commerçant reste inchangée de même que celle des actes de commerce. Cependant, il
convient de noter que l'AUDCG a réaménagé la liste des actes de commerce en l'élargissant. L'élargissement
procède, d'abord, de l'adjonction d'opérations nouvelles telles que les opérations de télécommunication ou l'achat de
biens immeubles en vue de leur revente. L'élargissement découle, ensuite, de l'intégration de la catégorie
jurisprudentielle des actes de commerce par accessoire dans la liste de l'article 3 : ce sont les contrats entre
commerçants pour les besoins de leur commerce et les actes effectués par les sociétés commerciales.
L'élargissement procède enfin de l'extension de la commercialité par la forme au billet à ordre et au warrant alors
qu’auparavant n’était visé que la lettre de change.
§ II : La modernisation de la condition de capacité
S'agissant de la capacité, la solution traditionnelle est reprise. La modernisation vient essentiellement du
fait qu'en cas d'exercice en commun du commerce par les époux, ce n'est plus le mari qui est réputé commerçant
mais un conjoint, c'est-à-dire, soit la femme, soit le mari. Ainsi, « le conjoint d’un commerçant n’aura la qualité de
commerçant que s’il accomplit les actes visés aux articles 3 et 4 ci-dessus (actes de commerce par nature et actes
de commerce par la forme), à titre de profession habituelle, et séparément de ceux de son époux » (art. 7, al. 2). Il
s’agit assurément de protéger le « patrimoine familial » contre les risques du commerce (faillite ou procédure
collective).
Les cas d'incapacité, d'interdiction et de déchéance sont mieux précisés. L'article 8, alinéa 2, pose le
principe selon lequel « il n’y a pas d'incompatibilité sans texte ». L’Acte précise les conditions dans lesquelles les
interdictions à titre temporaire et celles à titre définitif ainsi que les interdictions découlant de la faillite personnelle
peuvent prendre fin (art. 11).
La sanction des actes accomplis par une personne faisant l’objet d’une interdiction repose sur la théorie de
l'apparence qui doit toujours profiter au tiers de bonne foi. Dans ce sens, les actes accomplis par un interdit sont
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inopposables aux tiers de bonne foi et celle-ci est présumée. En revanche, ces actes sont opposables à l’interdit (art.
12).
§ III : Le maintien des obligations comptables du commerçant
Il est prescrit la tenue d’un Livre-journal, d’un Grand livre, avec balance générale récapitulative, ainsi qu’un
Livre d’inventaire (article 13). Au regard des documents devant être tenus, on note que deux documents font leur
apparition : il s'agit du Grand livre qui n'était pas visé par le Code de commerce et des états financiers de synthèse
requis pour les personnes morales. L'Acte uniforme relatif à l’organisation et à l’harmonisation des comptabilités des
entreprises détermine le contenu de ces états financiers. Son article 8 est ainsi libellé :
« Les états financiers annuels comprennent le Bilan, le Compte de résultat, le Tableau financier des
ressources et des emplois, ainsi que l’état annexé.
Ils forment un tout indissociable et décrivent de façon régulière et sincère les événements, opérations et
situations de l’exercice pour donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de
l’entreprise.
Ils sont établis et présentés conformément aux dispositions des articles 25 à 34 ci-après, de façon à
permettre leur comparaison dans le temps, exercice par exercice, et leur comparaison avec les états financiers
annuels des autres entreprises dressés dans les mêmes conditions de régularité, de fidélité et de comparabilité ».
Les obligations prennent une autre dimension dès lors qu’il s’agit d’une société commerciale ou d’une
personne morale qui y est assimilée. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les articles 137 à 146 qui font partie
du titre 3 du livre 2 de la partie 1 de l’AUDSC.
Les livres dont la tenue est prescrite, s’ils sont tenus conformément aux dispositions de l’article 14,
peuvent servir de preuve entre commerçants.
§ IV : La prescription
Une importante innovation est intervenue sur ce point avec la réduction du délai de la prescription en
matière commerciale. Selon l’article 18, en effet, « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre
commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à
des prescriptions plus courtes. »
SECTION II : LES AUTRES REGLES ET OBLIGATIONS APPLICABLES AUX COMMERÇANTS
Outre les règles et obligations ci-dessus abordées (tenue d’une comptabilité conforme aux exigences
légales, respect des règles relatives aux incapacités, aux interdictions, aux déchéances et aux incompatibilités, et à la
prescription quinquennale), il y a lieu d’évoquer celles classiques qui suivent, à savoir : - la liberté de la preuve (selon
l’article 5, les actes de commerce se prouvent par tous moyens à l’égard des commerçants) ; - la mise en demeure
simplifiée ; - la solidarité présumée ; - la compétence des juridictions consulaires ; - la clause compromissoire ; - la
clause attributive de compétence juridictionnelle ; - les obligations fiscales ; - les obligations douanières ; - les
obligations relatives à la santé des travailleurs ; - les obligations liées à la sécurité sociale ; - les obligations liées au
respect de l’environnement.
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LIVRE II : LE REGISTRE DU COMMERCE ET DU CREDIT MOBILIER
L’institution du registre du commerce remonte à la loi française du 18 mars 1919 introduite dans le droit
des Etats d’Afrique pendant la période coloniale. Certains de ces Etats ont adopté des textes nationaux depuis
l’indépendance, qui se trouvent aujourd’hui vidés de leur substance par l’entrée en vigueur de l’AUDCG le 1er janvier
1998. Le livre II consacré à ce qu’il faut désormais appeler Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM)
opère une refonte des législations existantes dans les Etats parties. Le Registre garde son objectif traditionnel de
répertoire de renseignements donnés sur les commerçants personnes physiques et morales assujetties à
l’immatriculation.
L’article 19 de l’AUDCG précise dans ce sens que le RCCM a pour objet de recevoir, d’une part, les
informations relatives à l’immatriculation des personnes physiques ayant la qualité de commerçant et des sociétés
commerciales et des autres personnes morales assujetties à l’immatriculation ainsi que des succursales des sociétés
étrangères exerçant sur le territoire d’un Etat partie et, d’autre part, les informations relatives aux évènements
marquant la vie de l’entreprise, comme les modifications, notamment statutaires, la dissolution de société ou la
cessation d’activités.
L’AUDCG innove cependant en érigeant le nouveau RCMM en un instrument de renforcement de la
sécurité du crédit et des transactions. A cet effet, le RCCM reçoit dorénavant l’inscription des sûretés mobilières et
assimilées énumérées à l’article 19, 2°, leur constitution, leur modification et leur cessation.
De manière générale, on peut considérer que la refonte opérée touche quatre aspects qu’il convient
d’évoquer succinctement en raison de leur caractère technique, répétitif voire rébarbatif. Ce sont : la structure du
RCCM ; le fonctionnement du RCCM ; les effets de l’inscription ; le contentieux.
SECTION I : LA STRUCTURE DU REGISTRE DU COMMERCE ET DU CREDIT MOBILIER
Le RCCM n’est pas un document unique ; il est constitué d’un registre local et de registres centraux.
§ I : Le registre local
Tenu par le greffe du tribunal de commerce ou le tribunal compétent en matière commerciale sous la
surveillance du Président ou d’un juge délégué à cet effet, le RCCM comporte un registre d’arrivée et une collection
des dossiers individuels.
Le registre d’arrivée ou registre chronologique mentionne dans l’ordre chronologique la date et le numéro
de chaque déclaration acceptée, les nom, prénoms, raison ou dénomination sociale du déclarant ainsi que l’objet de
la déclaration (art. 21,1°).
Quant aux dossiers individuels, qui sont tenus par ordre alphabétique, ils comprennent :
- pour les personnes physiques, l’indication de leur identité complète, la nature de l’activité exercée et de
l’adresse de leur principal établissement ainsi que de celle des établissements créés dans le ressort de la juridiction
du siège social, ou hors de ce ressort, l’ensemble des déclarations, actes et pièces déposés les concernant ;
- pour les personnes morales assujetties, l’indication de leur identité, de leur dénomination sociale, leur
forme juridique, la nature de l’activité exercée, leur capital social, l’adresse du siège social ainsi que des
établissements créés dans le ressort de la juridiction ou hors de ce ressort.
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§ II : Les registres centraux
Qualifiés de fichiers par l’OHADA, ces registres existent au niveau national et au niveau régional.
Le fichier national centralise les renseignements consignés dans chaque RCCM (art. 20, al. 2). Il doit
exister dans chaque Etat partie. L’AUDCG ne prévoit pas l’organe habilité à tenir le fichier national. A qui doit-on donc
confier le fichier national ? Il reviendra à chaque Etat partie de prendre une mesure d’application désignant l’organe
habilité à gérer ce fichier.
Le fichier régional est tenu auprès de la CCJA (art. 20, al. 3). Il centralise les renseignements contenus
dans chaque fichier national. Les fichiers national et régional comprennent chacun un extrait de chaque dossier
individuel, tenu par ordre alphabétique au niveau local. Mais qui peut interroger le fichier ? Quelle est la valeur
juridique des renseignements tirés du fichier ? Les parties ou les tiers sont-ils liés par ces renseignements ?
SECTION II : LE FONCTIONNEMENT DU RCCM
Le RCCM reçoit l’immatriculation des commerçants et autres personnes assujetties ainsi que l’inscription
des sûretés mobilières.
Sous-section I : L’immatriculation au RCCM
L’immatriculation vise des personnes et des actes déterminés selon une procédure établie par l’AUDCG.
§ I : Les personnes et les actes concernés
Personnes et actes concernés seront successivement abordés.
A- Les personnes visées
Ce sont, comme on le sait, des personnes physiques (PP) et des personnes morales (PM).
Les PP sont celles ayant la qualité de commerçant au sens de l’AUDCG pour qui « sont commerçants
ceux qui accomplissent des actes de commerce, et en font leur profession habituelle » (art. 2).
Les sociétés commerciales visées sont prévues par l’AUDSC, à savoir la société en nom collectif (SNC), la
société en commandite simple (SCS), la société à responsabilité limitée (SARL) et la société anonyme (SA), qu’elles
soient pour ces deux dernières pluripersonnelles ou unipersonnelles. L’AUDSC n’a pas retenu la société en
commandite par actions. Toutefois, les sociétés en participation et les sociétés de fait sont exclues de
l’immatriculation.
En plus des sociétés commerciales, d’autres personnes morales sont visées. Au premier rang de ces
personnes morales, il y a lieu de mentionner le GIE, nouveau venu dans le droit de la plupart des Etats parties, qui
n’est pas commercial par la forme. Sont également soumises à la formalité de l’immatriculation les sociétés
commerciales dans lesquelles un Etat ou une personne morale de droit public est associé : il s’agit essentiellement
des sociétés d’Etat (SE) et des sociétés d’économie mixte (SEM) mais il peut s’agir de sociétés dans lesquelles l’Etat
détient une participation majoritaire ou minoritaire sans les avoir qualifiées de SE ou de SEM.
L’immatriculation concerne aussi les succursales des sociétés étrangères installées sur le territoire de l’un
des Etats parties. Elles n’ont pas la personnalité morale (AUDSC, art. 117) mais elles doivent être immatriculées.
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La question pourrait se poser de savoir si les associations exploitant de véritables entreprises ne sont pas,
compte tenu de leur activité, soumises à l’inscription. En réalité, faute d’indication contraire, elles échappent à
l’immatriculation. Cette solution est confortée par la jurisprudence française actuelle.
B- Les actes concernés
Pour ces actes qui sont divers, il n’est plus question d’immatriculation mais simplement d’inscription.
1) Les actes constatant les modifications intervenues depuis l’immatriculation
Toute modification significative dans la situation de l’assujetti doit être inscrite, qu’elle concerne l’état ou la
capacité des personnes physiques et morales assujetties à l’immatriculation (changement dans l’état civil, l’activité,
les statuts, etc.).
2) Les décisions mentionnées d’office
Selon l’article 24, certaines décisions sont obligatoirement transmises par la juridiction qui les a rendues au
greffe. Elles sont de trois (3) ordres :
- les décisions intervenues dans les procédures collectives d’apurement du passif ;
- les décisions prononçant des sanctions patrimoniales contre les dirigeants des personnes morales ;
- les décisions de réhabilitation ou les mesures d’amnistie faisant disparaître les déchéances ou
interdictions.
Les mentions prévues à l’article 24 devront être communiquées par la juridiction qui a prononcé la décision
ou, à défaut, par toute personne intéressée aux greffes dans le ressort desquels se trouvent le ou les établissements
secondaires.
§ II : La procédure d’immatriculation
Pour s’inscrire, il faut une demande préalable qui ouvre la voie à l’immatriculation proprement dite et
aboutit à l’attribution d’un numéro.
A- La demande préalable
Il faut distinguer selon que la demande émane d’une PP ou d’une PM.
1) La demande émanant d’une personne physique
Toute PP ayant la qualité de commerçant doit, dans le premier mois d’exploitation de son commerce,
requérir du greffe de la juridiction dans le ressort de laquelle ce commerce est exploité, son immatriculation au
RCCM.
La demande doit indiquer l’identité et le domicile de l’assujetti, la ou les activités exercées, la forme
d’exploitation, la date et le lieu du mariage, le régime matrimonial adopté, les clauses opposables aux tiers,
restrictives de la libre disposition des biens des époux ou l’absence de telles clauses, les demandes de séparation de
biens, l’identité des personnes ayant le pouvoir d’engager par leur signature la responsabilité de l’assujetti, l’adresse
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du principal établissement et, le cas échéant, celle de chacun des autres établissements ou succursales exploités sur
le territoire de l’Etat partie. La demande doit également indiquer, le cas échéant, la nature et le lieu d’exercice de
l’activité des derniers établissements qu’il a exploités précédemment avec les indications du ou des numéros
d’immatriculation au RCCM de ces établissements (art. 25).
A l’appui de ses déclarations, le requérant est tenu de fournir les pièces justificatives, à savoir : un extrait
de son acte de naissance, ou de son identité ; un extrait de son acte de mariage ; un extrait de son casier judiciaire,
ou de tout autre document en tenant lieu. Si le requérant n’est pas originaire de l’Etat partie dans lequel il demande
son immatriculation, il devra également fournir un extrait de son casier judiciaire émanant des autorités de son pays
de naissance et, à défaut de document en tenant lieu, un certificat de résidence ; une copie du titre de propriété ou de
bail du principal établissement et, le cas échéant, celui des autres établissements. En cas d’acquisition d’un fonds ou
de location-gérance, une copie de l’acte d’acquisition ou de l’acte de location-gérance. Le requérant devra, le cas
échéant, fournir une autorisation préalable d’exercer le commerce.
2) La demande émanant d’une personne morale
Les sociétés et les autres PM visées par l’AUDSC doivent requérir leur immatriculation, dans le mois de
leur constitution, au RCCM de la juridiction dans le ressort de laquelle est situé le siège social. La demande doit
mentionner l’identité de la PM, le signe ou l’enseigne, la ou les activités exercées, la forme de la société ou de la PM,
le montant du capital social avec l’indication des apports en numéraire et l’évaluation des apports en nature, l’adresse
du siège social et, le cas échéant, celle du principal établissement et de chacun des autres établissements, la durée
de la société ou de la personne morale telle que fixée par les statuts, l’identité des associés tenus personnellement et
indéfiniment responsables des dettes sociales, avec mention de leur nationalité, leur situation matrimoniale, l’identité
et le domicile des gérants administrateurs ou associés ayant le pouvoir général d’engager la société ou la PM de
même que des commissaires aux comptes lorsque leur désignation est prévue par l’AUDSC.
A la demande sont jointes deux copies certifiées conformes des statuts, deux exemplaires de la
déclaration de régularité et de conformité, ou de la déclaration notariée de souscription et de versement, deux extraits
du casier judiciaire des gérants, administrateurs ou associés tenus indéfiniment et personnellement responsables ou
ayant le pouvoir d’engager la société.
B- La procédure d’immatriculation proprement dite
Aux termes de l’article 22 de l’AUDCG, toutes les déclarations sont établies en quatre (04) exemplaires sur
formulaires fournis par le greffe. Elles sont revêtues de la signature du déclarant ou de celle de son mandataire qui
doit à la fois justifier de son identité et, sauf s’il est avocat, agréé, huissier, notaire ou syndic, être muni d’une
procuration signée du déclarant.
Le premier exemplaire est conservé par le greffe, le second est remis au déclarant avec mention de la date
et de la désignation de la formalité effectuée, les troisième et quatrième exemplaires sont adressés par le greffe au
fichier national pour transmission de l’un d’entre eux au fichier régional.
Des formulaires ont été proposés sur le même principe que ce qui existe dans le système français : un
identifiant alphabétique permet de distinguer les différents formulaires. Ainsi, la lettre « P » pourrait être retenue pour
les formulaires relatifs aux PP, la lettre « M » pour les formulaires relatifs aux PM, et la lettre « S » pour les
formulaires relatifs aux sûretés.
Ce système permettrait ainsi de voir apparaître les formulaires suivants :
- PO pour le formulaire relatif à la déclaration du début ou de la reprise d’activité, ou encore d’ouverture
d’un établissement d’une PP commerçante ;
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- P2 pour le formulaire relatif à la déclaration de modification de l’entreprise ou d’un établissement d’une
PP commerçante ;
- P4 pour le formulaire relatif à la cessation totale d’activité (temporaire ou définitive) ou au décès de
l’exploitant (avec ou sans continuation) emportant radiation de la PP commerçante ;
- MO pour le formulaire relatif à la déclaration de constitution d’une PM, d’ouverture d’une succursale par
une PM étrangère, ou d’ouverture d’un établissement secondaire par une PM ;
- M2 pour le formulaire relatif à la modification de l’entreprise ou d’un établissement concernant les PM.
- M4 pour le formulaire relatif à la cessation totale d’activité ou à la liquidation des PM, emportant radiation.
A ces formulaires « principaux », il faut ajouter les formulaires MO Bis et M2 Bis destinés à accueillir
l’intégralité des informations relatives aux associés tenus indéfiniment et solidairement responsables et aux dirigeants
ayant le pouvoir d’engager l’entreprise.
Toutefois, l’adjonction d’un intercalaire sur papier libre demeure tout à fait envisageable pour la
régularisation des formalités prévues pour les autres formulaires dès l’instant où la taille réduite de ces derniers ne
permettrait pas une rédaction correcte. Il en sera ainsi, par ex., pour les renseignements relatifs au(x) conjoint(s) de
l’exploitant en nom personnel dans l’hypothèse où ce dernier aurait contracté plusieurs mariages.
La proposition telle qu’exposée ci-dessus suscite un certain nombre d’interrogations. Le nombre de
formulaires n’est-il pas trop important ? Ne risque t-il pas d’occasionner une confusion au moment de
l’immatriculation ? Qui établira ces formulaires pour les greffes ?
C- L’attribution d’un numéro
L’article 30 de l’AUDCG dispose que « dès que la demande du requérant est en état, le greffe lui attribue
un numéro d’immatriculation et mentionne celui-ci sur le formulaire remis au déclarant ». L’AUDCG ne donne aucune
autre précision sur ce numéro. Celui-ci prend-il la forme de numéro INSEE français ? Le numéro est-il envoyé par
lettre recommandée avec accusé de réception au requérant ou tenu à sa disposition au greffe ? Et dans quel délai ?
Eu égard au nombre de greffes concernés par l’immatriculation, une confusion pourrait s’instaurer au niveau de la
centralisation. C’est pourquoi il a été proposé que le numéro RCCM attribué à l’entreprise et devant figurer sur ces
documents commerciaux comporte, en plus de la combinaison du numéro chronologique et de la lettre, l’indication du
greffe concerné.
§ III : L’immatriculation secondaire
Toute PP ou morale assujettie à l’immatriculation au RCCM est tenue, si elle exploite des établissements
commerciaux secondaires ou des succursales, dans le ressort d’autres juridictions, de souscrire une déclaration
d’immatriculation secondaire dans le délai d’un mois à compter du début de l’exploitation (art. 34).
Constitue un établissement secondaire tout établissement permanent, distinct de l’établissement principal
dirigé par l’assujetti, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec les tiers. En
droit fiscal burkinabè, l’établissement est un organisme vivant de sa vie propre et constituant un centre d’affaires où
d’une manière régulière s’exercent les actes essentiels de la profession. Il se caractérise en général par l’existence
de locaux distincts, l’emploi d’un préposé spécial ayant des pouvoirs plus ou moins étendus, l’existence d’une
clientèle propre et la tenue d’une comptabilité particulière, l’un et l’autre de ces signes caractéristiques pouvant faire
défaut.
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La demande doit contenir les mêmes mentions qu’en ce qui concerne l’inscription principale. Elle doit être
déposée au greffe de la juridiction dans le ressort de laquelle est situé cet établissement secondaire.
Le greffe en charge du registre adresse, dans le mois de l’immatriculation secondaire, une copie de la
déclaration d’immatriculation secondaire au greffe en charge du registre où a été effectuée l’immatriculation
principale.
Toute inscription d’un établissement secondaire donne lieu à l’attribution d’un numéro d’immatriculation et
doit faire l’objet, dans le mois de cette immatriculation, d’une insertion dans le journal habilité à publier les annonces
légales (art. 35).
Il y a lieu de se demander si le numéro attribué à l’occasion de cette immatriculation secondaire doit être
différent de celui attribué au moment de l’immatriculation principale.
§ IV : Les inscriptions modificatives ou complémentaires
Si la situation de l’assujetti subit ultérieurement des modifications qui exigent la rectification ou le
complément des énonciations portées au RCCM, celui-ci doit formuler, dans les 30 jours de cette modification, une
demande de mention rectificative ou complémentaire (art. 33). Toute modification concernant notamment l’état civil,
le régime matrimonial, la capacité et l’activité de l’assujetti personne physique, ou encore toute modification
concernant notamment les statuts de la personne morale doit être mentionnée au registre.
Toute demande d’inscription modificative ou complémentaire est signée par la personne tenue à la
déclaration ou par un mandataire qui doit justifier de son identité et s’il n’est pas avocat, huissier, syndic ou autre
auxiliaire de justice habilité à cet effet par la loi, être muni d’une procuration spéciale.
§ V : La radiation
La radiation définitive concerne aussi bien les PP que les PM.
Aux termes de l’article 36 de l’AUDCG, toute PP doit dans le délai d’un mois à compter de la cessation de
son activité commerciale demander sa radiation du RCCM.
En cas de décès d’une personne immatriculée, ses ayants droit doivent dans le délai de trois (3) mois à
compter du décès, demander la radiation de l’inscription au RCCM.
A défaut de demande de radiation dans le délai prévu par les alinéas 1er et 2 de l’article 36 précité, le
greffe procède à la radiation après décision de la juridiction compétente, saisie à la requête ou à celle de tout
intéressé. Toute radiation doit faire l’objet d’une insertion dans le journal habilité à publier les annonces légales (JAL).
La loi ne précise pas aux frais de qui la radiation d’office et la publication sont faites.
Selon l’article 37 de l’AUDCG, la dissolution d’une personne morale pour quelque cause que ce soit doit
être déclarée, en vue de son inscription au RCCM, dans le délai d’un mois au moins au greffe de la juridiction auprès
de laquelle elle est immatriculée. Il en va de même pour la nullité de la société à compter de la décision qui l’a
prononcée.
La radiation doit être demandée par le liquidateur dans le délai d’un mois à compter de la clôture des
opérations de liquidation. A défaut de demande de radiation dans le délai prescrit, le greffe de la juridiction saisie
procède à la radiation sur décision de la juridiction compétente saisie à sa requête ou à celle de tout intéressé. Toute
radiation doit faire l’objet d’une insertion dans le JAL.
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Le nouveau dispositif comporte beaucoup de précisions de détails, créant une impression de complexité :
les différentes formalités paraissent lourdes. En réalité, deux idées peuvent expliquer cette impression : d’abord, la
technique retenue est d’éviter les mesures d’application et ensuite, l’objectif est d’aboutir à un système qui renseigne
de façon précise et efficace les tiers sur l’identité et l’activité de l’entreprise. C’est dans ce sens que conduit
l’inscription des sûretés mobilières.
Sous-section II : L’inscription des sûretés mobilières
L’innovation remarquable de l’OHADA est l’inscription des sûretés mobilières au RCCM, qui permet la
publicité des sûretés mobilières et, par conséquent, leur opposabilité aux tiers. Elle est prévue pour : le nantissement
des actions et des parts sociales (art. 44 et45) ; le nantissement du fonds de commerce et l’inscription du privilège du
vendeur de fonds de commerce (art. 46 à 50) ; le nantissement du matériel professionnel et des véhicules
automobiles (art. 51 à 53) ; le nantissement des stocks (art. 54 et 55) ; l’inscription des privilèges du Trésor, de
l’Administration des douanes et des Institutions de sécurité sociale (art. 56 à 58) ; l’inscription des clauses de réserve
de propriété (art. 59 et 60) ; l’inscription des contrats de crédit-bail (art. 62 et 63).
Mais l’inscription sera radiée lorsqu’elle ne présentera plus d’intérêt ou sera censée ne plus en présenter.
§ I : L’inscription
L’inscription sur l’initiative du constituant peut être considérée comme principale. Toutefois, l’inscription
peut également être judiciaire.
A- L’inscription principale
Pour inscrire sa sûreté, le créancier adresse une demande au greffe du tribunal dans le ressort duquel se
trouve le bien grevé. La loi précise la forme de la demande et son contenu.
1) La forme de la demande
En principe, c’est le titre constitutif de sûreté qui est déposé au greffe du tribunal dans le ressort duquel se
trouve le bien grevé, pour inscription. A ce titre s’ajoute un formulaire fourni par le greffier en charge d’inscription.
Comme en matière d’immatriculation, le formulaire doit être rempli en quatre (04) exemplaires.
Il est également prévu pour certaines sûretés, notamment le nantissement des stocks, l’émission d’un
bordereau. Ainsi émis, le bordereau peut être endossé et avalisé dans les mêmes conditions qu’un billet à ordre avec
les mêmes effets. Ce mécanisme est nouveau dans le droit positif des Etats parties.
2) Le contenu de la demande
La sûreté est constatée soit par acte authentique, soit par acte sous seing privé. L’acte doit contenir
l’identité et l’adresse complète des parties, la description du bien grevé permettant de l’identifier, l’indication de son
emplacement, le montant de la créance garantie, les conditions d’exigibilité de la dette principale et des intérêts, une
clause prévoyant le mode de paiement, l’élection de domicile de parties dans le ressort de la juridiction où est tenu le
RCCM et, le cas échéant, l’identité et l’adresse de l’assureur qui garantit les risques que court le bien grevé.
En ce qui concerne le bordereau, il doit contenir les mentions permettant d’identifier les parties et le bien
grevé, la mention « nantissement des stocks », la date de la délivrance du stock, le numéro d’inscription au registre
chronologique et la signature du débiteur. Le bordereau permet non seulement de compléter le contenu du titre
constitutif, mais aussi de contrôler la variation des stocks. Ces règles changent lorsque l’inscription est décidée par le
juge.
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B- L’inscription judiciaire
Sur présentation d’une décision de l’autorité judiciaire, le greffier de la juridiction dans le ressort de laquelle
se trouve l’objet grevé procède à l’inscription de la sûreté. Cela est possible lorsque le créancier éprouve des
difficultés à inscrire sa sûreté. Dans ce cas, les formalités d’inscription doivent s’effectuer en deux étapes
successives : l’inscription provisoire et l’inscription définitive.
Aux termes de l’article 67, alinéa 2, de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS),
l’inscription provisoire doit être prise après la décision autorisant le nantissement. Seul le juge est habilité à
autoriser l’inscription provisoire de la sûreté. Comment la demande se présente-t-elle ?
La demande doit revêtir la même forme et le même contenu que celle examinée dans le cadre de
l’inscription principale. L’inscription provisoire peut être révoquée à tout moment avant l’inscription définitive.
L’inscription définitive est prise après que la procédure au fond de la demande d’autorisation de
nantissement ait abouti. L’inscription définitive a donc pour but de confirmer l’inscription provisoire. L’OHADA ne
prévoit aucun délai pour l’inscription définitive. Le juge saisi peut fixer ce délai.
L’inscription une fois réalisée peut faire l’objet d’une modification : celle-ci doit être inscrite en marge de
l’inscription initiale. Le principe de l’inscription judiciaire est prévu pour chaque sûreté inscrite (art. 44, 50, 58, in fine,
etc.) La mise en oeuvre semble obéir à des règles particulières s’agissant notamment du nantissement des droits
d’associés, du fonds de commerce et du privilège du vendeur.
§ II : La radiation de l’inscription
La radiation est effectuée par mention faite par le greffe en marge de l’inscription initiale avec une remise
par ce dernier d’un certificat aux parties qui le demandent.
Le certificat de radiation doit reprendre la nature, la date et le numéro d’inscription, la forme et la date de la
vente ou de l’acte constitutif de sûreté, l’identité et l’adresse du créancier gagiste et du débiteur ainsi que la
désignation du bien grevé.
Avec la radiation de la sûreté, le créancier perd ses droits liés à l’inscription mais ne perd pas sa créance :
il perd principalement son droit de préférence qui constitue un effet de l’inscription de la sûreté.
SECTION III : LES EFFETS DES INSCRIPTIONS AU RCCM
Les inscriptions au RCCM emportent principalement trois effets :
- la présomption de commercialité ;
- l’acquisition de la personnalité morale ;
- l’opposabilité des sûretés mobilières inscrites.
§ I : La présomption de commercialité
Sur ce plan, l’immatriculation au RCCM crée à l’égard de toute personne une présomption légale de la
qualité de commerçant. Il s’agit là d’un effet probatoire dont la portée est variable.
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La présomption de commercialité n’est pas opposable aux tiers et aux administrations qui apportent la
preuve contraire. Cependant, ces mêmes tiers et administrations ne peuvent pas se prévaloir de la présomption s’ils
savaient que la personne immatriculée n’était pas commerçante. L’article 38 de l’AUDCG écarte la présomption à
l’égard du GIE.
L’immatriculation produit un autre effet lié au premier : c’est de rendre applicable au commerçant le statut
de commerçant, c’est-à-dire les droits et les obligations ou encore les charges et les bénéfices.
Le défaut d’immatriculation ne prive pas le commerçant de cette qualité. Mais les personnes assujetties à
l’immatriculation ne peuvent, à défaut d’immatriculation, se prévaloir de leur qualité de commerçant, à l’égard des
tiers et de l’administration publique. De même, elles ne peuvent se prévaloir de ce défaut d’immatriculation pour se
soustraire aux responsabilités et aux obligations du commerçant.
En conséquence, le commerçant non immatriculé ne peut invoquer en justice, pour faire preuve en sa
faveur, ses livres de commerce, mais son adversaire peut, s’il est commerçant, invoquer ses propres livres. Il ne peut
pas non plus invoquer la prescription quinquennale, mais son adversaire commerçant peut l’invoquer contre lui. Ne
peuvent s’en prévaloir les tiers et l’administration qui avaient connaissance de ces faits et actes. Ces problèmes ne
concernent quasiment pas les sociétés assujetties à l’immatriculation.
§ II : L’acquisition de la personnalité morale
La personnalité morale est l’aptitude reconnue à un groupement et, depuis l’entrée en vigueur de l’Acte
uniforme relatif au droit des sociétés commerciales, à certaines entreprises individuelles à être sujets de droits et
d’obligations.
Contrairement à la législation existante dans certains Etats parties, cette personnalité morale ne s’acquiert
qu’au jour de l’immatriculation. Cela pose d’ailleurs le problème de la reprise des actes accomplis pendant la période
de formation (articles 98 et suivants de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales).
Le bénéfice de la personnalité morale s’étend également au GIE.
La société jouit de la personnalité tout au long de sa vie, elle ne la perd qu’avec la dissolution de la
société. L’article 201, alinéa 3, de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales précise qu’en cas de dissolution, les
personnes morales dissoutes conservent leur personnalité morale pour les besoins de la liquidation.
§ III : L’opposabilité
L’opposabilité concerne certains actes et faits et les sûretés.
S’agissant des faits et des actes, les personnes assujetties à l’immatriculation au RCCM ne peuvent, dans
leur activité, les opposer aux tiers aux administrations que s’ils ont été publiés au RCCM. Ainsi, une société ne peut
par exemple opposer aux tiers la modification de ses statuts (art. 40).
Ce sont exclusivement les tiers qui sont protégés par cette inopposabilité. Celle-ci ne joue pas si le
commerçant ou la société établit qu’au moment où il a traité, le tiers ou l’administration en cause avait connaissance
du fait ou de l’acte qui lui est opposé.
S’agissant des sûretés, aux termes de l’article 63 de l’Acte uniforme, l’inscription régulièrement prise est
opposable aux parties et aux tiers. A contrario, le défaut d’inscription prive la sûreté de son opposabilité à l’égard des
parties et de tous. Il faut cependant nuancer la portée de la règle car l’opposabilité aux parties correspond à la validité
de la sûreté. Ce qui reviendrait à ériger l’inscription en condition de validité. Le législateur n’a certainement pas voulu
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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ce résultat. Aussi bien, convient-il de retenir qu’en réalité, seule l’opposabilité aux tiers est visée. Le juge africain saisi
confirmera certainement cette interprétation.
SECTION IV : LE CONTENTIEUX
Les difficultés nées des inscriptions sont réglées par les articles 41, 42, 67 et 68 de l’AUDCG.
Le greffier en charge du RCCM s’assure de la régularité de la demande. Selon l’article 41 de l’Acte
uniforme, il vérifie si les énonciations sont conformes aux dispositions légales et correspondent aux pièces
justificatives. Il exerce un contrôle limité : il s’agit d’un contrôle préalable sur pièces qui ne permet pas d’apprécier le
respect des conditions de fond requises par exemple pour la constitution d’une société.
En cas de contentieux, la juridiction compétente est saisie par le demandeur.
La procédure doit être suspendue à la décision de la juridiction, celle-ci pourra revêtir la forme
d’ordonnance.
Si une personne assujettie a omis de requérir dans le délai légal l’immatriculation ou les mentions exigées
ou si les énonciations inscrites se révèlent inexactes ou incomplètes, la juridiction compétente peut, soit d’office, soit
à la requête du greffe ou de tout intéressé lui enjoindre de se faire immatriculer, de demander l’inscription ou la
rectification des mentions omises ou encore la radiation.
Dans tous les cas où le juge est saisi, la détermination de la compétence matérielle dépendra de la loi
nationale de l’Etat partie. S’agissant cependant de la compétence ratione loci, il y a lieu de préciser les règles
suivantes :
- lorsque les parties ont élu domicile, c’est la juridiction du domicile élu qui est compétente ;
- en l’absence d’élection de domicile, la juridiction compétente est celle dans le ressort de laquelle le
commerce est exploité où le siège est situé s’agissant de personnes morales ;
- pour les sûretés mobilières, la juridiction compétente est celle dans le ressort de laquelle se trouve le bien
grevé.
La volonté de moderniser et de sécuriser les inscriptions au RCCM a conduit le législateur à mettre en
place un système intégré. L’objectif est louable mais il risque de souffrir des difficultés de mise en oeuvre compte
tenu de l’état dans lequel se trouvent actuellement les greffes de la plupart des Etats parties. Un énorme travail de
formation et de restructuration est donc à entreprendre pour assurer la mise en oeuvre de la nouvelle réglementation.
Cette même volonté se retrouve peu ou prou dans la réglementation du bail commercial et du fonds de
commerce.
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LIVRE III : LE BAIL COMMERCIAL ET LE FONDS DE COMMERCE
L’AUDCG traite successivement, dans ses articles 69 à 136 formant son livre III, du bail commercial et du
fonds de commerce qui, assurément, constituent deux questions importantes du droit commercial général. Il paraît a
priori préférable de traiter du fonds de commerce avant le bail commercial dans la mesure où c’est le second qui est
un élément du premier et non le contraire.
CHAPITRE I : LE FONDS DE COMMERCE
Le fonds de commerce est l’un des éléments les plus importants, sinon le plus important, dès lors que l’on
parle de commerce, du moins du commerce exercé par les commerçants personnes physiques. Elle demeure
néanmoins une notion dont les contours ne sont pas faciles à cerner.
On peut succinctement aborder au titre des apports de l’AUDCG la définition du fonds de commerce,
l’introduction de la location-gérance dans le droit positif et accessoirement l’aménagement des règles de cession.
SECTION I : LA DEFINITION DU FONDS DE COMMERCE
Dans la plupart des Etats parties au Traité de l’OHADA, aucun des textes applicables ne contenait de
définition du fonds de commerce. Le nouvel Acte uniforme, s’appuyant sur la doctrine française dominante, définit le
fonds comme « un ensemble de moyens qui permettent au commerçant d’attirer et de conserver une clientèle. Il
regroupe différents éléments mobiliers, corporels et incorporels » (art. 103). Cette définition a l’avantage de mettre
l’accent sur la clientèle comme élément essentiel du fonds. C’est elle qui lui confère sa nature d’élément incorporel.
L’article 104 confirme cette idée en affirmant que le fonds de commerce doit comprendre obligatoirement la clientèle.
Il reprend, sur ce point, une jurisprudence bien établie. Mais se trouve éludée la discussion de savoir quel est
l’élément qui permet de retenir la clientèle.
Le législateur crée à travers l’article 104, alinéa 2, la notion nouvelle de fonds commercial qui devra être
comprise comme constituant le « noyau dur » du fonds de commerce. Le fonds de commerce ayant une composition
variable, il se posait souvent, à l’occasion des opérations qui y sont relatives, des problèmes de détermination de
l’élément ou des éléments essentiels, celui ou ceux dont la cession entraîne nécessairement celle du fonds de
commerce lui-même. La question est dorénavant réglée par la notion de fonds commercial qui comprend la
clientèle, l’enseigne ou le nom commercial.
L’article 105 complète le tableau en énumérant de façon indicative les autres éléments du fonds. Ainsi, « le
fonds de commerce peut comprendre, outre les éléments constituant le fonds commercial, à condition qu'ils soient
nommément désignés, les éléments suivants : les installations, les aménagements et agencements, le matériel, le
mobilier, les marchandises en stock, le droit au bail, les licences d'exploitation, les brevets d'inventions, marques de
fabrique et de commerce, dessins et modèles, et tout autre droit de propriété intellectuelle nécessaires à
l'exploitation. »
SECTION II : LA REGLEMENTATION DE LA LOCATION-GERANCE
La location-gérance (LG) est traitée comme l’un des modes d’exploitation du fonds de commerce. Ainsi, le
fonds de commerce peut être exploité directement ou dans le cadre d'un contrat de LG. L'exploitation directe peut
être le fait d'un commerçant ou d'une société commerciale.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
S’agissant de la LG, aux termes de l’article 106, alinéa 3, c’est « la convention par laquelle le propriétaire
du fonds de commerce, personne physique ou morale, en concède la location à un gérant, personne physique ou
morale, qui l’exploite à ses risques et périls ». Le législateur précise que le gérant exploite le fonds à ses risques et
périls. Le locataire gérant est un commerçant soumis aux obligations professionnelles qui découlent de cette qualité
et notamment de l’immatriculation au RCCM. Le propriétaire du fonds, s'il est commerçant, est tenu de faire modifier
son inscription au RCCM par la mention de la mise en LG de son fonds. Le contrat de LG fait l’objet d’une publicité
aussi bien à sa conclusion qu’à son terme, dans la quinzaine de sa date, sous forme d'extrait dans un journal habilité
à recevoir les annonces légales.
En dehors de ces publicités ponctuelles, le locataire-gérant est tenu d'indiquer en tête de ses bons de
commande, factures et autres documents à caractère financier ou commercial, avec son numéro d'immatriculation au
RCCM, sa qualité de locataire-gérant du fonds. Les infractions à cette disposition seront punies par les dispositions
de la loi pénale spéciale nationale.
La conclusion du contrat est soumise à certaines conditions, elle emporte aussi certains effets.
Les personnes physiques ou morales qui concèdent une LG doivent :
- avoir été commerçantes pendant deux (2) années ou avoir exercé pendant une durée équivalente des
fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique d'une société ;
- avoir exploité, pendant une année au moins en qualité de commerçant, le fonds mis en gérance.
Toutefois, ne peuvent consentir une location-gérance les personnes interdites ou déchues de l'exercice
d'une profession commerciale (art. 109).
Les délais ci-dessus peuvent être supprimés ou réduits par la juridiction compétente, notamment lorsque
l'intéressé justifie qu'il a été dans l'impossibilité d'exploiter son fonds personnellement ou par l'intermédiaire de ses
préposés (art. 110). Relativement à l’impossibilité d’exploitation personnelle du fonds, on pense généralement à celui
qui a reçu un fonds de commerce en héritage. D’ailleurs, l’article 111 dispose que « les conditions fixées par l'article
109 ci-dessus ne sont pas applicables : à l'Etat, aux collectivités locales, aux établissements publics, aux incapables,
en ce qui concerne le fonds dont ils étaient propriétaires avant la survenance de leur incapacité, aux héritiers ou
légataires d'un commerçant décédé, en ce qui concerne le fonds exploité par ce dernier ; aux contrats de locationgérance passés par des mandataires de justice chargés, à quelque titre que ce soit, de l'administration d'un fonds de
commerce, à condition qu'ils y aient été autorisés par la juridiction compétente et qu'ils aient satisfait aux mesures de
publicité prévues. ». Dans le cadre des procédures collectives, la location-gérance fait l’objet de dispositions
spécifiques de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, qui ne l’admet
que dans des conditions strictes et en l’entourant de garanties (art. 115 et 116).
La LG donne lieu à des obligations qui s’apparentent à celles découlant du bail, spécialement en ce que le
locataire-gérant doit payer un loyer convenu au propriétaire du fonds, même si l’AUDCG n’a pas estimé utile d’inclure
un élément aussi essentiel dans la définition de la location-gérance. Il a probablement jugé que la référence à la
location impliquait le paiement d’un loyer.
La fin de la location-gérance provoque la déchéance des dettes du locataire gérant.
SECTION III : LA CESSION DE FONDS DE COMMERCE
Pour l’essentiel, l’AUDCG reprend les dispositions de la loi 17 mars 1909 qui visent à assurer la protection
des parties et des tiers. Cependant, certaines dispositions nouvelles méritent d’être relevées. Selon l’article 115, la
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
cession du fonds de commerce obéit aux règles générales sur la vente, sous réserve des dispositions ci-après, et des
textes spécifiques à l'exercice de certaines activités commerciales. La cession concerne nécessairement le fonds
commercial.
Le formalisme de l’opération destinée à protéger les parties et les tiers se signale, entre autres, par les
nombreuses mentions que doit contenir l’acte de vente. Il ne s’agit pas d’un formalisme sans portée dans la mesure
où l’omission ou l'inexactitude des énonciations prévues peut entraîner la nullité de la vente, si l'acquéreur le
demande dans le délai d'un an à compter de la date de l'acte et s'il prouve que cette omission ou cette inexactitude a
substantiellement affecté la consistance du fonds cédé, et s'il en est résulté un préjudice.
Selon l’article 121 de l’AUDCG, dans un délai de quinze (15) jours francs à compter de sa date, tout acte
constatant la cession du fonds de commerce doit être publié à la diligence de l'acquéreur sous forme d'avis, dans un
JAL paraissant dans le lieu où le vendeur est inscrit au RCCM.
Le vendeur a l’obligation de mettre le fonds à la disposition de l’acquéreur, sauf si le prix, prévu pour être
payé au comptant, n’est pas encore versé. Il a également une obligation de non-concurrence. A ce titre, il doit
s'abstenir de tout acte qui serait de nature à gêner l'acquéreur dans l'exploitation du fonds vendu. Les clauses de non
rétablissement ne sont valables que si elles sont limitées, soit dans le temps, soit dans l'espace ; une seule de ces
limitations suffit pour rendre la clause valable. Le vendeur doit assurer à l'acquéreur la possession paisible de la
chose vendue, et en particulier le garantir contre les droits que d'autres personnes prétendraient faire valoir sur le
fonds vendu.
L’acheteur a l’obligation de payer le prix et les dispositions de l’article 125 tendent à garantir le paiement
du prix. L’article 125 fait obligation de payer le prix, soit entre les mains du notaire, soit entre celles du banquier
désigné par les parties. L’acte ne reprend pas le sectionnement du prix figurant dans la loi de 1909 et qui consistait à
distinguer trois prix différents : un pour les éléments incorporels, un pour le matériel et un pour les marchandises. Par
ailleurs, l’article 126 sanctionne la dissimulation du prix ou d’une partie du prix en déclarant la contre-lettre nulle et de
nul effet. Auparavant, ce résultat était obtenu par application du droit fiscal.
Parmi les objectifs de la publicité, il y a la protection des tiers, laquelle s’explique par le fait que le fonds
de commerce constitue souvent le principal bien de son propriétaire et si celui-ci arrivait à faire disparaître le prix
obtenu de la vente, cela pourrait signifier le non-paiement quasi définitif de ses créanciers. C’est pourquoi, tout
créancier du vendeur peut former opposition, dans un délai de trente (30) jours à compter du jour de la parution de la
publicité de la vente dans un JAL, en notifiant son opposition par acte extrajudiciaire :
1°) au notaire ou à l'établissement bancaire désigné en qualité de séquestre ;
2°) à l'acquéreur, à son adresse telle que figurant dans l'acte ;
3°) au Greffe de la juridiction où est tenu le Registre du commerce et du crédit mobilier où est inscrit le
vendeur, à charge pour le greffe de procéder à l'inscription de cette opposition sur le RCCM.
L'acte d'opposition doit énoncer le montant et les causes de la créance, et contenir élection de domicile
dans le ressort de la juridiction où est tenu le RCCM. Les formalités mises à la charge de l'opposant sont édictées à
peine de nullité de son opposition (art. 127).
Ainsi, le créancier du vendeur peut faire opposition pour empêcher le vendeur de toucher le prix de vente
du fonds de commerce. L’opposition a un effet conservatoire et il appartient à l’opposant de saisir la juridiction
compétente pour faire constater sa créance et recevoir le paiement de celle-ci. A défaut, cette opposition peut être
levée par le juge (art. 128 et 130). Le vendeur peut obtenir une mainlevée amiable.
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Selon l’article 131, tout créancier ayant inscrit un privilège ou un nantissement, ou ayant régulièrement fait
opposition peut, dans le mois de la publication de la vente dans un JAL, former une surenchère du sixième du prix
global du fonds de commerce figurant à l'acte de vente. Lorsque le fonds a fait l'objet d'une vente forcée, les
créanciers nantis et opposants bénéficient du même droit de surenchère, qui doit s'exercer dans le même délai à
compter de l'adjudication. En toutes hypothèses, le surenchérisseur devra consigner, dans le même délai, au greffe
de la juridiction compétente, le montant du prix augmenté du sixième. Cela peut conduire à une nouvelle vente à la
barre d’une juridiction.
Enfin, il est à noter que le vendeur bénéficie d’un privilège sur le fonds vendu, lequel doit être publié, et de
l’action résolutoire dans les conditions précisées aux articles 134 à 136.
La réglementation du fonds de commerce paraît dans l’ensemble satisfaisante. C’est en rapport avec celuici qu’a été abordée la réglementation du bail commercial, qui bien que n’ayant pas été retenu parmi les éléments du
fonds de commercial, est assez souvent en fait le principal élément du fonds de commerce.
CHAPITRE II : LES BAUX COMMERCIAUX
Il est important, voire vital, pour l’entreprise ou son promoteur, de choisir un emplacement favorable à
l'activité pour y exercer au mieux son métier, avant d’engager des frais d'installation qui peuvent s’avérer lourds et
qu’il faudrait rentabiliser. En effet, l’emplacement et ses équipements ou aménagements sont autant d’éléments
fixateurs de la clientèle, donnant de la valeur au fonds de commerce. Le contrat de location immobilière ou bail
d’immeuble permet l'hébergement de l'entreprise dans des locaux appartenant à autrui, ce qui est l’hypothèse de loin
la plus fréquente. Mais rien n’interdit que le fonds de commerce soit exploité dans un local appartenant au
propriétaire de celui-ci. Cependant, dans le premier cas, le droit à jouir du local ou droit au bail est un élément du
fonds de commerce, tandis que, dans le second cas, l’immeuble est exclu du fonds de commerce. C’est que celui-ci
est un meuble incorporel et l’on considère qu’il ne saurait comprendre un immeuble.
La législation sur les baux commerciaux permet au commerçant ou à l'entrepreneur, au simple locataire
des locaux, de bénéficier de la « propriété commerciale » lui conférant un certain nombre de droits qu’il convient
d’examiner.
Historiquement, la réglementation du bail commercial est apparue comme un complément nécessaire de
celle qui régissait le fonds de commerce. Le décret n° 52-765 du 30 juin 1952 réglementant les rapports entre
locataires et bailleurs en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage
commercial, industriel ou artisanal était symptomatique à cet égard, puisque comme l’indique son intitulé, il se bornait
à réglementer le renouvellement des baux commerciaux, c’est-à-dire à protéger le fonds le commerce sans se
préoccuper du bail commercial en tant que tel. La nouvelle réglementation contenue dans l’AUDCG rompt avec cet
esprit et, ce faisant, procède à une sorte de déconnexion du bail commercial du fonds de commerce. Ainsi, dans
l’AUDCG, la réglementation du bail précède celle du fonds de commerce, ce qui peut sembler incohérent. C’est que
le bail régi par l’AUDCG (art. 69 à 102) est beaucoup plus un bail professionnel qu’un bail commercial stricto sensu. A
la différence du décret de 1952, l’AUDCG prévoit une réglementation plus ou moins complète du bail, avec en
particulier les obligations des parties, à savoir le bailleur (obligation de délivrance, d’assurer les grosses réparations,
de ne pas apporter unilatéralement de changement à l’utilisation des locaux) et le locataire (payer le loyer, respecter
la destination de l’immeuble, assurer les dépenses d’entretien, restituer l’immeuble à la fin du bail), ce qui peut
sembler peu utile là où une réglementation du droit commun du bail existe.
L’intérêt d’une réglementation spécifique du bail commercial par rapport aux autres baux, notamment les
baux à usage d’habitation, est assez aisé à montrer, même si la protection effectivement accordée au preneur peut
sous certains angles paraître excessive au regard de l’intérêt général.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
La localisation géographique d’un commerce présente un grand intérêt pour l’entreprise en ce que, bien
souvent, elle est déterminante pour ses performances économiques et financières. Les motivations du choix d’un site
pour implanter une entreprise sont différentes suivant que l’objet de l’exploitation est une industrie, une prestation de
services ou la vente au public d’un produit, d’autant plus que dans ce dernier cas, le produit peut être de grande
consommation ou au contraire n’intéresser qu’un public restreint. En raison de l’ampleur et de la valeur de leurs
installations matérielles, les entreprises industrielles et les grands magasins sont généralement propriétaires de
celles-ci. Lorsqu’il n’est que locataire des lieux où il exploite son fonds, le commerçant court le risque des
augmentations intempestives de loyer, voire de congédiement, alors que l’emplacement du fonds est souvent un
élément essentiel en ce qu’il lui assure la clientèle. En outre, l’installation matérielle participe du crédit du
commerçant et permet l’organisation des sûretés. C’est cette importance de la localisation de l’entreprise qui fait que
la législation sur les baux commerciaux assure une protection particulière au commerçant lorsqu’il n’est que locataire
des lieux où il exploite son fonds. Cette protection est assurée, d’une part, à travers les conditions mêmes du bail
(Section I) et, d’autre part, par le droit au renouvellement du bail reconnu au locataire (Section II) mais il se pose
aussi la question de la déspécialisation (section III).
SECTION I : LES CONDITIONS DU BAIL COMMERCIAL
La réglementation des baux commerciaux ne se réfère pas expressément au droit commun du bail, de
sorte que l’on peut se poser la question de l’application de ce droit commun. Mais ne pas s’y référer ne signifie pas
l’exclure. Par ailleurs, il est de principe que les contrats s’interprètent, conformément aux principes généraux du droit
des obligations, notamment ceux énoncés aux articles 1156 et suivants du Code civil. Il en résulte que les
insuffisances de la réglementation doivent être comblées par les dispositions pertinentes du Code civil. En pratique,
le besoin de recourir au Code civil, en raison du caractère relativement complet de l’AUDCG en la matière, ne devrait
pas se faire sentir, spécialement en ce qui concerne le recours aux règles des baux de droit commun.
§ I : Le champ d’application et les destinataires du bail commercial
La réglementation sur les baux commerciaux était antérieurement fixée par le décret du 30 juin 1952.
Usant d’une terminologie peu accessible à ses destinataires, elle était très précise, voire pointilleuse, ne laissant que
peu de place à l’autonomie de la volonté. Cela explique sans doute qu’elle est restée très largement ineffective : dans
certains pays comme le Burkina Faso, les locataires qu’elle était censée protéger ne l’invoquaient presque jamais.
Dans le cadre de l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats membres de l’OHADA, une nouvelle
législation des baux commerciaux a été édictée et forme le Titre I du Livre III de l’AUDCG (art. 69 à 102). Ce nouveau
droit se démarque du droit antérieur issu du décret du 30 juin 1952. Ses traits les plus marquants sont la clarté du
langage, une plus large place laissée à l’autonomie de la volonté et la simplification des procédures de fixation des
loyers et de renouvellement du bail en cas de désaccord entre les parties.
A- Le champ d’application de la réglementation du bail commercial
Du point de vue territorial, la nouvelle législation sur le bail commercial s’applique dans les villes de plus de
5.000 habitants, rabaissant ainsi considérablement le plancher qui était antérieurement fixé à 25.000 habitants. Ce
faisant, elle prend sans doute en compte l’intérêt de la législation, même pour les commerçants de telles localités.
Du point de vue matériel, la législation s’applique aux baux de locaux ou d’immeubles (terrains par
exemple) à usage commercial, industriel, artisanal ou professionnel. Elle s’applique également aux locaux
accessoires dépendant d’un immeuble destiné à un tel usage, à la condition, s’ils appartiennent à des propriétaires
différents, que la location de ces locaux accessoires ait été faite en vue de l’utilisation conjointe que leur destinait le
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preneur et que cette destination ait été connue du bailleur au moment de la location. Elle s’applique a fortiori si les
locaux accessoires appartiennent au même propriétaire que le local ou l’immeuble principal.
Elle s’applique aussi aux baux de terrains sur lesquels ont été édifiées, avant ou après la conclusion du
bail, des constructions à usage commercial, industriel, artisanal ou professionnel, si ces constructions ont été élevées
ou exploitées avec le consentement du propriétaire ou à sa connaissance. Il s’agit, dans ce dernier cas, de
l’hypothèse de la concession immobilière prévue en France par la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967, et
qui vise à encourager les installations coûteuses qu’exigent les structures commerciales modernes. Enfin, bien
qu’elle ne le dise pas expressément, la législation sur le bail commercial s’applique aussi aux baux consentis par les
emphytéotes (à l’exclusion du bail emphytéotique lui-même) à la condition, cependant, que la durée du
renouvellement de ces baux ne dépasse pas celle du bail emphytéotique lui-même.
B- Les destinataires du bail commercial
L’article 71 de l’AUDCG vise « toute convention… existant entre le propriétaire d’un immeuble ou d’une
partie d’un immeuble… et toute personne physique ou morale, permettant à cette dernière d’exploiter dans les lieux
avec l’accord du propriétaire, toute activité commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle ».
Le bail commercial est un contrat synallagmatique créant des obligations pour les parties que sont le
bailleur et le preneur. Les parties doivent être considérées ès qualité, sans référence à leur qualité propre, celle de
propriétaire ou de commerçant, par exemple. L’emploi par l’article 71 du terme « propriétaire » semble procéder
davantage d’une maladresse rédactionnelle que d’une volonté de ses rédacteurs de revenir sur ce principe, puisque
les articles 86 à 90 traitent de la cession et de la sous-location, c’est-à-dire de la possibilité de conclusion d’un bail
commercial entre un cédant et un cessionnaire de bail ou entre un locataire principal et un sous-locataire ; mais il faut
d’ores et déjà relever que la cession et la sous-location ne sont admises que dans des conditions strictes.
Ce qui constitue la prestation caractéristique du bail commercial, c’est la mise d’un local, d’un immeuble ou
d’un terrain pour un usage industriel, commercial, artisanal ou professionnel, à la disposition d’un locataire. Il s’ensuit
qu’il profite à des personnes déterminées et obéit à des conditions particulières d’application.
1) Les bénéficiaires des baux commerciaux
Contrairement à la réglementation de 1952, la nouvelle législation des baux commerciaux n’énumère pas
les personnes à qui elle profite (art. 69), ce qui confirme l’idée qu’en réalité leur qualité importe peu. Elle se borne à
indiquer que ses dispositions « sont également applicables aux personnes morales de droit public à caractère
industriel ou commercial et aux sociétés à capitaux publics, qu’elles agissent en qualité de bailleur ou de preneur »
(art. 70). Malgré le silence du texte, la considération du champ d’application de la nouvelle réglementation permet de
conclure sans aucune difficulté qu’elle s’applique à tous locataires exerçant une activité commerciale, industrielle,
artisanale ou professionnelle dans les locaux ou immeubles loués à une telle fin. Concrètement, bénéficient de la
réglementation sur le bail commercial non seulement les commerçants définis comme « ceux qui accomplissent des
actes de commerce et en font leur profession habituelle » (art. 2), mais aussi les artisans et tous autres
professionnels du moment qu’ils exploitent une clientèle, par exemple les membres des professions libérales, les
titulaires de charges ou offices, etc. Le qualificatif commercial du bail ne signifie donc pas que le locataire doit être
nécessairement un commerçant, pas plus qu’il ne confère au bail un caractère commercial. Si, en effet, le bail
commercial est toujours commercial pour le locataire commerçant l’ayant conclu pour les besoins de son commerce,
il ne l’est pas pour le bailleur non commerçant. Il peut même être purement civil si face à un bailleur non commerçant
se trouve un locataire exploitant un fonds artisanal ou une clientèle civile.
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La réglementation sur le bail commercial profite également aux cessionnaires du bail, conformément au
droit commun de la cession de créance (art. 87), aux sous-locataires pour autant que la sous-location a été autorisée
par le bailleur (art. 89) ainsi qu’à leurs ayants cause.
2) Les conditions d’application du bail commercial
Elles tiennent à la fois aux bénéficiaires qui ont été déjà définis, aux lieux loués et à la destination de ceuxci. En ce qui concerne les lieux loués, l’article 69 de l’AUDCG distingue entre locaux, immeubles et terrains nus,
ayant pour caractéristique commune d’être tous des biens immobiliers.
L’immeuble au sens de la disposition désigne un bâtiment par opposition aux terrains nus sur lesquels ont
été élevées, avant ou après la conclusion du bail, des constructions, tandis que le local est une partie d’un bâtiment.
Le local peut d’ailleurs être l’objet principal du bail ou n’être que l’accessoire d’un autre local lui-même objet principal
du bail. L’immeuble, le local et le terrain étant caractérisés par leur fixité, on hésite à appliquer la législation sur le bail
commercial à la location de locaux mobiles, telles les guérites, au motif que la mobilité s’accorde mal avec la notion
d’immeuble.
Enfin, la loi ne fait pas de distinction entre un immeuble ou un local loué nu ou meublé et il importe de ne
pas distinguer là où la loi ne distingue.
Quant à la destination des lieux loués, elle doit concerner un fonds de commerce, un fonds d’artisan ou
une profession à laquelle est attachée une clientèle. Il n’est pas nécessaire que le fonds existe ou que le
professionnel exerce son activité au moment de la conclusion du contrat. Ce qui importe, c’est la destination de
l’immeuble, du local ou du terrain à un usage industriel, commercial, artisanal ou professionnel. De fait, le bail
commercial est généralement conclu, soit pour débuter une activité, soit pour transférer un fonds existant.
§ II : La durée du bail et la fixation du loyer
La nouvelle législation met un terme à la confusion terminologique qui régnait dans la matière des baux
commerciaux. En effet, dans le décret du 30 juin 1952, le bail dont la durée a été fixée par le contrat était appelé bail
écrit, tandis que celui dont la durée n’a pas été déterminée par le contrat était dit bail verbal, même si, par ailleurs, le
bail avait été fait par écrit. Aux termes de l’article 71 de l’AUDCG « est réputée bail commercial toute convention,
même non écrite, existant entre le propriétaire d’un immeuble ou d’une partie d’un immeuble… » destiné à un usage
commercial, industriel, artisanal ou professionnel, « et toute personne physique ou morale, permettant à cette
dernière d’exploiter dans les lieux, avec l’accord du propriétaire, toute activité commerciale, industrielle, artisanale ou
professionnelle ». Dans une espèce qui lui a été soumise, la CCJA décide qu’un parti politique, en l’occurrence le
RDR, est une association n’exerçant aucune activité lucrative à caractère commercial, industriel, artisanal ou
professionnel et le bail de ses locaux ne saurait être régi par les articles 69 et 71 de l’AUDCG.
La conclusion du bail n’est donc soumise à aucun formalisme. Les parties en déterminent librement la
durée ainsi que le montant du loyer (art. 72 et 84).
A- La durée du bail
L’article 72, alinéa 1er, de l’AUDCG laisse une entière liberté aux parties pour fixer la durée du bail. Celui-ci
peut donc être conclu pour une durée déterminée ou pour une durée indéterminée. Mais cette liberté ne comporte
pas la faculté pour les parties de conclure un bail perpétuel lequel serait nul parce que contraire à la prescription de
l’article 1709 du Code civil qui impose que la jouissance d’une chose soit accordée pour un certain temps. A défaut
d’un écrit constatant le bail comme dans le cas d’indétermination du terme, le bail est réputé conclu pour une durée
indéterminée. En pareille hypothèse, chaque partie dispose du droit de donner congé à l’autre sous le respect d’un
préavis de six (6) mois (art. 93, al. 1er).
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Il faut regretter que les nouvelles dispositions n’aient pas fixé de durée minimale pour le bail commercial,
ce d’autant plus qu’assez souvent les locataires consacrent des sommes importantes à l’aménagement des lieux
pour les adapter à leurs besoins. Faute d’une telle durée minimale, ils ne sont pas assurés d’une stabilité suffisante
dans l’occupation des lieux. Sans doute l’article 97 de l’AUDCG fixe-t-il la durée du bail renouvelé à trois ans, mais il
ne constitue pas une solution au problème posé par le bail primitif qui peut ne pas être renouvelé si sa durée n’atteint
pas deux (2) ans.
Par contre, l’absence d’indication d’une durée minimale emporte, entre autres conséquences, la
soumission des baux de courte durée ou des baux saisonniers au statut du bail commercial mais le droit au
renouvellement ne pourra être invoqué que si l’activité a été exercée au moment où on l’invoque, pendant une durée
minimale de deux (2) ans (art. 91).
B- La fixation du loyer
Les parties déterminent également en toute liberté le prix du bail au moment de la conclusion du contrat,
sauf lorsque la loi intervient pour limiter cette liberté (art. 84). Le prix peut être révisé par la suite, à la demande de
l’une quelconque des parties, soit dans les conditions qu’elles ont fixées, soit, à défaut, à l’expiration de chaque
période triennale. Si elles ne parviennent pas, par un accord écrit, à s’entendre sur le nouveau montant du loyer, la
partie la plus diligente saisit la juridiction compétente à l’effet de fixer le loyer (art. 85). Celle-ci tient compte de tous
les éléments susceptibles d’influer sur le montant du loyer, notamment la situation des locaux, leur superficie, l’état
de vétusté, le prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux similaires, ou
encore la destination des lieux ou les obligations des parties. On peut s’étonner que la loi exige que l’accord sur le
nouveau montant du loyer soit constaté par écrit (art. 85, al. 1er) alors que cette exigence n’est pas formulée pour le
bail lui-même.
§ III : La cession du bail et la sous-location des lieux loués
Le preneur peut céder son bail à un tiers (en cas de cession de fonds de commerce par exemple), mais la
cession doit être signifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par tout autre moyen écrit, faute de quoi elle ne lui est
pas opposable. L’acte de signification doit comporter l’identité complète du cessionnaire, son adresse, et
éventuellement son numéro d’immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier. Le bailleur dispose d’un
mois à compter de la signification pour s’opposer à la cession et pour saisir la juridiction compétente et lui exposer les
motifs qui s’opposent à la cession. Constitue un motif sérieux et légitime la violation par le preneur cédant de ses
obligations découlant du bail, notamment le non-paiement du loyer. La saisine du tribunal est donc obligatoire dans le
délai d’un (1) mois et l’initiative en incombe au seul bailleur. Le preneur cédant reste tenu des obligations du bail
pendant le temps que dure la procédure.
Par contre, toute sous-location, totale ou partielle, est interdite au preneur sauf stipulation contraire au bail.
Dans le cas où la sous-location serait autorisée, celle-ci doit être portée à la connaissance du bailleur par tout moyen
écrit, sinon elle ne lui est pas opposable. Pour éviter que la sous-location soit utilisée à des fins spéculatives, son
loyer ne saurait être supérieur au loyer principal. Si tel était le cas, le bailleur a la faculté d’exiger une augmentation
correspondante du loyer principal. A défaut d’accord entre les parties sur ce prix, la juridiction compétente saisie
statue comme en matière de révision de loyer (art. 90).
Le bail remplissant les conditions posées par l’Acte uniforme confère au preneur le droit au renouvellement
de son bail ou, à défaut, le droit au paiement d’une indemnité d’éviction, droits que l’on qualifie de propriété
commerciale.
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SECTION II : LE DROIT AU RENOUVELLEMENT DU BAIL OU LA PROPRIETE COMMERCIALE
On appelle propriété commerciale le droit reconnu au locataire, commerçant, industriel, artisan ou
professionnel, d’obtenir de son bailleur le renouvellement de son bail arrivé à expiration ou, à défaut, une indemnité
compensatrice du préjudice causé par la privation des locaux ou immeubles consacrés à l’exploitation. L’expression
« propriété commerciale », bien qu’impropre en droit – le droit au renouvellement du bail étant un droit personnel et
non un droit réel – a été, néanmoins, consacrée par la pratique par commodité et surtout pour marquer l’importance
de ce droit pour les locataires.
Le droit au renouvellement du bail commercial est sans conteste le pilier porteur du statut des baux
commerciaux. Mais c’est un droit dont la portée est complexe. Par exemple, il ne naît pas automatiquement de
l’existence d’un bail commercial. De même, son caractère d’ordre public n’en fait, ni un droit absolu, ni un droit
obligatoire : le preneur peut toujours y renoncer lorsqu’il est acquis et le bailleur, de son côté, peut s’y opposer.
§ I : Les conditions du droit au renouvellement du bail
Elles tiennent dans les conditions de fond ainsi que dans la procédure à suivre pour obtenir le
renouvellement.
A- Les conditions de fond
En vertu de l’article 91 de l’AUDCG, le droit au renouvellement du bail est acquis au preneur qui justifie
avoir exploité, conformément aux stipulations du bail, l’activité prévue à celui-ci, pendant une durée minimale de deux
(2) ans. Deux conditions sont ainsi mises à l’existence du droit : l’exploitation d’un fonds ou d’une clientèle et
l’écoulement d’un délai minimal.
1) L’exploitation d’un fonds ou d’une clientèle
En tant qu’il est destiné au maintien et à la continuation de l’activité du locataire, le droit au renouvellement
du bail n’a de raison d’être que si ce locataire exploite l’activité envisagée ou décrite dans le bail. L’exigence d’un
usage industriel, commercial, artisanal ou professionnel des locaux ou immeubles induit un usage effectif, mais non
pas nécessairement sans interruption, l’activité du locataire pouvant être saisonnière. Mais en cas d’interruption,
celle-ci ne doit pas se prolonger au point de faire disparaître la clientèle (art. 95, al. 1)
L’exploitation doit être le fait du locataire, c’est-à-dire de la personne même du commerçant, de l’artisan ou
du professionnel. Mais elle peut se faire aussi par l’intermédiaire d’un gérant, salarié ou non, le locataire restant
toujours le propriétaire de son fonds ou de sa clientèle. L’exploitation passe entre les mains des héritiers ou des
successeurs et, avec elle, le bénéfice du droit au renouvellement du bail.
Quant au cas particulier du commerçant étranger, il faut déplorer le silence de la nouvelle réglementation.
On doit, par conséquent, en cette matière, se référer aux dispositions du droit commun des Etats parties relatives à la
condition des étrangers, ce qui pourrait aboutir à l’application d’un droit communautaire de base ou dérivé, comme
celui de l’UEMOA.
Pour ce qui concerne le Burkina Faso par exemple, l’article 5, alinéa 2, du Code des personnes et de la
famille dispose que « la jouissance d’un droit peut leur (les étrangers) être expressément refusée par la loi ou être
subordonnée à la réciprocité sous réserve des dispositions des conventions internationales ». Le Code des
investissements accorde aux entreprises étrangères, au même titre que les entreprises nationales, la protection de la
propriété commerciale et semble ainsi ouvrir la voie à une reconnaissance libérale du droit au renouvellement du bail
aux étrangers.
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2) La durée minimale de l’exploitation et la révision du loyer
Elle est prévue à l’article 91 de l’AUDCG. Aux termes de celui-ci, le droit au renouvellement du bail à durée
déterminée ou indéterminée est acquis au preneur qui justifie avoir exploité, conformément aux stipulations du bail,
l’activité prévue à celui-ci pendant une durée minimale de deux (2) ans. Les baux de durée moindre sont exclus de la
propriété commerciale parce que l’on présume que le locataire connaissant la brièveté de son bail a proportionné ses
investissements ainsi que l’intensité de ses efforts à la durée convenue. De ce fait, le non-renouvellement ne devrait
pas lui être préjudiciable.
Avant ou après le renouvellement pourrait se poser le problème de la révision du loyer. Selon l’article 84,
les parties fixent librement le montant du loyer, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires
applicables. Le loyer est révisable dans les conditions fixées par les parties, ou à défaut, à l'expiration de chaque
période triennale. Il découle de cette disposition que la règle de l’article 84 est supplétive et que dès lors qu’une
convention existe, elle doit recevoir application.
B- La procédure de renouvellement
Les nouvelles dispositions régissant le bail commercial ont considérablement simplifié la procédure de
renouvellement du bail. De fait, le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail, que celui-ci soit à durée
déterminée ou à durée indéterminée, sans avoir à se soumettre à une procédure quelconque, sauf à régler au
preneur une indemnité d’éviction. Si le principe du renouvellement est acquis, le désaccord ne portant que sur le
montant du loyer, celui-ci est fixé par le juge compétent saisi par la partie la plus diligente. La même procédure est
suivie si le désaccord porte sur le montant de l’indemnité d’éviction.
La demande de renouvellement est facultative pour le preneur. Mais s’il entend user de cette faculté, la
demande doit être faite par acte extrajudiciaire, au plus tard trois (3) mois avant la date d’expiration du bail, si celui-ci
est à durée déterminée (art. 92). C’est là une disposition d’ordre public aux termes de l’article 102, ce que la CCJA a
rappelé. Si le bail est à durée indéterminée, toute partie peut le résilier en donnant congé à l’autre par acte
extrajudiciaire au moins six (6) mois à l’avance (art. 93). Le preneur peut cependant s’opposer à ce congé, au plus
tard à la date d’effet de celui-ci, en notifiant au bailleur par acte extrajudiciaire, sa contestation de congé. Le preneur
qui n’a pas formulé sa demande de renouvellement dans le délai imparti ou qui n’a pas contesté en temps utile le
congé reçu, est déchu de son droit au renouvellement du bail. De son côté, le bailleur qui n’a pas fait connaître sa
réponse à la demande du preneur tendant à obtenir le renouvellement du bail, au plus tard un (1) mois avant
l’expiration du bail, est réputé avoir consenti au principe du renouvellement (art. 92, al 3). Si le renouvellement du bail
est accepté, expressément ou implicitement, par les parties, et sauf accord différent de celles-ci, la durée du nouveau
bail est fixée à trois (3) ans. Le nouveau bail prend effet pour compter de l’expiration du bail précédent si celui-ci était
à durée déterminée ou pour compter de la date pour laquelle le congé a été donné si le bail précédent était à durée
indéterminée (art. 97).
La procédure était autrement plus complexe sous l’empire du décret du 30 juin 1952. Ainsi, si dans les
deux (2) mois de la notification de la demande de renouvellement, le bailleur et le locataire ne parvenaient pas à un
accord, ils étaient tenus de comparaître, à la requête de la partie la plus diligente, devant le président du tribunal du
lieu de situation de l’immeuble en vue d’une tentative de conciliation. Si l’une des parties ne comparaissait pas, le
président du tribunal prononçait le défaut, mais après avoir ordonné l’assignation de ladite partie. Dans ce cas, soit le
locataire était déchu de son droit au renouvellement du bail si l’ordonnance de défaut était prononcée contre lui, soit
le bailleur était présumé avoir consenti au renouvellement du bail si l’ordonnance de défaut était prononcée contre lui.
L’un et l’autre pouvaient, néanmoins, faire opposition à l’ordonnance prononcée contre lui dans le délai de quinze
(15) jours à compter de sa signification.
La tentative de conciliation pouvait se solder, soit par l’accord des parties sur toutes les conditions de
renouvellement du bail, soit par l’accord des parties seulement sur le principe du renouvellement du bail, soit enfin
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par le refus de renouvellement opposé par le bailleur. Si l’accord ne portait que sur le principe du renouvellement du
bail, les parties désignaient chacune un arbitre. Les arbitres avaient pour mission de rechercher et de proposer un
accord sur la durée du nouveau bail, le prix de la location et toutes autres conditions accessoires. Le juge pouvait
nommer d’office un arbitre en lieu et place de la partie défaillante à l’expiration du délai de quinze (15) jours suivant
l’audience de conciliation ou à l’expiration des délais d’opposition.
Le rapport des arbitres devait intervenir dans les trois (3) mois de la réception de l’avis de leur nomination.
Si, nonobstant l’accord des arbitres, le bail n’était pas conclu, la partie la plus diligente saisissait le président du
tribunal qui statuait définitivement après avoir conféré avec les arbitres, à charge d’appel dans le mois de la
signification de la décision. Une fois la décision devenue définitive, le bailleur devait dresser un nouveau bail aux
conditions fixées judiciairement, sauf à se libérer par le paiement d’une indemnité d’éviction. S’il ne le faisait pas,
l’ordonnance ou l’arrêt confirmatif d’appel fixant les conditions du nouveau bail valait bail.
Le droit de renouvellement est pour l’essentiel dans l’intérêt du locataire. Mais le bailleur n’est pas livré
pieds et poings liés au locataire : en effet, certains moyens lui sont offerts pour éviter ou éluder le droit au
renouvellement même si certains peuvent se révéler extrêmement coûteux.
§ II : Le droit de reprise et le refus de renouvellement
A des conditions définies par la loi, le bailleur peut, en exonération de l’indemnité d’éviction, reprendre les
locaux d’habitation accessoires aux locaux principaux, de même qu’il peut, toujours en exonération de cette
indemnité, s’opposer au renouvellement du bail.
A- Le droit de reprise
Le droit de reprise du bailleur ne s’exerce que sur les locaux d’habitation qui sont les accessoires des
locaux principaux et ne saurait porter sur ces derniers. De plus, la reprise doit être faite à des fins d’occupation
domestique. Les bénéficiaires ne peuvent en être que le propriétaire lui-même, son conjoint ou ses ascendants, ses
descendants ou ceux de son conjoint, sans limitation de degré. Toutefois, la reprise peut être refusée si le preneur
établit que la privation de la jouissance des locaux d’habitation accessoires cause un trouble grave à la jouissance du
bail dans les locaux principaux ou lorsque les locaux principaux et les locaux d’habitation accessoires forment un tout
indivisible. Il faut regretter que la nouvelle législation n’autorise pas la reprise à des fins d’exploitation commerciale,
industrielle, artisanale ou professionnelle, au moins en faveur du propriétaire, de son conjoint ou de leurs
descendants ou les conjoints de ceux-ci. L’absence d’une telle possibilité peut constituer un frein à la création de
petites affaires familiales, obligés que seront les promoteurs d’exposer les frais d’une location alors qu’ils possèdent
déjà des locaux adaptés.
Sous l’empire du décret du 30 juin 1952, le local objet d’un bail commercial pouvait être repris par le
bailleur dans les conditions suivantes :
1°) si le local était repris à des fins d’occupation domestique, le bénéficiaire devait en être le propriétaire
lui-même, son conjoint, ses ascendants ou descendants, ainsi que les conjoints de ceux-ci, à condition que ce
bénéficiaire ne dispose pas d’une habitation correspondant à ses besoins normaux et à ceux des membres de sa
famille vivant habituellement avec lui et que le local soit adapté à un usage d’habitation. Sauf motif légitime, le
bénéficiaire devait occuper personnellement les lieux dans le délai de trois (3) mois à dater du départ du locataire et
pendant une durée minimum de trois (3) ans ;
2°) si le local était repris en vue d’une affectation commerciale, industrielle ou artisanale, le bénéficiaire
devait en être le propriétaire ou son conjoint, ses descendants ou leurs conjoints.
Le droit de reprise ne pouvait être exercé par une société civile ou commerciale que pour les locaux où
était établi le siège social ou pour les locaux où elle entendait transférer son siège social. Dans tous les cas, le droit
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de reprise en vue d’une affectation commerciale donnait lieu au versement au locataire ou à ses ayants cause d’une
indemnité qui ne pouvait être inférieure à cinq (5) fois le loyer annuel.
B- Le refus de renouvellement
Sans être tenu au paiement d’aucune indemnité, le bailleur peut refuser de renouveler le bail dans deux
cas : d’une part, il peut le faire s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant ou de son ayant
cause, par exemple, la non-exécution d’une obligation substantielle mise à la charge du preneur par le contrat, la loi
ou l’usage des lieux ou encore la cessation de l’exploitation du fonds de commerce. Ce motif ne peut être invoqué
que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux (2) mois après une mise en demeure du bailleur, par
acte extrajudiciaire, d’avoir à les faire cesser (art. 95). D’autre part, le propriétaire peut refuser le renouvellement du
bail sans être astreint au paiement de l’indemnité d’éviction s’il entend démolir un immeuble vétuste pour le
reconstruire. Le bailleur doit alors justifier de la nature et de la description des travaux projetés. Le preneur peut
rester dans les lieux jusqu’au commencement des travaux de démolition et il bénéficie d’un droit de priorité dans
l’attribution d’un nouveau bail dans l’immeuble reconstruit. Si le bailleur refusait au preneur ce droit de priorité, ou si
les locaux reconstruits avaient une affectation différente des locaux objet du bail, le bailleur est tenu de verser au
preneur une indemnité d’éviction.
1) L’indemnité d’éviction
Le bailleur est tenu au paiement d’une indemnité dans tous les cas où le locataire est évincé du local ou de
l’immeuble loué en violation des dispositions légales sur les baux commerciaux. A défaut d’accord entre les parties
sur le montant de cette indemnité d’éviction, celui-ci peut être fixé par le juge compétent saisi par la partie la plus
diligente. Le juge prend en compte, notamment le chiffre d’affaires, les investissements réalisés par le preneur et la
situation géographique du local (art. 94, al. 2). Contrairement au décret de 1952, la nouvelle législation ne fixe pas de
montant minimum pour l’indemnité d’éviction. Cela laisse au juge une intervention, quelque peu en équité, pour fixer
le montant de l’indemnité. Les dispositions ne font pas penser au caractère dissuasif de l’indemnité d’éviction en
France. L’indemnité, dont le montant peut aller jusqu’à la valeur de l’ensemble du fonds de commerce s’il apparaît
que celui-ci ne va pas subsister suite à son transfert, est si dissuasive que l’on considère que le droit du preneur dans
le bail commercial a un caractère quasi-perpétuel.
En France, la législation sur les baux commerciaux est fixée par le décret n° 53-960 du 30 septembre
1953. Depuis la loi du 12 mai 1965 modifiant ce décret, la durée du bail commercial ne peut être inférieure à neuf
ans.
Toutefois, à défaut de convention contraire, le preneur a la faculté de donner congé au bailleur à
l’expiration de chaque période triennale. Le même droit appartient au bailleur lorsqu’il veut reprendre pour construire,
reconstruire ou surélever l’immeuble. Mais la jurisprudence admet des baux de plus courte durée, excluant le statut
légal, soit que les parties en conviennent ainsi et à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à
deux (2) ans, soit qu’il s’agit d’une convention d’occupation précaire justifiée par des circonstances spéciales
connues des deux parties (location saisonnière par exemple).
Le droit français reconnaît aussi au propriétaire le droit d’exiger du locataire, et au locataire le droit d’exiger
du sous-locataire, le paiement d’un pas-de-porte. La nature de ce pas-de-porte est controversée. Une partie de la
jurisprudence y voit un supplément de loyer, l’autre une indemnité représentant la valeur du droit au renouvellement
du bail. Ce droit de pas-de-porte ne semble pas faire l’objet d’opposition de la part de la doctrine qui semble la
considérer comme un droit justifié et non comme une rente de situation injustifiée.
Outre le bail commercial, le droit français connaît la concession immobilière conclue pour une durée
minimum de vingt (20) ans. La concession immobilière vise, par sa durée, à encourager les installations coûteuses
qu’exigent les structures commerciales modernes.
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2) La résiliation judiciaire du bail
En cas de non-paiement du loyer ou d’inexécution d’une clause du bail par le preneur, le bailleur peut
demander la résiliation judiciaire du bail et l’expulsion de tous occupants de son chef. Mais il devra au préalable avoir
fait délivrer au preneur, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure l’invitant à respecter les clauses et les
conditions du bail. La demande de résiliation du bail doit être notifiée par le bailleur aux créanciers du preneur
inscrits, et le jugement prononçant la résiliation ne peut intervenir qu’après l’expiration du délai d’un (1) mois suivant
la notification de la demande aux créanciers inscrits (art. 101).
Sur un autre plan, le droit français, à travers des dispositions postérieures au décret du 30 septembre
1953, a admis que le locataire puisse adjoindre à son activité d’autres activités connexes ou complémentaires ou
même transformer son exploitation compte tenu de la conjoncture économique et des nécessités de l’organisation
rationnelle de la distribution, dès lors que ces activités sont compatibles avec la destination, les caractères et la
situation de l’immeuble. Cela pose le problème de la déspécialisation.
SECTION III : LA DESPECIALISATION
Il convient d’évoquer la situation en France dont la législation inspire largement l’Acte uniforme avant
d’évoquer le contenu de celui-ci en la matière.
A- La situation en France
En France, une loi du 12 mai 1965 a complété le décret du 30 septembre 1953 afin de permettre au
locataire commerçant de modifier plus ou moins complètement la nature de ses activités. La loi permet ainsi au
locataire commerçant de déroger à l’obligation de respecter la destination de l’immeuble. Une possibilité lui est offerte
de procéder à une déspécialisation partielle, voire même à une déspécialisation totale ou plénière.
La déspécialisation partielle permet au locataire d’adjoindre à l’activité prévue au bail des activités
connexes ou complémentaires. Si les conditions prévues par le décret sont réunies, le bailleur ne peut s’opposer à la
déspécialisation. En revanche, il peut obtenir en contrepartie une augmentation de loyer qui prendra effet seulement
au cours de la prochaine révision triennale. Une telle déspécialisation est utile en ce qu’elle permet au locataire
d’adapter, de manière pas trop profonde, ses activités pour faire face à la concurrence ou à l’évolution des facteurs
locaux de commercialité. La déspécialisation partielle pose essentiellement deux difficultés : d’une part, il s’agit de
savoir ce qu’est une activité connexe ou complémentaire, surtout en cas de contestation du bailleur ; on peut prendre
en compte les usages locaux, la situation géographique… ; d’autre part, il se pose la question de savoir si le fait pour
le bailleur d’exercer la même profession ou de louer à un tiers exerçant la même profession que le locataire est un
trouble de droit : en effet, l’extension est susceptible de porter atteinte aux droits des tiers et tel serait le cas si le
bailleur avait défini les activités des locataires et que l’un d’eux par la déspécialisation en vient à exercer l’activité de
l’autre en plus de la sienne : le locataire lésé ne pourra pas obtenir réparation puisque le bailleur n’a pas violé son
obligation et que le locataire bénéficiaire est pour le locataire qui subit un dommage d’un tiers qui ne fait qu’exercer
les droits que la loi lui reconnaît. En effet, pour la Cour de cassation française, le bailleur ne peut pas exercer la
même profession que son locataire. En revanche, elle admet que le bailleur loue à un tiers exerçant la même
profession si le bail ne comporte aucune garantie particulière d’exclusivité.
La déspécialisation totale permet au locataire de demander en justice l’autorisation d’exercer dans les lieux
loués des activités totalement différentes de celles prévues au bail. Les activités nouvelles peuvent s’ajouter à celles
existantes ou se substituer à elles. Il faut pour cela, soit le consentement du bailleur qui peut le monnayer, soit une
autorisation du tribunal qui prendra en compte la conjoncture économique et les nécessités de l’organisation
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rationnelle de la distribution, à condition que les activités nouvelles respectent la destination de l’immeuble et les
intérêts des autres locataires.
L’autorisation judiciaire peut être subordonnée au versement d’une indemnité au bailleur pour réparer le
dommage qu’il subit. En outre, le bailleur peut obtenir une augmentation de loyer avec effet immédiat.
Il est certain que la déspécialisation peut permettre la survie d’une entreprise dont les activités actuelles ne
sont pas rentables. Mais elle peut désorganiser le commerce, notamment dans les centres commerciaux, sauf à
trouver les « parades contractuelles » adéquates.
Qu’en est-il avec l’Acte uniforme ?
B- La situation dans l’Acte uniforme
A priori, l’Acte uniforme est muet sur la déspécialisation. En effet, aucun de ses huit chapitres ne fait état
de déspécialisation. Aucun des articles 69 à 102 n’évoque cette question. Est-ce à dire que l’AUDCG a trouvé la
déspécialisation, même partielle, trop osée et a décidé de ne pas la reprendre ? Mais une lecture attentive de l’article
81 peut inciter à penser le contraire.
L’article 81 dispose que :
« le preneur est tenu d’exploiter les locaux donnés à bail en bon père de famille, et conformément à la
destination prévue au bail ou, à défaut de convention écrite, suivant celle présumée d’après les circonstances.
Si le preneur donne aux locaux un autre usage que celui auquel ils sont destinés, et qu’il en résulte un
préjudice pour le bailleur, celui-ci pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail.
Il en est de même lorsque le preneur veut adjoindre à l’activité prévue au bail une activité connexe ou
complémentaire ».
On peut tirer de l’article 81, alinéa 3, que :
- la déspécialisation (partielle ou totale) est possible avec l’accord du bailleur (dans le contrat initial ou
dans un accord ultérieur) ;
- en l’absence d’un tel accord, le locataire peut de son chef procéder à une déspécialisation partielle
(adjonction d’une activité connexe ou complémentaire) sans causer de préjudice au bailleur, ce qui a priori pourrait
souvent être le cas ; en cas de préjudice causé au bailleur celui-ci peut demander en justice la résiliation du bail ;
même si l’AUDCG ne le précise pas, le bailleur pourra aussi demander des dommages-intérêts ;
- en l’absence d’accord du bailleur, il découle d’une interprétation a contrario de l’article 81 que le locataire
ne peut procéder à une déspécialisation plénière ou totale.
En conclusion, l’importance du bail commercial n’est plus à démontrer, particulièrement pour le locataire
qui pourra obtenir, bien souvent, son renouvellement ou une indemnité d’éviction. C’est que la disposition ou plutôt la
jouissance du local conditionne dans bien des cas l’existence et la survie du fonds de commerce. Il n’est donc pas
étonnant que cette technique de protection qui a fait ses preuves puisse profiter à des locataires non commerçants.
C’est ce que réalise l’AUDCG qui, en fait, réglemente le bail professionnel sous le couvert du bail commercial.
Apparemment, l’Acte uniforme a voulu éviter certains excès de la protection, notamment ceux découlant de la
déspécialisation sur un plan d’ensemble. Dans un souci de clarté et au regard de l’état incertain de la réglementation
du bail civil dans les Etats parties au Traité de l’OHADA, l’option a été faite pour une réglementation quasi complète
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du bail commercial et non de ses seules spécificités, souci que l’on peut louer ou déplorer selon l’état de la législation
nationale sur les baux de droit commun.
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LIVRE IV : LES INTERMEDIAIRES DE COMMERCE
En matière commerciale, le commerçant est amené à passer des contrats avec une multitude de clients
que bien souvent il ne connaît pas lui-même. L’intermédiaire lui permet d’entrer en relation avec ces clients en vue de
la conclusion de ces contrats. L’intermédiaire est donc une personne qui fait profession de mettre en relation deux ou
plusieurs personnes en vue de la conclusion d’une convention.
L’importance des intermédiaires de commerce a amené le législateur de l’OHADA à réglementer la
question dans les articles 137 à 201 formant le livre IV de l’AUDCG. Selon l’article 137, « l’intermédiaire de
commerce est celui qui a le pouvoir d'agir, ou entend agir, habituellement et professionnellement pour le compte
d'une autre personne, le représenté, pour conclure avec un tiers un contrat de vente à caractère commercial. » Cette
définition est restrictive en ce qu’elle ne vise que le contrat de vente.
De manière succincte, l’on peut aborder le statut juridique de l’intermédiaire puis la réglementation
spécifique à chaque type d’intermédiaire
SECTION I : LE STATUT JURIDIQUE DE L’INTERMEDIAIRE
On peut dire que, pour l’essentiel, ce statut s’appuie sur le mandat. Ainsi, l’article 143 affirme que, sous
réserve des dispositions particulières de l’AUDCG, les règles du mandat s'appliquent aux relations entre
l'intermédiaire, le représenté et le tiers. Au regard des dispositions de l’AUDCG, il s’agit du mandat tel qu’il a évolué
sous l’action de la jurisprudence et de la doctrine. L’intermédiaire est un mandataire professionnel, ayant la qualité de
commerçant dont les fonctions sont diverses et qu’il exerce, soit avant la conclusion du contrat, soit lors de la
conclusion de celui-ci, soit au cours de son exécution.
Ses pouvoirs découlent du mandat qu’il a reçu et englobent tous les actes concourant à la conclusion et à
l’exécution du contrat.
§ I : La réglementation générale de l’activité d’intermédiaire
Les règles diffèrent selon que l’on les envisage dans les rapports entre les parties ou vis-à-vis des tiers.
Dans les rapports juridiques entre les parties, le contrat d’intermédiaire engendre des obligations que
chaque partie assume vis-à-vis de l’autre, c’est-à-dire l’intermédiaire et le représenté. Il s’agit :
- pour l’intermédiaire, d’exécuter le contrat de mandat et de rendre compte ;
- pour le représenté, de mettre l’intermédiaire en mesure d’exécuter le contrat (devoir de coopération), de
payer la rémunération de l’intermédiaire et de supporter les conséquences financières et juridiques du contrat.
Dans les relations juridiques avec les tiers, le contrat d’intermédiaire, à l’instar du mandat, rompt avec
le principe de l’effet relatif des contrats. Il trouve là indiscutablement sa spécificité par rapport à la plupart des
contrats. Ce trait distinctif est cependant modulé par l’exécution de la mission dévolue à l’intermédiaire. De la sorte,
les effets du contrat d’intermédiaire varient selon que l’exécution est conforme ou non à cette mission :
- l’exécution conforme : dans ce cas, le principe de la représentation s’applique, c’est-à-dire que le
mandataire s’efface et les actes effectués par lui, au nom et pour le compte du mandant, produisent leurs effets dans
le patrimoine de ce dernier ;
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- l’exécution non conforme : dans ce cas, le mandataire ne peut prétendre agir au nom et pour le compte
du représenté, sauf si l’échec tient au fait d’un tiers ou du représenté.
§ II : L’extinction du contrat d’intermédiaire
Le législateur a aménagé les causes et les effets de l’extinction de ce contrat.
Les articles 156 et 157 de l’AUDCG distinguent les causes qui sont liées aux parties (renonciation de
l’intermédiaire, révocation de l’intermédiaire par le représenté), que l’on peut qualifier de causes volontaires, de celles
qui ne dépendent pas d’elles (décès d’une des parties, incapacité ou faillite), que l’on peut qualifier de causes
casuelles.
Quant aux effets de l’extinction du contrat d’intermédiaire, ils se résument à la disparition du contrat
d’intermédiaire, encore que celui-ci puisse survivre dans certaines circonstances exceptionnelles (survie à l’égard du
tiers non informé, survie du contrat en cas d’urgence laissé à l’appréciation des juges).
SECTION II : LA REGLEMENTATION SPECIFIQUE A CHAQUE TYPE D’INTERMEDIAIRE
L’Acte uniforme relatif au droit commercial général prévoit trois types d’intermédiaire : le commissionnaire,
le courtier et l’agent commercial.
§ I : Le commissionnaire
Le commissionnaire en matière de vente et d’achat est celui qui se charge d’opérer en son propre nom,
mais pour le compte du commettant, la vente ou l’achat de marchandises moyennant une commission (art. 160).
Mais il peut s’agir aussi d’un commissionnaire expéditeur ou d’un agent de transport ou d’un commissionnaire agréé
en douane.
Dans les rapports juridiques entre les parties, le commissionnaire assume principalement deux séries
d’obligations :
- des obligations générales liées à la qualité d’intermédiaire : exécution fidèle des opérations faisant l’objet
du contrat, obligation de renseignement du commissionnaire vis-à-vis du représenté, obligation de reddition des
comptes ;
- des obligations spécifiques : elles sont de deux ordres, à savoir l’obligation de secret qui constitue une
limite à l’obligation de renseignement, mais dont la violation n’est pas pénalement sanctionnée, et l’obligation de
sauvegarde consistant à défendre les intérêts jugés essentiels du commettant.
Le commettant assume également deux obligations :
- l’obligation de rémunérer le commissionnaire ;
- l’obligation de remboursement du commissionnaire des frais et débours exposés par ce dernier, et
l’obligation d’indemnisation pour les pertes subies par le commissionnaire en dehors de toute faute de sa part.
La sanction des obligations des parties est le possible engagement de leur responsabilité et surtout la
sanction qui peut être prononcée dans ce cadre.
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La responsabilité du commettant est moins étendue que celle du commissionnaire. Le commettant
n’assume en effet de responsabilité que vis-à-vis du commissionnaire à l’exclusion des tiers.
En revanche, le commissionnaire, en règle générale, assume deux responsabilités : il répond de
l’inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat. Quant à la question de savoir s’il s’agit d’une obligation de
moyens ou d’une obligation de résultat, il convient de se référer aux articles qui traitent :
- du commissionnaire expéditeur ou agent de transport, lequel supporte une obligation de résultat puisqu’il
est assimilé au transporteur ; l’article 173 précise que le commissionnaire expéditeur ou agent de transport répond,
notamment de l'arrivée de la marchandise dans les délais fixés, des avaries et des pertes, sauf fait d'un tiers ou cas
de force majeure ;
- du commissionnaire agréé en douane, lequel est responsable, d’une part envers son commettant de
toute erreur dans la déclaration ou l'application des tarifs de douane, ainsi que de tout préjudice pouvant résulter du
retard dans le paiement des droits, taxes ou amendes, d’autre part vis-à-vis des Administrations des douanes et du
trésor des opérations en douane effectuées par ses soins (art. 175) ;
- le commissionnaire ducroire, qui se porte garant de celui avec lequel il traite, ce qui lui donne droit à une
commission supplémentaire, dite de ducroire.
Quant aux garanties d’exécution, pour obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues par le
commettant, le commissionnaire dispose de deux garanties :
- le droit de rétention des marchandises qu’il détient (à l’exclusion des documents représentant les
marchandises) ;
- le privilège du commissionnaire, consistant en un droit de préférence par rapport aux autres créanciers
du commettant.
Quant au commettant, notamment en cas d’ouverture d’une procédure collective contre le
commissionnaire, il dispose d’une action en revendication des marchandises confiées au commissionnaire et, si les
marchandises ont été vendues, d’une action en revendication du prix contre le sous-acquéreur lorsqu’il ne l’a pas
encore payé.
§ II : Le courtier
Le courtier est un intermédiaire de commerce dont la profession consiste à mettre en rapport des
personnes en vue de faciliter ou de faire aboutir la conclusion de conventions, opérations ou transactions entre ces
personnes (art. 176).
Les obligations du courtier sont :
- de rechercher le cocontractant, mais non pas celle d’assurer la conclusion du contrat ;
- de garantir les offres présentées, c’est-à-dire de veiller à l’exactitude et la précision des renseignements
communiqués aux parties ;
- de rendre compte à son donneur d’ordre en l’informant qu’il a trouvé une contrepartie pour les offres qu’il
était chargé de transmettre.
La responsabilité du courtier n’est pas engagée par la non conclusion ou la non-exécution du contrat mais
par des préjudices résultant de ses fausses déclarations faites aux parties (art. 178).
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En outre, le courtier peut perdre son droit à rémunération s’il a violé l’obligation d’agir dans l’intérêt du
donneur d’ordre ou s’il s’est fait remettre une rémunération par le tiers contractant à l’insu du donneur d’ordre.
Les obligations du donneur d’ordre sont principalement au nombre de deux :
- envers le cocontractant, il doit conclure l’opération si l’offre qu’il a demandée au courtier de faire est
ferme et précise ;
- envers le courtier, il est seul débiteur de la rémunération convenue ; il peut y avoir partage de la
rémunération en cas d’initiative conjointe de deux donneurs d’ordre, acheteur et vendeur par exemple.
§ III : L’agent commercial
« L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, est chargé de façon
permanente de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation
de service, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents, sans être lié
envers eux par un contrat de travail » (art. 184).
Professionnel indépendant, l’agent commercial organise son entreprise comme il l’entend. Il lui est possible
de recevoir plusieurs mandats de différents mandants à la fois, avec la réserve toutefois qu’il ne peut représenter une
entreprise concurrente de celle de l’un de ses mandants. Ceci s’explique par l’intérêt commun qu’ont les parties au
contrat d’agence commerciale, intérêt commun qui fait qu’en cas de cessation du contrat, le mandant doit
dédommager l’agent commercial, sauf si celui-ci a démérité.
Les obligations des parties
Elles sont de deux ordres. Il y en a que les parties assument réciproquement, et d’autres qui sont
particulières à chacune d’elles.
Il s’agit, au titre des obligations réciproques, de :
- l’obligation de loyauté qui implique, pour l’agent commercial, une obligation de non-concurrence et, pour
le donneur d’ordre, l’obligation de respecter l’exclusivité de l’agent commercial ;
- l’obligation d’information, consistant, pour l’agent commercial, à rendre compte de l’exécution de sa
mission et, pour le donneur d’ordre, à fournir à l’agent commercial des informations aussi complètes que possible.
Au titre des obligations particulières à chaque partie, l’agent commercial doit exécuter les obligations
découlant de son mandat, conformément aux clauses du contrat :
- il doit les exécuter professionnellement ;
- il est tenu au secret professionnel et ne doit divulguer aucune information que lui aurait communiquée le
mandant à titre confidentiel ou dont il aurait eu connaissance en raison du contrat.
Quant au mandant, ses obligations consistent à :
- rémunérer l’agent commercial (commission dont le montant est librement fixé par les parties, mais qui
généralement est calculée en pourcentage des offres acceptées par le mandant, avec un paiement au moins une fois
par trimestre) ;
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- à mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter le contrat, et lui fournir régulièrement les relevés de
commission mentionnant les éléments de base de calcul de la commission.
Quant à la cessation du contrat d’agence, en raison de l’intérêt commun qui caractérise le contrat
d’agence commerciale, la libre révocabilité n’est pas possible. L’agent commercial bénéficie d’une protection
comparable à celle du travailleur salarié en cas de rupture du contrat de travail. C’est ainsi que :
- les parties sont tenues d’observer un délai de préavis dont la durée ne peut être inférieure à un (1) mois
pour la première année du contrat, de deux (2) mois pour la deuxième année et de trois (3) mois pour la troisième
année commencée et les autres ;
- l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice dans tous les cas de cessation du contrat
d’agence, sauf s’il commet une faute grave, démissionne volontairement ou cède ses droits et obligations.
Le montant de l’indemnité compensatrice est librement fixé par les paries. Mais pour assurer à l’agent
commercial un minimum d’indemnité, la loi prescrit que lui soit alloué un (1) mois de commission pour la première
année, deux (2) mois de commission pour la deuxième année, trois (3) mois de commission pour la troisième année.
Au-delà de trois (3) ans, le montant de l’indemnité est librement fixé par les parties.
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LIVRE V : LA VENTE COMMERCIALE
La vente commerciale est d’abord une vente. La vente est assurément le contrat spécial le plus usuel.
Historiquement, la vente a été précédée par l’échange ou le troc. Bien que le code civil renvoie à la vente en ce qui
concerne l’échange, c’est plutôt la vente qui dérive de l’échange par le remplacement de l’une des choses par de
l’argent.
La vente s’est démultipliée : on distingue ainsi les ventes civiles des ventes commerciales, les ventes
internes et les ventes internationales, les ventes de meubles et les ventes d’immeubles, les ventes de biens corporels
et de biens incorporels (fonds de commerce, clientèles, droits ou bail), les ventes de biens ordinaires et de biens
protégés (objets d’arts, immeubles classés…).
Les ventes commerciales se décomposent en ventes internes et internationales, terrestres et maritimes.
Concernant les sources de la vente, particulièrement de la vente commerciale, on peut mentionner pour
les Etats parties au Traité de l’OHADA :
- à titre principal, l’AUDCG ; en ce qu’il régit la vente commerciale dans son livre V constituant les articles
202 à 288 ; ce sont ces dispositions qui feront l’objet pour l’essentiel des développements qui suivent ;
- le Code civil français tel qu’il a été déclaré applicable pendant la période coloniale (art. 1582 à 1701) ou
les législations adoptées en remplacement des dispositions de ce code par les Etats depuis leurs indépendances :
On peut citer à cet égard le Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal (COCC). II faut
souligner que les dispositions du Code civil ou les dispositions qui les remplacent demeurent applicables, malgré
l’adoption de l’AUDCG : en effet, « outre les dispositions du présent livre, la vente commerciale est soumise aux
règles du Droit commun » (art. 205). ;
- le Code de commerce français de 1807 tel qu’il avait été déclaré applicable pendant la période coloniale :
l’article unique (art. 109) du Titre VII, intitulé des achats et des ventes, du Livre I de ce code prévoyait que les achats
et les ventes pouvaient se prouver par différents modes de preuve ; la jurisprudence en a déduit que la preuve est
libre non seulement en matière de vente mais également pour tous les contrats commerciaux ;
- au titre des sources d’inspiration de l’AUDCG en ce qu’il concerne la vente commerciale (le mot est trop
faible), on ne peut manquer de relever la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de
marchandises adoptée par la Conférence des Nations Unies le 11 avril 1980 (la conférence s’est tenue du 10 mars
au 11 avril 1980) ; les rédacteurs ont avancé comme choix de cette source d’inspiration le fait que la convention a été
ratifiée par la plupart des pays industrialisés, l’absence de législation spécifique aux ventes commerciales dans les
Etats parties au Traité de l’OHADA et surtout le fait que la plupart de ces Etats si non tous n’avaient pas ratifié cette
convention.
- il faut aussi mentionner l’importance des usages en matière de vente commerciale ; l’AUDCG, dans ses
dispositions régissant la vente commerciale, précise les conditions dans lesquelles les usages s’imposent aux
parties ; de plus, il codifie de nombreux usages comme par exemple le remplacement des marchandises (art. 250) ;
par ailleurs, les usages interviennent dans l’interprétation de la volonté des parties ;
- enfin, on notera le rôle essentiel de la volonté dans la vente commerciale ; comme pour les autres
contrats spéciaux, les règles applicables à un contrat donné sont les règles de la théorie générale des obligations
(TGO), les règles spécifiques du contrat spécial en cause et, bien entendu, les stipulations contractuelles du contrat
individuel ; la primauté de la volonté des parties – la commune volonté – est cependant limitée par la prise en compte
des circonstances de fait (art. 206, al. 3) et par la protection minimale obligatoire accordée aux parties par l’article
281 qui répute non écrite toute convention contraire aux dispositions relatives à la prescription (art. 281).
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Pour appréhender, le contenu de l’AUDCG, il convient, en mettant l’accent sur les spécificités de cette
nouvelle législation, d’aborder successivement :
- le champ d’application, les dispositions générales et la formation du contrat de vente commerciale ;
- les obligations des parties dans la vente commerciale ;
- les sanctions de l’inexécution des obligations des parties ;
- les effets et la prescription de la vente commerciale.
SECTION I : LE CHAMP D’APPLICATION, LES DISPOSITIONS GENERALES ET LA FORMATION DU
CONTRAT
Ces questions bien qu’importantes, n’appellent que de sommaires précisions concernant d’une part le
champ d’application et les dispositions générales, d’autre part la formation du contrat.
§ I : LE CHAMP D’APPLICATION ET LES DISPOSITIONS GENERALES
Le champ d’application tel qu’il ressort de l’AUDCG apparaît restreint tandis que les dispositions générales
sont classiques.
A- Le champ d’application restreint
Sur le plan positif, les dispositions du livre V de l’Acte uniforme s’appliquent aux contrats de vente de
marchandises entre commerçants personnes physiques ou personnes morales. Il n’est pas distingué, et c’est
habituel, selon qu’il s’agit d’une personne morale. Bien qu’il ne soit pas précisé que ce sont les contrats conclus dans
l’exercice de leur profession, il est fort probable que seuls ces contrats sont visés. Il reste à se demander si le terme
« marchandises », comme c’est le cas du terme « chose », englobe ou non les biens incorporels. Aucune règle de
l’Acte uniforme ne permet de trancher la question, sauf que le sens commun du terme incite à l’exclusion.
S’agissant des exclusions, l’article 203 précise que le livre V ne régit pas :
- les ventes aux consommateurs, c’est-à-dire à toute personne qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le
cadre de son activité professionnelle ; les actes mixtes sont ainsi fort logiquement exclus, encore que l’on aurait pu
permettre à la partie non commerçante d’invoquer ces dispositions si tel est son intérêt ; la solution différente a été
adoptée pour la prescription en matière commerciale qui concerne même les actes conclus avec des non
commerçants (art. 18) ;
- les ventes sur saisie, par autorité de justice ou ventes aux enchères publiques ; cette exclusion est
reprise de l’article 2 de la Convention de Vienne ;
- les ventes de valeurs mobilières, d’effets de commerce, de monnaie ou de devises et les cessions de
créances.
La convention de Vienne a cru utile d’exclure expressément les ventes de navires, de bateaux,
d’aéroglisseurs, d’aéronefs et d’électricité (art. 2).
Dans le sens également de l’exclusion, l’article 204 précise que les dispositions du livre V ne s’appliquent
pas non plus aux contrats dans lesquels la part prépondérante de l’obligation de la partie qui fournit les marchandises
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consiste dans une fourniture de main-d’œuvre ou d’autres services. Pour l’essentiel, l’exclusion vise le contrat
d’entreprise. La jurisprudence, pour distinguer le contrat d’entreprise de la vente, s’était fondée pendant longtemps
sur l’importance respective du travail et des fournitures, mais depuis quelque temps, elle retient le critère du travail
spécifique.
B- Le caractère classique des dispositions générales
Elles concernent le rôle de la volonté des parties, la place des usages et celle de l’écrit. Sur le premier
point, l’article 206 dispose qu’en matière de vente commerciale : la volonté et le comportement d’une partie doivent
être appréciés suivant l’intention de celle-ci, lorsque l’autre partie connaissait ou ne pouvait ignorer cette intention ;
les auteurs ont souvent relevé le caractère quelque peu divinatoire de la recherche de l’intention des parties par le
juge.
La volonté et le comportement d’une partie doivent être interprétés selon le sens qu’une personne
raisonnable, de même qualité que l’autre partie, placée dans la même situation, leur aurait donné ; il n’aurait pas été
raisonnable de faire une interprétation de la volonté de l’une des parties sans se référer à l’autre, mais elle se fait in
abstracto.
Pour déterminer l’intention d’une partie, ou celle d’une personne raisonnable, il doit être tenu compte des
circonstances de fait, et notamment des négociations qui ont pu avoir lieu entre les parties, des pratiques qui se sont
établies entre elles, voire encore des usages en vigueur dans la profession ; c’est ici essentiellement la prise en
compte des circonstances de fait.
Le second point est relatif aux usages. Deux types d’usage pourront s’imposer aux parties : de manière
logique d’une part ceux auxquels elles consentent, d’autre part ceux qui sont en quelque sorte objectivement
applicables parce qu’ils sont connus des parties et régulièrement observés par elles dans les contrats de même
nature dans la branche commerciale considérée (art. 207).
Le troisième point a trait à la place de l’écrit : l’écrit n’est pas indispensable. En effet, le contrat de vente
commerciale n’est soumis à aucune condition de forme : il peut de ce fait être écrit ou verbal. En l’absence d’écrit, il
peut être prouvé par tous moyens, y compris par témoins. Il faut préciser que l’écrit est extrêmement utile pour la
preuve, même en matière commerciale et en pratique, les contrats commerciaux importants se font par écrit. L’Acte
uniforme innove en élargissant la notion d’écrit : il doit s’entendre de toute communication utilisant un support écrit, y
compris le télex ou la télécopie. Cela englobe-t-il l’écrit électronique ? On peut en discuter.
§ II : Les dispositions relatives à la formation
Les dispositions relatives à la formation de la vente commerciale traitent des notions d’offre et
d’acceptation, des conditions auxquelles elles sont soumises pour leur validité ainsi de celles à respecter pour leur
rétractation ou révocation.
A- L’offre
L’offre ou la proposition de conclure un contrat adressé à une ou plusieurs personnes déterminées doit
être suffisamment précise et indiquer la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. Elle doit désigner les
marchandises concernées et fixer la quantité et le prix ou tout au moins, donner les indications permettant de les
déterminer.
Le cas de l’offre ou proposition faite au public n’est pas examiné, ce qui bien entendu, ne revient pas à
l’exclure.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
L’offre ne prend effet que si elle parvient à son destinataire, ce qui consacre non pas le système de
l’émission mais celui de la réception.
L’offre peut être révoquée si la révocation parvient au destinataire avant que celui-ci n’ait expédié son
acceptation. L’offre n’est pas révocable si elle précise qu’elle est irrévocable ou si elle détermine un délai pour son
acceptation. Dans ce dernier cas, l’auteur de l’offre doit simplement attendre l’écoulement du délai.
Finalement le système retenu est la réception pour l’offre et l’émission pour l’acceptation ; bien que
logique, il paraît complexe d’autant qu’il comporte des nuances perceptibles dans l’acceptation.
B- L’acceptation
L’acceptation ne requiert aucune formalité : une déclaration ou tout autre comportement du destinataire
indiquant qu’il acquiesce à une offre constitue une acceptation. Toutefois, « le silence ou l’inaction, à eux seuls, ne
peuvent valoir acceptation. L’acceptation prend effet et forme le contrat au moment où elle parvient à l’auteur de
l’offre, sauf si elle parvient hors délai ». La Convention de Vienne prévoit que l’acceptation tardive produit néanmoins
effet en tant qu’acceptation si sans retard, l’auteur de l’offre en informe verbalement le destinataire ou lui adresse un
avis à cet effet ainsi que l’hypothèse où l’acceptation, expédiée dans les délais, n’est pas parvenue à temps pour
transmission irrégulière indépendante de sa volonté (art. 21 de la Convention). En ce qui concerne l’offre verbale, elle
doit être acceptée immédiatement, à moins que les circonstances n’impliquent le contraire. Lorsque l’acceptation
n’est pas pure et simple (elle comporte des altérations), elle devient une contre-proposition insusceptible de former le
contrat. Mais l’Acte uniforme n’indique pas, contrairement à la Convention de Vienne (art. 21) quelles sont les
altérations revêtant un caractère substantiel.
Le point de départ du délai donné pour l’acceptation est fonction du moyen de communication utilisé : pour
l’offre faite dans un télégramme ou une lettre, le délai court du jour de l’émission, le cachet de la poste faisant foi ; si
elle est faite par téléphone, fax, télex ou tout autre moyen de communication instantané, le délai d’acceptation
commence à courir au moment où l’offre parvient au destinataire.
Le contrat est conclu au moment où l’acceptation d’une offre prend effet. Toutefois, l’acceptation peut être
retardée à condition que la rétractation parvienne à l’auteur de l’offre avant la prise d’effet de l’acceptation.
Pour éviter ou limiter les difficultés, l’article 218 détermine les circonstances susceptibles de réaliser la
réception : aussi l’offre, une déclaration d’acceptation ou toute autre manifestation d’intention est considérée comme
parvenue à son destinataire lorsqu’elle lui a été faite verbalement, ou lorsqu’elle a été délivrée par tout autre moyen
au destinataire lui-même, à son principal établissement ou à son adresse postale.
S’il y a eu rencontre de l’offre et de l’acceptation, cela forme le contrat de vente commerciale qui va
produire des obligations à la charge des parties.
SECTION II : LES OBLIGATIONS DES PARTIES
L’acte uniforme n’apporte pas de grandes innovations concernant les obligations des parties que sont le
vendeur et l’acheteur. Les innovations résident davantage dans les dispositions relatives aux sanctions de
l’inexécution des obligations des parties.
§ I : Les obligations du vendeur
Le vendeur a trois obligations : livrer les marchandises, s’assurer de leur conformité à la commande qui lui
a été faite et accorder sa garantie. Ce n’est donc pas un système moniste qui a été retenu comme dans la convention
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de la Haye concernant la vente internationale des objets mobiliers corporels du 1er juillet 1964 qui prévoit que le
vendeur a une seule obligation à savoir délivrer une chose conforme (et non viciée).
A- L’obligation de livraison
On discute en droit français de la différence entre délivrance (obligation juridique qui est de mettre la chose
à la disposition de l’acheteur pour qu’il en prenne possession) et la livraison (opération matérielle de transport et de
mise à la disposition). L’AUDCG s’en tient à la livraison, opération matérielle pouvant impliquer ou non le transport de
la marchandise.
L’obligation de livraison consiste à livrer la chose au lieu convenu ou à défaut, à remettre les marchandises
au lieu où elles sont stockées ou au lieu du principal établissement du vendeur. Au cas où le transport est prévu, le
vendeur doit conclure les contrats y afférents. Au cas où le vendeur n’est pas tenu de souscrire un contrat
d’assurance, il doit fournir à l’acheteur tous les renseignements pour ce faire.
Quant à la date de livraison, c’est celle convenue ou un moment quelconque de la période convenue.
Dans les autres cas, la livraison doit intervenir dans un délai raisonnable à partir de la conclusion du contrat (art.
222).
Enfin, si le vendeur est tenu de fournir les documents afférents aux marchandises, il doit s’en acquitter au
moment, au lieu et dans les formes convenus.
B- L’obligation de conformité
Traditionnellement, la conformité est incluse dans la délivrance (ou livraison). La délivrance est, selon le
Code civil, « le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur » (art. 1604). La
jurisprudence française retient une conception fonctionnelle qui implique une remise telle que l’acquéreur puisse
effectivement user de l’objet du contrat suivant sa nature et sa destination. La délivrance comprend la livraison, mais
ne se limite pas à la remise physique. Il faut que l’acquéreur soit mis en mesure de prendre possession de la chose.
Les articles 224 à 229 relatifs à l’obligation de conformité invitent à distinguer les obligations et droits
respectivement du vendeur et de l’acheteur y afférents.
Relativement au vendeur, adoptant une approche pragmatique et analytique, l’AUDCG procède à une
énumération des éléments d’appréciation de la conformité après avoir posé la règle selon laquelle le vendeur doit
livrer les marchandises dans la quantité, la qualité, la spécification, le conditionnement et l’emballage correspondant
à ceux prévus au contrat ; aussi, sauf convention contraire des parties, les marchandises ne sont conformes que si :
1) elles sont propres aux usages auxquels servent habituellement les marchandises de même type ;
2) elles sont propres à tout usage spécial qui a été porté à la connaissance du vendeur au moment de la
conclusion du contrat ;
3) elles possèdent les qualités d’une marchandise dont le vendeur a remis à l’acheteur l’échantillon ou le
modèle ;
4) elles sont emballées ou conditionnées selon le mode habituel pour les marchandises de même type ou,
à défaut de mode habituel, de manière propre à les conserver et à les protéger (art. 224).
Le vendeur est responsable de tout défaut de conformité existant au moment du transfert des risques
même si ce défaut n’apparaît qu’ultérieurement. Toutefois, en cas de livraison anticipée, le vendeur a la faculté de
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parfaire l’exécution de son obligation de conformité jusqu’à la date prévue de livraison et à charge, le cas échéant, de
réparer le dommage que subirait l’acheteur.
Du côté de l’acheteur, l’AUDCG met à sa charge une obligation d’examiner ou de faire examiner la
marchandise. Cette obligation, qui n’est qu’implicite en droit français, doit s’exécuter dans un bref délai apprécié
selon les circonstances. L’article 227, alinéa 1er, utilise l’expression « un délai aussi bref que possible eu égard aux
circonstances ». L’acheteur doit, dans un délai raisonnable à partir du moment où il a constaté, ou aurait dû le
constater, le défaut de conformité, le dénoncer sous peine de déchéance. Dans tous les cas, la déchéance intervient
dans un délai préfix d’un an sauf si ce délai est incompatible avec la durée d’une garantie conventionnelle.
C- L’obligation de garantie
Elle est traitée par trois dispositions qui abordent successivement la garantie d’éviction, la garantie contre
les vices cachés et les clauses limitatives de garantie.
D’abord, le vendeur doit livrer les marchandises libres de tout droit ou prétention d’un tiers, à moins que
l’acheteur n’accepte de prendre les marchandises dans ces conditions. Il s’agit là de la garantie du fait des tiers qui
concerne les troubles de droit et non les troubles de fait. Celle du fait personnel, qui concerne aussi bien les troubles
de droit que les troubles de fait, n’est pas évoquée sans doute parce que cela va de soi : « qui doit garantie ne peut
évincer ».
Ensuite, le vendeur est tenu d’une garantie contre les vices cachés transmissibles aux acquéreurs
successifs de la marchandise. La garantie est due ‘‘lorsque le défaut caché de la chose vendue diminue tellement
son usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix s’il l’avait connu’’ (art. 231, al. 1).
La formule de l’Acte uniforme doit être rapprochée de celle du Code civil (art. 1641) selon laquelle « le vendeur est
tenu de la garantie des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou
qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il
les avait connus ».
Ce rapprochement conduit au questionnement suivant : est-ce à dire que désormais on doit rattacher le
cas où « la marchandise est impropre à l’usage auquel on le destine » à la conformité (qui, dans le système du Code
civil fait partie de la délivrance incluant la livraison) ? Ou bien est-ce que son inclusion dans les vices cachés va de
soi dans la mesure où si la garantie concerne expressément le cas de la diminution de l’usage, il paraît logique
qu’elle inclut a fortiori le cas où la marchandise est impropre à l’usage auquel on la destine ? En pratique, sera-t-il
aisé de distinguer entre obligation de conformité et garantie contre les vices cachés ? En s’en tenant au contenu de
l’Acte uniforme, la première solution semble préférable en ce qui concerne la première question mais il faut attendre
que la Cour commune de justice et d’arbitrage se prononce pour être définitivement fixé.
Les conditions de la garantie ressortant de l’article 231 exigent que :
- le vice diminue tellement l’usage de la chose ; qu’en est-il si la chose est impropre à l’usage auquel on la
destine ?
- le vice doit être occulté ou caché et non apparent, sinon on considèrera que la victime l’a accepté ou a eu
tort de ne l’avoir pas constaté ;
- le vice doit être antérieur ou concomitant à la vente ou plus précisément au transfert des risques car le
défaut doit être imputable au vendeur et non à l’acheteur.
La garantie des vices cachés bénéficie tant à l’acheteur contre le vendeur qu’au sous-acquéreur contre le
fabricant ou un vendeur intermédiaire pour la garantie du vice caché affectant la chose vendue dès sa fabrication. En
droit commun, cette solution, qui est jurisprudentielle, a été adoptée depuis 1820.
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§ II : Les obligations de l’acheteur
En matière commerciale, comme d’ailleurs en matière civile, l’acheteur a toujours eu deux obligations
ayant trait au paiement du prix et à la prise de livraison de la chose.
A- Le paiement du prix
C’est l’obligation principale de l’acheteur, celle en fonction de laquelle le vendeur est engagé. L’AUDCG
prévoit dans ses articles 234 à 239 que l’acheteur doit prendre toutes les mesures et toutes les formalités tendant au
paiement découlant du contrat ou des lois et payer le prix fixé ou celui habituellement pratiqué au moment de la
conclusion du contrat dans la branche commerciale considérée pour les mêmes marchandises vendues dans des
circonstances comparables (art. 235) ; c’est ici le rejet de la vente sans prix qui confirme l’exigence de l’article 210
relatif aux conditions de l’offre ; malgré son avancée, la solution de l’AUDCG semble en retrait par rapport à
l’évolution récente.
Le lieu du paiement est celui convenu ou celui de la remise des documents, le cas échéant, ou
l’établissement du vendeur, ce qui indique que, comme dans le Code civil, le paiement est portable.
Le moment du paiement est celui prévu par le contrat ou à défaut le moment ou le vendeur met à sa
disposition les marchandises ou les documents représentatifs. La mise à disposition des marchandises et des
documents représentatifs peut être conditionnée par le paiement du prix, mais les parties peuvent faire dépendre le
paiement du prix de la possibilité pour l’acheteur d’examiner les marchandises.
La date du paiement est celle fixée par le contrat ou résultant de celui-ci sans formalité.
B- La prise de livraison
La prise de livraison, également appelée retirement, consiste pour l’acheteur d’une part à accomplir tout
acte qu’on peut raisonnablement attendre de lui pour permettre au vendeur d’effectuer la livraison (devoir de
coopération pesant sur l’acheteur), d’autre part à retirer effectivement les marchandises.
Des obligations et des droits similaires sont prévus pour le vendeur en l’absence de retirement des
marchandises ou pour l’acheteur qui entend les refuser :
- d’abord l’obligation de conservation jusqu’au remboursement des frais de conservation (et/ou du prix pour
le vendeur) ;
- le droit de rétention sur les marchandises dans les magasins d’un tiers ;
- la possibilité de vendre les marchandises et de retenir un montant égal à ses frais, le surplus revenant à
l’autre partie, en cas de retard dans l’exécution par celle-ci de ses obligations, à condition de lui notifier préalablement
son intention de les vendre.
Outre les dispositions ci-dessus, l’inexécution fait l’objet de sanctions pesant sur les parties.
SECTION III : LES SANCTIONS DE L’INEXECUTION DES OBLIGATIONS DES PARTIES
En dehors du changement de la règle relative au transfert de la propriété et des risques, les dispositions
relatives aux sanctions en cas d’inexécution de ses obligations par l’une des parties sont assurément celles qui
présentent le plus d’innovations par rapport au droit commun.
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L’économie des nombreuses dispositions y afférentes (articles 245 à 273) peut être succinctement
abordée en distinguant les dispositions générales, les sanctions de l’inexécution des obligations du vendeur, les
sanctions de l’inexécution des obligations de l’acheteur et les autres dispositions.
§ I : Les dispositions générales
Elles ont trait à l’exception d’inexécution, à la résolution et à la notion de manquement essentiel. Chacune
des parties peut après la conclusion du contrat demander en justice à différer l’exécution de ses obligations s’il
apparaît que l’autre n’exécutera pas une partie essentielle de ses obligations du fait soit d’une grave insuffisance
dans sa capacité d’exécution, soit de son insolvabilité, soit de la manière dont elle s’apprête à exécuter ou exécute le
contrat (art. 245). Il y a ici une adaptation de l’exception d’inexécution (exceptio non adimpleti contractus) qui devient
judiciaire, préventive et limitée aux faits énoncés apparus après la conclusion du contrat. Cela ne devrait pas
empêcher le recours à l’exception d’inexécution de droit commun qui existe pour tous les contrats synallagmatiques.
La résolution peut être également demandée en justice s’il apparaît que l’autre partie va commettre ou a
commis un manquement essentiel à ses obligations. La résolution peut concerner les livraisons futures s’il y a un lien
de connexité empêchant l’utilisation des livraisons aux fins envisagées (art. 247).
Quant au manquement essentiel, il se définit par rapport à l’importance du préjudice et sa prévisibilité. En
effet, ‘’un manquement au contrat de vente commis par l’une des parties est considéré comme essentiel lorsqu’il
cause à l’autre partie un préjudice tel qu’il la prive substantiellement de ce qu’elle était en droit d’attendre du contrat,
à moins que ce manquement n’ai été causé par le fait d’un tiers ou la survenance d’un événement de force majeure’’
(art. 248).
§ II : Les sanctions de l’inexécution des obligations du vendeur
En cas d’inexécution par le vendeur de ses obligations, l’acheteur peut :
- exiger du vendeur qu’il exécute ses obligations par le remplacement des marchandises ou la réparation
du défaut de conformité, le tout dans un délai raisonnable ;
- accorder un délai supplémentaire à l’acheteur pour s’exécuter, délai pendant lequel il ne peut se prévaloir
des moyens dont il dispose en cas de manquement, sauf la possibilité de demander des dommages-intérêts ;
- demander des dommages-intérêts si le vendeur, comme le lui reconnaît l’article 252, répare à ses frais
son manquement, même après la date de la livraison.
Le vendeur peut demander à l’acheteur de lui faire savoir s’il accepte l’exécution, et si l’acheteur ne lui
répond pas dans un délai raisonnable, le vendeur peut exécuter ses obligations dans le délai qu’il a indiqué dans sa
demande. Avant l’expiration de ce délai, l’acheteur ne peut se prévaloir d’un moyen incompatible avec l’exécution par
le vendeur de s’obligations.
L’acheteur peut demander la résolution du contrat en justice :
- si l’inexécution du vendeur constitue un manquement essentiel ;
- en cas de défaut de livraison, éventuellement après un délai supplémentaire accordé au vendeur.
L’acheteur perd le droit de considérer le contrat résolu, en cas de livraison par le vendeur s’il n’a pas
demandé la résolution dans un délai raisonnable par exemple en cas de livraison tardive, à partir du moment où il a
su que la livraison avait été effectuée.
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Si l’inexécution est partielle (seulement une partie des marchandises n’est pas conforme ou n’a pas été
livrée), la sanction, par exemple la résolution, sera partielle et la réparation également (art. 255).
Finalement, les dispositions ci-dessus se caractérisent par une forte volonté de préserver le contrat en
procédant au remplacement ou à la mise en conformité des marchandises, en prévoyant des délais supplémentaires
ou la résolution partielle.
En cela, l’Acte uniforme est resté conforme à sa source d’inspiration, en l’occurrence la Convention de
Vienne. Il a, en effet, été souligné que l’ « une des idées fondamentales de la convention est le souci de sauver
autant que possible le contrat qui a souvent demandé des démarches et des négociations coûteuses ». La même
volonté de sauver le contrat se retrouve en cas d’inexécution de l’acheteur.
§ III : Les sanctions de l’inexécution des obligations de l’acheteur
L’Acte uniforme a prévu la possibilité d’octroi d’un délai supplémentaire de réparation ou de réfaction du
contrat et la résolution de celui-ci. D’abord, le vendeur peut accorder à l’acheteur un délai supplémentaire d’une
durée raisonnable pour s’exécuter, auquel cas il perd pendant ce délai le droit d’invoquer les moyens dont il dispose
en cas de manquement, sauf la possibilité de demander des dommages-intérêts.
Ensuite, l’acheteur peut, même après la date de livraison, réparer à ses frais tout manquement à ses
obligations, à condition que cela n’entraîne pas un retard déraisonnable, ni un inconvénient déraisonnable pour le
vendeur, ni une incertitude quant au paiement du prix. Le vendeur conserve dans ce cas la possibilité de demander
des dommages-intérêts. Si l’acheteur demande au vendeur de lui faire savoir s’il accepte l’exécution et si le vendeur
ne lui répond pas dans un délai raisonnable, l’acheteur peut exécuter ses obligations dans le délai qu’il a indiqué
dans sa demande et le vendeur ne peut, avant l’expiration de ce délai, se prévaloir d’un moyen incompatible avec
l’exécution de ses obligations par l’acheteur (art. 258). Cette règle a son pendant en ce qui concerne le vendeur (art.
252 et 253).
Puis, le vendeur peut demander en justice la résolution en cas d’inexécution par l’acheteur constituant un
manquement essentiel ou de non prise de livraison après le délai supplémentaire que lui aurait accordé le vendeur.
Par ailleurs, l’acheteur peut réduire le prix proportionnellement, en cas de défaut de conformité, à la
différence entre la valeur que les marchandises livrées avaient au moment de la livraison et la valeur que des
marchandises conformes auraient eu à ce moment (art. 260). C’est la réfaction du contrat qui s’effectue sans recours
au juge. Elle n’est envisageable que si le défaut de conformité n’est pas tel que la marchandise devient impropre à
l’usage auquel on la destine.
Enfin, en cas de livraison anticipée ou excédentaire, le contrat n’est pas résolu : un choix est laissé à
l’acheteur entre le refus et l’acceptation de la livraison.
L’AUDCG prévoit d’autres dispositions ayant également trait à l’hypothèse de l’inexécution de ses
obligations par l’une des parties.
§ IV : Les autres dispositions
Elles sont relatives aux intérêts et dommages et intérêts, à l’exonération de responsabilité et aux effets de
la résolution.
Concernant les intérêts et les dommages et intérêts, chaque partie a droit à un intérêt, au taux légal
applicable en matière commerciale, sur toute somme qui lui est due en exécution du contrat à compter de la mise en
demeure (qui peut être simplifiée), et cela en dehors de tout préjudice. Les dommages et intérêts fondés sur un
préjudice prouvé causé par un manquement au contrat incombant à l’autre partie sont égaux à la perte subie ou au
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gain manqué. En cas de résolution du contrat, l’acheteur qui a procédé à un achat de remplacement ou le vendeur
qui a procédé à une revente peut demander des dommages et intérêts égaux à la différence entre le prix de l’achat
de remplacement ou de la revente, ainsi que tous autres dommages et intérêts qui peuvent être dus. Ce texte fixe un
mode objectif d’évaluation du préjudice subi du fait du remplacement ou de la revente. L’AUDCG pose une règle
innovatrice : la victime d’un préjudice, dans le cadre d’un contrat de vente commerciale, a l’obligation de tout mettre
en œuvre pour limiter la perte que lui cause l’inexécution de son co-contractant car « si elle néglige de le faire, la
partie en défaut peut demander une réduction des dommages et intérêts égale au montant de la perte qui aurait pu
être évitée » (art. 266).
Une partie qui n’a pas exécuté son obligation n’est pas responsable si l’inexécution est due à un
empêchement indépendant de sa volonté, tel que notamment le fait d’un tiers ou la force majeure. Tel n’est pas le
cas si l’inexécution par l’une des parties résulte du fait d’un tiers chargé par elle d’exécuter tout ou partie du contrat,
ce qui correspond au recours à un mandataire.
Quant à la résolution, elle libère les deux parties de leurs obligations, sauf les stipulations relatives au
règlement des différends ou aux obligations des parties en cas de résolution et elle implique la restitution à chacune
des parties de ce qu’elle a fourni ou payé.
L’impossibilité de restituer la marchandise reçue paralyse le droit à la résolution, sauf si elle est
indépendante de la volonté de l’acheteur. Le fait de ne pas pouvoir invoquer la résolution n’empêche pas la réduction
du prix et éventuellement la mise en conformité.
Le paiement des intérêts s’impose aux parties dans les conditions suivantes : le vendeur tenu de restituer
doit les intérêts sur le prix à compter du jugement ; l’acheteur tenu de restituer les marchandises doit également au
vendeur l’équivalent de tout profit qu’il a tiré des marchandises ou d’une partie de celles-ci.
En supposant que le contrat de vente commerciale est régulièrement formé et exécuté, il va produire les
effets que l’Acte uniforme y attache. Dans tous les cas, qu’il y ait exécution ou non, se pose la question de la
prescription.
SECTION IV : LES EFFETS ET LA PRESCRIPTION DE LA VENTE
Les effets et la prescription de la vente ne sont pas étroitement liés : les effets font l’objet du titre IV tandis
que la prescription constitue l’une des sections du chapitre III (sanctions de l’inexécution des obligations des parties)
du titre III (Obligations des parties). Il convient donc de les traiter successivement.
§ I : Les effets
La vente commerciale entraîne, comme toute vente, le transfert de propriété de la chose vendue, qui, à
son tour, entraîne celle des risques.
A- Le transfert de propriété
En droit commun, le transfert de propriété découle du consentement ou de l’accord de volonté : c’est le
transfert solo consensu. Ainsi, pour l’article 1583 du Code civil, la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété
est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose
n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
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L'article 1583 n'est qu'une application particulière à la vente d'un texte d'une portée générale applicable à
tous les contrats translatifs de propriété. Il s'agit de l'article 1138 du code civil qui dispose que « l'obligation de livrer la
chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes ».
L'AUDCG prend le contre-pied de ces dispositions du Code civil en disposant que « le transfert de
propriété s'opère dès la prise de livraison par l'acheteur de la marchandise vendue » (art. 283).
La convention de Vienne fait du transfert de propriété une obligation pesant sur le vendeur : « le vendeur
s'oblige, dans les conditions prévues au contrat et par la présente convention, à livrer les marchandises, à en
transférer la propriété et, s'il y a lieu, à remettre les documents s'y rapportant » (art. 30). Dans les deux cas et
particulièrement dans l’AUDCG, le transfert de propriété est détaché du consentement.
Cette règle de principe reçoit une dérogation si la convention en dispose autrement. Ainsi les parties
peuvent librement convenir de reporter ce transfert de propriété au jour du complet paiement du prix. C'est la
reconnaissance de la clause de réserve de propriété. Celle-ci n'a d'effet entre les parties que si l'acheteur en a eu
connaissance par sa mention dans le contrat de vente, le bon de commande, le bon de livraison, et au plus tard le
jour de celle-ci. Pour être opposable aux tiers, la clause de réserve de propriété doit être publiée au Registre du
Commerce et du Crédit Mobilier, conformément aux dispositions des articles 59 et 60 de l'AUDCG.
B- Le transfert des risques
Le transfert de propriété produit une conséquence essentielle : le transfert des risques de la marchandise
du vendeur à l'acheteur. Ainsi, si la chose périt ou est détériorée pour des événements qui ne sont pas dus à un fait
du vendeur, l'acheteur qui n'a pas encore payé reste tenu du paiement du prix. Des précisions ou des dérogations
sont apportées. Ainsi, le transfert des risques a lieu :
- à partir de la remise des marchandises au premier transporteur si la vente implique un transport ;
- à partir du moment où le contrat est conclu pour les marchandises vendues en cours de transport ;
- à l'identification des marchandises pour celles qui ne sont pas encore individualisées.
§ II : La prescription
La prescription en matière de vente commerciale, contrat instantané, déroge à la prescription de droit
commun en matière commerciale qui est de cinq ans et court à compter de la date à laquelle l'action peut être
exercée. Mais cette règle reçoit des précisions en ce qui concerne son point de départ et les causes d'interruption.
A- Le point de départ du délai
La prescription est de deux ans et court à compter du jour où l'action peut être exercée (art. 274). L’action
peut être exercée à partir de la date :
- du manquement au contrat ;
- à laquelle le défaut a été découvert ou aurait dû raisonnablement être découvert par l'acheteur, ou de
l'offre de remise de la chose refusée par lui ;
- à laquelle le dol ou les agissements frauduleux auraient dû être découverts ;
- d'expiration de la garantie contractuelle.
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Ces solutions semblent conformes à celles dégagées par la jurisprudence.
La prescription qui a commencé à courir, tant qu'elle n'est pas acquise, peut être interrompue.
B- Les causes d'interruption
Sont considérés comme interruptifs de la prescription :
- tout acte accompli par le créancier de l'obligation qui est considéré comme interruptif de prescription par
la loi de la juridiction saisie ; tel est le cas de la citation en justice, du commandement de payer et de la saisie
signifiés ;
- l'engagement de la procédure d'arbitrage s'il y a une convention d'arbitrage ;
- une demande reconventionnelle ; pour la faire échapper à la prescription, l'AUDCG la fait rétroagir à la
date de l'acte relatif au droit auquel elle est opposée, à condition que tant la demande principale que la demande
reconventionnelle dérivent du même contrat.
Par ailleurs, une procédure introduite contre un débiteur fait cesser le cours de la prescription à l'égard du
codébiteur solidaire sur information de ce dernier par écrit de l'introduction de la procédure. Si la procédure est
introduite par un sous-acquéreur contre l'acheteur, le délai de prescription cesse de courir quant au recours de
l'acheteur contre le vendeur si l'acheteur informe le vendeur par écrit avant l'expiration dudit délai de l'introduction de
la procédure.
Les dispositions régissant la prescription sont d'ordre public mais la prescription ne peut être prise en
considération que si elle est invoquée par la partie intéressée.
En conclusion, la réglementation de la vente commerciale, s'inspirant largement de la convention de
Vienne, mais aussi de la jurisprudence en matière de contrats commerciaux, surtout internationaux, est dans
l'ensemble satisfaisante quant à son contenu, particulièrement pour les contrats internationaux. La question qui se
pose est celle de son utilité pour les simples contrats commerciaux internes puisque l'AUDCG fait partie du droit
interne de chacun des Etats parties au Traité de l'OHADA. On peut en douter quand on sait que les Etats parties
n'avaient pas observé de difficultés, ni d'insuffisances majeures dans leurs législations concernant les ventes internes
et que des Etats comme la France ne semblent pas envisager de réforme profonde des articles 1582 à1701 relatifs à
la vente.
Sur le plan interne, il résultera nécessairement une complexité du droit applicable lorsqu'il faudra se poser
devant chaque vente la question du droit applicable - Code civil ou AUDCG - et si c'est l'AUDCG, le combiner avec le
Code civil en raison de ce que l'application des dispositions du livre V de l'AUDCG relatives à la vente commerciale
n'exclut pas les règles du droit commun.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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L’ACTE UNIFORME DE L’OHADA PORTANT ORGANISATION DES SURETES
Schématiquement, on peut soutenir que pendant une longue période, la priorité dans le monde des
affaires (monde du commerce et de l’industrie) a été d’ordre technique ou technologique : il s’agissait de produire, en
quantité et en qualité, d’où la priorité donnée aux ingénieurs et aux machines, avec le taylorisme et le stakanovisme.
Par la suite, la production étant assurée, il est devenu impérieux de la placer, autrement dit de vendre les produits.
Cela a entraîné la naissance et le développement du marketing et, d’une manière générale, de toutes les techniques
de vente, aboutissant souvent à différer le paiement. Or une entreprise qui ne recouvre pas ses créances finit par
rencontrer des difficultés de trésorerie, qui pourraient rapidement se transformer en difficultés financières, lesquelles
peuvent compromettre la santé de l’entreprise et même entraîner sa disparition.
Le recouvrement des créances est donc une priorité pour l’entreprise. Parmi les moyens juridiques de
l’assurer, il y a, outre les procédures simplifiées et les voies d’exécution, les procédures collectives lorsque le
débiteur est en état de cessation des paiements, les sûretés qui permettent au créancier de se ménager une position
très favorable quant à l’obtention du paiement, sûretés qu’il convient d’étudier dans le contexte de l’OHADA qui a pris
un Acte uniforme y relatif, à savoir l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS), adopté, avec deux autres
Actes uniformes, le 17 avril 1997 à Cotonou et entré en vigueur le 1er janvier 1998.
Plusieurs questions méritent d’être succinctement évoquées avant l’étude proprement dite des sûretés en
droit OHADA.
D’abord leur définition. Pour des auteurs réputés, « le terme sûreté est synonyme de sécurité. Dans le
langage courant, les deux termes s’emploient indifféremment... Par convention, le droit civil a réservé au terme
« sûreté » une signification plus étroite : « celle de garantie conférée au créancier contre le risque d’insolvabilité de
son débiteur ». Pour l’article 1er de l’AUS, « les sûretés sont les moyens accordés au créancier par la loi de chaque
Etat partie ou la convention des parties pour garantir l’exécution des obligations, quelle que soit la nature juridique de
celles-ci ».
Cela pose le problème de savoir si toutes les garanties de paiement sont des sûretés ou si c’est
seulement celles que le législateur réglemente comme telles qui le sont. La question est délicate : d’un côté,
l’objectif étant de garantir le paiement du créancier, il n’y a pas a priori de raison d’exclure telle ou telle garantie
accroissant les chances de paiement du créancier de la catégorie des sûretés. De l’autre, une telle approche peut
sembler trop extensive et impraticable, plusieurs contrats et mécanismes juridiques pouvant servir de garantie alors
qu’en plus leur fonction première peut être autre. Dans ce sens, on peut noter la vente à réméré, la location-vente, le
crédit-bail, la vente avec une clause de réserve de propriété, la fiducie, les lettres d’intention ou de confort ou de
patronage, le constitut, la solidarité et l’indivisibilité, la délégation (délégation imparfaite où le délégataire, recevant
l’engagement du tiers en qualité de délégué, ne décharge pas son débiteur primitif), l’action directe, la promesse de
porte-fort, l’assurance (si le contrat a été souscrit par le débiteur, il ne peut s’agir que d’un cautionnement ; s’il a été
souscrit par le créancier, l’opération est une assurance), la convention de ducroire (par laquelle un intermédiaire,
mandataire, commissionnaire ou autre, garantit à son cocontractant l’exécution du contrat), la confirmation de crédit
documentaire, l’affacturage (lorsque le factor assume le risque d’insolvabilité du débiteur), les garanties de passif
dans les cessions de droits sociaux, les engagements de reprise de matériels pris par des fournisseurs, les garanties
de revenus données parfois par des vendeurs et ce n’est pas exhaustif.
Sur cette question, on peut retenir la conception restrictive en l’élargissant aux garanties les plus usuelles
et les plus efficaces ou adopter une conception large en n’ayant pas la prétention de traiter de tout ce qui serait alors
des sûretés.
Ensuite la classification des sûretés. Les sûretés sont réelles ou personnelles : elles sont personnelles
lorsque la garantie résulte de l’engagement d’une autre personne au côté du débiteur ; la sûreté est réelle lorsque
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certains biens du débiteur garantissent le paiement, de sorte que le produit de la vente de ces biens est remis au
créancier par préférence aux créanciers chirographaires. La question se complique avec ce que l’on appelle la
caution réelle, les privilèges généraux et le droit de gage général.
L’article 12 de l’AUS prévoit que la caution peut garantir son engagement en consentant une sûreté réelle
sur un ou plusieurs de ses biens. Elle peut également limiter son engagement à la valeur de réalisation du ou des
biens sur lesquels elle a consenti une telle sûreté. La caution réelle, qui est donc celle qui a donné en garantie de sa
garantie une sûreté réelle mobilière ou immobilière, est en principe engagée pour la totalité du montant de la garantie
souscrite par elle-même. Mais si les parties en sont d’accord, elle peut limiter sa garantie à la valeur du bien qu’elle
apporte en garantie réelle.
Le droit de gage général n’a rien à voir avec un gage. En plus, il ne profite pas à tel ou tel créancier
déterminé mais à tous. La terminologie peut donc être trompeuse. La droit de gage général profite à tout créancier et
porte sur tous les biens de son débiteur présents et à venir.
Quant aux privilèges généraux, qui ne confèrent pas de préférence sur des biens déterminés mais plutôt
sur l’ensemble du patrimoine lorsqu’il s’agit de privilèges généraux tout court (ou mobiliers et immobiliers) ou sur
l’ensemble du patrimoine mobilier pour les privilèges généraux mobiliers, ils produisent des effets particuliers. D’une
part, le privilège général n’accorde aucune préférence sur tel ou tel bien déterminé. D’autre part, en cas de vente des
biens, en fonction de son rang, le privilège général accorde une priorité dans le paiement.
Pour aller plus loin dans l’approche des sûretés, il convient de s’appuyer sur la distinction classique entre
sûretés personnelles et sûretés réelles que retient l’Acte uniforme du 10 avril 1997 portant organisation des sûretés
(AUS). En plus, deux principales garanties, que sont la clause de réserve de propriété et le crédit-bail, seront
évoquées.
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PREMIERE PARTIE : LES SURETES PERSONNELLES
Il s’agit, d’une part, et de façon classique, du cautionnement qui constituait en réalité la seule sûreté
personnelle stricto sensu et, d’autre part, de la lettre de garantie qui est l’une des principales innovations apportées
par l’AUS. Ces deux sûretés, qui seront successivement abordées, appellent des développements d’inégale
importance.
SECTION I : LE CAUTIONNEMENT
Principale sûreté personnelle réglementée par l'AUS, le cautionnement peut être défini comme un contrat
par lequel une personne, appelée caution, s'engage à l'égard du créancier à payer la dette du débiteur au cas où
celui-ci serait défaillant. Historiquement, le cautionnement serait issu de la solidarité familiale du droit romain. Cette
origine avait, semble-t-il, poussé les rédacteurs du Code civil français à plus de sollicitude pour la caution, censée
rendre un service gratuit. Les dispositions du Code civil ont été rendues applicables dans les Etats africains sous
domination française. Mais au fil du temps, la pratique du cautionnement par les établissements de crédit de ces
Etats a conduit à la prééminence du cautionnement solidaire sur le cautionnement simple, pourtant considéré par le
Code civil de 1804 comme étant la règle. Ce mouvement a entraîné en pratique l'abandon du statut protecteur édicté
par le Code civil. En effet, les créanciers, qui sont habituellement en position de force, incluaient dans les actes de
cautionnement des clauses de renonciation au statut protecteur de la caution. Or, depuis les indépendances, excepté
le Sénégal (qui a adopté la loi n° 76-60 du 12 juin 1976 portant 3ème partie du Code des obligations civiles et
commerciales et relatives aux garanties des créanciers), le problème de la caution ne semblait pas émouvoir les
autorités africaines compétentes. La réglementation bancaire, notamment celle adoptée dans le cadre de l'UEMOABCEAO, ne cessait de renforcer davantage la puissance du banquier vis-à-vis de ses contractants. Face à cette
pratique, le législateur OHADA a observé deux mouvements contradictoires : d’une part, il a légalisé la pratique en
décidant que le cautionnement solidaire devenait la règle ; d’autre part, il a édicté un certain nombre de dispositions
visant à protéger la caution. Cette réorganisation du cautionnement, qui n’est donc pas une révolution, peut être
appréhendée à travers l’examen des règles relatives à la formation du cautionnement, à ses effets et à son extinction.
§ I : La formation du cautionnement
Aux termes de l'article 3 de l'AUS, le cautionnement est un contrat par lequel la caution s'engage envers le
créancier, qui accepte, à exécuter l'obligation du débiteur si celui-ci n'y satisfait pas lui-même. Il ressort de cette
définition que le cautionnement est un contrat accessoire, unilatéral, ce qui n’empêche pas qu’il puisse être à titre
onéreux ou que des obligations pèsent sur le créancier, et consensuel, même si ce caractère paraît discutable. Le
cautionnement peut être de source légale ou judiciaire, selon que sa fourniture est prescrite par la loi et par une
décision de justice. Lorsqu’elle est légale, c’est la loi qui définit les conditions que la caution doit remplir. Quant à la
caution judiciaire, on relève que l’article 16 l’assimile à la caution solidaire en prévoyant que les deux ne disposent
pas du bénéfice de discussion.
En tant que contrat, il est soumis lors de sa formation à un certain nombre de conditions. Ces conditions
sont, soit communes à tous les contrats, soit spécifiques au contrat de cautionnement.
Après avoir rappelé ces conditions qui figuraient déjà dans le Code civil français, l'AUS a fixé un certain
nombre de modalités pour la formation du cautionnement OHADA.
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A- Les conditions tirées du droit commun des contrats
D’abord, au plan des conditions de fond, comme toute convention, le cautionnement doit respecter les
conditions posées par le Code civil, à savoir un consentement exempt de vice, la capacité de contracter, un objet et
une cause existants et licites. En ce qui concerne la capacité de la caution, elle sera déterminée selon la loi nationale
de celle-ci. Quant aux autres conditions, il faut se référer au droit commun, notamment aux articles 1108 et suivants
du Code civil.
Pour les conditions de forme, comme pour remettre en cause le caractère consensuel du contrat de
cautionnement, l'article 4, a1inéas 1et 2, exige que le cautionnement soit convenu de façon expresse. Selon l’alinéa
1er de cette disposition, « le cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de l’obligation garantie. A
peine de nullité, il doit être convenu de façon expresse entre la caution et le créancier ». Mais l’exigence qu’il soit
convenu de façon expresse n’implique pas qu’il doit être nécessairement écrit. Selon l’alinéa 2 de l’article 4 de l’AUS,
« le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant la signature des deux parties et la mention, écrite de
la main de la caution, de la somme maximale garantie, en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le
cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres ». Par ces dispositions, le législateur de l’OHADA reprend les
exigences de l'article 1326 du Code civil, mais il a eu le mérite de trancher le débat soulevé dans le droit antérieur
quant à la portée de l'écrit : l'article 4, alinéa 1er, dispose que c'est à peine de nullité que le cautionnement doit être
convenu de façon expresse entre la caution et le créancier. La jurisprudence française limite l’exigence de la mention
manuscrite à la somme ou à la quantité due sans l’étendre à la nature de la dette, à ses accessoires ou à ses
composantes. L’AUS est plus protecteur lorsqu’il dispose, à son article l’article 8, alinéa 1er, que « le cautionnement
d'une obligation peut s'étendre, outre le principal, et dans la limite de la somme maximale garantie, aux accessoires
de la dette et aux frais de recouvrement de la créance, y compris ceux postérieurs à la dénonciation qui est faite à la
caution, à condition que cet engagement résulte d'une mention manuscrite de la caution, conformément aux
dispositions de l'article 4… », lequel prévoit l’exigence de la mention manuscrite. Toutefois, cela n’empêche, lorsqu’il
s’agit d’un acte de commerce, de prouver la caution contre le commerçant par tous moyens, à moins qu’il n’en soit
autrement disposé par la loi.
La volonté de protéger la caution a conduit le législateur communautaire à aborder le cas particulier de la
caution qui ne sait ou ne peut écrire, ce qui est une situation fréquente dans les Etats de l’OHADA où sévissent
l’analphabétisme et l’illettrisme : celle-ci doit, selon l’article 3, alinéa 3, se faire assister de deux témoins qui certifient,
dans l'acte de cautionnement son identité et sa présence et attestent, en outre, que la nature et les effets de l'acte lui
ont été précisés. La présence des témoins certificateurs dispense la caution de l'accomplissement des formalités
prévues par l'alinéa 2 relatif à la signature et à la mention de la somme.
B- Les conditions spécifiques au contrat de cautionnement
Ces conditions sont liées à la personne de la caution, à l'existence du cautionnement et à son étendue.
Aux termes de l'AUS, la caution doit remplir certaines conditions tenant à son domicile et à sa
solvabilité. En effet, pour l'article 5 de l'AUS, lorsque la fourniture de la caution est rendue obligatoire par l'effet d'une
convention, de la loi ou de la justice de chaque Etat partie, la caution doit être domiciliée dans le ressort territorial de
la juridiction où la caution doit être fournie. Dans le cas où elle a son domicile à un endroit autre, l'article 5,
consacrant une jurisprudence ancienne admet qu'un domicile élu suffira.
En plus, la caution doit présenter des garanties de solvabilité. L'appréciation de cette solvabilité se fait aux
termes de l'article 5, a1inéa 2, en tenant compte de tous les éléments du patrimoine de la caution. Contrairement
donc à l'article 2019 du Code civil qui exclut la fortune mobilière de la l'appréciation de la solvabilité, excepté en
matière de commerce ou lorsque la dette est modique, l'AUS prend en compte la fortune mobilière et immobilière. Il
est vrai qu’à l’époque du Code civil prévalait la maxime « res mobilis res vilis » (signifiant qu’un bien mobilier est un
bien vil, c’est-à-dire de peu de valeur). La rigueur de ces exigences est atténuée par le fait que le débiteur peut
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toujours, s'il ne trouve pas une caution remplissant les conditions exigées, proposer une sûreté réelle équivalente
(art. 5, a1. 3).
En ce qui concerne l'existence du cautionnement, le principe est posé par l'article 7 : le cautionnement
ne peut exister si l'obligation principale est nulle. La caution peut alors opposer au créancier une exception de nullité.
Cette possibilité existe qu'il s'agisse d'une nullité absolue ou d’une nullité relative et la confirmation par le débiteur
principal d'une obligation entachée d'une nullité relative ne lie pas la caution (art. 7). C'est ainsi que la caution peut
invoquer le défaut de pouvoir du représentant pour engager la personne morale débitrice (art. 7).
Au principe de l'exigence de la validité de l'engagement principal, l'article 7, alinéa ler, prévoit une
exception en cas de cautionnement d'un incapable : il est possible de cautionner en parfaite connaissance de cause
les engagements d'un incapable.
Quant à l'étendue de l'engagement de la caution, le principe du plafond de l'engagement est posé par
l'article 7, a1inéa 3 : le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur principal, ni être pris à des
conditions plus onéreuses que l'obligation principale. Lorsque cette exigence n'est pas respectée, la convention n'est
pas nulle mais seulement réductible à concurrence de l'obligation principale. S'il ne peut excéder l'obligation
principale, le cautionnement peut, en revanche, être conclu en deçà de cette obligation (art. 8, in fine). En aucun cas
le débiteur ne peut aggraver l'engagement de la caution par une convention postérieure au cautionnement (art. 7, in
fine).
L'engagement de la caution peut s'étendre non seulement au principal, mais également aux accessoires et
aux frais de recouvrement de la créance ; mais cette somme ne devra pas excéder le maximum posé par les parties
(art. 8, al. 1er).
L’AUS reprend le principe du cautionnement de tous les engagements du débiteur du droit antérieur
mais l'entoure de nouvelles règles destinées à protéger la caution (art. 9). En effet, le cautionnement doit être, sous
peine de nullité, limité à un montant maximal librement déterminé par les parties et ce montant doit obligatoirement
inclure le principal et les accessoires. Sauf clause contraire, le cautionnement général ne garantit pas les dettes du
débiteur principal antérieures à la date du cautionnement. La caution peut révoquer à tout moment son engagement
avant que le maximum ne soit atteint. Dans ce cas, tous les engagements du débiteur garanti nés avant la
révocation restent garantis par la caution. Les parties peuvent aussi renouveler le cautionnement lorsque le montant
maximal est atteint (art. 9, a1. 2). Ce renouvellement doit être exprès et cette règle est d'ordre public.
C- Les modalités du cautionnement OHADA
L’AUS innove en érigeant le cautionnement solidaire en cautionnement de droit commun (art. 10, al. 1).
Cette disposition est une consécration de la pratique du cautionnement, dans les Etats membres de l’UEMOA en
particulier. En effet, les contrats de cautionnement présentés par les établissements de crédit contiennent
systématiquement une clause de solidarité aux termes de laquelle la caution renonce par avance aux bénéfices de
discussion et de division. Maintenir le principe antérieur ne pouvait pas constituer une réelle protection de la caution.
Plusieurs personnes peuvent se porter caution pour la même dette. C'est l'hypothèse des cofidéjusseurs
du droit français. L'AUS la prévoit indirectement aux articles 17 et 23 en indiquant la possibilité pour chaque caution
de demander la division entre les cautions solvables si la solidarité entre les cautions n’a pas été stipulée ainsi que le
droit pour la caution qui a payé de se retourner contre les autres cautions en divisant ses recours.
L'article 11 prévoit la possibilité pour la caution de se faire cautionner par une autre caution appelée
certificateur de caution. Dans ce cas, le certificateur doit être désigné dans l'acte de cautionnement. L'AUS n'a pas
prévu de sanction pour l'inobservation de cette exigence mais il semble qu'on puisse invoquer la nullité de l'acte de
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certification. La caution peut aussi se faire cautionner par plusieurs certificateurs. Dans les deux cas précités, et sauf
stipulation contraire des parties, ces certificateurs sont cautions simples de la caution certifiée (art. 11, al. 2).
Même s'il n'a pas prévu la possibilité de sous-cautionnement, l'AUS a en revanche consacré la pratique du
cautionnement réel (art. 12), qui présente l’avantage pour la caution de ne pas engager tout son patrimoine et pour le
créancier de lui faire bénéficier des avantages conférés par les sûretés réelles. Mais le législateur s'est contenté de
poser le principe sans réglementer particulièrement cette pratique qui emprunte à la fois les règles des sûretés
personnelles (cautionnement) et des sûretés réelles. Le mariage de ces garanties de nature opposée risque
d’entraîner des heurts. Il appartient donc à la jurisprudence de combler cette lacune du législateur en élaborant les
règles qui doivent s’y appliquer.
Le cautionnement régulièrement formé produit des effets avant de s’éteindre.
§ II : Les effets du cautionnement
Le cautionnement donne au créancier la certitude qu'il sera payé en cas de défaillance du débiteur
principal. En contrepartie, il met à la charge du créancier un certain nombre d'obligations et si, par le cautionnement,
la caution devient débitrice du créancier, celle-ci dispose d'un certain nombre de moyens pour se défendre. Lorsque
la caution sera amenée à payer, l’AUS lui ouvre un certain nombre de recours.
A- Les obligations du créancier
Elles sont de deux ordres : le créancier doit à la fois protéger le recours de la caution et lui fournir un
certain nombre d'informations.
Le créancier a l’obligation de protéger les recours de la caution que celle-ci pourra exercer en lieu et
place du débiteur en vertu de la subrogation. Cette obligation est tirée de l'article 18, alinéa 2, aux termes duquel « la
caution est déchargée quand la subrogation aux droits et garanties du créancier ne peut s'opérer en sa faveur par le
fait du créancier. Toute clause contraire est réputée non écrite ». Aucune distinction n’est faite entre caution solidaire
et caution simple. A la lecture de ce texte, il apparaît que le recours à cet article suppose que deux conditions soient
réunies : il faut qu'il s'agisse d'un fait du créancier et que ce fait ait compromis l'efficacité du recours subrogatoire de
la caution. En droit français, mais cela semble être valable pour l’OHADA, la caution n’est libérée, lorsque la
subrogation aux droits, privilèges et hypothèques du créancier ne peut plus s’opérer en sa faveur, que si ces
garanties existaient antérieurement au cautionnement, ou que si le créancier s’était engagé à les prendre.
Une obligation d’information pèse également sur le créancier. L'AUS met à la charge du créancier une
obligation d'information de la caution, dans certains cas, même avant toute défaillance du débiteur. Les règles posées
par le législateur de l’OHADA s'inspirent fortement de la protection organisée par la législation française au profit de
la caution. Cette obligation d'information oblige le créancier à aviser la caution de toute défaillance du débiteur
principal (art. 13, al. 2) et à lui notifier toute prorogation de terme accordée par le créancier au débiteur. Mais
si la caution peut se prévaloir de cette prorogation, elle ne doit pas la subir. C'est pourquoi l'article 13, a1inéa 3,
l'autorise à refuser le bénéfice de la prorogation et à entreprendre des poursuites contre le débiteur pour le forcer au
paiement. Mais si la prorogation est accordée par la loi ou par le juge, il semble que la solution ne soit pas la même,
l'article 13 ne faisant allusion qu'à la prorogation « accordée par le créancier ». En droit français, l’article 2039 du
Code civil indique que « la simple prorogation du terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge
point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au payement ».
Enfin, le créancier doit communiquer à la caution l'état des dettes du débiteur principal.
Contrairement au droit français où elle est annuelle et ne bénéficie qu’à la caution personne physique,
l'obligation édictée par le législateur africain est d'un trimestre. Ce qui va être gênant, c’est que le créancier,
qui est souvent un banquier, a l’obligation de communiquer à la caution, dans le mois qui suit le terme de
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chaque trimestre civil, l’état des dettes du débiteur principal « précisant leurs causes, leurs échéances et
leurs montants en principal, intérêts, commissions, frais et autres accessoires restant dus à la fin du
trimestre écoulé » et lui rappelant la faculté de révoquer son engagement par la reproduction littérale des
dispositions des articles 14 et 9 de l'Acte uniforme (art. 14, al. 3, in fine). La sanction du non-respect de ces
obligations est la déchéance vis-à-vis de la caution des intérêts échus depuis la date de la précédente information
jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
Cette obligation d’information sera difficile à respecter, d’autant qu’elle semble plus lourde qu’en droit
français où elle est annuelle et ne bénéficie qu’à la caution personne physique.
L'obligation d'information a pour effet d'assurer une protection accrue de la caution, sans doute au
détriment du créancier.
B- Les moyens de défense de la caution contre le créancier
Lors de la poursuite qu'exercera le créancier contre elle, la caution disposera d'un certain nombre de
moyens de défense.
Lorsqu'il s'agit d'une caution simple, elle pourra invoquer le bénéfice de division en cas de pluralité de
cautions (art. 17), ce qui aura pour effet de contraindre le créancier à ne lui réclamer que sa part dans la dette. Si une
ou plusieurs cautions sont insolvables, le créancier devra-t-il supporter cette insolvabilité ? Il faut se référer au droit
antérieur et admettre que l'insolvabilité est supportée par les cautions et non par le créancier.
La caution simple pourra également, aux termes de l'article 16, a1inéa 2, invoquer le bénéfice de
discussion. Mais ce moyen de défense est enfermé dans des conditions strictes. La caution doit requérir le bénéfice
de discussion sur les premières poursuites dirigées contre elle. Cela suppose qu'elle doit le faire au début de la
procédure avant toute défense au fond. Elle doit indiquer au créancier les biens du débiteur susceptibles d'être saisis
immédiatement sur le territoire et produire des deniers suffisants pour le paiement intégral de la dette. C’est dire que
le bénéfice de discussion ne peut être invoqué utilement que lorsque le débiteur principal est notoirement solvable.
La caution doit enfin avancer les frais de discussion de telle sorte que l'exercice du bénéfice de discussion ne se
traduise par aucune charge supplémentaire pour le créancier.
Que le cautionnement soit simple ou solidaire, la caution pourra opposer au créancier toutes les
exceptions que le débiteur aurait pu lui-même invoquer (art. 18, al. 1er) et toutes les exceptions qu'elle-même peut
avoir dans ses rapports personnels avec le créancier (art. 18, a1. 2).
C- Les recours de la caution
L’AUS met à la disposition de la caution des recours contre le débiteur principal et contre ses
cofidéjusseurs.
Concernant le recours contre le débiteur principal, en principe celui-ci a lieu après paiement. Mais
l'article 19 de l'AUS fait obligation à la caution d'aviser le débiteur principal ou de le mettre en cause avant de payer la
dette au créancier poursuivant, sinon elle perd son recours contre lui si le débiteur principal avait des moyens de
défense à faire valoir contre le créancier. Néanmoins, le créancier conserve son action en répétition contre le
créancier. Exceptionnellement, l'AUS permet à la caution d'anticiper sur le recours dans certaines circonstances.
Le principe du recours après paiement est posé par les articles 20 et 21. La caution qui a payé dispose
d'un double recours :
- un recours personnel (art. 21), qui est la conséquence du service que la caution a rendu au débiteur en
payant la dette de celui-ci ;
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- un recours subrogatoire (art. 20) dans les droits et sûretés du créancier pour tout ce qu'elle a payé.
Quant au recours avant paiement, il est admis dans certaines hypothèses que, même lorsqu'elle n'a pas
encore payé, la caution peut agir contre le débiteur principal. Ces hypothèses, déterminées par l'article 24,
apparaissent :
- dès que la caution est poursuivie ;
- lorsque le débiteur est en état de cessation des paiements ou en déconfiture ;
- lorsque le débiteur ne l’a pas déchargé dans le délai convenu ;
- lorsque la dette est devenue exigible par l’échéance du terme sous lequel elle avait été contractée.
Le législateur de l’OHADA précise qu'il s'agit d'une action en paiement contre le débiteur principal ; mais
comme la caution n'a encore rien payé, comment peut-elle exiger du débiteur un paiement ? Il semble qu'on devrait
seulement permettre au créancier d'assurer la conservation de ses droits par la constitution d'une sûreté ou
l'exécution de mesures conservatoires.
L’AUS ne semble pas avoir abordé l’hypothèse de la prorogation du terme. Selon l’article 2039 du Code
civil, « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution,
qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement. ». Selon la jurisprudence, il résulte des articles
2037 et 2039 que le créancier peut accorder plusieurs prorogations du terme primitivement stipulé en faveur du
débiteur principal, sans perdre son recours contre la caution, dès lors que celle-ci n’établit pas que, par son fait ou sa
négligence, ce créancier lui a fait perdre le bénéfice de la subrogation. Toutefois, lorsque le créancier, qui s’est
abstenu de poursuivre le débiteur principal à l’échéance, lui a accordé des délais contradictoirement discutés et
octroyés, qui entraînent le report des poursuites, la caution, dont le consentement n’a pas été recueilli contrairement
à une clause de l’acte de cautionnement, se trouve déchargée de son obligation.
Relativement au recours contre les cofidéjusseurs, son principe est posé à l'article 23. Le recours de la
caution se divise entre les différentes cautions et la caution qui a payé doit conserver à sa charge une partie de la
dette pour laquelle elle pourra recourir contre le débiteur. Ce recours a donc pour objet la « part et portion » dans la
dette commune que chaque caution doit supporter. L'insolvabilité de l'une des cautions sera supportée par les autres.
§ III : L’extinction du cautionnement
L’extinction du cautionnement va produire comme effet principal de libérer la caution de l’engagement
qu’elle a contracté et qui consiste à payer le créancier en cas de défaillance du débiteur principal. L’important est
donc de se demander pour quelles causes se produit cette extinction. De manière habituelle, on distingue l’extinction
par voie accessoire de l’extinction par voie principale.
A- L'extinction par voie accessoire
L’extinction du cautionnement a d’abord lieu pour une première série de causes liées à l'obligation
principale, causes qualifiées de ce fait de causes d'extinction par voie accessoire. Ces causes sont traitées dans
l'article 25 de l'AUS. On peut donc dire que ce qui éteint l'obligation principale éteint l'obligation de la caution. Les
causes énumérées par cet article sont au nombre de deux. Ainsi, en premier lieu, la dation en paiement faite par le
débiteur principal libère la caution même si le créancier est ensuite évincé de la chose acceptée par lui. Quid de la
dation en paiement faite par la caution elle-même ? Il semble que la caution resterait tenue de l'obligation de garantie
d'éviction comme tout vendeur. En second lieu, la novation de l'obligation principale libère la caution, sauf si celle-ci
accepte de reporter sa garantie sur la nouvelle dette.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
A ces deux causes, il faut ajouter la spécificité du cas de décès. En effet, dans ce cas, les engagements
de la caution sont transmis à ses héritiers uniquement pour les dettes nées antérieurement au décès de la caution
(art. 25, a1. 3). Cela implique que le décès de la caution n'est la cause d'extinction du cautionnement que pour les
engagements à venir et non des engagements nés avant le décès.
Cette énumération des causes est-elle limitative ? De l'interprétation de l'article 25, a1inéa 3, il résulte que
ce qui éteint l'obligation principale éteint l'engagement accessoire. Il s'agit donc d'une liste indicative, le
cautionnement pouvant aussi s'éteindre par une remise de dette accordée au débiteur principal ou par la
compensation entre une créance du débiteur principal et celle du créancier.
B- L’extinction par voie principale
Elle regroupe les causes d’extinction non liées à l’obligation principale. Ces causes sont prévues par
l'article 26 de l'AUS. Ainsi, l'engagement de la caution disparaît indépendamment de l'obligation principale dans trois
cas :
- en cas de compensation avec une créance personnelle de la caution contre le créancier ;
- en cas de remise personnelle de dette accordée par le créancier à la caution ;
- en cas de confusion entre la personne du créancier et de celle de la caution.
Cependant, l'AUS réserve le cas du certificateur de caution. Aux termes de l'article 27, en cas de confusion
entre la personne du débiteur principal et celle de la caution, le certificateur de caution reste tenu à l'égard du
créancier.
Au total, le cautionnement, tel qu’il était régi par le Code civil ou tel qu’il résulte actuellement de l’AUS,
demeure assez protecteur pour la caution, si du moins celle-ci est avisée, ce qui peut ne pas donner entière
satisfaction au créancier, surtout avec la nouvelle obligation d’information trimestrielle de l’évolution de la dette qui
pèse sur lui. C’est pour cette catégorie de créanciers exigeants que la pratique des affaires internationales a créé les
garanties autonomes que l’AUS légalise sous l’appellation de lettre de garantie.
SECTION II : LA LETTRE DE GARANTIE
L'AUS a introduit une nouvelle sûreté personnelle, en l’occurrence la lettre de garantie. Jusqu’alors, la
seule sûreté personnelle consacrée ou reconnue par le législateur était le cautionnement.
Définie comme une convention par laquelle, à la requête ou sur instructions du donneur d'ordre, le garant
s'engage à payer une somme déterminée au bénéficiaire, sur première demande de la part de ce dernier (art. 28), la
lettre de garantie est issue de la pratique des contrats internationaux. Son introduction en droit interne français a été
guidée par le souci de parer à l'imprévisibilité du cautionnement. En effet, le caractère accessoire du cautionnement
ainsi que les excès de protection de la caution au détriment du créancier ont rendu cette sûreté en pratique quelque
peu aléatoire, caractère qui a suscité la méfiance des praticiens qui se mirent à la quête d'une sûreté plus
performante. Ils se tournèrent alors vers les garanties autonomes dont fait partie la garantie à première demande.
Dans les Etats africains, avant l’adoption de l’AUS, la lettre de garantie était soit inconnue, soit régie par
des règles d'origine prétorienne et contractuelle, tout comme en France. L'AUS peut être considéré comme l’une des
premières législations à avoir procédé à la réglementation de la lettre de garantie. Par les articles 28 à 38, le
législateur de l’OHADA a posé les règles qui doivent régir la formation de la lettre et ses effets. Outre ces aspects, le
problème de qualification de la lettre de garantie et la fin de celle-ci peuvent être survolés.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
§ I : La qualification et la formation de la lettre de garantie
Qualification et formation de la lettre de garantie seront successivement examinées.
A- La qualification de la lettre de garantie
La qualification de la lettre de garantie étant liée à son mécanisme, il convient d'abord d'exposer
brièvement ce mécanisme.
Un débiteur (actuel ou éventuel) va demander à un garant (par exemple un établissement de crédit) de
payer une somme déterminée sur première demande au bénéficiaire (lettre de garantie). Le garant lui-même peut
demander au donneur d'ordre de lui procurer un contregarant qui devra s'exécuter à sa première demande (lettre de
contregarantie).
Le garant ou le contregarant, dès qu'il reçoit du bénéficiaire une demande de payer, doit s’exécuter sans
pouvoir invoquer un quelconque bénéfice de discussion, ni de division, ni les exceptions que le débiteur pouvait avoir
contre son créancier, bénéficiaire de la lettre de garantie (art. 30, in fine). Une fois qu'il a payé, le garant peut se
retourner contre le donneur d’ordre.
Dès l'introduction de ce mécanisme en droit interne, une polémique est apparue sur sa nature juridique. La
doctrine a voulu y avoir un cautionnement non accessoire, un acte abstrait ou une délégation. Tranchant ce débat, le
législateur africain, dans la définition qu’il donne de la lettre, parle de « première demande » (art 28). La lettre de
garantie, tout comme celle de contregarantie, serait une garantie à première demande.
Un problème subsiste : doit-on entendre par « première demande » une simple demande ou une demande
justifiée ?
La réponse à cette question se trouve à l'article 34 : « la demande de paiement doit résulter d'un écrit du
bénéficiaire accompagné des documents prévus dans la lettre de garantie ». Il s'agit donc d'une garantie à première
demande justifiée par des documents. La lettre de garantie étant un engagement autonome (art. 29, a1. 2), ces
documents servent seulement à prouver la défaillance du débiteur. L'exigence de ces documents réduira notablement
les risques d'appels injustifiés. Selon la Cour de cassation française, des garanties ne sont pas privées d’autonomie
par de simples références au contrat de base, n’impliquant pas d’appréciation des modalités de celui-ci pour
l’évaluation des montants garantis, ou pour la détermination des durées de validité.
B - La formation de la lettre de garantie
Pour protéger les débiteurs, l'AUS détermine les personnes qui peuvent souscrire de telles garanties. Aux
termes de l'article 29, alinéa 1er, les lettres de garantie et de contregarantie ne peuvent être souscrites par les
personnes physiques. A contrario, seules les personnes morales, comme les sociétés commerciales et les GIE, sont
autorisées à les souscrire. Pour s'assurer que cette prescription sera respectée, l'AUS assortit son inobservation de
nullité.
Le législateur exige aussi un certain formalisme : les conventions de garantie doivent être expresses et
être constatées dans un écrit contenant certaines mentions prévues à l'article 30. Ce formalisme évitera toute
confusion avec le contrat de cautionnement, qualification que les parties essayent parfois de lui donner pour se
soustraire à leur engagement. La sanction du non respect de ce formalisme est la nullité du contrat (art. 30).
Parmi les mentions exigées à l'article 30 figure la convention de base, l'action ou le fait, cause de
l'émission de la lettre de garantie. Cette exigence n'est pas de nature à remettre en cause le caractère autonome de
la lettre de garantie édicté par l'article 29, a1inéa 2.
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§ II : Les effets et la fin de la lettre de garantie
Comme on le verra en examinant successivement ces deux points, la différence est grande avec le
cautionnement en raison de l’absence de liaison avec l’obligation ou l’engagement principal.
A- Les effets de la lettre de garantie
La plupart des règles émises à ce niveau ne sont pas impératives. Cela traduit la volonté du législateur de
laisser aux parties la liberté de prendre les précautions dont elles entendent entourer leur contrat. Les effets peuvent
être envisagés en cours et en fin de contrat.
En cours de contrat, l'article 31 dispose que le droit du bénéficiaire n'est pas cessible, sauf clause
contraire. Cette incessibilité peut s'expliquer par le fait que le droit du bénéficiaire n'est qu’éventuel. Pour y déroger, il
suffit aux parties d'insérer une clause à ordre dans le contrat. Les lettres de garanties prennent effet dès leur
émission, sauf clause contraire. Elles sont irrévocables dès ce moment à moins que les parties n'en disposent
autrement (art. 32). L'assiette de la garantie est la somme stipulée dans le contrat, sous déduction des paiements
antérieurs faits par le garant ou le donneur d'ordre (art. 33).
Les effets essentiels se situent en fin de contrat. En effet, le moment de paiement de la lettre est son
échéance. Ainsi, aux termes de l'article 34, a1inéa 3, toute demande de paiement doit être faite au plus tard à la date
d'expiration de la lettre de garantie ou de contregarantie. La forme de cette demande est précisée par le législateur.
La demande doit être faite par écrit au lieu d'émission de la garantie au plus tard à la date d'expiration de celle-ci (art.
34, a1. 2).
La demande de paiement de la lettre de garantie doit être accompagnée des documents prévus dans la
lettre et spécifier que le donneur d'ordre a manqué à ses obligations. La demande de contregarantie doit être
accompagnée d'une déclaration écrite du garant attestant qu'il a reçu une demande de paiement émanant du
bénéficiaire (art. 34, a1. 2).
Quelle sera l'attitude du garant face à la réception de ces documents ? L'article 35 y répond. Le garant doit
examiner la conformité des documents reçus avec les stipulations de la lettre. Après cet examen, il va, avant tout
paiement, transmettre sans retard la demande de paiement avec les documents l'accompagnant au donneur d'ordre
pour information. Si le garant juge que la demande est effectuée hors délai ou que les documents ne sont pas
conformes, il rejettera la demande. Mais il doit aviser le donneur d'ordre et le bénéficiaire dans les meilleurs délais
(art. 35, a1. 3). Lorsque la demande est régulière, il paiera et se retournera contre le donneur d'ordre (art. 37). Il
dispose des mêmes recours que la caution contre le donneur d'ordre : d’une part, le recours personnel pour le service
rendu et, d’autre part, le recours subrogatoire dans les droits du créancier.
B- La fin de la lettre de garantie
Selon l’article 38 de l’AUS, trois événements mettent fin à la lettre de garantie ou de contregarantie :
- l'arrivée du terme fixé ou l'expiration du délai prévu ;
- la présentation au garant ou au contregarant des documents libératoires spécifiés dans la lettre de
garantie ;
- la déclaration écrite du bénéficiaire libérant le garant ou le contregarant de leur obligation.
Pour éviter l'insolvabilité du débiteur et de la caution ou l’absence ou l’inadéquation de l’engagement de
payer à première demande, les banques ont surtout recours à l'hypothèque et au nantissement en garantie des
crédits consentis ou à d’autres sûretés réelles, également régies par l’AUS.
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DEUXIEME PARTIE : LES SURETES REELLES
Au regard de leur nombre bien plus important, on peut dire que toutes les sûretés qui ne sont pas
personnelles sont des sûretés réelles. Aux termes de l'article 2, a1inéa 2, de l’AUS, la sûreté réelle consiste dans le
droit du créancier de se faire payer par préférence sur le prix de réalisation du bien meuble ou immeuble affecté à la
garantie de l'obligation de son débiteur. Il en est ainsi de l’hypothèque, du gage, des nantissements sans
dépossession, du droit de rétention et des privilèges. En se référant à l’AUS, on peut dire qu’il reprend le classement
du droit antérieur des sûretés réelles en sûretés mobilières et en sûretés immobilières, regroupement qui servira de
trame à cet aperçu.
SECTION I : LES SURETES REELLES MOBILIERES
Elles sont énumérées à l'article 39. Ce sont le droit de rétention, le gage, les nantissements sans
dépossession et les privilèges. Parmi ces sûretés énumérées par l’AUS, certaines, considérées comme nouvelles,
viennent de faire leur entrée dans notre législation. Les sûretés peuvent, comme dans l’ancienne législation, être
regroupées selon leur source conventionnelle ou légale.
§ I : LES SURETES REELLES MOBILIERES CONVENTIONNELLES
Parmi les sûretés réelles réglementées par l'AUS, le gage et les nantissements peuvent être qualifiés de
conventionnels.
A- Le gage
Le gage est le contrat par lequel un bien meuble est remis au créancier ou à un tiers convenu entre les
parties pour garantir le paiement d'une dette (art. 44). Pour le réglementer, l’AUS a posé un ensemble de règles qui
sont relatives à sa constitution, à ses modalités particulières et à ses effets.
1) Les règles régissant la constitution du gage
La constitution du gage soulève plusieurs problèmes.
D’abord, concernant son objet, le gage peut porter sur toute espèce de meuble, qu’il soit corporel ou
incorporel (art. 46, al. 1er). Mais ces meubles doivent être actuels. Le législateur africain est allé jusqu'à admettre le
gage sur des sommes ou des valeurs déposées à titre de cautionnement par les fonctionnaires, les officiers
ministériels ou toute autre personne pour garantir les abus dont ceux-ci pourraient être responsables et les prêts
consentis pour la constitution du cautionnement (art. 46, a1. 3). Le législateur de l’OHADA semble avoir exclu le gage
sur chose future puisqu'il ne le prévoit pas. D’ailleurs, l'article 48, a1inéa 2, dispose que de tels gages constituent une
promesse de gage obligeant le promettant à remettre la chose dans les conditions convenues. La solution sera
certainement la même pour le gage sur des choses en cours de fabrication, ce qui devrait permettre au fabricant de
trouver du crédit. Cela fait du gage, qui ne se forme que par la remise de la chose, un contrat réel, comme le prêt à
usage ou commodat, le prêt de consommation ou mutuum, le dépôt et le don manuel.
Ensuite, relativement au constituant du gage, celui-ci doit être propriétaire de la chose gagée. S’il ne
l’est pas, le créancier gagiste de bonne foi pourra s’opposer à la revendication du propriétaire dans les conditions
prévues pour le possesseur bonne foi. Le gage peut être aussi fourni par un tiers qui est alors tenu comme une
caution réelle (art. 47).
Puis concernant la remise de la chose, l'AUS impose la remise de la chose gagée au créancier gagiste ou
à un tiers. La méconnaissance de cette disposition entraîne la nullité du contrat (art. 48).
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Pour ce qui est de la forme du gage, le gage est valablement constitué entre les parties par la remise
de la chose. L'écrit n'est exigé que comme condition d’opposabilité aux tiers. Cet écrit doit contenir l'indication de la
somme due ainsi que celle de l'espèce, de la nature et de la quantité des biens donnés en gage (art. 49, al. 1er).
L'écrit est exigé ad probationem. C'est pourquoi l'AUS précise qu'il n'est pas nécessaire dans le cas où la
loi nationale de chaque Etat partie admet la liberté de preuve en raison du montant de l’obligation (art. 49, al. 2).
Enfin, même s'il est valablement formé entre les parties par la remise de la chose, le gage n'est opposable
aux tiers que s'il est constaté par un écrit dûment enregistré (art. 49, al. 2), si bien que dans beaucoup d’hypothèses,
l’écrit enregistré est une véritable condition de l’efficacité du gage.
2) Les modalités particulières du gage
L'AUS a dégagé quatre modalités particulières qu’il convient d’aborder brièvement.
- Le gage sur valeurs mobilières
Le débiteur constituant remet au créancier gagiste le récépissé de dépôt de valeurs mobilières et la
constitution du gage est signifiée à l'établissement dépositaire qui ne peut restituer les titres engagés au titulaire du
récépissé que sur présentation de ce récépissé ou d'une décision de justice passé en force de chose jugée ou
ordonnant la restitution (art. 50,4).
L'AUS reconnaît aux banques, en dehors des avances sur titre soumises aux règles du gage, la possibilité,
si elles y sont autorisées, de consentir des prêts à trois (3) mois, garantis par des valeurs mobilières cotées qu'elles
pourront, à défaut de remboursement, faire exécuter en bourse, sans formalisme, le lendemain de l'échéance (art.
51).
- Le gage sur marchandises
Il suit des règles extérieures à l’AUS. En effet, l'AUS soumet la constitution du gage sur marchandises
recourant à la technique des récépissés-warrants aux lois particulières qui régissent ces récépissés. En effet, selon
l’article 52 de l’AUS, « la mise en gage de marchandises dont le débiteur peut disposer par bordereau de
nantissement, connaissement, récépissé de transport ou de douane, est constituée suivant les dispositions propres à
chacun de ces titres ou documents ».
- Le gage sur propriétés incorporelles
Comme pour les marchandises, ce gage suit en principe des règles extérieures à l'Acte. Il est soumis aux
textes particuliers qui régissent chaque propriété incorporelle. A défaut de texte, le gage est constitué par la remise
au créancier du titre qui constate l'existence du droit (art. 53).
- Le gage sur créances
Les formalités de constitution du gage sur créances sont prévues à l'article 50 de l’AUS. Le constituant du
gage remet au créancier gagiste son titre de créance et signifie à son propre débiteur le transfert de sa créance à titre
pignoratif. En cas de défaillance du débiteur, le créancier gagiste peut lui-même procéder à cette signification. Cette
signification n'est pas nécessaire pour la mise en gage des titres au porteur qui s'opère par simple tradition, outre la
rédaction d'un écrit constatant le gage (art. 50, 2).
Pour les titres à ordre, le transfert de créance s'opère par un endossement pignoratif et pour les titres
nominatifs, outre l'écrit constituant le gage, il faut une mention du gage sur les registres de l'établissement émetteur.
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Sur la demande du créancier gagiste, le débiteur transféré peut s'engager à payer à celui-ci directement la
somme due. Cet engagement doit être pris par écrit à peine de nullité. Lorsqu'il s'engage à payer directement au
créancier gagiste, le débiteur transféré ne peut plus opposer au créancier gagiste les exceptions fondées sur ses
rapports personnels avec son propre créancier, constituant du gage (art. 50, 1, a1. 2).
Le créancier du débiteur transféré (le constituant du gage) reste solidairement tenu avec le débiteur
transféré du paiement de la créance gagée (art. 50, 1, al. 4). Le créancier gagiste qui a obtenu directement paiement
de la créance transférée doit rendre compte au constituant du gage.
Faute d'être payé à l'échéance, le créancier gagiste peut réaliser le gage selon les dispositions de l'article
56, 2.
Si l'échéance de la créance donnée en gage est antérieure à l'échéance de la créance garantie, la
situation serait gênante. C'est pourquoi, il est permis au créancier gagiste de percevoir le montant en capital et
intérêts, sauf clause contraire (art. 56, al. 1er). Mais si l'échéance de la créance garantie est antérieure à l'échéance
de la créance donnée en gage, le créancier est tenu d'attendre l'échéance de cette dernière pour en percevoir le
montant.
Dans les deux cas, le créancier gagiste répond en qualité de mandataire du surplus perçu (art. 56, 2).
En définitive, le gage sur titres de créances, dans une certaine mesure, devrait jouer comme le bordereau
Dailly en France. Ce bordereau facilite les rapports des établissements de crédits et de leurs clients en créant un
mode simplifié de cession ou de nantissement des créances professionnelles ou assimilées et en aménageant une
nouvelle procédure de mobilisation aussi simple qu’efficace desdites créances entre banques.
3) Les effets du gage
L'article 54 permet au créancier de conserver la chose tant que le prix n'a pas été intégralement payé.
L'alinéa 2 de cet article va plus loin en permettant au gagiste de retenir le gage si une seconde créance vient à naître
avant le paiement de la première sans que s'impose la condition de connexité que comporte le droit de rétention,
sûreté indépendante. Ce droit de rétention est opposable aux tiers puisque le créancier peut revendiquer la chose
gagée, comme un possesseur de bonne foi (art. 55). Mais le gagiste peut-il être contraint par le syndic à se dessaisir
du gage dans le cas où le débiteur serait sous le coup d’une procédure collective de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens ?
Ce droit ne confère pas au gagiste qu'une situation provisoire car il a le droit de réaliser son gage. Aux
termes de l'article 58,1, sauf stipulation contraire, le créancier gagiste ne peut user de la chose gagée ni en percevoir
les fruits. Il s'agit là de la consécration du principe selon lequel nul ne peut se faire justice à soi-même. Mais l'AUS
donne une option au créancier gagiste.
La première possibilité offerte au créancier impayé est de procéder à la vente forcée de la chose gagée.
Ici, on aura recours aux règles organisant les voies d'exécution. La procédure débute pour le créancier par la
recherche d’un titre exécutoire s'il n'en dispose pas déjà. Et aux termes de l'article 33 de l’AUPSRVE constituent des
titres exécutoires : les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur
minute ; les actes et décisions juridictionnelles étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires ;
les procès-verbaux de conciliation signés par les parties ; les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ; les
décisions auxquelles la loi nationale de chaque partie attache les effets de la décision de justice.
Ensuite, le créancier gagiste va faire sommation au débiteur selon les règles de l'article 92 de l’AUPSRVE
et dans les huit (8) jours de cette sommation, il peut faire procéder à la vente. Il est privilégié sur le prix de la chose
vendue ou sur l'indemnité d'assurance en cas de perte ou de destruction.
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La deuxième possibilité reconnue au créancier gagiste est de se faire attribuer la chose gagée (art. 56, a1.
2). Dans ce cas, il doit nécessairement s'adresser au juge.
Lorsqu'il est entièrement payé, le créancier gagiste restitue au débiteur constituant la chose gagée avec
tous ses accessoires.
Au gage impliquant par définition la remise de la chose, objet de la garantie, au créancier, avec les
inconvénients qu’une telle dépossession peut entraîner s’opposent les nantissements sans dépossession.
B- Les nantissements sans dépossession
Le droit applicable jusqu'alors dans les Etats africains francophones organisait des régimes spéciaux de
nantissement. L'AUS, en ne retenant que cinq (5) nantissements sans dépossession, a dû procéder à des
regroupements et à des suppressions.
Ces cinq nantissements énumérés à l'article 63 sont les suivants :
- le nantissement des droits d'associé et de valeurs mobilières ;
- le nantissement du fonds de commerce ;
- le nantissement du matériel professionnel ;
- le nantissement des véhicules automobiles ;
- le nantissement des stocks de matières premières et de marchandises.
1) Le nantissement des droits d'associé et de valeurs mobilières
Les dispositions consacrées par l'AUS au nantissement des droits d'associé et de valeurs mobilières sont
relatives à la constitution, à la publicité et aux effets du nantissement.
En déterminant ceux qui pourraient, par cette sûreté, obtenir du crédit, le législateur de l’OHADA l'a fait de
la manière la plus large (art. 64). En effet, sont concernés les titulaires d'actions émises par les SA, des parts sociales
des SARL, des parts d’intérêts des SNC et des commandites simples. En étendant la base aux titres des personnes
morales assujetties à l'immatriculation, le législateur a voulu atteindre les GIE puisque l'article 875 de l’AUDSC leur
accorde la possibilité, sous certaines conditions, d'émettre des obligations.
Ce type de nantissement peut être conventionnel ou judiciaire. Lorsqu'il est conventionnel, il doit être
constitué par écrit. Cet écrit peut être un acte authentique ou un acte sous seing privé dûment enregistré. Le contenu
de cet écrit est précisé à l'article 65 et sa violation entraîne la nullité du contrat.
Lorsque le nantissement est judiciaire, c'est la juridiction compétente qui autorise le créancier à prendre
une inscription sur ses droits ; cette décision servant d’écrit doit contenir les mentions exigées à l'art 65.
Concernant le régime de publicité de ce nantissement, l’AUS a édicté une obligation d'inscription de ce
nantissement (art. 67), à l’instar des autres. Lorsque l'inscription est prise à titre provisoire, elle doit l'être après la
décision l'autorisant. L'inscription définitive est prise après la décision de validation (art. 67, al. 2).
Outre l'inscription, le nantissement doit être signifié à la personne morale émettrice des droits. Toute
modification portant sur ce nantissement doit également être inscrite en marge de l'inscription initiale (art. 80).
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Quant aux effets, le nantissement produit les mêmes effets que le gage : le créancier bénéficie d’un droit
de suite dans les conditions de l'art 65 et d’un droit de préférence soumis à l’article 149 régissant la distribution des
deniers issus de la réalisation des meubles.
Lorsqu'il veut poursuivre la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel est exploité le fonds grevé
d'inscription, le bailleur doit notifier sa demande de résiliation aux créanciers inscrits par acte extrajudiciaire (art. 87,
al. 1er). La décision de résiliation ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai de deux (2) mois suivant la
notification (art. 87, a1. 2).
L'inscription accorde des droits aux créanciers inscrits. Ils ont un droit de surenchère dont l'exercice est
soumis aux dispositions régissant la vente du fonds de commerce (art. 88). Ils ont également un droit de suite soumis
aux dispositions de l'article 56-1 (art 89). Le créancier nanti et le vendeur privilégié jouissent d'un droit de préférence
soumis aux dispositions de l'article 149 concernant la distribution des deniers (art. 90, a1. 2).
2) Le nantissement du fonds de commerce et le privilège du vendeur de fonds de commerce
En associant ces sûretés, l'AUS a édicté des règles qui leur sont communes après avoir posé celles qui
sont spécifiques à chacune d’elles.
a) Règles spécifiques
Les règles spécifiques sont relatives, soit au nantissement, soit au privilège du vendeur du fonds de
commerce.
a1) Règles spécifiques au nantissement du fonds de commerce
Le législateur de l’OHADA s'est largement inspiré des dispositions de la loi française du 17 mars 1909 qui
régissait la matière du nantissement et de la vente du fonds de commerce.
En ce qui concerne l'objet de ce nantissement, il porte en principe sur la clientèle, l'enseigne, le nom
commercial, le droit au bail et les licences d'exploitation (art. 69, 1). Les parties peuvent décider d'y inclure d'autres
éléments mais elles doivent le faire de façon expresse (art. 69, 2). En revanche, l'AUS exclut du champ de ce
nantissement les droits réels immobiliers conférés par les baux ou les conventions soumises à inscription au titre
foncier (art. 69, 3).
La forme du nantissement est déterminée par l'article 70. Le nantissement est constitué par acte
authentique ou par acte sous seing privé dûment enregistré. Ce même article précise le contenu de l’acte. Le nonrespect de ce contenu entraîne la nullité de l'acte de nantissement.
Tout comme le nantissement sur les droits d'associé ou valeurs mobilières, le nantissement du fonds de
commerce peut être conventionnel ou judiciaire (art. 71). Dans ce dernier cas, la décision judiciaire doit contenir les
mentions prévues à l'article 70.
Quant aux mesures de publicité, elles sont les mêmes que celles abordées plus haut, sauf qu'aucune
notification n'est exigée ici. Le nantissement doit faire l'objet d'une inscription au RCCM et il ne produit effet qu'à partir
de cette inscription (art. 78, al. 1er).
a2) Règles régissant le privilège du vendeur du fonds de commerce
L'article 74 pose les conditions d'existence de cette sûreté : le vendeur doit faire inscrire la vente au RCCM
pour pouvoir bénéficier de son privilège.
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A partir de cette inscription, toute demande tendant à la résolution de cette vente doit faire l'objet d'une
prénotation au RCCM. Pour obtenir cette prénotation, le demandeur introduit une requête devant le président de la
juridiction du lieu d'inscription de la vente. Ce dernier rend une autorisation de procéder à la prénotation (art. 75, al.
2). Lorsque la résolution de la vente est prononcée, elle doit être publiée au RCCM.
b) Les règles communes au nantissement du fonds de commerce et au privilège du vendeur
L'AUS prévoit des formalités spécifiques lorsque le nantissement ou le privilège du vendeur porte sur
des droits de propriété intellectuelle. Dans ce cas, le vendeur doit inscrire sa sûreté au RCCM et procéder également
aux mesures de publicités spécifiques prévues par les dispositions relatives à la propriété intellectuelle. Lorsque le
fonds concerné comprend des succursales, ces mesures de publicité doivent être faites à la fois au lieu
d'immatriculation principale et d'immatriculation secondaire du débiteur.
L'AUS prévoit des formalités supplémentaires à la charge du créancier inscrit : une fois les formalités
d'inscription accomplies, il doit notifier le bordereau d'inscription ou de la modification au bailleur de l'immeuble dans
lequel est exploité le fonds.
Toute radiation de l'inscription doit être inscrite en marge de l'inscription initiale. La radiation peut être
conventionnelle ou judiciaire. Pour obtenir la radiation conventionnelle de l'inscription, le demandeur doit déposer au
greffe un acte authentique ou un acte sous seing privé de consentement à la radiation donné par le créancier ou son
cessionnaire (art. 82, al. 2). En revanche, la radiation judiciaire résulte d'une ordonnance de la juridiction compétente
du lieu de l'inscription (art. 82, al. 3).
S'agissant des effets de l'inscription à l'égard du créancier, l'inscription effectuée conserve les droits du
créancier pendant cinq (5) ans à compter de sa date. Il garantit, au même rang que le principal, deux (2) années
d'intérêt (art. 90, al. 1er). Son existence entraîne des formalités particulières en cas de déplacement du fonds et de
résiliation du bail de l'immeuble dans lequel est exploité le fonds.
Pour déplacer le fonds, le propriétaire doit, quinze (15) jours à l'avance, notifier cette intention aux
créanciers inscrits par acte extrajudiciaire. Il doit également indiquer le nouvel emplacement où il entend le fixer (art.
86, 1). Le non-respect de cette disposition entraîne la déchéance du terme pour le débiteur. Le créancier inscrit peut
consentir à l’opération ou refuser le déplacement. Lorsqu'il consent au déplacement, il conserve sa sûreté mais il doit
mentionner cet accord en marge de l'inscription initiale (art. 86, 2).
Lorsque le créancier refuse de consentir au déplacement, il peut dans un délai de (15) jours suivant la
notification, demander la déchéance du terme.
3) Le nantissement du matériel professionnel et des véhicules automobiles
En réglementant ensemble le nantissement du matériel professionnel et celui des véhicules automobiles,
le législateur africain a peut-être voulu unir leur sort. On peut alors se demander si seuls les véhicules automobiles à
usage professionnel pourraient être nantis. L'AUS y répond à l'article 93. Tous les véhicules automobiles assujettis à
une déclaration de mise en circulation et à l'immatriculation administrative, quelle que soit leur destination, peuvent
être nantis.
Quant au matériel professionnel susceptible d'être nanti, il s'agit, aux termes de l'article 91, de tout matériel
servant à l'équipement de l'acheteur pour l’exercice de sa profession, que ce matériel soit neuf ou usagé.
En ce qui concerne la forme de ce nantissement, il doit être constitué par acte authentique ou par acte
sous seing privé dûment enregistré. Le contenu de cet acte est précisé à l'article 94. Mais il ne produira effet qu'à
partir de son inscription au RCCM. Cette inscription conserve les droits du créancier pendant cinq (5) années à
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compter de sa date mais elle peut, le cas échéant, être renouvelée (art. 95). Les règles régissant cette inscription
sont les mêmes que celles édictées pour le nantissement du fonds de commerce (art. 96).
Quant au nantissement des véhicules automobiles, il doit être mentionné sur le titre administratif portant
autorisation de circuler et immatriculation (art. 96, al. 2).
Pour protéger les droits des créanciers nantis, l'AUS a prévu à l'article 97 qu'un matériel grevé d'un
nantissement ne peut être vendu qu’avec l'accord préalable du créancier ou, à défaut de cet accord, l’obtention d’une
autorisation judiciaire. En cas de non-respect de cette disposition, la dette du créancier devient immédiatement
exigible et, si elle n'est pas payée, le débiteur sera soumis à la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation
des biens si cette procédure lui est applicable (art. 97). Cette sanction paraît sévère pour le débiteur indélicat. Mais
elle peut s'expliquer par le fait que les tiers étant protégés par l'article 2279 du Code civil, le créancier nanti risque de
voir ses droits compromis puisqu'il ne pourra pas exercer le droit de suite que lui accorde la loi.
A défaut de paiement à l'échéance, le créancier nanti va procéder à la réalisation du nantissement selon
les règles posées à l'article 56, 1.
Un tel nantissement est le bienvenu parce qu'il permettra au professionnel d'obtenir du crédit nécessaire
pour acquérir du matériel.
4) Le nantissement des stocks
Cette appellation est nouvelle dans les législations africaines. Sous le terme « nantissement des stocks »,
le législateur de l’OHADA semble avoir regroupé l'ensemble des législations antérieures sur les warrants pétrolier,
hôtelier, industriel, agricole. La conséquence est la disparition du terme « warrant » dans la législation sur les
sûretés. Dans le même ordre d'idée, le législateur africain a supprimé le warrant hôtelier. Cette suppression pourrait
s’expliquer probablement par le fait que, assis sur les mêmes biens que le nantissement du matériel professionnel, il
risque de faire double emploi avec celui-ci.
a) La constitution du nantissement
En ce qui concerne les biens susceptibles de faire l'objet de ce nantissement, l'article 100 énumère :
- les matières premières : en l’absence de précision il pourrait s’agir de biens en remplissant la définition
générique ;
- les produits d'une exploitation agricole (récoltes, fruits, légumes, tubercules…) ou industrielle (produits
finis ou semi-finis) ;
- les marchandises destinées à la vente,
lesquels peuvent être nantis sans dépossession par l'émission d'un bordereau de nantissement, à
condition de constituer un ensemble déterminé de choses fongibles (containers, silos, entrepôts) avant l'émission du
titre.
La forme du nantissement est fixée à l'article 101 : le nantissement des stocks est constitué par un acte
authentique ou un acte sous seing privé dûment enregistré. Cet acte doit nécessairement comporter certaines
mentions énumérées par ce texte. L’absence de ces mentions va entraîner la nullité du nantissement.
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- L'inscription du nantissement
A l'instar des autres nantissements sans dépossession, le nantissement des stocks doit faire l'objet d'une
inscription au RCCM. Le nantissement ne produit effet qu'après cette inscription (art. 102). L'inscription conserve les
droits du créancier pendant un an, mais elle peut être renouvelée. Après l'inscription du nantissement, le greffier
remet au débiteur un bordereau portant, de façon apparente : « la mention " nantissement des stocks " ; la date de sa
délivrance qui correspond à celle de l'inscription au registre ; le numéro d'inscription au registre chronologique ; la
signature du débiteur » (art. 103).
Le bordereau est remis par le débiteur au créancier par voie d’endossement signé et daté. Ce bordereau
est analogue au billet à ordre et peut être endossé et avalisé comme lui, mais il n'est valable que pendant les trois (3)
années qui suivent son émission, sauf renouvellement.
Le débiteur est responsable du stock confié à sa garde et à ses soins. Il s'engage à ne pas diminuer la
valeur des stocks et à les assurer contre les risques de destruction (art. l04, a1. 2). En cas de diminution de la valeur
de la sûreté, la dette devient immédiatement exigible et si elle n'est pas payée, le créancier ou le porteur du
bordereau de nantissement procède à la réalisation du stock (art. 105, al. 1er). Les dispositions de l'AUPSRVE
reçoivent application. Il peut aussi se faire attribuer le bien par une autorisation de la juridiction compétente.
Si le débiteur gardien ne doit pas diminuer la valeur des stocks, il ne lui est pas interdit de renouveler les
stocks pendant la durée du nantissement. L'essentiel est que la valeur des stocks ne soit pas diminuée. Le créancier
ou le porteur dispose également sur les stocks nantis d'un droit de préférence soumis aux dispositions de l'article 149
qui organise la distribution des deniers provenant de la réalisation des meubles. En effet, il résulte de cette
disposition que les créanciers garantis par un nantissement ou un privilège soumis à publicité viennent en cinquième
position, chacun selon son rang d'inscription.
Le débiteur conserve le droit de vendre les stocks nantis mais il ne peut livrer les biens vendus qu'après
consignation du prix chez le banquier domiciliataire. Le droit de préférence du créancier va donc se reporter sur le
prix de cette vente. Mais lorsque le débiteur omet de consigner le prix chez le domiciliataire, le créancier peut
procéder à la réalisation du stock, conformément aux dispositions de l’article 56 relatif à la réalisation du gage.
Egalement, à défaut de paiement à l'échéance, le créancier ou le porteur du bordereau va procéder à la
réalisation du stock selon les mêmes règles.
Ce nantissement semble présenter une grande flexibilité par rapport aux autres. Il leur sera probablement
préféré pour cette raison, au moins du côté du débiteur.
Les sûretés mobilières ne sont pas toutes conventionnelles. Certaines d’entre elles sont de source légale.
§ II : LES SURETES REELLES MOBILIERES LEGALES
Il s'agit, d’une part, des privilèges et, d’autre part, du droit de rétention qui constitue l’une des innovations
majeures de l’AUS.
A- Les privilèges
Bien que les privilèges puissent concerner à la fois les meubles et les immeubles, il a été décidé de les
classer toutes parmi les sûretés mobilières en raison notamment de la suppression des privilèges spéciaux
immobiliers. Le législateur de l’OHADA a adopté la distinction classique entre privilèges généraux, qui portent aussi
bien sur les biens meubles que sur les biens immeubles du débiteur, et les privilèges spéciaux, qui portent sur un
bien précis du patrimoine du débiteur (art. 106).
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1) Les privilèges généraux
Le législateur de l’OHADA énumère les privilèges généraux aux articles 107 et 108. Cette énumération estelle limitative ? La réponse est assurément négative parce que l’AUS laisse aux Etats la possibilité de créer des
privilèges généraux (art. 106). Cette règle présente l’avantage du réalisme : il était assurément difficile de répertorier
l’ensemble des privilèges reconnus par la législation interne des Etats membres de l’OHADA ou de prendre en
compte ultérieurement les besoins qu’ils pourront manifester en la matière. Mais cette ouverture vers la multiplication
des privilèges peut constituer une entrave à l’œuvre d’unification du droit entreprise par l’0HADA. On peut
légitimement craindre que les Etats n'abusent du pouvoir qui leur est ainsi accordé. L’article 106, alinéa 2, précise
que les textes spéciaux créant des privilèges généraux doivent préciser le rang de ceux-ci en le déterminant par
rapport aux dispositions de l'article 107 ci-après. A défaut, le rang de ces privilèges est le dernier de celui établi par
l'article 107 ci-après.
Il faut noter que les frais de justice ne figurent pas dans l'énumération faite par le législateur. Cette attitude
du législateur est d'autant plus inexplicable qu'au moment de la classification des sûretés, les frais de justice figurent
au premier rang. Cela peut s'expliquer par le fait que les frais de justice ne concourent pas avec les autres privilèges,
eu égard à leur place dans le classement (art. 148).
Les privilèges énumérés par le législateur peuvent être classés en deux catégories : les privilèges non
soumis à publicité prévus à l'article 107 et les privilèges soumis à publicité. Cette dernière catégorie est prévue par
l'article 108. Elle n’a d'effet qu’à compter de son inscription au RCCM. Cette inscription, qui doit se faire dans les six
(6) mois de l'exigibilité des créances, conserve ces privilèges pendant trois (3) ans sauf renouvellement. L'exigence
de la publicité de ces privilèges, qui étaient occultes dans le droit antérieur, constitue une importante innovation du
législateur de l’OHADA. Cette attitude du législateur s'explique par la volonté de protéger les créanciers. En effet, ces
derniers, renseignés sur ce passif de leur client, traiteront avec lui en connaissance de cause.
2) Les privilèges spéciaux
En droit de l’OHADA, désormais, il n'existe de privilèges spéciaux que mobiliers. L’AUS a retenu sept
privilèges spéciaux :
- le privilège du vendeur du meuble pour le paiement du prix (art. 110) ;
- le privilège du bailleur d'immeuble sur les meubles garnissant les lieux loués (art. 111) ;
- le privilège du transporteur terrestre sur la chose transportée (art. 112) ;
- le privilège d’un exécutant d'ouvrage à domicile sur les sommes dues par le donneur d'ouvrage (art.
113) ;
- le privilège des travailleurs et fournisseurs des entreprises de travaux sur les sommes restant dues à
celles-ci, en garantie des créances nées à leur profit à l’occasion de l’exécution de ces travaux (art. 114) ;
- le privilège du commissionnaire sur les marchandises qu'il détient (art. 115) ;
- le privilège du conservateur de meuble pour les frais exposés à cette fin (art. 116).
Par cette énumération, on remarque que le législateur de l’OHADA a supprimé deux privilèges. En effet,
l’AUS n'a plus prévu le privilège de l'aubergiste sur les effets du voyageur transporté
dans son auberge (Code
civil, article 2108), le privilège de l'Etat pour les créances résultant d'abus ou de prévarication commis par les
fonctionnaires publics dans l'exercice de leur fonction sur les fonds de leur cautionnement (art. 2108, 7, Code civil).
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Ces privilèges confèrent à leurs titulaires un droit de préférence soumis aux dispositions
de l'article
149. Ce droit de préférence s'exerce aussi, par subrogation, sur l'indemnité d'assurance du meuble qui a péri ou
disparu.
B- Le droit de rétention
Avant l’adoption de l’AUS, le droit de rétention était ponctuellement accordé au créancier dans un certain
nombre d’hypothèses en vue de forcer le débiteur à lui payer. Mais le créancier n’avait pas le droit de diligenter la
vente forcée du bien, même si le débiteur faisait montre de résistance, ce qui en faisait une sûreté imparfaite. L’AUS,
par les articles 41 à 43, fait du droit de rétention une sûreté autonome et achevée. Ce faisant, le droit OHADA a mis
fin au débat du droit antérieur sur la nature de cette sûreté. De par la place qu'elle occupe dans l’AUS, il s'agit d'une
sûreté réelle mobilière et puisqu'elle naît presque à l'insu du créancier, elle est légale. Pour consacrer ce droit, le
législateur pose des conditions d'existence et les effets du droit de rétention. Mais plusieurs questions, auxquelles le
législateur aurait pu donner une réponse, sont restées en suspens.
1) Les conditions d'existence du droit de rétention
La première condition peut être tirée de l'article 41 qui dispose : « le créancier qui détient légitimement
un bien du débiteur peut le retenir jusqu'à complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre
sûreté ».
Le droit de rétention suppose donc une détention. Autrement dit, le rétenteur doit avoir la mainmise sur la
chose. Une simple détention précaire suffirait. Le créancier doit-il nécessairement détenir par lui-même ou bien peut-il
détenir par un tiers ? Il semble qu'on doit admettre que lorsque le tiers agit pour le compte du créancier, la condition
de détention est réalisée.
Le créancier ne doit pas seulement détenir, mais cette détention doit être légitime. Cela exclut le cas où le
créancier se serait saisi de la chose par force, voire par malice.
La seconde condition posée par ce même texte est qu'il faut qu'il s'agisse d'un bien du débiteur. La
détention du bien d'autrui remise par le débiteur ne remplit pas cette condition. Peut-il s'agir de n’importe quel bien ?
La rétention peut-elle s'appliquer aux documents du débiteur régulièrement remis aux créanciers ? Il semble qu'on
puisse y répondre positivement, le législateur n'ayant fait aucune précision.
A ces conditions tirées de l'article 41, l'article 42 ajoute trois autres : la rétention doit se faire avant toute
saisie ; la créance doit être certaine, liquide et exigible, et il doit exister un lien de connexité entre la naissance de la
créance et la chose retenue. S'agit-il d'une connexité matérielle ou juridique ? A partir du moment où l'article 42
précise que la connexité doit exister entre la « naissance de la créance et la chose retenue », il ne peut s'agir que
d'une connexité matérielle. La connexité juridique supposerait la prise en compte du lien juridique existant entre la
créance et la chose retenue, comme l’existence d’un contrat ou d’un quasi-contrat. En droit de l’OHADA, le droit de
rétention garantit uniquement les créances liées à l'objet retenu. Pour éviter toute difficulté à propos de
l'établissement de l’existence ou non de cette connexité, le législateur de l’OHADA pose une présomption de
connexité lorsque la détention de la chose et la créance sont la conséquence de relations d'affaires entre le créancier
et le débiteur (art. 42, a1. 2). La sévérité apparente du législateur peut s'expliquer par le fait que la rétention est un
acte de justice privée. L’AUS précise d’ailleurs que le créancier doit renoncer au droit de rétention si le débiteur lui
fournit une sûreté réelle équivalente.
2) Les effets de la rétention
Les effets sont déterminés par l'article 43 qui dispose que « si le créancier ne reçoit ni paiement ni sûreté,
il peut, après signification faite au débiteur et au propriétaire de la chose,
exercer ses droits de suite et de
préférence comme en matière de gage ». En effet, le débiteur peut empêcher le créancier d'exercer son droit de
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rétention en lui fournissant une sûreté réelle équivalente. Lorsqu'il ne le fait pas et qu'il n'est pas en mesure de payer,
le droit de rétention produit ses effets.
La procédure de réalisation de la sûreté pour le créancier débute par une signification adressée au
débiteur et au propriétaire du bien de son intention de réaliser la sûreté (art. 43). Mais la rédaction de
cet article
peut prêter à confusion parce qu'il parle de débiteur et de propriétaire de la chose. Tout laisse croire que ces deux
personnes sont différentes. Or on ne peut exercer le droit de rétention que sur la chose du débiteur. Mais ici, le
législateur a peut-être voulu tenir compte du cas où la chose aurait fait l'objet d'une cession si bien que le propriétaire
serait alors le nouvel acquéreur de la chose.
Aux termes de l'article 43, le débiteur peut exercer un droit de suite et un droit de préférence comme en
matière de gage.
Le droit de suite du rétenteur lui permettra d'opposer sa qualité au propriétaire actuel (en cas de vente de
la chose détenue par le débiteur) et aux autres créanciers qui ne pourront ni saisir, ni faire vendre le bien. Mais ce
droit de suite du rétenteur est limité par l'article 2279 du Code civil. Quant à l’exercice du droit de préférence, il
convient de se référer aux développements consacrés au gage.
Le législateur africain n'a pas réglé la question de l'extinction du droit de rétention, mais on peut dire que,
comme toute sûreté, elle disparaît lorsque la créance garantie est éteinte ou lorsque le droit de rétention a été
remplacé par une autre sûreté ou spécifiquement lorsque le créancier a perdu la détention de la chose. Cette solution
est certainement vraie lorsque c'est volontairement que le créancier se dessaisit de la chose retenue jusque-là. Fautil admettre cette solution lorsque la dépossession du créancier est fortuite ou involontaire ? Dans ce cas, le droit de
rétention doit être maintenu. Lorsque le droit de rétention disparaît par la remise de la chose, peut-il renaître lorsque
la chose revient entre les mains du créancier ? La réponse est affirmative puisque la connexité matérielle adoptée par
l’OHADA permet de garantir toutes les créances liées à l’objet retenu.
Il semble, à l’analyse, que le nouveau droit de rétention, tout en conférant un droit nouveau au rétenteur, à
savoir celui de vendre le bien, pourrait se révéler moins protecteur puisque le créancier rétenteur pourra en cas de
réalisation du bien, être primé par d’autres créanciers.
SECTION II : LA SURETE REELLE IMMOBILIERE : L'HYPOTHEQUE
L'hypothèque est une sûreté sans dessaisissement, portant sur un bien immeuble, permettant au créancier
hypothécaire de saisir l'immeuble hypothéqué et de se faire payer sur le prix de vente en cas de non-paiement par le
débiteur. C’est la sûreté immobilière par excellence. On a même écrit que l’hypothèque est la reine des sûretés.
Le Code civil français, tel qu’il que rendu applicable dans les colonies françaises, traitait de l'hypothèque et
de l'antichrèse dans ses articles 2114 et suivants). L'AUS n'a traité que de l'hypothèque au titre des sûretés
immobilières. Cela suppose que le législateur africain a supprimé l'antichrèse dans le droit des Etats membres de
l’0HADA. Cette sûreté avait été organisée dans le droit antérieur à l'image d'un gage immobilier. La notion de
dépossession qu'elle implique a été considérée comme une entrave à la libre circulation des immeubles, ce qui
suscitait une méfiance de la pratique à son égard. C'est certainement cette méfiance qui a influencé la décision du
législateur africain à ne retenir que l'hypothèque, comme d'ailleurs la plupart des législations foncières africaines.
Mais l’antichrèse n’est pas dénuée de tout intérêt.
L'article 117 définit l'hypothèque comme une sûreté réelle immobilière conventionnelle ou forcée qui
confère à son titulaire un droit de suite et un droit de préférence. Il ressort de cette définition qu'en droit OHADA, on
peut distinguer deux types d'hypothèques : les hypothèques conventionnelles et les hypothèques forcées.
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Pour les réglementer, le législateur de l’OHADA a conçu deux catégories de règles : d'abord, il a posé des
normes communes aux deux types d'hypothèques ; ensuite, il a édicté des règles spécifiques à chaque type
d'hypothèque.
§ I : LES REGLES COMMUNES AUX HYPOTHEQUES DE L’OHADA
Ces règles se retrouvent à trois niveaux : - au niveau de la constitution ; - au niveau des effets de
l'hypothèque ; - au niveau de l'extinction.
A- Les règles communes à la constitution des hypothèques
Aux termes de l'article 119, seuls les immeubles immatriculés peuvent faire l'objet d'une hypothèque. Cette
hypothèque portera sur les fonds bâtis et non bâtis et leurs améliorations ou sur les droits réels immobiliers
régulièrement inscrits. Mais par exception à cette règle, le législateur africain permet l'hypothèque des immeubles en
cours d’immatriculation. Il s'agit là d'une anticipation puisque pour hypothéquer un immeuble, il faut être titulaire d'un
droit réel portant sur celui-ci (art. 122, a1. 4). Tout droit réel immobilier peut faire l'objet d'hypothèque mais si le droit
est affecté d'une modalité, celle-ci atteindra pareillement l'hypothèque (art. 121, al. 1er). Lorsque le droit hypothéqué
porte sur un immeuble indivis, l'hypothèque consentie par tous les copropriétaires conserve ses effets même après le
partage (art. 121, a1. 2).
L’article 20 de l’AUS prohibe l'hypothèque sur les biens à venir. Toutefois, pour faciliter le crédit à la
construction, la pratique africaine admet l'hypothèque d'immeubles en cours de construction. L'hypothèque pourrait
être consentie au banquier qui a fourni les fonds pour la construction ou au profit des architectes, entrepreneurs ou
autres personnes employées pour l'édification.
B- Les effets des hypothèques
En principe, l'hypothèque ne produit ses effets qu'à l'échéance (art. 146). Mais avant même l'échéance, il
peut arriver que l'immeuble hypothéqué soit détruit ou subisse des dégradations. Dans ce cas précis, le législateur
africain permet au créancier, lorsqu'à la suite de ces évènements, l'immeuble hypothéqué devient insuffisant pour
garantir sa créance, de poursuivre le paiement de sa créance avant l'échéance ou de solliciter et d’obtenir une autre
hypothèque (art. 145).
Aux termes de l'article 114, l'hypothèque confère à son titulaire un droit de suite et un droit de préférence.
Le droit de suite est destiné à régler les effets de l'hypothèque à l'égard du tiers détenteur d'un immeuble
hypothéqué. Il s'exerce, aux termes de l'article 117, a1inéa 2, selon les règles de la saisie immobilière. Il faut donc se
référer au titre III (art 246 à 323) de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement
et des voies d'exécution.
Le législateur de l’OHADA a pris soin de déterminer les personnes contre lesquelles le droit de suite pourra
s'exercer. Il s'agit, aux termes de l'article 146, a1inéa 2, du débiteur et de tout tiers détenteur de l'immeuble dont le
titre est publié postérieurement à l'hypothèque. Le tiers détenteur mis en cause a le choix, soit de désintéresser le
créancier poursuivant du montant intégral de sa créance en capital, intérêts et frais pour ensuite se subroger à lui
(art. 146, al. 3), soit de subir la procédure d'expropriation engagée contre lui.
Le droit de préférence permet au créancier d'obtenir un paiement privilégié, bien entendu avant les
créanciers chirographaires, mais aussi avant les créanciers qui ont pris une inscription mais après la sienne.
Il s'exerce aux termes de l'article 117, a1inéa 3, selon les dispositions de l'article 148 de l’AUS, qui fixe un
ordre de distribution des deniers provenant de la réalisation des immeubles. D'après cet ordre, les créanciers
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hypothécaires viennent en troisième position après les créanciers des frais de justice et ceux de salaires
superprivilégiés.
Lorsque l'immeuble hypothéqué subit un sinistre, le droit de préférence se reporte sur l’indemnité
d'assurance (art. 117, a1. 4).
C- L’extinction de l'hypothèque
Les causes d'extinction de l'hypothèque sont prévues à l'article 124, a1inéa 2. Les décrets fonciers des 21
et 26 juillet 1932 et du 15 mai 1922 ont prévu cinq causes qui sont :
- l'extinction de l'obligation principale ;
- la renonciation du créancier à l'hypothèque ;
- la purge des hypothèques par le détenteur ;
- la péremption de l'inscription hypothécaire ;
- la perte totale de l'immeuble grevé d'hypothèque.
L’AUS n’a pas retenu la dernière cause, en l’occurrence la perte totale de l'immeuble grevé, ce que
l’on pourrait expliquer par le fait que le droit du créancier va se porter sur l'indemnité d’expropriation ou l’indemnité
d'assurance en cas de perte de l'immeuble (art. 117, a1. 3).
A ces quatre causes prévues par l'article 124, il faut ajouter le défaut de renouvellement de l'inscription
(art. 123) et la radiation de l'hypothèque dont les règles sont posées à l'article 125.
Quid des règles spécifiques ?
§ II : LES REGLES SPECIFIQUES A CHAQUE TYPE D'HYPOTHEQUE
L’AUS a repris les deux types d'hypothèques du droit classique : les hypothèques conventionnelles et les
hypothèques forcées. Ces hypothèques sont régies à la fois par les règles précédemment dégagées et par celles
abordées ci-dessous.
A- Les hypothèques conventionnelles
Les règles régissant les hypothèques conventionnelles déterminent les personnes pouvant avoir recours à
ce type d'hypothèque, les créances pouvant être garanties par cette hypothèque ainsi que la forme de cette
hypothèque et les règles de publicité qui lui sont applicables.
D’abord, concernant les personnes pouvant avoir recours à l'hypothèque conventionnelle, il s'agit, aux
termes de l'article 127, alinéa 1er, de toute personne titulaire d'un droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable
d'en disposer. Ce droit réel peut être le droit de propriété ou l’un de ses démembrements (art. 122, a1. 4). Ce texte a
pour conséquence la prohibition de l'hypothèque du bien d'autrui. Sa violation entraînera sans doute la nullité de
l'hypothèque.
Ensuite, relativement aux créances pouvant être garanties par l’hypothèque conventionnelle, il doit s'agir
de créances individualisées par leur cause et leur origine, représentant une somme déterminée et portée à la
connaissance des tiers par l'inscription de l'acte (art. 127, a1. 2). Ces exigences sont légitimes parce qu'elles
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permettront de déjouer la fraude d'un créancier qui serait tenté d’utiliser l'hypothèque pour garantir une créance autre
que celle en garantie de laquelle l’hypothèque avait été constituée.
En troisième lieu, et relativement à la forme de l'hypothèque conventionnelle, l'article 128 dispose que
l'hypothèque conventionnelle peut être passée par acte authentique (établi par le notaire territorialement compétent
ou par l'autorité administrative ou judiciaire habilitée à faire de tels actes) ou par acte sous seing privé dressé suivant
un modèle agréé par la conservation de la propriété foncière. Cette disposition traduit le souci du législateur de
l’OHADA de simplifier la constitution de l'hypothèque conventionnelle.
Enfin, et en ce qui concerne les mesures de publicité, toute hypothèque conventionnelle doit être inscrite
(art. 122) et l'acte d'hypothèque n'est opposable aux tiers qu'à partir de cette inscription. En cas de non respect de
cette obligation, l’acte d'hypothèque ne constitue entre les parties qu'une promesse synallagmatique qui les oblige à
procéder à la publicité (art. 129).
Il n'est fait exception à l'obligation d'inscription qu'en faveur de l'hypothèque conventionnelle garantissant
un prêt à court terme ; dans ce cas, l'inscription peut être différée pendant un délai maximum de quatre-vingt-dix (90)
jours sans que le créancier perde le rang qui lui est acquis. Pour cela, le créancier devra se conformer aux
dispositions spécialement édictées à cet effet par les règles de publicité foncière concernant les hypothèques
garantissant les prêts à court terme, prévues par la loi nationale du lieu de situation de l’immeuble (art. 130).
B- Les hypothèques forcées
Elles sont définies à l'article 132 : l’hypothèque forcée est celle qui est conférée sans le consentement du
débiteur, soit par la loi, soit par une décision de justice. A la lecture de ce texte, on se rend compte que le législateur
de l’OHADA n'a prévu que deux catégories d’hypothèques forcées : l'hypothèque légale et l'hypothèque judiciaire.
1) Les hypothèques forcées légales
Le Code civil français, dans son état tel qu’applicable aux Etats africains, n'avait prévu que trois
hypothèques légales :
- celle des femmes mariées sur les biens de leurs maris ;
- celle des mineurs et interdits sur les biens de leurs tuteurs ;
- celle de l'Etat, des collectivités et des établissements publics sur les biens des receveurs et administrateurs
comptables.
Le législateur de l’OHADA n'a repris expressément aucune de ces trois hypothèques mais il a retenu trois
autres hypothèques qui sont :
- l’hypothèque légale de la masse des créanciers d'une procédure collective (art. 133 qui renvoie à l'article
74 de l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif) ;
- l'hypothèque forcée du vendeur d'immeuble, de l'échangiste et du copartageant pour garantir le paiement
du prix de la vente, de la soulte ou des créances résultant du partage (art. 134, al. 1er) ; la même hypothèque est
accordée à celui qui fournit les deniers pour l'acquisition de l'immeuble vendu, échangé ou partagé (art. 134, a1. 4) ;
dans le cas où le débiteur refuserait d'accorder cette hypothèque, les créanciers peuvent recourir au juge pour
l'obtenir ;
- l’hypothèque des architectes, entrepreneurs et autres personnes employées pour édifier, réparer ou
reconstruire des bâtiments (art. 135, al. 1er) ; cette hypothèque fait l'objet d'une inscription provisoire au début des
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travaux pour une somme estimée ; elle sera confirmée après l'achèvement des travaux pour le montant définitif des
travaux ; la même hypothèque est accordée à celui qui fournit les deniers pour payer ou rembourser les architectes,
entrepreneurs et autres personnes employées pour l'édification.
En ne prévoyant expressément que ces trois hypothèques, le législateur de l’OHADA a pris soin de laisser
aux Etats parties la possibilité de prévoir d'autres hypothèques qui seront régies par la loi nationale des Etats parties
(art. 132, a1. 3). Ces Etats pourront par exemple reprendre les trois hypothèques prévues par le Code civil.
2) Les hypothèques forcées judiciaires
L'hypothèque judiciaire de l’OHADA n’a rien à voir avec ce que le Code civil appelait hypothèques
judiciaires (art. 2123 du Code civil) et qui, en réalité, sont des hypothèques légales s'apparentant avec celles que
l'article 135 réglemente. L'hypothèque judiciaire consacrée par l’OHADA est une hypothèque conservatoire qui
permet au créancier, en anticipant sur un jugement de condamnation, de se prémunir contre un débiteur récalcitrant.
Pour ce faire, le créancier introduit une requête devant la juridiction compétente du domicile du débiteur ou du lieu de
situation des immeubles à saisir. Le juge saisi rend une ordonnance et cette ordonnance doit mentionner la somme
pour laquelle l'hypothèque est autorisée, le délai dans lequel le créancier doit, à peine de caducité de l'autorisation,
former devant la juridiction compétente l'action en validité d’hypothèque conservatoire ou la demande au fond (art.
136, a1. 3). Le non-respect de cette disposition peut entraîner la rétractation de la décision d'autorisation.
Une fois l'autorisation obtenue, le créancier doit prendre une inscription provisoire sur présentation de la
décision contenant un certain nombre de mentions (art. 139). L’ordonnance doit être notifiée au débiteur et au même
moment, le créancier doit lui délivrer assignation en vue de l’instance en validité ou de l'instance au fond (art. 140). Il
doit également notifier l'inscription au débiteur dans la quinzaine de cette formalité. Lorsque le créancier n'est pas
domicilié dans le ressort de la juridiction compétente ou de la conservation foncière, il doit y élire domicile. Mais la
CCJA ne semble pas considérer ces dispositions comme étant d’ordre public.
Le débiteur peut contester l'hypothèque et demander mainlevée ou réduction de l’hypothèque mais cette
demande doit être formulée dans le mois de la réception de la notification de l'assignation en vue de l'instance en
validité ou de l'instance au fond et être portée devant le président de la juridiction compétente qui a autorisé
l'hypothèque. Dans ce cas, le débiteur doit consigner, entre les mains d'un séquestre, le montant de la créance en
capital, intérêts et frais (art. 141).
La juridiction saisie peut, avant même d'avoir statué sur le fond, ordonner mainlevée de l’hypothèque si le
débiteur justifie de motifs sérieux et légitimes (art. 142). Mais lorsqu'il est démontré que la valeur des immeubles est
le double de la créance, le débiteur peut faire limiter l'inscription provisoire sur les immeubles qu'il indique à cette fin
(art. 143).
Si la créance est reconnue, le juge statuant sur le fond maintient en totalité ou en partie l'hypothèque déjà
inscrite ou octroie une hypothèque définitive.
Dans les six (6) mois à compter du jour où la décision statuant sur le fond a acquis l'autorité de la chose
jugée, le créancier, ainsi en possession d'un titre exécutoire, peut prendre une inscription définitive. Le créancier
conserve le rang déterminé par l'inscription provisoire (art. 144, a1. 2). Autrement dit, l'inscription définitive rétroagit
au jour de l'inscription provisoire. Si le jugement est défavorable au créancier ou si l'inscription définitive n'a pas été
requise dans le délai fixé, l'inscription provisoire devient sans objet et peut alors être radiée à la demande de tout
intéressé et aux frais de l’inscrivant (art. 144, a1. 3).
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SECTION III : LA DISTRIBUTION ET LE CLASSEMENT DES SURETES
La distribution du prix, qui implique le classement des sûretés, est réglée par les articles 147, 148 et 149.
La question, qui se pose lorsque plusieurs sûretés sont en concurrence, paraît résolue de manière claire par ces
dispositions qui, toutefois, ne s’appliquent pas dans le cas d’une procédure collective où un ordre spécifique est
prévu.
Selon l’article 147, la procédure de distribution du prix sur saisie est fixée par les règles régissant les voies
d’exécution, sous réserve des dispositions qui suivent concernant l’ordre de distribution.
Pour l’article 148, les deniers provenant de la réalisation des immeubles sont distribués dans l’ordre
suivant :
1°) aux créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la
distribution elle-même du prix ;
2°) aux créanciers de salaires super privilégiés ;
3°) aux créanciers titulaires d’une hypothèque conventionnelle ou forcée et aux créanciers séparatistes
inscrits dans le délai légal, chacun selon le rang de son inscription au livre foncier ;
4°) aux créanciers munis d’un privilège général soumis à publicité, chacun selon le rang de son inscription
au Registre du commerce et du crédit mobilier ;
5°) aux créanciers munis d’un privilège général non soumis à publicité selon l’ordre établi par l’article 107
ci-dessus ;
6°) aux créanciers chirographaires munis d’un titre exécutoire lorsqu’ils sont intervenus par voie de saisie
ou d’opposition à la procédure.
En cas d’insuffisance de deniers pour désintéresser les créanciers désignés aux 1°), 2°), 5°) et 6°) du
présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent à la distribution dans la proportion de leurs créances totales,
au marc le franc.
Selon l’article 149, les deniers provenant de la réalisation des meubles sont distribués dans l’ordre
suivant :
1°) aux créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la
distribution elle-même du prix ;
2°) aux créanciers de frais engagés pour la conservation du bien du débiteur dans l’intérêt des créanciers
dont le titre est antérieur en date ;
3°) aux créanciers de salaires super privilégiés ;
4°) aux créanciers garantis par un gage selon la date de constitution du gage ;
5°) aux créanciers garantis par un nantissement ou un privilège soumis à publicité, chacun selon le rang
de son inscription au Registre du commerce et du crédit mobilier ;
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6°) aux créanciers munis d’un privilège spécial, chacun suivant le meuble sur lequel porte le privilège ; en
cas de conflit entre créances assorties d’un privilège spécial sur le même meuble, la préférence est donnée au
premier saisissant ;
7°) aux créanciers munis d’un privilège général non soumis à publicité selon l’ordre établi par l’article 107 ;
8°) aux créanciers chirographaires munis d’un titre exécutoire lorsqu’ils sont intervenus par voie de saisie
ou d’opposition à la procédure de distribution.
En cas d’insuffisance de deniers pour désintéresser les créanciers désignés aux 1°), 2°), 3°), 6°), 7°) et
8°) du présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent à la distribution dans la proportion de leurs créances
totales, au marc le franc.
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TROISIEME PARTIE : LES AUTRES GARANTIES
Si toutes les sûretés sont des garanties permettant au créancier d’obtenir paiement, toutes les garanties
ne sont pas forcément des sûretés. En droit, beaucoup de mécanismes juridiques peuvent être utilisés comme
garantie : il en est ainsi de la vente à réméré, de la fiducie, du trust anglo-saxon… L’AUDCG, en prévoyant leur
publication avec d’autres sûretés, invite à aborder succinctement la clause de réserve de propriété et le crédit-bail.
SECTION I : LA CLAUSE DE RESERVE DE PROPRIETE
La clause de réserve de propriété est celle par laquelle un vendeur, en vue de garantir sa créance de
façon efficace, se réserve la propriété de la chose vendue jusqu’au paiement intégral du prix par l’acheteur. A l’égard
de telles clauses, on a observé un balancement entre l’hostilité et l’admission large, la question se posant
principalement au regard du droit des procédures collectives.
§ I : La défaveur historique
Pendant longtemps, on a considéré, en doctrine et en jurisprudence, que les clauses de réserve de
propriété jusqu'à complet paiement du prix, qui n’ont pas produit leurs effets à la date du jugement d’ouverture, sont
paralysées par la survenance de la procédure collective. La Cour de cassation française, sous l’empire des textes
rendus applicables aux colonies, décidait que la revendication se heurte « à cette règle de droit qui interdit au
vendeur de marchandises ou de matériel commercial de reprendre, au préjudice de la faillite, les choses livrées
antérieurement par l’exécution d’une vente, même conditionnelle, et devenues, par leur entrée dans les magasins de
l’acquéreur, des éléments de la solvabilité apparente de celui-ci ».
En France, cette jurisprudence n’a été renversée que par la loi n° 80-335 du 12 mai 1980 dont la solution a été
conservée par la loi du 25 janvier 1985 (art. 121, al. 2), laquelle a été modifiée par la loi du 10 juin 1994 et celle du 1er juillet 1996.
§ II : La tendance récente à l’admission large
Il résulte des récents textes français adoptés depuis 1980 que « peuvent également être revendiqués, s’ils
se retrouvent en nature au moment de l’ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de
propriété subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix. Cette clause, qui peut figurer dans un écrit
régissant un ensemble d’opérations commerciales convenues entre les parties, doit avoir été convenue entre les parties
dans un écrit établi, au plus tard, au moment de la livraison. Nonobstant toute clause contraire, la clause de réserve de
propriété est opposable à l’acheteur et aux créanciers, à moins que les parties n’aient convenu par écrit de l’écarter ou
de la modifier ». La volonté du législateur français, certainement sous la forte poussée du monde des affaires, est
assurément de consacrer dans la plupart des cas la validité indiscutable des clauses de réserve de propriété.
C’est dans la même mouvance que se situe l’Acte uniforme de l’OHADA sur les procédures collectives
dont la seule spécificité notable est de conditionner la validité des clauses de réserve de propriété à leur publication
régulière au Registre du commerce et du crédit mobilier, étant précisé que les marchandises ou objets mobiliers
doivent se retrouver en nature et que la clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit (art. 103, al. 2).
La publication a lieu conformément aux dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général (art. 50 et
60). Il revient au vendeur de marchandises qui dispose d’une convention ou d’un bon de commande accepté par
l’acquéreur, portant mention d’une manière apparente d’une clause de réserve de propriété, de procéder à la
publication en déposant, au greffe de la juridiction compétente dans le ressort de laquelle il est immatriculé, le titre
mentionnant la clause de réserve de propriété ainsi qu’un formulaire contenant un certain nombre de mentions.
Toutefois, il n’y a pas lieu à revendication, s’agissant de marchandises ou d’objets mobiliers consignés au
débiteur pour être vendus ou vendus avec clause de réserve de propriété, si le prix est payé intégralement et
immédiatement par le syndic, avant la restitution des marchandises ou des objets mobiliers. Il n’y a pas vraiment
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
170
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
d’exception à la règle puisque la finalité de la clause se trouve réalisée par le paiement effectué par le syndic, ce qui
prive la revendication de sa raison d’être. En cas d’aliénation de ces biens, peut être revendiqué contre le sousacquéreur le prix ou la partie du prix dû si celui-ci n’a été ni payé en valeur, ni compensé en compte courant entre le
débiteur et le sous-acquéreur.
Sauf l’exigence de la publicité, qui ne sera pas aisée à respecter sur le plan pratique, il est certain que
l’AUS consacre la validité et l’opposabilité des clauses de réserve de propriété.
SECTION II : LE CRÉDIT-BAIL
Le contrat de crédit-bail (en anglais leasing) est un contrat à titre onéreux par lequel le crédit-bailleur met à
la disposition du locataire ou crédit-preneur un bien qu'il a acheté à la demande du locataire et sur ses instructions
auprès d'un fournisseur. Ce contrat est assorti d'une promesse unilatérale de vente au profit du locataire. Celui-ci
dispose d'une option d'achat qu'il peut ou non lever. En dehors de la publicité prévue et des dispositions fiscales,
souvent de faveur, le crédit-bail n’est pas réglementé en tant que telle dans la plupart des Etats de l’OHADA. En
France, il a fait l’objet de la loi du 2 juillet 1966, incorporée, au titre des catégories de crédits et opérations assimilées,
dans le Code monétaire et financier dont elle constitue les articles 313-7 et suivants. Il convient d’évoquer le
mécanisme et les effets du crédit-bail.
§ I : Le mécanisme du crédit-bail
Une entreprise a besoin d’un matériel, d’un bien d’équipement ou d’une immobilisation de grande valeur
mais elle n'a pas les moyens financiers de les acquérir. Elle s'adresse à un établissement de crédit-bail qui se porte
lui-même acquéreur de ce matériel dans le cadre d'un contrat de vente qu'il conclut avec le fournisseur.
Parallèlement à cette vente est conclu entre le crédit-bailleur et l'entreprise utilisatrice du matériel ou
crédit-preneur un contrat de location d'une durée assez longue, généralement allant de 3 à 10 ans, durée qui tient
compte de l'importance du bien loué et de la durée normale de son amortissement.
L'entreprise paie pendant toute la durée du contrat, au crédit-bailleur, des redevances ou loyers constants
ou dégressifs, selon le cas, dont le montant excède celui d’une location simple.
A son terme, l’entreprise utilisatrice du bien pourra, sur la base d'une promesse de vente adjointe à la
location, se porter à son tour acquéreur du bien moyennant un prix généralement faible car tenant compte des
sommes déjà versées.
L’établissement de crédit ou crédit-bailleur reste propriétaire du bien acquis pendant toute la durée du
contrat, de sorte qu’il se trouve protégé contre la concurrence des autres créanciers du crédit-preneur par le droit de
propriété qui se trouve être la meilleure des garanties de paiement. Ce qui a fait écrire que « la propriété du créditbailleur est artificielle et a uniquement pour objet une garantie ; les prérogatives effectives de la propriété – sauf le
pouvoir d’aliéner - appartiennent au crédit-preneur, qui est souvent l’utilisateur définitif d’un bien éphémère… les
loyers sont, non les revenus de la chose, mais les intérêts du capital prêté… Le crédit-bail est essentiellement une
opération de crédit garantie par une sûreté originale ».
§ II : Les effets du crédit-bail
Ils doivent être appréciés à trois moments.
En début de location, le crédit-preneur doit vérifier l’état du matériel livré par le crédit-bailleur et sa
conformité par rapport à ses attentes telles qu’elles ont été formulées à celui-ci.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Une publicité doit être faite au Registre du commerce et du crédit mobilier. Elle est essentielle, surtout en
cas de survenance d’une procédure collective. En effet, sur un plan d’ensemble, le crédit-bail et également la
location-vente, malgré leurs spécificités, permettent en principe, comme les locations ordinaires, l’exercice du droit de
revendication. Dans le contrat de location-vente, le transfert de la détention et du droit de jouir de la chose se fait sur
la base du contrat de location puisque la vente ne sera réalisée qu’à l’expiration de ce contrat avec le paiement du
dernier loyer. Dans le crédit-bail, l’entreprise de financement reste propriétaire du matériel ou du bien mis à la
disposition de l’entreprise utilisatrice, laquelle doit payer un loyer calculé sur la durée normale d’amortissement du
bien. L’entreprise de financement consent, pour la fin de cette période, une promesse unilatérale de vente qui permet
au locataire, s’il le désire, d’acquérir la propriété du bien.
Concernant aussi bien le crédit-bail que la location-vente, il peut s’avérer utile d’analyser les opérations,
comme le faisait la jurisprudence française, pour savoir s’il ne s’agit pas en réalité de simples ventes à tempérament,
c’est-à-dire de ventes parfaites mais dont seul le paiement du prix est échelonné. Cette restriction ne devrait pas
souvent jouer avec l’admission large de l’action en revendication, en particulier celles fondées sur des clauses de
réserve de propriété.
On doit souligner que les contrats de crédit-bail, selon l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, ne sont
opposables aux tiers que s’ils sont publiés. A cet effet, le crédit-bailleur doit déposer au greffe de la juridiction chargée de la
tenue du RCCM dans le ressort de laquelle est immatriculée la personne physique ou morale preneur de ce crédit-bail, le
titre constitutif du contrat de crédit-bail ainsi qu’un formulaire comportant les mentions spécifiées à l’article 61.
En cours de location, le crédit-bailleur doit assurer au crédit-preneur une jouissance paisible du bien, objet
du contrat. Ce dernier doit payer ponctuellement les loyers et effectuer, le cas échéant, les réparations lui incombant.
En fin de contrat, qui intervient avec l’écoulement de la période prévue et le paiement du dernier loyer dû,
le crédit-preneur peut :
- ne pas renouveler le contrat et restituer le bien ;
- renouveler le contrat ;
- ou, plus souvent, acquérir le bien à sa valeur résiduelle : dans ce cas, on dit qu’il lève l’option.
En conclusion, dans l’ensemble, la réglementation OHADA relative aux sûretés constitue assurément un
grand progrès. Elle est cohérente et prévoit des garanties variées à même de répondre aux besoins des créanciers et
des débiteurs dont elle tente de concilier les intérêts, même s’il paraît difficile de respecter l’obligation d’information
trimestrielle en matière de cautionnement de tous engagements ou de publication effective de nombre de sûretés et
garanties pour leur opposabilité et efficacité. Sur le plan pratique, l’on constate des insuffisances tenant à
l’inexistence d’un véritable marché hypothécaire, à la mauvaise foi des débiteurs, aux difficultés de réalisation des
garanties (lenteurs, lourdeurs), et surtout aux résultats décevants de celle-ci. Soit les biens sont surévalués, soit, ce
qui semble plus probable, les Africains ont tendance à considérer les biens saisis et vendus aux enchères, qu’il
s’agisse de meubles ou d’immeubles, un peu comme des biens volés ou des « biens porte malheur » que l’on ne
peut accepter d’acquérir qu’à vil prix. De ce point de vue, il faut, d’une part, que les mentalités évoluent afin que la
« normalité » de ces opérations soit perçue et acceptée et, d’autre part, que la réalisation des sûretés ou garanties
soit facilitée et accélérée dès lors qu’elles ne renferment aucune fraude aux droits du débiteur ou des personnes
garantes.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
L’ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT ET
DES VOIES D’EXECUTION
OBSERVATION LIMINAIRE
Schématiquement, on peut soutenir que pendant une longue période, la priorité a été d’ordre technique ou
technologique : il s’agissait de produire, d’où la priorité donnée aux ingénieurs et aux machines, ce qui a donné
naissance au taylorisme et au stakanovisme. Par la suite, la production étant assurée, il est devenu impérieux de la
placer, autrement dit de vendre les produits. Cela a entraîné la naissance et le développement du marketing et, d’une
manière générale, de toutes les techniques de vente aboutissant, souvent, à différer le paiement. Or une entreprise
qui ne recouvre pas ses créances finit par rencontrer des difficultés de trésorerie, qui pourraient rapidement se
transformer en difficultés financières, lesquelles peuvent compromettre la santé de l’entreprise et même entraîner sa
disparition.
Le recouvrement des créances est donc une grande priorité pour l’entreprise. Plusieurs moyens juridiques
ou pratiques permettent de le réaliser :
- le choix des cocontractants (des partenaires loyaux et fiables !) ;
- l’exigence d’un paiement au comptant (pas toujours possible en raison de la concurrence si les
concurrents accordent des délais de paiement plus ou moins importants à leurs clients) ;
- la prise de sûretés ou de garanties de paiement (sûretés personnelles ou réelles, mécanismes juridiques
aboutissant à la protection comme la clause de réserve de propriété) ;
- l’émission d’effets de commerce (lettre de change, surtout acceptée)…
Cependant, les « préconisations » ci-dessus, sauf le paiement au comptant, ne rendent pas inutile le
recours aux procédures simplifiées de recouvrement et aux voies d’exécution, qu’il convient d’étudier successivement
dans le contexte de l’OHADA qui a pris le 10 avril 1998 à Libreville un acte uniforme y relatif, en l’occurrence
l’AUPSRVE.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
173
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
INTRODUCTION
L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
(AUPSRVE) a été adopté à Libreville le 10 avril 1998. Son article 338 a prévu qu’il « entrera en vigueur,
conformément à l’article 9 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ». En conséquence de sa
publication dans le Journal officiel de l’OHADA, l’Acte uniforme est entré en vigueur le 11 juillet 1998 et est devenu
opposable.
En la forme, il comporte 338 articles répartis en deux livres : un livre I relatif aux procédures simplifiées de
recouvrement comprenant deux titres ; un livre II traitant des voies d’exécution en dix titres. C’est le second acte le
plus long après celui sur les sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique (AUDSC).
Cet Acte uniforme vient abroger et remplacer la législation en vigueur dans les Etats parties (tout au moins
les dispositions contraires à celles de l’AUPSRVE) que l’on considérait généralement comme étant vieillotte,
inadaptée, éparpillée, incertaine... En effet, beaucoup d’Etats avaient conservé la législation rendue applicable ou
effectivement appliquée pendant la période coloniale, à savoir le livre 5e de la 1ère partie du Code de procédure civile
(CPC) de 1806 intitulé : « De l’exécution des jugements ». Or, les dispositions y afférentes et leurs modificatifs n’ont
pas, pour nombre d’entre elles, fait l’objet d’une extension expresse aux colonies, d’où une législation insuffisante,
lacunaire et confuse ayant conduit à préconiser qu’ « à défaut de promulgation expresse ou implicite, les autres titres
de ce livre, tels qu’ils figurent au CPC seront appliqués comme raison écrite ».
D’autres Etats, en nombre peu important, ont réformé leur droit judiciaire mais sans vraiment moderniser
les solutions adoptées.
Le nouveau droit applicable dans les Etats parties au Traité de l’OHADA découlant de l’Acte uniforme du
10 avril 1998 a pour principale source d’inspiration la loi française n° 91-650 du 9 juillet 1991 réformant les voies
d’exécution, loi qui a été complétée par un décret d’application du 31 juillet 1992, l’ensemble du dispositif étant entré
en vigueur depuis le 1er janvier 1993.
Le premier objectif visé par l’Acte uniforme est de rénover et d’élargir le domaine des procédures
simplifiées de recouvrement, qui, outre la classique injonction de payer dont le domaine d’application est élargi,
prévoit l’injonction de délivrer ou de restituer un bien meuble corporel déterminé. Le second objectif a trait à la
rénovation, à la modernisation et à la simplification des saisies en vue de les rendre plus rapides, plus efficaces et si
possible moins coûteuses. Seules les saisies immobilières et les saisies des rémunérations du travail conservent leur
lourdeur habituelle en raison de la protection du débiteur, considérée en ces matières comme indispensable. Une
nouvelle saisie, en l’occurrence la saisie-appréhension, est créée pour prolonger les nouvelles procédures
simplifiées.
Sur un plan d’ensemble, l’importance de la matière mérite d’être soulignée. Les droits subjectifs
risqueraient d’être méconnus s’il n’était pas prévu des moyens juridiques, appelés voies d’exécution, pour amener le
débiteur récalcitrant à fournir sa prestation ou son équivalent. Certes, la plupart des engagements sont spontanément
exécutés sans qu’il soit nécessaire de recourir à de tels moyens coercitifs. Mais, d’une part certains débiteurs sont
véritablement de mauvaise foi et mettent tout en œuvre pour éviter de s’exécuter ; d’autre part, c’est l’existence
même des voies d’exécution, ainsi que la possibilité qu’a le créancier d’y recourir en cas de besoin qui favorisent
l’exécution volontaire ou spontanée. L’efficacité des voies d’exécution et/ou des procédures simplifiées de
recouvrement exerce une influence sociale et économique remarquable, particulièrement sur l’octroi de prêts entre
particuliers ou du crédit par les établissements de crédit. Les prêteurs et organismes distributeurs de crédits
n’accorderont leurs concours que s’ils sont assurés par la loi d’un remboursement certain et rapide. Cependant, si le
législateur doit se préoccuper de la sauvegarde des droits du créancier, il ne doit pas non plus négliger la protection
sociale du débiteur et de sa famille. Ceux-ci ne doivent pas être mis, par des saisies mal définies ou pas nécessaires,
dans une situation moralement inadmissible, surtout si le débiteur a la charge d’une famille plus ou moins étendue.
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Même si le débiteur n’est pas indigent, une saisie diligentée à contretemps peut le ruiner définitivement, ce qui va
constituer une perte pour l’ensemble de l’économie. A cela s’ajoute la nécessaire protection des tiers, notamment
l’acquéreur ou l’adjudicataire. Ces impératifs animent peu ou prou l’ensemble des règles de la matière.
Prolongement de la procédure civile mais faisant également appel aux principes fondamentaux du droit
civil, les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution sont généralement considérées comme une
matière rébarbative, technique, tatillonne, procédurière, un droit des praticiens, un droit casuistique, de ce fait
souvent méconnu de beaucoup de juristes. Avec ses 338 articles, ses nombreux titres et chapitres, les renvois
opérés de certaines règles à d’autres, l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et les voies d’exécution ne peut être exposé de façon exhaustive dans un cadre aussi limité.
Pour s’en tenir à l’essentiel, il apparaît nettement que l’Acte uniforme traite de deux questions distinctes
qu’il convient d’étudier successivement, à savoir, d’une part, les procédures simplifiées de recouvrement (1ère partie)
et, d’autre part, les voies d’exécution (2e partie), en soulignant d’emblée qu’elles appellent des développements
d’inégale importance.
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PREMIERE PARTIE : LES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT
Les procédures simplifiées de recouvrement n’appellent certainement pas autant de développement que
les voies d’exécution : en effet sur les 338 articles que comporte l’Acte uniforme, seuls 27 leur sont réservés. Après
avoir précisé les finalités de ces procédures (§ I), il conviendra d’aborder successivement l’injonction de payer (§ II) et
l’injonction de délivrer ou de restituer (§ III).
§ I : Les finalités des procédures simplifiées
Les procédures simplifiées de recouvrement de l’Acte uniforme comportent deux volets : un volet plus
ancien qui tend au paiement d’une somme d’argent : c’est l’injonction de payer et un volet tout à fait nouveau tendant
à la délivrance ou à la restitution d’un meuble corporel déterminé que l’on pourrait appeler l’injonction de délivrer ou
de restituer. Dans les deux cas, il est fait recours au juge par requête.
La finalité de ces procédures peut être recherchée en opérant un rapprochement avec les saisies ou voies
d’exécution puisqu’elles font l’objet d’un texte unique. A priori pourtant, il n’y a pas de rapport étroit avec les saisies
qui rendent indisponibles les biens corporels ou incorporels du débiteur et permettent, le cas échéant, au créancier
de les vendre pour se payer sur le prix. Les procédures simplifiées ne produisent aucun effet similaire. Tout au plus,
dans cette optique, elles permettent d’obtenir un titre exécutoire et, de ce fait, constituent une phase préparatoire aux
saisies.
Or la recherche d’un titre exécutoire, spécialement d’une décision de justice, relève de la procédure civile
générale et non des voies d’exécution, les saisies apparaissant de ce point de vue comme étant l’exécution des
jugements.
Finalement, les procédures simplifiées visent deux objectifs :
- d’abord, obtenir l’exécution rapide de l’obligation du débiteur, en faveur du créancier, par le seul effet de
l’injonction délivrée par le juge sans qu’il soit nécessaire de recourir aux voies d’exécution ; cette exécution se
situerait entre l’exécution spontanée et l’exécution forcée ;
- ensuite, et seulement au cas où l’injonction n’a pas abouti à l’exécution, permettre au créancier d’obtenir
un titre exécutoire plus rapidement que s’il recourait à la procédure civile ordinaire.
Pour appréhender de plus près le mécanisme des deux injonctions, il est indiqué de les aborder à tour de
rôle, en commençant par la plus classique.
§ II : L’injonction de payer
C’est une procédure classique, du moins comparée à l’injonction de délivrer ou de restituer. On peut la
considérer comme la principale procédure simplifiée ou le droit commun dans la mesure où elle est plus fréquente et
dans la mesure où la réglementation de l’injonction de délivrer ou de restituer renvoie à celle de l’injonction de payer.
L’injonction de payer est une procédure simple puisqu’elle permet au créancier, sur simple requête,
d’obtenir une ordonnance faisant injonction à son débiteur de s’acquitter de sa dette dans un délai déterminé à
condition que la créance soit certaine, liquide et exigible et que la créance ait une cause contractuelle, ce qui semble
bien clair, même si la pratique montre des difficultés, ou que l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation
de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante (art. 1 et 2). Pour
la CCJA, les deux conditions prévues à l’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE), à savoir, d’une part, que la créance ait une cause
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contractuelle et, d’autre part, que l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce
ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante, ne sont pas cumulatives mais alternatives.
Il suffit que l’une d’entre elles soit satisfaite pour que la procédure puisse être introduite par le détenteur d’une
créance remplissant les conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité fixées à l’article 1er du même Acte uniforme.
La CCJA estime que la certitude de la créance n’est pas établie malgré la matérialité de quatre traites et d’un chèque
si le paiement réclamé par la procédure d’injonction de payer est d’un montant inférieur à celui des effets, fait l’objet
d’une contestation par le défendeur et qu’aucun justificatif n’est produit.
La requête est introduite auprès de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure
effectivement le débiteur ou l’un d’entre eux en cas de pluralité. La requête contient à peine d’irrecevabilité des
indications relatives à l’identité des parties et au montant de la somme réclamée. Elle est accompagnée des
documents justificatifs (originaux ou copies certifiées conformes).
Le président de la juridiction compétente rend une décision portant injonction de payer pour la somme qu’il
fixe si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en tout ou en partie. La décision de rejet est sans
recours pour le créancier, sauf pour ce dernier à assigner son débiteur selon les voies du droit commun (art. 5).
Le créancier fait signifier à chacun des débiteurs une copie certifiée conforme de l’expédition de la requête
et de la décision d’injonction de payer, au plus tard dans les trois (3) mois de la date de celle-ci. L’acte de signification
contient à peine de nullité sommation d’avoir :
- soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les intérêts et frais de
greffe dont le montant est précisé ;
- soit, si le débiteur entend faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour
objet de saisir la juridiction de la demande initiale et de l’ensemble du litige.
La décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les trois (3) mois
de sa date. La CCJA constate la caducité d’une décision d’injonction de payer du fait de la signification de celle-ci
hors le délai de trois (3) mois de sa date au regard de l’article 7 de l’AUPSRVE.
L’acte de signification, également sous peine de nullité, d’une part indique le délai dans lequel l’opposition
doit être formée, la juridiction devant laquelle elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite,
d’autre part avertit le débiteur de la possibilité de prendre connaissance des documents produits et de ce qu’à défaut
d’opposition dans le délai indiqué, il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de
droit à payer les sommes réclamées (art. 8).
En cas d’opposition, celle-ci est formée par acte extra-judiciaire, c’est-à-dire par acte d’huissier, dans les
quinze 15 jours de la notification de la décision d’injonction de payer devant la juridiction dont le président a rendu la
décision (art. 9 et 10). L’opposant doit signifier son recours aux parties et les assigner à comparaître à une date fixe
qui ne saurait excéder trente (30) jours à compter de l’opposition. La CCJA considère ce délai de l’article 10 et celui
de l’article 335 comme étant des délais francs pour lesquels on ne doit prendre en compte, ni le premier jour, ni le
dernier.
La juridiction saisie procède à une tentative de conciliation qui, si elle aboutit, permet au président de
dresser un procès-verbal de conciliation signée des parties, dont une expédition est revêtue de la formule exécutoire
(art. 12, al. 1er). La pratique ne semble pas donner beaucoup d’exemples de succès en la matière.
En cas d’échec de la tentative de conciliation, la juridiction statue immédiatement sur la demande en
recouvrement, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition, par une décision qui aura les effets d’une
décision contradictoire. La charge de la preuve de la créance incombe à celui qui a demandé la décision d’injonction
de payer. Il est précisé que la décision de la juridiction saisie sur opposition se substitue à la décision d’injonction de
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payer (art. 14). Selon l’article 15, la décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du
droit national de chaque Etat partie. Toutefois, le délai d’appel est de trente (30) jours à compter de la date de cette
décision. On peut dire qu’en cas d’opposition, l’on se retrouve plus ou moins dans la procédure de droit commun.
En l’absence d’opposition ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut
demander l’apposition de la formule exécutoire sur cette décision par simple déclaration écrite ou verbale faite au
greffe dans un délai maximum de deux (2) mois suivant l’expiration du délai d’opposition de quinze (15) jours ou le
désistement du débiteur (articles 16 et 17). Cette décision produit tous les effets d’une décision contradictoire et n’est
pas susceptible d'appel (art. 16, al. 2).
Finalement, cette procédure permet d’obtenir rapidement, soit l’exécution, soit une décision exécutoire.
C’est dans le même sens que tend la procédure nouvelle d’injonction de délivrer ou de restituer.
§ III : L’injonction de délivrer ou de restituer
Cette nouvelle procédure, régie par les articles 19 à 27 de l’Acte uniforme, permet à celui qui se prétend
créancier d’une obligation de délivrance ou de restitution d’un bien meuble corporel déterminé de demander au
président de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur de l’obligation
d’ordonner cette délivrance ou restitution. L’article 20 précise que les parties peuvent déroger à cette règle de
compétence au moyen d'une élection de domicile prévue au contrat et que l'incompétence ne peut être soulevée que
par la juridiction saisie de la requête ou par le débiteur lors de l'instance introduite par son opposition.
Cette procédure est calquée sur celle d’injonction de payer dont les règles sont reprises ou font l’objet d’un
renvoi. Il s’agit donc substantiellement des mêmes règles et conditions, avec les précisions ou différences suivantes :
- le créancier n’a pas de titre exécutoire, tout comme pour l’injonction de payer, sinon il recourrait
directement à la saisie-appréhension prévue par les articles 219 à 226 ;
- la procédure ne peut concerner qu’un meuble corporel déterminé, ce qui exclut les immeubles, les
meubles incorporels pour lesquels il faut procéder par saisie conservatoire, ainsi que les meubles corporels
constituant des choses de genre et n’ayant pas encore fait l’objet d’individualisation ;
- la créance peut résulter des conséquences normales, de l’annulation ou de la résolution ou de la fin de
tout contrat générateur d’une obligation de délivrer ou de restituer une chose corporelle : vente, location, prêt, dépôt,
mandat, contrat d’entreprise... ;
- il s’agit d’obtenir l’exécution en nature d’une obligation de faire, ce qui peut présenter dans nombre de
cas plus d’intérêt pour le créancier que l’exécution en valeur.
Finalement, l’injonction de payer et l’injonction de délivrer ou de restituer sont des moyens de pression
pour obtenir le paiement au sens générique d’exécution d’une obligation ou tout au moins un titre exécutoire
autorisant le recours à la saisie-exécution et précisément à la saisie-appréhension. Mais les saisies ne nécessitent
pas toutes un titre exécutoire. C’est ce que l’on vérifiera en examinant les voies d’exécution.
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DEUXIEME PARTIE : LES VOIES D’EXECUTION
On sait que les voies d’exécution revêtent une grande importance pour l’efficacité des droits subjectifs et la
mise en œuvre des titres exécutoires. Leur simple existence ou la menace d’y recourir amène la plupart des
débiteurs, du moins ceux de bonne foi, à s’exécuter spontanément. Le nombre élevé des dispositions y afférentes
ainsi que leur caractère répétitif et détaillé obligent à s’en tenir à l’essentiel, étant précisé que le recours effectif à telle
ou telle procédure nécessite la consultation des dispositions qui la réglementent. On abordera ainsi successivement :
les dispositions générales (§ I) ; les saisies conservatoires (§ II) ; les saisies mobilières d’exécution (§ III) ; la saisie
immobilière (§ IV) ; les procédures de distribution et de contribution (§ V).
§ I : Les dispositions générales
Les articles 28 à 53, formant le titre 1er du livre II intitulé « Dispositions générales », posent des règles
censées s’appliquer à l’ensemble des voies d’exécution. A ce titre, certaines règles méritent d’être relevées.
1°- L’obligation pour l’Etat de prêter son concours à l’exécution des décisions et autres titres
exécutoires. En effet, la formule exécutoire vaut réquisition directe de la force publique et la carence ou le refus de
l’Etat de prêter son concours engage sa responsabilité (article 29). En France, il résulte de la jurisprudence du
Conseil d’Etat que l’Etat doit réparer les dommages de toute nature résultant du refus d’exécution forcée d’une
décision de justice.
2°- Le recours à un huissier ou à un agent d’exécution. Les articles 42 à 46 définissent les droits et
obligations de l’huissier ou de l’agent d’exécution : possibilité d’établir un gardien en l’absence de l’occupant du local
et de se faire assister de deux témoins majeurs ; exclusion de principe du dimanche et des jours fériés, sauf
autorisation spéciale du président de la juridiction compétente ; exclusion de certaines heures (pas avant 8 heures et
pas après 18 heures, sauf cas de nécessité, avec l’autorisation de la juridiction compétente et seulement dans les
lieux qui servent à l’habitation) ; possibilité de photographier les objets saisis pour permettre leur vérification, les
photos ne pouvant être communiquées qu'à l'occasion d'une contestation portée devant la juridiction compétente ;
interdiction de principe pour la partie saisissante d’assister aux opérations de saisie ; possible recours à l’autorité
administrative en cas de besoin de la force publique et de saisine de la juridiction compétente pour les difficultés
d’ordre juridique.
3°- Le principe selon lequel les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est
manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été faits (article 47) et les difficultés soumises à la
juridiction compétente. En cas d’appel, celui-ci n’est pas suspensif sauf décision contraire spécialement motivée du
président de la juridiction compétente (articles 48 et 49).
4°- Les conditions d’ouverture du droit à exécution forcée ou à une mesure conservatoire : absence
d’exécution volontaire, recours aux immeubles seulement si les meubles sont insuffisants sauf si la créance est
hypothécaire ou privilégiée, nécessité d’une créance certaine, liquide et exigible et d’un titre exécutoire. Constituent
des titres exécutoires : les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires
sur minute ; les actes et décisions juridictionnelles étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires
par une décision juridictionnelle, non susceptibles de recours suspensif d’exécution de l’Etat dans lequel ce titre est
invoqué ; les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ; les actes notariés revêtus de la formule
exécutoire ; les décisions auxquelles la loi nationale de chaque Etat partie attache les effets d’une décision judiciaire.
5°- La saisissabilité de principe des biens meubles ou immeubles, corporels ou incorporels. Les
droits et biens insaisissables sont définis par chacun des Etats parties (article 51). Les créances insaisissables dont
le montant est versé sur un compte demeurent insaisissables (article 52). Dans un arrêt n° 011/2006 du 29 juin 2006,
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la CCJA décide de « confirmer l’ordonnance querellée par substitution de motifs, en jugeant que les sommes saisies
sont insaisissables parce qu’elles sont des subventions allouées par l’Etat ».
6°- L’admission de la compensation vis-à-vis des personnes morales de droit public ou des
entreprises publiques : ainsi leurs dettes certaines, liquides et exigibles donnent lieu à compensation avec les
dettes également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera tenu envers elles, sous réserve de réciprocité,
en vertu de l’article 30, alinéa 2, ce qui constitue une atténuation du principe d’insaisissabilité des biens de personnes
publique que rappelle l’alinéa 1er de l’article 30. La CCJA fait une bonne application de cette disposition dans son
arrêt du n° 043/2005 du 7 juillet 2005 en décidant que les biens de entreprises publiques sont insaisissables. Ce qui
est critiquable, c’est la disposition elle-même qui ne fait aucune distinction entre les entreprises publiques en raison
de leur forme. Raisonnablement, seuls l’Etat, les collectivités publiques territoriales et les établissements publics
devaient être concernés par l’insaisissabilité et, par voie de conséquence, la compensation. Cela est d’autant plus
vrai que les procédures collectives, qui sont des voies d’exécution du droit commercial, s’appliquent aux entreprises
publiques revêtant une forme de droit privé (AUPC, art. 2). Comment comprendre dans ces conditions que les biens
de ces personnes (entreprises publiques revêtant une forme de droit privé) puissent être collectivement saisis
(procédure collective) mais pas individuellement ou isolément (saisie), ce qui est moins grave ?
7°- Les obligations qui naissent à la charge des personnes concernées par la saisie : l’obligation de
communication des titres et documents invoqués (article 35) ; la constitution du débiteur ou du tiers en gardien des
biens que la saisie rend indisponibles (article 36) ; l’information par le débiteur des précédentes saisies opérées sur
ses biens, l’obligation pour les tiers non seulement de ne pas contrarier la saisie, mais en plus d’y contribuer ; la
possibilité pour le juge d’octroyer un délai de grâce n’excédant pas un (1) an ; enfin, droit de préférence du créancier
gagiste conféré sur tout dépôt ou consignation de sommes, effets ou valeurs ordonnés par voie de justice à titre de
garantie ou à titre conservatoire (article 40).
8°- La possibilité de poursuivre l'exécution forcée jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire
par provision, à l'exception de l'adjudication des immeubles (article 32). L'exécution est alors poursuivie aux
risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice
causé par cette exécution sans qu'il y ait lieu de relever de faute de sa part. Toutefois, la règle de l’article 32 de
l’AUPSRVE ne constitue pas un obstacle à la prise d’une décision judiciaire ordonnant le sursis à exécution d’une
décision assortie de l’exécution provisoire sur la base d’un texte propre à l’Etat partie concerné. C’est ce que
corrobore la CCJA dans un arrêt du 19 juin 2003. En l’espèce, par une ordonnance en date du 8 août 2001, le juge
des référés de Douala au Cameroun avait déclaré la Société générale de banques au Cameroun (SGBC) débitrice
d’une société commerciale de la place dénommée SOCOM SARL de diverses sommes d’argent parmi lesquelles des
intérêts de droit de la date du prononcé du jugement de condamnation, soit le 15 mars 1993. On retiendra surtout
l’attendu suivant de l’arrêt :
« Attendu que l’arrêt n° 331/DE du 07 juin 2002 de la Cour d’appel du Littoral à Douala a été rendu sur
requête aux fins de défenses à exécution en application de la loi n° 92/008 du 14 août 1992 modifiée en ses articles
3 et 4 par la loi n° 97/018 du 7 août 1997 et fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de
justice ; que cette procédure de défenses à exécution est ouverte en cas d’appel interjeté contre une décision
assortie de l’exécution provisoire et obéit à des règles de procédure spécifiques avec une voie de recours propre, à
savoir le pourvoi d’ordre ; que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt ne soulève aucune question relative à l’application
des actes uniformes et des règlements prévus au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
qu’en effet, contrairement à ce que prétend la demanderesse au pourvoi, l’article 32 de l’Acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’est pas applicable en l’espèce, la
procédure introduite le 03 février 2001 et qui a abouti à l’arrêt attaqué n’ayant pas eu pour objet de suspendre une
exécution forcée déjà engagée mais plutôt d’empêcher qu’une telle exécution puisse être entreprise sur la base d’une
décision assortie de l’exécution provisoire et frappée d’appel ; qu’il s’ensuit que la Cour de céans doit se déclarer
incompétente pour statuer sur le recours en cassation introduit par SOCOM SARL ». L’arrêt ci-dessus de la CCJA du
19 juin 2003 constitue un abandon total ou partiel (total probablement dans les faits, et partiel dans la formulation
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
pour éviter l’impression de « virage à 180 degrés ») de sa jurisprudence formulée dans l’arrêt Epoux Karnib c/
SGBCI du 11 Octobre 2001 par lequel la CCJA déclare solennellement qu’en matière mobilière, l’exécution forcée
pouvant être poursuivie jusqu’à son terme aux risques et périls du créancier en vertu d’un titre exécutoire par
provision, la juridiction supérieure saisie ne peut, se référant au droit national qui organise les défenses à exécution,
en ordonner la suspension sans se mettre en contradiction avec les dispositions en vigueur du droit uniforme.
Les orientations des décisions du 19 juin 2003 de la CCJA ne paraissent pas des plus claires : Quand une
exécution forcée est-elle entamée ? A la signification du commandement de payer ? Une telle solution permettra-telle d’assurer l’équilibre nécessaire entre les intérêts du créancier poursuivant muni d’un titre exécutoire par essence
précaire qu’il accepte de mettre en œuvre à ses risques, et ceux d’un débiteur qui conserve encore toutes ses
chances de faire réformer la condamnation ? La question n’est vraiment pas claire si l’on note que la CCJA a décidé
de se déclarer incompétente pour connaître d’un recours en cassation exercé, en application de l’article 14 alinéas 3
et 4 du Traité institutif de l’OHADA, contre un arrêt rendu par la Cour suprême de Côte d’Ivoire, ledit arrêt étant une
mesure provisoire prise sur « requête aux fins de sursis à l’exécution d’une décision » en application, non d’un Acte
uniforme ou d’un règlement prévu au traité institutif de l’OHADA, mais plutôt des dispositions de l’article 214 du Code
ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, la procédure introduite n’ayant pas pour objet de
suspendre une exécution forcée déjà engagée mais d’empêcher qu’une telle exécution puisse être entreprise.
9°- La responsabilité des tiers impliqués dans la saisie : ainsi, selon l’article 38, « les tiers ne peuvent
faire obstacle aux procédures en vue de l’exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur
concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entraîner leur
condamnation à verser des dommages-intérêts. Le tiers entre les mains duquel est pratiqué une saisie peut
également, et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son recours
contre le débiteur ». Dans un cas qui lui a été soumis, la CCJA a décidé que la non déclaration du tiers saisi de
l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur saisi dans les délais impartis par l’article 156 de l’AUPSRVE ayant
empêché la Société SMEETS & ZONEN de poursuivre en toute connaissance de cause la saisie-attribution engagée
a causé un préjudice certain à la créancière poursuivante. La demande tendant à la condamnation de l’AGETIPEMALI à des dommages-intérêts est régulière tant à la forme qu’au fond.
Les grands principes ci-dessus ont une portée générale. En particulier, ils concernent les saisies
conservatoires qui appellent quelque développement.
§ II : Les saisies conservatoires
Les saisies conservatoires sont celles dont l’objectif est de placer sous main de justice des biens du
débiteur afin que celui-ci n’en dispose pas ou ne les fasse pas disparaître. Elles appellent quelques observations
générales, puis des précisions relatives aux saisies conservatoires sur certains biens comme les meubles corporels,
les créances, les droits d’associés et les valeurs mobilières.
A- Observations générales
Selon l’article 54, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête,
solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur l’autorisation de pratiquer une
mesure conservatoire sur tous les biens corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si
elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ».
La saisie conservatoire exclut les immeubles. Elle est une précaution pour le créancier, d’où son caractère
provisoire, et nécessite un effet de surprise, d’où l’absence de commandement. Mais l’autorisation du juge est
nécessaire, sauf si le créancier dispose d’un titre exécutoire ou s’il s’agit du « défaut de paiement, dûment établi,
d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque, ou d’un loyer impayé après commandement dès
lors que celui-ci est dû en vertu d’un contrat de bail d’immeuble écrit » (art. 55).
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
La saisie conservatoire rend les biens concernés indisponibles (art. 56). S’il s’agit d’une somme d’argent,
l’indisponibilité ne concerne que le montant autorisé par la juridiction ou le montant pour lequel la saisie est pratiquée
(art. 57). Lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d’une banque ou d’un organisme assimilé, l’article 58 renvoie
aux dispositions de l’article 161 concernant la saisie-attribution des créances (notamment la possibilité de variation
du solde du compte dans les quinze (15) jours).
L’autorisation de saisie, lorsqu’elle est nécessaire, doit mentionner le montant des sommes et la nature
des biens concernés par la saisie et elle est caduque si la saisie n’est pas pratiquée dans les trois (3) mois suivant
l’autorisation (art. 59 et 60). Pour la saisie conservatoire pratiquée sans titre exécutoire, le créancier doit, à peine de
caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités pour obtenir un titre exécutoire dans le mois de la
saisie.
A tout moment, à la demande du débiteur et le créancier dûment entendu ou appelé, le juge compétent
peut ordonner la mainlevée si le saisissant ne rapporte pas la preuve que les conditions prescrites pour la saisie
conservatoire sont réunies (art. 62 et 63).
Outre ces règles générales, d’autres dispositions régissent les saisies conservatoires en fonction de la
nature des biens meubles concernés.
B- La saisie conservatoire des biens meubles corporels
Régie par les articles 64 à 76, la saisie conservatoire est diligentée par l’huissier ou l’agent d’exécution qui
procède à la saisie en dressant un procès-verbal contenant, à peine de nullité, les mentions prévues à l’article 64. Le
débiteur a l’obligation d’indiquer les biens ayant déjà fait l’objet de saisie et de communiquer le procès-verbal de la
saisie antérieure. L’huissier peut prendre des photos.
La saisie peut être pratiquée entre les mains du débiteur (art. 65) ou du tiers détenteur (art. 66 et 67). Pour
les incidents, l’article 68 renvoie aux articles 139 à 146 traitant des contestations relatives aux biens saisis.
Il y a saisie foraine lorsque le débiteur n’a pas de domicile fixe ou lorsque son domicile ou son
établissement se trouve dans un pays étranger. Dans ce cas, la juridiction compétente, pour autoriser la saisie
conservatoire et trancher les litiges y relatifs, est celle du domicile du créancier qui devient gardien des biens à moins
qu’un gardien ne soit établi.
La saisie conservatoire est nécessairement convertie en saisie-exécution ou en saisie-vente. Le créancier
signifie au débiteur un acte de conversion qui contient à peine de nullité les mentions de l’article 69. Pour cela, il doit
être muni d’un titre exécutoire possédé dès le départ ou acquis en cours de procédure. A l’expiration d’un délai de
huit (8) jours à compter de la date de l’acte de conversion, l’huissier procède à la vérification des biens saisis et
dresse procès-verbal des biens manquants ou dégradés, procès-verbal qui donne connaissance au débiteur qu’il
dispose d’un (1) mois pour vendre à l’amiable les biens. Passé ce délai sans vente amiable, il est procédé à la vente
forcée (art. 70 et 72).
La pluralité de saisies est réglée par les articles 74 à 76. Il s’agit surtout de l’obligation pour le dernier
saisissant d’informer les saisissants antérieurs, du droit pour chacun de refuser la vente amiable, et de l’obligation de
faire connaître au créancier saisissant la nature et le montant de sa créance et bien entendu du droit de concourir à la
distribution des deniers résultant de la vente...
C- La saisie conservatoire des créances
La saisie conservatoire des créances est régie par les articles 77 à 84. C’est un acte d’huissier, signifié au
tiers, contenant les mentions de l’article 77, notamment des précisions sur le débiteur, le titre ou l’autorisation en
vertu de laquelle la saisie est pratiquée, les sommes réclamées, la défense faite au tiers de disposer des sommes
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réclamées dans la limite de ce qu’il doit au débiteur. Le débiteur est informé par acte d’huissier contenant les
mentions de l’article 79 dans un délai de huit (8) jours.
Le tiers saisi est gardien des créances visées. Il doit fournir à l’huissier les renseignements utiles, sinon il
s’exposerait à payer les sommes causes de la saisie. Il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts en cas
de « négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère » (art. 81).
Les effets de la saisie consistent à rendre indisponible la créance à concurrence du montant autorisé par le
juge ou, si cette autorisation n’était pas nécessaire, du montant pour lequel elle est pratiquée. La saisie opère
consignation des sommes indisponibles.
La conversion en saisie-attribution est une possibilité offerte au créancier qui a obtenu un titre exécutoire.
Le créancier signifie au tiers saisi et au débiteur un acte de conversion qui contient, à peine de nullité, les mentions
de l’article 82. A compter de cette signification, le débiteur dispose d’un délai de quinze (15) jours pour contester
l’acte de conversion devant la juridiction de son domicile ou du lieu où il demeure. Le tiers effectue le paiement au
créancier après l’expiration du délai de quinze (15) jours (et présentation d’un certificat de greffe attestant l’absence
de contestation) ou dès que le débiteur déclare par écrit ne pas contester l’acte.
D- La saisie conservatoire des droits d’associés et des valeurs mobilières
Le créancier fait procéder à la saisie par signification d’un acte d’huissier contenant l’indication du titre ou
l’autorisation judiciaire de saisir, le décompte des sommes dues par le débiteur et les autres mentions de l’article 237.
La saisie est effectuée, soit auprès de la société ou de la personne morale émettrice, soit auprès du mandataire
chargé de conserver ou de gérer les titres. Dans un délai de huit (8) jours, à peine de caducité, la saisie conservatoire
est signifiée au débiteur avec les mentions de l’article 86.
La saisie conservatoire, qui rend ces droits insaisissables, est convertie en saisie-vente après l’obtention
d’un titre exécutoire. Le créancier signifie alors au débiteur un acte de conversion avec les mentions de l’article 88,
dont copie est signifiée au tiers saisi. La vente est effectuée, conformément aux dispositions des articles 240 à 244.
En conclusion sur les saisies conservatoires, il faut rappeler que l’intérêt majeur de celles-ci est de
surprendre le débiteur et de l’amener à s’acquitter de sa dette avant que ne soit diligentée une saisie-vente. Dans
nombre de cas cependant, celle-ci ne peut être évitée, conduisant aux saisies d’exécution, qu’elles soient mobilières
ou immobilières.
§ III : Les saisies mobilières d’exécution
Cet intitulé vise toutes les saisies autres que conservatoires portant sur des biens meubles, qu’ils soient
corporels ou incorporels. En fonction de leurs spécificités, l’Acte uniforme distingue :
- la saisie-vente des meubles corporels ;
- la saisie-attribution des créances ;
- la saisie et cession des rémunérations ;
- la saisie-appréhension et la saisie-revendication des meubles corporels ;
- la saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières.
Ces différentes saisies sont traitées dans des titres différents (titres III à VII), si bien qu’a priori il n’y a pas
de dispositions communes. L’examen rapide de chacune de ces saisies montrera cependant l’existence de
similitudes.
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A- La saisie-vente des biens meubles corporels
Régie par les articles 91 à 152, la saisie-vente permet à tout créancier de saisir les biens meubles
corporels de son débiteur et d’en poursuivre la vente pour se payer sur le prix. Au titre de ses caractéristiques, on
relève que :
- c’est une mesure d’exécution nécessitant de ce fait un titre exécutoire dès le début ;
- c’est une procédure extrajudiciaire, sauf incident : la procédure est diligentée par un huissier de justice ;
- elle remplace la saisie-exécution avec un champ plus large puisqu’elle concerne la saisie des biens
meubles, même s’ils sont détenus par un tiers ; antérieurement, il eut fallu recourir à la saisie-arrêt.
1) Les conditions
Concernant les conditions de la saisie, les sujets sont : le créancier saisissant (tout créancier),
éventuellement d’autres créanciers qui peuvent se joindre à la procédure par voie d’opposition ; le débiteur dont le
rôle est passif, sauf s’il soulève un incident ; le tiers qui détiendrait des choses appartenant au débiteur poursuivi.
L’objet de la saisie comprend les biens meubles corporels à l’exclusion des biens insaisissables.
2) La procédure
Elle comprend trois phases.
a) Le commandement de payer
La première phase, qui est préalable, tient à l’exigence d’un commandement, ou ordre de payer, signifié
par un huissier en vertu d’un titre exécutoire. Cela peut permettre à un débiteur « oublieux » de payer sa dette avant
tout avancement de la procédure et, malheureusement, à celui de mauvaise foi de faire disparaître ses biens. Le
commandement contient mention du titre exécutoire, de la somme réclamée, commandement d’avoir à payer la dette
dans un délai de huit (8) jours, faute de quoi il pourra y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles. Le
commandement, qui contient élection de domicile, doit être signifié à personne ou à domicile et non à domicile élu
(art. 94).
b) La saisie proprement dite
Concernant la phase de saisie proprement dite, l’huissier se transporte sur les lieux, fait l’inventaire des
biens et dresse s’il y a lieu un procès-verbal de carence si aucun bien n’est passible de saisie ou n’a manifestement
de valeur marchande. Les biens saisis deviennent indisponibles mais restent sous la garde du débiteur qui en
conserve l’usage. Si les biens sont détenus par un tiers et dans les locaux d’habitation de ce dernier, la saisie doit
être autorisée par la juridiction du lieu où sont situés les biens (art. 105). Le commandement à faire doit être
conforme aux dispositions des articles 92 à 94. Le créancier peut pratiquer une saisie sur soi-même lorsqu’il détient
légitimement des biens appartenant à son débiteur (art. 106).
c) La réalisation des biens saisis
La réalisation des biens saisis peut se faire à l’amiable ou, à défaut, par vente aux enchères (art. 115 à
128). L’huissier doit indiquer au débiteur qu’il a la faculté de procéder lui-même à la vente des biens saisis dans un
délai d’un (1) mois à compter de la notification du procès-verbal de saisie (article 116).
La vente forcée est effectuée aux enchères publiques par un auxiliaire de justice habilité par la loi
nationale, soit au lieu où se trouvent les objets saisis, soit dans une salle ou sur un marché dont la situation
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géographique est la plus appropriée pour solliciter la concurrence à moindre frais. La publicité est faite, conformément aux
dispositions des articles 121 et 122. Le débiteur est avisé par l’huissier du lieu et des jour et heure de la vente (art. 123).
L’auxiliaire de justice vérifie la consistance et la nature des biens saisis avant la vente et en dresse procès-verbal.
L’adjudication est faite au plus offrant après trois criées et le prix est payable au comptant, faute de quoi l’objet est revendu
à la folle enchère de l’adjudicataire (art. 125).
La vente est arrêtée lorsque le prix des biens vendus assure le paiement du montant des causes de la
saisie et des oppositions, en principal, intérêts et frais. Il est dressé procès-verbal de la vente avec les énonciations
de l’article 127. L’auxiliaire chargé de la vente est personnellement responsable du prix des adjudications et il ne
peut recevoir aucune somme au-dessus de l’enchère, sans préjudice des sanctions pénales applicables (art. 128).
3) Les incidents de la saisie-vente
La saisie-vente est susceptible d’incidents qui peuvent être soulevés par le saisi, par d’autres
créanciers ou par des tiers.
a) Les incidents soulevés par le débiteur
Concernant les incidents soulevés par le débiteur, ce sont :
- des contestations de la saisissabilité des biens (art. 143) ; une contestation de cette nature doit être portée
devant le juge dans le délai d’un (1) mois à compter de la signification de l’acte de saisie ; le créancier doit être entendu ou
appelé ;
- ou des contestations relatives à la validité de la saisie (art. 144 à 146) ; il peut s’agir d’un vice de
forme mais aussi de fond ; une contestation peut être soulevée jusqu'à la vente des biens ; une demande en nullité
ne suspend pas les opérations de saisie, sauf décision contraire du juge.
Si la nullité est reconnue avant la vente, le juge prononce la mainlevée de la saisie. Si elle est déclarée
après la vente des biens mais avant distribution du prix, le débiteur peut demander la restitution du prix de la vente.
En conséquence, la CCJA décide que la nullité de la saisie prononcée alors que les biens avaient été vendus
entraîne que l’on ne peut plus ordonner la restitution des biens vendus, la seule possibilité restant au débiteur étant
de demander la restitution du produit de la vente à la condition qu’il n’ait pas été distribué. On peut en déduire
qu’après la vente et la distribution du prix, le débiteur ne pourrait que demander des dommages et intérêts.
b) Les incidents soulevés par d’autres créanciers
Les incidents soulevés par d’autres créanciers (art. 130 à 138) se justifient par la nécessité de prendre
en compte leurs intérêts. En l’absence d’une procédure de liquidation collective en matière civile, les créanciers qui
se manifesteraient tardivement risqueraient de ne pouvoir faire valoir leurs créances. C’est pourquoi le créancier
poursuivant ne bénéficie d’aucun privilège et d’autres créanciers peuvent intervenir dans la procédure, jusqu'à la
distribution du prix des biens saisis et vendus. Trois possibilités leur sont offertes.
- D’abord, l’opposition sur le prix provenant de la vente. Les autres créanciers, loin de paralyser la
saisie, cherchent seulement à obtenir une part du prix de la vente du bien après saisie. Leur opposition ne sera plus
recevable après la vérification des biens et doit être signifiée, par huissier, au créancier saisissant et au débiteur.
La nullité de la première saisie n’entraîne pas la caducité des oppositions.
- Ensuite, l’extension de la saisie. Une seconde saisie, sur les mêmes biens, n’est pas possible. Mais
tout créancier opposant peut étendre la saisie à d’autres éléments du patrimoine du débiteur. A cette fin, il doit faire
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dresser un inventaire complémentaire, qui sera signifié au premier saisissant et au débiteur. La vente portera alors
sur l’ensemble des biens.
- Enfin la subrogation dans les poursuites. En cas de négligence du premier créancier, tout créancier
opposant peut se faire subroger dans les droits de ce dernier pour continuer la procédure. Cette subrogation
nécessite la détention d’un titre exécutoire et une sommation au premier créancier de faire la publicité en vue de la
vente, dans les huit (8) jours ; à l’expiration de ce délai, la subrogation jouera de plein droit.
c) Les incidents soulevés par des tiers
Pour les incidents soulevés par des tiers, il peut s’agir :
- d’une demande introduite avant la vente (art. 141). Lorsqu’un tiers prétend que des biens lui
appartenant ont été compris à tort dans la saisie, il ne peut réclamer la nullité de la procédure, mais peut former une
action en distraction de biens saisis. La preuve de la propriété des biens revendiqués peut être faite par tous moyens,
laissés à l’appréciation des juges.
Les conditions de la recevabilité de la demande sont : d’une part, une condition de fond qui consiste à
énoncer les titres de propriété ; toutefois, cela n’est pas indispensable lorsque le bien réclamé est en la possession
du revendiquant ; d’autre part, une condition de forme qui consiste à signifier l’action en distraction par acte d’huissier
au saisissant ; ce dernier mettra en cause les créanciers opposants ; le débiteur doit être entendu ou appelé :
- d’une demande introduite après la vente (art. 142). Il n’est plus question d’action en distraction
puisque la saisie est achevée, mais d’une action en revendication. Tant que le prix de la vente n’a pas été distribué,
le tiers, reconnu propriétaire d’un bien vendu, peut en distraire le prix.
d) La suppression de la saisie-brandon
Il faut signaler que la saisie-brandon est remplacée par la saisie de récoltes sur pied (art. 147 à 152) qui
appelle les remarques suivantes :
- elle ne concerne que les récoltes et fruits proches de la maturité, avant leur séparation du sol ou de
l’arbre qui les porte ;
- elle est ouverte seulement aux créanciers qui ont droit aux fruits et aux récoltes ;
- elle ne peut être faite, à peine de nullité, plus de six (6) semaines avant l’époque habituelle de maturité ;
- en dehors des dispositions liées aux aspects agricoles et fonciers, toutes les dispositions de la saisievente sont applicables.
B- La saisie-attribution des créances
La saisie-attribution des créances a remplacé l’ancienne saisie-arrêt. Les règles de la saisie-attribution
constituent le droit commun de la saisie des créances ; des règles particulières sont prévues pour la saisie et la
cession des rémunérations.
Selon l’article 153, « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible
peut… saisir entre les mains d’un tiers ou, exceptionnellement, entre les siennes les créances de son débiteur portant
sur des sommes d’argent… »
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L’acte de saisie rend indisponibles les sommes saisies entre les mains du tiers détenteur appelé tiers saisi.
Celui-ci devient alors personnellement débiteur envers le créancier saisissant des causes de la saisie dans la limite
de son obligation (art. 154).
1) Les opérations de saisie
La saisie implique les opérations suivantes :
- le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’huissier. Cet acte contient, à peine de
nullité, les mentions prévues par l’article 157.
Lorsqu’elle est faite entre les mains des receveurs, dépositaires ou administrateurs de caisse ou de
deniers publics, en cette qualité, la saisie n’est point valable si l’acte de saisie n’est pas délivré à la personne
préposée pour la recevoir ou à la personne déléguée par elle, et s’il n’est visé par elle sur l’original ou, en cas de
refus, par le ministère public qui en donnera immédiatement avis aux chefs des administrations concernées (art.
159).
Lorsque le tiers saisi demeure à l’étranger, l’acte de saisie doit être notifié à personne ou à domicile (art.
158) ;
- dans un délai de huit (8) jours, à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d’huissier
contenant, à peine de nullité, les mentions prévues par l’article 160 ;
- lorsque la saisie est pratiquée sur un compte joint, elle est dénoncée à chacun des titulaires du compte
(art. 163).
2) Les effets immédiats de la saisie
Au titre des effets, on retiendra que le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier saisissant l’étendue de
ses obligations à l’égard du débiteur saisi, ainsi que les modalités qui les affectent les cessions de créances, les
délégations et les saisies antérieures, avec communication des copies des pièces justificatives.
La déclaration et la communication doivent être faites sur-le-champ à l’huissier ou dans les cinq (5) jours si
la saisie n’est pas signifiée à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à payer
les causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts (art. 156).
- Lorsque la saisie est faite entre les mains d’un banquier ou d’un établissement financier assimilé, le tiers
saisi est tenu de déclarer la nature du ou des comptes du débiteur ainsi que leur solde au jour de la saisie (art. 161).
Toutefois, pour tenir compte des impératifs particuliers de la tenue à jour des comptes bancaires, il est
précisé que dans le délai de quinze (15) jours ouvrables suivant la saisie, le solde disponible du ou des comptes
saisis peut être affecté, à l’avantage ou au préjudice du saisissant, par des opérations de crédit et de débit précisées
par l’article 161 a) et b), à condition de prouver que ces opérations sont antérieures à la saisie. Pour les effets de
commerce remis à l’escompte, leur contre-passation est possible dans le délai d’un (1) mois suivant la saisie.
En cas de diminution des sommes rendues indisponibles, le banquier doit fournir un relevé de toutes les
opérations qui ont affecté les comptes depuis le jour de la saisie inclusivement.
- L’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution
immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers (art. 154).
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- Les actes de saisie signifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits
simultanément. Si les sommes disponibles ne suffisent pas à désintéresser tous les créanciers saisissants, ils viennent en
concours (art. 155).
La signification ultérieure d’autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même si elle émane
de créanciers privilégiés, ne remet pas en cause l’attribution des sommes saisies au premier créancier saisissant,
sans préjudice des dispositions organisant les procédures collectives (art. 155).
Bien entendu, si une saisie de créance se trouve privée d’effet, les saisies et prélèvements ultérieurs
prennent effet à leur date (art. 155).
Le tiers saisi doit assumer les obligations mises à charge par l’AUPSRVE avec application et diligence
sous peine de sanction dont le montant peut être élevé. En effet, il résulte de l’article 156 que « le tiers saisi est tenu
de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les
affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des
pièces justificatives. Ces déclaration et communication doivent être faites sur le champ à l'huissier ou l'agent
d'exécution et mentionnées dans l'acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq (5) jours si l'acte n'est pas signifié à
personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des
causes de la saisie (dont le montant n’est pas limité), sans préjudice d'une condamnation au paiement de dommages
et intérêts. ». A ce sujet, la CCJA relève que les dispositions de l’article 156 de l’AUPSRVE s’appliquant
exclusivement au tiers saisi, terme désignant la personne qui détient des sommes d’argent dues au débiteur saisi en
vertu d’un pouvoir propre et indépendant, même si elle détient pour le compte d’autrui et, en l’espèce, ayant retenu
par un motif non critiqué par le pourvoi que CITIBANK n’est pas un tiers saisi (le débiteur saisi ne détenant aucun
compte ouvert dans ses livres mais plutôt une personne dont le nom est le même mais diffère par le prénom), ce dont
il résulte que les dispositions de l’article 156 précité ayant prévu que la déclaration inexacte, faite par le tiers saisi,
expose celui-ci à être débiteur des causes de la saisie, ne sont pas applicables à CITIBANK, et ce, même si
l’inexactitude de sa déclaration avait été établie, la Cour d’appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.
3) Les contestations
L’opération de saisie peut entraîner des contestations. Le débiteur dispose d’un délai d’un (1) mois suivant
la dénonciation de la saisie pour contester celle-ci (art. 164 et 170) par voie d’assignation servie aux créanciers, le
tiers saisi étant appelé à l’instance. Le débiteur saisi qui n’a pas contesté la saisie dans ce délai peut agir en
répétition de l’indu. La juridiction compétente peut recevoir la contestation au fond. Mais elle peut aussi donner effet à
la saisie (art. 171) :
- soit pour la fraction non contestée de la dette, auquel cas sa décision est exécutoire sur minute ;
- soit, si la créance du saisissant et la dette du tiers saisi ne sont pas sérieusement contestables, en
ordonnant l’exécution provisoire d’une somme déterminée, en prescrivant, le cas échéant, des garanties.
La décision tranchant la contestation est susceptible d’appel dans les quinze (15) jours de sa notification.
Le délai d’appel et la déclaration d’appel sont suspensifs d’exécution, sauf décision contraire spécialement motivée
du juge de première instance (art. 172).
4) Le paiement par le tiers saisi
Il faut souligner que la saisie doit aboutir, et c’est là sa finalité, au paiement par le tiers saisi.
1°) Le tiers saisi doit payer le créancier saisissant dans les cas suivants :
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- le débiteur saisi a autorisé par écrit le créancier à se faire remettre sans délai les sommes ou partie des
sommes qui lui sont dues (art. 160) ;
- le débiteur saisi, avant l’expiration du délai de contestation, a déclaré par écrit ne pas contester la saisie
(art. 164, al. 2) ;
- sur présentation d’un certificat du greffe attestant qu’aucune contestation n’a été formée durant le délai
de contestation ;
- sur présentation d’une décision exécutoire de la juridiction rejetant la contestation (art. 164).
2°) Le paiement est fait entre les mains du créancier saisissant ou de son mandataire (art. 165). En cas de
contestation, toute partie peut demander la désignation d’un séquestre à qui le tiers remettra les sommes saisies (art.
166).
3°) Le paiement régulièrement fait éteint l’obligation du débiteur et du tiers saisi dans la limite des sommes
versées (art. 167).
4°) Si la saisie porte sur des créances à exécution successive, le tiers saisi se libère au fur et à mesure
des échéances (art. 167).
5°) La saisie ne produit plus d’effet lorsque le tiers saisi cesse d’être tenu envers le débiteur. Le tiers saisi
en informe le créancier saisissant (art. 167, al.3).
De même, le tiers saisi est informé par le créancier de l’extinction de sa dette lorsque les sommes ont été
versées à un séquestre (art. 167, al. 2).
N.B. : Si le créancier saisissant refuse de décharger le tiers saisi, celui-ci peut saisir le juge compétent
pour ce faire.
6°) En cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu’il a reconnu devoir ou dont il a été jugé
débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire contre lui (art.
168).
7°) Lorsque le tiers saisi est un banquier et que le débiteur saisi est titulaire de différents comptes chez lui,
le paiement est effectué en prélevant, en priorité, les fonds disponibles à vue, à moins que le débiteur ne prescrive le
paiement d’une autre manière (art. 162).
C- La saisie et la cession des rémunérations
Il s’agit de deux procédures distinctes : la saisie des rémunérations, qui inclut la procédure simplifiée pour
les créances d’aliments et la cession des salaires. Ces procédures sont soumises à des dispositions communes (art.
173 à 178) et à des dispositions spécifiques.
1) Les dispositions communes
- D’abord, il est tenu au greffe de chaque juridiction un registre spécial sur lequel sont mentionnés tous les
actes de nature quelconque, décisions et formalités auxquels donnent lieu les saisies et les cessions sur les
rémunérations du travail (art. 176).
- Ensuite, les rémunérations ne peuvent être cédées ou saisies que dans les proportions déterminées par
la loi nationale de chaque Etat partie. L’assiette servant au calcul de la partie cessible ou saisissable de la
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rémunération est constituée par le traitement (fonctionnaires) ou salaire (travailleurs) brut global avec tous les
accessoires, déduction faite :
- des taxes et prélèvements légaux obligatoires retenus à la source ;
- des indemnités représentatives de frais ;
- des prestations, majorations et suppléments pour charges de famille ;
- des indemnités déclarées insaisissables par les lois et règlements de chaque Etat partie.
Le total des sommes cédées ou saisies ne peut, en aucun cas, fût-ce pour des dettes alimentaires,
excéder un seuil fixé par chaque Etat partie (art. 177).
Lorsqu’un débiteur reçoit des traitements ou des salaires de plusieurs employeurs, la fraction cessible ou
saisissable est calculée sur l’ensemble des sommes.
Outre les règles communes ci-dessus, la saisie des rémunérations et la cession des rémunérations font
chacune l’objet de règles spécifiques.
2) La saisie des rémunérations
En aucun cas, les rémunérations ne peuvent faire l’objet d’une saisie conservatoire (art. 175). Seul le
créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des
rémunérations dues par un employeur à son débiteur (art. 173).
Des dispositions spéciales de procédure sont prévues par les articles 202 à 204 en cas de changement de
domicile du débiteur ou de changement d’employeur.
La saisie des rémunérations ne peut être pratiquée qu’après une tentative de conciliation devant la
juridiction compétente du domicile du débiteur (article 174). La demande de tentative de conciliation est faite par le
créancier au moyen d’une requête contenant les mentions de l’article 179. Le lieu et la date de cette tentative sont
notifiés au créancier (art. 180) et au débiteur (art. 181) par le greffe, la convocation devant contenir les mentions de
l’article 181. Procès-verbal de la comparution des parties ou de l’une d’elles est dressé.
En cas de conciliation, le procès-verbal mentionne les conditions de l’arrangement intervenu. En cas de
non-conciliation, le président de la juridiction ordonne la saisie après avoir vérifié le montant de la créance et, s’il y a
lieu, tranché les contestations soulevées par le débiteur (art. 182).
Concernant les opérations de saisie, dans les huit (8) jours de l’audience de non-conciliation ou de
l’expiration des délais de recours si une décision a été rendue, le greffier notifie à l’employeur un acte de saisie qui
doit contenir les mentions prévues à l’article 184.
L’employeur doit faire au greffe la déclaration de tiers saisi dans les quinze (15) jours, faute de quoi il peut
être déclaré débiteur des retenues à opérer, des frais et, éventuellement, de dommages-intérêts.
« L’employeur est tenu d’informer le greffe et le saisissant, dans les huit (8) jours, de toute modification de
ses relations juridiques avec le saisi, de nature à influer sur la procédure en cours » (art. 186), telles que la rupture de
contrat, sa suspension, la modification du salaire...
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Les effets de la saisie sont l’indisponibilité de la quotité saisissable du salaire (art. 187). Tous les mois,
l’employeur adresse au greffe le montant des sommes retenues. Il joint, à chaque versement, une note indiquant les
noms des parties, le montant de la somme versée, la date et les références de l’acte de saisie (art. 188).
Le tiers saisi est valablement libéré sur la seule quittance du greffier ou par l’avis de réception du mandat délivré
par l’administration des postes (art. 188, al. 2).
Si l’employeur omet d’effectuer les versements, la juridiction compétente peut le déclarer personnellement
débiteur des sommes dues par une décision qui lui est notifiée, ainsi qu’au débiteur et au créancier. Le tiers saisi peut
faire opposition à cette décision dans les quinze (15) jours, faute de quoi celle-ci devient définitive (art. 189).
Il peut se produire un concours de saisies. En effet, selon l’article 190, «tout créancier muni d’un titre
exécutoire peut, sans tentative de conciliation préalable, intervenir à une procédure de saisie des rémunérations en
cours pour participer à la répartition des sommes saisies ». Cette intervention se fait par requête contenant les
énonciations de l’article 179, qui est notifiée au débiteur et aux autres créanciers déjà dans la procédure (art. 191).
Une telle intervention peut être contestée et cette contestation est jointe à la procédure en cours (art. 192).
La remise des fonds saisis fait appel aux règles ci-après :
- tout mouvement de fonds est mentionné au registre spécial tenu au greffe (art. 194) ;
- s’il n’existe qu’un créancier saisissant, le greffier lui verse le montant des retenues effectuées dès qu’il l’a
reçu de l’employeur (art. 195).
En cas de pluralité de saisies, les créanciers viennent en concours sous réserve des causes légitimes de
préférence (art. 196). Dans ce cas, il est procédé, selon les articles 197 et 198, ainsi qu’il suit :
- le greffier dépose obligatoirement les versements faits par le tiers saisi dans un compte bancaire ou
postal ou au trésor public spécialement ouvert à cet effet ;
- le greffier opère des retraits pour les besoins des répartitions autorisées par le président de la juridiction
compétente ;
- les répartitions sont autorisées par le président, chaque trimestre (février, mai, août et novembre) avec
indication des frais à prélever, du montant des créances privilégiées et des sommes à attribuer aux autres
créanciers ; les sommes réparties sont quittancées sur le registre prévu à l’article 176.
Le greffier notifie l’état de la répartition à chaque créancier qui peut le contester dans les quinze (15) jours
(art. 198 et 200).
La mainlevée de la saisie résulte de l’accord du ou des créanciers saisissants ou intervenants ou de la
constatation par le président de l’extinction de la dette. La mainlevée est notifiée à l’employeur sous huitaine.
Enfin, la procédure simplifiée pour les créances d’aliments, régie par les articles 213 à 217, permet
aux créanciers d’aliments munis d’un titre exécutoire de saisir les rémunérations de leur débiteur au moyen d’une
procédure simplifiée.
Les créances alimentaires sont préférées à toutes autres, quel que soit le privilège dont ces dernières peut
être assorties.
La demande de saisie est notifiée directement au tiers par lettre recommandée avec accusé de réception
par l’huissier qui en avise le débiteur par simple lettre. Le tiers saisi, dans les huit (8) jours, doit accuser réception de
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cette demande et indiquer s’il est ou non en mesure d’y donner suite ; de même, il doit informer le créancier de la
cessation ou de la suspension de la rémunération. Le tiers saisi verse directement au saisissant le montant de sa
créance alimentaire contre quittance.
Les contestations relatives à cette procédure, qui ne sont pas suspensives d’exécution, sont faites par
simple déclaration au greffe. Toute décision changeant le montant de la pension alimentaire, la supprimant ou
modifiant les modalités d’exécution de l’obligation modifie de plein droit la demande de paiement direct à compter de
la notification de cette décision au tiers saisi.
3) La cession des rémunérations
Une telle procédure ne nécessite pas de titre exécutoire. Toute cession de rémunérations, quel que soit le
montant de cette cession, doit respecter la procédure prévue par l’Acte uniforme.
Elle débute par une déclaration de cession faite par le cédant en personne au greffe de la juridiction de
son domicile ou au lieu où il demeure. Cette déclaration doit indiquer le montant de la dette, la cause de la dette ainsi
que le montant de la retenue à opérer à chaque paiement de la rémunération (art. 205).
Selon l’article 206, « après que la juridiction compétente a vérifié que la cession reste dans les limites de la
quotité saisissable, compte tenu éventuellement des retenues déjà effectuées sur le salaire du cédant, le greffier
mentionne la déclaration sur le registre prévu par l'article 176 ci-dessus et la notifie à l'employeur en indiquant, d’une
part le montant mensuel du salaire du cédant, d’autre part le montant de la quotité cessible ainsi que le montant des
retenues effectuées pour chaque salaire au titre de la cession consentie. La déclaration est remise ou notifiée au
cessionnaire. ».
L’employeur doit verser directement au cessionnaire le montant des retenues sur production d’une copie
de la déclaration de cession, faute de quoi il peut y être contraint comme tout tiers saisi (art. 207).
En cas de survenance d’une saisie, le cessionnaire est, de droit, réputé saisissant pour les sommes qui lui
restent encore dues à ce moment et entre en concours avec les autres créanciers saisissants (art. 208). A partir de
ce moment, l’employeur est informé qu’il doit faire les versements de toutes les sommes cédées et saisies au greffe
(art. 209).
Le cessionnaire ne recouvre la plénitude des droits conférés par la cession qu’à la fin de la ou des saisies
intervenues (art. 210) ; notamment, l’employeur devra recommencer à lui verser les sommes retenues.
Si la cession est faite en fraude des droits des créanciers saisissants, elle peut être contestée et les
sommes cédées sont consignées en attendant l’issue de cette contestation (article 211).
Le greffier radie la cession en cas d’annulation judiciaire de la cession, de résiliation amiable de la cession
par déclaration du cessionnaire au greffe ou de paiement de la dernière échéance prévue pour parfaire l’exécution de
la cession (art. 205 et 212).
D- La saisie-appréhension et la saisie-revendication des biens meubles corporels
Les articles 218 à 235 permettent d’appréhender ou de revendiquer les biens meubles corporels qui
doivent être délivrés ou restitués. Ces biens ne peuvent être appréhendés qu’en vertu d’un titre exécutoire, lequel
peut être constitué par une injonction de délivrer ou de restituer exécutoire (art. 218, al. 1er). Toutefois, avant toute
appréhension et pour rendre de tels biens indisponibles, le créancier peut, pour éviter que le débiteur ne fasse
disparaître le bien, avoir recours à la saisie-revendication (art. 218, al. 2).
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1) La saisie-appréhension
La saisie-appréhension suppose toujours l’existence d’un titre exécutoire désignant la personne tenue de
délivrer ou de restituer le bien. Cette appréhension peut se faire entre les mains de cette personne ou d’un tiers.
Lorsque l’appréhension doit se faire entre les mains de la personne tenue de la remise, la procédure
débute par un commandement de délivrer ou de restituer adressé à cette personne et contenant, à peine de nullité,
les mentions prévues par l’article 219.
La seule présentation du titre exécutoire, sans commandement préalable, suffit si la personne tenue de la
remise est présente sur les lieux où doit s’opérer la saisie (art. 220). Il est dressé acte de la remise volontaire ou de
l’appréhension du bien décrivant l’état détaillé de ce bien qui peut être photographié (art. 221).
Si le bien a été appréhendé pour être remis à son propriétaire, l’acte précité est remis ou notifié à la
personne tenue de la remise (art. 222). Si le bien est remis au créancier gagiste, l’acte de remise volontaire ou
d’appréhension vaut saisie et il est procédé à la saisie-vente. En outre, un acte contenant obligatoirement les
mentions prévues à l’article 223 est remis ou signifié au débiteur.
Si l’appréhension a lieu entre les mains d’un tiers détenteur, sommation est faite au tiers de remettre le
bien. Cette sommation doit contenir, à peine de nullité, les mentions prévues à l’article 224 et être notifiée au débiteur
de la remise.
A défaut de remise volontaire dans le délai imparti, le requérant ou le tiers peut saisir la juridiction pour
statuer sur la remise dans le mois de la sommation, sous peine de caducité de celle-ci (art. 225).
Si la décision de justice prescrit la remise du bien, il est procédé à l’appréhension de ce bien et un acte est
dressé et notifié au tiers et au débiteur de la remise dans les mêmes conditions que si l’appréhension avait été faite
entre les mains du débiteur de la remise (art. 226).
2) La saisie-revendication
Toute personne apparemment fondée à requérir la délivrance ou la restitution d’un bien meuble corporel
peut, en attendant sa remise, le rendre indisponible au moyen d’une saisie-revendication (art. 227, al. 1er). Si elle
dispose d’un titre exécutoire, il est procédé comme en matière de saisie-appréhension (art. 235).
Si elle ne dispose pas de titre exécutoire et dans l’attente de celui-ci, elle doit obtenir une autorisation de
saisie de la juridiction compétente (art. 227). Cette autorisation est demandée par requête soumise aux mêmes
conditions que la saisie conservatoire sous peine de mainlevée (art. 228).
L’huissier procède à la saisie-revendication en dressant un acte de saisie contenant, à peine de nullité, les
mentions prévues par l’article 231. L’acte de saisie est remis ou notifié au tiers détenteur ou au débiteur de la remise
avec obligation de remettre le bien ou d’informer de toute saisie antérieure (art. 231 et 232).
Le juge compétent peut ordonner la mise sous séquestre du bien.
Si le détenteur se prévaut d’un droit propre sur le bien faisant obstacle à la saisie, il en informe l’huissier et
le saisissant dispose du délai d’un (1) mois pour porter la contestation devant le juge compétent, le bien demeurant
indisponible pendant cette instance. A défaut de contestation dans le délai d’un (1) mois, l’indisponibilité cesse (art.
234).
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E- La saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières
Régie par les articles 236 à 245, cette saisie est soumise aux règles du droit commun de la saisie-vente
sous réserve de dispositions particulières relatives, d’une part, à la saisie et, d’autre part, à la vente. Elle nécessite
toujours un titre exécutoire. Cette condition n’est pas prescrite expressément par l’Acte uniforme mais se déduit de ce
que cette procédure s’inscrit dans les procédures d’exécution et que la saisie conservatoire de ces biens est déjà
réglée, par ailleurs (art. 85 à 90).
La saisie est effectuée, soit auprès de la société ou de la personne morale émettrice, soit auprès du
mandataire chargé de conserver ou de gérer les titres (art. 236). Elle débute par un commandement de payer suivi
d’un acte de saisie contenant, à peine de nullité, les mentions prévues à l’article 238. La saisie rend indisponibles les
droits pécuniaires du débiteur. Celui-ci peut en obtenir la mainlevée en consignant une somme suffisante pour
désintéresser le créancier. Cette somme est spécialement affectée au profit du créancier saisissant (art. 239).
La vente a lieu à l’amiable dans les conditions décrites par les dispositions des articles 115 à 119. A
défaut, il est procédé à la vente forcée sous forme d’adjudication (art. 240).
Pour tenir compte de la nature particulière des biens saisis, il est établi, en vue de la vente, un cahier des
charges contenant les statuts de la société et tout document nécessaire à l’appréciation de la consistance et de la
valeur des biens mis en vente. Les clauses instituant un agrément ou un droit de préférence au profit des associés ne
s’imposent à l’adjudicataire que si elles figurent dans le cahier des charges (art. 241).
Une copie du cahier des charges est notifiée à la société qui en informe les associés. Le même jour,
sommation est notifiée, s’il y a lieu, aux autres créanciers opposants de prendre connaissance du cahier des charges
chez l’auxiliaire de justice chargé de la vente (art. 242).
Tout intéressé peut, dans un délai de deux (2) mois (sous peine d’irrecevabilité) faire des observations sur
le cahier des charges auprès de cet auxiliaire (art. 242).
La publicité de la vente indiquant les jours, heures et lieu de celle-ci est faite par voie de presse et, si
nécessaire, par voie d’affiches, un (1) mois au plus et quinze (15) jours au moins avant la date fixée pour cette
opération (art. 243).
Les éventuelles procédures d’agrément, de préemption ou de substitution sont mises en œuvre,
conformément aux dispositions propres à chacune d’elles (art. 244), sous réserve d’avoir été publiées dans le cahier
des charges pour être opposables.
En cas de pluralité de saisies, le produit de la vente est réparti entre les créanciers ayant procédé à une
saisie avant la vente. Toutefois, le créancier ayant pratiqué une saisie-conservatoire avant la saisie qui a conduit à la
vente verra les sommes qui lui reviennent consignées jusqu'à ce qu’il ait obtenu un titre exécutoire (art. 245).
§ IV : La saisie immobilière
La saisie immobilière est régie par les articles 246 à 323, soit 78 articles au total.
La saisie immobilière peut être définie comme une voie d’exécution permettant à un créancier de faire
placer sous main de justice un ou plusieurs immeubles de son débiteur, puis de provoquer leur vente afin de se payer
sur le prix. Il s’agit donc d’une procédure d’exécution ayant pour objet la vente forcée de l’immeuble ou des
immeubles saisis. « Ce type de saisie est caractérisé par une procédure très complexe, formaliste à l’extrême, malgré
les simplifications qui lui ont été déjà apportées, d’une durée assez longue et entraînant des frais importants. Elle est,
néanmoins, d’usage fréquent, en raison de la stabilité et de la valeur économique des immeubles et, par suite, de la
fréquence des prêts immobiliers ».
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En raison de considérations historiques (res mobilis res vilis), psychologiques (l’expropriation immobilière
est ressentie comme un acte grave et déshonorant), techniques (existence de conflits d’intérêts et nature juridique de
l’immeuble ayant un impact sur les droits des tiers et de l’acquéreur qu’il faut protéger), la vente forcée d’un immeuble
ne peut se faire que par la procédure de la saisie immobilière et toute convention contraire est nulle (art. 246). En
d’autres termes, les intérêts à protéger sont, d’abord, ceux du débiteur dont l’immeuble constitue souvent l’unique ou
le principal élément de sa fortune. Ce sont, ensuite, ceux des tiers qui ont sur l’immeuble des droits qu’il convient de
protéger. Ce sont, enfin, ceux des acquéreurs qui ont besoin d’un droit inattaquable.
L’appréhension, même sommaire de la saisie immobilière, invite à aborder, entre autres, les questions ciaprès : les conditions de la saisie immobilière ; le placement de l’immeuble sous main de justice ; la préparation de la
vente ; la vente proprement dite et les incidents de la saisie immobilière.
A- Les conditions de la saisie immobilière
- Il doit s’agir d’un immeuble par nature ou par destination mais les immeubles par destination ne peuvent
être saisis qu’avec l’immeuble par nature auquel ils sont attachés et dans ce cas il n’est pas nécessaire de les viser
en tant que tels dans le procès-verbal de saisie. En général, c’est le droit de propriété qui est visé mais certains
autres droits réels, en fonction de la législation en vigueur, peuvent être saisis, comme l’emphytéose, le droit du
concessionnaire de mines, le droit du concessionnaire d’énergie électrique, le bail à construction. L’article 246
rappelle que le créancier ne peut faire vendre que des immeubles appartenant à son débiteur.
- La vente forcée d’un immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une
créance certaine, liquide et exigible. La poursuite peut également avoir lieu en vertu d’un titre exécutoire par provision
ou pour une créance en espèces non liquidée ; mais, dans ce cas, l’adjudication ne pourra être effectuée que sur un
titre définitivement exécutoire et après la liquidation (art. 247).
- L’article 248 accorde compétence à la juridiction dans le ressort territorial de la laquelle se trouvent les
immeubles. Cependant, la vente forcée des immeubles dépendant d’une même exploitation et situés dans le ressort
de plusieurs juridictions se poursuit devant l’une quelconque de celles-ci.
- Seuls les immeubles immatriculés peuvent faire l’objet d’une saisie immobilière ; si l’immeuble à
poursuivre n’est pas immatriculé, le créancier peut y procéder si la loi nationale prévoit une telle procédure et s’il y est
autorisé par la juridiction compétente ; dans ce cas, le commandement de payer ne peut être signifié qu’après le
dépôt de la réquisition d’immatriculation et la vente ne peut avoir lieu qu’après délivrance du titre foncier.
- La part indivise d’un immeuble ne peut être mise en vente avant le partage ou la liquidation que peuvent
provoquer les créanciers d’un indivisaire (art. 249).
- La vente forcée d’un immeuble commun doit être poursuivie contre les deux époux (art. 250).
- Si le créancier poursuivant est un créancier hypothécaire, il ne peut saisir des immeubles non
hypothéqués qu’en cas d’insuffisance des immeubles hypothéqués, sauf si l’immeuble constitue une seule et même
exploitation et si le débiteur le requiert (art. 251).
- La vente forcée d’immeubles situés dans des ressorts de juridictions différentes ne peut être poursuivie
que successivement et non simultanément, sauf si ces immeubles font partie d’une seule et même exploitation ou si
le président de la juridiction l’autorise lorsque la valeur des immeubles situés dans un ressort est inférieure aux
créances du créancier saisissant et des créanciers inscrits (art. 252).
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B- Le placement de l’immeuble sous main de justice
Ce placement se fait à travers :
- Le commandement obligatoire. A peine de nullité, toute vente forcée doit être précédée d’un
commandement de payer dans les vingt (20) jours, faute de quoi le commandement pourra être transcrit à la
conservation foncière et vaudra saisie à partir de sa publication. A peine de nullité, il doit être signifié au débiteur et
au tiers détenteur. Il doit contenir les mentions décrites par l’article 254. Lorsque la saisie porte sur plusieurs
immeubles simultanément, un seul commandement peut suffire (art. 257). Il faut souligner que selon l’article 297,
« les formalités prévues par ces textes et par les articles 254, 267 et 277… ne sont sanctionnées par la nullité que si
l'irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l'invoque », disposition que la CCJA a eu
l’occasion de mettre en œuvre dans son arrêt n° 002/2006 du 9 mars 2006. Le tiers détenteur doit être sommé de
payer ou de délaisser l’immeuble ou de subir la procédure d’expropriation forcée ; le délaissement se fait auprès du
greffe qui en donne acte (art. 255). Si les immeubles sont constitués d’impenses réalisées par le débiteur sur un
terrain dont il n’est pas propriétaire mais qui lui a été affecté par une autorité administrative, le commandement est
également notifié à cette autorité et visé par elle (art. 258).
L’article 256 édicte des règles particulières pour permettre à l’huissier d’obtenir les renseignements utiles à
la rédaction du commandement. Ainsi, l'huissier ou l'agent d'exécution peut pénétrer dans les immeubles sur lesquels
doit porter la saisie avec, si besoin est, l'assistance de la force publique. Par ailleurs, lorsque l'immeuble est détenu
par un tiers contre lequel le poursuivant n'a pas de titre exécutoire, l'huissier ou l'agent d'exécution doit solliciter une
autorisation de la juridiction compétente.
- La publication du commandement. L’huissier fait viser l’original du commandement par le conservateur
de la propriété foncière ou par l’autorité administrative précitée à qui copie est remise pour publication. Si le
commandement n’a pas été déposé au bureau de la conservation foncière ou à l’autorité administrative dans les trois
(3) mois de sa signification, le créancier saisissant doit réitérer le commandement (art. 259).
L’article 260 édicte des règles particulières à l’inscription de commandements successifs.
En cas de paiement dans le délai de vingt (20) jours, l’inscription du commandement doit être radiée par le
conservateur ou l’autorité administrative sur mainlevée donnée par le créancier ou, à défaut, par la juridiction
compétente (art. 261).
Le commandement produit les effets suivants :
- En cas de non-paiement, le commandement opère saisie à compter de son inscription. L’immeuble est
indisponible, le débiteur ne peut aliéner l’immeuble ni le grever d’un droit réel ou d’une charge et le conservateur ou
l’autorité administrative doit refuser d’opérer toute nouvelle inscription, sauf celle d’un nouveau commandement (cf.
art. 260 précité) ou sauf si l’acquéreur ou le nouveau créancier inscrit consigne une somme suffisante pour acquitter
en principal, intérêts et frais ce qui est dû au créancier saisissant et aux créanciers inscrits antérieurs, la somme
consignée étant spécialement affectée à eux (cf. art. 262). Cette consignation doit avoir lieu avant l’adjudication et
sans délai pour l’acquitter.
- Les revenus de l’immeuble sont également indisponibles (art. 262, al. 2 et 263) et sont immobilisés pour
être distribués avec le prix de la vente forcée ; ils sont déposés, soit à la caisse des dépôts et consignations, soit
entre les mains d’un séquestre.
- Le débiteur demeure en possession de l’immeuble en qualité de séquestre judiciaire, sauf décision
contraire de la juridiction (art. 263).
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- En cas de saisie de plusieurs immeubles, le débiteur peut demander qu’il soit sursis aux poursuites sur
certains si la valeur des immeubles saisis dépasse notablement le montant de la créance (article 264). Après
l’adjudication définitive, le créancier peut reprendre les poursuites sur les immeubles provisoirement exceptés si le
prix des biens adjugés ne suffit pas à le désintéresser.
- Selon l’article 265, si le débiteur justifie que le revenu net et libre de ses immeubles pendant deux (2)
années suffit pour le paiement de sa dette en principal, intérêts et frais et s’il en offre la délégation au créancier, la
poursuite peut être suspendue suivant la procédure prévue à l’article 264. Cette disposition, comme bien d’autres de
l’AUPSRVE, vise à protéger la propriété immobilière.
On peut déplorer le fait qu’il n’ait pas été prévu que le commandement interrompt le cours de la péremption
de l’inscription hypothécaire.
C- La préparation de la vente
Afin de préparer la vente dans les meilleures conditions, le législateur a prévu trois formalités essentielles :
la rédaction d’un cahier des charges, l’audience éventuelle et la publicité en vue de la vente.
Le cahier des charges est le document précisant les conditions et modalités de la vente de l’immeuble
saisi. Il est rédigé et signé par l’avocat du créancier poursuivant et déposé au greffe de la juridiction compétente dans
un délai maximal de cinquante (50) jours à compter de la publication du commandement, à peine de déchéance (art.
266).
A peine de nullité, le cahier des charges doit contenir les nombreuses mentions prévues par les
dispositions de l’article 267.
Un état des droits réels inscrits sur le titre foncier est annexé au cahier des charges (art. 267). La date de
la vente est fixée dans l’acte de dépôt du cahier des charges quarante-cinq (45) jours au plutôt, quatre-vingt-dix (90)
jours au plus tard à compter du dépôt).
Dans les huit (8) jours suivant le dépôt du cahier des charges, il est fait sommation au saisi et aux
créanciers inscrits de prendre communication du cahier des charges et d’y faire insérer leurs dires (art. 269). Un dire
est une déclaration écrite, rédigée par avocat car elle constitue une contestation qui sera jugée. Le greffier doit
enregistrer la déclaration sans avoir à l’apprécier. A peine de nullité, cette sommation doit porter les indications
prévues par l’article 270.
S’il a été formé dans les cinq (5) jours précédant l’audience éventuelle une demande en résolution d’une
vente antérieure ou une poursuite de folle enchère d’une réalisation antérieure, il est sursis aux poursuites en ce qui
concerne les immeubles frappés de l’action résolutoire ou de la folle enchère (art. 271).
L’audience éventuelle n’a lieu que pour juger les dires et les observations après échange de conclusions
motivées des parties et dans le respect du contradictoire (art. 272). L’audience éventuelle ne peut être reportée que
pour des causes graves et dûment justifiées ou lorsque la juridiction compétente exerce d’office son contrôle sur le
cahier des charges (art. 273 renvoyant à l’art. 275).
A cette audience, la juridiction compétente peut décider :
- la modification du montant de la mise à prix (art. 272 et 275) ;
- la fixation d’une nouvelle date d’adjudication (art. 274) ;
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- la distraction de certains biens saisis si leur valeur globale excède exagérément le montant des créances
à récupérer (art. 275) ; dans ce cas, l’article 275, dernier alinéa, prévoit une procédure particulière. Ainsi, la juridiction
compétente informe les parties de son intention de modifier le cahier des charges et les invite à présenter leurs
observations dans un délai maximum de cinq (5) jours ; elle leur indique, si besoin est, les jour et heure de l'audience
si l'affaire n'a pu être jugée à la date initialement prévue.
En vue de conférer une grande efficacité à la vente, une publicité est organisée. Trente (30) jours au
plus tôt et quinze (15) jours au plus tard avant l’adjudication, un extrait du cahier des charges est inséré dans un
journal d’annonces légales et par apposition de placards dans les lieux désignés par l’article 276. L’extrait contient, à
peine de nullité, les énonciations prévues par l’article 277.
D- La vente
La vente de l’immeuble saisie est marquée par l’adjudication et la surenchère.
L’adjudication est la séance judiciaire au cours de laquelle la vente forcée de l’immeuble est faite aux
enchères. Au terme de celle-ci, l’immeuble est adjugé à l’auteur de la plus forte enchère qui est déclaré adjudicataire
(art. 282). L’adjudication débute par la réquisition de l’avocat du poursuivant qui indique le montant des frais de
poursuite préalablement taxés par le président de la juridiction compétente (art. 280).
L’adjudication peut être remise pour causes graves et légitimes par une décision judiciaire non susceptible
de recours (art. 281).
Les articles 282 et 283 règlent la façon dont se font les enchères (offres successives de plus en plus
élevées, trois bougies).
Les avocats ne peuvent enchérir pour les membres de la juridiction compétente ou de l’étude du notaire
devant qui se poursuit la vente, ni pour le saisi, ni pour des personnes notoirement insolvables, ni pour l’avocat
poursuivant (art. 284).
L’adjudication est prononcée par décision judiciaire ou procès-verbal du notaire au profit du plus fort
enchérisseur ou du poursuivant pour la mise à prix s’il n’y a pas eu d’enchère (art. 285). Cette décision est portée en
minute à la suite du cahier des charges (art. 290).
En cas de déclaration de command, le nom du véritable adjudicataire doit être déclaré dans les vingtquatre (24) heures (art. 286).
La décision judiciaire ou le procès-verbal d’adjudication n’est susceptible d’aucune voie de recours (art.
293, sauf l’action en nullité prévue à l’article 313). L’acte d’adjudication est transmis à la conservation foncière pour
inscription du droit de l’adjudicataire dans les deux (2) mois, sous peine de revente pour folle enchère (art. 294).
S’agissant de la surenchère, dans les dix (10) jours qui suivent l’adjudication, toute personne peut faire
surenchère sur le prix, d’au moins un dixième (art. 287). Elle est faite au greffe et doit être dénoncée à l’adjudicataire,
au poursuivant et au saisi dans un délai de cinq (5) jours ; cette dénonciation indique la nouvelle date d’audience
(article 288). A cette date, de nouvelles enchères ont lieu et aboutissent à une seconde adjudication. Aucune
surenchère n’est recevable après la seconde adjudication (art. 289).
E- Les incidents de la saisie immobilière
Il peut surgir des incidents, c’est-à-dire des contestations ou des demandes incidentes, au cours de la
saisie. A peine de déchéance, elles doivent être soulevées avant l’audience éventuelle pour être réglées à cette
audience (art. 298 et 299).
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- En cas de pluralité de saisies provenant de commandements successifs, les poursuites sont réunies
selon les règles des articles 302 et 307.
- La demande en distraction de l’immeuble saisi est possible. Elle émane du tiers qui se prétend
propriétaire de l’immeuble saisi et qui n’est tenu, ni personnellement de la dette, ni réellement sur l’immeuble. Elle est
réglée selon les dispositions des articles 308 à 310.
- Les demandes en annulation pour des raisons de forme ou de fond de la procédure antérieure à
l’audience éventuelle sont réglées selon les articles 311 à 313.
- La folle enchère est ouverte contre l’adjudicataire qui n’a pas rempli ses obligations. Elle est réglée selon
les articles 315 à 323.
En conclusion sur la saisie immobilière, l’on peut constater que les immeubles ont perdu de leur place
dans les pays développés à l’heure de l’économie numérique mais sans que leur place dans les fortunes ne soit
devenue négligeable ; dans les pays en voie de développement, leur place demeure tout à fait essentielle.
Malheureusement, il ne se constitue pas un véritable marché hypothécaire en raison des difficultés de réalisation des
garanties (lenteurs, lourdeurs), et surtout des résultats décevants de celle-ci. Soit les biens sont surévalués, soit, ce
qui semble plus probable, les Africains ont tendance à considérer les biens saisis et vendus aux enchères un peu
comme des biens volés ou des « biens porte-malheur » que l’on ne peut accepter d’acquérir qu’à vil prix. De ce point
de vue, il faut que, d’une part, les mentalités évoluent afin que la « normalité » de ces opérations soit perçue et
acceptée et, d’autre part, la réalisation des sûretés ou garanties soit facilitée et accélérée dès lors qu’elles ne
renferment aucune fraude aux droits du débiteur ou des personnes garantes.
§ V : La distribution du prix
Elle est régie par les articles 324 à 334. Il n’y a aucune difficulté s’il n’y a qu’un seul créancier : selon
l’article 324, le produit de la vente est remis à celui-ci à concurrence du montant de sa créance en principal, intérêts
et frais dans un délai de quinze (15) jours au plus tard à compter du versement du prix de la vente. Dans le même
délai, le solde est remis au débiteur. A l’expiration de ce délai, les sommes qui sont dues produisent intérêt au taux
légal.
Les difficultés surgissent en cas de pluralité de créanciers. Dans ce cas, on distingue classiquement :
- la procédure d’ordre qui consiste à répartir, entre créanciers privilégiés ou hypothécaires, les deniers
provenant des immeubles vendus, en établissant entre eux, un ordre, c’est-à-dire en effectuant la distribution des
deniers d’après le rang de leurs privilèges et hypothèques ;
- la procédure de distribution par contribution qui consiste à répartir entre les créanciers chirographaires,
le produit de la vente des meubles du débiteur ou le reliquat du prix de vente d’un immeuble après règlement des
créanciers privilégiés.
L’Acte uniforme prévoit deux cas de figure.
En premier lieu, les créanciers peuvent se mettre d’accord sur la répartition du prix du meuble ou de
l’immeuble vendu. Ils adressent leur accord au greffe ou à l’auxiliaire de justice qui détient les fonds. Celui-ci distribue
les fonds selon cet accord (art. 325) et le solde, s’il y en a un, est remis au saisi.
En second lieu, si les créanciers n’ont pu parvenir à un accord dans le mois qui suit le versement du prix
par l’adjudicataire, le plus diligent d’entre eux saisit le juge aux fins de répartition (art. 326 à 332). Cette répartition se
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fait selon les règles du classement des créanciers établi par les articles 148 (immeubles) et 149 (meubles) de l’Acte
uniforme portant organisation des sûretés, même si l’Acte uniforme sur les voies d’exécution s’abstient de le signaler
(art. 332). La décision de répartition est susceptible d’appel dans les quinze (15) jours uniquement si le montant de la
somme contestée est supérieur au taux des décisions rendues en dernier ressort.
En conclusion, l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) vient mettre de l’ordre, de la cohérence et de la clarté dans une
matière traditionnellement considérée comme étant confuse et difficile à maîtriser, en essayant d’arbitrer de façon
équilibrée le conflit d’intérêt qui oppose le créancier, le débiteur et souvent un tiers. Formellement, il se présente
comme le second acte uniforme le plus long après celui sur les sociétés.
Ses qualités techniques et son apport bénéfique ne pourront être évalués qu’après quelques années de
mise en œuvre, notamment l’adéquation des nombreux renvois qui sont faits d’une saisie à l’autre et l’effectivité de la
rapidité des procédures souhaitée par les auteurs du texte.
Son efficacité maximale sera d’amener la quasi-totalité des débiteurs à s’acquitter volontairement de leurs
dettes, ce qui serait heureux car le contentieux, ou précisément le recours aux procédures de recouvrement ou
d’exécution, relève de la « pathologie du droit ». En attendant, on constate plutôt un paradoxe : en effet, le nouveau
droit, malgré d’indéniables qualités techniques, surtout par rapport à la situation des nombreux Etats parties qui
n’avaient renouvelé leurs législations en la matière, a provoqué un abondant contentieux tant au niveau des
juridictions nationales que, par voie de conséquence, au niveau de la Cour commune de justice et d’arbitrage où près
de trois quarts des recours contentieux et des demandes d’avis le concernent. Cela conduit à se demander si
beaucoup de débiteurs ne font pas preuve de mauvaise foi, l’AUPSRVE leur fournissant, par sa réglementation
tatillonne et forcément lacunaire, faisant une certaine confiance au débiteur saisi, des moyens juridiques de différer
l’exécution forcée, souvent renvoyée aux calendes grecques.
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LE DROIT OHADA DES ENTREPRISES EN DIFFICULTE : PREVENTION, PROCEDURES COLLECTIVES,
SANCTIONS
« Des entreprises en difficulté, on en trouve un peu partout en Afrique ; des entreprises en difficulté qui se
redressent, on en cherche ».
Introduction
Il n'est pas réjouissant ni aisé de traiter de manière exhaustive et approfondie des procédures collectives :
d'abord, sur le plan sentimental, il s'agit en quelque sorte du droit de la maladie et de la mort des entreprises ; le
vocabulaire utilisé par la doctrine pour parler de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises a, selon
le professeur Yves Guyon, une connotation plus médicale et militaire que juridique car prévenir c'est à la fois soigner
et défendre ; ensuite, la matière est complexe en raison du nombre élevé de questions et des conflits d'intérêts
qu'elle traite ; enfin, elle fait appel à d'autres matières (droit commercial, droit civil, droit bancaire, procédure civile et
commerciale, saisies et voies d’exécution, droit pénal…). Tout cela joue dans le sens de la complexité et de
l’accroissement du volume de la matière.
Les procédures collectives peuvent être définies comme des procédures faisant intervenir la justice lorsque
le commerçant, personne physique ou personne morale, n’est plus en mesure de payer ses dettes - on dit d’un tel
commerçant aux abois qu’il est en état de cessation des paiements - ou, à tout le moins, connaît de sérieuses
difficultés financières, en vue d’assurer le paiement des créanciers et, dans la mesure du possible, le sauvetage de
l’entreprise ou de l’activité.
Dans ce sens, l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif
(AUPC), adopté à Libreville le 10 avril 1998 et en vigueur depuis le 1er janvier 1999, vient réformer et remplacer la
législation en vigueur en matière de procédures collectives dans les Etats signataires du Traité pour l'harmonisation
du droit des affaires en Afrique, Traité adopté à Port Louis, Ile Maurice, le 17 octobre 1993. En la forme, cet acte
uniforme comprend 258 articles regroupés en 8 titres d'inégale dimension. Au fond, il met en place trois procédures :
d’abord, le règlement préventif (RP), avant la cessation des paiements, qui constitue à ce titre l'une des pièces
maîtresses de la prévention ; ensuite, le redressement judiciaire (RJ) et la liquidation des biens (LB) après la
cessation des paiements et qui poursuivent, soit le sauvetage de l'entreprise, soit la liquidation de celle-ci.
Pour bien comprendre le contenu et la portée de cet acte uniforme, il paraît indiqué de rappeler les traits
caractéristiques et les buts des procédures collectives.
Les traits caractéristiques des procédures collectives sont principalement au nombre de quatre.
Le premier est l’aspect collectif en ce sens que les créanciers sont regroupés et soumis à un ensemble
de règles destinées à les discipliner afin que leur paiement se fasse dans l’égalité et la justice ; il faut éviter que,
comme cela se passe en droit civil, le paiement soit le prix de la course ; dans les deux dernières procédures redressement judiciaire et liquidation des biens -, les créanciers sont réunis en une masse, jouissant de la
personnalité morale, dont les membres sont soumis à une discipline collective.
Le deuxième est l’aspect conflictuel : un conflit d’intérêts existe, d’une part entre les créanciers et le
débiteur ou l’entreprise, d’autre part à l’intérieur du groupe des créanciers entre les créanciers chirographaires, les
créanciers munis de sûretés et les créanciers pouvant se prévaloir d’un droit de préférence, en l’occurrence le droit
de propriété.
Le troisième trait caractéristique réside dans l’intervention judiciaire : dans les Etats parties au Traité de
l’OHADA, c’est le tribunal de première instance ou de grande instance, ou le tribunal de commerce, ou encore le
tribunal régional pour le Sénégal, qui a reçu compétence en la matière sans distinction suivant la qualité du
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justiciable. L’AUPC préfère, par prudence, faire état, vaguement, de juridiction compétente en matière commerciale.
En France, suivant la qualité de commerçant ou non du justiciable, compétence est dévolue au tribunal de commerce
ou au tribunal de grande instance. L’intervention judiciaire est essentielle dans le domaine des procédures collectives
: elle est destinée à protéger les intérêts en présence et à assurer l’efficacité et la moralité des procédures ; son
intensité varie suivant qu’il y a ou non cessation des paiements et suivant qu’il s’agit du redressement judiciaire ou de
la liquidation des biens.
Le quatrième trait caractéristique tient dans l’exigence de la qualité de commerçant en la personne du
débiteur. Cette exigence est classique et explique pourquoi le droit des procédures collectives est une branche
caractéristique du droit commercial mais elle tend à être abandonnée. Ainsi, l’AUPC, à la suite des réformes
intervenues en France et dans les Etats africains, applique les procédures collectives, d’une part, aux personnes
physiques commerçantes, d’autre part à toutes les personnes morales de droit privé, qu’elles aient ou non la qualité
de commerçant, y compris les entreprises publiques revêtant une forme de personne morale de droit privé. La France
y a ajouté les artisans (loi du 25 janvier 1985) et les agriculteurs (loi du 30 décembre 1988).
Concernant les objectifs, les procédures collectives en poursuivent classiquement trois.
D'abord, elles visent à protéger les créanciers impayés et à assurer leur désintéressement dans les
meilleures conditions possibles, d'où le rôle relativement important des créanciers dans le dénouement de la
procédure et l’instauration entre eux d’une discipline collective ainsi que d’une certaine égalité et solidarité dans le
malheur. Mais il s’agit d’une égalité et d’une solidarité relatives. En effet, les créanciers munis de sûretés sont en
quelque sorte « plus égaux » que les autres : ils ont de meilleures chances de désintéressement ou de paiement. Un
auteur avisé a, d’ailleurs, souligné la précarité de la situation des créanciers chirographaires qu’il compare à de
« misérables fantassins par rapport aux blindés représentés par les créanciers munis de sûretés dans le combat des
dividendes ».
Il s'agit ensuite de punir et d'éliminer le commerçant qui n'honore pas ses engagements. Cet aspect
n'est pas à négliger lorsque l'on considère le caractère dissuasif de la punition, sa contribution à l’assainissement des
professions commerciales et au paiement des créanciers.
Enfin, les procédures collectives doivent permettre le sauvetage des entreprises redressables ou
viables, même au prix d'une certaine entorse au droit des créanciers, dans le but de sauver les emplois et de
conserver les effets bénéfiques qu’exerce l’entreprise sur l’économie (balance des paiements, balance commerciale,
recettes fiscales, autres effets induits de son activité…).
Ces objectifs se retrouvent peu ou prou dans toutes les législations. Mais il se pose un problème de
compatibilité de ces objectifs dans la mesure où leur poursuite de front peut conduire à un échec sur toute la ligne. A
la réflexion, il s'avère que c'est davantage un problème de hiérarchisation de ces objectifs qui se pose. A ce sujet, les
législations anciennes mettent l'accent sur le paiement des créanciers ainsi que la sanction du débiteur et des
dirigeants sociaux, même si la sanction des dirigeants sociaux est relativement récente, tandis que les législations
récentes placent au premier plan de leurs préoccupations la sauvegarde de l'entreprise et de l'emploi. Mais quelle
que soit la hiérarchie retenue, l'on doit se demander si le droit est apte à atteindre les objectifs poursuivis.
L'AUPC a été adopté en tenant compte principalement :
- d'une part, de l'expérience des Etats africains parties au Traité de l'OHADA, qui, à l'exception de
quelques Etats comme le Sénégal, le Mali, le Gabon et la République centrafricaine, qui avaient réformé leurs
législations en s’inspirant des textes français postérieurs à l’indépendance, continuaient d'appliquer la législation
rendue applicable pendant la période coloniale, à savoir le Code de commerce de 1807 tel qu'il avait été refondu par
la loi du 28 mai 1889, la loi du 4 mars 1889 sur la liquidation judiciaire et les décrets-lois du 8 août et du 30 octobre
1935 ;
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- d'autre part, de l'évolution en France qui est éclairante à plus d'un titre ; en effet, tous les Etats
francophones, soit avaient conservé la législation française léguée pendant la période coloniale, soit s’étaient inspirés
plus ou moins fidèlement des réformes qui y ont été introduites depuis lors ; en France, on note une succession
rapide des textes : Code de commerce de 1807 marquée par une grande sévérité à l’égard du débiteur ; loi du 28 mai
1838 dont les grandes qualités techniques ont été relevées ; loi du 4 mars 1889 sur la liquidation judiciaire, qui est
une sorte de faillite atténuée réservée aux débiteurs de bonne moralité ; décrets-lois de 1935 étendant la
banqueroute et les déchéances de la faillite aux dirigeants sociaux ; décret du 20 mai 1955 distinguant, dès
l’ouverture, la solution de l’élimination de celle du sauvetage ; loi du 13 juillet 1967, qui met en oeuvre la dissociation
de l’homme et de l’entreprise ; ordonnance du 23 septembre 1967 instituant une procédure d’assainissement des
grandes entreprises avant la cessation des paiements ; lois du 1er mars 1984 et du 25 janvier 1985 instituant le
règlement amiable, le redressement et la liquidation judiciaires ; loi du 10 janvier 1994 réformant les lois de 1984 et
de 1985 ; loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.
De l'évolution historique, l'on peut tirer les enseignements suivants : le balancement entre la frénésie à
légiférer observée en France ou l'immobilisme caractérisant la plupart des Etats africains ; la primauté de l'objectif de
redressement de l'entreprise sur celui de paiement des créanciers, avec cependant une tendance récente au
rééquilibrage en faveur des créanciers ; l'élargissement du champ d'application in personam des procédures
collectives ; une terminologie flottante ou équivoque ; et, surtout, la naissance du droit des entreprises en difficulté.
De l'intitulé de l'AUPC et de ses articles 1er et 2, il ressort explicitement que toutes les procédures
instituées visent l'apurement du passif, ce qui autorise à penser que l’AUPC accorde la priorité au paiement des
créanciers par rapport au redressement de l'entreprise. Mais celui-ci est loin d'être négligé puisque deux des trois
procédures, en l’occurrence le règlement préventif et le redressement judiciaire, visent sa réalisation.
Tableau comparatif des conditions d’ouverture des trois procédures
Critères
Commerçant personne
physique ou personne
morale de droit privé
Existence de la
cessation des
paiements
Sauvetage ou concordat
possible
Procédures
Règlement préventif
Oui
Non
Oui
Redressement judiciaire
Oui
Oui
Oui
Liquidation des biens
Oui
Oui
Non
Finalement, l'on peut étudier le contenu de l'Acte uniforme en abordant, d'une part, la prévention des
difficultés des entreprises, d'autre part, leur traitement avant de terminer par les sanctions applicables aux débiteurs
et/ou aux dirigeants de personnes morales, qui peuvent contribuer à la réalisation des deux objectifs principaux des
procédures collectives.
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PREMIERE PARTIE : LA PREVENTION DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES
L’on a coutume de dire, à juste titre, que « mieux vaut prévenir que guérir ». Cette vieille sagesse
populaire est particulièrement vraie pour les entreprises en difficulté où l’intervention tardive risque d’être totalement
inefficace, comme le médecin après la mort pour les personnes physiques. Prévenir, selon le professeur Yves
Chaput, « c'est avant tout amener les dirigeants à prendre conscience de la situation actuelle et de l'évolution de
l'entreprise. C'est ensuite mettre en place des mécanismes d'alerte, voire de règlement amiable des difficultés
naissantes lorsque l'évolution défavorable se confirme ».
Malgré son importance avérée, la prévention, qui se situe avant la cessation des paiements, n’appelle pas
les mêmes développements que le traitement parce qu’elle est placée sous le signe de la liberté de gestion reconnue
aux chefs d’entreprises.
CHAPITRE I : LA PROCEDURE D'ALERTE
Il apparaît, au moins au premier abord, que la mise en oeuvre de l'alerte implique la connaissance des
causes et des manifestations des difficultés des entreprises.
SECTION I : LE PREALABLE : LA CONNAISSANCE DES CAUSES ET DES MANIFESTATIONS DES
DIFFICULTES DES ENTREPRISES
Bien que liées, il est possible de distinguer les causes des difficultés de leurs manifestations.
§ I : Les causes des difficultés des entreprises
S'agissant des causes, elles sont susceptibles d'être classées de multiples façons : causes internes et
externes, causes accidentelles et non accidentelles, causes structurelles et conjoncturelles, causes juridiques et non
juridiques.
Une autre possibilité est le regroupement autour de quatre catégories d'inégale importance sur le plan
statistique. Ce sont :
- les causes liées à l'exploitation et à la gestion de l'entreprise comme : la comptabilité non tenue, mal
tenue ou non élaborée ; le personnel pléthorique ou les avantages salariaux exorbitants ; les dépenses somptuaires
(voitures et locaux luxueux, cadeaux importants) ; l'inadaptation de la politique commerciale ; l'insuffisance des fonds
propres ou des investissements ; la confusion patrimoniale ; l'incapacité, l'incompétence, l'incurie ou la mauvaise
gestion des dirigeants ;
- les causes liées à l'évolution de l'environnement et de la conjoncture internationale : il en est ainsi en cas
d'accroissement de la concurrence, de transformation des facteurs locaux de commercialité, d'accroissement du coût
des inputs, de modification de la réglementation dans un sens défavorable, de défaillance d'un partenaire important
(débiteur principal, personne cautionnée, fournisseur, client) ;
- les causes purement accidentelles, comme le décès d'un dirigeant influent, le sinistre non couvert par
une assurance adéquate, les malversations, les grèves longues ou répétées ou la baisse de la productivité du travail ;
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- les causes d'ordre juridique, comme l'inadéquation de la forme juridique choisie et, d'une manière
générale, la non-maîtrise des questions d'ordre juridique, notamment celles liées aux contrats ou à la propriété
intellectuelle, que l'on pourrait résoudre par un audit juridique.
Les difficultés sont fonction de l'âge de l'entreprise. Par ailleurs, la facilité ou la difficulté du redressement
dépend assez étroitement de la nature des difficultés.
§ II : Les manifestations des difficultés des entreprises
Pour ce qui est des manifestations des difficultés, appelées signes ou clignotants, l'on relève leur diversité
et leur relativité. En effet, les signes ou clignotants peuvent se manifester à travers, par exemple, le report renouvelé
de l'échéance d'un effet de commerce, la notification d'un protêt pour non-paiement d'un effet de commerce ou d'un
chèque, l'achat en vue de la revente au-dessous du cours, le non-paiement des impôts ou des cotisations sociales
depuis un certain temps, la non convocation ou la non tenue dans les délais des réunions des organes, le refus de
certification des comptes par le commissaire aux comptes ou le refus d'approbation de ceux-ci par l'assemblée des
actionnaires, le licenciement d'un nombre important de travailleurs, la perte d'une part importante du capital social ou
des fonds propres, la réalisation de trois exercices déficitaires consécutifs, la diminution du crédit fournisseurs et/ou
du crédit clients, la vente d'immobilisations ou de stocks de matières premières, le départ volontaire de cadres ou de
dirigeants influents, le non-renouvellement de contrats importants arrivés à expiration, la perte d'une position
dominante, la maladie ou la mort d'un dirigeant influent.
La diversité des signes ou clignotants est certaine. Il reste à relever leur relativité. En effet, certains signes
manquent de précocité en ce sens qu'ils traduisent la cessation des paiements ou l'imminence de celle-ci. D'autres
peuvent ne pas traduire l'existence de difficultés sérieuses en raison de circonstances particulières. Enfin, suivant le
secteur d'activités, d'autres signes peuvent s’avérer plus pertinents : il en est ainsi dans la production ou la
distribution intégrée où le non-renouvellement du contrat de sous-traitance ou du contrat de distribution peut signifier
l'arrêt de mort de l'entreprise.
Tableau synthétique de l’état de santé de l’entreprise
A partir de deux critères généralement considérés comme pertinents, à savoir la situation positive ou
négative, d’une part de la liquidité de l’entreprise, d’autre part de sa rentabilité, il est possible de dresser le tableau ciaprès :
Liquidité
Rentabilité
Etat de santé de l’entreprise
Pleine forme
Maladie passagère
Maladie chronique
Fin prochaine
NB : Tout le problème va être d’établir une situation fiable de l’entreprise au plan de sa liquidité et de sa
rentabilité.
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La connaissance des causes des difficultés des entreprises, de leurs manifestations et de leur portée peut
avoir une finalité immédiate ou une finalité médiate.
La première devrait conduire les dirigeants de l’entreprise à prendre rapidement les mesures d’assainissement
qui s’imposent : par exemple, des demandes de délais de paiement conventionnels avec certains créanciers, en particulier
le banquier, judiciaires, voire le bénéfice d’un moratoire légal ou la conclusion d’un concordat amiable avec les créanciers ;
le changement de dirigeants dont les modalités varient suivant la structure revêtue par l’entreprise ; les mesures variées de
renflouement internes ou externes (nouvelles mises de l’entrepreneur individuel ou des associés en nom, augmentations de
capital, au besoin précédées d’une réduction, émission d’obligations ou d’autres titres autorisés…), recours au banquier, ce
qui peut entraîner la responsabilité de celui-ci ; les interventions étatiques.
La seconde devrait permettre la mise en oeuvre de la procédure d'alerte et/ou, si nécessaire, de celle du
règlement préventif.
SECTION II : LA MISE EN OEUVRE DE L'ALERTE
A l'imitation de la France, la procédure d'alerte n'est pas prévue par l'Acte uniforme relatif aux procédures
collectives mais plutôt par celui relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique
(AUDSC) dans ses articles 150 à 158, ce qui, bien entendu, exclut les entreprises individuelles.
L'alerte a pour but de mettre les dirigeants sociaux face à leur responsabilité. Elle intervient ou doit
intervenir lorsque se produisent un ou plusieurs faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation.
L'AUPC distingue selon que l'alerte est donnée par le commissaire aux comptes ou par les associés et
selon qu'il s'agit de sociétés anonymes (SA) ou de sociétés revêtant d'autres formes juridiques.
§ I : L'alerte donnée par le commissaire aux comptes
L’alerte par le commissaire aux comptes est organisée différemment selon qu’il s’agit de sociétés
anonymes ou de sociétés revêtant d’autres formes.
A- Dans les sociétés autres que les sociétés anonymes
L'alerte par le commissaire aux comptes dans les sociétés autres que les SA se fait par lettre au porteur
contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au gérant, lettre par
laquelle il lui demande des explications sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, qu'il a
relevé lors de l'examen des documents qui lui sont communiqués ou dont il a connaissance à l'occasion de l'exercice
de sa mission. Le gérant est tenu d'y répondre, dans les mêmes formes, dans le mois de la réception en donnant une
analyse de la situation et en précisant, le cas échéant, les mesures envisagées. En cas d'inobservation des
dispositions ci-dessus ou si, malgré les décisions prises, le commissaire aux comptes constate que la continuité de
l'exploitation demeure compromise, il établit un rapport spécial, lequel est, à sa demande, soit adressé aux associés,
soit présenté à la prochaine assemblée qui doit être convoquée par le gérant dans les 8 jours de la réception de la
demande.
B- Dans les sociétés anonymes
S'agissant des sociétés anonymes, il faut mentionner les particularités suivantes : la demande d'explication
est adressée au président du conseil d'administration, au président-directeur général (PDG) ou à l'administrateur
général. A défaut de réponse ou si celle-ci n'est pas satisfaisante, le commissaire aux comptes invite, selon le cas, le
président du conseil d'administration ou le P.D.G. à faire délibérer le conseil d'administration ou l'administrateur
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général à se prononcer sur les faits relevés. Dans les 15 jours qui suivent la réception de la lettre du commissaire aux
comptes doit être convoqué le conseil d'administration en vue de délibérer sur les faits relevés ou doit être tenue la
séance au cours de laquelle l'administrateur général se prononce sur les faits relevés. En cas d'inobservation des
dispositions légales ou si la continuité d'exploitation demeure compromise, le commissaire aux comptes établit un
rapport spécial qui est présenté à la prochaine assemblée générale ou, en cas d'urgence, à une assemblée générale
qu'il convoque lui-même.
Sur un plan d’ensemble, il se pose la question de savoir si le commissaire aux comptes a l'obligation de
rechercher systématiquement l'existence de faits devant donner lieu à l'alerte ou s'il suffit de porter à la connaissance
des dirigeants les seuls faits relevés à l'occasion de ses diligences normales. La conception large semble préférable.
§ II : L'alerte donnée par les associés
S'agissant de l'alerte par les associés dans les SA et dans les autres sociétés, tout associé ou tout
actionnaire peut, deux fois par exercice, adresser par écrit des questions au gérant ou au principal dirigeant sur tout
fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. La réponse, qui doit être faite dans le délai d'un mois, est
adressée avec une copie de la question à l'associé ou à l'actionnaire ainsi qu'au commissaire aux comptes s'il en
existe un. On aura remarqué que l’alerte par les associés ou les actionnaires ne fait pas intervenir l’assemblée des
associés ou des actionnaires ni le conseil d’administration dans le cas d’une SA qui en serait dotée. Il apparaît ainsi
d’une portée moindre, sauf que, peut-être, le commissaire aux comptes va se charger de lui donner une plus grande
portée en la portant à la connaissance des organes sus-visés.
Sur l'ensemble de la question, la différence fondamentale entre les SA et les autres sociétés est que dans
ces dernières l'institution du commissaire aux comptes est facultative, sauf dans les grandes SARL et dans les
groupements d'intérêt économique (article 880). De plus, l'administration des SA offre des possibilités d'option. Enfin,
l'alerte implique trois niveaux dans la SA avec CA contre seulement deux dans les autres sociétés.
L'on peut noter que, contrairement à la législation française dont il s’inspire, l'Acte uniforme n'a pas retenu
l'alerte par les représentants du personnel ou par le président du tribunal compétent. D’une manière générale, l’on
peut douter de l’efficacité de l’alerte, surtout si les dirigeants font preuve d’insouciance ou de mauvaise volonté.
L'on peut rapprocher de l'alerte l'expertise de gestion qui permet à un ou plusieurs associés représentant
au moins le cinquième du capital social de demander au président de la juridiction compétente du siège social la
désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
Le juge détermine, s’il fait droit à la demande, l’étendue et les pouvoirs des experts dont les honoraires sont
supportés par la société. Le rapport est adressé au demandeur et aux organes de gestion, de direction ou
d'administration.
L’alerte doit, le cas échéant, permettre au débiteur de recourir à la procédure de règlement préventif.
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CHAPITRE II : LE REGLEMENT PREVENTIF
Le règlement préventif est une procédure qui intervient lorsque l’entreprise connaît de sérieuses difficultés
financières et qui vise à éviter que celles-ci ne conduisent à la cessation de ses paiements. Réglementé par les
articles 5 à 24 de l’AUPC, le règlement préventif de l’OHADA semble faire un savant dosage de la procédure de
suspension provisoire des poursuites de l'ordonnance française du 23 septembre 1967, du règlement amiable de la
loi française du 1er mars 1984, du concordat judiciaire classiquement voté par les créanciers et du concordat amiable
librement conclu entre le débiteur et ses créanciers.
Les justiciables du règlement préventif sont les mêmes que ceux du redressement judiciaire et de la
liquidation des biens. La condition fondamentale de cette procédure est que l'entreprise ne doit pas être en état de
cessation des paiements.
La procédure de règlement préventif peut être appréhendée autour de deux grandes phases qui sont la
phase préparatoire au règlement préventif, puis la phase de la formation et des effets du règlement préventif, qui est
celle de son aboutissement.
SECTION I : LA PHASE PREPARATOIRE AU REGLEMENT PREVENTIF
Elle comporte principalement l'introduction de la requête, le dépôt de l'offre de concordat et la décision de
la juridiction compétente.
§ I : La requête et l’offre de règlement préventif
La requête de règlement préventif est introduite par le débiteur qui y expose sa situation économique
et financière et présente les perspectives de redressement de l'entreprise et d'apurement du passif. La requête
indique les créances pour lesquelles le débiteur demande la suspension des poursuites individuelles (art. 5). Elle est
accompagnée d'un dépôt de pièces : extrait d'immatriculation au Registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM),
états financiers de synthèse, état de trésorerie, état des créances et des dettes, liste des biens soumis à
revendication ou affectés d'une clause de réserve de propriété, état détaillé des sûretés personnelles et réelles
données ou reçues, nombre de travailleurs et montant des salaires et des charges... (art. 6). Au cas où l’une des
pièces ferait défaut, la requête doit contenir le motif de son absence.
Puis intervient le dépôt de l’offre de concordat préventif. L’offre de concordat préventif précise les
mesures et conditions envisagées pour le redressement de l’entreprise. Le dépôt de l’offre doit se faire en même
temps que celui de la requête ou au plus tard dans les 30 jours qui suivent. L'article 7 traite du contenu de l’offre et
cite de manière non exhaustive les mesures d’assainissement ou de renflouement de l’entreprise et de règlement de
son passif susceptibles d’être proposées. Le délai relativement bref imposé pour le dépôt de l’offre ou proposition de
concordat semble réserver le règlement préventif aux entreprises bien structurées et qui savent ce qu’elles veulent.
§ II : La décision de suspension des poursuites et de désignation d’un expert
Dès le dépôt de la proposition de concordat préventif, celle-ci est transmise sans délai au président de la
juridiction compétente qui rend une décision de suspension des poursuites individuelles et désigne un expert
pour lui faire rapport sur la situation économique et financière de l'entreprise, les perspectives de son redressement
compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les créanciers et toutes autres mesures
contenues dans les propositions du concordat préventif (art. 8).
La suspension des poursuites individuelles a un vaste champ d’application : concerne les actions
engagées avant la décision et non encore définitivement tranchées et les actions qui seraient introduites depuis lors
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ainsi que les demandes en paiement comme les voies d'exécution. En sont exclues les actions tendant à la
reconnaissance de créances ou de droits contestés ou les actions cambiaires dirigées contre les signataires de l’effet
de commerce autres que le bénéficiaire de la suspension des poursuites (art. 9). De plus, les intérêts légaux ou
conventionnels, les intérêts moratoires et les majorations continuent de courir mais ne sont pas exigibles.
En contrepartie de la suspension des poursuites individuelles, il est interdit au débiteur :
- de payer les créances antérieures à la décision et visées par celle-ci ou de désintéresser les cautions qui
payent de telles créances ;
- de faire un acte de disposition étranger à l'exploitation normale de l'entreprise ou de consentir une sûreté
(article 11).
Quant à l'expert, il est informé dans les 8 jours de la décision par le président du tribunal ou le débiteur.
Disposant de moyens d'information importants, notamment auprès des administrations publiques et des banques,
l’expert est chargé de signaler les manquements du débiteur vis-à-vis des interdictions qui lui sont faites et surtout de
faciliter la conclusion d'un accord entre le débiteur et ses créanciers. Il doit déposer son rapport dans les deux mois
de sa saisine, sauf autorisation motivée du président de la juridiction de proroger ce délai d'un mois.
Dans l’ensemble, ce délai peut sembler a priori trop bref pour faire un travail de qualité. Toutefois, l’expert
effectue son travail sur la base de l’offre de concordat déposée avant sa nomination : il n’a donc pas à élaborer son
rapport ex nihilo. Le rapport de l’expert contient le concordat préventif proposé par le débiteur ou conclu entre lui et
ses créanciers. On peut considérer que le concordat entre dans sa phase d’aboutissement ou de finalisation avec le
dépôt du rapport de l’expert.
SECTION II : LA PHASE DE L'ABOUTISSEMENT : LA FORMATION ET LES EFFETS DU REGLEMENT
PREVENTIF
Le concordat préventif, s'il est homologué, produit des effets sur les créanciers et sur le débiteur, ce qui
invite à examiner, d’une part, la décision relative à l’homologation du concordat et, d’autre part, les effets du
concordat préventif.
§ I : La décision relative à l’homologation du concordat
Dans les 8 jours du dépôt du rapport de l'expert, le président saisit la juridiction compétente et convoque le
débiteur et tout créancier qu'il juge utile d'entendre, au moins 3 jours à l'avance, ainsi que l'expert à une audience non
publique où la juridiction va statuer sur l'homologation du concordat dans le délai d'un mois.
Le concordat ne peut être homologué que si les conditions de validité du concordat sont réunies, s'il est
sérieux et si les délais consentis n'excèdent pas trois ans pour l'ensemble des créanciers et un an pour les créanciers
de salaires. Si le concordat ne comporte pas de demande de remise mais seulement une demande de délai
n'excédant pas deux ans, la juridiction peut rendre ce délai opposable aux créanciers qui ont refusé tout délai et toute
remise. Ce serait faire preuve de prudence pour le débiteur que de prévoir des propositions concordataires
respectant ces conditions, qui permettent de passer outre la mauvaise volonté de certains créanciers.
La décision de règlement préventif ou d'homologation du concordat doit être publiée dans les mêmes
conditions que celle de RJ ou de LB (RCCM, JAL, JO). Le souci de protéger les créanciers et les tiers a prévalu sur la
protection du crédit de l’entreprise que la publicité peut sérieusement détériorer.
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La même décision met fin à la mission de l'expert rapporteur (qui doit faire un compte rendu et restituer les
pièces), et, pour surveiller l’exécution du concordat, désigne un juge-commissaire et peut désigner un syndic et des
contrôleurs.
§ II : Les effets du concordat homologué
Le concordat homologué s'impose à tous les créanciers antérieurs sans distinction selon qu’ils sont
chirographaires ou munis de sûretés (art. 18), dans les conditions de délais et de remises qu’ils ont consenties au
débiteur, sauf si, le délai sollicité n’excédant pas deux ans, la juridiction a rendu le concordat opposable même aux
créanciers qui ont refusé tout délai et toute remise. Les cautions qui ont acquitté des dettes du débiteur nées
antérieurement à la décision sont soumises au concordat. Les créanciers munis de sûretés réelles ne perdent pas
leurs garanties mais ils ne peuvent les réaliser qu’en cas d’annulation ou de résolution du concordat auquel ils ont
consenti ou qui leur a été imposé. Or une sûreté n’a d’intérêt que si elle garantit le paiement dans le délai convenu.
Mais l’on sait que l’exercice prématuré des sûretés aurait constitué un frein ou un obstacle au redressement de
l’entreprise. Néanmoins, la situation des créanciers munis de sûretés ne se confond pas avec celle des créanciers
chirographaires. La Cour d’appel d’Abidjan semble faire une correcte application de l’opposabilité des délais et des
remises du concordat aux créanciers qui n’y ont pas consenti.
Le syndic reçoit une mission de surveillance et de contrôle dont le but est de favoriser le respect des
engagements pris en ce qui concerne le paiement des créanciers et les mesures d'assainissement de l'entreprise. Il
signale sans délai tout manquement au juge-commissaire.
Les contrôleurs représentant les créanciers et choisis parmi eux sont chargés de surveiller l'exécution du
concordat préventif dans les mêmes conditions que celles prévues pour le concordat de redressement judiciaire
(articles 128, 129 et 138). La désignation du syndic et des contrôleurs est facultative. Au cas où il ne serait pas
nommé de syndic ni de contrôleurs, comme cela semble souhaitable dans le RP si les dirigeants sont de bonne
moralité pour limiter les frais de la procédure, il reviendra au juge-commissaire de surveiller lui-même l’exécution du
concordat et de faire rapport à la juridiction compétente des violations constatées.
Le débiteur recouvre la libre administration et disposition de ses biens dès que la décision de
règlement préventif est passée en force de chose jugée.
Quant aux voies de recours, elles sont réglementées de manière stricte afin de favoriser la célérité et
l'efficacité du règlement préventif. Généralement, les délais sont brefs et la juridiction saisie doit se prononcer
rapidement (dans un délai d'un mois par exemple). La décision de suspension des poursuites individuelles n'est
susceptible d'aucune voie de recours (article 22).
En définitive, la procédure de règlement préventif devrait, si elle est correctement appliquée,
contribuer à renflouer ou assainir beaucoup d'entreprises et à leur éviter la cessation des paiements, qui
conduit inéluctablement au redressement judiciaire ou à la liquidation des biens. Cependant, comme le professeur
Didier Martin l'a écrit d'une façon magistrale et imagée, « quels que soient les soins mis à prévenir, contenir et
résoudre amiablement les difficultés, il faudra encore souvent se résoudre à organiser plus brutalement le destin de
l'entreprise quand, imperméable aux thérapeutiques douces et malgré elles, elle aura franchi le seuil clinique de la
cessation des paiements. Alors s'imposera le choix entre la médecine (la continuation de son activité sous contrôle),
la chirurgie (par amputation partielle ou cession globale) et l'euthanasie (par liquidation judiciaire de ses actifs) ».
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DEUXIEME PARTIE : LE TRAITEMENT DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES
Il y a lieu d'appliquer un traitement de choc lorsque le mal est profond ou que la prévention a échoué, en
d'autres termes, lorsque l'entreprise est en état de cessation des paiements. A ce moment s’appliquent les
procédures collectives stricto sensu que sont le redressement judiciaire et la liquidation des biens. Il y a lieu de
mentionner que, pour de nombreuses causes, le redressement judiciaire peut être converti en liquidation des biens.
Cependant, malgré leurs finalités différentes, à savoir d’un côté le redressement et de l’autre la disparition de
l’entreprise, ces deux procédures comportent de nombreuses similitudes, ce qui explique que de nombreuses
dispositions de l'Acte uniforme leur sont communes, lesquelles se manifestent principalement dans les conditions
d’ouverture et les organes ainsi que relativement aux effets sur le débiteur et sur les créanciers et beaucoup moins
pour ce qui est des solutions qui y mettent fin.
TITRE I : LES CONDITIONS D’OUVERTURE ET LES ORGANES DES PROCEDURES DE
TRAITEMENT
L’ouverture de la procédure soulève principalement la question des conditions d’ouverture à laquelle peut
être greffée celle des organes qui sont pour la plupart mis en place par le jugement d’ouverture.
CHAPITRE I : LES CONDITIONS D’OUVERTURE
Les procédures collectives produisent des conséquences graves : elles restreignent les droits des
créanciers et limitent les pouvoirs du débiteur. Elles produisent des conséquences économiques et sociales. Dans
une certaine mesure, ce sont des procédures de sacrifice. C’est pourquoi, elles ne peuvent être ouvertes que si des
conditions précises de fond et de forme sont réunies.
SECTION I : LES CONDITIONS DE FOND
Les deux conditions de fond sont classiques même si elles ont connu une évolution. Elles tiennent, d’une
part, à la qualité du débiteur (doit-il avoir la qualité de commerçant ?) et à sa situation économique (à savoir la
cessation des paiements).
§ I : La condition juridique : la qualité de justiciable
Classiquement, la qualité de commerçant était exigée de tous les justiciables parce qu’il n’y a pas de faillite
civile. Cette exigence est maintenue par l’AUPC en ce qui concerne les personnes physiques. La qualité de
commerçant découle de la réunion des conditions posées par l’AUDCG selon lequel « sont commerçants ceux qui
accomplissent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » (art. 2).
L’immatriculation au RCCM entraîne une présomption simple de commercialité. La non-immatriculation
n’empêche pas la soumission aux procédures collectives car ce serait primer ceux qui violent la loi que de leur
permettre d’y échapper. Il en est de même des interdictions et des incompatibilités qui ne sont pas un obstacle à
l’ouverture d’une procédure collective. Il en est différemment, en revanche, des incapacités qui visent à protéger
l’incapable : mineur non émancipé, majeurs incapables (tutelle, curatelle, protection de justice). Quant au conjoint
d’un commerçant, certainement dans le but de protéger le « patrimoine familial », il n’aura la qualité de commerçant
que s’il accomplit les actes visés aux articles 3 et 4 de l’AUDCG, à titre de profession habituelle et séparément de
ceux de son époux (art. 7).
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Le commerçant décédé en état de cessation des paiements peut être soumis aux procédures collectives
dans le délai d’un an à compter du décès. Le commerçant effectivement retiré du commerce peut faire l’objet d’une
procédure collective dans le délai d’un an suivant la publication de son retrait au RCCM (on dit d’un tel commerçant
qu’il est radié du registre du commerce). L’ouverture d’une procédure collective peut être demandée contre un
associé indéfiniment et solidairement responsable du passif social dans le délai d’un an à partir de la mention de son
retrait de la société au RCCM lorsque la cessation des paiements est antérieure à son retrait.
D’une manière générale, il se pose la question de l’opportunité de soumettre aux procédures collectives,
comme l’ont fait certains législateurs, les artisans, les agriculteurs, les professions libérales, les membres du
« secteur informel », dont on reconnaît la difficulté d’appréhension par le droit, ou tout débiteur comme c’est le cas
dans certains pays.
Pour les personnes morales, l’AUPC retient d’abord les personnes morales commerçantes : sociétés
commerciales par la forme (SA, SARL, SNC, SCS) et toute société ou personne morale ayant la qualité de
commerçant (question qui a perdu de son importance au regard du second volet). Il retient ensuite les personnes
morales de droit privé. Celles-ci se distinguent des personnes morales de droit public (Etat, collectivités territoriales,
établissements publics) et des personnes morales de droit privé qui sont commerciales par leur seule forme. Ainsi en
relèvent ou pourraient en relever les sociétés coopératives et groupements pré-coopératifs, les associations et ONG,
les sociétés civiles (immobilières, agricoles ou professionnelles), les groupements d’intérêt économique (GIE), les
syndicats, les comités d’entreprise, les fondations, les ordres professionnels... Mais pour l’assujettissement aux
procédures collectives, l’important est la qualification de personne morale de droit privé et moins de savoir si celle-ci
est commerçante ou non. A cet égard, lesdites personnes morales doivent jouir effectivement de la personnalité
morale et donc, pour la plupart, être immatriculées au RCCM. Enfin, l’AUPC vise de façon expresse « toute
entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de droit privé ». L’AUPC présente ainsi l’avantage de
clarifier la situation des entreprises publiques dont la plupart revêtent en pratique une forme de droit privé, avec
même, en général, la qualité de commerçant. Cette tendance s’est renforcée à la faveur des programmes
d’ajustement qui ont conduit à la privatisation du capital ou de la gestion des entreprises publiques et à la
transformation des EPIC (établissements publics à caractère industriel et commercial) en sociétés d’Etat.
La condition juridique doit être accompagnée de la condition économique, en l’occurrence la cessation des
paiements, qui est celle qui déclenche la demande d’ouverture de la procédure.
§ II : La condition économique : la cessation des paiements
La cessation des paiements est une notion importante pour l’ouverture des procédures collectives. C’est
une notion de droit contrôlée par la juridiction de cassation qui vérifie que les faits souverainement constatés par les
juridictions du fond sont constitutifs de la cessation des paiements. Elle est définie par l’AUPC comme la situation où
le débiteur est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible (article 25). Le débiteur
est tenu de faire une déclaration aux fins d’ouverture d’une procédure collective dans les 30 jours de la cessation de
ses paiements.
Pendant longtemps a prévalu une conception dualiste de la cessation des paiements distinguant :
- la cessation des paiements ouverte qui se traduit par l’arrêt matériel du service de caisse, autrement dit le
non-paiement d’une ou de plusieurs dettes certaines, liquides, exigibles, de nature commerciale ou civile, et qui sert à
ouvrir la procédure ;
- la cessation des paiements déguisée qui se traduit par l’utilisation de moyens frauduleux, ruineux ou
factices, en d’autres termes la gêne financière, et qui sert à reporter dans le temps la cessation des paiements.
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Diverses raisons ont conduit à une conception unitaire : la réalité unique du phénomène : seules les
difficultés de preuve ont conduit à différencier ses deux manifestations ou formes de la cessation des
paiements (forme déguisée, forme ouverte) ; l’évolution jurisprudentielle et surtout la définition légale. L’on pourrait
donc ouvrir une procédure collective sur la base de faits constituant antérieurement la cessation des paiements
déguisée.
Il se pose surtout à l’heure actuelle la question de l’efficacité de la cessation des paiements, même dans
une conception unitaire.
Théoriquement, la cessation des paiements est différente de l’insolvabilité, caractérisée, elle, par le fait
que l’actif total est inférieur au passif total. Dans les faits cependant, il arrive fréquemment que la cessation des
paiements recouvre une véritable insolvabilité, ce qui rend difficile et même impossible le redressement de
l’entreprise et le paiement des créanciers. D’une manière générale, l’on peut estimer que la cessation des paiements,
même lorsqu’elle ne recouvre pas une véritable insolvabilité, correspond à une situation qui est irrémédiablement
compromise. De ce fait, le redressement de l’entreprise est rendu très difficile, voire impossible, et les créanciers ont
très peu de chance de recevoir un paiement substantiel.
Le critère le plus satisfaisant qui pourrait être substitué à la cessation des paiements paraît être celui de
l’existence de faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. L’on signale que c’est le critère retenu
pour l’alerte aussi bien dans l’AUDSC qu’en France. Cependant, un tel critère peut difficilement être appréhendé par
un créancier ou par des personnes ou autorités extérieures à l’entreprise. C’est pourquoi il est suggéré qu’il serve à la
saisine de la juridiction compétente par le débiteur ou par les dirigeants de l’entreprise, les autres protagonistes s’en
tenant toujours à la cessation des paiements. C’est ce que réalise la loi française du 27 juillet 2006 de sauvegarde
des entreprises.
Au demeurant, le critère de la cessation des paiements se défend avec de bons arguments s’il est
interprété avec un certain élargissement de la notion et si les juridictions nationales compétentes, à l’instar des
tribunaux de commerce belges, se dotent d’un service des enquêtes commerciales permettant une information rapide
et l’accélération de l’ouverture de la procédure collective.
En effet, « il serait dangereux, pour la sécurité des transactions commerciales, de permettre à un débiteur
d’obtenir une sorte de moratoire qui suspendrait le paiement de ses dettes alors qu’il n’est pas encore en état de
cessation des paiements », ce qui peut provoquer des difficultés au niveau d’autres entreprises. De plus, la solution
de telles difficultés avant la cessation des paiements relève de l’initiative du débiteur ou des dirigeants, ou de
solutions plus légères et plus souples comme le concordat amiable toujours possible avant toute saisine du tribunal,
le règlement préventif dans l’espace OHADA ou le règlement amiable en France. De telles solutions permettent
d’éviter la survenance de la cessation des paiements tout en préservant au mieux les intérêts des créanciers dont le
consentement est requis.
SECTION II : LA CONDITION DE FORME OU DE PROCEDURE : L’EXIGENCE D’UN JUGEMENT
Cette question d’importance mérite d’être approchée en examinant successivement : l’actualité de la
« faillite de fait » ; les règles de compétence et de saisine ainsi que les règles relatives au jugement.
§ I : L’actualité de la « faillite de fait »
L’exigence d’un jugement pour qu’existe une procédure collective valide semble découler du bon sens.
C’est d’ailleurs ce qu’exige expressément l’article 32 selon lequel « l’ouverture d’une procédure collective de
redressement judiciaire ou de liquidation des biens ne peut résulter que d’une décision de la juridiction compétente ».
Cela veut donc dire qu’il n’y a pas de faillite de fait ou de faillite virtuelle.
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Pourtant, certains éléments montrent que la faillite de fait a connu une place importante dans le passé et
demeure d’une certaine actualité :
- d’abord l’ancienne formulation de l’article 437 du Code de commerce de 1807, selon lequel « tout
commerçant qui cesse ses paiements est en état de faillite », fait penser que la faillite est avant tout une situation de
fait qui ne nécessite pas une décision de justice ;
- ensuite, l’article 147 du Code de commerce qui autorise le porteur d’une lettre de change à exercer ses
recours contre les signataires avant l’échéance en cas de cessation des paiements du tiré, même non constatée par
un jugement ;
- puis, l’application des règles des procédures collectives (suspension des poursuites individuelles, arrêt du
cours des intérêts…) par la jurisprudence française jusqu’en 1955 en l’absence de tout jugement d’ouverture ;
- enfin, l’application, jusqu’à la loi de 1985, des sanctions de la banqueroute à des débiteurs à l’égard
desquels aucune procédure n’a été ouverte.
L’AUPC, qui condamne la faillite de fait d’une manière générale, la maintient en ce qui concerne la
banqueroute. Ainsi, « une condamnation pour banqueroute simple ou frauduleuse ou pour délit assimilé à la
banqueroute simple ou frauduleuse peut être prononcée même si la cessation des paiements n’a pas été constatée
dans les conditions prévues par le présent Acte uniforme » (article 236). On doit considérer qu’est également
maintenue l’exception concernant les effets de commerce. En effet, le règlement de l’UEMOA du 19 septembre 2002
sur les systèmes de paiement maintient la règle du Code de commerce.
Le principe demeurant néanmoins celui de l’exigence d’un jugement, il se pose la question des règles de
compétence et de saisine.
§ II : Les règles de compétence et de saisine
S’agissant de la compétence d’attribution, elle est confiée à la juridiction compétente en matière
commerciale. De fait, à l’exception de quelques Etats parties ayant des tribunaux de commerce, dans la plupart des
Etats parties, ce sont les tribunaux de première instance ou de grande instance ou les tribunaux régionaux qui
connaissent des affaires civiles et commerciales.
Pour la juridiction territorialement compétente, c’est celle dans le ressort de laquelle le débiteur personne
physique a son principal établissement ou la personne morale a son siège social ou, à défaut, son principal
établissement ou, à défaut, son principal centre d’exploitation.
Il se pose aussi la question complexe et non clairement résolue de la compétence internationale des
juridictions et des effets des jugements rendus à l’étranger. Ces questions se posent lorsque le débiteur, personne
physique ou personne morale, possède des biens et des créanciers situés dans deux ou plusieurs Etats.
A ce sujet, deux théories s’opposent :
- la théorie de l’unité et de l’universalité de la faillite, qui veut qu’une seule procédure soit ouverte
contre le débiteur et permette d’appréhender l’ensemble de ses biens quel que soit leur lieu de localisation et de
payer tous les créanciers domiciliés dans différents Etats du monde sur un pied d’égalité ; une procédure répondant
aux critères ci-dessus doit être ouverte uniquement dans l’Etat qui abrite le centre des affaires du débiteur ; une
décision d’ouverture rendue dans ces conditions peut être aisément reconnue à l’étranger et recevoir l’exequatur ;
- la théorie des procédures dites plurales et territoriales, qui permet l’ouverture d’une procédure
collective dans tout Etat où le débiteur possède des biens ; cette conception favorise les créanciers des Etats où le
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débiteur possède beaucoup de biens alors que le nombre des créanciers et, surtout, le montant des créances ne sont
pas très élevés ; les procédures ouvertes sur la base de cette seconde théorie ne peuvent pas, fort logiquement,
obtenir l’exequatur à l’étranger ; c’est d’ailleurs pour cela qu’elles sont dites plurales et territoriales ; selon un auteur,
« la territorialité de la faillite est moins un système que l’effet d’une liquidation anarchique du patrimoine dont les
éléments se localisent en plusieurs pays ».
La France admet les deux théories opposées en tirant avantage de chacune d’elles. C’est dans le même
sens qu’il faut situer l’AUPC (articles 4 et 247 à 256) ainsi que les instruments internationaux en vigueur ou non qui
traitent des procédures collectives internationales. L’AUPC, d’une part, admet que l’on puisse ouvrir une procédure
contre une entreprise n’ayant pas son siège social dans l’Etat dont le tribunal est saisi, d’autre part prévoit l’existence
d’une procédure principale et d’une ou de plusieurs procédures secondaires. Dans l’intérêt de l’entreprise, des
créanciers et du débiteur, il est prévu un devoir d’information réciproque entre les syndics des différentes procédures,
une collaboration entre les organes des procédures en présence et une hiérarchisation au profit de la procédure
principale. Ainsi, les solutions proposées pour la ou les procédures secondaires doivent obtenir l’accord du syndic de
la procédure principale, ce qui est de nature à réduire le risque de désordre que fait naître la pluralité de procédures.
Mais ce système semble limiter ses effets aux territoires des Etats parties au Traité de l’OHADA.
Concernant les modes de saisine, l’AUPC retient que la juridiction compétente peut être saisie sur
déclaration du débiteur (couramment appelée dépôt de bilan) par voie de requête dans les 30 jours de la cessation
des paiements ou sur assignation d’un créancier possédant une créance certaine, liquide et exigible. Selon l’article
28, l'assignation doit préciser la nature et le montant de la créance et viser le titre sur lequel elle se fonde. Enfin, la
juridiction compétente peut se saisir d’office. Mais il n'est pas prévu de saisine par le ministère public. Quel que soit le
mode de saisine, la juridiction compétente peut diligenter une enquête préliminaire afin de se prononcer en
connaissance de cause. Elle doit rendre sa décision de manière diligente (à la première audience utile), d'où
l'interdiction d'inscrire l'affaire au rôle général, ce qui risquerait de retarder son examen. A cet égard, on note que la
Cour d’appel d’Abidjan mentionne qu’un appel relatif à un règlement préventif a été inscrit au rôle général. Or, il nous
semble que la célérité recherchée pour le redressement judiciaire et la liquidation des biens existe aussi dans le
règlement préventif (cela ressort des articles 22 à 24) et elle doit être assurée non seulement en première instance
mais aussi en appel. Toutefois, la juridiction compétente ne doit en aucun cas rendre sa décision avant l’écoulement
d’un délai de 30 jours. Cette règle n’a pas été respectée par le TGI de Ouaga dans son premier jugement dans
l’affaire SOSACO.
§ III : Les règles relatives au jugement d’ouverture
La juridiction compétente choisit la procédure idoine : « elle prononce le redressement judiciaire s’il
apparaît que le débiteur a proposé un concordat sérieux. Dans le cas contraire, elle prononce la liquidation des
biens » (article 33). Le critère du choix entre le redressement judiciaire et la liquidation des biens est donc le fait de
proposer ou de ne pas proposer, dans les délais, un concordat sérieux. Le concordat sérieux est probablement celui
qui, tout en préservant l'entreprise et en permettant son assainissement, assure le paiement des créanciers dans des
conditions acceptables. L'adoption du critère de la « situation irrémédiablement compromise » eût été plus indiquée
pour éviter que, pour des raisons de délai ou de qualité formelle du dossier soumis, la liquidation des biens ne soit
ouverte. Il se peut, en effet, que l'entreprise soit redressable mais que ses dirigeants ne parviennent pas à respecter
le délai imparti pour déposer une proposition de concordat sérieux ou que celle-ci, en la forme ou sur le plan
technique, présente des déficiences. Dans un tel cas, l'ouverture de la liquidation des biens serait un gâchis
économique. A la décharge du législateur OHADA, il faut reconnaître qu'il est difficile de redresser l'entreprise sans
les efforts, l'implication et la bonne volonté des dirigeants, sauf par le recours à la cession globale. Du reste, retarder
l'ouverture de la liquidation des biens peut causer un préjudice aux créanciers.
Le jugement d’ouverture :
- constate la cessation des paiements et fixe provisoirement sa date ;
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- prononce le redressement judiciaire ou la liquidation des biens ;
- nomme un juge-commissaire parmi les juges de la juridiction, en principe différent du président ;
- nomme le ou les syndics ;
- décide, s’il y a lieu, l’apposition des scellés sur les biens du débiteur ;
- indique que la décision doit être publiée conformément aux dispositions de l’AUPC.
Le jugement d’ouverture, couramment qualifié de jugement déclaratif mais qui est en réalité constitutif, fait
l’objet de publicités au RCCM, dans un journal d’annonces légales et au Journal officiel, conformément aux
dispositions des articles 36 et 37.
Quant aux voies de recours, elles sont réglementées de manière à ne pas ralentir outre mesure la
procédure. Ainsi, l’appel et l’opposition doivent être formés dans les 15 jours (articles 216 à 225).
Le jugement d’ouverture et l’AUPC mettent en place des organes chargés de conduire la procédure à
bonne fin.
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CHAPITRE II : LES ORGANES DE LA PROCEDURE
Les procédures collectives ne peuvent réaliser les finalités poursuivies qu’avec le concours des organes
mis en place par le jugement d’ouverture ou à compter de celui-ci. Ainsi, on distingue à cet égard les organes
judiciaires, les organes ambivalents et les organes des créanciers.
SECTION I : LES ORGANES JUDICIAIRES
Ils sont au nombre de deux : un organe « lourd », qui est la juridiction compétente elle-même, et un organe
« léger », qui est le juge-commissaire, auxquels tend à s’ajouter le ministère public.
§ I : La juridiction compétente
La juridiction compétente, celle qui a ouvert la procédure, a reçu deux fonctions essentielles de l’AUPC.
La première est une fonction de haute administration de la procédure qui l’amène à nommer et à révoquer
les autres organes (J-C et syndic et seulement révocation des contrôleurs), à autoriser les opérations les plus
importantes ou les plus dangereuses, comme l’apposition des scellés, la continuation d’activité en cas de liquidation
des biens, l’homologation du concordat, la conversion du redressement judiciaire en liquidation des biens, le
prononcé de la clôture des opérations quelle que soit la procédure.
La seconde est une fonction de centralisation des contestations dont l’objectif est d’assurer une bonne
administration de la procédure. Ainsi, elle est habilitée à connaître de toutes les contestations nées de la procédure
collective, de celles sur lesquelles la procédure collective exerce une influence juridique, ainsi que de celles
concernant la faillite personnelle et les autres sanctions, à l’exception de celles qui sont exclusivement attribuées aux
juridictions administratives, pénales ou sociales (art. 3). Cette formulation de l’AUPC vise à embrasser les extensions
progressives opérées à bon escient par la Cour de cassation française au profit de la juridiction ayant ouvert la
procédure.
§ II : Le juge-commissaire
S’agissant du juge-commissaire, il est nommé par le jugement d’ouverture, en principe parmi les juges de
la juridiction autres que le président. La juridiction compétente peut à tout moment procéder à son remplacement.
Son rôle est essentiel dans le déroulement des opérations et dans l’avancement de la procédure. Placé sous
l’autorité de la juridiction, il veille au déroulement rapide de la procédure et à la préservation des intérêts en présence.
Pour bien remplir sa mission, il a droit à une information large auprès des banques, de divers organismes
et administrations nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, y compris celles prévoyant le
secret professionnel. Le syndic doit, dans le mois de son entrée en fonction, lui faire rapport de la situation du
débiteur. Par la suite, le juge-commissaire est tenu informé par le syndic du déroulement des opérations selon une
périodicité qu’il fixe lui-même.
Les attributions du juge-commissaire sont nombreuses. Le juge-commissaire joue, au moins
théoriquement, un rôle important et des plus actifs. Tout comme en France où s’applique actuellement la loi de 1985
réformée, « on peut dire du juge-commissaire qu’il est le chef d’orchestre de la procédure nouvelle... il ne devra plus
se contenter, comme souvent par le passé, d’être un juge « parapheur » des décisions prises par le syndic ».
D’une manière générale, il contrôle ou surveille l’action du syndic, il autorise les opérations ou prend les
décisions qui excèdent la compétence du syndic sans requérir l’intervention du tribunal (nomination des contrôleurs,
choix du mode et fixation des conditions de vente des immeubles, cession globale des biens, admission des
créances...).
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Il bénéficie de nombreux chefs de compétence en matière contentieuse et gracieuse, généralement à
charge d’opposition devant la juridiction compétente. Il en est ainsi pour les réclamations concernant les opérations
du syndic et de toute difficulté survenant dans le déroulement de la procédure, du moment que la loi n’a pas attribué
compétence à un autre organe. Dans ce cadre, le juge-commissaire prend des ordonnances généralement
susceptibles d’opposition dans les 8 jours. Les décisions par lesquelles la juridiction compétente statue sur les
recours formés contre les décisions rendues par le juge-commissaire dans les limites de ses attributions ne sont
susceptibles ni d’opposition ni d’appel, à l’exception de celles statuant sur les revendications et sur les décisions
prévues aux articles 162 et 164 (art. 216).
§ III : Le ministère public
A ces organes judiciaires classiques s’ajoute le ministère public qui prend une importance croissante dans
les procédures collectives du fait de leur caractère d’ordre public. Cependant, l’AUPC n’a pas fait œuvre
révolutionnaire. A titre principal, il prévoit seulement un droit de communication réciproque entre le ministère public et
le juge-commissaire. D’ailleurs, le défaut de communication d’un document au ministère public ne peut être invoqué
que par le représentant du ministère public. Il n’a pas reçu compétence pour saisir la juridiction aux fins d’ouverture
d’une procédure collective. Il doit simplement communiquer à celle-ci les informations dont il dispose afin qu’elle
puisse se saisir d’office.
Bien que doté de peu de prérogatives, le ministère public peut contribuer, directement ou surtout
indirectement, à accélérer la procédure, à la rendre efficace et à assurer sa moralité.
En conclusion, sur les organes judiciaires, il est nécessaire de souligner que leur rôle est essentiel dans le
correct déroulement des procédures collectives et dans l’atteinte des objectifs que celles-ci poursuivent. La tendance
est même à l’accroissement de ce rôle si l’on examine les législations récentes (législation française, AUPC). Des
auteurs ont même suggéré l’institution d’une magistrature économique. En pratique en Afrique, il nous a semblé que
les organes judiciaires n’ont pas totalement pris conscience de la mesure de leur rôle. En effet, passé le jugement
d’ouverture où ils font montre d’une certaine légèreté dans l’examen des conditions d’ouverture, ils ne s’intéressent
que de très loin à la suite des opérations, ce qui peut permettre à un syndic indélicat, peu compétent ou simplement
peu soucieux de la préservation des intérêts en présence, de conduire la procédure dans une « voie de garage ». Il
n’est pas rare que des procédures judiciairement ouvertes se terminent « en queue de poisson », sans jugement de
clôture, sans redressement de l’entreprise et sans paiement des créanciers. Il conviendrait donc, à la faveur du
nouveau droit harmonisé, que les juges concernés par une procédure collective, spécialement le président de la
juridiction compétente et surtout le juge-commissaire, maîtrisent davantage le droit applicable et trouvent un temps
suffisant à lui consacrer car sont en cause non pas seulement les intérêts du débiteur et des créanciers mais
également l’intérêt général.
SECTION II : L’ORGANE AMBIVALENT : LE SYNDIC
Le syndic joue un rôle de premier plan dans le déroulement et dans le dénouement des procédures
collectives, surtout avec la réduction du rôle des créanciers et le peu d’intérêt qu’y attachent les organes judiciaires
une fois la procédure ouverte. Son statut, sa fonction et sa responsabilité appellent quelques précisions.
§ I : Le statut
Le jugement d’ouverture désigne un à trois syndics que la juridiction compétente peut révoquer sur
proposition du juge-commissaire. Généralement, les syndics sont choisis sur une liste de spécialistes arrêtée par la
Cour d’appel. Il est interdit de désigner des parents ou des alliés du débiteur jusqu’au 4e degré inclusivement.
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Lorsque la procédure fait suite à un règlement préventif, il est interdit de désigner l’expert comme syndic, sans doute
pour traduire la rupture entre les deux procédures.
Le syndic est un mandataire de justice rémunéré pour son travail. Mais en règle générale, la fixation de sa
rémunération ne fait pas l’objet d’une tarification claire dans les Etats parties au Traité de l’OHADA. En pratique, en
l’absence de réglementation, la rémunération est souvent fixée à un niveau si élevé qu’elle est en mesure de ruiner
tout espoir de redressement de l’entreprise ou de paiement substantiel des créanciers.
§ II : La fonction
La fonction du syndic consiste à assister le débiteur dans le redressement judiciaire et à le représenter
dans la liquidation des biens. Le syndic représente également la masse des créanciers et agit en tant que mandataire
de justice, si bien qu’il peut y avoir un conflit de fonctions.
Dans les deux procédures, il initie ou prend, avec ou sans le débiteur, toutes les décisions relatives à
l’administration et aux solutions de la procédure, à charge, pour les décisions importantes, d’obtenir l’autorisation du
juge-commissaire ou du tribunal. En cas de redressement judiciaire, le syndic conduit la procédure de vérification des
créances et prépare le vote du concordat en essayant de rapprocher les positions du débiteur et des créanciers. En
cas d’adoption du concordat, le syndic peut être maintenu en fonction pour en surveiller l’exécution. Il peut accomplir
seul les actes conservatoires. En cas de mauvaise volonté du débiteur ou des dirigeants, il peut être autorisé à
accomplir seul certains actes. Dans la liquidation des biens, outre la vérification des créances, il accomplit les
opérations liquidatives : recouvrement des créances, vente des biens meubles ou immeubles, celle de immeuble
requérant le respect d’une procédure lente et lourde, séparément ou en bloc, paiement des créanciers selon leur
rang… mais il a souvent besoin de l’autorisation du juge-commissaire.
Quelle que soit la procédure, il revient au syndic d’engager les actions en justice : en paiement des
créances, en responsabilité civile, en comblement du passif, en vue de l’extension de la procédure aux dirigeants
sociaux...
§ III : La responsabilité
La responsabilité du syndic est civile ou pénale selon le cas.
Le syndic engage sa responsabilité civile vis-à-vis du débiteur, de la masse des créanciers, d’un
créancier pris individuellement pour un préjudice qui lui est propre ou d’un tiers. Les possibilités de responsabilité
sont nombreuses. A titre d’exemple, l’on note que :
- le syndic est tenu de vérifier si les mentions et publicités ont été accomplies et d’inscrire la décision
d’ouverture conformément aux dispositions organisant la publicité foncière (art. 37 ou 38) ;
- il doit rendre compte de sa gestion au juge-commissaire ;
- il doit vendre les biens du débiteur sujets à dépérissement ou à dépréciation rapide, recouvrer les
créances du débiteur et verser les sommes recueillies sur un compte bancaire ;
- il répond de l’accomplissement régulier de l’ensemble des opérations que la loi lui confie.
Sur le plan pénal, l’infraction qui vise principalement le syndic est prévue à l’article 243. Cette disposition
punit des peines prévues par le droit pénal en vigueur dans chaque Etat partie pour les infractions commises par une
personne faisant appel au public au préjudice d’un loueur, dépositaire, mandataire, constituant de nantissement,
prêteur à usage ou maître d’ouvrage, tout syndic d’une procédure collective, qui :
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- exerce une activité personnelle sous le couvert de l’entreprise du débiteur masquant ses agissements ;
- dispose du crédit ou des biens du débiteur comme des siens propres ;
- dissipe les biens du débiteur ;
- poursuit abusivement de mauvaise foi, dans son intérêt personnel, soit directement, soit indirectement,
une exploitation déficitaire de l’entreprise du débiteur ;
- en violation des dispositions de l’article 51 de l’AUPC, se rend acquéreur pour son compte, directement
ou indirectement, des biens du débiteur.
A ces incriminations variées s’appliquent les sanctions de l’abus de confiance. A titre d’exemple, l’abus de
confiance est puni au Burkina d’un emprisonnement de un à cinq ans et/ou d’une amende de trois cent mille à un
million cinq cent mille francs ou de l’une de ces deux peines seulement. Au sujet de ces incriminations qui sont
justifiées, le Professeur Y. Guyon estime utile de rappeler que « la procédure est organisée dans l’intérêt de
l’entreprise et des créanciers et non dans celui des auxiliaires de justice ».
La mise en jeu de la responsabilité du syndic, qu’elle soit civile ou pénale, est très rare actuellement, voire
inexistante. Elle devrait intervenir plus souvent si l’on veut moraliser et rendre plus efficace le rôle joué par cet organe
si capital au succès des procédures collectives. Et ce ne sont pas les occasions de mise en œuvre qui ont manqué,
loin s’en faut.
Il faut signaler qu’en droit comparé français, une diversification des professions d’auxiliaires de justice
intervenant dans les procédures collectives a été opérée par la loi du 25 janvier 1985 qui en retient trois catégories :
les administrateurs judiciaires, les mandataires-liquidateurs et les experts en diagnostic d’entreprise.
Aux organes judiciaires et ambivalents s’ajoutent ceux des créanciers.
SECTION III : LES ORGANES DES CREANCIERS
Classiquement, la première finalité des procédures collectives était le paiement des créanciers. La
procédure était organisée pour y donner satisfaction. En conséquence, les créanciers jouaient un rôle important dans
ces procédures. L’évolution a conduit à faire une place de premier plan au redressement de l’entreprise et aux
auxiliaires de justice que sont les syndics ainsi qu’au juge-commissaire. Depuis 1935, le rôle des créanciers s’est
notablement amoindri.
A l’heure actuelle, le rôle direct des créanciers se manifeste à travers l’assemblée des créanciers et
l’institution facultative des contrôleurs. Dans l’AUPC, il ne reste plus qu’une assemblée des créanciers chargée de
voter le concordat en cas de redressement judiciaire. Même cette unique assemblée n’est pas de rigueur si le
concordat ne contient pas de demande de remise de dettes mais seulement des demandes de délais de paiement
n’excédant pas deux ans. Mais ce rôle réduit pourrait être considéré comme exorbitant en ce qu’il confère aux
créanciers un droit de vie ou de mort sur l’entreprise, qui pourrait ne pas être exercé à bon escient et aboutir à sa
suppression comme cela est le cas en France depuis 1985.
Quant aux contrôleurs, dont la désignation effective par le juge-commissaire dans une procédure donnée
est facultative, sauf lorsqu’elle est demandée par la majorité des créanciers, ils ont reçu de l'AUPC une mission
quelque peu vague de surveillance et de contrôle. Ils sont consultés sur les questions importantes et peuvent
formuler des suggestions pour le bon déroulement de la procédure. Ils n’engagent leur responsabilité qu'en cas de
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faute lourde. Les contrôleurs peuvent être chargés en cas de vote du concordat du contrôle de l'exécution de celui-ci.
Exercé à bon escient, le rôle des contrôleurs peut être bien utile.
Tous ces organes - judiciaires, ambivalents et des créanciers - administrent la procédure, laquelle produit
des effets sur le débiteur et sur les créanciers.
TITRE II : LES EFFETS DE LA PROCEDURE COLLECTIVE SUR LE DEBITEUR ET SUR LES
CREANCIERS
Le jugement qui prononce le redressement judiciaire ou la liquidation des biens produit ses effets à
compter de sa date, y compris à l'égard des tiers et avant qu'il n’ait été procédé à sa publicité (art. 52). Tout comme
en France où existe une semblable formule dans le décret du 21 avril 1988 (art. 2), il faut décider que le jugement
prend effet dès la première heure du jour où il est rendu. C'est d'ailleurs dans ce sens que se prononçait la Cour de
cassation française avant 1960. C’est la fameuse règle dite du « zéro heure ». Dans le droit commun des procédures
collectives, elle présente l’avantage de supprimer toutes les difficultés ayant trait à la détermination du moment précis
du prononcé de la décision d’ouverture, favorisant ainsi le sauvetage de l’entreprise et l’égalité de traitement entre les
créanciers. Un règlement récent de l’UEMOA vient y apporter une dérogation importante en matière bancaire.
La procédure collective produit ses effets concomitamment sur le débiteur et sur les créanciers.
Malheureusement, on ne peut pas les aborder en même temps mais plutôt successivement.
CHAPITRE I : LES EFFETS DE LA PROCEDURE COLLECTIVE SUR LE DEBITEUR
La procédure collective, dès son prononcé, produit d’importantes conséquences sur le débiteur, même si
l’incarcération, mesure de sûreté, n’est plus prévue.
Les conséquences du jugement d’ouverture touchent particulièrement son patrimoine - c’est l’élément qui
intéresse ses créanciers. Ainsi sont prévues par l’AUPC, d’une part, des mesures conservatoires et des mesures
tendant à connaître l’actif, d’autre part, des mesures tendant à l’administration des biens du débiteur à travers le
dessaisissement.
SECTION I : LES MESURES CONSERVATOIRES ET LES MESURES TENDANT A CONNAITRE
L’ACTIF DU DEBITEUR
Il y a lieu de distinguer et d’aborder tour à tour les mesures conservatoires et les mesures tendant à
connaître l’actif du débiteur. Ces mesures visent particulièrement la liquidation des biens.
§ I : Les mesures conservatoires
Elles se traduisent, d’une part dans l’apposition des scellés, d’autre part dans les actes conservatoires que
le syndic ou le débiteur va accomplir.
S’agissant de l’apposition des scellés, rarement usitée en pratique, c’est une mesure qui peut être
prescrite par le jugement d’ouverture. Elle porte sur les caisses, coffres, portefeuille, livres, papiers, meubles, effets,
magasins et comptoirs du débiteur. S’il s’agit d’une personne morale comportant des membres indéfiniment
responsables des dettes de la personne morale, l’apposition des scellés va automatiquement embrasser les biens de
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chacun d’eux. L’AUPC comporte une innovation consistant dans la possibilité de prescrire l’apposition des scellés sur
les biens des dirigeants des personnes morales. Cette mesure contribue à une plus grande efficacité des sanctions
patrimoniales qui pourraient être prononcées contre les dirigeants de ces personnes morales (art. 59).
Sur proposition du syndic, le juge-commissaire peut le dispenser de faire placer sous scellés ou autoriser
le syndic à en extraire :
- les objets mobiliers et effets indispensables au débiteur et à sa famille sur l’état qui lui est soumis ;
- les objets soumis à dépérissement prochain ou à dépréciation imminente ;
- les objets nécessaires à l’activité professionnelle du débiteur ou à son entreprise quand la continuation
de l’exploitation est autorisée.
Ces objets sont, de suite, inventoriés avec prisée par le syndic en présence du juge-commissaire qui signe
le procès-verbal.
La mise sous scellés des biens du débiteur a un caractère provisoire puisqu’elle prend fin dès que
commence l’inventaire.
Les actes conservatoires sont ceux qui tendent à préserver les droits du débiteur et, d’une manière
générale, à conserver la consistance du patrimoine du débiteur. Par exemple, sont considérés comme des actes
conservatoires au sens de l’AUPC :
- l’inscription d’hypothèques sur les immeubles des débiteurs du débiteur, et, d’une manière générale,
l’inscription ou le renouvellement des sûretés ;
- l’exercice de l’action oblique ;
- la vente des biens sujets à dépérissement ou à dépréciation rapide.
A cette fin, le syndic reçoit dès le jugement d’ouverture de liquidation des biens le pouvoir d’accomplir ou
d’exercer les actes, droits et actions du débiteur concernant son patrimoine, y compris, bien entendu, les actes
conservatoires. En ce qui les concerne, en raison de leur nature particulière, même le débiteur supplanté peut les
accomplir.
En cas de redressement judiciaire, non seulement le débiteur peut accomplir seul les actes conservatoires
et même les actes de gestion courante entrant dans l’activité habituelle de l’entreprise mais également le syndic peut,
sur autorisation du juge-commissaire, faire seul un acte nécessaire à la sauvegarde du patrimoine de l’entreprise si le
débiteur ou les dirigeants de la personne morale refusent de le faire. Si le syndic refuse son assistance au débiteur
ou aux dirigeants, ceux-ci peuvent l’y contraindre par décision du juge-commissaire (art. 52, al. 4).
Pour accomplir ces actes, notamment pour l’inscription d’hypothèques, le syndic joint à sa requête un
certificat constatant sa nomination.
§ I : Les mesures tendant à connaître l’actif : l’inventaire
Il s’agit de l’inventaire qui doit commencer dans les trois jours qui suivent l’apposition des scellés. Le
syndic doit, en effet, dans ce délai requérir leur levée. L’inventaire a lieu en présence du débiteur ou tout au moins
celui-ci dûment appelé par lettre recommandée ou par tout moyen laissant trace écrite. En cas de décès du débiteur,
ses héritiers sont appelés aux lieu et place de celui-ci. Le représentant du ministère public peut assister à l’inventaire.
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Le syndic peut se faire aider par toute personne qu’il juge utile pour la rédaction de l’inventaire, comme pour
l’estimation des biens.
L’inventaire doit être aussi complet et aussi exact que possible. Il est établi à partir des livres, pièces ou
documents comptables déposés par le débiteur avant le jugement d’ouverture. En effet, l’article 26 prescrit que de
nombreux documents, qui peuvent être utiles pour l’inventaire, soient joints à la déclaration de cessation des
paiements prévue à l’article 25. A défaut, l’inventaire est diligenté à partir des livres que le syndic trouvera sur place
dans l’entreprise. Il est fait recollement des objets mobiliers échappant à l’apposition des scellés ou extraits des
scellés après inventaire et prisée.
L’inventaire est établi en double exemplaire : l’un est immédiatement déposé au greffe de la juridiction
compétente, l’autre reste entre les mains du syndic.
En cas de liquidation des biens et en raison de la finalité de celle-ci, une fois l’inventaire terminé, les
marchandises, les espèces, les valeurs, les effets de commerce et les titres de créance, les livres et papiers, meubles
et effets du débiteur sont remis au syndic qui en prend charge au bas de l’inventaire afin de commencer les
opérations liquidatives.
Au total, l’inventaire est une opération importante. Il conditionne la suite de la procédure, notamment
l’apurement du passif. Mais le syndic dispose de peu de prérogatives pour découvrir les biens que le débiteur ne
serait pas disposé à laisser appréhender par des tiers, si bien que l’inventaire se révèle assez souvent décevant.
L’efficacité de l’inventaire supposerait une moralité « angélique » de la part du débiteur, comme du temps de César
Birotteau. En effet, sauf s’il fait preuve de beaucoup de naïveté et d’abnégation, le débiteur ne sera guère disposé à
révéler la consistance de ses biens ou de sa fortune au syndic. Il paraît indiqué, en vue de favoriser l’atteinte des
objectifs des procédures collectives, de rechercher un système qui contraindrait le débiteur à déclarer l’ensemble de
ses biens.
SECTION II : LES MESURES TENDANT A L’ADMINISTRATION DES BIENS DU DEBITEUR : LE
DESSAISISSEMENT
On distingue classiquement le dessaisissement dans la faillite et l’assistance dans la liquidation judiciaire.
C’est ce que fait l’AUPC respectivement pour la liquidation des biens et le redressement judiciaire. La doctrine
moderne invite à assimiler les deux situations et à faire état dans les deux cas de dessaisissement. En effet, dans la
liquidation judiciaire ou dans la faillite, tout comme dans le redressement judiciaire ou dans la liquidation des biens,
l’activité du débiteur, touchant particulièrement son patrimoine, ne peut plus ignorer la situation nouvelle. Dans un
cas, il ne peut plus agir : il est représenté par le syndic ; dans l’autre, il doit se faire assister par le syndic, c’est-à-dire
obtenir son accord et sa participation à l’acte. Il y a donc seulement une différence de degré à l’intérieur d’une même
situation qui est le dessaisissement.
Après une brève étude de la nature et du domaine du dessaisissement, il conviendra d’en préciser les
limites ainsi que les effets.
§ I : La nature et le domaine du dessaisissement
Ce sont des questions importantes qui méritent d’être succinctement abordées à tour de rôle.
A- La nature du dessaisissement
S’agissant de sa nature, le dessaisissement doit être comparé à un certain nombre d’institutions, ce qui
permettra d’approcher sa nature juridique réelle.
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Le dessaisissement diffère de l’incapacité et de l’expropriation. L’incapable ne peut pas faire d’acte
juridique valable et en général l’incapacité est édictée pour le protéger. Or le débiteur peut faire des actes juridiques
inattaquables par lui-même et par le tiers avec lequel il a traité. Seulement, l’acte est inopposable à la masse. Il n’y a
pas non plus expropriation puisque la masse n’acquiert pas la propriété du patrimoine du débiteur.
En revanche, le dessaisissement se rapproche de la saisie et de l’inopposabilité. D’une part, le
dessaisissement entraîne l’indisponibilité des biens du patrimoine du débiteur et il apparaît que les procédures
collectives sont des voies d’exécution propres au droit commercial. D’autre part, l’inopposabilité qualifie assez bien la
situation créée par le jugement d’ouverture. L’inopposabilité se dit d’un acte juridique dont la validité en tant que telle
n’est pas contestée mais dont les tiers peuvent écarter les effets. Elle se distingue de la nullité qui opère erga omnes,
c’est-à-dire à l’égard de tous. Appliquée aux procédures collectives, l’inopposabilité permet à la masse d’ignorer les
actes faits par le débiteur en contravention aux règles légales.
B- Le domaine du dessaisissement
Le dessaisissement a un domaine vaste.
Dans le temps, le dessaisissement va du jugement d’ouverture à la clôture de la procédure et ne distingue
pas selon la bonne ou mauvaise foi du cocontractant. Les actes passés avant le jugement d’ouverture ne peuvent
être atteints que par les inopposabilités de la période suspecte. Après la clôture, le débiteur retrouve la libre
administration et disposition de son patrimoine.
S’agissant des biens, le dessaisissement concerne les biens présents mais également les biens à venir,
notamment ceux qui pourraient échoir au débiteur par succession ou à la suite de l’exercice d’une autre activité.
Pour ce qui est de l’activité juridique du débiteur, en principe, celle-ci est inopposable à la masse qu’il
s’agisse d’actes juridiques (sanctions : l’acte passé est inopposable et le débiteur peut être frappé des peines de la
banqueroute), d’actions judiciaires ou des conséquences des faits juridiques.
§ II : Les limites au dessaisissement
Malgré sa très large portée, le dessaisissement comporte des limites relatives aux biens et d’ordre
procédural, ainsi que des limites relatives aux actes.
A- Les limites relatives aux biens et d’ordre procédural
Le dessaisissement ne concerne pas les biens insaisissables ou alimentaires comme les biens mobiliers
nécessaires à la vie et au travail du débiteur et de sa famille. Il est prévu en plus la possibilité d’octroi judiciaire de
secours alimentaires au débiteur et à sa famille. Par ailleurs, le jeu normal des règles des régimes matrimoniaux n’est
pas considéré comme un avantage anormal à remettre en cause.
Sur le plan procédural, le dessaisissement n’embrasse pas les actions extrapatrimoniales ni les actions
patrimoniales faisant intervenir de manière prépondérante des considérations personnelles ou familiales. Dans le
cadre de la procédure, le débiteur peut interjeter appel contre le jugement d’ouverture, contre le jugement refusant
d’homologuer le concordat, convertissant le redressement judiciaire en liquidation des biens... Il peut contester des
créances.
B- Les limites relatives aux actes
Le dessaisissement ne s’étend pas aux actes conservatoires qui, finalement, contribuent à préserver la
consistance du patrimoine du débiteur, ni à la compensation. Sur ce point, il convient de relever les apports de
l’AUPC. Celui-ci vise la compensation dans certaines de ses dispositions :
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- en premier lieu, l’article 68 exclut des inopposabilités de plein droit tout paiement de dettes échues par
« compensation légale, judiciaire ou conventionnelle de dettes ayant un lien de connexité entre elles...» ;
- en second lieu, l’article 103, concernant la revendication de marchandises ou d’objets mobiliers
consignés ou remis au débiteur pour être vendus avec une clause de réserve de propriété, autorise la revendication,
en cas d’aliénation, contre le sous-acquéreur, du prix ou de la partie du prix dû si celui-ci n’a été ni payé en valeur ni
compensé en compte courant entre le débiteur et le sous-acquéreur ;
- en troisième lieu, l’article 109 relatif à l’exécution des contrats en cours, prévoit que la juridiction
compétente, saisie d’une action en résolution du cocontractant contre le syndic, peut prononcer la compensation
entre les acomptes reçus pour des prestations non encore fournies par lui avec les dommages-intérêts dus pour la
résolution.
Il résulte de ces dispositions que la compensation est largement admise dès qu’il y a connexité. Il n’y a pas
lieu de distinguer :
- selon que la créance découle d’un compte courant ou d’autres comptes ;
- ou selon que les créances réciproques dérivent de l’exécution correcte d’un même contrat ou que l’une
des créances s’analyse en une créance de dommages-intérêts.
On peut en conclure que toutes les solutions de la jurisprudence française sont plus ou moins
reprises par l’AUPC. Ces cas de compensation retenus paraissent justifiés.
§ III : Les effets du dessaisissement
Le dessaisissement, comme on peut s’en douter, produit à la fois des effets négatifs et des effets positifs.
A- Les effets négatifs : l’inopposabilité à la masse
Les actes accomplis par le débiteur seul sont inopposables à la masse. Cette inopposabilité a un caractère
plus général que celle de la période suspecte puisqu’elle s’applique à tous les actes quelle que soit la bonne ou
mauvaise foi du cocontractant du débiteur.
Concrètement, l’inopposabilité implique que celui qui a payé au débiteur doit payer une nouvelle fois entre
les mains du syndic ; celui qui a acheté un bien au débiteur et en a pris livraison doit le rendre au syndic ; celui qui a
été payé par le débiteur doit restituer la somme perçue au syndic.
L’inopposabilité a un caractère définitif à l’égard de la masse : le créancier qui a méconnu les règles du
dessaisissement est un créancier hors de la masse. Ainsi, le créancier qui a acheté un bien au débiteur non
seulement doit le rendre au syndic, représentant la masse, mais, en plus, il ne peut pas produire pour obtenir le
remboursement du prix payé au débiteur. Les seules atténuations sont, d’une part, l’article 2279 du Code civil, d’autre
part, l’engagement personnel du débiteur. Le cocontractant a un recours contre lui. Ce recours ne peut s’exercer
qu’après la clôture de la procédure et n’est utile que si le débiteur revient à meilleure fortune.
B - Les effets positifs du dessaisissement : l’« ensaisinement » de la masse
L’intensité de l’« ensaisinement » de la masse varie selon qu’il s’agit de la liquidation des biens ou du
redressement judiciaire puisque, dans le premier cas, il y a représentation du débiteur tandis que dans le second il y
a une simple assistance de celui-ci. Dans les deux cas, mais surtout dans le redressement judiciaire, se pose en plus
le problème du sort des contrats en cours et, éventuellement, de la mise du fonds en location-gérance.
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1) L’assistance du débiteur dans le redressement judiciaire
Le redressement judiciaire tend au sauvetage de l’entreprise. C’est pourquoi, d’une part, la continuation
d’activité est automatique et ne nécessite aucune autorisation, d’autre part, le débiteur continue d’agir.
L’assistance signifie que tous les actes importants requièrent le concours du débiteur et du syndic. Par
contre, chacun d’eux peut faire des actes conservatoires. De plus, le syndic peut se faire autoriser par le jugecommissaire à agir seul si le débiteur ou les dirigeants refusent de faire un acte nécessaire à la sauvegarde du
patrimoine du débiteur. En sens inverse, le débiteur ou les contrôleurs peuvent contraindre le syndic à accorder son
assistance pour accomplir des actes d’administration ou de disposition par décision du juge-commissaire. Enfin,
même en cas d’accord du syndic et du débiteur, une autorisation du juge-commissaire est nécessaire pour les actes
susceptibles de compromettre la survie de l’entreprise tels que la vente des immeubles ou de certaines
immobilisations, par exemple les machines servant dans la production.
Si le concordat est voté, la procédure prend fin. Sinon, la procédure est convertie en liquidation des biens.
2) La représentation du débiteur en cas de liquidation des biens
50- La procédure de liquidation des biens exclut le redressement ou le sauvetage de l’entreprise et, par
voie de conséquence, le concordat.
La continuation d’activité après le jugement d’ouverture ne peut se faire qu’avec l’autorisation de la
juridiction compétente et dans des conditions restrictives : en effet, elle ne peut être autorisée que pour les besoins
de la liquidation et uniquement si elle ne met pas en péril l’intérêt public ou celui des créanciers (art. 113).
Le syndic conduit les opérations liquidatives : recouvrement des créances, vente des biens du débiteur,
paiement des créanciers.
La vente des biens meubles se fait de la façon jugée la plus appropriée. La vente des immeubles
nécessite l’intervention du juge-commissaire qui fixe les modalités de la vente (enchères publiques, adjudication ou
gré à gré) ainsi que les conditions ou éléments essentiels de la vente (fixation du prix ou de la mise à prix, modalités
de paiement du prix). La cession globale de tout ou partie de l’actif fait appel aux offres parmi lesquelles le syndic
choisit l’offre qui lui paraît la plus sérieuse et la soumet, ainsi que les avis du débiteur et des contrôleurs, au jugecommissaire.
Quant au règlement du passif, il se fait conformément à l’ordre de paiement prévu par les articles 166 et
167.
3) Le sort des contrats en cours
Le problème des contrats en cours concerne les contrats à exécution successive et les contrats à
exécution instantanée qui n’ont pas encore produit tous leurs effets juridiques essentiels. Il se pose en cas de
continuation, même momentanée, d’activité, laquelle nécessite l’exécution des anciens contrats et la conclusion de
nouveaux contrats.
La solution qui serait la plus favorable au redressement de l’entreprise consiste à permettre au syndic
l’exercice d’un entier choix entre la continuation du contrat aux conditions stipulées et sa résiliation unilatérale sans
dommages-intérêts. Pour le partenaire, la solution la plus intéressante est celle qui lui permet d’opter pour la
continuation ou la résiliation en fonction de son intérêt.
Pour l’AUPC, « hormis les contrats conclus en considération de la personne du débiteur et ceux prévus
expressément par la loi de chaque Etat partie, la cessation des paiements déclarée par décision de justice n’est pas
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une cause de résolution et toute clause de résolution pour un tel motif est réputée non écrite » (art. 107). La
continuation d’activité, automatique en cas de redressement judiciaire, fait l’objet d’une réglementation
restrictive et prudente, dictée par l’intérêt des créanciers en cas de liquidation des biens. Elle doit être autorisée
seulement si elle est justifiée par les besoins de la liquidation, par exemple pour transformer un stock de matières
premières en produits finis ou pour maintenir en bon état une unité de production dont la cession est envisagée.
La continuation des contrats en cours est décidée par le syndic seul en fonction de l’intérêt de
l’entreprise et/ou des créanciers. Le syndic a l’obligation de fournir la prestation promise à l’autre partie, ce qui
signifie qu’en principe les prestations fournies au débiteur après le jugement d’ouverture doivent être payées au
comptant. Cela est souhaitable d’autant plus que le débiteur est provisoirement déchargé du passif antérieur. En
pratique, cela pourrait soulever quelques difficultés. C’est pourquoi l’alinéa 2 prévoit que si l’autre partie s’exécute
sans avoir reçu la prestation promise, elle devient créancière de la masse.
Le syndic peut être contraint d’exercer son option ou de fournir la prestation promise (art. 108, al. 3). La
résolution est encourue dès lors que le syndic n’est pas en mesure de fournir la prestation promise. Il en est de
même si le syndic ne manifeste pas son intention d’imposer la continuation du contrat après avoir été mis en
demeure de le faire par le cocontractant. Ce dernier pourra prétendre à des dommages-intérêts mais il sera, à ce
titre, créancier dans la masse. Il ne pourra pas compenser les acomptes reçus pour des prestations non encore
fournies avec les dommages-intérêts dus pour la résolution. Toutefois, la juridiction saisie de l’action en résolution
peut prononcer la compensation ou l’autoriser à différer la restitution des acomptes jusqu'à ce qu’il ait été statué sur
les dommages-intérêts. L’on peut penser que cela permettra aux dommages-intérêts de remplir les conditions de la
compensation afin que celle-ci puisse opérer. Du reste, l’AUPC semble assez favorable à la compensation.
Le bail. Parmi les contrats en cours lors de l’ouverture de la procédure et dont la continuation peut être
souhaitée, le bail occupe une place de choix. L’article 97 consacre le principe de la continuation avec des possibilités
de résiliation sur simple congé pour le preneur et dans des délais précis pour le bailleur pour des causes antérieures
à la décision d’ouverture. Des garanties de paiement sont prévues pour les loyers échus dans tous les cas ou à
échoir si le bail n’est pas résilié. Elles paraissent satisfaisantes et conformes aux principes.
Au contrat de bail et autres contrats continués s’applique une distinction devenue classique des contrats
entre créanciers de la masse bénéficiant d’un traitement favorable pour les prestations postérieures (paiement au
comptant ou refus d’exécuter la contre-prestation ou, à défaut, rang relativement intéressant dans le paiement) et
créanciers dans la masse pour les prestations antérieures pour lesquelles les contractants sont astreints à la
production.
Les contrats de travail. La question qui se pose pour les salariés est moins celle de la continuation des
contrats de travail, qui est automatique, que celle des licenciements. Il y a lieu d’y procéder le plus tôt possible s’ils
sont indispensables à la survie de l’entreprise, laquelle permet de conserver une partie des emplois, faute de quoi la
disparition de l’entreprise entraînera celle de tous les emplois. La procédure de licenciement pour motif économique
fait intervenir le syndic qui établit l’ordre des licenciements, les délégués du personnel qui doivent donner leur avis et
leurs suggestions sur les licenciements par écrit, l’Inspection du travail qui reçoit communication de la lettre de
consultation des délégués du personnel et de leur réponse, et le juge-commissaire dont le rôle est essentiel dans les
licenciements pour motifs économiques. Tous les documents (ordre des licenciements, avis des délégués du
personnel, lettre de communication à l’Inspection du travail) lui sont transmis et il autorise en tout ou en partie les
licenciements envisagés s’ils sont nécessaires au redressement de l’entreprise ou refuse son autorisation. La
décision du juge-commissaire autorisant ou refusant les licenciements est susceptible d’opposition dans les quinze
jours devant la juridiction compétente qui rend sa décision, sans appel, dans la quinzaine.
L’harmonisation du droit du travail en cours devrait, si elle aboutit, éviter les difficultés de coordination
entre les dispositions de l’AUPC (art. 110 et 111) de celles des codes de travail des Etats parties.
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4) Le recours à la location-gérance
La location-gérance ou gérance libre est le contrat par lequel le commerçant loue son fonds de commerce
à un autre commerçant qui l’exploite à ses risques et périls moyennant le versement d’une redevance périodique.
La location-gérance peut constituer une heureuse solution d’attente, surtout si la cause des difficultés tient
essentiellement à la mauvaise gestion du débiteur ou des dirigeants sociaux. Cependant, elle présente des
inconvénients tenant au fait que les locataires-gérants, souvent, ne disposant pas de fonds propres suffisants,
peuvent être tentés de « vider la substance de l’entreprise » ou de permettre au débiteur de reprendre son entreprise
en sous-main. C’est pourquoi l’AUPC ne l’admet que si la disparition ou la cession de l’entreprise est de nature à
compromettre son redressement ou de causer un trouble grave à l’économie nationale, régionale ou locale dans la
production et la distribution de biens et de services et en s’entourant du maximum de garanties, comme l’exigence de
l’indépendance du locataire-gérant vis-à-vis du débiteur, le respect de la durée maximale de deux ans, l’offre de
garanties fiables, sans doute en matière de préservation de la consistance de l’entreprise et de paiement de la
redevance.
En conclusion, la situation du débiteur est caractérisée, d’une part par la nécessité de connaître et de
protéger la consistance de son patrimoine, d’autre part par le dessaisissement qui produit des effets négatifs et
positifs en relation avec l’objectif de paiement des créanciers et/ou de redressement de l’entreprise. Les effets sur le
débiteur se produisent en même temps que ceux sur les créanciers.
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CHAPITRE II : LES EFFETS DE LA PROCEDURE COLLECTIVE SUR LES CREANCIERS
Les effets du jugement d’ouverture ne comportent pas, en règle générale, de différence selon qu’il s’agit du
redressement judiciaire ou de la liquidation des biens.
Il faut rappeler que l’une des finalités principales des procédures collectives est la préservation des intérêts
des créanciers. Pourtant, l’ouverture de la procédure entraîne plutôt une réduction de leurs droits, ce qui paraît plutôt
paradoxal. L’explication de cette situation est simple : il s’agit de traiter de manière égalitaire les créanciers antérieurs
et de s’assurer que leurs droits sont fondés. C’est ainsi que la procédure entraîne le regroupement des créanciers
antérieurs en une masse (Section I), la révision des droits de certains créanciers (Section II), ainsi qu’une situation
complexe nécessitant une classification des différentes catégories de créanciers et de leurs droits (Section III).
SECTION I : LA MASSE ET LES CREANCIERS QUI LA COMPOSENT
« La décision d’ouverture constitue les créanciers en une masse représentée par le syndic qui, seul,
agit en son nom et dans l’intérêt collectif et peut l’engager » (article 72). Cette affirmation fondamentale est
néanmoins insuffisante puisqu’elle ne permet pas de savoir ce qu’est la masse (sa structure et ses prérogatives) ni
les créanciers qui en font partie.
§ I : La structure de la masse
Elle pose la question de la notion de masse et de certaines de ses implications ainsi que celle de ses
conséquences, spécialement l’uniformisation de la condition des créanciers.
A- La notion de masse
Le terme de masse évoque un groupement qui ne rentre pas dans les catégories connues et qui se
singularise par son caractère obligatoire, comme la collectivité des obligataires, par exemple. Le Code de commerce,
la doctrine et la jurisprudence du milieu et de la fin du 19e siècle faisaient déjà usage du terme de masse et
proclamaient la réunion des créanciers en une masse dès le prononcé de la procédure collective.
S’agissant de la personnalité morale de la masse, le Professeur Thaller affirmait avec force déjà en 1922
que « la masse, le noyau des créanciers groupés afin de liquider le gage commun, forme une véritable personne
morale tenue des engagements du syndic ». La jurisprudence française a, de façon régulière, proclamé la
personnalité juridique de la masse à partir de 1956 en s’inspirant de l’arrêt de principe de la Cour de cassation rendu
à propos des comités d’établissement : « la personnalité morale n’est pas une création de la loi ; elle appartient en
principe à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes,
par suite, d’être juridiquement reconnus et protégés ».
Il faut signaler parmi les prérogatives de la masse l’hypothèque légale dont elle bénéficie. Son intérêt
paraît a priori limité. Elle garantit la bonne exécution du concordat. En effet, chaque ancien créancier dans la masse
en bénéficie à titre individuel, ce qui lui permet de ne pas être primé par les créanciers que l’activité du débiteur
postérieurement au concordat va entraîner.
B- L’uniformisation de la condition juridique des créanciers
Le jugement d’ouverture modifie profondément la situation des créanciers. Il en résulte une uniformisation
ou une égalisation de leur condition juridique, qui affecte le contenu des créances et l’exercice des droits.
Il y a, en premier lieu, la règle de l’exigibilité des créances à terme ou de la déchéance du terme, mais
elle est partiellement abandonnée. Classiquement, l’exigibilité des créances à terme était considérée comme une maigre
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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consolation pour les créanciers qui subissent de nombreux désagréments à compter du jugement d’ouverture.
Désormais, la décision d’ouverture ne rend exigibles les dettes non échues qu’en cas de liquidation des biens et à
l’égard du débiteur seulement (art. 76).
Il y a, en second lieu, l’arrêt du cours des intérêts à l’égard de la masse. L’un des fondements de cette
règle est purement logique : il ne convient pas de réclamer les intérêts là où le remboursement du principal est
incertain. Peu importe que la créance soit chirographaire ou garantie par une sûreté. Seule la masse est fondée à
s’en prévaloir et non le débiteur et les coobligés.
Il y a, en troisième lieu, l’arrêt du cours des inscriptions de toute sûreté mobilière ou immobilière. A
compter du jugement d’ouverture, le dessaisissement empêche la prise d’une sûreté qui ne respecterait pas les
règles légales. De ce fait, l’interdiction vise principalement les sûretés prises avant le jugement d’ouverture et qui ne
seraient pas encore publiées à la date de celui-ci. Si malgré l’interdiction, il est procédé à la publication de la sûreté,
celle-ci doit être annulée ou déclarée inopposable.
Enfin, il y a l’importante règle de la suspension des poursuites individuelles à compter du jugement
d’ouverture. Peu importe que l’action soit engagée avant le jugement d’ouverture ou soit introduite depuis lors ou qu’il
s’agisse d’une demande en paiement ou de l’exercice d’une voie d’exécution, pourvu qu’elle n’ait pas encore produit
son principal effet juridique. S’agissant du cas particulier des voies d’exécution, des précisions peuvent s’avérer
utiles. Ainsi, il convient de partir de la finalité poursuivie et de se demander si celle-ci est d’ores et déjà atteinte, auquel cas
la saisie ne peut plus être remise en cause, ou si elle reste à parfaire, auquel cas la suspension ou l’arrêt des poursuites
empêche sa finalisation. A ce titre, les saisies conservatoires sont suspendues tant qu’elles n’ont pas été transformées en
saisies-ventes. Les saisies-ventes elles-mêmes sont suspendues tant qu’elles n’ont pas conduit à la vente des biens saisis.
La suspension ne s’applique toutefois pas aux actions en nullité ou en résolution ni aux actions tendant à la reconnaissance
de droits ou à la fixation de leur montant. L’exercice de cette seconde catégorie d’actions est reprise ou initiée après la
production des créances en cas de rejet définitif ou d’admission provisoire ou partielle.
§ II : L’admission effective dans la masse : la procédure de vérification des créances
C’est l’admission de la créance qui permet au créancier de postuler ou de prétendre aux dividendes. Pour
être admise, la créance doit être produite et vérifiée.
A- La production
La production consiste à faire une déclaration du montant des sommes réclamées accompagnée d’un
bordereau récapitulatif des pièces remises constituant titre. Elle commence à partir de la décision d’ouverture et
prend fin à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la deuxième insertion dans un journal d’annonces légales. Elle
concerne tous les créanciers, qu’ils soient chirographaires ou munis de sûretés. Les créanciers inscrits qui n’ont pas
produit dans les 15 jours sont personnellement avertis par le syndic par lettre recommandée avec accusé de
réception ou par tout moyen laissant trace écrite.
Les créanciers qui n’ont pas produit dans les délais ou dans les 15 jours de l’avertissement sont forclos. Ils
peuvent être relevés de forclusion dans des conditions strictes de délai (avant l’arrêté et le dépôt de l’état des
créances) et de fond (preuve de l’absence de faute) avec une limitation des droits des intéressés qui ne peuvent
concourir que pour les répartitions de dividendes postérieures à leur demande. En l’absence de production dans les
délais ou de relevé de forclusion, les créances concernées sont inopposables à la masse (liquidation des biens) ou
éteintes (redressement judiciaire).
B- La vérification.
La vérification est obligatoire quelle que soit l’importance de l’actif et du passif. Elle a lieu dans les 3 mois
du jugement d’ouverture. Elle est faite par le syndic au fur et à mesure des productions, en présence du débiteur et
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
des contrôleurs s’il en a été nommé ou en leur absence s’ils ont été dûment appelés par pli recommandé ou par tout
moyen laissant trace écrite. La vérification porte à la fois sur l’existence de la créance, son quantum et la validité des
sûretés qui en garantissent le paiement.
L’état des créances est déposé au greffe après signature par le juge-commissaire qui mentionne pour
chaque créance : le montant et le caractère provisoire ou définitif de l’admission ; sa nature chirographaire ou
garantie par une sûreté et laquelle ; si une instance est en cours ou si la contestation ne relève pas de sa
compétence.
Le juge-commissaire ne peut rejeter en tout ou en partie une créance ou une revendication ou se déclarer
incompétent qu’après avoir entendu ou dûment appelé le créancier ou le revendiquant, le débiteur et le syndic.
L’état des créances est déposé et publié dans un journal d’annonces légales et au journal officiel dans le
but d’informer les créanciers afin que ceux-ci, le cas échéant, puissent le contester.
Les contestations introduites dans les délais (15 jours) de la publication sont tranchées par la juridiction de
la procédure ou par la juridiction dont relève l’affaire. En attendant la décision, les créances concernées sont admises
par provision.
C- L’admission.
L’admission s’analyse comme un contrat judiciaire qui produit les conséquences d’une décision de justice
à laquelle est attachée l’irrévocabilité, ce qui met la créance à l’abri de toute contestation ultérieure. Elle ne joue que
dans la mesure de ce qui a été vérifié et admis. Il n’y a pas d’effet novatoire : la créance va subsister avec l’ensemble
de ses caractéristiques. En cas de clôture de l’union ou de clôture pour insuffisance d’actif, les créanciers dont les
créances sont admises recevront un titre exécutoire.
SECTION II : LA REVISION DES DROITS DES CREANCIERS
L’ouverture de la procédure va entraîner la révision des droits de certains créanciers, révision fondée
souvent sur l’idée de fraude présumée et, quelquefois, sur l’apparence de propriété.
§ I : Les inopposabilités de la période suspecte
Les inopposabilités de la période suspecte appellent quelques observations préliminaires, puis des
précisions sur les cas d’inopposabilité et, enfin, sur les effets des inopposabilités.
A - Observations générales
Les inopposabilités telles qu’elles existent actuellement sont le fruit d’une évolution qui a visé la protection
des créanciers de bonne foi dont le droit est né pendant la période suspecte. L’inopposabilité entretient des liens
étroits avec l’action paulienne, laquelle présente un intérêt lorsque les conditions des inopposabilités ne sont pas
remplies, et des liens ténus avec la vérification des créances.
La période suspecte s’étend de la cessation des paiements au jour du jugement d’ouverture. En pratique,
on rencontre des cessations des paiements dérisoires ou trop longues aggravant l’insécurité pour les créanciers, d’où
la limitation de la durée de la période suspecte à 18 mois comme en France.
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L’inopposabilité est relative : elle profite seulement à la masse et seul le syndic, son représentant, est
habilité à agir en inopposabilité jusqu’au dépôt de l’arrêté des créances. L’action est de la compétence de la
juridiction de la procédure.
B - Les cas d’inopposabilités
Les termes utilisés (sont inopposables, peuvent être déclarés inopposables) permettent de distinguer les
inopposabilités de droit des inopposabilités facultatives.
Au titre des inopposabilités de droit, l’article 68 énumère six catégories d’actes.
1° Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière. Sont visées en fait les
donations puisque les bénéficiaires de libéralités pour cause de mort passent toujours après les créanciers. Le
fondement de cette inopposabilité est simple : il n’est pas normal que le débiteur, incapable de payer ses dettes,
choisisse de faire des donations. Toutes les donations quelle qu’en soit la forme sont visées.
2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre
partie. Il s’agit de neutraliser les libéralités déguisées ou tout au moins les déséquilibres prononcés au détriment du
débiteur et, par voie de conséquence, de ses créanciers. Le déséquilibre doit s’apprécier en se plaçant au jour de la
formation du contrat.
3° Tout paiement, quel qu’en soit le mode, de dettes non échues, sauf s’il s’agit du paiement d’un effet de
commerce. Il y a une anomalie, une volonté de rupture d’égalité entre les créanciers, à payer des dettes non échues
pendant que l’on ne paye pas les dettes exigibles.
4° Tout paiement de dettes échues fait autrement qu’en espèces, effet de commerce, virement,
prélèvement, carte de paiement ou de crédit ou compensation légale, judiciaire ou conventionnelle de dettes ayant un
lien de connexité entre elles ou tout autre mode normal de paiement. L’inopposabilité concerne les modes ou
procédés anormaux de paiement, comme la cession de créance, la délégation, la dation en paiement… Afin de tenir
compte de l’évolution, l’Acte étend la liste des modes de paiements normaux et opère une ouverture en visant
expressément « tout autre mode normal de paiement ».
5° Toute hypothèque conventionnelle ou nantissement conventionnel, toute constitution de gage,
consentie sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées. Lorsque la sûreté est postérieure à la
dette, il y a une volonté de rompre l’égalité entre les créanciers, qui s’explique de la manière suivante : le créancier
concerné, conscient des difficultés du débiteur, réclame et obtient une sûreté ou bien le débiteur, pour éviter une
poursuite en paiement, propose une sûreté au créancier qui l’accepte.
6° Toute inscription provisoire d’hypothèque judiciaire conservatoire ou de nantissement judiciaire
conservatoire. Il s’agit de rendre inutile la manœuvre du créancier habile qui, sentant approcher la procédure
collective, solliciterait à titre conservatoire l’inscription d’une sûreté.
Quant aux inopposabilités facultatives, elles se caractérisent par le fait que même si les conditions sont
réunies, le juge dispose d’un pouvoir souverain pour prononcer ou refuser de prononcer l’inopposabilité. Il y a donc
une certaine souplesse par rapport aux inopposabilités de droit. Les actes doivent avoir été accomplis pendant la
période suspecte, ou six mois avant en ce qui concerne les libéralités, et ils doivent causer un préjudice à la masse
(pas d’intérêt, pas d’action).
L’article 69 vise de nombreux actes comme les actes translatifs à titre gratuit faits dans les 6 mois
précédant la période suspecte, les inscriptions pour sûretés concomitantes ou les actes à titre onéreux ou les
paiements volontaires de dettes échues si le cocontractant du débiteur avait connaissance de la cessation des
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
paiements. Il vise également les hypothèses où l’action en rapport est recevable en cas de paiement d’un effet de
commerce ou d’un chèque.
C- Les effets des inopposabilités
Dans la plupart des cas, l’inopposabilité ne va pas invalider totalement la créance, même vis-à-vis de la
masse. Le créancier pourra produire à titre chirographaire et participer aux distributions des dividendes avec les
autres créanciers dans la masse. Par exemple :
- dans le cas de paiement de dettes non échues ou de dettes échues par des procédés anormaux, le
créancier payé rend ce qu’il a reçu comme paiement et produit pour être dans la masse ; son paiement intégral
deviendra partiel ; il en est de même des paiements rendus inopposables à titre facultatif et des rapports prévus en
cas de lettre de change, de billet à ordre ou de chèque ;
- dans le cas de constitution de sûreté pour la garantie de dettes antérieures, la sûreté seule est invalidée :
le créancier devient chirographaire. C’est la même solution pour toutes les inscriptions inopposables.
En revanche, pour les libéralités rendues inopposables, le bénéficiaire rend ce qu’il a reçu mais ne peut
pas participer dans la masse aux distributions de dividendes. On estime qu’il n’est pas à protéger autant que les
créanciers car il lutte de lucro captando, c’est-à-dire pour conserver un gain, tandis que les créanciers luttent de
damno vitando, c’est-à-dire pour éviter une perte.
D’autres cas de révision des droits des créanciers se produisent en dehors des inopposabilités.
§ II : Les modifications des droits réels et de préférence constitués sans fraude avant le
dessaisissement
Il y a un conflit d’intérêts entre les créanciers, surtout chirographaires et les bénéficiaires de ces droits,
entraînant un arbitrage difficile mais la tendance récente est à une admission large des actions en inopposabilité.
A- Le régime des actions en revendication
L’action en revendication est celle qui permet au propriétaire d’une chose détenue par un tiers, ici le
débiteur, de reprendre cette chose en établissant son droit de propriété. Il n’y a pas de difficulté en matière
immobilière : on applique les règles afférentes à cette propriété.
En matière mobilière, la détention du débiteur va entraîner une apparence de propriété du débiteur sur ces
biens dans l’esprit des créanciers. En principe, le propriétaire peut revendiquer son bien malgré la survenance de la
procédure collective : loueur, acquéreur ayant acquis avant le jugement d’ouverture, titulaire d’effets de commerce ou
de valeurs mobilières, bailleur dans la location-vente ou le crédit-bail... pourvu que les biens se retrouvent en nature,
soient individualisés et n’aient pas fait l’objet d’un endossement translatif pour les effets de commerce.
Le vendeur de marchandises peut les retenir s’il ne les a pas encore expédiées et même en cours de route
tant qu’elles ne sont pas encore dans les magasins du débiteur. Les clauses de réserve de propriété jusqu'à complet
paiement du prix sont valables à condition d’être stipulées dans un écrit et d’être régulièrement publiées au registre
du commerce et du crédit mobilier.
B - Les droits du conjoint du débiteur.
L’évolution historique, éclairante à plus d’un titre, est marquée par une indulgence croissante à l’égard du
conjoint du débiteur en état de cessation des paiements ou en faillite, étant indiqué que, pendant longtemps, le
débiteur commerçant était toujours l’homme et le conjoint du débiteur, la femme. Le Code de commerce de 1807 était
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sévère pour la femme du failli. On la soupçonnait d’être responsable, dans une certaine mesure de la faillite,
notamment par son train de vie, et on estimait qu’« à tout le moins elle devait partager la misère de son mari
puisqu’elle avait profité des années heureuses ». Le Code établissait donc entre les époux une certaine solidarité
dans le malheur.
La loi du 28 mai 1838 était sensiblement plus favorable à la femme. Le législateur a dû considérer que de
nombreuses femmes étaient plutôt victimes que complices des agissements de leurs maris. C’est le régime institué
par cette loi qui a été rendu applicable aux colonies et qui a été conservé par bon nombre d’Etats parties au Traité de
l’OHADA jusqu'à l’entrée en vigueur de l’AUPC. Par la suite, le décret du 20 mai 1955, lequel n’a pas fait l’objet
d’extension outre-mer, tenant compte de l’accès des femmes au commerce, a bilatéralisé l’essentiel de ces
dispositions avec quelques atténuations réduisant la sévérité du traitement du conjoint qui peut désormais être
indistinctement l’homme ou la femme.
Les lois françaises du 13 juillet 1967 et du 25 janvier 1985 ont apporté beaucoup de modifications à ce
régime. Elles facilitent les revendications du conjoint du débiteur, sauf en ce qui concerne les libéralités et les
avantages matrimoniaux consentis par le contrat de mariage. L’AUPC fait montre de sa faveur pour les solutions
modernistes, faveur qui apparaît principalement, dans l’abandon de la présomption mucienne et beaucoup moins
dans la reprise des immeubles propres et dans la limitation aux droits de la femme.
L’article 99 marque l’abandon de la présomption mucienne qui avait cours dans les Etats n’ayant pas
réformé leur législation. En vertu de cette présomption, hors le cas des immeubles et quel que soit le régime
matrimonial, les biens acquis par la femme du failli étaient réputés appartenir au mari, avoir été payés de ses deniers
et devaient être réunis à son actif. Si la femme avait payé des dettes de son mari, la présomption légale était qu’elle
l’avait fait avec des deniers de celui-ci, et elle ne pouvait, en conséquence, exercer une quelconque action dans la
faillite. Désormais, pour qu’un bien du conjoint du débiteur soit réuni à l’actif du débiteur, il faut que le syndic prouve
par tous moyens que ce bien a été acquis avec des valeurs fournies par le débiteur. En cas de reprise d’un bien par
l’époux intéressé, celui-ci supporte les dettes et sûretés dont le bien est grevé.
Parmi les problèmes importants qui se posent en cas d’ouverture d’une procédure collective figure la
situation des créanciers d’un époux in bonis commun en biens de l’autre époux placé en redressement judiciaire ou
en liquidation des biens.
SECTION III : LES DIFFERENTES CATEGORIES DE CREANCIERS ET LEURS DROITS
La question est rendue complexe par l’opposition d’intérêts entre les différentes catégories de créanciers,
la variété des sûretés en présence dans les procédures collectives et le nombre, souvent important, de créanciers
pouvant se prévaloir de la même sûreté, notamment d’un privilège général.
Il suffira de commencer par une classification générale prenant en compte l’ensemble des créanciers avant
de préciser le cas particulier des créanciers dans la masse et de s’appesantir sur l’ordre de paiement.
§ I : La classification générale fondée sur la date de naissance de la créance
Cette classification est dite générale parce qu’elle comprend, en principe, tous les créanciers concernés de
près ou de loin par la procédure collective. En partant du jugement d’ouverture, l’on distinguera les créanciers
antérieurs et les créanciers postérieurs à cette décision.
A- Les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture
Leurs créances sont nées avant le jugement ouvrant la procédure de concours. Il faut distinguer :
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- les créanciers formant la masse ou créanciers dans la masse : leurs créances ont été vérifiées et ils
sont définitivement admis dans la masse ; en tous les cas, aucune mesure d’inopposabilité n’a frappé leurs créances
en tant que telles (cas des donations) ; ces créanciers, soumis à la discipline collective, sont payés suivant l’ordre
prévu aux articles 166 et 167 et, dans certains cas, sur leur gage propre en cas de léthargie prolongée du syndic ;
- les créanciers hors la masse : leurs créances en tant que telles ont été frappées d’inopposabilité en tant
que telles ou encore ils n’ont pas produit ; de ce fait, la procédure collective les ignore ; ils ne peuvent obtenir
paiement tant que dure la procédure.
B - Les créanciers postérieurs au jugement d’ouverture
Leurs créances sont nées après le jugement ouvrant la procédure collective. On les distingue selon la
régularité de la naissance de leurs créances.
Les créanciers de la masse ou contre la masse sont ceux dont les droits sont nés en conformité avec le
dessaisissement (l’acte est passé par le syndic ou par le débiteur et le syndic). Ces créanciers en principe priment
tous les créanciers dans la masse. On estime, en effet, que leurs prestations ont profité à la masse. De toute façon,
celle-ci est engagée à travers son représentant. L’ordre exact de paiement est celui des articles 166 et 167.
Les créanciers hors la masse sont ceux dont les droits sont nés au mépris du dessaisissement. L’acte a
été conclu avec le débiteur seul dans des cas où l'assistance ou la représentation du syndic était nécessaire. La
masse est fondée à ignorer les droits de ces créanciers. Ceux-ci ne pourront exercer leurs droits sur le patrimoine du
débiteur tant que dure la procédure. Leurs droits sont inopposables à la masse.
§ II : Les créanciers dans la masse
Les créanciers dans la masse ou créanciers formant la masse sont les créanciers antérieurs qui ont produit
et ont été admis. Ils sont soumis à la discipline collective : arrêt des poursuites individuelles, arrêt du cours des
intérêts, absence partielle de déchéance du terme, arrêt des inscriptions. Ils peuvent prendre part au vote du
concordat et aux dividendes concordataires en fonction des dispositions concordataires ou aux dividendes de la
liquidation des biens en fonction de leur rang selon les articles 166 et 167.
Les catégories de créanciers faisant partie de la masse appellent quelques observations.
Les créanciers chirographaires sont soumis à l’ensemble des règles de la discipline collective, sont
payés au marc le franc et n’ont pas de droits particuliers. Généralement, ils ne reçoivent dans les procédures
collectives aucun paiement ou touchent des dividendes dérisoires.
Les créanciers munis de sûretés réelles, malgré leurs sûretés, se voient appliquer les règles de la
discipline collective. Afin de faciliter les opérations de réalisation de l’actif mobilier et immobilier, le droit individuel de
poursuite des créanciers gagistes, nantis ou hypothécaires est suspendu mais seulement jusqu'à l’expiration d’un
délai de 3 mois suivant le jugement de liquidation des biens. Passé ce délai, si le syndic n’a pas réalisé les biens
concernés, les créanciers peuvent reprendre l’exercice de leur droit de poursuite à charge de rendre compte au
syndic (art. 149 et 150). L’AUPC concilie ainsi le souci de permettre au syndic de réaliser l’ensemble de l’actif dans
les meilleures conditions sans livrer les créanciers munis de telles sûretés à l’inertie ou à l’attentisme prolongé du
syndic.
Les créanciers titulaires de privilèges généraux sont astreints à la discipline collective ; en particulier,
ils doivent produire ; ils peuvent prendre part au vote du concordat. Leur ordre de paiement préférentiel figure aux
articles 166 et 167. L’Acte uniforme sur les sûretés restreint et clarifie les privilèges généraux. En cas de retard
prolongé dans la vente des biens, le Trésor public, l’Administration des douanes et les organismes de sécurité sociale
bénéficient des mêmes droits que les créanciers titulaires de sûretés réelles spéciales. Parmi les créanciers
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privilégiés, les salariés occupent une place à part. Sans doute en raison du caractère alimentaire de leurs créances,
outre le bénéfice du privilège et du super privilège, l’article 96 prévoit leur paiement diligent. Mais en l’absence d’un
système de garantie du paiement, comme l’Association pour la gestion du régime d’assurance des créances des
salariés (A. G. S.) en France, ce mécanisme, bien que cohérent, risque de se révéler, dans la plupart des cas, peu
efficace quant au paiement effectif.
Les créanciers titulaires d’une sûreté personnelle ont une situation favorable dans les procédures
collectives. En effet, le créancier dans la masse qui a en face de lui des codébiteurs ou une caution solidaire in bonis
ou solvable bénéficie d’une position très favorable. Il peut produire pour le montant total de sa créance dans le
redressement judiciaire ou la liquidation des biens du débiteur et demander paiement intégral au coobligé ou à la
caution. Ce dernier ne bénéficie pas de l’arrêt du cours des intérêts mais il n’y a pas de déchéance du terme. Si le ou
les coobligés sont également sous le coup d’une procédure collective, le créancier peut produire pour le montant
intégral de sa créance dans chacune des procédures, ce qui lui donne une bonne chance d’être intégralement
désintéressé par les paiements partiels obtenus dans les différentes procédures. Il y a une seule limite : la somme
des paiements ne doit pas dépasser le montant total de la créance, y compris les intérêts dans le premier cas.
§ III : L’ordre de paiement des créanciers
L’ordre de paiement des créanciers présente tout son intérêt dans l’union ou dans la clôture pour
insuffisance d’actif. Malgré les efforts faits par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) et par l’AUPC
en matière de clarification et de simplification, l’ordre de paiement des créanciers et la distribution pour les créanciers
venant à rang égal demeurent des questions relativement complexes. En droit commun, il est fixé par l’AUS dans ses
articles 148 pour les immeubles (de 1° à 6°) et 149 pour les meubles (de 1° à 8°). S’agissant des procédures
collectives, l’ordre figure dans l’AUPC aux articles 166 pour les immeubles et 167 pour les meubles.
A- L’ordre en matière immobilière
Il faut rappeler les principes qui régissent la question avant de fournir une illustration.
1) Principes
Selon l’article 166 de l’AUPC, les deniers provenant de la réalisation des immeubles sont distribués dans
l’ordre suivant :
1°) aux créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la
distribution du prix ;
2°) aux créanciers de salaires super privilégiés en proportion de la valeur de l’immeuble par rapport à
l’ensemble de l’actif ;
3°) aux créanciers hypothécaires et séparatistes inscrits dans le délai légal, chacun selon le rang de son
inscription au livre foncier ;
4°) aux créanciers de la masse tels que définis par l’article 117 ci-dessus ;
5°) aux créanciers munis d’un privilège général selon l’ordre établi par l’Acte uniforme portant organisation
des sûretés ;
6°) aux créanciers chirographaires.
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En cas d’insuffisance des deniers pour désintéresser totalement les créanciers de l’une des catégories
désignées aux 1°, 2°, 4°, 5° et 6° du présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent aux répartitions dans la
proportion de leurs créances totales, au marc le franc.
Concernant l’application de cette disposition, il faut savoir que :
a) Les créanciers d’un rang supérieur doivent être intégralement payés avant les créanciers du rang
suivant et ainsi de suite.
b) Certains rangs peuvent comprendre des créanciers qui eux-mêmes font l’objet d’un classement
particulier. Ainsi en est-il, par exemple, de la cinquième catégorie consacrée « aux créanciers munis d’un privilège
général selon l’ordre établi par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ». Au sein de cette catégorie viennent
d’abord les créanciers munis d’un privilège général soumis à publicité chacun selon le rang de son inscription au
registre du commerce et du crédit mobilier, puis les créanciers munis d’un privilège général non soumis à publicité
selon l’ordre établi par l’article 107 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés. Or selon l’article 107, « sont
privilégiés, sans publicité dans l’ordre qui suit :
1°) les frais d’inhumation, les frais de la dernière maladie du débiteur ayant précédé la saisie des biens ;
2°) les fournitures de subsistance faites au débiteur pendant la dernière année ayant précédé son décès,
la saisie des biens ou la décision judiciaire d’ouverture d’une procédure collective ;
3°) les sommes dues aux travailleurs et apprentis pour exécution et résiliation de leur contrat durant la
dernière année ayant précédé le décès du débiteur, la saisie des biens ou la décision judiciaire d’ouverture d’une
procédure collective ;
4°) les sommes dues aux auteurs d’œuvres intellectuelles, littéraires et artistiques pour les trois dernières
années ayant précédé le décès du débiteur, la saisie des biens ou la décision judiciaire d’ouverture d’une procédure
collective ;
5°) dans la limite de la somme fixée légalement pour l’exécution provisoire des décisions judiciaires, les
sommes dont le débiteur est redevable au titre des créances fiscales, douanières et envers les organismes de
sécurité et de prévoyance sociales ».
c) Pour la plupart des catégories de créanciers, à savoir celles désignées aux 1°, 2°, 4°, 5° et 6° de
l’article 166, lorsque les deniers sont insuffisants pour désintéresser tous les créanciers, ceux-ci concourent aux
répartitions dans la proportion de leurs créances totales au marc le franc.
2) Illustrations
69 bis. Le montant des créances réclamé est le suivant : rang 1 : 5 millions ; rang 2 : 10 millions ; rang 3 :
20 millions ; rang 4 : 6 millions ; rang 5 : 18 millions, rang 6 : 33 millions ; soit un total de 92 millions de F.
Première hypothèse. En supposant que la réalisation de l’actif immobilier du débiteur donne un
montant de 35 millions, les créanciers des rangs 1, 2 et 3 seront intégralement payés mais ceux des autres (rangs 4,
5 et 6) ne percevront rien puisqu’il n’y a pas de reliquat.
N.B. Le montant retenu pour le rang 2 est celui déterminé en proportion de la valeur de l’immeuble par
rapport à l’ensemble de l’actif. Autrement dit, et à titre d’exemple, si l’immeuble concerné représente 20% de
l’ensemble de l’actif, il doit contribuer au règlement de 20% du montant des créances de salaires super privilégiés.
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Deuxième hypothèse. Si la réalisation de l’actif donne un montant de 39 millions, les créanciers des rangs
1, 2 et 3 seront intégralement payés comme dans la première hypothèse mais cette fois avec un reliquat de 4
millions. Ce reliquat servira exclusivement aux créanciers du rang 4. Leurs créances s’élevant à 6 millions ne seront
pas intégralement épongées. Chaque créancier recevra un paiement au marc le franc c’est-à-dire proportionnel au
montant de sa créance déterminé comme suit :
somme disponible
4M
---------------------- = ------- = 2/3
créances exigibles
6M
Chacun des créanciers du rang 4 recevra 2/3 du montant de sa créance. Par exemple, si la créance d’un
des créanciers du rang 4 s’élève à 1,2M, il encaissera : 1,2M x 2/3 = 0,8 M.
Troisième hypothèse. Si la réalisation donne un montant de 56 millions, les créanciers des rangs 1, 2, 3
et 4 seront intégralement payés pour un montant total de 41 millions et il restera un reliquat de 15 millions pour les
créanciers du rang 5.
A priori, on peut penser que chacun des créanciers du rang 5 recevra 15/18e du montant de sa créance.
Mais lorsque l’on examine l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, il apparaît qu’une priorité est accordée
aux créanciers munis de privilèges publiés en fonction de la date de publication. Viennent ensuite les créanciers
titulaires de sûretés non publiées selon le rang fixé à l’article 107. Si donc les créances bénéficiant de privilèges
publiés s’élèvent à 9 millions, elles seront intégralement payées. Le reliquat de 6 millions ira aux créanciers titulaires
de privilèges ne faisant pas l’objet de publicité conformément à l’ordre de l’article 107 de l’AUS. Ainsi, en fonction de
leurs rangs au sein de l’article 107 et de leur nombre dans le même rang, certains créanciers seront intégralement
payés, d’autres le seront proportionnellement et peut-être que ceux du ou des derniers rangs ne percevront rien.
Quatrième hypothèse. Si la réalisation donne un montant de 62,3 millions, les créanciers des rangs 1 à 5
seront intégralement payés et il restera un reliquat de 3,3 millions pour les créanciers du rang 6. Chacun des
créanciers du rang 6 percevra : 3,3 M/33 M = 1/10e du montant de sa créance. Celui qui a une créance de 4,5 M
recevra 0,45 M.
N.B. : Il est fréquent dans les procédures collectives que les créanciers de rang 6, c’est-à-dire les
créanciers chirographaires, soit ne perçoivent rien comme dans les hypothèses 1 à 3, soit perçoivent des montants
dérisoires comme dans l’hypothèse 4.
B- L’ordre en matière mobilière
Selon l’article 167 de l’AUPC, les deniers provenant de la réalisation des meubles sont distribués dans
l’ordre suivant :
1°) aux créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la
distribution du prix ;
2°) aux créanciers de frais engagés pour la conservation du bien du débiteur dans l’intérêt du créancier
dont les titres sont antérieurs en date ;
3°) aux créanciers de salaires super privilégiés en proportion de la valeur du meuble par rapport à
l’ensemble de l’actif ;
4°) aux créanciers garantis par un gage selon la date de constitution du gage ;
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5°) aux créanciers garantis par un nantissement ou par un privilège soumis à publicité, chacun suivant le
rang de son inscription au registre du commerce et du crédit mobilier ;
6°) aux créanciers munis d’un privilège mobilier spécial, chacun sur le meuble supportant le privilège ;
7°) aux créanciers de la masse tels que définis par l’article 117 ci-dessus ;
8°) aux créanciers munis d’un privilège général selon l’ordre établi par l’Acte uniforme portant organisation
des sûretés ;
9°) aux créanciers chirographaires.
En cas d’insuffisance des deniers pour désintéresser totalement les créanciers de l’une des catégories
désignées aux 1°, 2°, 3°, 6°, 7°, 8° et 9° du présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent aux répartitions
dans la proportion de leurs créances totales, au marc le franc.
Concernant l’application de cette disposition, les remarques faites et l’illustration conçue en matière
immobilière sont mutatis mutandis valables en matière mobilière. Pour le renvoi fait par le huitième rang à l’Acte
uniforme portant organisation des sûretés, le recours à l’article 149 de l’AUS montre qu’il faut se référer à l’article 107
du même acte et suivre l’ordre que celui-ci fixe.
Toutefois, on peut se demander s’il ne doit pas y avoir d’abord les privilèges généraux soumis à publicité
selon l’ordre d’inscription, puis les privilèges non soumis à publicité dans l’ordre de l’article 107, exactement dans les
mêmes conditions que pour les immeubles.
Les développements ci-dessus montrent combien la situation des créanciers est susceptible d’être
complexe si l’on est en présence de nombreux créanciers munis de sûretés différentes et cela, malgré les efforts
méritoires des actes uniformes.
Relativement au débiteur et aux créanciers, il est indéniable que le jugement d’ouverture apporte des
modifications fondamentales à leurs situations dans le but de réaliser les objectifs poursuivis, lesquelles se
manifestent à travers les solutions.
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TITRE III : LES SOLUTIONS DES PROCEDURES COLLECTIVES
Les solutions constituent un aspect très important des procédures collectives car elles ont un caractère
obligatoire ou inéluctable, si du moins le droit des procédures collectives est correctement appliqué et ne se termine
pas en « queue de poisson ».
Quatre solutions peuvent terminer une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation
des biens : une solution est commune aux deux procédures : c’est la clôture pour extinction du passif ; une est propre
au redressement judiciaire : il s’agit du concordat ; deux sont propres à la liquidation des biens : ce sont l’union et la
clôture pour insuffisance d’actif.
Mais comme le redressement judiciaire peut être converti en liquidation des biens, on peut soutenir que
celui-ci peut se terminer par l’une quelconque de ces quatre solutions. La conversion a lieu dans les cas suivants :
non proposition d’un concordat dans les conditions et délais prévus aux articles 27, 28 et 29 (caractère sérieux et
respect des délais) ou retrait de la proposition (article 119) ; concordat non voté ou non homologué par la juridiction
compétente (article 126) ; annulation ou résolution du concordat (article 141).
Parmi les quatre solutions, certaines préservent l’entreprise : ce sont des solutions heureuses, tandis que
d’autres conduisent à sa disparition : ce sont des solutions « malheureuses ».
CHAPITRE I : LES SOLUTIONS DE SURVIE DE L’ENTREPRISE
Deux solutions permettent la survie de l’entreprise : une plus courante, le concordat, et une autre, très
exceptionnelle, la clôture pour extinction du passif.
SECTION I : LE CONCORDAT
Solution propre au redressement judiciaire, le concordat peut être défini comme une convention conclue
entre le débiteur et ses créanciers, avec homologation de justice destinée à garantir son sérieux, convention par
laquelle le débiteur présente un plan de règlement du passif et de redressement de l’entreprise qu’il exécutera une
fois remis à la tête de ses affaires. Le concordat peut prévoir soit un règlement total mais avec des délais plus ou
moins longs, soit un remboursement partiel immédiat, soit une combinaison de ces deux procédés. Ce concordat-là,
que l’on peut qualifier de judiciaire, doit être soigneusement distingué du concordat amiable librement conclu entre le
débiteur et ses créanciers. Il faut se demander comment se forme le concordat, quels sont ses effets et les conditions
de sa disparition.
§ I : La formation du concordat
Pour que le concordat se forme, il faut au préalable vérifier que le débiteur ou les dirigeants qui doivent
l’exécuter ne sont pas sous le coup d’une banqueroute ou de la faillite personnelle. Ensuite, le concordat doit être
adopté par les créanciers puis homologué par la juridiction compétente.
Quinze jours après l’expiration du délai laissé aux créanciers pour contester les créances, le président de
la juridiction compétente, sur saisine du juge-commissaire, convoque les créanciers à une assemblée chargée de
voter le concordat.
La première question qui se pose est de savoir quelles catégories de créanciers prennent part au vote du
concordat : assurément, les créanciers chirographaires (art. 122) ; également les créanciers dont seule la sûreté est
contestée et qui y sont admis à titre chirographaire (art. 123). Les créanciers munis d’une sûreté réelle spéciale qui
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n’ont pas fait la déclaration prévue à l’article 120 (indication du délai et/ou de la remise qu’ils entendent accorder et
qui différeraient de ceux résultant de la proposition concordataire) peuvent prendre part au vote sans renoncer à leur
sûreté et consentir des délais et remises différents de ceux proposés par le débiteur ; ils sont censés accepter le
concordat si, dûment appelés, ils ne participent pas au vote de l’assemblée concordataire. La situation des créanciers
munis de privilèges généraux est énigmatique puisque l’AUPC ne contient aucune disposition fournissant un
éclairage sur leur situation. De l’interprétation de l’article 134 qui rend le concordat obligatoire pour tous les
créanciers antérieurs sauf les créanciers munis d’une sûreté réelle spéciale qui ne sont obligés que par les remises et
délais par eux consentis, on peut en déduire que les créanciers munis de privilèges généraux sont autorisés à
prendre part au vote du concordat mais sans que cela entraîne la perte de leurs sûretés.
Les différents participants à l’assemblée concordataire y prennent tous part effectivement et en personne :
le juge-commissaire et le représentant du ministère public ; le débiteur et les dirigeants de personnes morales
appelés à l’assemblée ; seuls les créanciers admis sont libres de s’y présenter en personne ou de se faire
représenter.
Le vote du concordat est acquis s’il obtient la majorité en nombre des créanciers représentant 50 % des
créances en sommes (art. 125). Si une seule des majorités ou exigences seulement est acquise, le vote est reporté
sous huitaine mais il ne concernera que la majorité non acquise. Si aucune des majorités n’est acquise ou si la
majorité manquante n’est pas obtenue, il n’y a pas de concordat. Si les deux majorités sont acquises, le concordat
est valable. L’AUPC prévoit une innovation de taille : en effet, il institue un concordat simplifié qui ne fait pas appel à
l’accord des créanciers lorsque la proposition concordataire ne comporte pas de demande de remise ni de demande
de délai supérieur à deux ans.
Une fois adopté, le concordat est soumis à l’homologation de la juridiction compétente, qui ne l’accorde
que si : les conditions de validité du concordat sont réunies ; l’intérêt collectif ou l’ordre public ne s’y oppose pas ; le
concordat offre des possibilités sérieuses de redressement de l’entreprise et de règlement du passif ; si les dirigeants
dont le remplacement a été proposé dans les offres concordataires ou par le syndic ne sont plus en fonction ou si le
débiteur ou les dirigeants ne sont pas frappés de faillite personnelle (art. 127).
Il faut signaler que les articles 131 à 133 prévoient et réglementent une modalité particulière du concordat,
en l’occurrence le concordat comportant une cession partielle d’actif. La cession partielle, qui peut concerner des
biens meubles ou immeubles ou un établissement (par exemple une usine), peut permettre de sauver des emplois
mais elle comporte des risques pour les créanciers. C’est pourquoi il est fait appel à la concurrence et des conditions
sont mises concernant le prix (qui doit être suffisant pour satisfaire les créanciers ayant une sûreté sur les biens
concernés) et son paiement (au comptant ou avec la garantie d’une banque). Il eût été mieux indiqué d’autoriser la
cession totale de l’entreprise qui est plus à même de sauvegarder l’activité et l’emploi.
La juridiction compétente ne peut qu’homologuer ou refuser d’homologuer le concordat. Elle ne peut pas le
modifier.
§ II : Les effets du concordat
Le concordat met fin à la procédure collective de redressement judiciaire dès que le jugement
d’homologation a acquis force de chose jugée. Il en résulte que le débiteur retrouve la libre administration et
disposition de son patrimoine ; la masse est dissoute : le syndic rend compte, remet les pièces et documents et cesse
ses fonctions ; les créanciers recouvrent leurs droits de poursuite individuelle mais ils doivent respecter les délais et
remises stipulés dans le concordat. Mais il y a des survivances de la procédure collective : d’une part, l’hypothèque
de la masse demeure et permet aux créanciers concordataires de primer les nouveaux créanciers sur les immeubles
du débiteur ; d’autre part, la juridiction compétente peut désigner ou maintenir en fonction les contrôleurs pour
surveiller l’exécution du concordat (ils deviennent des contrôleurs à l’exécution du concordat) ou, à défaut de
contrôleurs, le syndic.
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S’agissant de l’opposabilité du concordat, il faut préciser que les délais et les remises stipulés profitent au
débiteur seul et non aux coobligés du débiteur (codébiteurs, cautions). Le concordat oblige tous les créanciers
antérieurs à la décision d’ouverture, quelle que soit la nature de leurs créances, sauf disposition législative
particulière interdisant à l’administration de consentir des remises ou des délais. Toutefois :
- les créanciers munis de sûretés réelles spéciales ne sont obligés que par les remises et délais
particuliers qu’ils ont consentis, sauf dans le cas où le concordat ne comporte qu’une demande de délais n’excédant
deux ans ; ces délais peuvent leur être opposés aux créanciers si ceux qu’ils ont consentis sont inférieurs ;
- les travailleurs ne peuvent se voir imposer aucune remise ni des délais excédant deux ans, étant précisé
qu’ils bénéficient du super privilège prévu à l’article 96.
§ III : La disparition du concordat
Le concordat prend fin normalement par son exécution complète c’est-à-dire par le règlement de la
dernière échéance concordataire. S’il a été stipulé une clause de retour à meilleure fortune, le débiteur s’oblige
juridiquement à régler même la fraction ayant fait l’objet d’une remise concordataire.
Le concordat prend également fin, mais de façon anormale, par :
- l’annulation en cas de dol découvert depuis l’homologation, dol résultant d’une dissimulation d’actif ou
d’une exagération du passif ;
- la résolution en cas d’inexécution du concordat ou en cas d’interdiction frappant le débiteur ou les
dirigeants de la PM, à moins qu’une solution n’ait été trouvée (art. 139).
L’annulation et la résolution du concordat produisent des effets quasi identiques : elles mettent fin au
concordat et entraînent la conversion du redressement judiciaire en liquidation des biens. Le cas de survenance
d’une seconde procédure est réglé par application des règles de l’annulation et de la résolution.
En conclusion, malgré les apparences, le concordat est un acte à titre onéreux et non un acte à titre
gratuit. En conséquence, le débiteur a l’obligation naturelle d’acquitter la dette remise et les héritiers d’un créancier
ne peuvent pas demander la résolution du concordat au motif qu’il porterait atteinte à leur réserve.
SECTION II : LA CLOTURE POUR EXTINCTION DU PASSIF
C’est un mode de clôture qui n’appelle pas beaucoup de développements (art. 178 et 179) et qui est
valable quelle que soit la procédure en cause. A l’origine, la clôture pour extinction du passif a été une création de la
jurisprudence française qui l’avait appelée clôture pour défaut d’intérêt de la masse.
Le fondement de ce mode de clôture est simple : la procédure est ouverte parce qu’il y a cessation des
paiements, autrement dit impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible. Il paraît donc raisonnable
que la procédure soit clôturée s’il n’y a plus de passif exigible. Il en est ainsi lorsque tout le passif est réglé ou qu’il y a
abandon de dettes ou lorsque le syndic dispose de deniers suffisants pour y faire face. Ce mode de clôture intervient
à toute époque de la procédure sur demande du débiteur ou du syndic ou même d’office. Il entraîne une réhabilitation
automatique du débiteur si la faillite personnelle avait été prononcée à son encontre.
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CHAPITRE II : LES SOLUTIONS ENTRAINANT LA DISPARITION DE L’ENTREPRISE
Les solutions entraînant la disparition de l’entreprise sont des solutions malheureuses quand on connaît
l’importance du maintien de l’entreprise sur le plan économique, social et fiscal. Malheureusement, relativement aux
entreprises en état de cessation des paiements, statistiquement ce sont les solutions les plus fréquentes. Il y a même
intérêt à y soumettre toutes les entreprises non redressables - et dès le départ - afin d’éviter l’aggravation du passif
ou la diminution de l’actif qui sont préjudiciables aux créanciers. Ces solutions sont, d’une part, l’union, et, d’autre
part, la clôture pour insuffisance d’actif.
SECTION I : L’UNION
L’union est la solution par excellence de la liquidation des biens. Elle est prononcée, soit dès le jugement
d’ouverture si le débiteur n’a pas proposé un concordat sérieux (article 33), soit par conversion du redressement
judiciaire si le concordat n’est pas proposé, n’est pas voté ou n’est pas homologué ou encore est frappé d’annulation
ou de résolution. Selon l’article 146, « dès que la liquidation des biens est prononcée, les créanciers sont en état
d’union ».
Dans le mois de son entrée en fonction, le syndic remet au juge-commissaire un état évaluatif de l’actif et
du passif (chirographaire et privilégié) ainsi que, s’il s’agit d’une personne morale, tous renseignements sur une
éventuelle responsabilité du ou des dirigeants de celle-ci. Le syndic procède à l’établissement de l’état des créances
même s’il lui apparaît que les deniers à provenir de la réalisation de l’actif seront entièrement absorbés par les frais
de justice et les créances privilégiées (article 146). Le seul intérêt de la règle de l’OHADA est de clarifier la situation
du passif et de permettre l’établissement éventuel de la responsabilité civile ou pénale du débiteur ou des dirigeants
de la personne morale.
Le syndic, qui supplante complètement le débiteur, doit recouvrer ses créances et vendre ses biens. Il n’y
a pas de formalisme en ce qui concerne la vente des meubles. Pour les immeubles, la vente se fait de trois façons :
vente sur saisie immobilière, vente par voie d’adjudication amiable, vente de gré à gré. Le juge-commissaire fixe le
prix ou la mise à prix ainsi que les conditions ou modalités essentielles de la vente (articles 150 à 159). Il en est de
même de la cession globale de l’actif qui fait appel à des offres d’acquisition permettant un choix éclairé (art. 160 à
162).
Le paiement des créanciers se fait selon l’ordre fixé par les articles 166 et 167 de l’AUPC.
Lorsque les opérations de liquidation sont terminées, le syndic rend ses comptes au juge-commissaire qui
constate par un procès-verbal la fin des opérations. La juridiction compétente prononce la clôture de la liquidation des
biens (article 170, alinéa 2). L’union est dissoute de plein droit et les créanciers recouvrent leurs droits de poursuites
individuelles. Pour les créances admises, le président de la juridiction vise l’admission définitive des créanciers, la
dissolution de l’union, le montant de la créance admise et celui du reliquat dû (article 171). La décision est revêtue de
la formule exécutoire par le greffier. Elle n’est susceptible d’aucune voie de recours. La décision de clôture prononcée
par la juridiction compétente est publiée dans les conditions prévues aux articles 36 et 37 de l’AUPC.
SECTION II : LA CLOTURE POUR INSUFFISANCE D’ACTIF
Réglementée par les articles 173 à 177, la clôture pour insuffisance d’actif est un mode de clôture qui peut
intervenir à toute hauteur de la procédure. Cette clôture s’explique par la finalité de la procédure collective : elle tend
au paiement des créanciers dans les meilleures conditions possibles. Si le paiement devient impossible, il n’y a pas
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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d’intérêt à maintenir la procédure ouverte. A le faire, on risque d’accroître le passif (frais d’administration de la
procédure). Dans ce sens, c’est un diminutif de l’union.
Ainsi, si les fonds manquent pour entreprendre ou terminer les opérations de liquidation des biens, la
juridiction compétente, sur le rapport du juge-commissaire, peut, à quelque époque que ce soit, prononcer, à la
demande de tout intéressé ou même d’office, la clôture des opérations pour insuffisance d’actif (art. 173). Cette
disposition est quelque peu en contradiction avec les articles 84 et 146 qui prévoient la vérification obligatoire des
créances dans tous les cas. La clôture ne pourrait donc être prononcée au plus tôt qu’après la fin de celle-ci. Cette
limitation est d’autant plus gênante que l’insuffisance d’actif peut être manifeste dès l’ouverture de la procédure avant
que le syndic ait avancé dans la vérification des créances. Certains auteurs ont même proposé qu’en cas de carence
manifeste d’actif, on puisse prononcer une sorte de « non-lieu ».
La décision de clôture fait recouvrer à chaque créancier l’exercice individuel de ses actions dans les
mêmes conditions que la clôture de l’union (art. 174 renvoyant à l’art. 171).
C’est un mode de clôture provisoire puisque la procédure peut être réouverte, autrement dit la décision
peut être rapportée, à la demande du débiteur ou de tout autre intéressé sur justification que les fonds nécessaires
aux frais des opérations ont été consignés entre les mains du syndic.
En conclusion sur les solutions ou les modes de clôture des procédures collectives, il apparaît que l’Acte
uniforme est resté très classique. Les rares innovations résident notamment dans le concordat simplifié sans vote des
créanciers, dans l’accélération de la réalisation de l’actif et dans le classement des créanciers.
Les fautes commises par le débiteur ou les dirigeants sociaux après et surtout avant l’ouverture de la
procédure peuvent entraîner le prononcé de sanctions.
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TROISIEME PARTIE : LES SANCTIONS DANS LE CADRE DES PROCEDURES COLLECTIVES
Les sanctions visent principalement les procédures de redressement judiciaire et de liquidation des
biens et, dans une moindre mesure, celle du règlement préventif.
Les sanctions à l'encontre du débiteur ou des dirigeants sociaux fautifs ne constituent pas la première
des finalités des procédures. Néanmoins, il ne convient pas de les négliger : d'abord, en prévoyant l'élimination
de certains dirigeants des affaires, elles exercent un effet dissuasif quant à la commission des actes
répréhensibles ; ensuite, elles permettent de neutraliser ou d'éliminer les débiteurs ou dirigeants dont les fautes
sont avérées, de manière à éviter la réédition de tels actes, participant ainsi à l’assainissement du monde des
affaires ; enfin, certaines sanctions, ayant un caractère patrimonial, contribuent directement au paiement des
créanciers, voire au redressement de l'entreprise. Les sanctions peuvent être regroupées selon qu'elles sont, ou
civiles et commerciales, ou pénales.
CHAPITRE I : LES SANCTIONS CIVILES ET COMMERCIALES
Les sanctions prévues peuvent être regroupées selon qu’elles ont un caractère patrimonial marqué ou
selon qu’elles ont un caractère professionnel ou moral.
SECTION I : LES SANCTIONS A CARACTERE PATRIMONIAL
Ce sont des sanctions qui s'appliquent aux dirigeants de sociétés ou d'autres personnes morales de
droit privé. Elles trouvent leur origine dans la législation française de 1935 et de 1940. Auparavant, la
personnalité morale de la société constituait un bouclier protecteur infranchissable. Ces sanctions comprennent
le comblement du passif social et l'extension de la procédure ainsi que des limitations aux droits d’associés des
dirigeants sociaux.
§ I : L’obligation de combler le passif
Comme pour d'autres sanctions, le comblement du passif s'applique, en cas de cessation des
paiements d'une personne morale, à ses dirigeants personnes physiques ou personnes morales (P.M.), de droit
ou de fait, apparents ou occultes, rémunérés ou non et aux personnes physiques représentants permanents des
personnes morales dirigeantes. La formule de l’AUPC est redondante mais elle vise à appréhender toutes les
personnes qui ont joué un rôle notable dans la gestion de l’entreprise.
Selon l'article 183, lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation des biens fait apparaître une
insuffisance d'actif, la juridiction compétente peut, «en cas de faute de gestion ayant contribué à cette
insuffisance d'actif, décider, à la requête du syndic ou même d'office, que les dettes de la personne morale seront
supportées en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou certains d'entre eux ».
Ce qu'il faut noter, c'est que, depuis son institution en 1940 jusqu'à la loi française du 25 janvier 1985,
l'action en comblement du passif a toujours fonctionné sur des présomptions : présomption de faute des
dirigeants et présomption de lien de causalité entre la faute et le dommage que traduit l'insuffisance d'actif, si
bien qu'il était difficile pour les dirigeants d'y échapper. La preuve de l’absence de faute ne suffisant pas, il leur
fallait, en effet, prouver qu'ils ont apporté aux affaires sociales toute l'activité et la diligence d'un mandataire
salarié. Or, avec le ralentissement de la croissance et le développement de la concurrence, il y a de plus en plus
d'entreprises dont les difficultés n'incombent pas à leurs dirigeants. C'est pourquoi, s'inspirant de la loi française
du 25 janvier 1985 et pour ne pas décourager les initiatives, l'Acte uniforme exige que soient prouvés,
conformément au droit commun, le dommage, la faute et le lien de causalité.
L'action en comblement du passif se prescrit par trois ans à compter de l'arrêté définitif de l'état des
créances.
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La condamnation peut porter sur tout ou partie de l’insuffisance d’actif et concerner tout ou partie des
dirigeants avec ou sans solidarité. Le non-paiement du montant de la condamnation découlant de l'exercice de
l'action en comblement du passif est susceptible de sanctions plus graves comme l'extension de la procédure
collective.
§ II : L’extension de la procédure
L'extension de la procédure apparaît comme une sanction d'un degré plus élevé. Elle s'applique aux
mêmes dirigeants, en cas de R.J. ou L.B. d'une personne morale, qui ont commis une faute grave. Ainsi peut être
déclaré personnellement en R.J. ou en L.B., tout dirigeant qui a, sans être personnellement en état de cessation
des paiements :
- exercé une activité commerciale dans son intérêt personnel, soit par personne interposée, soit sous
le couvert de la personne morale masquant ses agissements ;
- disposé du crédit ou des biens de la personne morale comme des siens propres ;
- poursuivi abusivement, dans son intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait
conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale (article 189).
Les fautes ci-dessus pouvant entraîner l’extension de la procédure collective aux dirigeants visent des
hypothèses d’abus de la personne morale dont la sanction paraît parfaitement justifiée. D’ailleurs, le premier cas
était déjà visé par le décret-loi du 8 août 1935.
La juridiction compétente peut également prononcer le R.J. ou la L.B. des dirigeants à la charge
desquels a été mis tout ou partie du passif d'une personne morale et qui n'acquittent pas cette dette.
L’extension est mal qualifiée puisque, d’une part ce n’est pas la procédure de la personne morale qui
s’applique aux dirigeants, d’autre part la procédure à ouvrir contre ces derniers est autonome, enfin, les
procédures peuvent être différentes : par exemple, la société peut être en redressement judiciaire, certains
dirigeants également en redressement judiciaire et d’autres en liquidation des biens. L'effet essentiel recherché
est que les créanciers admis dans la procédure collective ouverte contre la personne morale soient admis, de
plein droit, dans le R.J. ou la L.B. du dirigeant dont le passif comprend de ce fait, outre le passif personnel du
dirigeant, celui de la personne morale.
L'on peut rapprocher de ces sanctions les conséquences de l'action en responsabilité civile exercée
sur le fondement de l'article 1382, qui a fait couler beaucoup d'encre. L'AUPC prévoit en effet que « les tiers,
créanciers ou non, qui, par leurs agissements fautifs, ont contribué à retarder la cessation des paiements ou à
diminuer l'actif ou à aggraver le passif du débiteur peuvent être condamnés à réparer le préjudice subi par la
masse sur action du syndic agissant dans l'intérêt collectif des créanciers » (art. 118). Il précise que la juridiction
compétente choisit, pour la réparation du préjudice, la solution la plus appropriée, soit le paiement de dommagesintérêts, soit la déchéance de leurs sûretés pour les créanciers titulaires de telles garanties.
§ III : Les restrictions frappant les droits sociaux des dirigeants
Outre les sanctions patrimoniales ci-dessus, les dirigeants sociaux subissent des restrictions
relativement à leurs titres sociaux (actions ou parts sociales) :
- incessibilité automatique des titres sociaux dès le jugement d'ouverture, sauf autorisation du jugecommissaire, et dépôt des titres entre les mains du syndic qui est chargé de leur garde (art. 57 et 58) ; le fait pour
le dirigeant de ne pas remettre les titres au syndic est une infraction ;
- privation du droit de vote en cas de faillite personnelle, celui-ci étant exercé par un mandataire ad
hoc désigné par le juge-commissaire (art. 199) ;
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- faculté pour la juridiction d'enjoindre aux dirigeants à la charge desquels a été mis tout ou partie du
passif de la personne morale de céder leurs actions ou parts sociales de celle-ci ou d'ordonner leur cession
forcée par les soins du syndic, le produit de la vente étant affecté au paiement de la part des dettes de la
personne morale mise à la charge de ces dirigeants.
Il est dommage que l'AUPC n'ait pas expressément prévu la possibilité pour le tribunal de subordonner
l'homologation du concordat à l'élimination ou à l'exclusion des dirigeants qui se seraient montrés peu
compétents ou fautifs et contre lesquels aucune sanction n'a été prononcée. Cette affirmation doit être nuancée
car selon l'article 127, « la juridiction compétente n'accorde l'homologation du concordat que... si, en cas de
redressement judiciaire d'une personne morale, la direction de celle-ci n'est plus assurée par les dirigeants dont
le remplacement a été proposé dans les offres concordataires ou par le syndic…».
Les sanctions civiles et commerciales n’ont pas toutes un caractère patrimonial. En effet, d’autres, en
l’occurrence la faillite personnelle, ont un caractère extrapatrimonial.
SECTION II : LES SANCTIONS A CARACTERE EXTRAPATRIMONIAL : LA FAILLITE
PERSONNELLE
Les sanctions à caractère extrapatrimonial résident dans les déchéances de la faillite personnelle. La
faillite personnelle peut être prononcée à toute époque de la procédure.
§ I : Le champ d’application
La faillite personnelle s'applique :
- aux commerçants personnes physiques et aux associés tenus indéfiniment et solidairement des
dettes sociales, ce qui est classique ; les sanctions étaient automatiques avant la loi de 1967 ;
- aux personnes physiques dirigeantes de personnes morales assujetties aux procédures collectives ;
- aux personnes physiques représentantes permanentes de personnes morales dirigeantes de
personnes morales assujetties aux procédures collectives.
Ces personnes doivent avoir commis les fautes graves visées par les articles 196 et 197 comme la
soustraction de comptabilité, le détournement ou la dissimulation frauduleuse de l'actif ou du passif, l'exercice
indirect du commerce dans son intérêt personnel, l'abus des biens ou du crédit de la société, l'obtention dolosive
d'un concordat annulé par la suite, la commission d'actes de mauvaise foi ou des imprudences inexcusables ou
le fait d'enfreindre gravement les règles et usages du commerce tels que définis par l'article 197.
L'article 198 vise des fautes moins graves (incompétence manifeste, non-déclaration de la cessation
des paiements dans les 30 jours, non-acquittement du passif social mis à sa charge) comme constitutifs de faillite
personnelle facultative.
§ II : Les effets et la fin de la faillite personnelle
La faillite personnelle, une fois prononcée, emporte de plein droit :
- l'interdiction générale de faire le commerce et notamment de diriger, gérer, administrer ou contrôler
une entreprise commerciale à forme individuelle ou toute personne morale ayant une activité économique ;
- l'interdiction d'exercer une fonction publique élective et d'être électeur pour ladite fonction publique ;
- l'interdiction d'exercer toute fonction administrative, judiciaire ou de représentation professionnelle
(art. 203) ;
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- l’interdiction d’exercer le droit de vote dans les assemblées de la personne morale contre laquelle a
été ouverte la procédure collective, ce droit étant exercé par un mandataire ad hoc désigné par le jugecommissaire à la requête du syndic (art. 199).
Contrairement à la loi française de 1967, l'AUPC n'a pas retenu de démembrement de la faillite
personnelle sous la forme d'une interdiction professionnelle ponctuelle.
La durée de la faillite personnelle, qui doit être fixée par la décision, est au minimum de 3 ans et au
maximum de 10 ans. Les déchéances, incapacités et interdictions résultant de la faillite personnelle prennent fin
au terme fixé. Elles peuvent prendre fin avant ce délai en cas de clôture pour extinction du passif (de plein droit)
ou si une demande de réhabilitation introduite par le failli ou ses héritiers est admise.
Pour les fautes plus graves et même pour des fautes de même gravité, le débiteur, les dirigeants,
certains associés et même d’autres personnes peuvent être frappés de sanctions pénales.
CHAPITRE II : LES SANCTIONS PENALES
Elles n'appellent pas beaucoup de développements. Il suffira de préciser que l'AUPC incrimine un
certain nombre d'actes au titre de la banqueroute proprement dite, des infractions assimilées à la banqueroute ou
des infractions commises par d’autres personnes à l'occasion d'une procédure collective . Il renvoie aux lois
internes pour les peines.
SECTION I : LA BANQUEROUTE PROPREMENT DITE
Elle s’adresse aux commerçants personnes physiques, autrement dit aux entrepreneurs individuels
ayant la qualité de commerçants et aux associés des sociétés commerciales qui ont la qualité de commerçants,
en l’occurrence ceux qui sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Les faits incriminés
entraînent, soit la banqueroute simple, soit la banqueroute frauduleuse, distinction fondée sur la gravité des
fautes et la nécessité d'une répression proportionnée. Ils supposent que le commerçant personne physique ou la
personne morale dont on est tenu des dettes est en état de cessation des paiements.
§ I : Les cas de banqueroute simple
Entraînent la banqueroute simple : les engagements importants sans contrepartie ; les achats en vue
d'une revente au-dessous du cours ou l'emploi de moyens ruineux en vue de retarder la constatation de la
cessation des paiements; la non-déclaration injustifiée de la cessation des paiements dans le délai de 30 jours ;
la non-tenue d'une comptabilité ou la tenue d'une comptabilité irrégulière ou incomplète eu égard à l'importance
de l'entreprise ; le fait d'avoir été déclaré deux fois en cessation des paiements dans le délai de 5 ans, les deux
procédures étant clôturées pour insuffisance d'actif.
Ces faits constitutifs de la banqueroute simple sont manifestement moins graves que ceux qui
entraînent ou peuvent entraîner la banqueroute frauduleuse.
§ II : Les cas de banqueroute frauduleuse
Les cas de banqueroute frauduleuse sont, curieusement, plus nombreux que ceux de banqueroute
simple. Ils ont trait au fait : de soustraire sa comptabilité ; de détourner tout ou partie de l'actif ; de se reconnaître
frauduleusement débiteur; d'avoir enfreint une interdiction d'exercer la profession commerciale ; d'avoir payé,
après la cessation des paiements, un créancier au préjudice de la masse ; de stipuler avec un créancier des
avantages particuliers à raison de son vote dans les délibérations de la masse ou de conclure un accord avec un
créancier, duquel il résulterait que ce dernier a un avantage, à la charge de l'actif du débiteur à partir du jour de la
décision d'ouverture ; d'accomplir des actes interdits par l'article 11 ; et, enfin, au fait d'avoir, de mauvaise foi,
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présenté ou fait présenter un compte de résultats ou un bilan ou un état des créances et des dettes ou un état
actif et passif des sûretés inexact ou incomplet.
L'application de la banqueroute proprement dite est classique. En revanche, ce n'est que depuis 1935
que l'on a commencé à étendre la banqueroute aux dirigeants sociaux.
SECTION II : LES INFRACTIONS ASSIMILEES AUX BANQUEROUTES
Elles visent les personnes physiques, soit dirigeantes de personnes morales assujetties aux
procédures collectives, soit représentantes permanentes de personnes morales dirigeantes des personnes
morales assujetties aux procédures collectives. Les faits incriminés sont un peu les mêmes.
§ I : Les infractions assimilées à la banqueroute simple
On relève à ce titre : la consommation de sommes appartenant à la personne morale dans des
opérations fictives ou de pur hasard ; le fait d'avoir fait des achats en vue de la revente au-dessous du cours ou
employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds afin de retarder la constatation de la cessation des
paiements de la personne morale ; le paiement d'un créancier au préjudice de la masse ; le fait d'avoir fait
contracter à la personne morale des engagements trop importants sans contrepartie ; le fait d'avoir tenu ou fait
tenir ou laissé tenir irrégulièrement ou incomplètement la comptabilité de la personne morale ; le fait de n'avoir
pas fait la déclaration de la cessation des paiements de la personne morale dans les 30 jours ; le fait de
détourner ou de dissimuler une partie de ses biens ou de tenter de le faire, ou de se reconnaître débiteur de
sommes non dues afin de soustraire tout ou partie de son patrimoine aux poursuites de la personne morale en
état de cessation des paiements ou à celles des associés ou des créanciers de la personne morale (article 231).
De plus, selon l'article 232, « dans les personnes morales comportant des associés indéfiniment et
solidairement responsables des dettes de celles-ci, les représentants légaux ou de fait sont coupables de
banqueroute simple si, sans excuse légitime, ils ne font pas au greffe de la juridiction compétente, dans le délai
de trente jours, la déclaration de leur état de cessation des paiements ou si cette déclaration ne comporte pas la
liste des associés solidaires avec l'indication de leurs noms et domiciles ». Cette disposition devrait donner plus
d'efficacité aux obligations et sanctions incombant aux associés indéfiniment et solidairement responsables des
dettes sociales.
§ II : Les infractions assimilées à la banqueroute frauduleuse
La banqueroute frauduleuse, quant à elle, frappe les dirigeants qui ont frauduleusement : soustrait les
livres de la personne morale ; détourné ou dissimulé une partie de son actif ; reconnu la personne morale
débitrice de sommes qu'elle ne devait pas ; exercé la profession de dirigeant contrairement à une interdiction ;
stipulé avec un créancier, au nom de la personne morale des avantages particuliers à raison de son vote dans
les délibérations de la masse ou qui ont fait avec un créancier un traité particulier duquel il résulterait pour ce
dernier un avantage à la charge de l'actif de la personne morale, à partir du jour de la décision déclarant la
cessation des paiements.
La banqueroute frauduleuse vise également les dirigeants qui, à l'occasion d'une procédure de
règlement préventif, ont :
- de mauvaise foi, présenté ou fait présenter un compte de résultats ou un bilan ou un état des
créances et des dettes ou un état actif et passif des privilèges et sûretés, inexact ou incomplet ;
- sans autorisation du président de la juridiction compétente, accompli des actes interdits par l'article
11.
Relativement à la mise en œuvre de ces sanctions, l’on note que la juridiction répressive compétente
peut être saisie par le ministère public, par constitution de partie civile ou par voie de citation directe du syndic ou
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de tout créancier agissant en son nom propre ou au nom du syndic. Les articles 237 à 239 règlent de façon
tatillonne la contribution aux frais de poursuite.
La principale question qui se pose concernant la banqueroute, les délits assimilés et les autres
infractions ainsi que de manière générale toutes les sanctions, est surtout celle de leur effectivité qui exerce un
effet dissuasif et moralisateur sur le monde des affaires et qui accroît l’efficacité des procédures collectives.
En conclusion, l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif,
qui comporte 258 articles répartis dans huit titres, s'inspire très largement de la loi française du 13 juillet 1967
et/ou des lois africaines qui l'ont reprise (Sénégal, Mali), sans négliger certains aspects des réformes ultérieures.
Dans l'ensemble, on peut l'apprécier positivement du fait de l'effort fait pour régler le maximum de questions
comme celles ayant trait aux procédures collectives internationales, à l'ouverture d'une seconde procédure ou à
l'ordre dans le paiement des créanciers. On peut également l'apprécier positivement en raison de ses options
pondérées (tentative de conciliation entre sauvetage de l'entreprise et intérêt des créanciers, par exemple), de sa
cohérence, de sa facilité d'accès, de l'effort fait dans le sens de la célérité qui conditionne l'efficacité des
procédures, et surtout de son caractère uniforme que vient renforcer le caractère relativement détaillé et
directement applicable de la plupart de ses dispositions.
Il n'est cependant pas exclu que des améliorations ou des précisions de forme ou de fond se révèlent
nécessaires à l'application. L'heure n'est plus où on légiférait pour la postérité.
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DROIT DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, APPLICATION ET LIMITES
1ère Partie : Propriété industrielle
Par Kouliga NIKIEMA, UFR/SJP Université de Ouagadougou
INTRODUCTION : Présentation de l’OAPI
L'indépendance de la plupart des pays membres de l'O.A.P.I. en 1960 a laissé un vide administratif en
matière de propriété industrielle. Il s'est avéré nécessaire de créer sur le territoire des nouveaux Etats des
structures de gestion de la propriété industrielle. Les jeunes Etats ont choisi de le faire en commun, en mettant
en place l'Office Africain et Malgache de la Propriété Industrielle.
Elle est née de l'Accord de Libreville le 13 septembre 1962, soit deux ans seulement après les
indépendances de la plupart des colonies d'Afrique. Aujourd'hui, L'OAMPI devenu l'O.A.P.I. depuis le départ de
Madagascar le 31 décembre 1975, avec pour effet à compter du 31 décembre 1976, et une évolution de fond
compte 1695 pays membres dont la population totale avoisine 100 millions d'habitants. L'O.A.P.I. a son siège à
Yaoundé au Cameroun.
Une évolution de fond a effectivement été consacrée à l'occasion de l'adoption de l'Accord de Bangui
en 1977, ayant consisté en l'extension des compétences de l'organisation à la propriété littéraire et artistique.
Ainsi, elle est devenue Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle. Son rôle demeure toutefois
prépondérant dans le domaine de la propriété industrielle, puisqu'elle continue de servir d'office national de
propriété industrielle pour les pays membres.
L’accord de Bangui a été révisée pour la dernière fois en 1999, à Bangui, et le texte révisé est entré
en vigueur le 28 février 2002.
Le régime de l'Accord de Libreville, maintenu sous l'Accord de Bangui 1977 et 1999, est fondé sur trois
principes :
- l'adoption d'une législation uniforme ; la législation uniforme est adoptée sous forme d'annexes à
l'Accord qui font parties intégrantes de l'accord.
- la création d'un office commun ; il tient lieu "d'office national", "d'office élu", "d'office désigné",
"d'office récepteur", aux sens des traités internationaux de délivrance de titres de propriété industrielle (PCT,
Arrangement de Lisbonne concernant les appellations d'origine, le Traité de Vienne sur l'enregistrement
international des marques, l'Arrangement de la Haye concernant le dépôt international des dessins et modèles).
- la centralisation des procédures de délivrance des titres de propriété industrielle. Ces procédures
aboutissent à la délivrance d'un titre dont le caractère national et indépendant est affiché par les textes. Mais il
me semble que le législateur africain n'a pas supporté les conséquences de voir qu'un brevet O.A.P.I. pourra
être annulé dans un pays et continuer d'exister dans les autres pays, conséquence normale de l'indépendance
des droits. Alors, un article a été introduit dans l'Accord tel que révisé en 1977 qui dispose que les décisions de
justice définitives rendues dans le domaine de la propriété intellectuelle dans un pays membre ont autorité dans
les autres pays.
Pour davantage comprendre le système OAPI de propriété intellectuelle, les questions suivantes
seront examinées dans un premier temps :
- Nature de la législation OAPI ;
95
Les pays membres de l'O.A.P.I. sont :
- le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République centrafricaine, le Congo, la Côte d'Ivoire, le Gabon, la Guinée, la
Guinée Bissau, Guinée équatoriale, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
- Nature du titre de propriété industrielle ;
- La portée des décisions rendues par les juridictions nationales.
Dans un second temps, le rôle des juridictions nationales sera présenté à travers le contentieux des
droits de propriété industrielle :
- l’action en nullité des titres ;
- l’action en déchéance du titre ;
- l’action pour la radiation d’un titre ;
- l’action en contrefaçon ;
- la procédure des licences non-volontaires ;
- le contrôle des clauses nulles.
I. Compréhension du système OAPI de propriété intellectuelle
II. Le contentieux des droits de propriété industrielle
I. CONNAISSANCE DU SYSTEME OAPI
A. Nature de la législation OAPI
La nature de la législation de l’OAPI peut être définie à l’aide des articles 3 et 4 de l’Accord.
L’article 4 dispose :
« Les annexes au présent Accord contiennent, respectivement, les dispositions applicables, dans
chaque Etat membre, en ce qui concerne… (suit la lite des 10 annexes indiquant les domaines concernés).
L’Accord et ses annexes sont applicables dans leur totalité à chaque Etat qui le ratifie ou qui y adhère.
Les Annexes 1 à 10 incluses font parties intégrantes du présent Accord. »
Mais l’article 3 qui traite de la nature des droits de propriété industrielle a semé le trouble dans l’esprit
des interprètes en disposant que ces droits sont « soumis à la législation de chacun des Etats membres dans
lesquels ils ont effets ». Le doute s’intensifie avec l’article 8, alinéa 2, de l'Accord de Bangui (texte de 1977) qui,
au sujet de la marque, dispose que "Les marques enregistrées et publiées produisent leurs effets selon la loi
nationale de chaque Etat dans chacun des Etats membres". Aussi a-t-on pu douter du caractère uniforme de la
législation, puisque le texte de l'Accord de Bangui renvoie systématiquement à la législation nationale des pays
membres96. Il va sans dire que la formule juste est celle de l’actuel article 9, alinéa 2, de l'Accord de Bangui
révisé qui dispose : "Les marques enregistrées et publiées produisent leurs effets selon les dispositions du
présent Accord et son annexe III dans chacun des Etats membres...".
Puisque les droits de propriété industrielle sont les mêmes et trouvent leur source unique dans la
législation commune, le renvoi aux droits nationaux ne concerne plus que les domaines extérieurs à cette
législation ; ainsi, l'apport en société d'un titre de propriété industrielle suit les règles de chaque Etat parce qu'il
V. Mme Cathérine-Joël KINGUE, La protection du droit d'auteur dans les Etats membres de l'O.A.P.I., Thèse de doctorat
de 3ème cycle, dactylographiée, Paris 2, 1985, p. 36 et s.
96
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
n'est pas traité par la législation uniforme. Il en est ainsi non parce que l'Accord l'a dit, mais parce que ça va de
soi.
L'Accord de Bangui, tout comme celui de Libreville, ne laisse aucun doute sur le fait que les pays
membres ont voulu mettre en place une législation uniforme. Par ce texte, ils ont adopté leurs premières lois
uniformes dès l’Accord de Libreville du 13 septembre 1962. Les Annexes de l’Accord OAPI servent de
législations nationales dans les pays membres. Elles y sont directement applicables, sans besoin d’aucune autre
formalité que l’adhésion à l’Accord. Ainsi, tout comme aujourd’hui les Actes uniformes OHADA, les Annexes de
l’Accord OAPI sont directement applicables et obligatoires dans les Etats membres nonobstant toute disposition
contraire de droit interne, antérieur ou postérieure. Il ne peut qu’en être ainsi, puisque les annexes sont déclarées
faire parties intégrantes de l’Accord (art., in fine). C’est ce que Monsieur Denis EKANI a qualifié de "législation
nationale dans le fond et internationale dans la forme"97.
L’uniformisation de la législation est si poussée qu’en matière pénale, les Annexes définissent non
seulement les incriminations, mais aussi les sanctions, même si des renvois sont faits à certaines dispositions
nationales comme à celles relatives aux circonstances atténuantes.
B. Nature du titre de propriété industrielle OAPI
L’article 3, alinéa 1, de l’Accord OAPI révisé dispose que « les droits afférents aux domaines de la
propriété intellectuelle, tels que prévus par les annexes au présent Accord sont des droits nationaux
indépendants, soumis à la législation de chacun des Etats membres dans lesquels ils ont effet ».
La doctrine relève unanimement que le texte de l'article 3 comporte bien de formulations peu
heureuses : "droits afférents aux domaines de la propriété intellectuelle", " droits nationaux indépendants, soumis
à la législation de chacun des Etats membres".
Que signifie d’abord la formule de "droits nationaux indépendants", que Monsieur Issa-Sayegh qualifie
de "formule sibylline et maladroite"98 ? Certains y ont vu un renvoi direct à la législation sur la propriété
intellectuelle99, qualifiée alors de législation nationale et indépendante. On doit cependant comprendre, en ce qui
concerne la propriété industrielle, que cette qualification vise les droits de propriété industrielle attachés aux titres
délivrés.
La formule de « droits afférents aux domaines de la propriété intellectuelle » date de l’Accord de
Bangui de 1977 car elle était plus claire dans l’Accord de Libreville : en effet dans ce dernier texte, à l'article 1er,
la qualification de "droits nationaux indépendants" s'appliquait clairement aux droits attachés aux titres de
propriété industrielle : « les droits attachés aux brevets, aux marques et aux dessins ou modèles industriels
faisant l’objet des procédures communes sont des droits nationaux indépendants soumis à la législation de
chacun des Etats membres dans lesquels ils ont effet ». Le changement de formulation ci-dessus constaté trouve
sa source dans la prise en compte de la propriété littéraire et artistique en 1977 dans l'Accord de Bangui ; cette
dernière propriété ne donnant pas lieu à la délivrance de titre, il était impossible de reprendre la formule des
"droits attachés aux brevets, aux marques, etc.". Mais la nouvelle formulation est certainement plus vague que
celle de l'Accord de Libreville, ce qui explique les divergences d'interprétation.
Les droits de propriété industrielle sont déclarés indépendants. Ce concept n'est pas une invention du
législateur africain. Il est bien connu dans le droit international de la propriété intellectuelle ; mais son usage dans
le système O.A.P.I. mérite quelques explications.
97
V. M. Denis EKANI, L'Union africaine et malgache de la propriété industrielle : la protection régionale des droits de
propriété industrielle, Thèse de doctorat de 3ème cycle, Strasbourg, 1973, p. 45.
98
V. Monsieur Joseph ISSA-SAYEGH ,"L'intégration juridique des Etats africains de la zone franc", Penant, 1997, n° 824, p.
137.
99
V. Par exemple Mme KINGUE, op. cit. p. 32 et s.
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Dans l'Accord O.A.P.I., l'indépendance des droits ne correspond pas exactement à l'acception qu'elle
reçoit dans le droit international. Dans le cadre de l’Union de Paris, l'indépendance des droits signifie que les
droits nés de l'exercice du droit de priorité unioniste donne naissance à des droits indépendants de ceux qui
existent dans le pays de la première demande. C'est donc une indépendance par rapport à l'extérieur ; or, c'est
l'indépendance à l'intérieur même du système O.A.P.I. qui est traitée.
Les attributs de l'indépendance des droits ont trait notamment aux conditions de validité et à la durée
des droits. Or, au sein de l'O.A.P.I., parce qu'il y règne une législation uniforme, les règles de fond sont
exactement les mêmes, de la délivrance à l'extinction des droits. L'unification de la législation noie
l'indépendance des droits sans pour autant la faire disparaître.
La procédure unique engagée par le demandeur aboutit à la délivrance d'un titre qui donne naissance
à un faisceau de droits nationaux indépendants produisant simultanément leurs effets dans tous les Etats
membres. Le titre O.A.P.I. est alors unique mais pas unitaire : il ne s'agit pas d'un titre supranational comme la
marque communautaire ou le brevet communautaire en Europe. Dans chacun des pays membres, les droits sont
censés vivre leur vie de façon indépendante : ainsi, lors d'une conférence-débat organisée sur l'O.A.P.I. par
l'Institut national de la propriété industrielle en France, la question s'est posée de savoir "Dans quelle mesure une
marque déposée à l'O.A.P.I. peut faire l'objet d'une cession limitée au territoire d'un ou plusieurs pays membres
de l'Organisation". Interpellé, Monsieur Denis Ekani, premier Directeur général de l'O.A.P.I. a répondu que
"Dans la mesure où la marque O.A.P.I. produit ses effets indépendamment sur le territoire de chaque Etat
membre, la cession peut intervenir séparément pour chaque territoire national, de même que les effets de
l'annulation peuvent être prononcés pour chaque territoire national"100. Ainsi, les titres O.A.P.I. circulent de façon
indépendante dans les pays membres. La pratique reflète parfaitement cette analyse : le titulaire d'un titre
O.A.P.I. le gère comme s'il lui avait été délivré autant de titres que de pays membres de l'Organisation. C'est une
expression de l'indépendance des droits que vient contrarier la portée des décisions de justice rendues par les
juridictions nationales.
C. La portée des décisions de justice rendues par les juridictions nationales
Sur le plan juridictionnel, le législateur africain de l'O.A.P.I. a mis en place l'organisation suivante : le
contentieux résultant des procédures de délivrance relève exclusivement de la compétence de la Commission
supérieure des recours ; celui portant sur le fond des droits (nullité, contrefaçon, déchéance, licence obligatoire),
etc., relève des tribunaux nationaux. Cette organisation est tout à fait conforme au caractère national des droits.
Mais, le législateur africain semble avoir rapidement craint le risque de divergence de la jurisprudence qui
remettrait en cause l'unification de la législation commune101. Sous l'empire de l'Accord de Libreville, on pensait
déjà que les conditions d'annulation et de déchéance des titres étant les mêmes, confier ces questions aux
tribunaux nationaux c'était condamner, sans nécessité, le particulier à saisir treize tribunaux d'une même
affaire102. Le système aboutissait à maintenir dans certains Etats des monopoles déclarés injustifiés dans
d'autres, les droits correspondant ayant été annulés ou frappés de déchéance.
Les craintes exprimées ont justifié l’introduction de l’article 15 dans l’Accord à l’occasion de la révision
de 1977. Il exprime un choix entre la solution qu'offrait à l'époque l'Union Benelux et celle de la mise en place
d'une juridiction supranationale103. En 1977, le législateur africain semble avoir choisi la solution de facilité ; mais
100
V. le communiqué de M. J.-C. COMBALDIEU, Directeur général de l'Institut National de la Propriété Industrielle,
P.I.B.D., n°356 du 15 novembre 1984.
101
Ce risque est unanimement exprimé dans la doctrine. V. dans ce sens M. EKANI, thèse précitée, p. 171 ; M. ISSASAYEGH, "L'intégration juridique des Etats africains dans la zone franc", op. cit., p.137, n° 94 ; Mme PONTVIANNE, op.
cit., p. 158.
102
V. dans ce sens, M. EKANI, thèse précitée, p. 172.
103
Ibidem. A l'époque, en attendant la mise en place de la Cour de justice Benelux prévue par l'article 10 de la Convention,
l'article 9, alinéa 1, prescrivait que l'autorité des décisions judiciaires rendues dans l'un des trois Etats était reconnue dans
les deux autres.
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l'article 15, dans sa mise en oeuvre, a posé d'énormes difficultés, à commencer par son champ d'application.
Outre cette difficulté, la détermination de la portée de l'autorité dont l'article prescrit la reconnaissance dans les
autres pays continue d’être "un casse-tête chinois".
1. Le champ d’application de l’article 15
L’article 15 vise l’ensemble des décisions mettant en œuvre tous les textes de propriété intellectuelle :
le brevet d’invention, les marques, les dessins ou modèles et même la concurrence déloyale et les droits
d’auteur. Sa formulation générale englobe tant les décisions pénales, commerciales que civiles ; pourtant, en
général, les dispositions qui réalisent une reconnaissance des décisions étrangères se limitent aux domaines civil
et commercial. L'article 15 a donc un champ d'application extrêmement large, susceptible de gêner sa mise en
oeuvre. Les rédacteurs de l'Accord de Bangui révisé ont sans doute compris ce danger.
Dans l’accord tel que révisé en 1999, l’article 15 devient l’article 18 qui dispose que « Les décisions
judiciaires définitives rendues sur la validité des titres dans l’un des pays membres en application des
dispositions du texte des annexes 1 à 10 au présent Accord font autorité dans tous les Etats membres,
exceptées celles fondées sur l’ordre public et les bonnes mœurs ». Ainsi, est-il admis qu’un brevet soit annulé
dans un pays membre tandis qu’il continue de produire ses effets dans les autres pays membres, si la cause de
l’annulation est la contrariété à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
Il s’opère donc une forte réduction du champ d’application de la disposition. Ainsi, la réduction aux
seules décisions rendues sur la validité des titres exclut les décisions pénales. Mais la réduction du champ
d’application ne supprime pas toutes les difficultés de mise en œuvre.
La question peut se poser de savoir quelles sont les décisions judiciaires sur la validité des titres. Il est
certain que les décisions d’annulation des titres de propriété intellectuelle mettent en œuvre les conditions de
validité de ces titres et entrent dans le champ d’application de l’article 15 ; mais il faudrait sans doute y ajouter
celles qui prononcent la déchéance des droits. A titre d’illustration, l’article 40 de l’Annexe 1 sur le brevet
d’invention dispose qu’est déchu de ses droits le breveté qui n’a pas acquitté son annuité à la date anniversaire
du dépôt de sa demande de brevet. C’est pour ces décisions que les textes prescrivent la notification à
l’Organisation qui doit en assurer une certaine publicité par insertion dans le registre spécial correspondant.
Une autre difficulté sur la connaissance du champ d’application de la disposition sur la portée des
décisions judiciaires résulte des difficultés que soulève la notion de décision judiciaire définitive. En effet, ni
l'article 15 de l’Accord de Bangui de 1977 ni l’article 18 de l’Accord révisé en 1999, ne donne une définition de la
décision judiciaire définitive.
On peut dire d’abord qu'il s'agit de toute décision quelle que soit la dénomination : arrêt, jugement,
ordonnance. Quant à la notion de décision définitive, la doctrine en relève l'ambiguïté104.
Ce ne serait certainement pas trahir l'esprit de l’Accord OAPI que d'avancer que les décisions
devenues définitives doivent être celles qui sont insusceptibles de recours soit, parce que les délais des voies de
recours, suspensifs d'exécution, sont expirés, soit parce que celles-ci sont épuisées. En d'autres termes, il s'agit
des décisions ayant acquis la force de la chose jugée"105.
2. La portée de l’autorité reconnue aux décisions de justice
Lorsque l’article 18 de l’Accord OAPI dispose que les décisions judiciaires définitives rendues sur la
validité des titres dans l’un des Etats membres font autorité dans tous les autres Etats membres, la portée de
cette autorité n'est autrement précisée. On peut donc s'interroger à son sujet. « Doit-on considérer qu'il s'agit
simplement de l'autorité de la chose jugée signifiant que les décisions judiciaires civiles ou pénales rendues en
104
V. MM. VINCENT et GUINCHARD, Procédure civile, Paris, Précis Dalloz, 1996, n° 1201.
105
V. M. BIZITOU, op. cit., p. 31, note n° 1.
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la matière ne sauraient plus être remises en cause ou, plus encore, qu'elles sont exécutoires de plein droit (sans
exequatur) dans les Etats membres autres que celui où elles ont été rendues ? »106
Le moins que l’on puisse dire c’est que l’article 18 de l’Accord OAPI manque de précision par rapport à
ce qui est dit, par exemple, des décisions de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA « Les
arrêts de la CCJA ont l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun
des Etats membres Parties une exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions des juridictions
nationales. Dans une même affaire, aucune décision contraire à un arrêt de la CCJA ne peut faire l’objet d’une
exécution forcée sur le territoire d’un Etat Partie » (art. 20 du Traité OHADA).
Les effets attachés aux décisions de justice, tant répressives que civiles, sont l'autorité de la chose
jugée et la force exécutoire.
"L'autorité de la chose jugée et attribuée, dès son prononcé au jugement qui tranche dans son
dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou
toute autre incident"107. C'est un caractère attribué par la loi au contenu du jugement (article 1350-1351 du Code
civil). Par cette autorité, ce qui a fait l'objet d'un jugement est soustrait aux contestations futures, sous réserve
des voies de recours. Une demande ayant le même objet et fondée sur la même cause se heurtera à une fin de
non-recevoir dite exception de chose jugée.
La force exécutoire, elle, justifie que ce qui est ordonné par le juge puisse être exécuté malgré
l'opposition de la partie condamnée, au besoin avec le recours à la force publique. La décision judiciaire constitue
alors un titre. L'expédition revêtue de la formule exécutoire est le moyen ordinaire de justifier de sa force
exécutoire. En règle générale, la force exécutoire est exposée à l'ouverture des voies de recours. C'est pourquoi
elle n'existe que sur des décisions passées en force de chose jugée, c'est-à-dire non susceptibles de voies de
recours suspensives de l'exécution.
Puisque l'article 15 vise les décisions définitives, l'autorité qu'il leur reconnaît dans les Etats membres
signifie au minimum "autorité de la chose jugée". La procédure normale pour accorder l'autorité de la chose jugée
à une décision étrangère est l'exequatur. "Cette procédure, [...] n'est pas seulement exigée dans le cas où l'on
veut rendre le jugement exécutoire, mais peut et doit être utilisée si l'on veut faire bénéficier le jugement étranger
de l'autorité de la chose jugée. Tant que l'exequatur n'a pas été accordé, l'effet négatif de l'autorité de la chose
jugée ne peut être invoqué pour paralyser une nouvelle action intentée devant le juge national. Bref, on peut dire
que l'exequatur confère l'autorité de la chose jugée à la décision étrangère"108. La procédure de l'exequatur
remplit donc une double fonction : parvenir à l'exécution de la décision mais aussi en assurer la reconnaissance
dans la plénitude de ses effets dont l'autorité de la chose jugée.
L'article 15 de l'Accord O.A.P.I. ne concerne que les décisions simplement définitives. Ces décisions
ne sont donc pas encore exécutoires ; l'Accord de Bangui ne saurait leur reconnaître dans les pays étrangers les
effets qu'elles n'ont pas dans leur pays d'origine. Il est donc tout à fait raisonnable de penser avec Monsieur IssaSayegh que l'article 15 se limite à la reconnaissance de droit (sans procédure d'exequatur) de l'autorité de la
chose jugée aux décisions concernées. L'exequatur demeure donc indispensable selon les conditions prévues
par les législations nationales ou les conventions internationales pour obtenir l’exécution de la décision étrangère.
3. L'article 15 et l'unification de l'interprétation de la législation commune
La mise en œuvre de la disposition sur la portée des décisions de justice rendues en application des
Annexes de l’Accord AOPI se résume ainsi qu’il suit : lorsque la décision devient définitive, elle a autorité de la
chose jugée dans tous les Etats parties à l’Accord OAPI, sans besoin d’une procédure d’exequatur. C’est une
106
V. M. ISSA-SAYEGH, «L'intégration juridique des Etats africains de la zone franc", op. Cit. N° 94.
107
V. M.M. Gérard CORNU et Jean FOYER, Procédure civile, Paris, Thémis, 1996, p. 590. V. également MM. Jean
VINCENT et Serge GUINCHARD, op. Cit. n° 172.
108
V. M. (G.) DROZ, op. cit., p. 251, n° 410.
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reconnaissance de plein droit des effets de la décision. Ainsi, un brevet annulé l’est dans tous les Etats membres,
sans qu’il ne soit nécessaire d’engager une action en nullité dans chacun de ces Etats. C’est pour permettre la
mise en œuvre de cette mesure que les annexes de l’Accord OAPI prévoient l’inscription des décisions judiciaires
portant sur la nullité ou la déchéance des titres. A titre d’illustration, l’article 45 de l’Annexe n° 1 dispose que
« Lorsque la nullité ou la déchéance absolue d’un brevet a été prononcée par une décision judiciaire ayant acquis
force de chose jugée, la juridiction en avise l’Organisation et la nullité ou la déchéance prononcée sur le territoire
d’un Etat membre est inscrite au registre spécial des brevets et publiée dans la forme déterminée à l’article 32
précédent pour les brevets délivrés ».
Le bénéficiaire de la décision peut se contenter de cette reconnaissance dans tous les pays où il n’a
pas besoin d’exécuter la décision. Mais dans les pays étrangers où il veut procéder à une exécution forcée, il lui
faudra obtenir l’exequatur.
L'article 15 de l'Accord O.A.P.I. voit pourtant sa portée limitée par le caractère relatif de l'autorité de la
chose jugée. En effet, cette autorité n'existe que dans la triple condition d'identité de partie, d'objet et de cause.
D’une part, l'article 15 n'empêchera donc pas les contrariétés de décisions entre des juridictions de deux, voire
plusieurs Etats. C'est pourquoi dans la doctrine, on est unanime à penser que seule une juridiction
supranationale conduirait vers une uniformisation de la jurisprudence109.
D'autre part, une uniformisation réalisée par la voie de l'article 15 produirait une jurisprudence dont la
qualité laisserait à désirer. En effet, il s'agirait d'une uniformisation à la base, puisqu'une décision de première
instance peut faire jurisprudence valable dans tous les Etats membres. Il faut certes uniformiser, mais il faut
tenter de le faire par le sommet, ce qui nous ramène encore à l'exigence d'une juridiction supranationale.
II. LE CONTENTIEUX DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE
A. L’annulation, la déchéance et la radiation des titres
1. L’annulation du titre
L’action en nullité existe pour tous les titres de propriété industrielle. Elle se fonde sur l’existence de
conditions de validité des titres. A titre d’illustration, l’article 39 de l’Annexe 1 sur le brevet d’invention dispose que
« Sont nuls et de nul effet, les brevets délivrés dans les cas suivants :
a) si l’invention n’est pas nouvelle, ne comporte pas une activité inventive et si elle n’est pas
susceptible d’application industrielle … ».
Le contrôle de la validité des titres par les tribunaux est d’une grande importance dans le système
OAPI à un double titre.
D’une part, les titres sont délivrés sans garantie « du gouvernement » ; c’est ce que dit par exemple
l’article 22, alinéa 1, de l’Annexe 1 sur le brevet d’invention : « … dans tous les cas, la délivrance des brevets est
effectuée aux risques et périls des demandeurs et sans garantie soit de la réalité, de la nouveauté ou du mérite
de l‘invention, soit de la fidélité et de l’exactitude de la description ».
D’autre part, dans le système OAPI, les demandes de titre ne font l’objet que d’un examen de forme à
l’exclusion d’un examen de fonds sur les conditions de validité. L’action en nullité est donc l’occasion d’obtenir un
contrôle par les tribunaux de la validité des titres délivrés par l’OAPI.
109
V. M. ISSA-SAYEGH, "L'intégration juridique des Etats africains de la zone franc", op. cit., n° 94 ; Mme PONTVIANNE,
op. cit., p. 513 ; M. BIZITOU, op. cit., p. 31, note 1 ; M. Gaston KENFACK DOUAJNI, "L'abandon de souveraineté dans le
Traité O.H.A.D.A.", Penant n° 830, mai-août, 1999, p.132.
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2. La radiation des effets du titre
Au sujet de certains titres, le législateur change de terminologie pour parler de radiation des effets de
l’enregistrement du titre. Il en est ainsi, par exemple, à l’Annexe 9 sur la protection des topographies de circuits
intégrés (art. 33), à l’Annexe 6 sur la protection des indications géographiques (art. 14) et à l’Annexe 10 sur la
protection des obtentions végétales (art.27). Toutefois, à l’examen de ces dispositions, on s’aperçoit que la
radiation est préconisée pour un contrôle des conditions de validité des titres. Il aurait été plus indiqué
d’uniformiser la terminologie et parler d’annulation du titre.
Toutefois, à propos d’autres titres, le législateur donne au concept de radiation une autre signification.
Il en est ainsi au sujet de la marque (Annexe 3, art. 23). A l’article 23 en question, il est prévu la radiation de la
marque pour défaut d’exploitation : « A la requête de tout intéressé, le tribunal peut ordonner la radiation de toute
marque enregistrée qui, pendant une durée ininterrompue de 5 ans précédant l’action, n’a pas été utilisée sur le
territoire national de l’un des Etats membres pour autant que son titulaire ne justifie pas d’excuses légitimes… ».
La radiation ne sanctionne pas ici l’absence d’une condition de délivrance du titre car elle existe à côté de l’action
en nullité qui elle sanctionne le non-respect des conditions de validité (art. 24, annexe 3).
3. La déchéance du titre
La déchéance des droits existe pour les titres dont le maintien en vigueur implique le payement de
taxe annuelle ou de renouvellement. Il en est ainsi du brevet, du modèle d’utilité, du dessin ou modèle industriel,
de la marque, du nom commercial de l’obtention végétale.
Ainsi, « est déchu de ses droits le breveté qui n’a pas acquitté son annuité à la date anniversaire du
dépôt de sa demande de brevet… »
4. Les différentes actions
a. L’action en nullité et en déchéance
Du point de vue de l’action, la nullité et la déchéance sont soumises à la même procédure. L’action est
ouverte à toute personne intéressée. Le Ministère public peut intervenir et prendre des réquisitions pour obtenir
l’annulation ou le constat de la déchéance d’un titre de propriété industrielle. Il peut même agir à titre principal
dans certains cas tels les contrariétés avec l’ordre et aux bonnes mœurs.
Les actions en nullité et en déchéance sont attribuées par la loi aux tribunaux civils qui les instruisent
et les jugent dans la forme prescrite pour les matières sommaires. On évite ainsi la procédure de mise en état, ce
qui est de nature à accélérer la procédure. S’agissant des tribunaux civils, c’est à la législation de chaque Etat de
préciser éventuellement de quels tribunaux il s’agit. Au Burkina Faso par exemple, selon la loi du 17 mai de 1993
sur l’organisation judiciaire (article 21), ce sont les chambres civiles des tribunaux de grandes instances, seules
compétentes pour connaître des litiges en matière de propriété intellectuelle, qui sont compétentes pour juger
des actions envisagées.
Enfin, les décisions judiciaires portant sur la nullité ou la déchéance des titres, lorsqu’elles sont
passées en force de chose jugée, doivent être notifiées par le tribunal à l’OAPI pour être inscrites au registre
spécial du titre concerné et être publiées. C’est à ces décisions que l’article 18 de l’Accord donne autorité dans
l’ensemble des Etats membres de l’OAPI.
Au sujet des obtentions végétales, il faut signaler une particularité qui résulte des articles 40
(annulation du certificat d’obtention végétale) et 41 (déchéance du titulaire).
Alors que s’agissant de tous les titres, l’action en nullité est judiciaire, l’article 40, alinéa 1, dispose que
« toute personne qui justifie d’un intérêt peut saisir le Directeur Général d’une demande d’annulation ». Même si
l’alinéa 2 du texte traite de la possibilité d’annulation par le tribunal, il est surprenant que l’Administration de
l’OAPI puisse être saisie aussi d’une telle action.
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La même particularité existe au sujet de la déchéance des droits. L’article 37.1 de l’annexe 10
prévoyant des conditions de maintien de la variété, l’article 41 attribue à l’Organisation le droit de déchoir le
titulaire de son certificat d’obtention lorsque ces conditions ne sont pas respectées. En fait, on aurait pu
s’attendre à une telle procédure au sujet de la déchéance des droits du breveté aussi par exemple, pour nonpayement de l’annuité. Mais s’agissant de ce dernier cas, la législation ne prévoit qu’une déchéance de droit
sans organiser un constat de cette déchéance par l’OAPI.
Quoique l’annexe 10 ne le dise pas expressément, je pense que toute personne intéressée devrait
pouvoir obtenir le constat de la déchéance des droits sur une obtention végétale conformément aux dispositions
de l’article 41.
b. L’action en vue de la radiation d’un titre
La radiation ne garde une spécificité que s’agissant de la marque car, pour l’indication géographique,
l’obtention végétale, comme pour la protection des schémas de configuration des circuits intégrés, elle est
simplement une procédure d’annulation des effets du titre.
En droit des marques, la radiation sanctionne l’absence d’exploitation du titre ou son nonrenouvellement. Mais, la deuxième cause de radiation peut être assimilée la déchéance des droits qui existe pour
d’autres titres.
L’article 23 de l’annexe 3 ouvre l’action en radiation des effets de la marque à toute personne
intéressée lorsque pendant une durée ininterrompue de 5 ans précédant l’action, la marque n’a pas été utilisée
sur le territoire de l’un des Etats membres sans excuse légitime. La législation prévoit également que la décision
ordonnant la radiation, lorsqu’elle est devenue définitive, doit être communiquée à l’Organisation qui en assure
l’inscription au registre spécial et la publicité. La question qui se pose est de savoir si cette décision produit son
autorité dans tous les Etats membres comme le prévoit l’article 18 de l’Accord ?
Si on applique l’article 18 de l’Accord au cas de la radiation pour défaut d’exploitation, on aboutit à la
conclusion que le propriétaire d’une marque est tenu de l’exploiter dans chaque pays membre de l’OAPI ce qui,
économiquement, n’est pas réaliste et qui, juridiquement, instituerait l’exploitation comme une condition de
validité de la marque. C’était le cas dans la législation précédente car le renouvellement de la protection au bout
de dix ans était conditionné par la preuve de l’exploitation de la marque (art. 19 de l’Annexe 3, Accord de Bangui
1977). Ce n’est plus le cas dans le texte révisé. La décision de radiation pour non exploitation d’une marque ne
devrait donc concerner que le territoire sur lequel elle a été rendue.
B. L’action en contrefaçon
Sans être la seule infraction, la contrefaçon est le principal délit qui sanctionne les atteintes aux droits
de propriété industrielle. L’action en contrefaçon est l’action qui permet au titulaire de droits d’en assurer la
défense.
En propriété industrielle, les délits sont définis par la législation commune, les peines aussi, de sorte
que les seuls renvois aux législations nationales ne concernent que les circonstances atténuantes.
1. Les règles de compétence
Pour tous les titres de propriété industrielle, la contrefaçon est un délit pénal et civil. A ce titre les
juridictions correctionnelles peuvent être saisies, mais, au sujet de certains titres, l’action correctionnelle ne peut
être exercée par le Ministère public que sur plainte de la partie lésée. Il s’agit du brevet d’invention (art. 21), du
modèle d’utilité (art. 44), les dessins ou modèles industriels (art. 30) et des obtentions végétales (art. 49).
Si le tribunal correctionnel est saisi, il a une compétence dite exceptionnelle pour statuer sur les
exceptions soit sur la nullité ou la déchéance du titre, soit des questions relatives à la propriété du titre.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
S’agissant de l’action civile, si elle n’est pas soumise à la juridiction pénale sur constitution de partie
civile, elle relève de la compétence des juridictions civiles. La législation de chaque Etat membre apporte les
précisions nécessaires à la détermination des tribunaux compétents.
S’agissant aussi de procédure, il faut signaler l’existence, au sujet de tous les titres, de la procédure
de saisie-contrefaçon. Il s’agit d’une procédure rapide d'ordonnance sur requête qui permet d’obtenir du
président du tribunal civil une ordonnance permettant la saisie descriptive ou réelle des objets prétendus
contrefaisants. La saisie-contrefaçon est un moyen permettant de pré-constituer la preuve des atteintes aux
droits. Ainsi, la validité de la saisie est conditionnée par une action au fond dans un délai de 10 jours ouvrables à
compter de la saisie. Passé ce délai, la saisie est nulle.
2. Les règles de fond
La notion de contrefaçon, en propriété industrielle, résiste à tout effort de synthèse à tel point qu’il faut
se référer à chaque annexe pour l’appréhender. Il faut le faire car la contrefaçon de brevet n’a rien à voir avec la
contrefaçon de marque.
La sanction du délit de contrefaçon est également variable. Le contrefacteur en droit des brevets
écope d’une peine d’amende de 1 à 3 millions de francs CFA et ne s’expose à une peine de prison qu’en cas de
récidive.
La contrefaçon dans le domaine voisin du modèle d’utilité est sanctionnée d’une peine d’amende de 1
à 6 millions. L’amende est du même montant en droit des marques, sauf que dans ce dernier cas, s’ajoute la
possibilité d’une peine de prison de 3 mois à 2 ans, même pour le délinquant primaire. Dans le domaine des
peines aussi, il faut donc se référer à la législation régissant chaque titre.
C. Les licences non-volontaires
1. La définition de la licence non-volontaire
La notion de licence non volontaire renvoie à quatre catégories de licences : la licence pour défaut
d’exploitation, la licence pour brevet de dépendance, la licence d’office, la licence de plein droit. A la différence
des licences volontairement concédées par les titulaires de droits, les licences non-volontaires ne sont pas
négociées avec ces deniers ; elles sont accordées par des autorités administratives ou judiciaires.
Ce type de licence n’existe que pour le brevet, au sujet duquel on rencontre les quatre types de
licence, pour la topographie de circuit intégré (qui ne connaît que deux des licences) et pour l’obtention végétale
(pour laquelle il n’y a que la licence d’office).
La licence non-volontaire pour défaut d’exploitation présente davantage d’intérêt que les autres en ce
qu’elle implique l’intervention d’un tribunal, alors que le tribunal n’intervient dans les autres licences que pour
trancher les différends.
Il s’agit de licence que quiconque peut demander pour exploiter un titre, à l’expiration d’un délai de
quatre ans à compter de la date de dépôt de la demande du titre (brevet ou topographie de circuit intégré) ou de
trois ans à compter de la date de délivrance du titre (le délai qui expire le plus tard est appliqué), pour les raisons
suivantes :
- l’invention ou le circuit intégré n’est pas exploitée sur le territoire d’un état membre ;
- l’exploitation n’est pas suffisante pour satisfaire le marché ;
- en raison du refus du titulaire du titre d’accorder des licences contractuelles à des conditions et
modalités raisonnables qui causerait un préjudice injuste et substantiel pour l’établissement ou le développement
d’activités industrielles ou commerciales sur le territoire concerné.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
S’agissant du territoire concerné, il y a lieu de penser qu’il s’agit de celui du demandeur. Si un
burkinabé en fait la demande, c’est parce que le brevet n’est pas exploité au Burkina Faso qu’il n’a pas pu obtenir
une licence volontaire pour le Burkina Faso.
2. La procédure de la licence obligatoire
La licence non-volontaire est délivrée par décision de justice. La requête est adressée au tribunal civil
du domicile du titulaire du titre ou, s’il est domicilié à l’étranger dans le pays où il a dû constituer mandataire aux
fins de dépôt. Dans la pratique, ce sera alors un tribunal camerounais, puisque la plupart des mandataires s’y
trouvent, ce qui constitue une difficulté supplémentaire.
La requête en licence non-volontaire doit contenir un certain nombre d’informations dont :
- la preuve que l’exploitation industrielle de l’invention ou du schéma de configuration ne satisfait pas
à des conditions raisonnables de la demande du produit protégé sur le marché local ;
- une déclaration du requérant, aux termes de laquelle il s’engage à exploiter industriellement, sur
l’un des territoires des Etats membres l’invention ou le schéma de configuration ;
- la preuve que le requérant s’est préalablement adressé au titulaire du titre pour obtenir une licence
contractuelle mais n’a pas pu l’obtenir à des conditions et modalités raisonnables ;
- la preuve que le requérant est capable d’exploiter industriellement l’invention ou le schéma de
configuration du circuit intégré.
Lorsque la requête en octroi de licence satisfait aux conditions exigées, le tribunal notifie la requête au
titulaire du titre ainsi qu’à tout titulaire d’une licence contractuelle sur ce titre, en les invitant à présenter leurs
observations dans un délai de trois mois. Le tribunal notifie également la requête à toute autorité
gouvernementale concernée. Le tribunal tient une audience sur la requête et les observations reçues.
Le tribunal prend une décision d’octroi ou de refus d’octroi de la licence.
Si la licence est accordée, la décision fixe :
- le champ d’application de la licence (les actes concernés, la durée), étant entendu que la licence ne
peut s’étendre à l’acte d’importer (art. 25.4-a, annexe 9 et 49.4-a, annexe 1) ;
- le montant de la compensation due au titulaire du titre
Enfin, le tribunal communique sa décision à l’OAPI qui l’enregistre et la notifie à tout bénéficiaire d’une
licence contractuelle enregistrée au registre spécial concernant le titre.
En définitive, il apparaît que les conditions d’obtention de cette licence non-volontaire et les formalités
sont assez difficiles à satisfaire. Le principal avantage serait peut-être que les conditions financières fixées par le
tribunal permettront d’obtenir des conditions adaptées au pays du demandeur.
L’exclusion de l’acte d’importation du champ d’application de la licence non-volontaire constitue
toutefois un inconvénient majeur pour nos Etats où l’exploitation industrielle sur place des inventions est rarement
possible. C’est l’exclusion d’une voie d’importation parallèle qui aurait permis par exemple de parer au besoin en
médicaments contre le Sida et d’autres endémies.
C’est pour surmonter cette difficulté que, dans le domaine précisément des médicaments, la
déclaration de Doha sur les ADPIC du 14 novembre 2001 a trouvé une solution pour les pays en développement
et les pays les moins avancés.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Cette déclaration, à son paragraphe 6, dispose que « Nous reconnaissons que les membres de l’OMC
ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n’en disposant pas dans le secteur pharmaceutique pourraient
avoir des difficultés à recourir de manière effective aux licences obligatoires dans le cadre de l’Accord sur les
ADPIC. Nous donnons pour instruction au Conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème et de
faire rapport au Conseil général avant fin 2002 ».
Le paragraphe 6 de la Déclaration de Doha a été mis en œuvre par une décision du Conseil général
de l’OMC le 30 août 2003 dont le schéma est le suivant :
Le dispositif est fondé sur les statuts de pays « membre importateur admissible » et de pays
« membre exportateur ».
Pour être un “Membre importateur admissible” dans le cadre du système prévu au “paragraphe 6”, un
pays doit notifier au Conseil des ADPIC son intention d'utiliser le système en tant qu'importateur, sauf s'il s'agit
d'un pays moins avancé, auquel cas aucune notification en ce sens n'est nécessaire (paragraphe 1 b de la
Décision de 2003). Il doit présenter une notification annonçant son intention d'utiliser le système et il doit ensuite
fournir des renseignements chaque fois qu'il l'utilise.
Le pays « membre exportateur » s’entend d’un Membre de l’OMC utilisant le système prévu pour
produire des produits pharmaceutiques à l’intention d’un membre importateur admissible dans lequel la
production sera exportée.
Le système constitue donc une dérogation aux obligations d'un Membre exportateur au titre de l'article
31 f) de l'Accord sur les ADPIC en ce qui concerne l'octroi par ce Membre d'une licence obligatoire, aux fins de la
production de produits pharmaceutiques.
Les produits livrés dans ces conditions ne peuvent être réexportés du pays importateur. Toutefois, en
vue d’exploiter les économies d’échelle et rendre les médicaments encore plus accessibles aux populations, la
décision aménage une flexibilité supplémentaire en faveur des pays en développement, qui sont parties à un
accord commercial régional dont la « moitié au moins des membres actuels » sont des pays figurant actuellement
sur la liste des pays les moins avancés des Nations Unies ». C’est par exemple le cas des pays membres de
l’UEMOA ou de la CEDAO. Pour ce cas, il est permis à un produit pharmaceutique produit ou importé sous
licence obligatoire dans ce membre, d’être exporté vers les marchés des autres pays en développement ou pays
moins avancés parties à l’accord commercial régional
D. Le contrôle des clauses nulles
La législation des pays membres de l’OAPI comporte des dispositions sur le contrôle des contrats de
licence. A titre d’illustration, l’article 37 de l’annexe 1 intitulé « clauses nulles » dispose : « sont nulles, les clauses
contenues dans les contrats de licence ou convenues en relation avec ces contrats pour autant qu’elles imposent
au concessionnaire de la licence, sur le plan industriel ou commercial, des limitations ne résultant pas des droits
conférés par le brevet ou non nécessaires pour le maintien de ces droits. »
L’article suivant dispose que « la constatation des clauses nulles visées à l’article 37 précédent est
faite par le tribunal civil à la requête de toute partie intéressée ».
La principale difficulté que rencontreront les tribunaux sera sans doute de donner une signification à la
notion de clause nulle, à partir simplement de l’énoncé de l’article 37.
L’alinéa 2 de l’article lève-t-il tout équivoque ? Selon cet alinéa, ne sont pas considérées comme
telles :
- les restrictions concernant la mesure, l’étendue ou la durée d’exploitation de l’invention brevetée ;
- l’obligation imposée au concessionnaire de la licence de s’abstenir de tout acte susceptible de porter
atteinte à la validité du brevet.
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L’interprète n’est certainement pas sorti de l’auberge !
L’article 37 est ce qui reste d’un ensemble de dispositions importantes de l’Accord de Bangui de 1977
qui constituaient un mécanisme de contrôle des contrats portant sur le brevet d’invention.
Selon l’article 31 de l’annexe 1 (texte de 1977), les contrats de licence, les contrats de cession et de
transmission de brevets et leurs modifications ou renouvellement devaient, dans les 12 mois après leur
conclusion, être soumis au contrôle d’une autorité nationale compétente avant leur inscription au registre spécial
approprié, s’ils comportent des payements à l’étranger ou s’ils sont consentis ou obtenus par des personnes
physiques ou morales qui ne sont pas des nationaux ou qui ne sont pas installées sur le territoire de l’un des
Etats membres. Cette formalité était exigée sous peine de nullité du contrat.
Ce contrôle était institué, ajoute l’article 31, pour s’assurer que le concédant ou le cédant n’impose pas
à son cocontractant des limitations qui ne résultent pas des droits conférés par le brevet ou non nécessaires au
maintien de ces droits. A titre d’illustration, étaient considérées comme telles :
- « la clause obligeant le cessionnaire ou le concessionnaire à payer des redevances pour une
invention non exploitée ou à payer une grande portion des redevances avant de commencer à exploiter une
invention protégée » ;
- La clause « dont l’effet est d’empêcher l’exportation de produits fabriqués selon l’invention protégée
vers certains ou tous les Etats membres ou qui autorisent une telle exportation moyennent des redevances
supplémentaires ou qui limitent les possibilités concurrentielles du cessionnaire ou du concessionnaire de la
licence sur les marchés de ces Etats ».
Si la disposition sur les clauses nulles est donc maintenue, le contrôle est désormais assuré devant les
tribunaux aux termes de l’article 38 du texte en vigueur, à la demande de toute partie intéressée.
Selon les dires de l’administration de l’OAPI, le contrôle tel que précédemment organisé aurait révélé
ses limites : des contrats visiblement contraires aux dispositions légales étaient transmis pour enregistrement par
les Etats membres. D’autre part, l’une des préoccupations exprimées par les critères du contrôle est satisfaite
aujourd’hui par l’instauration de l’épuisement des droits ; en effet, une telle limitation ne serait pas fondée sur les
droits résultant, par exemple du brevet, puisque l’article 8, alinéa 1-a, annexe 1, dispose que les droits découlant
du brevet ne s’étendent pas « aux actes relatifs à des objets mis dans le commerce sur le territoire d’un Etat
membre par le titulaire du brevet ou avec son consentement ». C’est ce que l’on appelle l’épuisement des droits.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
2EME PARTIE : LA PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Par Kouliga NIKIEMA, UFR/SJP Université de Ouagadougou
INTRODUCTION
Il est difficile, en une heure, d’enseigner la propriété littéraire et artistique ; mais s’agissant d’en parler
à des magistrats des hautes juridictions, j’ai choisi d’aborder le sujet dans le sens d’une présentation du rôle de la
jurisprudence dans la protection des droits de propriété littéraire et artistique. Dans l’histoire de ce droit, ce rôle a
été capital. Jusqu’en 1957, en France, les tribunaux ont géré la propriété littéraire et artistique à partir des
quelques articles des textes révolutionnaires. En 1957, le législateur n’a fait que légaliser les solutions
jurisprudentielles.
Je mettrai l’accent sur quelques questions saillantes, juste pour attirer l’attention sur des problèmes
que nos juridictions n’ont pas encore résolus mais qui ne manqueront pas de se poser un jour.
Ces questions sont d’abord relatives au cadre institutionnel. Ensuite suivra une présentation de trois
questions à travers lesquelles le rôle de la jurisprudence est prépondérant : le contrôle de l’originalité comme
condition de protection des œuvres, la répression des actes de contrefaçon et le contrôle des contrats.
I. LE CADRE INSTITUTIONNEL
Le cadre juridique se caractérise par l’existence d’une double source des règles de droit dans le
domaine la propriété littéraire et artistique. En effet, comme indiqué dans la premier exposé, l’OAPI ne s’est
intéressée à la propriété littéraire et artistique qu’à partir de 1977, à l’occasion de la révision de l’Accord de
Libreville. Pendant ce temps, les pays membres de l’OAPI ont, soit continué de pratiquer la législation héritée de
la colonisation, soit légiféré.
Il n’est pas rare de rencontrer des praticiens ou des juges dans nos Etats qui ignorent l’existence de
l’Annexe 7, de l’Accord de Bangui, sur la propriété littéraire et artistique. Certains qui en ont connaissance disent
qu’il s’agit d’une loi modèle, qui n’a pas de caractère obligatoire dans les Etats membres.
Qu’en est-il exactement ? L’article 4 de l’Accord qui traite des Annexes dispose au sujet de toutes les
annexes citées en ces termes : « Les Annexes au présent Accord contiennent, respectivement, les dispositions
applicables, dans chaque Etat membre, en ce qui concerne …la propriété littéraire et artistique (Annexe 7).
Les Annexes 1 à 10 incluses font partie intégrante du présent Accord. »
L’article 4 de l’Accord de Bangui avait permis de juger de la nature de la législation de l’AOPI dans le
domaine de la propriété industrielle ; il donne également la nature de l’Annexe 7 relative à la propriété littéraire et
artistique. Cette Annexe sert de législation nationale dans les pays membres. Elle y est directement applicable,
sans besoin d’aucune autre formalité que l’adhésion à l’Accord. Ainsi, tout comme aujourd’hui les Actes
uniformes OHADA, l’Annexe 7 de l’Accord OAPI est directement applicable et obligatoire dans les Etats membres
nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieur ou postérieure.
Toutefois, contrairement au domaine de la propriété industrielle où les Etats membres n’ont pas
légiféré au plan interne, ils l’ont fait dans le domaine de la propriété littéraire et artistique. Certains l’ont fait avant
même l’existence de l’Annexe 7, d’autre l’ont fait après et il n’est pas certain que les législations nationales ne
comportent rien qui contrarie les dispositions de l’Annexe 7.
L’Annexe 7 a prévu des passerelles vers les législations nationales. Le besoin de recourir à la
législation interne de chaque Etat ou de légiférer existe en plusieurs endroits. L’exemple le plus évident est relatif
à la gestion collective. Sur cette question l’Annexe 7 comporte un seul article (art. 60), qui confie aux autorités
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
nationales le soin de créer des organismes nationaux de gestion collective pour assurer la protection,
l’exploitation et la gestion des droits définis par ses dispositions.
Ainsi, la loi burkinabè sur le droit d’auteur comporte 3 articles qui définissent les attributions de
l’organisme de gestion collective et en règle la tutelle. Ces trois articles ont engendré une multitude de textes
d’application qui régissent aujourd’hui la gestion collective.
De nombreux autres renvois aux législations nationales existent au sujet des dispositions pénales ;
ainsi, l’article 64 de l’Annexe 7 dispose que « toute violation d’un droit protégé en vertu de la présente Annexe, si
elle est commise intentionnellement ou par négligence grave et dans un but lucratif, est, conformément aux
dispositions pertinentes du Code pénal national et du Code national de procédure pénale punie d’un
emprisonnement ou d’une amende suffisamment dissuasive, ou de ces deux peines ».
Ce type de solution existe bien dans le Traité OHADA (article 5, alinéa 2), sans que ça ne remette en
cause la nature des lois uniformes.
L’Annexe 7 de l’Accord OAPI n’est donc pas une loi modèle dans ce sens qu’elle n’aurait aucune force
obligatoire dans les Etats membres. Les législations internes des Etats membres sont censées compléter voire
combler des lacunes au besoin de la législation commune ; ainsi, alors que l’Annexe 7 ne compte que 99 articles,
la loi burkinabè de 1999 en compte 120. Toutefois les lois nationales ne doivent pas entrer en contradiction avec
les dispositions de l’Annexe 7. Il y a donc une précaution supplémentaire que doivent observer les tribunaux en
matière de propriété littéraire et artistique qui n’existe pas dans le domaine de la propriété industrielle.
Tout comme en matière de propriété industrielle, ce sont les juridictions nationales qui sont chargées
de mettre en œuvre l’Annexe 7. La détermination des juridictions compétentes est laissée aux législations
nationales. Ainsi, l’article 98 de la loi burkinabè dispose que « toutes les contestations relatives à l’application des
dispositions de la présente loi qui relève des juridictions de l’ordre judiciaire, sont portées devant les tribunaux
compétents, sans préjudice du droit pour la partie lésée de se pourvoir devant la juridiction répressive dans les
termes du droit commun».
L'article 98, ali. 1, ci-dessus cité rédigé dans les mêmes termes que l'article 64 de la loi française du
11 mars 1957 va-t-il poser le même problème qu’en France ? En France, la disposition semblable de la loi
française a été interprétée par certaines décisions de justice comme donnant aux seules juridictions de l'ordre
judiciaire, à l'exclusion des juridictions administratives, compétence exclusive pour connaître des affaires de
contrefaçon ; mais le tribunal des conflits a fini par être saisi du problème et il a jugé que la loi de 1957 n'a rien
changé à la répartition habituelle des compétences entre les tribunaux administratifs et judiciaires (Trib. Des
conflits, 15 oct. 1973, conclusions de M. Braibant et note de M. Françon, JCP 1974, II, 17663).
La Cour de cassation s'est alignée sur la position du Tribunal des conflits dans sa décision du 19 févr.
1975 (JCP 1975, II. 18163, note de A. Françon).
L'article 21 de loi burkinabè du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso donne
compétence exclusive aux chambres civiles des tribunaux de grande instance pour connaître des procédures en
matière de droit d'auteur et de propriété industrielle. A la lecture de l'article 98 de la loi burkinabè, il y a lieu de
penser que la compétence exclusive définie par l'article 21 de la loi sur l'organisation judiciaire a son champ
d'application limité aux affaires relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Ce qui signifie que
les actions engagées contre l'Etat devrait se dérouler devant les juridictions administratives.
II. LE ROLE DES TRIBUNAUX DANS LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE
LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Dans nos pays, il n’existe pas de tribunaux spécialisés pour traiter le contentieux de la propriété
intellectuelle. Cependant, la relative difficulté de la matière aurait nécessité une spécialisation des magistrats,
gage d’une protection effective de ces droits. Dans le domaine particulier de la propriété littéraire et artistique
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
plus que dans d’autres, le rôle de la jurisprudence est déterminant, ce qui apparaîtra sans doute dans les
développements qui vont suivre sur le contrôle de l’originalité, la répression de la contrefaçon et le contrôle des
contrats.
A. Le contrôle de l’originalité
En propriété littéraire et artistique, il n’y a pas de titre, avec des conditions de validité comme en
propriété industrielle. En propriété littéraire et artistique, les droits naissent du seul fait de la création. C’est ce
que dit l’article 4 de l’Annexe 7 : « L’auteur de toute œuvre originale de l’esprit, littéraire ou artistique jouit sur
cette œuvre, du seul fait de la création d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous…
La protection résultant des droits prévus à l’alinéa 1), ci-après dénommé « protection », commence
dès la création de l’œuvre, même si celle-ci n’est pas fixée sur un support matériel ».
Quoique accessoirement mentionnée dans ce texte de l’article 4, l’originalité apparaît comme la seule
condition de protection par le droit d’auteur. Mais l’annexe 7 n’en donne aucune définition. Il appartiendra donc à
la jurisprudence d’y pourvoir. Le rôle du juge est alors déterminant, lui qui doit faire le départ entre ce qui est
original et ce qui est banal, lui qui doit ainsi fixer le périmètre de la protection.
La jurisprudence française, par exemple, a joué pleinement ce rôle. Tout d’abord, elle considère que
l’appréciation de l’originalité est une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et
n’est donc pas soumise au contrôle de la Cour de cassation. Toutefois, il incombe au juge du fond de motiver sa
décision en décidant si l’œuvre revendiquée est susceptible de protection, selon le critère dégagé par la
jurisprudence à savoir l’existence de la marque ou l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
De principe, l’originalité est présumée et c’est au défendeur, actionné en contrefaçon de démontrer
que l’œuvre dont se prévaut le demandeur est banale et donc non protégeable.
Si l’Annexe 7 de l’Accord AOPI ne donne pas une définition de l’originalité, les législations internes des
Etats membres complètent le font.
Ainsi, la loi burkinabè de 1999 sur le droit d’auteur donne la définition suivante : « une œuvre originale
est une œuvre qui, dans ses éléments caractéristiques et dans sa forme ou dans sa forme seulement, permet
d’individualiser son auteur ». Le texte prend ainsi en compte l’œuvre absolument originale (celle qui l’est dans
ces éléments caractéristiques et dans sa forme) et l’œuvre relativement originale (celle qui ne l’est que dans sa
forme).
Le législateur a donc balisé le chemin. Il suffira à la jurisprudence de mettre en œuvre la définition
légale. Les juges du fond seront en première ligne, et je crois que leur qualification de l’œuvre originale devrait se
faire sous le contrôle des cours de cassation. Je pense que l’existence d’une définition légale de l’originalité
devrait justifier une solution différente de celle de la jurisprudence française qui fait de l’originalité une question
de pur fait. Toutefois, la jurisprudence burkinabè n’a pas encore fait une application de cette définition qui
permette de connaître son interprétation. On peut dire que la définition légale se rattache à la définition classique
de l’originalité dégagée par la jurisprudence et la doctrine française : l’originalité est l’empreinte de la personnalité
de l’auteur.
Mais l’originalité ne se pèse pas. Son degré est indifférent à la protection. C’est pourquoi aujourd’hui,
en droit français comme en droit européen, mais aussi dans nos lois récentes, le droit d’auteur protège des
œuvres de caractère technique et des compilations utilitaires dans lesquelles la marque de la personnalité de
l’auteur n’est pas évidente.
Pour accueillir les bases de données et les logiciels dans le champ du droit d’auteur, la jurisprudence a
dû infléchir la définition classique de l’originalité. C’est l’enseignement que la doctrine a tiré du célèbre arrêt
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Pachot en France110. En l’espèce, la Cour a ramené l’originalité à la « marque d’un apport intellectuel ». On parle
alors de notion moderne de l’originalité. C’est un bel effort d’adaptation du droit d’auteur aux réalités d’un
domaine donné de la création. C’est également une invite aux juristes africains à plus d’imagination et d’effort
d’adaptation du droit d’auteur à la création intellectuelle des sociétés africaines.
Nous attendons de voir comment nos tribunaux vont gérer cette condition de base de la protection du
droit d’auteur. Les tribunaux doivent toutefois savoir que le sort de la création littéraire et artistique peut dépendre
de leur façon plus ou moins rigoureuse d’apprécier l’originalité ; en effet, notre système de droit d’auteur se veut
libéral, s’interdisant toutes les formes de censure.
Ce libéralisme appliqué pleinement veut que même des œuvres qui contrarient l’ordre public et les
bonnes mœurs soient protégeables par le droit d’auteur si elles sont originales.
Des films pornographiques ont été reproduits sur des vidéocassettes au mépris des droits de l’éditeur
cessionnaire des droits. Pour s’opposer à l’action en contrefaçon de l’éditeur, le défendeur soutient que l’œuvre
ne saurait mériter protection si elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public.
La Cour de cassation française (Ch. Crim. 6 mai 1986, RIDA, oct. 1986, p. 149) a décidé que la Cour
d’appel a légalement justifié sa décision dès lors qu’elle a constaté que les créations étaient originales ; puis elle
a ajouté que la loi qui entend protéger les œuvres de l’esprit quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le
mérite et la destination « interdit aux juges de subordonner l’application de ce texte à des considérations relatives
à une morale essentiellement variable selon les lieux et les époques ».
Les oeuvres de l’esprit ne peuvent être privées de la protection du droit d’auteur, pour contrariété à
l’ordre public, ce qui interdit par exemple de les copier ou de les utiliser sans autorisation de l’auteur. Cependant,
l’exploitation de telles œuvres peut se heurter à d’autres règles relatives à l’ordre public. Ainsi, un film jugé violent
ou pornographique peut voir sa commercialisation cantonnée à un réseau de salles particulières (Exp. du film
« Baise-moi » classé X par le Conseil d’Etat français) voire être interdit d’exploitation.
La solution est contraire à celle qui existe en matière de propriété industrielle puisque les inventions ou
les signes distinctifs doivent satisfaire à la condition de conformité à l’ordre public ou aux bonnes mœurs pour
être protégés.
B. La répression de la contrefaçon
Il n’est pas possible de se livrer à une étude de la contrefaçon dans le cadre de cet exposé ; il s’agit
d’attirer l’attention des juges sur les conséquences de la technique de renvoi utilisée par les rédacteurs de
l’Accord OAPI au sujet des sanctions pénales. L’article 64 sans entrer dans les détails a donné les éléments
constitutifs du délit de contrefaçon, avant de renvoyer aux codes pénaux des Etats membres.
Ainsi, il apparaît que toute violation d’un droit protégé en vertu de la loi est punie si « elle est commise
intentionnellement ou par négligence grave et dans un but lucratif ». Le renvoi est fait ensuite au code pénal et au
code de procédure pénal de chaque Etat membre pour assurer la sanction.
Une première conséquence en résulte : du point de vue des sanctions, il y a donc des divergences
entre les législations nationales, les infractions étant plus ou moins sévèrement sanctionnées d’un pays à l’autre.
La consultation de quelques législations nationales le montre bien : si au Burkina Faso, le contrefacteur primaire
écope d’une peine de prison de deux mois à un an et d’une amende de 50 000 à 300 000 francs ou de l’une de
ces deux peines, et le pirate111 une peine d’emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende 500 000 à 5
000 000 de francs ou de l’une de ces deux peines, en Côte d’ivoire, le contrefacteur écope d’une peine de prison
de 3 mois à deux ans et d’une peine d’amende de 100 000 à 5 000 000 de francs ou de l’une de ces deux
110
(Cass. Ass. Plén. 7 mars 1986, JCP 86, II, 20631, note Mousseron, Teyssié et Vivant ; D. 1986, p. 405, note Edelman ;
RIDA juil. 1986, n°129, p. 129, note Lucas)
111
Le pirate, selon la loi burkinabè est celui se livre, sur une grande échelle et dans un but commercial, aux actes de
contrefaçon. Lui s’expose à une répression plus sévère.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
267
Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
peines. Au Bénin, un projet de loi dont j’avais eu connaissance et qui devait remplacer la loi du 15 mars 1984,
mais dont j’ignore le sort, prévoit les peines suivantes : un emprisonnement de trois mois à deux ans et une
amende de 500 000 à 10 000 000 de francs.
L’absence d’uniformisation des règles sur les sanctions des atteintes aux droits d’auteur dans des
espaces d’intégration économique tels que l’UEMOA et la CEDEAO a toujours été présentée comme une
faiblesse dans la lutte contre le fléau de la piraterie.
L’existence d’éléments constitutifs du délit de contrefaçon à l’article 64 de l’Annexe 7 de l’Accord OAPI
soulève une autre difficulté. Selon ce texte, les violations punies des droits protégés sont celles commises
intentionnellement ou par négligence grave et dans un but de lucre.
En droit burkinabè par exemple, la mention de la mauvaise foi dans la définition de la contrefaçon avait
disparu dans la formulation de la loi de 1999, ce qui permettait l'ouverture vers une pratique jurisprudentielle
héritée des tribunaux français consistant à présumer l'élément intentionnel en présence d'actes matériels de
contrefaçon : « L’élément intentionnel de l’infraction résulte, sauf preuve contraire, de l’existence même du fait
matériel » (Cass. fse, Ch. Crim. 5 mai 1981, RIDA 1982, janv. 1982, p. 179 ; D. 1982, IR p. 48, obs. c.
COLOMBET).
En vertu de cette jurisprudence, s'il existe beaucoup de ressemblances entre deux œuvres, l'intention
de commettre l'infraction peut être présumée : il appartiendrait au second auteur d'apporter la preuve que les
ressemblances sont fortuites. Il appartient à l'usager de s'entourer de toutes les informations lui permettant d'agir
légalement ; il ne pourrait pas prétendre par exemple qu'il ignorait qu'il s'agissait d'œuvres encore protégées.
L’article 64 de l’Annexe 7 non seulement réintroduit l’élément de mauvaise fois, mais introduit un
nouveau critère : le but de lucre. En notre connaissance, aucune législation nationale ne connaissait ce nouveau
critère de l’infraction.
En résumé : le contrefacteur doit être de mauvaise foi et agir dans un but de lucre pour que l’infraction
pénale soit constituée. Il en résulte une atténuation de l’incrimination qui ne s’explique que parce que les
rédacteurs du texte OAPI ont adopté le minimum prévu à l’article 61 de l’Accord sur les ADPIC : « Les membres
prévoiront des procédures pénales et des peines applicables au moins pour les actes délibérés de contrefaçon
…ou de piratage portant atteinte à un droit d’auteur, commis à une échelle commerciale… ». Alors que les
législations nationales étaient à un niveau de répression jugé insuffisant, il est difficile de suivre la logique des
rédacteurs du texte OAPI.
Les juridictions nationales devraient prêter attention à l’article 64 de l’Annexe 7 dans la mise en œuvre
des législations nationales. Mais ce texte engendre une autre difficulté au sujet de la procédure de saisie
contrefaçon.
La procédure de saisie contrefaçon est prévue à l’article 62 de l’Annexe 7 en ces termes : « A la
requête des personnes citées à l’article précédent, le tribunal ayant compétence pour connaître des actions
engagées sur le plan civil en vertu de la présente Annexe a autorité…
-d’ordonner la saisie des exemplaires d’œuvres ou des enregistrements sonores soupçonnés d’avoir
été réalisés ou importés sans l’autorisation du titulaire de droit… »
L’article 62 renvoie toutefois aux législations nationales qui fournissent des détails indispensables à
l’exécution de la saisie.
La saisie contrefaçon est une mesure probatoire spécifique aux divers domaines de la propriété
intellectuelle. Elle permet au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle de faire pratiquer par des personnes
habilitées par la loi, des investigations, comprenant, en général, la description de la contrefaçon alléguée, de ses
circonstances et de son étendue ainsi que, dans certains cas, la saisie avec ou sans appréhension matérielle
d’échantillons des articles argués de contrefaçon, voire de tous ces articles. Le recours à la saisie contrefaçon
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
est facultatif car la contrefaçon peut être prouvée par tous les moyens de preuve admis en droit civil ou en droit
pénal. Mais compte tenu de son efficacité, son emploi est extrêmement fréquent.
Dans la procédure de saisie contrefaçon, l’une des questions importantes est de savoir qui est habilité
par la loi à l’ordonner.
De ce point de vue par, il y a dans certaines législations nationales, la saisie contrefaçon pratiquée sur
ordonnance du juge et celle pratiquée sur simple requête des commissaires de police, les officiers de
gendarmerie ou de tout autre agent habilité à faire des saisies112
Les différences entre les deux types de saisie contrefaçon étaient que les commissaires ne pouvaient
saisir que les exemplaires contrefaisants.
C’est le juge qui pouvait ordonner toutes les autres mesures (saisie du matériel, des sommes,
suspension de fabrication, interruption de représentations, etc. et lui seul pouvait ordonner des saisies en dehors
des heures normales de saisie).
La saisie qui était alors essentiellement sur ordonnance se révélait moins efficace parce que difficile à
mettre en œuvre. C’est ce qui a justifié l’évolution constatée dans plusieurs législations récentes telle que la loi
burkinabè de 1999.
Dans cette loi, (article 99), les services habilités à répondre à la requête du saisissant sont devenus
plus nombreux et plus accessibles : il s’agit des services de police, de gendarmerie, des douanes, ou de tous
autres services habilités à procéder à des saisies (on peut penser par exemple aux services de lutte contre la
fraude et aux huissiers). Ces services sont habilités à faire toutes sortes de saisie et non seulement la saisie des
objets contrefaisants. Le résultat est que, quoique la saisine du Président du tribunal de grande instance ne soit
pas écartée, elle n’est plus indispensable pour obtenir une saisie. Les juridictions interviennent par la suite pour
traiter le contentieux né éventuellement de ces saisies.
L’article 62 de l’Annexe 7 de l’Accord OAPI qui n’envisage que la possibilité d’une saisie autorisée sur
ordonnance du juge est de nature donc à annuler l’évolution voulue dans la loi de 1999. Apparemment, les juges
en sont satisfaits.
C . Le contrôle des contrats
Le contrôle du juge sur les cessions de droit est un autre moyen extrêmement fort de protéger les
auteurs.
Sur ce point, l’Annexe 7 posent un certain nombre de principes qui sont utilement complétés par les
législations nationales sans soulever de difficultés particulières.
L’article 34 de l’Annexe 7 pose la règle de la transmissibilité des droits patrimoniaux, entre vifs ou à
cause mort, et l’incessibilité entre vifs des droits moraux, qui ne sont transmissibles que par voie testamentaire
ou à cause de mort.
Les contrats de cession et de licence doivent être passés par écrit sous peine de nullité. Il n’y a
aucune précision sur la portée de la nullité encourue, mais il y a tout lieu de considérer qu’il s’agit de protéger
une des parties au contrat et donc d’y voir une nullité relative. Seuls les auteurs peuvent donc s’en prévaloir, ce
qui signifie que celui qui se prétend cessionnaire des droits ne peut invoquer l’absence d’écrit contre l’auteur. S’il
n’existe pas d’écrit, le cessionnaire ne peut faire la preuve de la cession par d’autres moyens de sorte qu’il sera
considéré comme un contrefacteur quand bien même il pourrait exister une apparence d’autorisation de l’auteur.
Par exemple, la remise d’un manuscrit à un éditeur n’est pas une cession de droit au profit de ce denier.
112
V. par exemple l’article 101 de la loi ivoirienne de 1996
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Un second principe qui gouverne les contrats en matière de droit d’auteur est celui de l’interprétation
stricte des contrats. (art. 37-38) Tout ce qui n’est pas expressément cédé reste la propriété de l’auteur.
Un troisième grand principe qui n’est pas prévu dans l’Annexe 7 mais que les législations nationales
consacrent le principe de la rémunération proportionnelle.
L’article 44 de la loi burkinabè, par exemple, pose le principe : « la cession par l’auteur de ses droits
sur son œuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l’auteur une participation
proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation ».
La rémunération proportionnelle est jugée plus adaptée aux conditions d’exploitation des œuvres de
l’esprit qui dépend de l’accueil du public. L’auteur partage ainsi les risques d’échec mais participe aux chances
de succès.
Sur la base des ces principes de base les législations du droit d’auteur consacrent trois contrats
spéciaux, le contrat d’édition, le contrat de représentation et le contrat de production audiovisuelle. La gestion de
ces contrats ne pose pas de difficultés particulières qui nécessiteraient leur examen.
A la fin de cet exposé axé sur le rôle de la jurisprudence dans la protection de la propriété littéraire et
artistique, je me permets la réflexion suivante : certes, nos juridictions ont hérité du gigantesque travail de la
jurisprudence notamment française ; mais il faudrait éviter de croire que tout est accompli. J’espère que nos
tribunaux vont nous permettre de nous approprier nous aussi la propriété intellectuelle, parce qu’ils
l’interprèteront selon nos réalités socio-économiques et culturelles.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
LES METHODES EN MATIERE DE CASSATION
Par Jean-Louis GALLET,
Conseiller à la Cour Administrative de Douai / France
DONNEES STATISTIQUES – MOYENS
Ces données doivent inviter à réfléchir au rôle d’une cour suprême.
La Cour de cassation : cour suprême : cour régulatrice - connaissance par les justiciables (Cf. Charte
du justiciable)
Le pourvoi en cassation « tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du
jugement qu’il attaque aux règles de droit ». Autrement dit, le procès est fait à la décision attaquée et la Cour de
cassation juge cette décision au regard des textes applicables.
Elle doit pouvoir jouer ce rôle normatif de régulation et d’harmonisation et, partant, doit pouvoir
consacrer le temps nécessaire aux pourvois qui méritent un examen approfondi.
Moyens de réguler l’activité de la cour suprême : augmentation des moyens : du nombre de chambres
– augmentation du nombre de personnes (conseillers référendaires) ; limitation d’accès au juge de cassation
(conditions du pourvoi, limitation des cas d’ouverture) ; modification des méthodes : intervention rapide d’avis ou
de décisions sur une législation nouvelle de façon à faciliter les décisions des juges du fond – suppression,
abandon ou allègement du contrôle (ex. abandon du contrôle de la contestation sérieuse au pouvoir souverain en
matière de référé puis reprise du contrôle) – tri des affaires et non-admission des pourvois non sérieux –
amélioration de la pédagogie : méthodologie pour les cours d’appel ;
Distinction représentation obligatoire / non représentation obligatoire (réforme récente).
I – LES TECHNIQUES DE TRAITEMENT DES DOSSIERS
I – 1 : le traitement des pourvois
L’orientation des dossiers et le titrage :
Le SDE est chargé de l’orientation des dossiers en matière civile. Il se livre à un prétitrage consistant à
organiser cette orientation en fonction des moyens invoqués, le moyen le plus discriminant étant celui qui
détermine, en principe, l’attribution du dossier à une chambre plutôt qu’à une autre.
- Le repérage de la connexité : rôle du greffe : repérage informatique du numéro de répertoire
général ou de la date et de l’origine de la décision attaquée, ou encore indication de la connexité par l’avocat aux
conseils Î regroupement des dossiers en vue de la jonction éventuelle
- Le repérage de l’identité de problématique : les avocats transmettent avec leur mémoire ampliatif,
une « fiche de traitement du pourvoi » comportant une indication sur la nature des moyens invoqués, ce qui
permet au SDE de rechercher la connexité intellectuelle existant entre plusieurs affaires Î rapprochement des
dossiers pour qu’ils soient jugés par la même chambre et à la même date. Rationalisation du traitement des
dossiers.
- Le repérage et le traitement des contrariétés ou divergences de jurisprudence : un groupe de travail
a été mis en place, chargé de relever à travers les articles de doctrine et l’observation des arrêts rendus, les cas
de contrariété de jurisprudence. Une note est établie pour le Premier Président qui évoque la question avec les
présidents de chambre (solution amiable, sinon assemblée plénière ou mixte).
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
- Le retrait du rôle : c’est une mesure de suspension de l’instance en cassation prise par le PPt ou le
magistrat délégué, à la demande du défendeur au pourvoi (la requête doit être présentée dans le délai pour
déposer le mémoire en défense), lorsque le demandeur au pourvoi ne justifie pas avoir exécuté la décision
frappée du pourvoi, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences
manifestement excessives. Le pourvoi pourra être réinscrit au rôle sur justification de l’exécution de la décision
attaquée. Î mesure d’administration judiciaire dont l’objectif est : éviter les pourvois dilatoires. La procédure de
retrait ne peut concerner qu’un pourvoi principal et non un pourvoi incident ou provoqué. En général, la requête
est rejetée s’il y a un pourvoi incident.
- La réduction des délais : prérogative du Premier Président
- L’examen par le rapporteur : désignation ; travail : examen, traitement : rapport, avis, projet
(orientation : NA ou FR ou FS ou chambre mixte) ; cf. trame et exemples distribués.
- L’examen par le parquet général : évolution du rôle du parquet général – il devrait être davantage
amené à fournir à la formation de jugement, dans le respect du principe de la contradiction, les éléments
extérieurs (d’ordre économique ou sociologique) au dossier permettant d’apprécier l’impact de la solution qui sera
retenue.
- La conférence : au terme de la conférence qui réunit le président de la chambre et le doyen, ceux-ci
établissent une note comprenant les observations qu’ont appelées de leur part les différents travaux (notes,
rapports et projets) qu’ils ont examinés en vue de la prochaine audience. Cette note d’observations,
particulièrement utile, permet à chaque conseiller rapporteur concerné de revoir l’affaire qui a justifié les
observations et, le cas échéant, d’adapter ou de modifier la solution qu’il avait préconisée initialement.
- L’audience : formation restreinte ou formation de section ou plénière de chambre, rôle spécial de
NA – seule la formation de section comporte les conclusions orales du ministère public.
I – 2. Le traitement des moyens
1°) – Présentation des moyens
Les moyens doivent être présentés de manière uniforme (article 978 NCPC). Ils comportent en général
quatre parties :
- la disposition de la décision qui est critiquée ;
- les motifs de la décision qui justifient la disposition contestée et qui sont critiqués ;
- la critique proprement dite, avec le cas d’ouverture : alors que … suivi de l’énoncé de la règle qui
est invoquée, assorti de l’indication de sa méconnaissance par la juridiction et complété par l’indication du texte
méconnu ;
- la discussion comportant l’argumentation au soutien du moyen, accompagnée des références
doctrinales ou jurisprudentielles.
2°) – Ordre de traitement des moyens
Préalablement, il convient de s’assurer de la recevabilité du pourvoi : causes d’irrecevabilité : délais
non respectés, pièces non produites, arrêt avant-dire droit, défaut de qualité ….
Il y a lieu de préciser que, dans l’hypothèse du rejet du pourvoi, tous les moyens doivent être
examinés et faire l’objet de la réponse appropriée. Lorsque plusieurs moyens concernent la même disposition de
la décision attaquée, ils peuvent faire l’objet d’une réponse groupée de rejet. Parmi les moyens qui ne peuvent
être que rejetés, on peut citer les moyens inefficaces (manquant en fait, inopérant) et les moyens complexes
(comportant plusieurs cas d’ouverture en une seule formulation).
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Dans l’hypothèse d’une cassation de la décision déférée, la logique conduit à retenir l’ordre suivant
pour examiner les moyens (ou les branches d’un moyen unique), étant précisé que le moyen donnant lieu à
cassation sera traité en dernier, après le rejet des moyens qui ne peuvent être accueillis :
- moyens de procédure : composition irrégulière de la juridiction dont la décision est attaquée,
irrecevabilité de l’appel, violation du principe de la contradiction. Ceux-ci sont préalables, d’autant qu’ils sont de
nature à entraîner la cassation totale de la décision.
- moyens de fond : tirés, notamment, de la violation de la loi de fond, d’un manque de base légale au
regard d’un texte de fond, sont à examiner après les moyens de procédure.
Il faut ajouter qu’il est opportun d’envisager en premier les moyens susceptibles d’emporter une
cassation totale, plutôt que ceux n’emportant qu’une cassation partielle. Dans le même esprit d’économie
d’énergie, si un moyen aboutit à la cassation totale de la décision attaquée, il pourra être opportun de se
dispenser d’examiner et de statuer sur les autres moyens. Toutefois, dans certaines situations, soit le rejet
préalable des autres moyens, soit une cassation multiple sur tous les (ou plusieurs) moyens, selon le cas, peut
être utile pour faciliter le travail de la juridiction de renvoi et prévenir un éventuel pourvoi ultérieur.
On peut rappeler que les moyens nouveaux et mélangés de fait et de droit sont irrecevables devant la
Cour de cassation. Seuls les moyens de pur droit ou ceux tirés de la décision ne sont pas sujet à nouveauté.
I – 3. Le choix des solutions
Il faut avoir à l’esprit que, dans l’intérêt des justiciables et dans le souci d’une bonne administration de
la justice, il est préférable d’éviter la cassation, dans toute la mesure du possible. Ce qui ne veut évidemment pas
dire que le sauvetage doive être absolument envisagé et tenté. Le souci du maintien de la décision de justice
attaquée n’est légitime, compte tenu des moyens invoqués, que, d’une part, lorsqu’il y a matière à hésitation ou
lorsque la solution qui sera ainsi consacrée n’est pas de nature à créer un précédent inopportun, et, d’autre part,
surtout, lorsque la Cour de cassation peut substituer un motif de pur droit aux motifs adoptés par les juges du
fond et critiqués.
- Rejet : il se traduit :
Soit par la non-admission : pourvoi irrecevable ; moyens manifestement non sérieux (motif attaqué
surabondant ; moyen inopérant auquel la cour d’appel n’aurait pas répondu ; moyen manque en fait ; arrêt justifié
par la motivation du jugement) ;
Soit par un arrêt de rejet : cette solution est préférable pour conforter, confirmer ou rappeler une
jurisprudence, ou lorsque l’intervention d’un arrêt apparaît utile (fonction pédagogique ou doctrinale).
- Cassation : violation de la loi, défaut de base légale, contradiction ou insuffisance de motifs, défaut
de réponse aux conclusions, dénaturation
- Cassation avec renvoi ≠ cassation sans renvoi (il n’y a plus rien à juger : ex. prescription de l’action
acquise ; la Cour de cassation juge elle-même lorsqu’elle peut apporter la solution à l’affaire). La tendance paraît
être, dans toute la mesure du possible, d’envisager des cassations sans renvoi, soit totalement sans renvoi soit
partiellement sans renvoi.
- Motif substitué ou moyen relevé d’office : l’un tend à sauver la décision attaquée et l’autre à justifier
la cassation : dans les deux cas, il doit s’agir d’un moyen de pur droit qui va être soumis à la contradiction des
parties. Il faut rappeler que l’invocation d’un moyen de pur droit est, en principe, une faculté pour le juge de
cassation qui doit trouver dans la décision attaquée tous les éléments de fait lui permettant de mettre en œuvre la
règle de droit qu’il entend appliquer.
D’une manière générale, un moyen d’ordre public n’implique pas nécessairement l’obligation d’une
invocation d’office, mais les conditions de recevabilité en sont plus larges que celles du moyen de pur droit.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
II – LES CONTROLES OPERES PAR LA COUR DE CASSATION
Distinction du fait et du droit : cette distinction traduit la différence des rôles respectifs des juges du
fond et du juge de cassation.
La Cour de cassation se livre à un contrôle de légalité qui revêt, d’une part, un caractère normatif en
ce qu’il vise à une interprétation uniforme de la loi, c’est la fonction jurisprudentielle de clarification et d’adaptation
du droit, d’autre part, un caractère disciplinaire, c’est la fonction de contrôle de l’application du droit par les
juridictions du fond.
Contrôle normatif : celui qui est exercé sur le fond des décisions déférées [interprétation et
application de la règle de droit, qualification des faits et des conséquences légales de la qualification (ex. de la
qualification de vice apparent la cour d’appel doit déduire que les textes sur la garantie des vices cachés ne
peuvent pas s’appliquer)
Contrôle disciplinaire : porte sur la forme ou la motivation des décisions ainsi que sur le respect des
principes directeurs du procès : contrôle formel ou de logique ou rationalité juridique.
La Cour de cassation contrôle l’interprétation de la loi [sens ou nature de la loi (texte d’ordre public, loi
interprétative), champ d’application, définition d’un concept] ; ne contrôle jamais la matérialité des faits ; contrôle
parfois la qualification des faits (l’expression « a pu… » traduit un contrôle de la qualification, alors que la formule
« a exactement » traduit un contrôle d’interprétation ou d’application de la loi) : il est normal qu’une Cour suprême
définisse le champ de ses contrôles, car il serait irréaliste de vouloir tout contrôler. L’opération de qualification
des faits (passage du fait au droit) : ex. le divorce pouvant être demandé pour des faits constituant une violation
grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendant intolérable le maintien de la vie commune, il
s’agit de savoir si le fait de ne pas préparer les repas entre dans cette définition.
Pour des raisons tenant à la définition d’une politique judiciaire et au souci de laisser une souplesse et
une fluidité à certaines règles ou notions juridiques, la Cour de cassation préfère parfois alléger, voire
abandonner, son contrôle, de sorte qu’est traditionnellement soulignée une distinction, sinon une opposition,
entre “contrôle lourd” et “contrôle léger”, dont il convient de préciser qu’elle ne coïncide pas avec celle des deux
cas d’ouverture à cassation que constituent la violation de la loi et le manque de base légale. Alors que le
contrôle lourd est l’occasion d’un examen particulièrement strict des conditions de mise en oeuvre de la norme
applicable à la situation juridique dont il s’agit, le contrôle léger se traduit par une plus ou moins grande latitude
laissée aux juges du fond pour identifier la situation de fait aux notions, concepts et règles dont l’application est
requise, en particulier lorsque ceux-ci sont fortement tributaires de constatations factuelles ou d’appréciations
circonstancielles. Il en résulte une modulation de la portée normative de l’arrêt en fonction du degré de contrôle
effectué, générateur d’une plus ou moins grande rigueur de la solution juridique énoncée.
L’exercice de l’un ou de l’autre de ces contrôles se révèle essentiellement dans les arrêts de rejet, par
l’utilisation de formules différentes. Ainsi, le contrôle entier et rigoureux se traduit par “... la cour d’appel a
exactement..” ou “... a, à bon droit/ à juste titre,..” ou “..a, justement,..” ou “...a fait l’exacte application..”,
tandis que le contrôle léger est exprimé par “..les juges du fond ont pu ...”.
L’absence de contrôle : parfois, la Cour de cassation n’exerce aucun contrôle.
Pouvoir discrétionnaire : le propre des appréciations discrétionnaires est qu’elles n’ont pas à être
motivées et que le juge n’a donc pas à s’en expliquer.
Ou pouvoir souverain des juges du fond : l’interprétation des conventions (mais contrôle de la
dénaturation : sens clair et précis de l’écrit considéré). Les appréciations souveraines sont seulement soumises à
un contrôle disciplinaire tenant à l’existence des motifs, à l’absence de contradiction de motifs et à l’absence de
dénaturation.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Est contrôlée : la faute, la renonciation tacite à un droit, l’apparence
N’est pas contrôlée : l’intention libérale, la démence, la possession, la bonne ou la mauvaise foi,
l’intérêt à agir, le bref délai. =Î certaines évolutions : ex. notion de défaut pour les produits défectueux.
D’une façon générale, n’est pas contrôlée la qualification qui procède d’appréciations d’ordre
essentiellement factuel (état psychologique, manifestation de volonté, intention, appréciation d’ordre technique :
vice caché) ; en revanche, il y a contrôle lorsqu’une unification est possible et nécessaire (la faute, le trouble
manifestement illicite en matière de référé).
CAS D’OUVERTURE A CASSATION
Cas principaux :
- violation de la loi (par fausse interprétation, par fausse qualification des faits, fausse application ou
refus d’application : ex. la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations) ;
- défaut de base légale (la Cour de cassation n’a pas été en mesure d’exercer son contrôle : soit la
décision a omis de caractériser une condition d’application de la loi, soit la juridiction n’a pas
rechercher tous les éléments de fait qui justifient l’application de la loi, soit la décision ne permet pas
de déterminer sur quel fondement juridique elle a été rendue : ex. réduction de la clause pénale si elle
est manifestement excessive : la motivation doit faire apparaître en quoi elle est manifestement
excessive) ;
- défaut et contradiction de motifs (contradiction entre des constatations ou énonciations de fait,
contradiction entre motif et dispositif et motif d’ordre général, motif dubitatif ou hypothétique) ;
- défaut de réponse à conclusions (sauf si le moyen invoqué était inopérant ou si aucune conséquence
juridique n’était tirée ou si les juges ont nécessairement ou implicitement répondu) ;
- dénaturation, méconnaissance des termes du litige (lecture inattentive des écritures qui amène le juge
à déborder du terrain sur lequel le procès avait été placé : ex. cour d’appel saisie d’un appel limité aux
conséquences d’une séparation de corps a prononcé un divorce).
Cas marginaux :
- excès de pouvoir ;
- incompétence ;
- contrariété de jugements ;
- perte de fondement juridique ;
- vices de forme.
III – LA REDACTION DES ARRETS
III – 1. Les arrêts de rejet
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Faits ; procédure ; teneur de la décision attaquée ; résumé du moyen ; réponse comportant l’énoncé
d’un principe, la réfutation du moyen par référence à la motivation de la décision attaquée et conclusif ; dispositif.
III – 2. Les arrêts de cassation
Visa [texte (un ou plusieurs textes) ou principe : ex. vu le principe fraus omnia corrumpit ; vu la règle
nul ne plaide par procureur ; vu le principe de la réparation intégrale du préjudice ; vu le principe constitutionnel
de la liberté du travail] ; chapeau (énoncé de la règle de droit, soit par le rappel du texte, soit par la formulation du
principe dégagé par la Cour de cassation, étant souligné qu’il n’y a pas de chapeau en cas de cassation pour
manque de base légale) ; exposé des faits et de la procédure ; contenu de la décision attaquée ; conclusif
(énoncé des raisons de la cassation) ; dispositif (distinction cassation totale / cassation partielle : … sauf en ce
que…).
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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• JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
LA GESTION DU CONTENTIEUX DES MARCHES PUBLICS
Par Brigitte PHELOMANT, Conseillère à la Cour Administrative de Douai France
Depuis plusieurs années sous la triple influence du droit européen, de la volonté de mettre fin à
certaines pratiques de financement de la vie publique et de l’évolution des montages juridiques proposés, le droit
des marchés publics a été profondément rénové. La dernière version du code des marchés publics est très
récente puisqu’elle résulte du décret n° 2006-975 du 1er août 2006.
L’intervention du juge dans les évolutions tant de la norme de droit que des pratiques a été très
importante. De nombreuses juridictions sont intervenues : le Conseil Constitutionnel qui par une décision n° 200473 DC du 26 juin 2003 a constitutionnalisé la matière en imposant au législateur de respecter le principe
d’égalité devant la commande publique ; le Conseil d’Etat qui a notamment imposé l’application du droit européen
alors même que le législateur n’avait pas procédé à sa transposition dans le droit interne ; les tribunaux
administratifs qui par l’application de la procédure très rapide du référé pré contractuel en particulier ont empêché
la conclusion de contrats illégaux ; l’intervention du juge de la concurrence et du juge pénal a également joué un
rôle important.
DIVERSITE DES FORMES DE MARCHES
Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs et des
opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures
ou de services.
Les accords-cadres sont les contrats conclus entre un des pouvoirs adjudicateurs et des opérateurs
économiques publics ou privés, ayant pour objet d'établir les termes régissant les marchés à passer au cours
d'une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées.
Ne pas confondre avec les délégations de service public qui répondent à la définition suivante : Une
délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un
service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est
substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des
ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service.
Par ailleurs, ces dernières années se sont développés des modes contractuels nouveaux tels que les
contrats de partenariat publics-privés qui sont un outil juridique permettant de confier à un tiers le soin de
financer, concevoir tout ou partie, réaliser, maintenir et gérer des ouvrages ou équipements publics et des
services concourant aux missions de service public en contrepartie d'une rémunération publique étalée dans le
temps.
De même de nouvelles catégories de marchés figurent dans le nouveau code :
- marché de conception-réalisation est un marché de travaux qui permet au pouvoir adjudicateur de
confier à un groupement d'opérateurs économiques ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à un seul
opérateur économique, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux ;
- marché de définition : lorsque le pouvoir adjudicateur n'est pas en mesure de préciser les buts et
performances à atteindre, les techniques à utiliser, les moyens en personnel et en matériel à mettre en oeuvre, il
peut recourir aux marchés de définition. Ces marchés ont pour objet d'explorer les possibilités et les conditions
d'établissement d'un marché ultérieur, le cas échéant au moyen de la réalisation d'une maquette ou d'un
démonstrateur. Ils permettent également d'estimer le niveau du prix des prestations, les modalités de sa
détermination et de prévoir les différentes phases de l'exécution des prestations. Dans le cadre d'une procédure
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unique, les prestations d'exécution faisant suite à plusieurs marchés de définition ayant un même objet et
exécutés simultanément, sont attribuées après remise en concurrence des seuls titulaires des marchés de
définition.
- système d’acquisition dynamique : c’est une procédure entièrement électronique de passation de
marché public, pour des fournitures courantes, par lequel le pouvoir adjudicateur attribue, après mise en
concurrence, un ou plusieurs marchés à l'un des opérateurs préalablement sélectionnés sur la base d'une offre
indicative.
Répartition des compétences juridictionnelles en matière de marchés publics
Pendant de nombreuses années, la détermination de la répartition des compétences entre les deux
ordres de juridiction a reposé sur un double mécanisme :
- des cas de détermination de la compétence du juge administratif par la loi dans deux cas : les
marchés de travaux publics et les contrats d’occupation du domaine public.
- des cas de détermination de la compétence du juge administratif par application de critères
jurisprudentiels fondés sur l’existence de clauses exorbitantes du droit commun ou sur la participation du
cocontractant à l’exécution du service public.
L’application de ces critères laissait subsister des cas de marchés passés en application du code des
marchés publics qui avaient le caractère de marchés privés et relevaient ainsi du juge judiciaire.
Le législateur a simplifié cette répartition des compétences en précisant que les marchés passés en
application du code des marchés publics avaient le caractère de contrats administratifs.
Le juge de ces marchés est donc le tribunal administratif, en principe celui du lieu d’exécution des
marchés mais avec possibilité pour les parties de par voie contractuelle antérieure au litige, le ressort du tribunal
compétent, ce qui est exceptionnel en matière administrative.
Le contrôle de la passation des marchés
Pendant longtemps le contrôle du juge au niveau de la passation des marchés n’a pas été satisfaisant.
Tel n’est plus le cas aujourd’hui, ses méthodes d’intervention permettant d’assurer un rôle efficace.
Qui peut saisir le juge au moment de la passation du marché ?
Toute personne qui a intérêt à agir, que ce soit le cocontractant, le candidat évincé, certains tiers à la
procédure de marchés, tels que tout contribuable local, les associations ou syndicats si l’acte porte directement
atteinte aux intérêts qu’ils défendent.
Le préfet est dans une situation particulière. Les délibérations relatives à tous les marchés passés par
une collectivité ainsi que les marchés publics à partir du seuil financier qui impose une procédure particulière de
mise en concurrence doivent lui être transmis pour acquérir un caractère exécutoire et sont susceptibles d’être
déférés par lui devant le juge dans le cadre de l’exercice du contrôle de légalité. Il peut par ailleurs saisir le juge
des comptes ( chambre régionale des comptes) de la convention. Enfin, il peut saisir le juge pénal, notamment
dans le cas où il estime qu’un délit de favoritisme a été commis ou la mission interministérielle d’enquête sur les
marchés et conventions de service public.
Que peut-on contester devant le juge ?
Le juge peut annuler tous les actes concourrant à la passation du contrat : ce sont les actes
matériellement détachables, tels que la décision ou la délibération autorisant la passation du contrat ou la
décision d’exclure un candidat d’un appel d’offres ou celle d’attribuer le marché. Le juge peut même isoler une
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décision non formalisée dont il isole d’existence telle que la décision de signer le contrat qui précède ne serait-ce
de quelques secondes l’apposition de la signature.
Un principe constant : les conclusions d’annulation du contrat lui-même ne sont pas recevables sauf si
elles sont présentées par le préfet dans le cadre du contrôle de légalité des contrats des collectivités locales.
Une exception : les clauses réglementaires d’un contrat peuvent faire l’objet d’un recours en
annulation.
Quelles procédures peuvent être mises en œuvre ?
1° Le recours pour excès de pouvoir classique avec les moyens tirés :
- de l’incompétence, toujours constituée quand l’exécutif d’une collectivité signe un contrat sans
habilitation de l’assemblée délibérante,
- des vices affectant les conditions d’adoption de l’acte détachable préalable au contrat
- de la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence
- les vices affectant le contrat
- le détournement de pouvoir
Mais la requête dirigée contre l’acte détachable d’un marché ne peut s’appuyer sur des moyens tirés
de la méconnaissance d’engagements contractuels.
2°) Le référé suspension
Il s’agit d’une procédure d’urgence permettant au juge de suspendre provisoirement l’acte en cas
d’urgence et de doute sérieux sur la légalité de l’acte. Ce recours peut être fondé sur l’ensemble des moyens qu’il
est possible d’invoquer à l’encontre de la décision.
3°) Le référé pré contractuel
Très efficace car se prononçant très en amont afin d’empêcher la signature du contrat, il s’agit d’une
procédure destinée à assurer le respect des règles de publicité et de concurrence. Aussi, seuls les moyens s’y
rapportant peuvent être présentés tels que les manquements aux obligations de publicité, l’étendue des
informations à fournir aux candidats, la définition de l’objet et de la mission confiée au cocontractant en particulier
pour vérifier les évolutions opérées après la publicité de l’offre, le respect du règlement de la consultation, les
motifs d’exclusion des candidats…
Cette voie de recours n’est ouverte qu’à ceux qui ont un intérêt à conclure le contrat, que ce soit les
candidats évincés ou les candidats potentiels dissuadés de soumissionner par les irrégularités commises, le
préfet.
Comme l’objet de ce recours est de faire obstacle à la signature du contrat, il ne peut être exercé
qu’avant la signature de ce dernier et la requête devient sans objet s’il est signé en cours d’instance. Aussi, le
code de justice administrative donne au juge un délai de 20 jours pour se prononcer et la décision est en principe
rendue par juge unique. Seule la voie de la cassation est ensuite ouverte aux parties.
Le juge dispose d’un pouvoir d’annulation des décisions se rapportant à la passation du contrat, un
pouvoir d’injonction, par exemple en imposant de retirer un critère illégal à un règlement de consultation, un
pouvoir de suspension de la passation de contrat.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Les conséquences de l’annulation de l’acte détachable
Cette annulation ne peut conduire à celle du contrat d’où l’importance de l’usage du référé pré
contractuel qui permet au juge de se prononcer avant signature du contrat.
Mais l’annulation de l’acte détachable permet à l’un des contractants de saisir le juge du contrat pour
tirer les conséquences de la première annulation. Par ailleurs, dans le cadre de ses pouvoirs d’exécution, le juge
peut, à la demande d’une partie, enjoindre à l’administration de mettre fin au contrat ou d’en supprimer certaines
clauses.
Il reste que le juge veille à ne pas prendre de mesure excessive. Ainsi, il prononcera une annulation
partielle si le vice n’affecte que partiellement l’acte. Par ailleurs, il peut y avoir des cas où une régularisation sera
possible.
La responsabilité de l’administration pour les irrégularités commises lors de la passation du
marché
Des actions en indemnité peuvent être engagées sur différents terrains : perte de chance en cas
d’éviction irrégulière, rupture de promesses, indemnisation en cas d’annulation ou d’illégalité du contrat.
Le contentieux de l’exécution du marché
Une fois le marché passé, le contentieux qui peut se nouer concerne essentiellement les
cocontractants. Les tiers ne peuvent contester que des actes détachables du contrat comme par exemple les
décisions concernant la fin du contrat, par exemple, un refus de résiliation. L’essentiel du contentieux concerne
donc les cocontractants qui agissant devant le juge du contrat exercent des recours indemnitaires
Les intervenants au marché
Le maître de l’ouvrage, défini par la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique comme la personne
morale pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une
fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre.
Il lui appartient, après s'être assuré de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée, d'en
déterminer la localisation, d'en définir le programme, d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle, d'en
assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les
maîtres d’œuvre et entrepreneurs qu'il choisit, les contrats ayant pour objet les études et l'exécution des travaux.
Le mandataire
La maître d’ouvrage délégué
Le maître d’œuvre
Les entreprises d’exécution
Les sous-traitants
La constatation de la nullité du contrat
Le juge du contrat ne peut pas prononcer l’annulation des actes d’exécution du contrat mais le recours
en déclaration de nullité de la convention reste toujours possible s’il concerne le contrat dans son ensemble. Ce
recours a des effets radicaux puisque le contrat nul est réputé ne plus exister. Il le prive donc de toute application
que ce soit pour déterminer la rémunération du cocontractant ou pour rechercher sa responsabilité contractuelle.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
C’est une voie de recours largement mise en œuvre pour qui estime plus avantageux de s’exposer à
un recours indemnitaire plutôt que de se soumettre au marché. C’est même une question d’ordre public que le
juge doit soulever d’office lorsqu’elle apparaît dans le cadre d’un contentieux.
La responsabilité contractuelle
Il s’agit d’une responsabilité définie par les clauses du marché qui ne peut être recherchée que
pendant son exécution. Toute violation des clauses du marché justifie la mise en jeu de cette responsabilité.
Les contentieux les plus fréquents concernent les retards d’exécution, donnant lieu à l’application des
pénalités de retard, les retards de paiement de la collectivité qui donnent lieu à des intérêts contractuels, la
mauvaise exécution du contrat qui donne lieu à une responsabilité pour faute prouvée par celui qui l’invoque, le
cas rare de la responsabilité pour fait du prince ;
Par ailleurs, le juge est fréquemment saisi de contestations portant sur l’établissement du décompte
général et définitif.
La responsabilité contractuelle en matière de marchés publics ne présente aucune particularité par
rapport au droit de la responsabilité : le cocontractant peut s’exonérer en tout ou en partie de sa responsabilité en
cas de force majeure ou de faute de la victime, jamais pour fait d’un tiers contre lequel il lui appartient d’engager
les actions qu’elle estime nécessaires.
La responsabilité contractuelle ne court que le temps du contrat. L’achèvement des prestations est
marqué par la réception du marché qui déclenche la garantie de parfait achèvement qui une fois écoulée met fin
aux relations contractuelles. Le refus de procéder à la réception des prestations peut donner lieu à un
contentieux devant le juge qui peut aller jusqu’à prononcer la réception.
Lorsque des réserves sont émises, elles conservent en ce qui les concerne le lien contractuel.
Le contentieux de la responsabilité pour mauvaise exécution d’un marché
La responsabilité contractuelle (voir § précédant)
La responsabilité décennale
Cette responsabilité est régie par les articles 1792 et suivants du code civil dont le juge administratif
applique les principes. Il s’agit d’une garantie d’exception ne concernant que certaines personnes pour certains
dommages qui peut être aménagée par le contrat, y compris pour y renoncer (sauf pour les marchés des
collectivités locales où la renonciation ne peut qu’être partielle.
Cette garantie est au bénéfice du maître d’ouvrage propriétaire mais elle suit la propriété de
l’immeuble en cas de cession.
Ses débiteurs sont les constructeurs et maître d’œuvre. Les personnes étant intervenues sur le
marché sans lien contractuel avec le maître de l’ouvrage ne peuvent être mises en cause. Leur action engage la
responsabilité des intervenants directement liés au maître de l’ouvrage.
Cette responsabilité ne couvre que certains dommages : les désordres cachés lors de la réception à
condition qu’ils compromettent la solidité de l’immeuble ou le rendent impropre à sa destination.
Par ailleurs, les dommages doivent apparaître dans un délai de dix ans à compter de la réception des
travaux.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Il s’agit d’une responsabilité quasi automatique reposant sur la présomption de responsabilité du
constructeur, les causes exonératoires n’étant que la force majeure et la faute du maître de l’ouvrage.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
LE CONTENTIEUX FISCAL DANS LE DROIT FRANÇAIS
Par Brigitte PHEMOLANT, Conseillère à la Cour Administrative de Douai-France
Le droit fiscal a pour vocation essentielle d’assurer la répartition des charges de l’Etat et autres
collectivités publiques entre tous les contribuables dans le respect de la justice et de l’égalité.
En France, le système fiscal est essentiellement déclaratif. En contrepartie, la loi donne à
l’administration d’importants pouvoirs de contrôle, en particulier pour vérifier si la situation déclarée est
compatible avec les renseignements possédés sur l’intéressé. Sur ces bases, l’administration a le pouvoir de
rectifier la situation fiscale des intéressés – jusqu’à une date récente on parlait de « redressement fiscal », terme
abandonné au profit de celui plus neutre de « rectification ».
Cette rectification est en général opérée selon une méthode contradictoire dans laquelle
l’administration noue un dialogue avec le contribuable. Lorsque le contribuable opère une obstruction
systématique afin d’éluder l’impôt, par exemple en ne déposant pas de déclaration fiscale alors qu’il a été mis en
demeure de le faire, l’administration met en œuvre une procédure unilatérale de rectification que l’on appelle la
« rectification d’office ». Le livre des procédures fiscales réglemente ces procédures avec une grande précision.
Le respect de ce formalisme, sanctionné par le juge en cas de méconnaissance, est une garantie essentielle du
contribuable face à une administration aux très importants pouvoirs d’investigation.
Les questions fiscales génèrent en France un important contentieux. A la Cour administrative d’appel
de Douai, par exemple, elles représentent en 2006 environ 40% des dossiers enregistrés au cours de l’année.
Pourtant la procédure est organisée pour éviter au maximum le recours au juge puisque outre le débat
contradictoire initial avec parfois intervention de commissions comme la commission départementale des impôts,
l’action juridictionnelle doit obligatoirement être précédée d’une phase de recours administratif.
Nous examinerons successivement comment ce contentieux se répartit entre les ordres de juridiction,
les conditions de saisine du juge, les différents types de contentieux et les principaux moyens invocables, enfin
comment le juge exerce son contrôle sur les questions qui lui sont posées.
I- LA REPARTITION DE LA COMPETENCE JURIDICTIONNELLE EN CONTENTIEUX FISCAL
A) La compétence du juge administratif
La juridiction administrative est compétente, de par la loi, pour connaître des litiges relatifs aux impôts
directs, taxe sur le chiffres d’affaires et taxes assimilées. Il s’agit en particulier de l’impôt sur le revenu des
personnes publiques ou de l’impôt sur les sociétés.
Par ailleurs, le contentieux de la fiscalité locale directe relève également du juge administratif, taxe
d’habitation, taxe foncière, taxe professionnelle. Il en est de même des impôts plus spécifiques liés à une
opération de construction tel que la taxe locale d’équipement.
B) La compétence du juge judiciaire
La juridiction judiciaire est compétente à plusieurs titres :
- pour le règlement des litiges relatifs aux droits d’enregistrement, à la taxe de publicité foncière, aux
droits de timbre, aux contributions indirectes et aux taxes assimilées par la loi à ces impositions. Le contentieux
des droits de succession comme celui de l’impôt sur la fortune relève des juridictions judiciaires, plus précisément
des juridictions civiles, le tribunal de grande instance étant compétent en premier ressort.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
- pour le règlement des litiges propres au contentieux général du recouvrement lorsque est en cause
la régularité en la forme des actes de poursuite ou la revendication d’objets saisis ;
- pour la répression. pénale des infractions fiscales ;
Cette répartition des compétences conduit parfois les deux ordres de juridiction à se prononcer sur les
mêmes notions juridiques, non seulement en ce qui concerne la procédure mais aussi en ce qui concerne les
règles de fond, par exemple sur la notion de travaux d ‘amélioration d’une habitation qui déterminent par le
montant des droits de mutation du bien mais aussi le déficit foncier reportable en matière d’impôt sur le revenu
d’où d’inévitables divergences de jurisprudence.
II – LES DIFFERENTS TYPES DE CONTENTIEUX ET LES PRINCIPAUX MOYENS INVOCABLES
DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF
A) Distinction du contentieux de l’assiette et du contentieux du recouvrement
- Le contentieux de l’assiette concerne le bien-fondé des impositions mises à la charge d’un
contribuable.
- Le contentieux du recouvrement recouvre les litiges, relatifs aux impôts dont la juridiction connaît le
contentieux d’assiette, lorsqu’ils portent sur l’obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des
paiements effectués, sur l’exigibilité de la somme réclamée à l’exception de la régularité en la forme des actes de
poursuite qui relève toujours du juge judiciaire.
La distinction de ces contentieux est importante car ils n’obéissent pas aux mêmes règles et délais. Un
contribuable ne sera pas recevable à invoquer dans le cadre d’un litige d’assiette des moyens relatifs au
recouvrement et inversement.
B) Les conditions de recevabilité
Dans tous les cas la saisine du juge doit être précédée d’un recours administratif préalable porté
devant l’administration. Les délais d’action sont variables selon les impôts et le type de contentieux en cause.
Pour le contentieux de l’assiette, le délai court en général jusqu’au 31 décembre de la deuxième
année qui suit soit la mise en recouvrement du rôle ou la notification de la notification d’une mise en
recouvrement soit du versement de l’impôt s’il n’a pas donné lieu aux évènements précédents, soit de
l’événement qui motive la réclamation. En matière d’impôts locaux, ce délai est ramené à Un an. Lorsque le
contribuable a fait l’objet d’une procédure de rectification, il dispose d’un délai spécial égal à celui de
l’administration.
Pour le contentieux du recouvrement, la demande doit être adressée au trésorier-payeur général dans
un délai de deux mois à partir de la notification de l’acte ou de l’événement qui justifie le recours.
Pour le contentieux de l’assiette, l’action doit être introduite dans les deux mois à partir du jour de la
réception de l’avis par lequel l’administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation ou, si le
contribuable n’a pas reçu de réponse, dans le délai de six mois suivant la date de sa réclamation. Des
prolongations de délai sont prévues pour le contribuable installé hors de la France métropolitaine.
Pour le contentieux du recouvrement, le délai est de deux mois à compter la décision du chef de
service ou de l’absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la réclamation.
C’est à l’administration d’apporter la preuve de la tardiveté de la requête.
C) Les différents moyens invocables
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Les moyens relatifs à la régularité de la procédure d’imposition mises en œuvre :
Ces moyens sont très fréquemment invoqués notamment dans les contentieux où le contribuable a
très peu de chances de gagner le procès au fond.
Les moyens répondent au formalisme de la procédure d’imposition que l’administration a dû respecter.
Ils peuvent en concerner tous les aspects : compétence du vérificateur, information préalable du contribuable sur
ses droits, respect de la charte du contribuable, durée et conditions de la vérification, origine et obtention des
renseignements opposés au contribuable, condition d’intervention de la commission départementale des impôts,
motivation de la notification de redressement…
Les moyens relatifs au bien-fondé de l’imposition :
Ces moyens sont variés.
Ils concernent bien entendu l’interprétation des textes et relèvent alors de l’erreur de droit, par exemple
sur la notion d’établissement industriel utilisée pour les impôts locaux.
Ils concernent aussi la qualification juridique d’une situation de fait, moyen que l’on retrouve dans
chaque dossier et qui amène le juge à appréhender des comportements économiques pour leur donner une
qualification fiscale.
Ils concernent enfin des éléments de fait. En effet, lorsque le contribuable s’est livré afin d’éluder
l’impôt à des activités occultes, quand une entreprise n’a pas tenu de comptabilité sincère, quand un particulier
mène un train de vie sans aucun rapport avec les revenus qu’il déclare, l’administration se livre à des
reconstitutions de la situation matérielle des vérifiés. La méthode de reconstitution retenue, comme l’évaluation
des sommes éludées donne lieu à d’intenses discussions qui se poursuivent devant le juge et qui placent ce
dernier au cœur des comportements économiques ou personnels des personnes imposées.
Les moyens relatifs aux pénalités :
Les impositions supplémentaires mises à la charge d’un contribuable comportent des intérêts de retard
qui réparent le paiement tardif de l’impôt mais aussi des pénalités qui sanctionnent le comportement du
contribuable. Elles peuvent parfois atteindre 100% de l’impôt éludé et varient en fonction de la gravité du
comportement : mauvaise foi, manœuvres frauduleuses, abus de droit.
Elles doivent faire l’objet d’une motivation précise pour caractériser le comportement reproché au
contribuable.
III – L’EXERCICE PAR LE JUGE DE SON OFFICE
A)
La recherche de la charge de la preuve
Le sort d’un litige dépend beaucoup de l’établissement par celui qui en a la charge de la preuve des
faits allégués. Aussi, chef d’imposition par chef d’imposition, le juge va être amené à préciser qui a la charge de
la preuve.
Cette question concerne essentiellement les questions de fait. Lorsqu’il s’agit d’opérer une qualification
juridique le juge revient à un mécanisme de « preuve objective » qui le conduit après avoir pris connaissance des
arguments avancés par chaque partie, à trancher la question de l’interprétation juridique de texte et de son
application aux faits de l’affaire.
Le livre des procédures fiscales détermine avec précision les conditions d’administration de la preuve.
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De manière générale, quand l’administration met en œuvre une procédure de rectification
contradictoire, elle supporte la charge de la preuve si l’administré veille à répondre dans le délai de 30 jours à la
notification de rectification adressée par l’administration et ensuite à toute demande d’explication complémentaire
dans le même délai.
En revanche, si le contribuable ne répond pas, si dans un premier temps il accepte la rectification, s’il
ne répond pas dans les délais, il supportera la charge de la preuve de l’exagération des impositions.
Il en est de même quand il est en situation de rectification d’office, procédure mise en œuvre dans les
cas où le contribuable manifeste une volonté particulièrement caractérisée d’éluder l’impôt : absence de
déclaration en dépit d’une mise en demeure ou au delà d’un délai de 30 jours après cette mise en demeure,
comptabilité tellement irrégulière qu’elle ne peut être prise en compte.
Quant aux pénalités, il revient toujours à l’administration de justifier de leur bien-fondé.
B) L’évolution du litige au cours du procès
Les dégrèvements administratifs :
L’administration ajuste au cours de l’instruction du dossier devant le juge les sommes demandées et
peut même être amenée à prononcer des dégrèvements complets si un vice de procédure est invoqué.
L’évolution des justifications et fondements invoqués par l’administration
L’administration peut aussi faire évoluer le fondement juridique d’un dossier en cours d’instance. Le
cas le plus courant est celui où l’administration affine son argumentation. Par exemple, la motivation des
pénalités dans la phase administrative était insuffisante pour établir une manœuvre frauduleuse ; l’administration
pourra invoquer des arguments supplémentaires au cours de l’instruction qui seront pris en compte par le juge.
Mais l’administration peut aussi changer plus profondément le fondement juridique de son action,
pouvant aller jusqu’à substituer un fondement légal à un autre . Par exemple, voyant que l’évolution de la
jurisprudence du Conseil d’Etat en matière d’abus de droit conduirait à une annulation systématique des
procédures en instance, elle peut substituer un autre terrain, tel celui de la fraude à la loi. Elle pourra être
amenée à tirer immédiatement les conséquences de cette substitution de base légale par exemple lorsque les
taux de pénalité ne sont pas les mêmes selon les fondements juridiques retenus.
C) Des litiges de plein contentieux
Les litiges fiscaux relèvent du plein contentieux. Le juge est amené à entrer dans le détail du calcul de
l’impôt et à fixer éventuellement de nouvelles bases d’imposition.
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LE CONTROLE JURIDICTIONNEL DE LA DECENTRALISATION
Par Pierre FANACHI, Magistrat à la retraite, Ancien Conseiller d’Etat Français
La décentralisation113 peut être définie par opposition à la centralisation et à la déconcentration.
La centralisation est le système administratif dans lequel l’Etat, seul détenteur du pouvoir de décision,
assume, depuis le niveau central (la capitale administrative), l’ensemble des besoins d’intérêt général sur tout le
territoire national.
La déconcentration et le système administratif dans lequel l’Etat est encore le seul détenteur du
pouvoir de décision, mais le délègue à certains de ses agents, qui l’exercent au plan local. Toutefois, ces agents
reçoivent des instructions de leurs supérieurs hiérarchiques, auxquels ils sont étroitement subordonnés.
La décentralisation, en revanche, est le système administratif dans lequel le pouvoir de décider des
affaires locales ou de certaines d’entre elles, est confié à des organes élus par la population. Elle implique donc
la reconnaissance par l’Etat, qui reste détenteur du pouvoir de décider sur les affaires nationales, d’affaires
locales distinctes, et l’octroi de la gestion de ces affaires à des personnes morales, les collectivités locales
(communes, départements, régions), dont les organes procèdent de l’élection.
La décentralisation n’est toutefois, effective que si l’autonomie financière, c’est à dire la possession de
ressources propres et suffisantes et le libre choix de leur emploi, est assurée à ces collectivités.
En raison de son objet et des modalités de désignation de ses organes, la décentralisation a été
justement qualifiée « d’école de démocratie » (cf. Tocqueville).
Mais la décentralisation ne saurait exclure le contrôle de l’Etat.
Un tel contrôle est en effet utile et nécessaire :
• Pour l’Etat lui-même, qui doit assurer la sauvegarde de son unité politique et le respect des
principes de légalité par les diverses collectivités ;
• Pour les collectivités locales, qui doivent veiller à la bonne gestion par leurs organes ;
• Pour les administrés, qui doivent être protégés contre d’éventuels abus commis par les gestionnaires locaux.
Le contrôle de l’Etat doit être compatible avec la liberté reconnue aux collectivités locales et garantie
par la Constitution (article 72) :
« Les collectivités territoriales s’administrent librement dans les conditions prévues par la loi ».
Aussi, le contrôle n’est-il possible que si la loi en a posé le principe, a désigné les autorités chargées
de l’exercer, et en a fixé l’étendue, les limites et les procédés. C’est ce que traduit l’adage : « pas de tutelle sans
texte, pas de tutelle au-delà des textes ».
L’Etat exerce son contrôle sur les actes des collectivités locales et sur les personnes, les élus locaux.
I. S’AGISSANT DU CONTROLE SUR LES ACTES, LA FRANCE A CONNU SUCCESSIVEMENT
DEUX SYSTEMES :
A. Avant 1982 : le contrôle de tutelle.
113
Pour des motifs tenant au temps imparti à l’intervenant, la présente communication ne portera que sur le contrôle
juridictionnel de la décentralisation territoriale et n’abordera pas le contrôle de la décentralisation par services, c’est à dire
celle des établissements publics de l’Etat.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
B. Depuis 1982 : le contrôle de légalité.
A. Le contrôle de tutelle
• C’était un contrôle déconcentré puisqu’il était, le plus souvent, exercé par le représentant de l’Etat au
niveau local.
• C’était un contrôle a priori, puisqu’il intervenait avant que les actes ne deviennent exécutoires.
Il portait sur la légalité et sur l’opportunité des décisions.
Il s’agissait pour l’essentiel d’un dialogue entre « le contrôleur » et le « contrôlé » et l’intervention du
juge administratif n’était qu’exceptionnelle.
Le contrôle de tutelle s’exerçait selon les modalités suivantes :
• L’autorisation ;
• L’approbation expresse ou tacite, résultant alors de l’expiration d’un délai prédéterminé. Dans les
deux cas, elle rétroagissait au jour d’édiction de l’acte approuvé ;
• L’annulation par l’autorité de tutelle elle-même ;
• La substitution, lorsque l’organe décentralisé, préalablement mis en demeure de le faire, avait
refusé de se conformer à une obligation imposée par la loi, l’autorité de tutelle prenait l’acte en ses lieu et place.
Enfin, lorsqu’elle ne disposait pas du pouvoir d’annulation, l’autorité de tutelle avait la possibilité de
saisir le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir, fondé sur l’illégalité de l’acte.
En contrepartie des pouvoirs conférés par la loi à l’autorité de tutelle, l’autorité locale contrôlée s’était vu
reconnaître le pouvoir de saisir le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir, fondé sur l’illégalité de la décision
administrative que constituait la mesure de tutelle (CE, 18 avril 1902, Commune de Neris-les-Bains, Rec. p. 275).
Un recours était encore ouvert aux membres de l’assemblée locale agissant à titre personnel et aux
administrés ayant intérêt au maintien de la décision censurée par l’autorité de tutelle.
Au surplus, une faute lourde commise dans l’exercice de la tutelle était de nature à engager la
responsabilité de l’Etat, si un préjudice avait été causé à la collectivité ou à un tiers.
Bien que sensiblement allégée, notamment pour les communes, en 1970, le contrôle de tutelle faisait
l’objet de deux critiques majeures.
La première portait sur le terme même de « tutelle », auquel on reprochait d’évoquer la tutelle du droit
civil, c’est à dire le mode de gestion des biens des personnes incapables, et ce, même si tutelle judiciaire et
tutelle administrative n’avaient absolument rien de commun, sauf leur nom.
La seconde critique portait sur ses modalités principalement sur les pouvoirs d’annulation et de
substitution reconnues aux autorités de tutelle.
B. Le contrôle de la légalité des actes administratifs114 des collectivités locales
Institué par la loi du 2 mars 1982, il a profondément modifié le système antérieur dans le sens d’un
allègement et d’une juridictionnalisation.
114
Les actes budgétaires des collectivités locales font l’objet d’un contrôle spécifique faisant intervenir le préfet et les
chambres régionales des comptes.
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Les autorisations et les approbations sont supprimées.
L’autorité de tutelle a également perdu le pouvoir d’annuler elle-même certains actes.
Enfin, le pouvoir de substitution ne subsiste, pour l’essentiel, qu’en cas de carence du maire à exercer
ses pouvoirs de police.
Le nouveau contrôle est un contrôle a posteriori.
Toutefois, les actes les plus importants115 ne deviennent exécutoires qu’à la double condition d’avoir
été préalablement transmis au représentant de l’Etat (préfet ou sous-préfet) et d’avoir fait l’objet de la publicité
requise (publication, pour les actes réglementaires, notification, pour les décisions individuelles).
Enfin, le représentant de l’Etat ayant perdu le contrôle de l’opportunité, son contrôle se limite à
la légalité et il ne conserve que la faculté de déférer au tribunal administratif les actes qu’il estime entachés
d’illégalité et de solliciter la suspension de l’exécution de tels actes.
Depuis 1982, le contrôle des actes administratifs des collectivités n’est donc plus un dialogue
contrôleur contrôlé, mais une pièce de boulevard à trois personnages : le représentant de l’Etat, la collectivité
locale défenderesse et le tribunal administratif, désormais seul détenteur du pouvoir d’annulation et véritable
arbitre entre l’intérêt général national et les intérêts propres de la collectivité locale contrôlée.
1. Le contrôle de la légalité comporte deux phases :
- L’examen de la légalité par les services préfectoraux.
- et, le cas échéant, la saisine par le représentant de l’Etat du tribunal administratif.
a) L’examen de la légalité par les services préfectoraux
Le contrôle de légalité est exercé, par priorité, sur les actes les plus importants des collectivités locales.
A cette fin, ces actes sont soumis à l’obligation de transmission au représentant de l’Etat (le préfet ou
son délégué dans l’arrondissement, le sous-préfet).
Pour assurer le respect de cette obligation, le législateur a fait de cette transmission l’une des
conditions d’acquisition du caractère exécutoire par les actes qui y sont soumis.
A titre d’exemple, on mentionnera quelques uns des actes des autorités communales soumis à
l’obligation de transmission :
• Les délibérations du conseil municipal ;
• Les décisions prises par le maire par délégation de ce conseil ;
• Les autres actes présentant un caractère réglementaire tels que les arrêtés de police municipale ;
• Les conventions relatives aux marchés publics, aux emprunts, les conventions de concession et
d’affermage des services publics communaux à caractère industriel et commercial ;
• Les décisions individuelles prises par le maire en matière de gestion des agents communaux et
relatives à leur nomination, leur avancement d’échelon et de grade, à leur discipline, et à leur licenciement ;
115
Cf. infra, p. 4.
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• Enfin, les actes relatifs aux autorisations d’utilisation des sols, tels que l’acte rendant public le plan
d’occupation des sols et les permis de construire délivrés par le maire.
Naturellement, le représentant de l’Etat, spontanément ou informé par un administré de l’existence
d’un acte, non soumis à l’obligation de transmission, peut toujours demander à ses services d’examiner la
légalité de cet acte.
Dans tous les cas, l’examen de la légalité des actes unilatéraux conduit à vérifier :
1°/ leur légalité externe, c’est à dire :
• La compétence matérielle, territoriale et dans le temps de l’auteur de l’acte et, le cas échéant, la
régularité de la délégation de pouvoir ou de signature qu’il détenait ;
• Le respect des règles de forme et de procédure :
ƒ motivation (si l’acte est soumis à cette obligation) ;
ƒ éventuellement respect de la règle du parallélisme des formes, de la procédure
consultative et de la procédure contradictoire ;
2°/ leur légalité interne :
• Le respect par l’acte examiné des différentes règles composant le bloc de légalité, à savoir les
traités et accords internationaux, les lois, les ordonnances de l’article 38 de la Constitution, les principes
généraux du droit dégagés par le Conseil d’Etat, les règlements, l’autorité de la chose jugée.
• Les motifs de l’acte, c’est à dire l’absence d’erreur de droit, d’erreur de faits, l’exacte qualification
juridique des faits ou l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (lorsque l’administration dispose d’un pouvoir
discrétionnaire) ;
• Enfin, les mobiles de l’acte : c’est à dire de l’absence de détournement de pouvoir ou de procédure.
Dans le cadre de l’examen du contrôle de la légalité des actes contractuels, les services préfectoraux
sont également conduits à examiner :
• La légalité externe :
ƒ compétence du signataire de l’engagement ;
ƒ et régularité de la procédure de passation des marchés.
• la légalité interne :
• Respect des dispositions législatives relatives à la passation des marchés (et notamment des
dispositions du Code des marchés publics concernant les seuils).
• Enfin, contrôle des mobiles de l’acte contractuel, en vérifiant que le marché répond effectivement à
l’intérêt général et n’a pas été conclu à d’autres fins.
***
La loi du 2 mars 1982 a ouvert à toute personne (physique ou morale) lésée par un acte unilatéral ou
contractuel d’une collectivité locale la possibilité de demander au représentant de l’Etat de procéder à l’examen
de la légalité de cet acte et de saisir le tribunal administratif.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
En pareil cas, avant de procéder à l’examen de la légalité, les services préfectoraux devront
déterminer si l’acte litigieux lèse effectivement cet administré.
b) La saisine éventuelle du tribunal administratif
Si, à l’issue de l’examen d’un acte, unilatéral ou contractuel, soumis ou non à l’obligation de
transmission, le représentant de l’Etat estime que l’acte est légal, cette constatation marque la fin du contrôle
préfectoral. Et, si le titulaire de l’exécutif a présenté une demande en ce sens, le préfet doit l’avertir de son
intention de ne pas déférer l’acte en cause au tribunal administratif.
Toutefois, la délivrance d’un tel « certificat de non recours » ne vaut ni renonciation à toute action
contentieuse ultérieure (le préfet pouvant être amené à reconsidérer sa position notamment à la demande d’une
personne lésée et toute personne y ayant intérêt pouvant décider de saisir le tribunal d’un recours pour excès de
pouvoir en vue d’obtenir l’annulation de l’acte en cause), ni brevet de légalité.
En revanche, si à l’issue de l’examen de l’acte par ses services, le représentant de l’Etat estime que
cet acte est entaché d’illégalité et décide de saisir le tribunal administratif d’un déféré116, il doit, préalablement au
dépôt de sa demande, informer l’autorité locale des illégalités qui ont été relevées et lui fournir les précisions sur
les modalités à mettre en œuvre pour assurer ou rétablir la légalité.
Si l’autorité locale ne prend aucune mesure, le représentant de l’Etat peut saisir le tribunal
administratif compétent territorialement.
Les modalités de saisine du tribunal administratif
Le délai de recours est de deux mois. Toutefois, le point de départ de ce délai varie selon qu’il s’agit
d’actes soumis ou non à l’obligation de transmission, et selon que le préfet agit spontanément ou à la demande
d’une personne lésée.
Le délai de recours est prolongé par l’exercice d’un recours gracieux formé par le représentant de
l’Etat dans le délai de recours contentieux.
Il est encore prolongé lorsque la transmission étant incomplète, le représentant de l’Etat a demandé à
l’autorité locale de compléter cette transmission. Le Conseil d’Etat a, toutefois, précisé que seule une demande
de production de documents complémentaires, utiles à l’appréciation de la portée et de la légalité de l’acte
initialement transmis de manière incomplète, était de nature à prolonger le délai de recours.
Le préfet n’a pas à justifier de son intérêt à agir.
Alors que le recours pour excès de pouvoir est irrecevable à l’encontre des contrats et marchés, qui ne
peuvent être contestés que par la voie du plein contentieux, le déféré préfectoral tendant à l’annulation d’actes
contractuels est, en revanche, recevable.
Le déféré préfectoral est soumis aux mêmes règles que le recours pour excès de pouvoir :
• il est dispensé du ministère d’avocat ;
• en principe, un déféré distinct doit être présenté pour chaque acte contesté ;
• il doit être motivé, c’est à dire comporter un bref rappel des faits, les noms et adresses des parties,
des conclusions (ce qui est demandé au tribunal) et des moyens, c’est à dire des arguments juridiques, dont
l’objet est de démontrer l’illégalité de l’acte attaqué.
116
Déféré : nom donné à la demande d’annulation ou de suspension d’exécution présentée au tribunal administratif par le
préfet dans le cadre du contrôle de légalité. Le déféré ne doit pas être confondu avec le référé qui est une procédure
d’urgence.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Le préfet peut également, par un déféré distinct, solliciter la suspension de l’exécution de l’acte
attaqué. Il obtiendra satisfaction si l’un des moyens invoqués est de nature à faire naître (dans l’esprit du juge) un
doute sérieux quant à la légalité de cet acte.
Enfin, lorsque l’acte contesté est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou
individuelle, il existe une procédure exceptionnelle. Le déféré suspension doit alors être adressé au président du
tribunal administratif et celui-ci ou le magistrat qu’il délègue doit alors statuer dans les quarante huit heures.
Les jugements du tribunal administratif et les ordonnances de son président ou du magistrat délégué
peuvent être contestés en appel par le représentant de l’Etat, devant la Cour administrative d’appel
territorialement compétente et les arrêts des Cours administratives d’appel peuvent faire l’objet d’un pourvoi en
Cassation devant le Conseil d’Etat. Mais le pourvoi, formé au nom de l’Etat, doit alors être présenté par le
ministre de l’intérieur et non plus par le préfet.
Le contrôle de la légalité des actes des collectivités locales est « l’exemple-type » du contrôle
juridictionnel :
• Le préfet et ses services se livrent à une activité qui est celle du juge : examiner les divers aspects
d’un acte afin de déterminer si cet acte est légal ou entaché d’illégalité.
• Et le soin de trancher entre l’illégalité, invoquée par le représentant de l’Etat et la légalité soutenue
par la collectivité locale défenderesse, revient au juge administratif.
Toutefois, le système instauré en 1982 présente certaines faiblesses :
• Lorsque ses services ont détecté une illégalité, le préfet n’est pas tenu de saisir le tribunal
administratif. Cette saisine relève de son pouvoir discrétionnaire et lorsqu’il a présenté un déféré, le représentant
de l’Etat a toujours la faculté de se désister, le juge ayant alors l’obligation de donner acte de ce désistement.
• Lorsqu’il est saisi par une personne lésée par un acte illégal d’une collectivité locale, le représentant
de l’Etat n’a pas davantage l’obligation de saisir le tribunal administratif.
Toutefois, la personne lésée conserve la possibilité de former un recours pour excès de pouvoir contre
l’acte illégal, le délai de recours contentieux se trouvant alors prolongé et ne commençant à courir qu’à compter
de la réception de la décision préfectorale refusant de saisir le tribunal administratif.
La nouvelle forme de contrôle a été exercée avec trop de prudence, voire de pusillanimité.
Alors que les collectivités locales prennent entre 4 et 5 millions de décisions par an, les tribunaux, dont on
craignait qu’ils ne soient saisis de 150 000 déférés (à raison de 2 ou 3 actes par commune) n’ont en réalité été
saisis que de moins de 3000 déférés par an au cours des premières années suivant la réforme et ce chiffre est
en diminution. Nonobstant ces faiblesses, les principes qui régissent le contrôle de légalité ont permis de réaliser
un équilibre entre les aspirations à davantage de liberté locale et les exigences d’un contrôle de l’Etat rendu
nécessaire pour éviter les abus.
II. LE CONTROLE SUR LES PERSONNES (OU SUR LES ORGANES)
Pour des raisons de temps et de place, il ne sera traité ici que du contrôle sur le Conseil municipal et
sur le maire mais un contrôle existe aussi sur le Conseil général et son président et sur le Conseil régional et son
président.
A. Contrôle sur le Conseil municipal : une distinction s’impose entre les conseillers municipaux pris
individuellement et le Conseil municipal dans sa globalité.
Rép. du Bénin, Porto-Novo, ERSUMA du 18 au 22 décembre 2006
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
Les conseillers municipaux
Ils peuvent être démis d’office de leur mandat :
• Lorsque, postérieurement à leur élection, ils se trouvent dans un cas d’inéligibilité ou
d’incompatibilité. Cette démission d’office est alors prononcée par arrêté préfectoral (cf. article L. 236 du Code
électoral).
• Lorsqu’ils ont, sans excuse valable, refusé de remplir une des fonctions qui leur sont dévolues par
la loi. La démission d’office est alors déclarée par le tribunal administratif (cf. article L. 2121-5 du Code général
des collectivités territoriales).
Le Conseil municipal
En cas d’urgence, il peut être suspendu pour une durée maximum d’un mois, lorsque la gestion de la
commune est mise en péril en raison de dissensions au sein de l’assemblée municipale ou entre celle-ci et le
maire. La décision de suspension et alors prise par arrêté motivé du préfet.
Lorsque les dissensions persistent, le Conseil municipal peut être dissous. La décision de dissolution
est prise par décret motivé pris en Conseil des ministres.
B. Le contrôle sur le maire
Une distinction s’impose, dès lors que le maire, exécutif de la commune, est également agent de l’Etat.
On rappellera pour mémoire que lorsqu’il est agent de l’Etat, chargé notamment à ce titre de
l’exécution des lois, des règlements, des mesures de sûreté générale, de la révision des listes électorales ou des
opérations de recensement, le maire est soumis au pouvoir hiérarchique et peut, en cas de manquement, faire
l’objet de sanctions disciplinaires.
Mais en tant qu’exécutif communal, le maire peut faire l’objet, en cas de manquement aux lois et
règlements :
• D’une mesure provisoire de suspension, prise, au terme d’une procédure contradictoire, pour une
durée maximale d’un mois, par arrêté motivé du ministre de l’intérieur.
• D’une mesure définitive de révocation, prise également au terme d’une procédure contradictoire
mais par décret en Conseil des ministres (article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales).
En matière de contrôle sur les personnes, les garanties résultant d’une procédure contradictoire, de
l’exigence de décisions motivées et les recours offerts aux autorités locales, permettent de prévenir les mesures
abusives mais aussi de mettre fin à des situations contraires à l’intérêt général résultant d’illégalités ou de
négligences.
Le passage du contrôle de tutelle au contrôle de la légalité des actes des collectivités locales répond à
deux impératifs de ce début du XXIème siècle :
• Le besoin de juridictionnalisation des rapports sociaux ;
• La reconnaissance d’affaires locales devant être gérées par les intéressés ou du moins par leurs
représentants élus.
Mais ce contrôle juridictionnel permet aussi un équilibre entre la liberté locale et la prévention ou la
sanction de manquements graves dans la gestion de ces affaires locales.
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Session de formation de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA)
L’EXPROPRIATION POUR CAUSE D’UTILITE PUBLIQUE : MODALITE, CONSEQUENCES ET GESTION DU
CONTENTIEUX
Par Pierre FANACHI, Magistrat à la retraite, Ancien Conseiller d’Etat Français
Définition : C’est une prérogative de puissance publique, qui permet de contraindre une personne
privée117 à céder, en tout ou en partie, la propriété d’un immeuble ou d’autres biens réels immobiliers118
moyennant une juste et préalable indemnité.
En raison de l’atteinte qu’elle porte à la propriété privée, « droit inviolable et sacré » (selon la
déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789), l’expropriation pour cause d’utilité publique est
régie par une procédure minutieusement réglementée, destinée à garantir les droits des administrés.
Cette procédure comporte deux phases :
• Une phase administrative et une phase judiciaire, au cours desquelles interviennent
l’expropriant, l’Etat, éventuellement le juge administratif et un juge judiciaire spécialisé, le juge de
l’expropriation.
I. La phase administrative
Elle compre