zones et profils de moyens d`existence au mali

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zones et profils de moyens d`existence au mali
ZONES ET PROFILS DE
MOYENS D’EXISTENCE AU
MALI
UN RAPPORT SPECIAL DU
RESEAU DU SYSTEME D’ALERTE PRECOCE (FEWS NET)
Janvier 2010 Cette publication a été préparée par Sam DIXON et Julius HOLT de FEG Consulting, avec la contribution des partenaires du bureau national FEWS NET Mali, sous l’égide de l’Agence des Etats‐Unis pour le Développement International (USAID) pour le Réseau du Système d’Alerte Précoce (FEWS NET) Indefinite Quantity Contract, AFP‐I‐
00‐05‐00027‐00.
ZONES ET PROFILS DE
MOYENS D’EXISTENCE AU
MALI
UN RAPPORT SPECIAL DU RESEAU DU SYSTEME D’ALERTE PRECOCE (FEWS NET)
Réseau du Système d’Alerte (FEWS NET) IQC
Contrat No. AFP-I-00-05-00027-00
Les opinions des auteurs exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement les vues de l'Agence
des Etats-Unis pour le Développement International ni celles du gouvernement des Etats-Unis.
INTRODUCTION ........................................................................... 4
INTRODUCTION
............................................................................................ 4
UTILISATIONS ES PROFILS .................................................................................... 5 CONCEPT CLES
............................................................................................ 6
LES GRANDS AXES D’UN PROFIL DE MOYENS D’EXISTENCE ............................... 9 METHODOLOGIE
............................................................................................ 10
PRESENTATION GENERALE DU PAYS.............................................. 14
INTRODUCTION
.......................................................................................... 14 GEOGRAPHIE ET CLIMAT ..................................................................................... 16 SOURCES DE NOURRITURE .................................................................................. 16 SOURCES DE REVENUS ......................................................................................... 19 RISQUES
............................................................................................ 22
PROFILS DES MOYENS D’EXISTENCE RURAUX ................................ 23
ZONE 1: NOMADISME & COMMERCE TRANSSAHARIEN......................................... 23
ZONE 2: PASTORALISME NOMADE & TRANSHUMANT ........................................... 24 ZONE 3: RIZ FLUVIAL & ELEVAGE TRANSHUMANT (AGROPASTORAL) .................. 35 ZONE 4: MIL & ELEVAGE TRANSHUMANT ........................................................... 45 ZONE 5: PLATEAU DOGON - MIL, ECHALOTE, PRODUITS DE CUEILLETTE & TOURISME ............................................................... 53 ZONE 6: LACS/DELTA DU NIGER -RIZ & ELEVAGE (AGROPASTORAL) ................... 62 SUB- ZONE 6A: PECHEURS BOZOS ........................................................................ 70 ZONE 7: 'OFFICE DU NIGER' - RIZ IRRIGUE ........................................................... 73 ZONE 8: NORD-OUEST TRANSFERTS D'ARGENT,
SORGHO & ELEVAGE TRANSHUMANT ................................................................... 80 ZONE 9: OUEST & CENTRALE MIL/SORGHO PLUVIAL ........................................... 88 ZONE 10: SORGHO, MIL & COTON ........................................................................ 95 ZONE 11: SUD MAÏS, COTON ET FRUITS ................................................................ 103 ZONE 12: SUD-OUEST MAÏS, SORGHO ET FRUITS ................................................... 111 3
Introduction
Les profils des moyens d’existence qui suivent décrivent comment vivent les populations rurales
au Mali. Un moyen d’existence peut être défini comme l’ensemble des façons par lesquelles les
ménages obtiennent les choses nécessaires à la vie, comment ils joignent les deux bouts d’année
en année et comment ils survivent (ou n’arrivent pas à survivre) pendant les périodes difficiles.
Il y a un intérêt croissant d’utiliser l’analyse des moyens d’existence comme la ‘lentille’ à travers
laquelle on peut visualiser un certain nombre de problèmes. Ces problèmes vont de la réponse
d’urgence à l’atténuation d’un désastre et au développement à long terme. Cet intérêt repose sur
deux observations de base :
1) L’information sur une région ou une communauté donnée peut être correctement
interprétée seulement si elle est mise dans le contexte de vie de ces gens.
2) Les interventions peuvent seulement être conçues de façons appropriées aux
circonstances locales si le planificateur connaît les moyens d’existence locaux et si oui ou
non une intervention proposée s’ajoutera ou sapera des stratégies existantes.
Deux produits principaux sont offerts ici:
La carte montre la division du pays en zones homogènes
Une Carte Nationale des
définies en fonction des structures de moyens
Zones de Moyens d’existence
d’existence.
Les profils décrivent les caractéristiques importantes de
chaque zone, y compris une brève différentiation du
Des Profils des Zones de statut des différents groupes de richesse. Les risques
importants et la capacité relative à leur résister de la part
Moyens d’existence
des différents types de ménages dans différents endroits
sont identifiés.
En établissant les profils, un équilibre a été trouvé entre une utilisation facile et la minutie du
détail. Le but a été de présenter suffisamment d’informations pour permettre une vue détaillée et
équilibrée des moyens d’existence à l’échelon national. Les profils procurent une introduction
rapide aux moyens d’existence dans le pays, ils ne donnent pas de détails localisés.
Ce document est divisé en trois sections principales:
1. Introduction — comprend quatre sous-sections :
 Utilisations des Profils—qui décrivent 3 façons principales dont les profils peuvent être
utilisés.
 Concepts Clés—qui définissent les concepts clés utilisés dans l’analyse basée sur les
moyens d’existence et expose brièvement le cadre analytique qui a aidé à définir
l’information clé qui doit être incluse dans ces profils.
 Les Grands Axes d’un Profil de Moyen d’existence—qui décrit la présentation et le
contenu de chaque profil.
 Méthodologie—qui décrit les méthodes utilisées pour développer la carte et les profils.
2. Vue d’Ensemble Nationale—Carte des zones de moyens d’existence, avec une vue
d’ensemble nationale des moyens d’existence au Mali.
3. Profils des Zones de Moyens d’existence —Les profils pour chaque zone.
4
Utilisations des Profils
Les zones des moyens d’existence et les profils présentés ici offrent une analyse des moyens
d’existence ruraux et de la sécurité alimentaire sur une base géographique. Le pays est divisé en
zones homogènes en fonction de la structure des moyens d’existence. Une brève description de
chaque zone est donnée, y compris une analyse de la position des différents groupes de richesse à
l’intérieur de la zone. Il est prévu que ce produit sera utile à trois niveaux, comme suit.
1. Guide Préliminaire des Moyens d’existence et de la Sécurité Alimentaire du Pays
Les profils donnent beaucoup d’informations et d’analyses en quelques pages de présentation.
Ils devraient donc former une source utile d’informations pour un nouveau venu qui a besoin de
comprendre rapidement les moyens d’existence et les conditions de la sécurité alimentaire dans
le pays. Les divisions géographiques sont relativement larges - autant que possible en gardant la
cohérence des réalités du terrain - de façon à ce que le lecteur considère le modèle général et les
différences basiques des zones et des populations sans être submergé par trop de détails.
Les planificateurs de développement peuvent aussi bénéficier de l’utilisation des profils des
moyens d’existence. Un objectif de développement est de réduire la vulnérabilité des gens aux
risques et d’augmenter leur capacité à faire face. Une première étape importante est de
comprendre qui est vulnérable, à quels risques et pourquoi. De même, des efforts pour réduire la
pauvreté nécessitent de comprendre comment les ménages les plus pauvres survivent et les
raisons de leur pauvreté.
2. Alerte Précoce et Réponse
La sécurité alimentaire locale est souvent, incorrectement, mise en équation avec la production
agricole comparée aux besoins alimentaires de la population locale. Ainsi, un déficit de la
production chronique ou temporaire opposé au besoin en nourriture local est immédiatement
traduit en insécurité chronique ou temporaire. Par conséquence, la plupart des systèmes de
surveillance de sécurité alimentaire et d’alerte précoce utilisent fortement deux sources
d’informations (i) données sur la production des récoltes et/ou du bétail ; et (ii) information des
prix de marché.
Ceci n’est presque jamais toute l’histoire. Un compte-rendu complet de ‘l’économie alimentaire’
concerne à la fois la disponibilité alimentaire - ce que les gens produisent - et l’accès à la
nourriture - l’argent que les gens gagnent pour acheter la nourriture. Les données sur un emploi
temporaire ou la cueillette, l’aide de parents ou la vente de produits artisanaux peuvent
également être importants dans l’étude des moyens d’existence comme les données sur la
production agricole et du bétail, et une connaissance de leur importance relative peuvent guider
la conception de systèmes de surveillance appropriés et de meilleures évaluations d’urgence
rapide.
En utilisant la structure des moyens d’existence, nous pouvons nous informer de la capacité des
ménages à faire face au stress, spécialement à un échec de la production des récoltes ou du bétail;
et nous pouvons apprécier les activités du ménage à différentes périodes dans le cycle annuel.
Tout ceci va directement dans notre analyse de besoins, aidant à répondre aux questions clés
comme: quelles régions et quels types de ménage vont vraisemblablement faire face à un risque et
qui aura besoin d’aide? Quels types d’interventions seront les plus appropriées, quand et pour
combien de temps devront-elles être mises en application ?
Ainsi par exemple on peut indiquer la position des ménages pauvres dans une région
géographique qui sont fortement dépendants de l’emploi urbain. Si l’emploi urbain diminue,
5
leur travail sera moins demandé : peuvent-ils trouver un autre revenu ailleurs - et est-ce qu’ils
seront en compétition avec des gens d’autres zones pour ces activités?
Les fonctionnaires nationaux travaillant sur leur système national d’alerte précoce ont une
grande connaissance de leur pays. L’approche des moyens d’existence aide à procurer une
structure pour le plein usage de cette connaissance, tout en leur apportant un nouveau niveau
d’informations.
3. Développement de Politique
La gestion des désastres a été l’impulsion principale au développement des systèmes d’alerte
précoce. La raison de l’alerte précoce est d’améliorer l’efficacité dans l’échelle et le moment
choisi de l’aide alimentaire d’urgence. Cependant, de plus en plus, les planificateurs cherchent
des alternatives à l’aide alimentaire dans l’intervention d’urgence précoce - et ceci nécessite
souvent des changements de politique et de procédure. Un cas à considérer est la stabilisation
des prix de marché pour la nourriture de base. L’analyse des moyens d’existence peut montrer
les effets vraisemblables de telles interventions sur la capacité des différents ménages à survivre à
une crise. L’analyse peut aussi recommander le moment optimum pour l’intervention.
L’analyse des moyens d’existence peut aussi être appliquée à d’autres changements de politique.
Par exemple, si les taxes du gouvernement sur le kérosène étaient réduites, ou les frais pour les
médicaments vétérinaires du gouvernement, quel serait l’impact sur les ménages ? Plus
généralement, le point de vue des moyens d’existence offre une base plus sûre pour concevoir des
mesures d’atténuation de la pauvreté - un mouvement allant de la réponse aux symptômes de
l’insécurité alimentaire vers la résolution des causes. Elle permet de connaître l’histoire qui est
derrière les statistiques nationales.
Concepts Clés
Les termes risque (risk, hazard), vulnérabilité et besoin sont souvent utilisés de façons qui
peuvent ne pas être claires dans le contexte de la sécurité alimentaire. Leur signification établie
dans l’optique de la gestion des désastres - et le sens qui leur est donné ici - est peut-être mieux
expliqué par un exemple (voir plus bas).
Définir Risque (risk, hazard), Vulnérabilité et Besoin_______________________________________

La sécheresse est un risque (hazard) important touchant la production des récoltes et du
bétail dans beaucoup des pays.
 Les ménages pauvres sont plus vulnérables (moins capables de faire face) à la sécheresse
que les ménages mieux nantis ; ils ont moins de réserves de nourriture ou d’argent sur
lesquelles ils peuvent se rabattre, et moins d’options pour créer un revenu
supplémentaire.
 Les ménages pauvres vivant dans des zones du pays confrontées à la sécheresse sont plus
à risque (risk) que d’autres ménages parce qu’ils sont à la fois exposés et vulnérables au
risque (hazard) de la sécheresse.
 Une fois que la sécheresse a frappé, les pauvres ont le plus besoin d’aide.
_________________________________________________________________________________
Pour être à risque d’insécurité alimentaire, vous devez être à la fois exposé à un risque et être
vulnérable à ce risque, comme dans le cas des ménages pauvres des zones du pays confrontées à
la sécheresse dans l’exemple ci-dessus. Parce que la vulnérabilité est étroitement liée au risque, il
s’en suit qu’il n’y a pas d’état général de vulnérabilité, les gens peuvent seulement être
vulnérables à quelque chose. Par exemple, les fermiers cultivant le long des berges d’une rivière
peuvent être vulnérables à l’inondation (qui vraisemblablement emportera leurs cultures), mais
6
ne sont pas vulnérables à la sécheresse (puisqu’ils peuvent irriguer leurs cultures en utilisant l’eau
de la rivière).
Une fois que le risque a frappé, ça ne sert à rien de parler de groupes vulnérables. Mis
simplement, les gens sont vulnérables avant l’évènement, (puisque ceci se réfère à leur capacité
de faire face quand un risque frappe). Ils ont des besoins après l’évènement (une fois qu’ils ont
été touchés et ont été incapables de faire face au risque). Pour revenir au cas de l’exemple de la
sécheresse, les pauvres sont vulnérables avant que les pluies échouent, mais une fois qu’ils ont
perdu leurs récoltes ou leur bétail, ils ont besoin d’aide.
Une des approches basée sur les moyens d’existence la plus largement utilisée pour analyser la
sécurité alimentaire est l’approche de l’économie alimentaire ou du ménage, développée en
premier par Save the Children UK dans les années 19901. Le principe de base sous-tendant
l’approche fait état que :
une analyse des moyens d’existence locaux est essentielle pour une bonne compréhension de l’impact
- au niveau du ménage - des risques tels que la sécheresse, un conflit ou la désorganisation du
marché.
L’échec total des récoltes peut, par exemple, laisser un groupe de ménages indigents parce que la
récolte ratée est leur seule source de nourriture de base. Un autre groupe, au contraire, peut être
capable de faire face parce qu’ils ont d’autres sources de nourriture et de revenu. Ces autres
sources - comme avoir du bétail à vendre ou des parents vivants ailleurs qui peuvent les aider peuvent remplacer la perte de la production. Ainsi, les évaluations de l’impact réel du risque
doivent être basées sur l’analyse des moyens d’existence. La structure économique de
l’économie alimentaire détermine le type d’analyse nécessaire pour comprendre l’impact d’un
risque sur la sécurité alimentaire et les moyens d’existence locaux, et a été utilisée pour aider à
définir l’information clé à inclure dans les profils.
L’objectif d’une analyse de la sécurité alimentaire est d’étudier les effets d’un risque sur l’accès
futur à la nourriture et à un revenu, pour que des décisions puissent être prises sur les types
d’interventions les mieux appropriées à mettre en application. La logique derrière l’approche est
de comprendre la façon par laquelle les gens ont survécu dans le passé et donner une base solide
pour se projeter dans le futur. Trois types d’information sont associés ;(i) l’information sur la
ligne de base de l’accès à un revenu en nourriture/argent, (ii) l’information sur le risque
(évènements touchant à l’accès au revenu en nourriture /argent, comme la sécheresse, un conflit
ou la désorganisation du marché) et (iii) l’information sur les stratégies de réponse au niveau du
ménage (les sources de nourriture et de revenu vers lesquelles les gens se tournent quand ils sont
exposés à un risque). L’approche peut être résumée de la façon suivante:
La Carte des Zones des Moyens d’existence : Les modèles de moyens d’existence varient
clairement d’une région à une autre, ce qui nécessite la préparation d’une carte de zone de
moyens d’existence et peut être une première étape utile pour beaucoup de types d’analyse basée
sur le moyen d’existence. Les facteurs locaux comme le climat, le sol, l’accès aux marchés etc.
influencent tous les modèles de moyens d’existence. Par exemple, les gens vivant dans les zones
montagneuses fertiles ont généralement des options très différentes de ceux vivant dans les zones
de basse altitude semi-arides. Dans les zones montagneuses, les gens peuvent avoir un modèle
de moyen d’existence agricole, tandis que dans les régions de basse altitude, ils peuvent faire
pousser quelques cultures et seront soit pastoralistes soit agro-pastoralistes, ceux vivant dans une
zone côtière ou au bord d’un lac auront un moyen d’existence basé sur la pêche ou combineront
la pêche à d’autres activités, et ainsi de suite.
1
Voir ‘The Household Economy Approach’, Seaman J., Clarke P., Boudreau T., Holt J., Save the Children UK,
2000.
7
Cependant, l’agro-écologie est seulement un aspect de la géographie qui détermine les modèles
de moyens d’existence. Un autre est l’accès au marché, puisque ceci touche la capacité des gens
à vendre leur production (récoltes ou bétail ou autres articles) et le prix obtenu. Puisque les
modèles de moyen d’existence dépendent tellement de la géographie, c’est une bonne idée de
diviser un pays ou une région en un certain nombre de zones de moyens d’existence. Nous
pouvons les définir comme des régions à l’intérieur desquelles les gens partagent en gros le même
modèle de moyen d’existence (en gros le même système de production - agriculture ou
pastoralisme par exemple - aussi bien que en gros les mêmes modèles de commerce/échange).
Les frontières de la zone de moyen d’existence ne suivent pas toujours les frontières
administratives. C’est, par exemple, tout à fait commun de trouver des modèles de moyen
d’existence à l’intérieur d’une seule unité administrative (pastoralistes vivant avec des agronomes
ou des agro-pastoralistes avec des communautés de pêcheurs). Cependant, parce que les
décisions de l’allocation des ressources et la provision des services sont faites sur la base de
régions administratives et non de zones de moyens d’existence, il est important que les limites
des zones des moyens d’existence suivent quand c’est possible les limites administratives du
niveau le plus bas.
Catégorisation Socio-économique: La géographie n’est clairement pas la seule chose qui
détermine le modèle de moyen d’existence. La géographie tend à définir des différentes options
de moyens d’existence, mais l’étendue avec laquelle les gens exploitent ces options dépend d’un
certain nombre de facteurs, parmi lesquels la richesse est généralement le plus important. Il est
évident, par exemple, que les ménages mieux nantis qui possèdent de grandes fermes produiront
en général plus de récoltes et auront une sécurité alimentaire plus grande que leur voisins plus
pauvres. La terre est seulement un des aspects de richesse, cependant, les groupes de richesse
sont typiquement définis en termes de leur possession de la terre, de leur possession du bétail, de
leur capital, de leur éducation, de leurs aptitudes, de la disponibilité du travail et/ou du capital
social. Définir les différents groupes de richesse dans chaque zone est la deuxième étape dans
l’analyse de l’économie alimentaire, le résultat étant la catégorisation socio-économique.
La Ligne de Base de l’Économie Alimentaire2: Ayant groupé les ménages en fonction des zones
où ils vivent et de leur richesse, l’étape suivante est de produire l’information de la ligne de base
de l’économie alimentaire pour les ménages typiques dans chaque groupe pour une année de
référence ou une année de ligne de base. Ceci implique d’étudier les différentes sources de
nourriture et de revenu en argent et leur contribution relative au budget du ménage pour l’année
globale. Ceci implique aussi de développer un calendrier saisonnier des activités pour voir
comment l’accès à la nourriture et au revenu en argent varie pendant une année. Ces types
d’informations sont critiques pour comprendre comment les ménages vivant à différents niveaux
de richesse et dans différentes zones seront touchés par un risque particulier. Il s’en suit, par
exemple, que les ménages qui dépendent fortement de la production du bétail local seront
touchés de façon tout à fait différente par une sécheresse par rapport à ceux qui ont des parents
vivant et travaillant dans la capitale et dont ils reçoivent régulièrement de l’aide ou des transferts.
Risque : Les données de ligne de base de l’économie alimentaire donnent un point de départ pour
étudier l’effet qu’un risque aura sur les moyens d’existence et la sécurité alimentaire du ménage.
2
Noter que l’information donnée dans les profils ne constitue pas une ligne de base complète de l’économie
alimentaire. Une ligne de base complète donne de l’information quantitative sur les quantités de nourriture
accessibles et les quantités de revenu en argent provenant des différentes sources pour au moins trois groupes
principaux de richesse dans une zone de moyen d’existence. Les profils de moyen d’existence, au contraire,
incluent l’information sur la contribution proportionnelle des différentes sources de nourriture et de revenu en
argent, tandis que l’unité de mesure ment pour un profil de moyen d’existence est le pourcentage du total. La
carte des zones de moyens d’existence nationale et les profils de moyens d’existence sont conçus comme un
produit autonome (voir section sur les Utilisations des Profils), mais ils sont aussi conçus comme une étape
intermédiaire vers le développement d’une ligne de base de l’économie alimentaire complète.
8
Les risques peuvent soit être naturels (sécheresse ou inondation) ou d’origine humaine (conflit ou
désorganisation du marché). Les conséquences d’un risque varieront en fonction du risque lui­
même et en fonction du modèle local de moyen d’existence. La sécheresse peut provoquer la
perte de la récolte et de la production du bétail, perte du revenu des ventes de la récolte et du
bétail, perte de l’emploi basée sur la ferme, etc., menaçant les ménages qui sont fortement
dépendants de la production de la récolte et du bétail ou sur le travail agricole local.
L’insécurité, d’un autre coté, peut être associée avec le vol des récoltes ou du bétail, un accès
réduit à certaines régions (marchés, puits, zones de pâturage ou champs) et les disruptions du
commerce et du transport, tout ceci menacera les groupes vivants, traversant ou faisant du
commerce avec des zones dangereuses.
Réponse: Quand ils sont exposés à un risque, la plupart des ménages feront leur maximum pour
faire face à ses effets. Si le risque tend à réduire leur accès à certaines sources de nourriture et/ou
revenu en argent, ils peuvent essayer d’augmenter d’autres sources ou ils peuvent se tourner vers
des sources nouvelles ou peu utilisées. Des stratégies de réponse fréquentes3 dans certaines
situations pourraient inclure une augmentation du ramassage des produits de cueillette et une
augmentation de la vente du bétail ou la migration temporaire à la recherche d’un emploi.
Quand ces stratégies sont efficaces, cela peut réduire de façon importante la vulnérabilité à une
gamme de risques. Il faut garder à l’esprit, cependant, que les stratégies de réponse peuvent avoir
des effets à long terme aussi bien qu’à court terme, quelques-uns de ces effets peuvent au bout du
compte saper les moyens d’existence locaux, par exemple, la vente des biens productifs, la vente
non viable du bétail, l’augmentation de la vente du bois quand ceci a un effet négatif sur
l’environnement, et ainsi de suite.
Les Grands Axes d’un Profil de Moyen d’existence
Les profils sont divisés en un certain nombre de sections :
La section Conclusions Principales et Implications résume les principales conclusions de la
zone. Cette section donne aussi des aperçus qui permettront l’organisation de types variés
d’interventions, incluant la réponse d’urgence, la mitigation d’un désastre et la programmation
de développement.
Description de la Zone offre une description générale des modèles de modes vie locaux
(production agricole, élevage du bétail, création d’un revenu en dehors de la ferme).
Marchés contient une information basique sur la commercialisation de la production locale et
sur toute importation de nourriture de base dans la zone.
Calendrier Saisonnier donne le moment choisi pour les activités clés pendant l’année. Ceci est
utile de plusieurs façons, pour juger l’effet probable d’un risque en fonction de son apparition
dans l’année ou pour évaluer si une activité particulière peut être entreprise au moment normal
de l’année courante.
Il y a ensuite cinq sections qui donnent l’information fondamentale sur ‘l’économie
alimentaire’ de la zone (voir section précédente) :
3
Le terme stratégie de la réponse est préféré à stratégie pour faire face pour deux raisons. D’abord, le terme
stratégie pour faire face est souvent utilisé pour des composantes du moyen d’existence quotidien (vente du
bois), qui à proprement parler sont seulement des stratégies pour faire face intensifiées en réponse à un risque.
Deuxièmement, ‘faire face’ peut impliquer que la stratégie en question est gratuite, ce qui n’est pas toujours le
cas.
9
La section sur le Catégorisation Socio-économique décrit trois groupes de richesse principaux
(‘pauvres’, ‘moyens’ et ‘mieux nantis’), expliquant les différences entre ces groupes et comment
ceci affecte l’accès potentiel à la nourriture et au revenu4.
Les sections sur les Sources de Nourriture et Sources de Revenu examinent les modèles de
nourriture et de revenu en argent à chaque niveau de richesse, les reliant aux caractéristiques de
chaque groupe.
Les sections sur les Risques donnent de l’information sur les différents types de risques qui
touchent la zone différentié par groupe de richesse quand cela est approprié.
Stratégies de la Réponse décrit les stratégies variées disponibles pour les différents types de
ménages dans la zone, avec jugement de leur efficacité possible.
L’alerte précoce implique l’identification et l’interprétation des évènements clés qui indiquent
qu’une pénurie rigoureuse de nourriture ou une famine peut se développer. La section finale,
Indicateurs d’une Crise Imminente, s’appuie sur la classification des indicateurs d’alerte
précoce de Fred Cuny5. Cette section donne l’information sur les indicateurs clés et le moment
probable de leur apparition par zone, basé sur la compréhension des moyens d’existence locaux
et les modèles locaux de réponse à une pénurie de nourriture6.
Méthodologie
Un atelier national sur le rezonage des moyens d'existence a été proposé par FEWS NET à
Bamako les 17 et 18 novembre 2009. La carte présentée ici est une version révisée de celle qui a
été créée en 2003 et représente le consensus qui s'est dégagé à la fin de l'atelier, auquel
participaient FEWS NET et ses partenaires du gouvernement, l'ONU et les ONG. Plusieurs
changements ont été apportés à la carte originale, notamment l'ajout des zones 8 et 12 et des
modifications aux frontières de plusieurs zones. Ces révisions ont été vérifiées pendant l'étude de
terrain, qui s'est déroulée du 23 novembre au 9 décembre 2009. Trois équipes ont chacune
complété trois zones. Pour des raisons d'insécurité, il n'a pas été possible de visiter les zones 1, 2
et 3. Les profils des zones 2 et 3 ont été préparés à l'aide de l'information de la récente étude
OXFAM GB conduite dans chacune de ces zones. De plus, les informations d’une récente étude
de Save the Children UK dans les zones 10 et 11 ont été utilisées pour compléter les informations
collectées pendant la mission de FEWS NET.
4
Il est important de garder à l’esprit pour cette analyse que nous considérons la richesse en termes relatifs (et locaux). Les
données statistiques indiquent que 80% ou même 90% de la population d’une zone particulière vivent en-dessous de la ligne
de pauvreté nationale, mais ceci est fait en mesurant la pauvreté sur une échelle nationale absolue. Dans l’analyse des
moyens d’existence, nous nous efforçons à comprendre quelques-unes des différences entre les différents groupes dans la
communauté et leurs raisons - dans ce cas il n’est pas particulièrement utile de mettre ensemble 80% ou 90% de la
population dans un groupe.
5
‘Famine, Conflict and Response: A Basic Guide’, Cuny F. C. and Hill R. B. Kumarian Press, 1999, pp 33­
42.
6
Fred Cuny a identifie deux types d’indicateurs d’alerte précoce, ceux qui donnent une alerte d’une famine en
avance (indicateurs d’une crise imminente) et ceux qui confirment l’existence d’une famine (indicateurs de
famine). Le dernier groupe inclut des indicateurs comme la détresse des ventes des biens producteurs (bœufs de
trait), consommation de graines, la malnutrition augmentée et la mortalité augmentée. Les indicateurs de famine
ne sont pas généralement spécifiques au contexte (c.ad. une seule liste pourrait être préparée qui s’appliquerait
à toutes les zones de moyens d’existence). Ils peuvent être aussi de peu d’utilisation pour prédire ou empêcher
une pénurie de nourriture rigoureuse ou une famine. Pour ces raisons, ils n’ont pas été inclus dans les profils de
moyens d’existence.
10
L'étude de terrain comportait trois niveaux d'entretien. D'abord, des entretiens de niveau
régional ont été réalisés dans les régions de Kayes, Koulikoro, Mopti, Ségou et Sikasso. Des
données ont été collectées sur les principales caractéristiques de chaque zone relevant de la
région. Elles incluent l'information sur l'agro écologie et les marchés, ainsi que sur les principales
cultures vivrières, cultures de rente et sources de revenus des ménages aisés et pauvres.
Deuxièmement, des entretiens ont été menés avec les chefs des services techniques au niveau du
« cercle », notamment les experts agricoles et de l'élevage. Un cercle par zone a été visité ;7 les
cercles ont été sélectionnés pendant l'atelier de formation de niveau national parce qu'ils étaient
jugés plus ou moins « typiques » de leur zone. La première partie de l'entretien portait sur une
information générale concernant la zone, notamment ses principales cultures, ses caractéristiques
et ses activités. Dans la deuxième partie de l'entretien, on a demandé aux informateurs de
répartir les ménages en quatre groupes de richesse (« très pauvres », « pauvres », « moyens » et
« aisés ») en fonction des définitions et des perceptions locales de la richesse. Des données sur
chaque groupe de richesse ont été collectées, notamment la taille typique des ménages, les
surfaces et les cultures cultivées, la possession d'animaux d'élevage, la possession d'autres actifs,
les principales sources de revenus et le pourcentage des ménages appartenant à chaque groupe de
richesse. Une fois qu'un profil d'actifs a été construit pour chaque groupe de richesse, on a
demandé aux informateurs d'utiliser les techniques d'empilement proportionnel pour quantifier
l'importance relative des sources de nourritures et de revenus typiques pour l'ensemble des
groupes de richesse. Finalement, un calendrier saisonnier a été établi, montrant les dates des
principales activités agricoles, d'élevage et autres de la zone.
Troisièmement, des entretiens ont été menés au niveau des villages, avec le chef du village, ses
conseillers et d'autres informateurs clés (par exemple, les enseignants). Un village par zone a été
visité. Les villages ont été choisis après une discussion avec les fonctionnaires au niveau du
cercle, qui avaient participé à l'entretien du cercle ; le critère principal était que les villages soient
plus ou moins typiques de la zone. Au niveau villageois, un abrégé de la répartition des richesses
a été réalisé, ainsi que l'empilement proportionnel des sources de nourritures et de revenus
typiques. Des données sur la performance saisonnière des récentes années, sur les risques et sur
les stratégies d’adaptation ont aussi été collectées.
D'un bout à l'autre du processus ci-dessus, les informateurs ont activement fait suite aux écarts et
réalisé des contre-vérifications à tous les niveaux. Après l'étude de terrain, deux journées
d'analyse ont été organisées au bureau de FEWS NET à Bamako. Les équipes ont compilé et
finalisé leurs résultats en discutant avec un consultant international. En séance plénière, toutes
les équipes ont présenté et discuté leurs résultats. L'information présentée ici représente donc le
consensus auquel sont arrivés FEWS NET Mali et ses partenaires gouvernementaux.
L'unité principale de l'analyse économique pour cette évaluation était le ménage ou
l'exploitation. C'est la principale unité de consommation et de production ; les membres du
ménage mangent leur repas d'une même marmite et partagent leurs actifs, revenus et dépenses.
Un ménage peut inclure le chef du ménage, ses frères, sa ou ses femmes et ses enfants. La
tendance dominante dans le Mali rural est que la taille du ménage croît avec la richesse, c'est-à­
dire, les aisés ont de plus grands ménages que les pauvres. Les ménages ou exploitations (en
particulier les plus grands) contiennent souvent des unités économiques plus réduites. Certaines
activités, par exemple le maraichage, sont effectuées à ce niveau ; le revenu de ces activités n'est
pas partagé avec le reste du ménage (de l'exploitation). Malgré cette complication, le ménage
(l'exploitation) est la principale unité productive et les fonctionnaires, les informateurs clés et les
paysans pensent tous en ces termes. Tout revenu gagné par les unités économiques plus réduites
au sein d'un ménage a été inclus dans le revenu du ménage dans son ensemble.
7
Deux cercles et deux villages ont été visités dans deux parties différentes de la zone 12.
11
Les informations présentées dans les profils montrent des structures de consommation et de
revenus typiques pour les ménages à différents niveaux de richesse au sein de chaque zone de
moyens d'existence. Ceci peut nous indiquer qui sera affecté par un choc et où, mais pas le degré
de l'impact ni si celui-ci se traduira par une insécurité alimentaire.
12
13
Profils de moyens d'existence au Mali
Présentation générale du pays
Introduction
La pluviosité est de loin le facteur décisif pour déterminer les différences entre les zones de
moyens d'existence. Elle permet d'expliquer le degré de dépendance de l'élevage et l'usage qui
peut être fait des terres arables. Les zones de moyens d'existence maliennes sont extrêmement
variées en termes de pluies, de la zone désertique toute au nord avec moins de 200 mm de pluies
par an (lorsque même il y pleut) aux zones beaucoup plus luxuriantes du sud où les pluies varient
entre 1 000 et 1 300 mm.
En termes très génériques, on peut voir une correspondance entre les zones et les isohyètes
lorsque l'on fait le panoramique du pays. La zone 2 ne reçoit pas suffisamment de pluies pour
rendre possible l'agriculture pluviale et se caractérise par un pastoralisme nomade et transhumant
et une faible densité de population. Les pluies plus abondantes de la zone 4, la large bande
sahélienne, permettent la culture du mil et du niébé. Toutefois, des pluies faibles et incertaines
signifient que l'agriculture seule est une affaire risquée et permettent d'expliquer pourquoi
l'élevage transhumant est une des principales caractéristiques de la zone. De bien des façons, la
zone 9 représente une transition entre le nord et le sud ; il y a une plus grande dépendance vis-à­
vis de l'élevage et une gamme de plus en plus diverse de cultures vivrières et de rente. Le mil
domine au nord de la zone, le sorgho au sud ; on y cultive aussi le coton et le maïs. Les trois
zones le plus au sud (10, 11 et 12) sont extrêmement productives et il est possible pour les
ménages de consacrer une plus grande partie de leurs terres aux cultures de rente. La gamme des
cultures est aussi plus diverse, en particulier dans la zone 11.
La pluviosité est le principal facteur s'agissant de déterminer si une année a été bonne ou
mauvaise. Il est instructif d'examiner la manière dont les informateurs de chaque zone ont classé
les récentes années en termes de sécurité alimentaire. Bien que l'exercice soit subjectif, le schéma
dans les zones du nord est fait de pics et de creux (c.-à-d., de bonnes années suivies par des
mauvaises) ; dans le Sahel, les bonnes années sont cruciales, dans la mesure où elles permettent
aux ménages de se préparer aux mauvaises années et de s'en remettre. Dans les zones du sud, où
les pluies sont plus abondantes et plus certaines, il y a moins de variation entre les années.
Cependant, les pluies ne donnent pas un tableau complet de la situation ; un simple coup d'œil à
la carte des moyens d'existence montre que les zones ne suivent pas simplement les isohyètes. La
géomorphologie et le relief affectent la composition des sols locaux et le potentiel productif. Le
grand fleuve Niger est crucial pour définir au moins trois des zones de moyens d'existence. Le
delta (zone 6) est une vaste plaine inondable qui est envahie par les eaux pendant cinq mois de
l'année ; cet envahissement est aussi dû à un autre facteur ; la très faible inclinaison du terrain,
qui permet aux eaux de se répandre. Ceci crée une ressource majeure en termes de pâturages et
permet aux ménages de cultiver le riz et le sorgho si loin au nord. Le fleuve définit aussi les
moyens d'existence des ménages vivant le long de ses rives (zone 3) du nord du delta à la
frontière avec le Mali et le Niger où le riz irrigué est une caractéristique particulière. De manière
plus directe, les pêcheurs bozos (zone 6a), qui opèrent sur toute la longueur du fleuve, en sont
tributaires pour leur survie. Finalement, l'Office du Niger (zone 7) est un système d’irrigation
géré qui dépend de l’eau provenant de ce fleuve. Cette zone est inhabituelle, dans la mesure où
14
elle a été créée par l'homme : cette région du Sahel a été rendue cultivable par des canaux
d'irrigation et des retenues d'eau.
Des facteurs culturels, historiques et ethniques peuvent aussi jouer un rôle. En particulier, dans la
zone 8, les Soninkés sont bien connus pour leur dépendance à l'égard des transferts d'argent
effectués par leurs parents vivant et travaillant à l'étranger (souvent en France). Dans une
certaine mesure, la sécurité alimentaire dans cette zone dépend plus de la réception régulière des
transferts d'argent que des caprices des pluies. La situation géographique d'une zone peut être
importante. La position de la zone 9 signifie qu'elle domine l'axe commercial nord-sud du
commerce des grains vers le nord déficitaire et du commerce du bétail et du travail migrant vers
le sud. La zone 2 est liée à l'Algérie par la longue tradition du commerce transsaharien. Il n'est
donc pas surprenant que ces deux zones soient parmi celles où le commerce contribue le plus au
revenu.
Les différences n'existent pas uniquement entre les zones ; il existe à l'intérieur de chacune d'elles
dans toute communauté des différences en richesse importantes entre les ménages, bien qu'ils
partagent le même contexte écologique et géographique de moyens d'existence. Ces différences
sont importantes pour déterminer la sécurité alimentaire d'un ménage ainsi que sa capacité à
s'adapter à un choc et la manière dont il y parvient. La richesse peut être déterminée en fonction
de plusieurs facteurs, et leurs importances relatives déterminent dans une certaine mesure la
nature de la zone. Mais les deux facteurs d’une importance capitale sont le bétail et la terre. Dans
l'ensemble du pays, les ménages plus aisés ont davantage d'animaux d'élevage. Le bétail est une
source de revenus importante, un moyen important d'épargner et d'investir (« banques sur
pattes ») et une garantie contre une mauvaise année. Les espèces ayant le plus de valeur sont les
chameaux (seulement dans les zones 1, 2 et 4) et les bovins ; posséder ne serait-ce qu'un de ces
animaux peut apporter un degré considérable de sécurité économique. Dans la majorité des
zones, seuls les moyens et les aisés possèdent des bovins ou des chameaux.
La capacité à cultiver la terre est un déterminant de richesse clé dans toutes les zones à
l'exception de la zone 2 (et peut-être de la zone 8). Ceci peut dépendre de la disponibilité des
terres, comme dans la zone 7, où la densité démographique et la pression à laquelle sont
soumises les terres irriguées sont fortes. En outre, elle dépend de la capacité à travailler la terre ;
dans tout le pays, les ménages moyens et aisés disposent de plus de bras valides que les pauvres
et les très pauvres. À des degrés divers, ils emploient aussi les membres des ménages les plus
pauvres comme ouvriers agricoles. Les ménages aisés sont aussi ceux qui ont les moyens
d'acheter des intrants agricoles et d'élevage, et ceux qui possèdent les actifs productifs (souvent
des charrettes, de charrues et des bœufs de labour), bien que la nature des actifs productifs diffère
d'une zone à l'autre.
Finalement, les zones de moyens d'existence ne sont pas des entités discrètes et autosuffisantes.
Elles interagissent aussi bien entre elles qu'avec les pays limitrophes d'un certain nombre de
manières. Les gardiens de troupeaux transhumants mènent leur cheptel vers les zones du sud
pendant la saison sèche pour tirer avantage des pâturages qui s'y trouvent. Les travailleurs
migrants se déplacent aussi vers d'autres zones, des centres urbains et des pays voisins pour
trouver du travail. Chaque année, par exemple, les ouvriers de la zone 6 se rendent dans la zone
4 pour la récolte de mil ; après quoi, les ouvriers des zones 4 et 5 se rendent dans le delta (zone
6) pour travailler à la récolte de riz. Le commerce est l'un des liens les plus importants entre les
zones. Les zones excédentaires du sud fournissent des céréales au nord déficitaire et exportent
des cultures de rente vers d'autres zones et à l'étranger. Le bétail du nord est vendu dans le sud du
pays ainsi qu'à l'étranger (par ex., Algérie et Niger). Ceci souligne un autre aspect ; la sécurité
alimentaire peut être affectée par des événements externes, notamment des fluctuations de prix
sur le marché international. Ces dernières années, par exemple, la faiblesse des prix du coton a
eu un impact négatif sur les moyens d'existence dans les zones cotonnières.
15
Géographie et climat
Comme il a apparaît clairement dans la discussion qui précède, la géographie et le climat du
Mali varient considérablement du nord au sud. Les différences de pluies rendent compte des
variations de végétation, du désert au nord à la savane et aux forêts du sud, en passant par les
buissons et les arbrisseaux du Sahel. Les principaux cours d'eau du pays sont les fleuves Niger et
Sénégal. Il existe un grand nombre d'autres cours d'eau permanents et saisonniers, qui
fournissent de l'eau pour l'irrigation et du cheptel, des sols fertiles sur leurs rives et des possibilités
de pêche.
Le pays a des ressources naturelles considérables en termes de nourritures et de produits de
cueillette. Dans la zone 3, par exemple, les ménages consomment des grains de « cram-cram »
(Cenchrus biflorus) et du fonio sauvage (Panicum laitum). Dans nombre de zones, la vente de
produits de cueillette est une importante source de revenus. Dans la zone 4, par exemple, les
ménages vendent de la gomme arabique et des dates sauvages. Les autres produits qu'on trouve
dans le pays incluent la noix de karité, le néré, le tamarin, le zaban (Saba senegalensis), le fruit et la
feuille de baobab, le jujube (Ziziphus mauritania), plusieurs sortes de feuilles comestibles et le miel.
Sources de nourriture
Le graphique de la page suivante résume les différentes sources de nourriture par groupe de
richesse dans toutes les zones de moyens d'existence.8 Au niveau le plus général, on observe une
tendance nord-sud ; à mesure qu'on avance vers le sud, les ménages dépendent de plus en plus de
leur propre production et moins du marché. Ainsi peut-on voir une différence entre les zones 3 et
4 au nord, qui produisent un déficit, importent des produits alimentaires de base et sont en
situation d’insécurité alimentaire, et les zones 10, 11 et 12 au sud, qui produisent un excédent,
exportent des céréales et sont en situation de sécurité alimentaire.
Toutefois, l'une des conclusions les plus frappantes est le degré selon lequel les ménages de toutes
les zones dépendent du marché pour leurs besoins alimentaires. Ceci nous rappelle que nous
avons affaire à une économie monétaire. Même dans le sud, les très pauvres et les pauvres sont
largement tributaires du marché et doivent utiliser leur revenu monétaire pour acheter de la
nourriture. Ainsi le graphique révèle-t-il un aspect de la structure de la pauvreté au Mali. La
différence la plus significative est entre les deux groupes de richesse les plus aisés et les deux
groupes les moins aisés et se voit le plus clairement dans la concentration du rouge (achat) sur la
partie gauche du graphique et du vert (propre production) sur la droite.
On peut aussi tirer des enseignements quant aux relations entre les groupes de richesse. Dans
toutes les zones, les ménages les plus pauvres sont payés en nature pour le travail qu'ils réalisent
pour le compte des moyens et des aisés. Dans ce type d'arrangement, les ménages plus aisés
paient normalement des ouvriers en utilisant de grain de leurs propres récoltes ; la zone 2 est
distincte en ce que le paiement en nature s'y pratique, mais la production agricole y est
inexistante. Dans toutes les zones, les pauvres et les très pauvres couvrent une partie de leurs
besoins alimentaires annuels grâce à une combinaison de prêts et de dons en nature, provenant
des moyens et des aisés. Le recours à l'emprunt se pratique généralement pendant les durs mois
de soudure, lorsque les ménages pauvres sont le plus tributaires du marché et que les prix des
produits alimentaires de base sont élevés. Ils sont remboursés après la récolte, quand la situation
économique de ces ménages s'est améliorée. La tendance générale dans l'ensemble des zones est
8
Les catégories pour les zones 2 et 3 sont légèrement différentes de celles utilisées pour d'autres zones. Du
fait de l'insécurité civile dans ces régions, FEWS NET n'a pas pu réaliser l'étude de terrain et les
graphiques pour ces zones sont tirés des récentes études sur les bases de référence des moyens d'existence
de l’HEA réalisées par OXFAM GB, qui sont capables de classer les sources d'alimentation de manière
plus détaillée que cela n'est possible dans une évaluation rapide de profilage.
16
que les très pauvres dépendent plus de ces sources que les pauvres. La zone 8 dans le nord-est fait
exception ; cette catégorie y est importante pour les deux groupes. Ceci est dû à l'importance des
transferts d’argent, dont les bénéfices sont partiellement reçus par les ménages les plus pauvres
sous la forme de dons de nourriture. La contribution des prêts et des dons en nature nous
apprend quelque chose sur le degré et la nature de la pauvreté au Mali. Le graphique illustre dans
quelle mesure les plus pauvres sont tributaires des groupes plus aisés simplement pour survivre et
satisfaire leurs besoins alimentaires. Une perspective saisonnière démontre que cette dépendance
est cyclique : au plus haut pendant la période de soudure, au plus bas pendant et après la récolte,
avant d'augmenter à nouveau vers la fin de l'année de consommation.
Pour retourner aux différences entre les groupes de richesse, une distinction moins aigue, mais
néanmoins importante, est entre les Très Pauvres et les Pauvres. Bien que les deux groupes ne
soient fortement tributaires du marché, les Pauvres reçoivent en général nettement plus de leurs
propres champs que les Très Pauvres. Dans bien des cas, la « production propre » contribue deux
fois plus aux ménages pauvres qu'aux très pauvres. De plus, les Pauvres possèdent nettement
plus de bétail, malgré le nombre modeste d’animaux qu’ils possèdent (souvent les Très Pauvres
ne possèdent que quelques volailles). On peut soutenir que ceci sert à faire des pauvres une partie
de la communauté agricole traditionnelle, tandis que le groupe des très pauvres peut représenter
les débuts d'un nouveau genre de prolétariat rural.
En termes généraux, la consommation de lait décroît quand on se va du nord au sud. Elle est de
loin la plus forte dans la zone pastorale 2, où un ménage pauvre consomme plus de lait que les
ménages moyens et aisés typiques dans toutes les autres zones. Au sein de chaque zone, ce sont
les ménages aisés qui consomment plus que les ménages plus pauvres. Les niveaux de
consommation de lait sont étroitement liés à la taille des cheptels. Les ménages de l'Office du
Niger et du plateau Dogon (zones 7 et 5) consomment moins de lait que ceux de la large bande
sahélienne (zone 4), du fait de la plus petite taille des troupeaux. La logique nord-sud est aussi en
partie liée aux plus grands nombres de bêtes dans le nord. Toutefois, les ménages moyens et aisés
des zones du sud possèdent suffisamment de bêtes pour consommer davantage de lait qu'ils ne le
font. La seconde explication de cette tendant nord-sud repose sur les habitudes alimentaires ; les
ménages du sud ne consomment généralement pas le lait de mouton et de chèvre, contrairement
à ceux du nord. Les informateurs insistent aussi sur le fait que la consommation de lait (y
compris le lait de vache) ne fait généralement pas partie des habitudes alimentaires des ménages
de ces régions. Dans les zones où le lait est consommé en grandes quantités, il fournit un
complément important à la qualité de l'alimentation des ménages. Les très pauvres et les pauvres
peuvent aussi bénéficier de dons de lait.
La zone 2 doit être mentionnée séparément. Bien qu'elle s'inscrive dans les tendances générales à
travers le pays, elle est la seule zone purement pastorale (exception faite de la zone 1). Il convient
de souligner que la consommation de lait ne dépasse pas trente pour cent des besoins
alimentaires annuels des ménages plus aisés. Les habitants de la zone consomment surtout des
céréales achetées sur le marché. Ils sont donc exposés aux mauvais termes de l'échange entre le
prix du mil (l'aliment de base principal) et celui du bétail. Comme avec les pasteurs et leur lait,
on pourrait s'attendre à ce que les pêcheurs Bozos (zone 6a) consomment de grandes quantités de
poisson. Cependant, il contribue encore moins à leurs besoins alimentaires que le lait pour les
pasteurs. Le poisson est vendu ou échangé contre des céréales. La pauvreté mène des gens à
choisir des aliments énergétiques, au lieu de faire des choix d’alimentation basés sur la qualité et
sur le gout.
17
Sources de nourriture9
9
LZ signifie ‘Livelihood Zone’ ou ‘Zone de moyens d’existence’.
18
Sources de revenus
Le graphique de la page suivante résume les différentes sources d'argent par groupe de richesse
dans toutes les zones de moyens d'existence. En termes génériques, les moyens et les aisés tirent
la majeure partie de leurs revenus de leurs propres productions, que ce soit les ventes de récoltes
ou de bétail. En regardant du nord au sud, on peut voir l'importance décroissante du bétail et
l'importance croissante des cultures. On notera quelques exceptions à cette tendance. Les zones 5
et 7, par exemple, dépendent principalement des cultures (maraichage et riziculture,
respectivement), malgré qu'elles se trouvent vers le nord du pays. Toutefois, ce qui est plus
remarquable est l'économie basée sur les transferts d'argent de la zone 8, où les ventes de bétail
sont relativement peu importantes malgré la grande taille des troupeaux.
Le petit commerce et le commerce sont dominés par les ménages moyens et aisés, du fait ce que
ce sont ces groupes qui ont le capital pour investir dans le commerce. Il est intéressant que le
commerce soit le plus important dans les deux zones les plus tributaires du bétail (2 et 4). Le
mouvement inhérent à l'élevage nomade et transhumant se prête au commerce. Ce peut aussi
être l'un des rares moyens par lesquels les ménages pastoraux plus aisés sont en mesure de
diversifier leurs moyens d'existence.
Par contraste, les pauvres et les très pauvres tirent leur argent du travail et de l'auto-emploi.
Puisqu’ils ont besoin de cet argent pour les aliments de base et les autres articles essentiels, ceci
signifie qu’une proportion importante de la population rurale ne pourrait pas survivre sans
travailler pour les autres ou sans fournir des services. Le travail local est divisé en deux
catégories. Premièrement, le travail agricole concerne le défrichage et la préparation des terres et
le semis, le désherbage et la récolte des cultures. Sa période de pic est souvent pendant et après
les pluies et il est le plus important dans les zones principalement agricoles (on remarquera par
exemple, les zones 7 et 12 où le besoin de main-d'œuvre est plus grand que dans la zone de
déficit alimentaire 4. Deuxièmement, d'autres possibilités de travail local sont ouvertes pendant
la saison sèche, lorsqu'il y a peu de demandes de main-d'œuvre agricole (ou en tout cas moins).
Ceci recouvre la fabrication de briques et la construction. L'auto-emploi consiste en plusieurs
activités. Les ventes de bois de chauffage/charbon de bois et de produits de cueillette sont les
plus courantes, suivies par les ventes d'objets d'artisanat et de foin/bourgou (Echinochloa stagnina).
Ce qui est vendu exactement dépend de la nature de la zone ; cependant, on peut dire que les très
pauvres et les pauvres vendent surtout aux ménages moyens et aisés à l'intérieur de la même
zone. (L'exception peut être la zone 12 où l'auto-emploi inclut l'exploitation aurifère
traditionnelle.)
La catégorie « migration/transfert d'argent » est importante dans de nombreuses zones, bien que
ce soit davantage le cas dans le nord du pays, où les moyens d'existence sont plus incertains et les
possibilités de travail dans chaque zone sont, en général, plus limitées que dans le sud. Les
moyens et les aisés tirent aussi un revenu de cette source. Ils sont capables de voyager plus loin et
de trouver des emplois plus rémunérateurs que les très pauvres et les pauvres ; en effet, pour les
aisés, cette catégorie consiste souvent en transferts d’argent des migrants permanents.
La mesure de la différence entre les deux groupes de richesse du haut et les deux du bas varie
entre les zones. On s'intéressera à la zone pastorale (2) où le bétail est le seul actif productif. Sa
possession est concentrée parmi les moyens et les aisés, ce qui crée une nette distinction entre les
ouvriers très pauvres et pauvres et les ménages plus aisés vendeurs de bétail. Dans la zone 8, les
transferts d’argent provoquent une similaire dissymétrie de la richesse, comme les cultures de
rente dans les zones du sud, dans la mesure où les ménages très pauvres et pauvres sont, pour
l'essentiel, exclus de ces activités, en raison du coût élevé de leurs intrants.
19
Comme dans la section sur les sources de nourriture, il convient de garder présents à l'esprit les
différences entre les pauvres et les très pauvres. Dans la zone 10, par exemple, les structures de
revenus variables suggèrent que les ménages pauvres sont des fermiers, tandis que les ménages
très pauvres sont des ouvriers. Dans les zones 4, 5 et 6, la différence majeure entre les pauvres et
les très pauvres est leur capacité à migrer pour trouver du travail. Les ménages très pauvres n'ont
pas généralement suffisamment de bras valides pour que l'un d'entre eux migre à la recherche de
travail.
20
Sources de revenus10
10
LZ signifie ‘Livelihood Zone’ ou ‘Zone de moyens d’existence’.
21
Risques
La comparaison des sources de revenu entre les zones nous renseigne sur le risque et la vulnérabilité.
Dans les zones où les pluies sont faibles et incertaines, les ménages moyens et aisés répartissent le
risque entre les cultures et le bétail (une combinaison de vert et de bleu sur le graphique) ; si le revenu
de l'un est réduit, il est possible de s'appuyer davantage sur l'autre. Ceci est moins nécessaire dans le
sud où les pluies sont aussi bien plus fiables et plus régulières et où il n'est pas aussi risqué pour les
ménages de s'appuyer largement sur leurs récoltes. La même chose s'applique à la zone 7 où
l'agriculture est irriguée. Il est aussi moins nécessaire de répartir le risque dans la zone 8, dans la
mesure où le revenu annuel ne dépend pas des caprices du climat, mais des transferts d’argent.
L'exception à tout ceci est la zone 2, où les pluies sont faibles et incertaines, et où les ménages
dépendent exclusivement du bétail. Ici, les moyens d’existence sont plus risqués que partout ailleurs
dans le pays, bien qu'à l'inverse la forte valeur du bétail en fasse une zone aisée.
Les très pauvres et les pauvres ont des structures de dépenses plus diversifiées. Ceci ne les rend pas
nécessairement plus résistants aux chocs que les ménages plus aisés, du fait qu'une grande partie de leur
revenu vient des moyens et des aisés. En fait, la diversification suggère que les ménages pauvres et très
pauvres doivent exploiter toute possibilité de rémunération quand ils le peuvent, juste pour survivre.
Des prêts et des dons, par exemple, sont un moyen important de survie pour les agriculteurs pauvres et
très pauvres pendant la période de l’année qu’ils s’attendent néanmoins à avoir faim. Mais vivre sur la
marge les rend vulnérables à toute perturbation dans le système. Par exemple, si une hausse des prix
rendait les ménages plus aisés plus prudents et donc réduisait des dons et des prêts — peut-être même
de l’emploi occasionnel — elle serait un double choc pour les ménages plus pauvres : ils recevraient
moins et ils pourraient acheter moins à prix courants.
22
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 1 : Nomadisme & commerce transsaharien
Description de la zone
Une description complète n'a pas été préparée pour cette zone. Aucune étude de terrain n'y a été réalisée
en raison de l'insécurité qui y règne et des contraintes de temps.
Cette zone de désert couvre une vaste étendue au nord du Mali. Lorsqu'il pleut, la pluviométrie se situe
entre 0 et 200 mm annuellement pendant soixante-quinze jours. La pluie tombe en averses isolées,
l'humidité superficielle s'évaporant avant que l'herbe ne puisse s'établir. La zone a une densité de
population extrêmement faible et se caractérise principalement par l'élevage nomade et le commerce vers
l'Algérie faisant intervenir aussi bien des caravanes de chameaux que le transport motorisé. Le palmier­
dattier (Phoenix dactylifera) pousse dans les oasis ; on trouve aussi une petite production maraîchère : les
principales cultures sont l'oignon et la tomate. Les principales espèces animales sont le chameau, la
chèvre et l'âne, le lait, le fromage de chameau et de chèvre et la viande séchée étant les produits animaux
les plus importants. L'eau pour les humains et pour les animaux provient des trous de forage et des puits.
La région se caractérise aussi par quelques mines de sel et la vente d'objets d'artisanat. L'accès au marché
est très limité et les facteurs de risque incluent une réduction de la disponibilité en eau, une hausse des
prix alimentaires et les conflits. L'insécurité dans la région est particulièrement sensible en ce moment
avec la présence de L'organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique.
23
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 2 : pastoralisme nomade & transhumant11
Description de la zone
Il s'agit d'une énorme zone pastorale qui s'étend au nord du pays ; elle est située entre les régions
d'agriculture pluviale le plus au nord et l'extrême sud du Sahara, et la plus grande partie de son territoire
est isolée du reste du Mali. Elle a une écologie nord-sahélienne, avec des herbes clairsemées aux limites
du désert. Elle couvre une partie des régions de Gao, Tombouctou et Kidal ; la vie y est difficile, le milieu
inhospitalier et la densité de population très faible. Avec des pluies inférieures à 200 mm par an, le
pastoralisme, qu'il soit transhumant ou nomade, est le seul moyen d'existence viable. Pendant les années
normales et pendant les bonnes années, des lacs saisonniers se forment autour desquels il est possible de
cultiver le sorgho (sorgho de décrue) ; ce sont principalement les ménages les plus pauvres qui pratiquent
cette culture et elle ne doit pas être considérée comme typique de la zone. Le fonio sauvage (Panicum
laetum) et les pastèques sauvages (Citrullus colocynthis) y poussent aussi ; le fonio est ramassé et consommé
par les ménages les plus pauvres, tandis que la pastèque sauvage est une source d'eau pour le bétail.
Les principales espèces de bétail sont les chameaux, les bovins, les moutons et les chèvres. Il y a peu de
bovins vers le nord de la zone, du fait qu'il n'est pas adapté à la survie dans ce milieu hostile et que sa
possession est donc généralement risquée. Les moutons ont plus de valeur que les chèvres, dans la mesure
où on peut les vendre à un prix plus élevé pour le festival de Tabaski (Eid al-Adha). Les ménages moyens
et aisés considèrent souvent les chèvres de la même manière que les ménages d'autres zones pensent aux
volailles : elles sont une source d'argent rapide. Les gardiens de troupeaux migrent tant vers le nord que
vers le sud (vers le Gourma) chaque année lorsque les pâturages disponibles localement commencent à
s'épuiser. L'eau, pour la population comme pour le bétail, vient d'une combinaison de trous de forage et
de puits de différentes tailles, de lacs saisonniers et de cours d'eau. Pendant la saison sèche, l'assèchement
des points d'eau peut être un problème grave.
Le mot « pastoralisme » peut prêter à controverse ; il est souvent associé soit à des arguments pessimistes
sur un moyen d’existence subissant un déclin inévitable, soit à des notions romantiques autour d'un
moyen d’existence immuable. Les tendances à long terme sont difficiles à déterminer. Toutefois, les
répondants dans cette zone n'ont pas parlé d'un pastoralisme en déclin, mais d'un cycle de bonnes années
suivies par de mauvaises. Les tailles des troupeaux sont augmentées progressivement pendant les bonnes
11
En raison de l'insécurité régnant dans le nord du Mali, FEWS NET n'a pas pu conduire l'étude de terrain dans
cette zone. L'information présentée ici appartient à OXFAM GB, qui a effectué une étude de terrain complète
dans la commune de Tarkhint, qui se trouve dans cette zone, en octobre 2009. Se reporter à ces profils, publiés
par OXFAM GB pour de plus amples informations.
24
années pour surmonter les difficultés des mauvaises années. Les répondants ont aussi parlé de
changement et d'adaptation. Un type de sédentarisation est en cours sous la forme de sites permanents
avec des constructions permanentes. Cependant, ce processus n'est pas linéaire. Les sécheresses de 1973
et de 1984, par exemple, ont provoqué une accélération de la sédentarisation et la construction d'écoles,
de centres de santé et de points d'eau. Pourtant, les ménages continuent de dépendre fondamentalement
de leur bétail, que ce soit directement ou indirectement, et vivent une sorte de nomadisme limité dans la
région.
Le manque de diversité qu'implique le fait de dépendre largement du bétail signifie que les ménages sont
extrêmement exposés aux facteurs de risque qui menacent la taille et la valeur de leurs troupeaux.
Lorsque les troupeaux sont décimés, il existe peu d'activités alternatives dans la zone pour compenser le
choc. Ainsi, pendant les mauvaises années de nombreux habitants quittent la zone pour aller trouver du
travail ailleurs (par ex., en Algérie et en Libye) ; l'argent qu'ils gagnent peut alors être utilisé pour
reconstituer les troupeaux. On a assisté à un exode massif de bras valides après la sécheresse de 1973 et
celle de 1984. Cependant, malgré ces risques élevés, la valeur du bétail et la rentabilité du commerce
offrent effectivement aux ménages des possibilités de s'enrichir considérablement.
Le commerce est une activité secondaire pour la plupart des ménages moyens et aisés, mais il est
néanmoins très important. La ressource naturelle la plus importante dans la zone est le pâturage. De plus,
on trouve des nourritures naturelles, ainsi que des terres salées, qui profitent aux animaux locaux. Les
objets d'artisanat locaux se vendent aussi, tant sur place qu'auprès des marchands venus des villes,
comme Gao.
Marchés
Les routes de sable et de terre sont extrêmement fréquentes dans cette région, et très peu sont recouvertes
de bitume ; certaines régions se retrouvent isolées pendant la saison des pluies. Dans cette zone, l'accès au
marché est limité et les gardiens de troupeaux peuvent devoir parcourir de longes distances pour mener
leurs bêtes au marché. Dans certains cas, de gros marchands viennent aux campements et aux sites avec
des camions pour acheter du bétail. Certaines parties de la zone, n'ont pas de marché, mais des boutiques
locales appartenant à de gros marchands ; on y vend des céréales, du sucre, du thé et d'autres matériaux
nécessaires. Les boutiquiers proposent aussi des prêts. Parfois, les ménages peuvent acheter leurs céréales
dans les grandes villes comme Gao pour profiter des prix plus bas qui s'y pratiquent ; il est aussi fréquent
que les migrants retournent avec de la nourriture.
Il existe deux transactions financières principales dans cette zone : la vente de bétail et l'achat de céréales
(principalement du mil). Ainsi, tous les ménages sont-ils très exposés aux changements dans les termes de
l'échange entre le bétail et le mil. Cependant, ce sont les ménages moyens et aisés qui peuvent vendre du
bétail lorsque le prix est élevé et acheter des céréales quand le prix est bas. Ce sont les très pauvres et les
pauvres qui souffrent le plus des mauvais termes de l’échange. Pendant la période de soudure et en
l'absence de toute autre solution, les ménages les plus pauvres sont forcés d'accepter les termes de
l'échange très défavorables proposés par les négociants.
25
Calendrier saisonnier
Jui.
Août
Sep.
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Mai
Juin
Pluies
Légende :
En chaleur
Bétail
Chameaux - en chaleur
Chameaux- naissances
Chameaux (prod. laitière)
Bovins
Bovins (prod. laitière)
Petits ruminants
Petits ruminants (prod. laitière)
Transhumance
Ventes de bétail
Achat de fourrage
Maladie du bétail
Commerce du bétail
Naissances
Tout le bétail
Autre
Achat d'aliments de base
Travail local - garde des troupeaux
Construction
Produits de cueillette
Travail migrant
Emprunts/remboursement
Sorgho (non typique)
Paludisme
Disponibilité de l'eau
Période de soudure
Remboursement
Semis
Chameaux
Emprunts
Récolte
Pluies
Jui.
Août
Sep.
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Le calendrier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année pastorale dans la zone. On
peut discerner trois périodes principales :
(1) La saison chaude qui dure de mars à juin est la période la plus difficile pour le bétail et la période de
soudure pour les ménages de la zone (surtout pour les pauvres et les très pauvres). Les animaux sont en
mauvais état du fait du manque d'eau et de pâturage pendant cette période (les ménages qui en ont les
moyens achètent du fourrage). C'est la période de l'année qui connaît la plus forte incidence des maladies
du bétail et la plus forte mortalité du bétail. En conséquence, le prix du bétail est à son plus bas, ce qui
conduit à de mauvais termes de l'échange entre le bétail et les céréales. Normalement, ce sont les
ménages les plus pauvres qui en souffrent le plus, puisqu'ils sont forcés de vendre leur bétail pendant cette
période pour acheter des aliments de base. Les très pauvres et les pauvres recourent aussi à l'emprunt
pour tenir jusqu'à la fin de la période de soudure ; les remboursements se font entre septembre et
novembre lorsque la situation est généralement meilleure.
Entre mars et juin, les ménages se séparent fréquemment. Les hommes des ménages plus pauvres
peuvent migrer pour trouver du travail temporaire (exode), par exemple en Algérie. Toutefois, on ne peut
considérer ce phénomène que comme « à demi typique » des ménages plus pauvres pendant une année
normale. Le plus fréquemment, le mois de mars est marqué par le « grand départ », quand ceux qui ont
des troupeaux suffisamment grands migrent à la recherche de pâturages. Les pâturages disponibles sur
place ont commencé à se faire rares et il est nécessaire de se déplacer plus loin. Les pauvres et les très
26
pauvres sont nettement moins susceptibles de déplacer leurs bêtes, d'une part parce que la taille de leurs
troupeaux n'est pas suffisamment grande pour justifier un tel voyage et, d'autre part, parce qu'ils
possèdent surtout des chèvres. (Les troupeaux transhumants se composent de chameaux, de vaches et de
moutons ; les chèvres restent généralement derrière.) Quand les animaux sont en transhumance, des
arrangements doivent être faits pour couvrir les besoins alimentaires et financiers des membres du
ménage restés sur place. Le grain doit être acheté à l'avance ou selon les besoins. Certaines bêtes (ainsi
que les chèvres) peuvent aussi être laissées derrière, pour que leur vente permette de couvrir les imprévus.
Enfin, il convient de noter que les vaches mettent bas le plus souvent avant le début des pluies
principales, pendant une période où la disponibilité des pâturages et de l'eau est réduite. Ce sont des
conditions difficiles pour les animaux nouveau-nés, qui sont donc exposés à un risque accru de maladie
et de mort jusqu'à ce que les pâturages s'améliorent.
(2) Pendant la saison des pluies de juillet à septembre, la situation s'améliore. La disponibilité de l'eau
commence à augmenter et les troupeaux reviennent de transhumance à partir de juillet. En raison des
nouvelles naissances et de l'amélioration de la condition du bétail, la production de lait est à son
maximum pendant cette saison, ce qui conduit à une nette amélioration de l'alimentation, par
comparaison avec les précédents mois de soudure. Il y a aussi un élément géographique à la
consommation de lait ; il est évident que lorsque le bétail est en transhumance, les membres du ménage
restés sur place ne profitent pas du lait produit. Le calendrier saisonnier montre uniquement le pic de la
production laitière ; les chameaux, par exemple, peuvent allaiter toute l'année. Cependant, il faut aussi
souligner que tout le lait n'est pas consommé ; une partie, par exemple, est réservée aux animaux
nouveau-nés. À la fin de ces mois, les produits de cueillette (par ex., fonio sauvage) commencent à
devenir disponibles, ce qui profite aux ménages plus pauvres. Toutefois, ces nourritures ne sont
disponibles que pendant les années normales et bonnes. Sous un angle négatif, c'est aussi la période de
plus forte incidence de paludisme, mais c'est un problème beaucoup moins grave ici que dans les zones
plus au sud.
3) Le bétail est au mieux de sa condition pendant la saison froide entre octobre et février et le prix du
bétail et donc élevé. La plupart des ventes de bétail se font vers cette période. On trouve aussi sur place
du travail dans la construction et les ménages plus aisés peuvent payer les membres des ménages plus
pauvres pour conduire leurs animaux au marché. Finalement, si les conditions sont bonnes, certains des
ménages les plus pauvres cultivent le sorgho autour des lacs de la zone ; cependant, ce n'est pas typique
de la majorité des ménages très pauvres et pauvres. À partir de février, les pâturages redeviennent de plus
en plus rares, l'état du bétail commence à se détériorer et les ménages se préparent pour le grand départ
en mars.
27
Répartition de richesse
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille des ménages
Animaux d'élevage
Autres actifs
Très
pauvres
5-7
9-11 chèvres, 0-2 ânes
4-6 petits ruminants
prêtés par les moyens
et les aisés
Pauvres
7-9
5-7 moutons, 14-16
chèvres, 1-3 ânes
4-6 petits ruminants
prêtés par les moyens
et les aisés
Moyens
10-12
24-26 chameaux, 9-11
bovins, 35-45 moutons,
30-40 chèvres, 3-5 ânes
Aisés
17-19
45-55 chameaux, 24-26
bovins, 60-80 moutons,
30-40 chèvres, 7-9 ânes
0%
20%
40%
*L'équilibre entre le nombre de chameaux, de bovins et de moutons possédés varie d'un bout à l'autre de la zone. Il y a peu de
bovins au nord de la zone, du fait que le milieu plus hostile rend sa survie plus difficile. Par conséquent, les ménages plus au nord
possèdent plus de camelins et de moutons.
**Les animaux prêtés temporairement aux ménages pauvres et très pauvres sont inclus dans les chiffres pour le nombre d'animaux
d'élevage possédés.
La majorité des ménages de cette zone appartient aux groupes très pauvres et pauvres. Quoi qu'il en soit,
le groupe plus aisé avec vingt pour cent des ménages est important, comparé à de nombreuses autres
zones. En termes de population (pour prendre en compte la taille plus grande des ménages moyens et
aisés), la majorité des habitants (environ 60%) appartient aux groupes moyens et aisés. Si la majorité des
habitants appartenait aux deux groupes les plus pauvres, le système de solidarité fortement développé de
cette zone ne serait pas durable.
Il existe une différence frappante entre les groupes les plus pauvres et les plus riches et on peut voir une
forte concentration de richesse parmi les moyens et les aisés. Ceci est principalement dû au nombre
d'animaux possédés, qui est pratiquement le seul indicateur/déterminant de richesse de la zone. Les
ménages les plus pauvres possèdent environ entre dix et vingt petits ruminants, tandis que les aisés
peuvent posséder plus de soixante-dix grands ruminants et plus d'une centaine de petits ruminants. (« plus
de », parce que les participants aux entretiens ont eu tendance à sous-estimer la taille de leurs troupeaux.)
En effet, les très pauvres et les pauvres ne possèdent pas suffisamment de bétail pour être appelés des
« pasteurs » ou pour dépendre principalement de leur propre troupeau. On pourrait dire que les très
pauvres et les pauvres constituent une sorte de « prolétariat pastoral » qui dépend des possibilités de
travail offertes par les moyens et les aisés.
Il existe un système à l'intérieur de la zone, en vertu duquel les ménages moyens et aisés prêtent
temporairement un certain nombre de moutons et de chèvres en lactation aux ménages pauvres et très
pauvres. Ils sont inclus dans le tableau sur la répartition des richesses ci-dessus. L'arrangement est
extrêmement important (plus que le système similaire dans la zone 3), dans la mesure où il fournit aux
ménages plus pauvres un grand pourcentage de la totalité du lait qu'ils consomment.
Il convient aussi de noter que tous les groupes de richesse possèdent des ânes, qui sont essentiels pour
28
puiser l'eau des puits et des autres points d'eau. Dans de nombreuses autres zones du pays, les ménages
les plus pauvres ne possèdent pas d'ânes, mais ici il est nécessaire de posséder au moins un âne pour
survivre. Finalement, à l'extrême des aisés, on trouve un petit groupe de ménages super riches ; bien qu'ils
possèdent de plus grands troupeaux, ces ménages sont souvent de grands marchands et peuvent jouer un
rôle important dans la zone en termes des dons et du crédit qu'ils offrent. Ces personnes possèdent des
téléphones satellitaires (« thurayas ») pour faciliter leurs affaires.
Sources de nourriture
Les très pauvres et les
pauvres
dépendent
de
plusieurs
sources
de
nourriture différentes, qui
sont toutes cruciales s'ils
doivent satisfaire leurs
besoins
alimentaires
annuels.
Ils
sont
extrêmement exposés à tout
choc susceptible de limiter
leur accès à la nourriture de
quelque source que ce soit.
100%
90%
Autre
80%
Cueillette
70%
60%
Paiement en nature
Migration
50%
40%
30%
Achats
20%
Produits du bétail
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Il faut souligner l'importance du marché pour tous les groupes de richesse. Les ménages ne cultivent
généralement pas les céréales et ne sont pas en mesure de vivre exclusivement du lait et d'autres produits
animaux ; ils doivent donc acheter des aliments de base. Ceci est également typique d'autres populations
pastorales en Afrique. Outre les céréales, le lait, la viande et d'autres produits animaux représentent une
très importante contribution aux besoins alimentaires annuels : près de trente pour cent pour les moyens
et les aisés. Ceci sert à améliorer la qualité de l'alimentation, surtout celle des enfants. La consommation
de lait dans cette zone est considérablement plus élevée que dans toutes les autres zones du pays ; un
ménage très pauvre, par exemple, couvre une plus grande partie de ses besoins alimentaires avec le lait
que la majorité des ménages aisés du pays. La consommation de lait reste un élément central de la vie
pastorale.
Les paiements en nature (surtout le mil) sont une importante source de nourriture pour les très pauvres et
les pauvres. Il s'agit essentiellement du paiement des bergers, qui reçoivent tous leurs repas lorsqu'ils
migrent avec les troupeaux. Dans d'autres cas, le berger peut recevoir des céréales avant de partir en
transhumance ; il part avec une partie de sa famille, l'autre reste sur place. Les produits de cueillette
(surtout le fonio sauvage) contribuent aussi aux besoins alimentaires des ménages les plus pauvres. Tous
les groupes tirent une petite partie de leurs besoins alimentaires annuels du travail migrant (bien qu'on ne
puisse considérer ce phénomène que comme « à demi typique » de la zone). Les migrants peuvent
retourner chez eux avec de la nourriture. De plus, les repas consommés par le migrant pendant qu'il est
parti signifient qu'il y a une bouche de moins à nourrir à la maison. Cette « économie » est aussi prise en
compte dans la catégorie « migration». Lorsqu'ils migrent, les pauvres et les très pauvres occupent
généralement des emplois temporaires, tandis que les moyens et les aisés voyagent pour faire du
commerce.
La catégorie « autre » contient un mélange de nourriture consommée dans les cantines scolaires et de
dons en nature. Tous les sites de la zone n'ont pas une cantine à l'école et les informateurs clés ont dit
que c'était principalement les enfants des ménages très pauvres, pauvres et moyens qui en profitaient.
Sans les dons des moyens et des aisés, les ménages les plus pauvres auraient des difficultés à couvrir leurs
besoins alimentaires.
29
Sources de revenus
100%
Autre
90%
80%
Commerce
70%
Auto‐emploi
60%
50%
Travail local
40%
Migration
30%
20%
Vente des produits de bétail
10%
La plus grande différence
entre les deux groupes les
plus pauvres et les deux
groupes les plus riches est
l'importance des ventes de
bétail en termes de revenu.
On peut voir que les ménages
moyens et aisés vivent
principalement de la vente de
leurs bêtes, qui contribue
environ quatre-vingts pour
cent à leur revenu monétaire
total.
Vente de bétail
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Par contre, seuls vingt-six pour cent et quatorze pour cent du revenu respectif des pauvres et des très
pauvres vient des ventes de cheptel. La différence entre ces deux groupes mérite aussi qu'on s'y attarde ;
les pauvres sont capables de dépendre presque deux fois plus de leur bétail que les très pauvres.
Pour les ménages moyens et aisés, le commerce est la deuxième plus importante source de revenus.
Celui concerne surtout le commerce du bétail, bien qu'il y ait aussi une partie considérable de
contrebande. Celle-ci est difficile à quantifier, du fait que les ménages sont naturellement réticents à
discuter de ce type d'activité illégale. Pourtant, on peut dire que les marchands revenant du nord
rapportent avec eux de la nourriture et d'autres biens, comme des tapis et du matériel de cuisson. Il faut
aussi remarquer que le commerce est plus important pour les aisés que pour les moyens, puisque ce sont
eux qui ont le plus de capital à investir. Pour le groupe des super riches, le commerce est encore plus
important.
La principale source de revenus des groupes les plus pauvres est le travail effectué sur place. C'est lui qui
leur permet de continuer à vivre dans la zone. Par exemple, les ménages aisés emploient des bergers
parmi les ménages plus pauvres pour s'occuper de leurs troupeaux. Le ménage aisé fournit au berger les
repas lorsqu'il migre avec le troupeau ; de plus, il est payé en moutons ou en chèvres ou en argent. Les
autres types de travail local fréquemment entrepris par les ménages plus pauvres incluent : abreuver les
animaux, mener le troupeau au marché et construire et réparer les maisons et les puits. Les très pauvres
et les pauvres sont aussi payés par les marchandes de bétail (gros négociants qui viennent sur place pour
acheter directement auprès des pasteurs) pour charger les animaux dans les camions. Le travail ménager
domestique est réservé aux très pauvres.
L’auto-emploi inclut la vente d'objets d'artisanat (par exemple, tentes et peaux tannées) et la vente de
bois de chauffage et de charbon de bois. Les ventes de bois de chauffage sont le plus fréquentes pour les
pauvres, qui possèdent plus d'ânes pour transporter le bois. La catégorie « autre » inclut les dons et le
« zakat » (obligation coranique de faire l'aumône).
30
Dépenses
100%
Autre
90%
80%
Vêtements
70%
Education
60%
Santé
50%
Intrants de production
Equipement ménager
Autre nourriture
40%
30%
20%
10%
Nourriture de base
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Le pourcentage du revenu
dépensé en aliments de base
décroît avec la richesse, ce
qui veut dire que les moyens
et
les
aisés
ont
proportionnellement
plus
d'argent à dépenser pour
d'autres articles et pour
investir dans la production
(par ex., intrants d'élevage et
paiement de la maind'œuvre), le commerce et
dans l'avenir, en ce qui
concerne l'éducation des
enfants.
Aisé
On remarquera que les ménages les plus riches peuvent non seulement dépenser proportionnellement
beaucoup plus de cette façon, ils dépensent aussi considérablement plus en termes absolus.
Comme on pourrait s'y attendre, les dépenses en intrants d'élevage, qui sont liées au nombre de bêtes
possédées, sont proportionnellement plus importantes pour les ménages moyens et aisés. Elles
représentent près de vingt-cinq pour cent des dépenses des moyens et des aisés, contre trois pour cent
pour les ménages pauvres et un pour cent pour les ménages très pauvres. Il n'y a pas de dépenses d'eau ;
l'eau des puits est gratuite; l'accès en est régi par la coutume locale.
Risques
5
4
3
2
1
On a demandé aux personnes
interrogées
de
classer
chacune des six dernières
années en fonction de sa
sécurité alimentaire relative :
1 représentait une très
mauvaise année en termes de
sécurité alimentaire, 2 une
mauvaise année, 3 une année
acceptable, 4 une bonne
année et 5 une excellente
année.
0
Les différences entre les années en termes de sécurité alimentaire sont importantes, dans la mesure où ce
sont les bonnes années et les années acceptables qui compensent les mauvaises. Dans une zone pastorale,
on s'attendrait à ce que la taille des troupeaux augmente la plupart des années, pour pouvoir compenser
les importantes pertes des mauvaises années. L'histogramme montre que non seulement 2008-09 a été
une année difficile, mais que d'après les informateurs, 2009-10 est encore pire.
Concernant les facteurs de risque de cette zone, la première chose à remarquer est que les moyens
31
d'existence ne sont pas diversifiés et dépendent presque entièrement du bétail. Bien que leurs troupeaux
soient relativement réduits, les pauvres et les très pauvres s'appuient néanmoins largement sur le bétail,
puisque ce sont les animaux des moyens et des aisés qui leur permettent de les employer et de donner des
dons aux ménages les plus pauvres. Autrement dit, tous les œufs sont dans le même panier. Pour tenter
de résoudre ce problème, les ménages augmentent leurs troupeaux pour atténuer l'impact d'un choc. On
trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone.
Bétail
1. Insuffisance de pluies et de pâturages. Ces facteurs de risque sont évidemment liés. Lorsqu'il n'y a pas
assez de pâturages, la transhumance commence plus tôt et les ménages peuvent vendre un certain
nombre de bêtes pour acheter du fourrage.
2. Manque d'eau. C'est un facteur de risque sérieux tant pour les humains que pour les animaux. Dans
les mauvaises années, les points d'eau saisonniers s'assèchent tôt.
3. Maladies du bétail, par exemple, fièvre charbonneuse, distomatose hépatique et pleuropneumonie
contagieuse des bovins.
4. Vol de bétail.
Marchés
1. Mauvais termes de l’échange entre le bétail et le mil (une chute prix du bétail et une hausse rapide du
prix des céréales étant la pire combinaison). Certaines régions de cette zone sont aussi très isolées et les
céréales peuvent ne pas toujours être disponibles sur le marché ou dans les boutiques.
Autre
1. Animaux sauvages : les chacals chassent et tuent les chèvres et les moutons.
2. Les criquets, qui peuvent détruire les pâturages.
3. Feux de brousse.
4. Conflit. Il y a eu un certain nombre de conflits dans ces dernières années. Le manque de place dans les
pâturages du sud au-delà de la zone pendant les mauvaises années force des ventes de bêtes et engendre
des différends avec des populations sédentaires au sujet de l'eau et des dégâts aux récoltes.
32
Stratégies d’adaptation
Il existe deux types de stratégies d'adaptation qu'emploient les ménages ; réduire les dépenses et/ou
augmenter les revenus. Pendant une mauvaise année, tous les ménages réduisent leurs dépenses de
produits non essentiels et augmentent leurs dépenses d'aliments de base. Par exemple, les ménages
consomment moins de riz en faveur du mil, qui est l'aliment de base le moins cher. Les ménages plus
aisés ont une plus grande capacité à réduire leurs dépenses de cette manière, dans la mesure où ils
achètent davantage de riz que les pauvres pendant une année normale. La production de lait décroît
pendant une mauvaise année, du fait que le bétail est un état bien pire ; pour résoudre ce problème, les
ménages consomment davantage de céréales, mais ceci réduit la qualité de leur alimentation. Les
ménages aisés sont en mesure d'acheter du lait en poudre. Concernant les autres éléments, des
représentants du groupe des très pauvres ont indiqué qu'ils peuvent réduire leurs achats de sucre et de
tabac de vingt-cinq pour cent et de vêtements de cinquante pour cent. Certains ménages réduisent le
nombre de repas qu'ils prennent chaque jour ; toutefois, cette stratégie est dangereuse si elle ne se limite
pas au très court terme (quelques semaines au maximum).
On trouvera ci-dessous une liste de stratégies d'adaptation employées par les ménages à différents
niveaux de richesse pour accroître leurs revenus.
Très Pauvres et Pauvres
 Travail migrant. Pendant une année normale, le travail migrant ne peut être considéré que
comme « à demi typique » de la zone. Elle devient bien plus importante pendant une mauvaise
année, lorsque les membres de la quasi-totalité de tous les ménages très pauvres et pauvres
migrent pour trouver du travail. Les ménages augmentent aussi le nombre de personnes ainsi que
le nombre de mois passés en migration. Par exemple, deux personnes peuvent migrer pendant
quatre mois au lieu d'une personne pendant deux mois. Ils peuvent se rendre dans des villes
comme Gao et Tombouctou ou bien à l'étranger, par exemple en Algérie. Les informateurs ont
déclaré que même les enfants peuvent migrer, ce qui les force à quitter l'école. (L'équipe a
rencontré un garçon de seize ans qui avait quitté l'école en 2009-10 pour aider sa famille.)
Pendant les mauvaises années, tous les bras valides des ménages partent en migration soit pour
trouver du travail soit avec les troupeaux. Seuls les personnes âgées et les plus pauvres restent et
se concentrent vers de plus grands sites. Les ménages qui sont forcés de rester sur place, parce
qu'ils n'ont pas d'autre solution, sont ceux qui souffrent le plus.
 Augmentation des ventes de bétail. Toutefois, les prix sont souvent plus bas, en raison du
mauvais état du cheptel et de l'absence de demande sur le marché. Ainsi, un ménage très pauvre
typique vend trois chèvres pendant une année normale (sur les huit qu'il possède au début de
l'année) ; pendant une mauvaise année, ce ménage peut en vendre jusqu'à cinq. Il est possible que
le bénéfice qu'il reçoit de ces cinq ventes soit inférieur au bénéfice d'une année normale. Les
ménages essaient d'éviter de vendre un nombre insoutenable de bêtes. Les ventes de bétail à tout
prix indiquent une crise en cours.
 Les ménages pauvres augmentent leur vente de produits animaux, au lieu de les consommer.
 Travail local. L'argent tiré du travail local diminue généralement. Il y a davantage de demandes,
mais l'offre de travail diminue. La fabrication de briques diminue du fait que l'eau nécessaire
pour les faire est plus rare ; de plus, les ménages moyens et aisés sont moins susceptibles
d'entreprendre des travaux de construction pendant une mauvaise année.
 L’auto-emploi. Ceux qui tannent les peaux se retrouvent confrontés à plus de concurrence, une
demande en baisse et la chute des prix pendant les mauvaises années. Ainsi le revenu de cette
activité décroît-il. Les ventes de bois de chauffage n’augmentent pas non plus, étant donné
l’invariabilité de la demande. Les ventes de charbons de bois peuvent être plus rentables.
33
 Les tendances concernant les dons et la solidarité entre les groupes sont difficiles à juger
pendant une mauvaise année. Les dons restent importants ; par exemple, les ménages les plus
pauvres mangent un plus grand nombre de leurs repas avec les moyens et les aisés, et reçoivent
davantage de thé et de sucre. Parfois les enfants des ménages plus pauvres sont recueillis par les
moyens et les aisés et ceux qui sont forcés de rester sur les grands sites dépendent largement des
dons. Toutefois, les mauvaises années sont aussi difficiles pour les moyens et les aisés ; les
informateurs ont affirmé que de nombreux types de dons diminuaient, à moins qu'il n'y ait des
liens de famille étroits. Les ménages pauvres ont aussi recours à l'emprunt auprès des moyens et
des aisés, qui acceptent une plus longue période de remboursement. Les très pauvres ne sont
généralement pas suffisamment solvables. Enfin, ceux qui ont des parents vivant à l'étranger
essaient d'augmenter leurs revenus des transferts d’argent.
Moyens et Aisés
 Ils augmentent les ventes de bétail pour acheter des céréales et du fourrage pour sauver les
animaux qui ont le plus de valeur, surtout les femelles reproductrices.
 Ils augmentent leur commerce de bétail (par exemple quarante bêtes au lieu de trente) et
davantage de membres du ménage participent au commerce.
 Ils augmentent le nombre de personnes et le nombre de mois passés à migrer pour trouver du
travail.


Ils augmentent le nombre de mois de transhumance du bétail, en partant plus tôt que de normale.
Ils recueillent les enfants des autres ménages et partagent leurs repas avec les ménages très
pauvres et pauvres. Il existe une pression sociale considérable pour fournir de la nourriture aux
groupes les plus pauvres.
34
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 3 : riz fluvial & élevage transhumant (agropastoral)12
Description de la zone
Il s'agit d'une zone agropastorale, à faible densité de population, qui s'étend des rives du fleuve Niger au
nord du delta jusqu'à la frontière avec le Niger. Les villages se situent au bord des deux rives (dans le
Haoussa au nord et le Gourma au sud) ainsi que sur des îles au milieu du fleuve. La majorité de la
population est sédentaire, bien qu'on trouve aussi des groupes de pêcheurs semi-nomades Bozos, qui ont
des moyens d'existence différents et ne sont pas inclus dans ce profil (voir la sous-zone 6a).
Il s'agit d'une zone en situation d'insécurité alimentaire. Les moyens d'existence sont très diversifiés, en
particulier ceux des pauvres et des très pauvres ; les ménages dépendent de la riziculture, de l'élevage, du
maraichage, de la pêche et du travail migrant à des degrés différents. Cette répartition des risques entre
différentes activités contribue à atténuer les effets d'un risque et rend la vie moins risquée que dans la zone
2 où les ménages sont pratiquement exclusivement tributaires de leur bétail. Toutefois, les habitants de la
zone ne tirent pas avantage des mêmes possibilités de richesse considérable associées aux moyens
d'existence pastoraux.
Les faibles pluies annuelles, qui oscillent entre 150 et 200 mm, sont insuffisantes pour l'agriculture
pluviale ; c'est la présence du fleuve qui rend possible la culture du riz, du bourgou et des cultures
maraîchères. Le riz est la principale culture et se cultive sur les rives du fleuve. Contrairement au delta
(zone 6) et à l'Office du Niger (zone 7), il n'existe aucune infrastructure moderne dans cette zone pour
contrôler le volume de l'eau irriguant les rizières. Les paysans sèment avec l'arrivée des premières pluies,
et la montée subséquente du niveau du fleuve (la crue) fournit le reste de l'eau nécessaire à la riziculture.
Des levées de terre traditionnelles protègent les champs des excès d'inondation à mesure que le niveau du
fleuve monte ; toutefois, une crue particulièrement forte aussi bien que des vents violents peuvent rompre
ces digues et détruire une partie de la récolte. Le bourgou (Echinochloa stagnina) est une graminée qu'on
cultive aussi sur les bords du fleuve et qui est un important fourrage pour les animaux d'élevage. La
majorité du sol est sableux, mais les ménages de tous les groupes de richesse sont capables de pratiquer le
maraichage, en utilisant l'eau du fleuve pour l'irrigation. Ces cultures sont principalement le tabac, la
tomate, la courge et la pastèque, bien qu'il y ait une certaine variation au sein de la zone, en termes de
gamme des cultures cultivées. On trouve aussi des produits de cueillette dans la zone ; la plus importante
est le cram-cram (Cenchrus biflorus) et le fonio sauvage (Panicum laetum).
12
En raison de l'insécurité régnant dans le nord du Mali, FEWS NET n'a pas pu conduire l'étude de terrain dans
cette zone. L'information présentée ici appartient à OXFAM GB, qui a effectué une étude de terrain complète
dans la commune de Téméra, qui se trouve dans cette zone, en octobre 2009. Se reporter à ces profils, publiés par
OXFAM GB pour de plus amples informations.
35
L'élevage est une activité majeure. Les principales espèces de la zone sont les bovins, les moutons et les
chèvres ; parmi celles-ci, les bovins ont le plus de valeur et seuls les ménages moyens et aisés profitent de
la sécurité économique qu'apportent ces « banques sur pattes ». Les ventes de bétail sont une importante
source de revenus pour les moyens et les aisés. Les ménages de ces groupes tirent aussi de l'argent de la
vente de moutons d'embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent
attachées à la ferme du ménage et nourris avec des aliments bétail.
Finalement, certains membres des ménages de l'ensemble des groupes de richesse migrent généralement
pour trouver du travail pendant plusieurs mois chaque année. Ce sont les famines de 1973-74 et 1984-85
(aujourd'hui encore les pire années de mémoire d'homme) qui ont déclenché une migration de grande
échelle ; aujourd'hui, elle est une source essentielle de nourriture et de revenu pour les habitants de cette
zone. Les famines des années 1970 et 1980 ont aussi vu les ménages quitter la zone de manière
permanente ; ils envoient aujourd'hui de l'argent à leurs parents qui vivent toujours le long du fleuve.
Marchés
L'accès au marché varie ; les communes de la partie médiane de la zone sont relativement isolées dans la
mesure où le fleuve s'écoule aux portes du désert. Pendant la saison des pluies, par exemple, il faut parfois
deux ou trois jours de route pour aller de Téméra à Gao. Les communes et les villages aux deux
extrémités de la zone bénéficient d'un accès au marché nettement meilleur, du fait de leur proximité avec
de grandes villes comme Gao, Tombouctou et Ansongo. Le fleuve lui-même est utilisé pour le commerce
et est navigable d'octobre à mars.
Le riz et le bétail sont les deux principaux produits vendus, bien que les ménages vendent aussi des
cultures maraîchères, du bourgou et du poisson. Les bovins sont souvent destinés à l'exportation, par
exemple vers des marchés au Nigeria et au Ghana ; les petits ruminants, quant à eux, sont exportés au
nord vers la frontière algérienne et sont aussi vendus dans des villes locales.
Le marché aux grains est crucial, du fait que tous les ménages en dépendent pour acheter un pourcentage
non négligeable de leurs céréales. Ceci contribue à expliquer pourquoi les hausses des prix des aliments
de base depuis le début de 2008 ont eu un impact négatif sur la sécurité alimentaire des ménages. Le prix
du bétail à lui aussi connu une hausse, avec la forte demande en viande des villes du Mali et de
l'étranger ; toutefois, les ménages pauvres et très pauvres n'ont pas profité de cette hausse du fait qu'ils ont
très peu de bétail à vendre.
36
Calendrier saisonnier
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Sep.
Oct.
Principales récoltes
Légende :
Préparation des terres
Récolte
En chaleur
Semis
Ventes
Naissances
Désherbage
Cultures
Riz
Niébé
Cultures maraîchères
Tabac
Bétail
Vaches (prod. laitière)
Vache
Petits ruminants (prod. laitière)
Petits ruminants
Migration des animaux
Achats aliments bétail
Embouche
Ventes de bétail
Maladie du bétail
Autre
Achat d'aliments de base
Travail agricole local
Autre travail local
Objets d'artisanat
Produits de cueillette
Pêche
Migration professionnelle
Emprunts/remboursement
Paludisme
Période de soudure
Remboursement
Emprunts
Pluies
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Sep.
Oct.
Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités agro-fluviales et liées à l'élevage qui
constituent l'année agropastorale de cette zone. On peut discerner trois périodes principales :
(1) La saison des pluies s'étend entre juillet et septembre/octobre et coïncide avec la période de soudure.
C'est un moment particulièrement difficile pour les très pauvres et les pauvres dont les stocks sont épuisés
depuis longtemps et qui ont un accès limité à l'argent pour acheter de la nourriture. Les ménages les plus
pauvres recourent fréquemment à l'emprunt (tant en espèces qu'en nature) auprès des moyens et des aisés
pour tenir jusqu'à la récolte de riz en novembre qui, de fait, met un terme à la période de soudure. C'est
une époque d'intense activité physique pour les très pauvres et les pauvres qui non seulement travaillent
dans leurs propres champs, mais désherbent et récoltent aussi ceux des moyens et des aisés. De surcroît,
les pluies apportent une plus forte incidence de paludisme, parfois mettant hors d'état de travailler un
membre actif d'un ménage et imposant des dépenses supplémentaires en médicaments au moment le plus
difficile de l'année.
37
Sous un angle plus positif, la chaleur oppressante de mars à juin a passé. La disponibilité des produits de
cueillette entre septembre et octobre est cruciale pour les ménages les plus pauvres, qui profitent de cette
source de nourriture gratuite, mais qui exige beaucoup de travail. La production (et la consommation) de
lait augmente pendant ces mois et les ventes et les prix du bétail sont à leur maximum. Cependant, il faut
souligner que les très pauvres et les pauvres sont incapables de tirer avantage de ces prix plus élevés. La
nécessité les force à vendre leur bétail entre mai et juillet, lorsque l'état des bêtes est mauvais du fait du
manque de pâturage.
(2) La saison froide s'étend de novembre à février et est l'époque de la principale récolte de riz, ainsi que
le début de la récolte des produits maraîchers. Les dates de la récolte de riz varient entre groupes de
richesse, dans la mesure où les moyens et les aisés peuvent récolter avant les très pauvres et les pauvres.
La raison en est qu'ils sèment plus tôt parce qu'ils ont un meilleur accès aux charrues, aux bœufs de
labour et aux semences ainsi qu'aux motopompes, qui sont utilisées pour irriguer les rizières et qui
deviennent particulièrement importantes si les pluies ont du retard. Après la récolte, les pauvres peuvent
commencer à rembourser leurs dettes et sont forcés de vendre une partie de leur récolte lorsque les prix
du grain sont à leur plus bas.
(3) La saison chaude s'étend de mars à juin et est la période la plus difficile pour le bétail et celle avec la
plus forte incidence de maladie du bétail. Les pâturages sont rares et ceux qui en ont les moyens achètent
du fourrage, en particulier du bourgou (Echinochloa stagnina). Pendant cette période, le travail des
ménages est rémunéré aussi bien en espèces qu'en nature ; ceci inclut le travail agricole, comme la
préparation des terres pour la saison suivante, ainsi que la construction (par ex., la fabrication de
briques). C'est aussi l'époque où la pêche est la plus importante et où les femmes fabriquent des nattes et
d'autres objets d'artisanat destinés à leur usage personnel et à la vente. Finalement, les membres de tous
les ménages migrent généralement pour trouver du travail pendant ces mois. Les très pauvres et les
pauvres trouvent du travail en général dans des villes relativement proches, tandis que les moyens et les
aisés peuvent se permettre les coûts de transport pour aller plus loin, par exemple à Bamako ou à
l'étranger, comme au Ghana, en Guinée et en Côte d'Ivoire.
Répartition des richesses
Caractéristiques des groupes de richesse
Tailles des
ménages
Surface
cultivée
Très
Pauvres
6-8
0,5-1 ha
Pauvres
8-10
1-2 ha
Moyens
10-12
5-6 ha
Aisés
14-16
8-10 ha
Animaux d'élevage
Autres actifs
2-3 petits ruminants
prê tés par les moyens
et aisés
0-2 filets de pêche, 4
3-5 chèvres, 0-2 moutons, 0-2
petits ruminants
ânes, 4-6 volailles
prê tés par les moyens
et aisés
0-2 chèvres, 4-6 volailles
0-1 pirogues, 0-2
8-10 bovins, 2 boeufs de labour,
12-14 chèvres, 7-9 moutons, 1­ charrues, 0-2 filets de
pê che
3 ânes, 5-7 volailles
21-23 obvins, 4 boeufs de
labour, 22-24 chèvres, 14-16
moutons, 4-6 ânes
0-2 pirogues, 1-2
charrues, 0-2 filets de
pê che, 0-2
motopompes
% des ménages
0%
20%
40%
38
Le tableau de la répartition des richesses montre que les ménages moyens et aisés représentent juste un
peu moins de quarante pour cent des ménages de la zone, un pourcentage non négligeable des ménages
relevant de la catégorie des aisés. La tendance pour la taille des ménages de croître avec la richesse
signifie que les moyens et les aisés représentent plus de la moitié du total de la population.
L'élément le plus frappant dans cette répartition des richesses est la dissymétrie de la richesse en faveur
des groupes moyens et aisés. Le bétail est le déterminant de richesse le plus important dans cette zone et
on remarquera le vaste écart entre les deux groupes plus aisés et les deux groupes plus pauvres. Les
ménages très pauvres et pauvres ne possèdent que quelques petits ruminants et pas de bovins, dont la
valeur élevée et la sécurité qu'elles apportent les rendent particulièrement importantes. Par comparaison,
un ménage aisé possède en général plus d'une vingtaine de bovins. Il existe un système à l'intérieur de la
zone, en vertu duquel les ménages moyens et aisés prêtent temporairement un certain nombre de
moutons et de chèvres en lactation aux ménages pauvres et très pauvres avec lesquels ils ont des liens de
famille. Ceci donne aux groupes plus pauvres un accès légèrement meilleur au bétail et au lait.
L'autre différence clé entre les groupes plus aisés et plus pauvres est la surface de terre qu'ils sont capables
de cultiver ; par habitant, les aisés cultivent six fois plus que les très pauvres. Non seulement les groupes
plus aisés possèdent-ils plus de terres que leurs voisins plus pauvres, ils ont aussi bien meilleur accès aux
actifs productifs, comme les motopompes, et à la main-d'œuvre. Par exemple, ce sont les moyens et les
aisés qui possèdent les charrues et les bœufs de labour, qui sont d'abord utilisés sur leurs propres terres et
qui sont ensuite loués aux ménages plus pauvres en échange pour leur main-d'œuvre. En fait, les moyens
et les aisés ont les moyens de cultiver plus de terre qu'ils n'en possèdent et par conséquent louent la terre
des pauvres et des très pauvres. La majeure partie des terres de la zone est dédiée à la riziculture, bien
qu'une part non négligeable soit aussi utilisée pour le maraichage ; environ un quart d'hectare pour les
très pauvres, comparé à un ou deux hectares pour les aisés.
Il existe aussi d'importantes différences entre les pauvres et les très pauvres ; par exemple, les très pauvres
sont le seul groupe de richesse à ne pas posséder ordinairement d'ânes et de filets de pêche. Les uns et les
autres sont des actifs importants ; ceux-là pour ramasser le bois de chauffage et les produits de cueillette,
celui-ci pour pêcher dans le Niger.
Sources de nourriture13
Le meilleur accès aux intrants
agricoles, la possession d'actifs
productifs et la plus grande
surface des terres cultivées par les
ménages moyens et aisés
signifient qu'ils peuvent couvrir
une partie nettement plus grande
de leurs besoins alimentaires
annuels avec leur propre récolte
que les très pauvres et les
pauvres.
Ces
ménages
consomment toute leur récolte en
seulement trois mois maximum
et sont donc largement tributaires
du marché pour leur nourriture.
100%
90%
Autre
80%
Migration
70%
Paiement en nature
Pêche
60%
50%
40%
Cueillette
30%
Achats
20%
Produits du bétail
Production agricole
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
13
Ce graphique a été adapté des résultats de l'Oxfam GB, pour qu'il ait le même format que les autres graphiques
sur les sources de nourriture de ce rapport. Pour les graphiques originaux, se reporter aux profils de l'Oxfam GB.
39
Toutefois, comparés aux autres zones (par exemple, le delta et le sud du pays), les moyens et les aisés
dépendent aussi du marché à un degré significatif une fois que leur récolte est épuisée après six ou sept
mois. Il convient de noter que la récolte des aisés pourrait couvrir davantage que la totalité de leurs
besoins alimentaires annuels, mais ils l'utilisent pour payer en nature les pauvres et les très pauvres, ils en
vendent une grande partie (et achètent du mil, produits de base moins coûteux) et font des dons en
nature.
Le lait contribue nettement plus à l'alimentation des ménages moyens et aisés qu'à celle des pauvres, ce
qui reflète les grandes différences en matière de possession de bétail entre les groupes de richesse. Les
moyens et les aisés tirent respectivement huit et dix pour cent de leurs calories du lait. Les très pauvres et
les pauvres sont capables de couvrir seulement un petit pourcentage de leurs besoins alimentaires avec le
lait, qu'ils reçoivent de leurs propres petits troupeaux et des femelles en lactation que leur ont prêtées les
moyens et les aisés. Cependant, bien que réduite, la consommation de lait et de produits animaux est un
important complément à la qualité du régime alimentaire des ménages plus pauvres, surtout comparée
aux autres zones du Mali où le lait est rarement consommé.
En particulier, tous les groupes reçoivent une partie importante de leurs besoins alimentaires annuels du
travail migrant. Lorsqu'ils rentrent chez eux, les migrants apportent des sacs de grain. De plus, les repas
consommés par les migrants pendant qu'ils sont partis signifient qu'il y a une bouche de moins à nourrir
à la maison. Cette « économie » est aussi prise en compte dans la catégorie « migration». La catégorie
« autre » contient un mélange de nourriture provenant de repas scolaires et des prêts de nourriture. Tous
les villages de la zone n'ont pas une cantine à l'école et les informateurs clés ont dit que c'était
principalement les enfants des ménages très pauvres et pauvres qui en profitaient. Le recours annuel aux
prêts de nourriture et leurs remboursements permettent d'illustrer la pauvreté profonde des ménages les
plus pauvres. Les ménages pauvres et très pauvres de cette zone sont en situation d'insécurité alimentaire
chronique et doivent s'appuyer sur un grand nombre de sources de nourriture différentes pour couvrir
leurs besoins annuels. Ces groupes sont extrêmement exposés à tout choc susceptible de limiter leur
accès à la nourriture de quelque source que ce soit.
Sources de revenus
100%
Pêche
90%
Autre
80%
Petit commerce
70%
Auto‐emploi
60%
Transferts d'argent
50%
Migration
40%
La différence principale entre les
deux groupes les plus riches et les
deux groupes les plus pauvres est
la mesure selon laquelle ils
peuvent compter sur leur propre
production agricole et de bétail,
qui fournit près de quatre-vingts
pour cent de l'argent des moyens
et des aisés.
Autre travail local
30%
Travail agricole local
20%
Vente des produits du bétail
Vente de bétail
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Vente de la production agricole
L'importance du bétail en tant que déterminant de la richesse a été abordée ci-dessus ; elle est soulignée
ici où ce sont les ventes de bétail qui constituent la plus grande différence entre les groupes les plus
pauvres et les plus aisés en termes de revenu. Les ventes de bétail et de produits animaux représentent
environ cinquante pour cent du revenu des ménages tant pour les moyens que pour les aisés et près de
trois pour cent et de dix pour cent pour très pauvres et les pauvres, respectivement. On pourrait dire que,
si les moyens et les aisés sont de vrais agropasteurs, les très pauvres et les pauvres sont beaucoup plus
« agro » que « pasteurs ».
40
Il y a moins de différence entre les groupes de richesse dans l'importance proportionnelle de ventes de
récoltes, mais la tendance est néanmoins celle d'une hausse du revenu avec la richesse en termes
proportionnels. Ceci reflète la plus grande taille des troupeaux et le meilleur accès aux actifs productifs
des moyens et des aisés. Du fait qu'ils reçoivent une part relativement réduite de leur propre production,
les très pauvres et les pauvres doivent exploiter un ensemble plus divers de sources de revenus pour
satisfaire leurs besoins d'argent. Travailler pour les moyens et les aisés concerne principalement le travail
agricole (par ex., désherbage, labour, vannage, récolte) et la construction, mais il y a aussi un nombre
limité d'autres possibilités de travail, notamment garder les troupeaux, pêcher et manier la pagaie/la
perche des pirogues. Toutefois, la différence entre les pauvres et les très pauvres est également frappante ;
la production de cultures et de bétail est presque deux fois plus importante pour les pauvres que pour les
très pauvres. On peut dire que ceci fait des pauvres une partie de la vraie communauté agricole, tandis
que les très pauvres constituent une sorte de prolétariat rural. Ceci met en évidence des différences non
seulement dans le degré, mais aussi dans la structure de la pauvreté dans cette zone.
L'auto-emploi concerne surtout les ventes de bourgou, que tous pratiquent sauf les aisés. Cependant, elle
inclut aussi une combinaison de ventes d'objets d'artisanat et de bois de chauffage, qui sont moins
fréquentes et sont la « chasse gardée » des pauvres et des très pauvres. La pêche à Téméra est une activité
surtout associée aux ménages plus pauvres, bien que seuls les aisés ne vendent pas de poisson. Compte
tenu du revenu qu'ils tirent des ventes de récoltes et de bétail, il n'y a pas de réel besoin pour les ménages
aisés de vendre et ils consomment le poisson qu'ils attrapent. De plus, les ménages plus pauvres donnent
fréquemment une partie de leur prise aux moyens et aux aisés à titre de paiement pour la location du
matériel de pêche.
Tous les groupes de richesse tirent une partie de leurs revenus des transferts d’argent et du travail
migrant. En termes de travail migrant, les moyens et les aisés ont les moyens de parcourir de plus
longues distances, par exemple jusqu'au Ghana et en Côte d'Ivoire. Par contraste, les très pauvres et les
pauvres ont moins de capitaux et tendent donc à ne pas migrer si loin et à occuper des emplois
temporaires. Des deux groupes les plus pauvres, ce sont les ménages très pauvres qui fréquemment ont
des membres migrant à la recherche de travail ; ainsi, un plus grand pourcentage de leurs revenus
provient de cette source.
Dépenses
100%
Autre
90%
Vêtements
80%
Education
70%
Santé
60%
Intrants agricoles
50%
40%
Intrants animaux
30%
Paiement du travail
Equipement ménager
Autre nourriture
20%
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Reflet des niveaux de leur
production agricole, les moyens
et
les
aisés
dépensent
proportionnellement moins en
aliments de base que les pauvres
et les très pauvres. En effet, les
aisés sont en mesure de dépenser
un plus grand pourcentage de
leur
argent
en
d'« autres
nourritures » qui incluent des
produits de « luxe », comme
l'huile, le sucre et le poisson.
Nourriture de base
La différence entre les très pauvres et les pauvres est aussi frappante : les céréales représentent cinquante
pour cent du total des dépenses des très pauvres et trente-six pour cent des pauvres.
41
L’ «équipement ménager» consiste en une variété de produits de base, notamment du sel, des épices, du
savon, du thé, du tabac, des piles de lampes et des ustensiles. Bien que tous les groupes de richesse
dépensent une même portion de leurs revenus en articles de maison, le montant absolu dépensé pour ces
derniers augmente avec la richesse (non montré sur ce graphique) : ils font partie de la qualité de la vie.
Comme on pourrait s'y attendre, la proportion du revenu dépensée et investie en animaux, qui est
étroitement liée au nombre de bêtes possédées, augmente avec la richesse. Avec les « autres nourritures »,
c'est la dépense la plus importante pour les ménages aisés, tout comme les ventes de bétail sont leur plus
importante source de revenus. Cette catégorie inclut les dépenses en fourrage, vaccins, traitements et
l'achat des animaux.
Tous les ménages investissent dans l'agriculture ; ceci inclut les semences et les outils agricoles pour tous
les groupes et la location de terres pour les moyens et les aisés. Les ménages moyens et aisés dépensent
aussi leur argent en main-d'œuvre, le plus souvent des pauvres et des très pauvres du village ; il ne s'agit
pas uniquement du travail agricole, mais aussi de la construction de maisons, de la réparation, et le
paiement des gardiens qui surveillent les troupeaux.
Risques
5
4
3
Les différences entre les années
en termes de sécurité alimentaire
sont importantes, dans la mesure
où ce sont les bonnes années et
les années acceptables qui
compensent les mauvaises.
2
1
0
On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa
sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2
une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année.
La nature diversifiée des moyens d'existence dans cette zone sert à atténuer dans une certaine mesure
l'impact des facteurs de risque. Autrement dit, tous les œufs ne sont pas dans le même panier. C'est cette
diversification qui permet aux habitants de la zone de survivre dans un environnement difficile. Par
exemple, lorsque des oiseaux granivores ont détruit la récolte de riz dans une partie de la zone en 2008­
09, la vente des cultures maraîchères et du poisson a été importante en ce qu'elle a permis aux ménages
de surmonter ce choc.
On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone :
Cultures
1. La sécheresse/l'insuffisance des pluies sont l'un des facteurs de risque du Sahel, en particulier si loin au
nord, et sont seulement partiellement atténués dans cette zone par la présence du fleuve. Des pluies
tardives retardent les semis (en particulier pour les très pauvres et les pauvres qui n'ont pas accès aux
motopompes) ; ceci signifie que les plants sont moins bien développés que de normale et sont plus
vulnérables lorsque le niveau du fleuve monte.
42
Les précipitations sont également mal distribuées pendant la saison des pluies, ce qui est un autre facteur
de risque, qui est masqué par les chiffres de la précipitation annuelle totale. Un chiffre de précipitation
totale apparemment favorable peut masquer des écarts de pluies ayant des conséquences négatives sur les
cultures.
2. Levées rompues Des levées traditionnelles protègent les rizières du fleuve et exigent d'être entretenues et
réparées constamment. Des vents violents et la montée des eaux peuvent endommager ou rompre les
levées, ce qui peut avoir pour résultat la destruction partielle ou totale de la récolte. Cela dit, les levées
cèdent chaque année et les conséquences n'en sont pas toujours sérieuses.
3. Les ravageurs des cultures, particulièrement les criquets et les oiseaux granivores, sont un problème
pratiquement tous les deux ans. La gravité de ce facteur de risque varie et, dans certains cas, peut
détruire la récolte de riz.
Bétail
1. Pâturages insuffisants Ce facteur de risque est évidemment lié à un manque de pluie (voir ci-dessus).
Lorsqu'il n'y a pas assez de pâturages, les ménages moyens et aisés vendent des moutons et des chèvres
pour acheter du bourgou et d'autres types de fourrage.
2. Maladies du bétail Elles incluent : la distomatose hépatique, la pleuropneumonie contagieuse des
bovins et la fièvre charbonneuse. Les ménages aisés achètent parfois des médicaments vétérinaires, mais
les maladies du bétail restent souvent non soignées et de nombreux ménages n'ont pas accès aux
traitements.
Autre
1. Hausse des prix des céréales (notamment depuis le début de 2008).
2. Paludisme.
3. Les poissons rhizophages sont un problème chaque année ; les villageois utilisent des filets de protection
et des épines pour empêcher les poissons de pénétrer dans les rizières.
Stratégies d’adaptation
En général, il existe deux types de stratégies d'adaptation qu'emploient les ménages ; réduire les dépenses
et/ou maximiser les revenus. Pendant une mauvaise année, les ménages de l'ensemble des groupes
réduisent leurs dépenses de produits non essentiels et augmentent leurs dépenses d'aliments de base. Par
exemple, les membres des ménages très pauvres ont déclaré qu'ils réduisent leurs dépenses de sucre, de
thé, de vêtements et de piles d'environ cinquante pour cent. Certains informateurs ont aussi signalé
réduire le nombre de repas qu'ils prennent chaque jour. Toutefois, cette stratégie est dangereuse si elle se
poursuit pendant plus de quelques semaines.
Les stratégies suivantes sont employées par les ménages pour augmenter leurs revenus pendant une
mauvaise année.
Très pauvres et pauvres
 Ils augmentent le nombre de membres du ménage migrant pour trouver du travail ainsi que le
nombre de mois passés loin du village. Cependant, ceux qui, en temps normal, ne migrent pas
doivent d'abord trouver un travail et ne gagnent donc pas autant que les membres du ménage qui
migrent chaque année. Cette stratégie peut être néfaste au point de vue social.
43
 Ils reçoivent plus de fonds par le biais des transferts d’argent des parents vivant loin du village de
façon permanente. (Le montant reçu dépend, entre autres choses, des performances économiques
de la zone dans laquelle les parents vivent.)
 Ils augmentent leurs ventes de bétail. Toutefois, si c'est possible, les ménages éviteront de
s'appuyer largement sur cette stratégie. Les pauvres et les très pauvres possèdent très peu de bétail
et en vendre trop détruirait leurs petits troupeaux. Les ventes de bétail à tout prix indiquent une
crise avancée.
 Ils augmentent leurs ventes de produits animaux. (Cette stratégie est néfaste, étant donné qu'elle
réduit la consommation de lait déjà faible des ménages les plus pauvres.)
 Ils augmentent le montant de leurs emprunts (en espèces et en nourriture). Si un ménage
emprunte auprès d'un parent plus aisé, il peut normalement attendre une meilleure année avant
de rembourser l'emprunt.

Ils pêchent davantage et essaient d'accroître leurs revenus des ventes de poisson. 
Ils augmentent leurs ventes de cultures maraîchères. 
Ils augmentent leur consommation de produits de cueillette. Toutefois, ceci dépend de la disponibilité des produits de cueillette, qui est souvent réduite pendant une mauvaise année.

Ils reçoivent moins de dons des ménages moyens et aisés.
Moyens et aisés

Comme les groupes les plus pauvres, les moyens et les aisés augmentent le nombre de migrants
saisonniers par ménage et le nombre de mois passés loin du village.

Ils augmentent leurs ventes de bétail et de produits animaux.

Ils réduisent en termes absolus ce qu'ils donnent aux ménages plus pauvres, bien qu'ils
continuent à payer le « zakat » (obligation coranique de faire l'aumône).

Ils réduisent le nombre d'ouvriers qu'ils emploient.

Ils utilisent leurs stocks (s'ils en ont).

Ils augmentent leurs ventes de cultures maraîchères.
44
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 4 : mil & élevage transhumant
Description de la zone
Cette immense zone très peu peuplée et constituée de grandes plaines s'étend sur une large portion du
pays et couvre en partie quatre régions : d'est en ouest, Gao, Mopti, Ségou et Koulikoro. Le paysage est
généralement sahélien ; les précipitations annuelles varient entre 300 et 500 mm, permettant la culture du
mil et du sorgho sur des sols relativement sableux, avec des cultures associées de niébé, et d'autres
cultures tant vivrières que de rente, l'arachide étant le principal exemple. De plus, les groupes plus aisés
cultivent un peu le riz et les femmes de ces groupes pratiquent le maraichage : oignon, ail et tabac,
pendant la contre-saison. Le bétail, principalement les bovins, les chèvres, les moutons et quelques
chameaux, est une importante source de revenu monétaire (en particulier pour les moyens et les aisés) et
la principale forme d'épargne/investissement. Les moyens et aisés tirent aussi de l'argent de la vente de
moutons d'embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la
ferme du ménage et nourris avec des aliments pour bétail.
Dans l’ensemble, il s'agit d'une zone de déficit alimentaire, mais il existe des régions excédentaires,
comme Bankass et Koro dans le sud, capables d'exporter des céréales. Les précipitations annuelles sont
généralement supérieures ici que plus au nord. Il y a aussi d'autres variations internes ; le tourisme, par
exemple, est plus important sur le plateau Dogon qu'autour d'Ansongo et Menaka, où il est actuellement
non existant du fait de l'insécurité. Par surcroît, le delta du Niger divise la zone en deux et offre des
possibilités d'emploi pendant la principale récolte de riz, générant dans la zone 6 un influx saisonnier de
travailleurs migrants venus des parties environnantes de la zone 4. Loin du delta, à l'extrême est de la
zone et à proximité de la frontière avec le Niger, la dynamique est différente. Cependant, les principales
caractéristiques des moyens d'existence décrites dans le paragraphe ci-dessus et dans le reste de ce profil
sont les mêmes dans toute la zone.
L'aide extérieure est relativement courante, qu'elle vienne de l'État, du Programme alimentaire mondial
(PAM) ou d'autres donateurs. La zone se caractérise aussi par la pêche, la fabrication et la vente d'objets
d'artisanat et la disponibilité des produits de cueillette, par exemple gomme arabique, date sauvage,
« zuzufis », zaban (Saba senegalensis), feuilles de baobab, le tamarin, le jujube (Ziziphus mauritania) et tanin.
Leur vente fournit une importante source de revenu pour les ménages les plus pauvres. On trouve aussi
des « bas-fonds », dépressions localisées qui conservent leur humidité pendant la saison sèche, qui
peuvent être utilisés pour l'agriculture irriguée.
45
Marchés
Dans cette zone, l'accès aux marchés est généralement facile pendant la saison sèche bien que certaines de
ses régions ne soient isolées. L'accès devient beaucoup plus difficile pendant la saison des pluies, mais est
néanmoins meilleur que dans la zone 6. Les ménages sont largement tributaires des marchés pour acheter
des céréales afin de satisfaire leurs besoins alimentaires annuels et pour vendre leur bétail (surtout les
moyens et les aisés).
L'information ci-dessous n'est qu'indicative et ne doit pas être considérée comme complète.
Culture
Mil
Niébé
Type d'animaux d'élevage
exportés
Petits ruminants et bovins
Route commerciale
Marchés locaux
NionoMauritanie
Bamako
Route commerciale
Bamako, Côte d'Ivoire
NionoSégouBamako, Côte d’Ivoire, Sénégal
Volaille
Marchés locaux
Principales céréales
importées dans la zone
Riz
Route commerciale
Mil
de la zone 6 (delta du Niger)  marchés locaux
de la zone 7 (Office du Niger) marchés locaux
SégouNionomarchés locaux
46
Calendrier saisonnier
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Sep.
Principales pluies
Légende :
Préparation des terres
Récolte
Semis
Naissances
Cultures
Millet/sorgho
Niébé
Cultures maraîchères
Bétail
Vaches (prod. laitière)
Vaches
Petits ruminants (prod. laitière)
Petits ruminants
Ventes de bétail
Maladie du bétail
Autre
Achat d'aliments de base
Travail agricole local
Ventes d'objets d'artisanat
Produits de cueillette
Pêche
Travail migrant
Emprunts/remboursement
Paludisme
Période de soudure
Remboursement
Emprunts
Régime des pluies
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Sep.
Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités agricoles, d'élevage et rémunératrices
qui constituent l'année de cette zone. Les mois de juillet à septembre sont les plus durs, en particulier
pour les groupes les plus pauvres, dont les récoltes sont épuisées depuis longtemps. L'incidence de
paludisme est à son niveau le plus élevé, ce qui peut imposer des dépenses supplémentaires en
médicaments à une période difficile et, s'il atteint les bras valides du ménage, peut sérieusement affecter
la capacité du ménage à travailler. Certains ménages peuvent être forcés de recourir à l'emprunt pour
tenir pendant ces mois ; les remboursements se font ensuite en octobre-novembre. Sous un angle plus
positif, le niébé peut être récolté et vendu en septembre pour fournir un important revenu monétaire. La
production de lait est aussi à son maximum, bien qu'il profite plus aux groupes les plus aisés qu'aux très
pauvres et aux pauvres, dans la mesure où ce sont eux qui possèdent le bétail.
La principale récolte de mil et de sorgho commence en octobre, met fin à la période de soudure et
marque le début de la nouvelle année de consommation. Les ventes de mil et de sorgho sont à leur
maximum à cette époque. D'ici janvier, les pauvres ont consommé leur récolte et commencent à acheter
des céréales sur le marché. À partir d'octobre, les bras valides, surtout ceux des groupes pauvres et
moyens, commencent à quitter la zone à la recherche de travail migrant ; ils rentrent en juin-juillet,
période de pic pour le travail agricole dans la zone.
47
Répartition de richesse
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille des Surface
ménages cultivée
Très
pauvres
2-4
Pauvres
8-12
Moyens
18-22
30-40
Aisés
% des ménages
0%
20%
40%
0,25 ha
Animaux d'élevage
Autres actifs
4-6 volailles
Aucun
0,75-1,25 3-5 chèvres, 1-2 moutons, 5­
ha
10 volailles
Aucun
3-5 ha
20-25 bovins, 1-2 chameaux,
18-22 chèvres, 5-10 moutons,
15-20 volailles, 1-2 ânes
1-2 charrettes, 1
charrue
7-9 ha
30-40 bovins, 2-3 chameaux,
35-45 chèvres, 15-20
moutons, 20-30 volailles, 3-6
ânes
3-4 charrettes, 2
charrues
60%
Le bétail est le principal indicateur/déterminant de richesse dans cette zone et est largement concentré
parmi les quarante-cinq pour cent des ménages qui constituent les groupes moyens et aisés (et en termes
absolus, la majorité de la population, du fait de la très grande taille de leurs ménages). Les bovins sont le
bétail le plus important en raison de leur grande valeur et de la sécurité économique qu'ils offrent aux
ménages qui en possèdent. Ces groupes plus aisés ont aussi les moyens d'acheter des intrants agricoles et
de cultiver non seulement de plus grandes surfaces, mais des terres de meilleure qualité, avec accès à des
puits et des cours d'eau. Ils possèdent des charrues et des bœufs de labour, ainsi que des ânes et des
chameaux, qu'ils utilisent pour labourer la terre. De plus, posséder des charrettes permet à ces ménages
de transporter leurs produits au marché et de faire du commerce.
La différence essentielle entre les deux groupes les plus pauvres est la plus grande taille des ménages et le
plus grand nombre de bras valides des pauvres. Ceci donne aux ménages pauvres une bien meilleure
capacité à gagner de l'argent par le travail.
Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école,
mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les
enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire
de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés
reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. L’éducation coranique est
aussi développée dans la zone.
48
Sources de nourriture
Les très pauvres et les
pauvres
peuvent
consommer leurs récoltes
pendant seulement environ
un mois et deux mois,
respectivement. En fait, ils
reçoivent une plus grande
partie de leurs besoins
alimentaires annuels de
paiements en nature, qu'ils
obtiennent en travaillant
sur les terres des moyens et
des aisés.
100%
90%
Lait
80%
70%
60%
Prêts et dons en nature
50%
Achats
40%
Paiement en nature
30%
Production agricole
20%
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Selon la région de la zone où ils vivent, les ménages pauvres peuvent aussi migrer vers le delta du Niger
(zone 6) pour travailler à la récolte de riz ; le riz qu'ils reçoivent en paiement est aussi inclus dans la
catégorie « paiement en nature ». Les très pauvres et les pauvres reçoivent aussi des dons de nourriture
des ménages plus aisés, mais sont tributaires du marché pour la majorité de leurs besoins alimentaires ;
ils achètent le plus souvent des aliments de base les moins chers comme du mil et du sorgho. Les moyens
et les aisés sont plus autonomes et s'ils choisissaient de ne pas vendre une partie de leur mil, ils
pourraient vivre de leur propre récolte, surtout dans les régions excédentaires de la zone. Les moyens et
les aisés ont aussi les moyens d'acheter du riz, aliment de base plus coûteux, qui ajoute de la variété à
alimentation.
Comme dans la zone 6, le lait est une importante source de nourriture pour les moyens et les aisés de
cette zone, contribuant environ cinq à dix pour cent des besoins alimentaires. Les pauvres et les très
pauvres en consomment nettement moins, mais il demeure un complément à la qualité de leur
alimentation, qu'on ne trouve pas dans plusieurs autres zones du pays. Les ménages les plus pauvres, qui
ne possèdent pas de bovins, reçoivent des dons de lait des ménages plus aisés.
Enfin, le graphique ci-dessus couvre exclusivement les céréales, les légumineuses et le lait, dans la
mesure où ceux-ci constituent la vaste majorité des aliments consommés. Toutefois, on trouve aussi des
produits de cueillette (par ex., date sauvage) dans la zone qui peuvent représenter une petite partie des
besoins alimentaires des ménages.
49
Sources de revenus
100%
Auto‐emploi
90%
80%
Petit commerce/commerce
Migration/transferts d'argent
Autre travail local
70%
60%
50%
40%
30%
Travail agricole local
20%
Vente de bétail
10%
Vente de la production agricole
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
La production propre (ventes
de récoltes et de bétail)
fournit environ soixante pour
cent du revenu des groupes
de richesse moyens et aisés.
Ces deux groupes vendent
une combinaison de céréales,
de cultures de rente et de
produits
maraîchers.
Cependant, les ventes de
bétail contribuent plus au
total du revenu monétaire
que les récoltes, ce qui est le
reflet du grand nombre
d’animaux possédé dans la
zone.
Par contre, les pauvres et les très pauvres tirent beaucoup moins de revenus de leur propre production. Ils
vendent une petite quantité de cultures de rente, mais ne peuvent acheter des intrants pour investir de
manière significative dans le maraichage (les pauvres jardinent de manière extrêmement limitée et les
très pauvres pas du tout). Au lieu de cela, ces ménages sont principalement des ouvriers et tirent la
majorité de leur revenu d'une combinaison de travail agricole et d'autres types (qui incluent la garde des
troupeaux des moyens et des aisés, la fabrication de briques, le plâtrage et la construction).
Le travail migrant/les transferts d'argent sont une importante source de revenus pour les pauvres, les
moyens et les aisés. Les très pauvres n'ont pas assez de bras valides pour pouvoir migrer ; par
conséquent, ils dépendent davantage de travail disponible sur place. Il y a une nette différence entre les
deux groupes les plus pauvres. Les pauvres et les moyens tendent à migrer vers les capitales régionales
comme Mopti, Kayes, Ségou, Sikasso et Bamako ; les pauvres travaillent aussi pendant la récolte de riz
dans le delta. Toutefois, le revenu des aisés dans cette catégorie vient principalement des transferts
d'argent des parents vivant à l'étranger.
L’auto-emploi pour les très pauvres concerne les ventes de bois de chauffage et de produits de cueillette.
Les pauvres vendent aussi des produits de cueillette; et les moyens et les pauvres vendent des objets
d'artisanat, comme des nattes, des éventails, des paniers et des objets en osier, qui peuvent être vendus au
bout du compte à Bamako et Mopti. Le petit commerce est important pour les moyens et les aisés, qui
possèdent des boutiques où ils vendent leurs produits.
50
Risques
Les différences entre les
années en termes de sécurité
alimentaire sont importantes,
dans la mesure où ce sont les
bonnes années et les années
acceptables qui compensent
les mauvaises.
6
5
4
3
2
1
0
2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9 2009‐10
On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa
sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2
une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année.
On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone.
Chroniques
1. Ravageurs des cultures (par ex., termites et sauterelles).
2. Oiseaux granivores.
Périodiques
1. Insuffisance de pluies/pluies tardives ou courtes. C'est l'un des principaux facteurs de risque de la vie
dans le Sahel. Même pendant les années qu'ils jugent acceptables en termes de sécurité alimentaire, les
informateurs ont souligné que les précipitations étaient insuffisantes. La mauvaise répartition des pluies
pendant la saison est aussi un facteur de risque.
2. Maladies du bétail (par ex., fièvre aphteuse et fièvre charbonneuse).
3. Sauterelles.
4. Les vents violents peuvent recouvrir les champs de sable. Des vents soufflant au moment où les
semences sont en train de germer peuvent signifier que les ménages doivent ressemer leurs champs.
5. Inondations.
6. Divagation des animaux.
51
Stratégies d’adaptation
Pendant une mauvaise année, tous les groupes de richesse tentent de maximiser leur revenu et de réduire
leurs dépenses ; les stratégies qu'un ménage peut déployer dépendent beaucoup de ses actifs et de sa
richesse. Ainsi les moyens et les aisés essaient-ils d'augmenter leurs revenus du maraichage, de vendre
davantage de bétail et d'étendre le petit commerce. Ils peuvent aussi stocker des céréales en octobre­
novembre qu'ils consommeront lorsque la nourriture se fera plus rare. Si les pâturages sont insuffisants,
leurs bêtes passeront plus de temps en transhumance à l'extérieur de la zone. Les pauvres, les moyens et
les aisés tentent d'accroître leurs revenus par le travail migrant et les transferts d'argent ; cependant, ce
n'est pas une stratégie ouverte aux très pauvres, dans la mesure où ils ne migrent généralement pas pour
trouver du travail. Les très pauvres augmentent leurs ventes de bois de chauffage, mais contrairement
aux moyens et aux pauvres, ils ne peuvent augmenter leurs ventes d'objets d'artisanat, dans la mesure où
ils ne le font généralement pas pendant une année normale.
52
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 5 : plateau Dogon - mil, échalote, produits de cueillette &
tourisme
Description de la zone
Il s'agit d'une petite zone qui couvre une partie du plateau Dogon. Le relief est bien plus élevé que les
plaines sahéliennes qui l'entourent. Une pluviosité annuelle variant de 400 à 600 mm permet la culture
pluviale du mil, qui est le principal aliment de base. Toutefois, la zone est en situation de déficit
alimentaire structurel et est un importateur net de céréales. Comme l'a fait observer l'une des personnes
interrogées : « on ne peut pas se nourrir avec les échalotes », bien que leur vente fournisse effectivement
aux ménages l'argent qui leur permet d'acheter de la nourriture sur le marché. Les cultures de rente
comme le niébé et l'arachide peuvent être associées avec le mil, bien que tous les ménages n'y aient pas
recours. Les cultures maraîchères (et dans une certaine mesure le riz) se cultivent aussi, mais elles exigent
de l'irrigation. Les sources d'eau incluent les petites retenues d'eau, les lacs, les cours d'eau et les « basfonds », dépressions localisées qui conservent leur humidité pendant la saison sèche. Cependant, le sol
sablo-limoneux de la zone est de mauvaise qualité et les ménages plus aisés vont jusqu'à apporter de la
terre fertile plus près des retenues d'eau, pour leur permettre de produire des cultures maraîchères. Il s'agit
surtout de l'échalote et, dans une moindre mesure, de l'ail et de la tomate. Le maraichage est l'une des
principales activités de la zone ; toutefois, la mesure selon laquelle les habitants peuvent jardiner varie
d'une région à l'autre de la zone et dépend de la proximité des sources d'eau.
L'élevage est nettement moins important que dans les zones voisines 4 et 6, et la taille des troupeaux sur
le plateau est maintenant relativement réduite. Néanmoins, la possession de bétail fournit quand même
une certaine sécurité économique aux ménages moyens et aisés. Les bovins, les chèvres et les moutons
sont les principales espèces, les chèvres étant particulièrement répandues dans les villes proches des forêts.
Les moyens et aisés tirent aussi de l'argent de la vente de moutons d'embouche ; ces bêtes ne font pas
partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et nourris avec des
aliments pour bétail. Tous les ménages possèdent des volailles; elles sont l'affaire des femmes.
Les produits de cueillette poussent dans la zone et sont essentielles aux moyens d'existence des pauvres et
des très pauvres, qui les vendent. Ils incluent : le tamarin, le karité, le zaban (Saba senegalensis), le raisin
sauvage (Lannea acida), néré (Parkia Sp.) et des fruits de baobab. C'est aussi l'une des principales régions
touristiques du Mali ; les visiteurs viennent voir les villages dogons taillés dans les escarpements, les
greniers dogons caractéristiques et pour l'expérience de la culture et de la musique locales. Certains
habitants de la zone en tirent avantage en servant de guides touristiques ; le plus souvent, les villageois
fabriquent et vendent des statuettes et d'autres souvenirs aux touristes.
53
L'aide extérieure est relativement courante, qu'elle vienne du gouvernement, du Programme alimentaire
mondial (PAM) ou d'autres donateurs ; les interventions peuvent varier de la distribution de semences à
l'exploitation des ressources en pierre de la zone. Les autres activités entreprises par les villageois incluent
le brassage (en utilisant le mil ou le sorgho) et la vente de bois de chauffage. Le crédit est disponible
auprès des organisations de microcrédit ou les grands négociants ; ce sont généralement les moyens et les
aisés qui peuvent recourir au crédit de cette façon. Les pauvres peuvent aussi y recourir dans une certaine
mesure, mais empruntent également auprès des moyens et des aisés ; les très pauvres ne sont pas
suffisamment solvables. Enfin, la végétation de la zone est sahélienne et on y trouve quelques vergers.
Marchés
L'accès au marché est relativement bon et est meilleur que dans la zone 6. Les ménages sont largement
tributaires des marchés aussi bien pour vendre leurs produits (surtout l'échalote) que pour acheter des
céréales pour satisfaire leurs besoins alimentaires annuels.
L'information ci-dessous n'est qu'indicative et ne doit pas être considérée comme complète.
Culture
Échalote
Route commerciale
Marchés locauxBamako, Burkina Faso, Sénégal
Tomate
Elle se vend localement du fait qu'elle se conserve mal. Les
tomates séchées se vendent à Bamako, mais pas en aussi
grandes quantités.
Type d'animaux d'élevage
Volaille
Route commerciale
Marchés locaux
Petits ruminants
Marchés locaux
Principales céréales
importées dans la zone
Riz
Route commerciale
Mil, sorgho
de Bankass, Koro, Douentza
de la zone 6 (delta du Niger)  marchés locaux
54
Calendrier saisonnier
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Sep.
Principales pluies
Récolte
Ventes
Préparation des terres
Légende :
Semis
En chaleur
Naissances
Désherbage
Cultures
Millet (et niébé a s s oci é)
Arachide
Échalote
Tomate
Bétail
Vaches (production laitière)
Vaches
Petits ruminants
Migration du bétail
Achat de fourrage
Embouche
Ventes de bétail
Zone 4
Delta (zone 6)
Zone 5
Zone 4
Autre
Travail agricole local
Autre travail local
Travail migrant
Vente de produits de cueillette
Ventes d'objets d'artisanat aux touristes
Ventes de bois de chauffe
Paiement des frais scolaires
Paludisme
Période de soudure
Régime des pluies
Oct
Nov
Déc
Jan
Fév
Mar
Avr
Mai
Juin
Jui
Août
Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année agricole dans la
zone. Le moment le plus difficile de l'année est pendant la saison des pluies ; ce sont les mois qui
précèdent la récolte de mil, qui marque la fin de la période de soudure. Les ménages qui disposent de
suffisamment de ressources entreposent une partie de leur grain dans leur grenier après la récolte ; celui-ci
reste alors clos jusqu'à la saison des pluies pour garantir que la nourriture sera disponible pendant ces
mois, en particulier du fait que c'est l'une des périodes de l'année les plus difficiles physiquement en
termes de travail agricole. Les ménages les plus pauvres n'ont généralement pas les moyens de stocker le
grain de cette façon et il arrive que les très pauvres commencent à manger leur propre récolte à partir du
milieu du mois de septembre lorsqu'elle n'est pas encore tout à fait arrivée à maturité. L’incidence du
paludisme est aussi élevée à cette époque ; il peut nécessiter des dépenses supplémentaires de
médicaments et si un des bras valides du ménage est atteint, la capacité du ménage à travailler peut en
être réduite. Le paludisme continue de poser un problème jusqu'en décembre.
Le mil se récolte entre octobre et décembre et, par conséquent, ce sont des mois importants en termes de
travail agricole. L'échalote se plante et se récolte en trois cycles, d'octobre à mars. Le premier cycle n'est
pas à pleine maturité en octobre, mais le prix sur le marché est élevé ; les ménages la récoltent donc de
manière précoce pour en profiter. Les migrants commencent à quitter les villages à partir d'octobre pour
trouver du travail ailleurs ; généralement, ils attendent jusqu'après la fête nationale, le 22 septembre, pour
partir et rentrent vers l'arrivée des prochaines pluies.
55
Sep
Le pic des ventes de bétail est entre novembre et décembre, lorsque le bétail est dans le meilleur état et
lorsqu'il se trouve dans la zone. De janvier à juin, le bétail est conduit au delta pour y profiter des
herbages ; entre juillet et octobre, ils paissent sur de nouveaux pâturages dans la zone 4 et ne retournent à
la zone 5 que pour deux mois en novembre. Il convient de noter que les bœufs de labour et les vaches
laitières ne font pas la transhumance, mais restent dans la zone pour travailler dans les champs et fournir
du lait, respectivement.
Différents produits de cueillette deviennent disponibles à différents moments de l'année : le tamarin en
décembre et janvier, et le karité, le zaban et le raisin sauvage aux mois de juin et juillet. La majorité des
ventes d'objets d'artisanat aux touristes survient pendant la saison touristique, de décembre à mars. Les
petits ruminants peuvent mettre bas à deux moments de l'année : en décembre et en juin. Le petit
commerce se pratique tout au long de l'année.
Répartition de richesse
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille des
ménages
Surface
cultivée
Animaux d'élevage
Autres actifs
Très
pauvres
3-5
0,25-0,75
ha
4-6 volailles
Aucun
Pauvres
9-11
2-4 ha
1-2 chèvres, 2 moutons, 9-11
volailles, 1 âne
Aucun
Moyens
15-20
5-7 ha
5-7 bovins, 10-12 chèvres, 4-5 1-2 motopompes, 1
moutons, ~15 volailles, 2 ânes charrue, 1 charrette
Aisés
20-30
10 ha +
13-17 bovins, 20-40 chèvres,
2-3 motopompes, 2-3
10-15 moutons, 15-20
charrues, 2 charrettes
volailles, 2 ânes
% des ménages
0%
20%
40%
60%
Soixante pour cent des ménages de cette zone appartiennent aux deux groupes les plus pauvres,
comparés à cinquante pour cent dans la zone 6. Toutefois, en termes de population absolue, la majorité
des habitants sont moyens ou aisés, du fait de la très grande taille des ménages de ces groupes de richesse.
Il y a un contraste évident entre les deux groupes les plus aisés et les deux groupes les plus pauvres ; ce
sont les moyens et les aisés qui possèdent la majorité du bétail et des actifs productifs. Ceci inclut les
charrues et les bœufs de labour (qui sont inclus dans le tableau en dessus dans le nombre de bovins
possédé) ; les ménages moyens possèdent généralement une paire de bœufs de labour, tandis que les
ménages aisés en possèdent cinq (deux paires et un bœuf de remplacement pour alterner lorsque c'est
nécessaire). Ces groupes possèdent également des motopompes qu'ils utilisent pour irriguer leurs cultures
maraîchères. Les informateurs ont souligné que la possession de ce type d'équipement était un indicateur
et un déterminant de richesse clés, du fait de l'importance du maraichage dans la zone. Par surcroît, les
groupes les plus riches ont les moyens de payer de la main-d'œuvre et d'acheter des intrants agricoles,
comme de l'engrais ; et comme ils possèdent du bétail, ils ont aussi accès au fumier.
L'écart entre les ménages pauvres et très pauvres doit être mis en évidence, tant en termes de nombre
d'animaux que de taille des ménages ; les pauvres, dont les ménages sont plus grands, ont aussi plus de
bras valides et donc un plus grand potentiel de gagner de l'argent par le travail. Il faut aussi souligner que
56
les très pauvres sont le seul groupe à ne pas posséder d'ânes, qu'on utilise pour se déplacer et pour
transporter des produits au marché, entre autres choses.
Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école,
mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les
enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire
de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés
reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus.
Sources de nourriture
La capacité des ménages à
s'appuyer sur leur propre
production s'accroît avec la
richesse. Tous, à l'exception
des aisés, sont tributaires
du marché pour un large
pourcentage
de
leurs
besoins
alimentaires,
comme on pourrait s'y
attendre dans une zone de
déficit alimentaire.
100%
90%
Lait
80%
70%
Prêts et dons en nature
60%
Achats
50%
Paiement en nature
40%
30%
Production agricole
20%
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Les très pauvres et les pauvres, par exemple, peuvent consommer leurs récoltes pendant seulement deux
mois et demi et quatre mois, respectivement.
Les ménages les plus pauvres achètent surtout du mil, qui est l’aliment de base le moins cher ; toutefois,
les aisés et, dans une certaine mesure, les moyens peuvent se permettre d'acheter du riz pour ajouter de la
variété à leur alimentation.
Les pauvres et les très pauvres reçoivent une partie de leurs besoins alimentaires annuels du paiement en
nature de leur travail agricole. Pour les très pauvres, ce paiement vient entièrement d'un travail réalisé
sur place. Par contraste, outre que les ménages pauvres sont payés en nature pour du travail local, ils
migrent de manière saisonnière vers le delta du Niger (zone 6) pour travailler à la récolte de riz. Le riz
qu'ils reçoivent en paiement contribue à ajouter un peu de variété à leur alimentation, chose qui manque
dans celle des très pauvres.
Le lait contribue moins aux besoins alimentaires des ménages de cette zone que dans les zones voisines 4
et 6 ; seul un petit pourcentage des moyens et des aisés et aucun des pauvres et des très pauvres. Ceci
reflète la taille plus réduite des cheptels dans cette zone. (Les bergers reçoivent aussi du lait comme
forme de paiement.)
57
Sources de revenus
100%
90%
Auto‐emploi
80%
Petit commerce/commerce
Migration/transferts d'argent
Autre travail local
70%
60%
50%
40%
Travail agricole local
30%
Vente de bétail
20%
Vente de la production agricole
10%
Ce
graphique
illustre
l'importance du maraichage
pour les moyens et les aisés
(la vente
des cultures
maraîchères représente la
plus grande partie des ventes
de récoltes pour ces groupes).
De même, on peut voir la
mesure selon laquelle les
pauvres, et surtout les très
pauvres (qui sont le seul
groupe à ne pratiquer aucun
maraichage) en sont exclus.
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Les moyens tirent plus de trois fois plus de leurs revenus de leur propre production (ventes de récoltes et
de bétail) que les pauvres et plus de dix fois plus que les très pauvres. S'il est vrai que les groupes les plus
pauvres tirent un certain revenu du travail agricole et d'autres types d'activités, comme la fabrication de
briques et la construction, c'est la contribution de l’auto-emploi qui est la plus frappante. Cette catégorie
inclut la vente de bois de chauffage et d'objet d'artisanat, comme des éventails, des cordes et des paniers.
Cependant, l'activité la plus importante est la vente de produits de cueillette, qui représente plus de trente
pour cent du revenu des pauvres et des très pauvres. Les ménages moyens et aisés gagnent aussi de
l'argent par l’auto-emploi; il s'agit uniquement de la vente d'objets d'artisanat, qui sont vendus (souvent
par le biais d'un intermédiaire) aux touristes.
Le travail migrant est une importante source de revenu pour les ménages pauvres, moyens et aisés. Les
très pauvres ne peuvent se permettre de migrer à la recherche de travail, soit en termes de bras valides
dans le ménage soit en termes d'argent pour payer le transport. Deux ou trois membres d'un ménage
pauvre typique migrent pour trouver du travail chaque année ; ils peuvent aller à Mopti pour la récolte
de riz, puis plus loin à Ségou, Sikasso, Kayes et Bamako pour du travail agricole ou des métiers comme
le gardiennage des maisons et des ménages. Le travail migrant est l'un des moyens par lesquels il est
possible pour un ménage pauvre de se rapprocher par la richesse des groupes moyens et aisés.
Il est courant que les moyens et les aisés quittent le pays lorsqu'ils migrent, par exemple vers Abidjan en
Côte d’Ivoire, où ils peuvent travailler dans des kiosques, dans des boutiques (par ex., chez un boucher)
ou faire du commerce. Ces groupes reçoivent aussi des transferts d'argent de parents vivant à l'étranger
(par ex., au Cameroun ou en Espagne) ; ils peuvent être difficiles à distinguer du travail migrant, dans la
mesure où certains membres du ménage peuvent partir et rentrer quelques années plus tard ou il peut y
avoir un système de rotation selon lequel un membre différent du ménage retourne à la zone chaque
année. Il convient de remarquer que si trois ou quatre personnes peuvent migrer dans un ménage moyen
typique, seules une ou deux personnes migrent dans un ménage aisé typique.
Le petit commerce concerne des produits comme le thé, le sucre et les boissons, y compris des alcools
fabriqués localement.
58
Risques
Les différences entre les années en termes de sécurité alimentaire sont importantes, dans la mesure où ce
sont les bonnes années et les années acceptables qui compensent les mauvaises. Le tableau ci-dessous
montre les perceptions des villageois de Dandoli au sujet des sept dernières années. On a demandé aux
personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa sécurité alimentaire
relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2 une mauvaise
année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année. Le tableau est intéressant,
dans la mesure où il nous donne une idée des problèmes auxquels sont confrontés les villageois au fil du
temps ; il montre aussi la relative fréquence suivant laquelle le village a reçu une aide extérieure.
Année
Rendement
annuel
Description de l'année
2009-10
3
Cette année est meilleure que 2008-09, mais les prix élevés des céréales ont affecté
tout le monde. Les pluies ont débuté avec du retard, mais les dernières pluies de
l'année étaient bonnes.
2008-9
2
Insuffisance de pluies, hausse des prix des céréales, sauterelles. Il y a eu des dons de
semences cette année-là. Les ménages ont aussi augmenté les ventes de bétail et de
volaille pour faire face ; les ménages les plus touchés ont été forcés de vendre des
actifs comme des vélos et des motos.
2007-8
3
Dans l’ensemble, l'année était passable, mais les pluies ont été insuffisantes au
début de l’année et ont été suivies par des inondations dans certaines régions. Les
eaux ont détruit des maisons, champs et vergers. Le Bureau de l'agriculture a fait
des dons de semences de mil et de mil.
2006-7
4
Bonnes pluies. Le prix des céréales n'était pas trop élevé.
2005-6
2
Mauvaises pluies. Les sauterelles ont été un problème dès les semis. Les villageois
se sont organisés contre les sauterelles ; une intervention formelle a suivi faisant
intervenir des produits chimiques pour lutter contre les sauterelles.
2004-5
3
Mauvaises pluies, sauterelles et criquets ; l'année a été mauvaise, mais en termes de
sécurité alimentaire, elle a été acceptable, parce que le gouvernement avait
construit des banques de céréales qui ont compensé la mauvaise récolte. De plus,
les prix des céréales n'étaient pas trop élevés.
2003-4
3
La performance des pluies n'était pas idéale, mais la production céréalière a été
acceptable. Une aide de céréales (maïs) a aussi été apportée.
L'histogramme (à gauche)
illustre sous forme graphique
les
impressions
des
informateurs clés sur les sept
dernières années.
5
4
3
2
1
0
2003‐4
2004‐5
2005‐6
2006‐7
2007‐8
2008‐9 2009‐10
59
On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone.
Chroniques
1. Mauvaise répartition des pluies
2. De forts vents au moment où les semences sont en train de germer signifient que les ménages doivent
réensemencer leurs champs. Ceci se produit presque chaque année, mais ce facteur de risque varie en
termes de gravité.
3. Paludisme. Il est le plus sérieux lorsqu'il touche la chef d'un ménage très pauvre ou pauvre, parce qu'il
met en péril la capacité de ce ménage à travailler à un des moments les plus critiques de l'année (voir le
calendrier saisonnier).
Périodiques
1. Insuffisance de pluies/pluies tardives
2. Ravageurs des cultures, comme les criquets et les sauterelles (pendant la floraison des plantes).
3. Inondations.
4. Maladies du bétail (par ex., trypanosomose). Cette catégorie inclut des maladies affectant la volaille.
5. Hausse des prix des céréales sur le marché. Ceci s'est produit en 2008-09 lorsque les villageois se
souviennent que le prix d'un sac de mil a atteint 20 000 CFA.
60
Stratégies d’adaptation
Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de maximiser leur revenu ; les stratégies qu'un
ménage peut déployer dépendent beaucoup de ses actifs et de sa richesse. On trouvera ci-dessous une
liste des stratégies d’adaptation des très pauvres et des pauvres, des moyens et des aisés.
Très pauvres et Pauvres
 Ils cherchent plus du travail local.
 Ils ramassent, consomment et vendent plus de produits de cueillette ; celles-ci sont très
importantes lors d'une crise. Ces ménages ramassent aussi des feuilles, qu'ils vendent à ceux qui
ont du bétail. (Ils consomment aussi ces feuilles mélangées à du mil.)14
 Ils essaient d'augmenter leur revenu du travail migrant (ce n'est possible que pour les pauvres,
dans la mesure où les très pauvres ne migrent généralement pas pour trouver du travail).
 Ils reçoivent plus de dons qu'habituellement des moyens et des aisés. (La solidarité au sein du
village signifie que les ménages, s'ils le peuvent, ne laisseront pas leurs voisins sans nourriture.
 Ils augmentent leurs ventes de bois de chauffage (ceci est particulièrement important pour les très pauvres).
Moyens et Aisés

Ils augmentent leurs ventes de bétail, afin d'acheter des céréales et d'autres produits.

Ils essaient d'augmenter leurs revenus par le travail migrant et les transferts d'argent.

Ils investissent davantage dans les cultures maraîchères et les vendent plus tôt qu'en temps
normal.

Ils étendent leur petit commerce.

Ils augmentent leurs ventes d'objets d'artisanat destinés aux touristes.

Pendant une crise, les ménages moyens peuvent vendre des produits de cueillette, chose qu'ils ne
font pas lors d'une année normale.
14
Il y a dans la forêt, des arbres dont les feuilles ne sont consommées que pendant une mauvaise année, chose qui
indique une extrême difficulté.
61
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 6 : lacs/delta du Niger - riz et élevage (agropastoral)
Description de la zone
Ce profil décrit les moyens d'existence de la majorité de la population, essentiellement agropastorale,
dans cette zone qui est tributaire tant de la culture du riz que de l'élevage. On trouve aussi des groupes de
pêcheurs semi-nomades Bozos dans la zone qui ont un moyen d’existence distinct. Les relations
économiques entre ce groupe et la majorité de la population sont importantes et un autre profil abrégé sur
les Bozos a été préparé (voir la sous-zone 6a)
Il s'agit d'une zone de production excédentaire, qui est en état de plus grande sécurité alimentaire que
plusieurs des zones qui l'entourent (2, 3, 4 et 5). Elle comprend le delta intérieur du Niger, qui s'étend sur
plus de 60 000 kilomètres carrés du Bani au sud au lac Fuguibine au nord. Chaque année, le fleuve entre
en crue et inonde plus de 20 000 kilomètres carrés de terre au sud et remplit les lacs au nord. Cette crue
est vitale pour les moyens d'existence de la zone, dans la mesure où elle permet la culture du riz, qui
serait autrement impossible, compte tenu des 300-600 mm annuels de pluies. Cette immense plaine
constitue également l'un des plus grands pâturages de l'Afrique de l'Ouest et fournit du pâturage à un
grand nombre de troupeaux pendant la saison sèche.
Le riz est la culture la plus importante, tant en termes de ventes que de consommation des ménages. La
plus grande partie du riz est cultivée en submersion libre. Dans cette méthode de culture, les niveaux de
l'eau dans les rizières ne sont pas contrôlés par l'homme ; les paysans sèment avec l'arrivée des pluies et la
crue du fleuve fournit ensuite le reste de l'eau nécessaire. Ainsi, tant l'arrivée que le volume de l'eau dans
les champs sont déterminés par le fleuve. Sa dépendance sur l’environnement implique que ce système
comporte des risques multiples ; si la crue est trop forte, par exemple, les plants de riz peuvent être noyés.
(Ces risques sont abordés en plus de détail dans la section sur les dangers.) Il existe deux autres méthodes
de culture du riz dans la zone, par lesquelles le riz est irrigué et le niveau de l'eau dans les rizières est
contrôlé par l'homme (PIV : périmètres irrigués villageois). S'il est vrai qu'elle est importante, la culture
du riz irrigué est moins courante. Le riz se récolte principalement entre novembre et février et exige une
main-d'œuvre considérable ; chaque année un influx saisonnier d'habitants des zones 4 et 5 contribue à
satisfaire cette demande. Les cultures maraîchères sont rendues possibles grâce à la disponibilité de l'eau
pour l'irrigation. Les principales cultures sont l'échalote, la tomate et la laitue. Le sorgho se cultive aussi
autour des lacs lorsque les eaux de crue se retirent.
L'élevage est une activité majeure. Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres ;
parmi ceux-ci, les bovins sont le plus recherchés et ont le plus de valeur et seuls les moyens et les aisés en
possèdent. Les autres activités incluent la culture du bourgou (Echinochloa stagnina), graminée qui est une
62
importante source de fourrage, la pêche (bien qu'elle constitue une chasse gardée pour les spécialistes
bozos) et la vente de produits de cueillette (le jujube, le tamarin et le raisin sauvage, étant les plus
courants). Il y a un tourisme limité à la réserve naturelle, première aire d'alimentation et premier point
d'eau après la traversée du désert pour les oiseaux migrateurs venus d'Europe. La végétation de la zone
est typique du Sahel. Les sols argileux sont prédominants dans le sud, tandis que les sols sablonneux sont
plus communs plus au nord. L'aide extérieure est relativement courante, qu'elles viennent de l'État, du
Programme alimentaire mondial (PAM) ou d'autres donateurs.
Marchés
L'accès au marché dans cette zone est moins bon que dans les zones 4 et 5 et pendant la crue, de
nombreuses routes sont impraticables. Le commerce se fait aussi par pirogue ou pinasse (pirogue à
moteur) ; celui-ci diminue entre mars et juillet lorsque les niveaux d'eau sont bas. L'accès au marché est
particulièrement important pour les très pauvres et les pauvres qui achètent une large proportion de leurs
céréales. Les régions proches des grandes villes, comme Mopti, profitent du fait qu'elles les
approvisionnent en bétail et produits animaux.
Les routes commerciales ci-dessous ne sont qu'indicatives (c.-à-d., elles ne sont pas complètes).
Produit
Riz
Route commerciale
Marchés locaux Mopti, Bandiagara (zone 5), Douentza,
Koro et Bankass (tous les trois dans la zone 4)
Type d'animaux d'élevage
exportés
Volaille
Route commerciale
Petits ruminants
Marchés locaux Bamako
Bovins
Vendus sur les marchés locaux, puis exportés.
Principales céréales
importées dans la zone
Mil
Route commerciale
Sorgho
San, Koutialiamarchés locaux
Marchés locaux
Bankass, Koro, San, Koutiala marchés locaux
63
Calendrier saisonnier
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Sep.
Oct.
Août
Sep.
Oct.
Principales pluies
Récolte
Semis
Préparation des terres
Légende
en chaleur
Naissances
Cultures
Riz (submersion libre)
Riz irrigué
Riz irrigué (contre saison)
Cultures maraîchères
Bétail
Vaches (prod. laitière)
Vaches
P'tits ruminants (prod. laitière)
Petits ruminants
Transhumance
Achat de fourrage
Ventes de bétail
Maladies du bétail
Autre
Achat d'aliments de base
Travail agricole local
Travail migrant
Produits de cueillette (vente)
Paiement des frais scolaires
Pêche
Paludisme
Période de soudure
Régime des pluies
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités agricoles et liées à l'élevage qui
constituent l'année agropastorale de cette zone. Il existe trois périodes principales :
(1) La période de soudure s'étend de juillet à octobre, jusqu'après la fin des pluies en septembre. Ce sont
les mois les plus difficiles de l'année, en particulier pour les ménages les plus pauvres dont les récoltes
sont depuis longtemps épuisées et pour lesquels l'argent liquide est rare. L'incidence du paludisme est
aussi le plus élevée pendant cette période et peut empêcher les bras valides de travailler et nécessiter des
dépenses supplémentaires de médicaments au moment le plus difficile de l'année. Le paludisme maladie
est surtout un problème dans cette zone et cette forte incidence dure jusqu'en janvier. À partir de
septembre, certains bras valides migrent à la recherche de travail, souvent dans de grandes villes ou à
l'étranger ; certains trouvent aussi du travail dans certaines parties de la zone 4 (par exemple à Bankass et
Koro) où la main-d'œuvre est nécessaire pour la récolte du mil. Pendant ces mois, les ménages plus
pauvres peuvent aussi vendre de la bouse de vache, qui est utilisée comme combustible.
En termes de bétail, il s'agit des mois de pointe de la production laitière, après les nouvelles naissances
entre juin et août et l'amélioration des pâturages qui résulte des pluies. (Les petits ruminants peuvent
aussi mettre bas en janvier-février, mais juillet-août est plus courant.) Les troupeaux commencent à
quitter le delta à partir de juillet pour profiter des pâturages, dans les zones 2, 4 et 9. Les dernières bêtes
64
partent avant la fin du mois d'août, pour retourner au delta à partir de janvier, lorsque les pâturages
ailleurs se sont asséchés. Les ventes de bétail sont à leur maximum entre octobre et décembre lorsque
l'état des bêtes est bon ; celles-là donnent aux ménages plus aisés, qui vendent le plus grand nombre
d’animaux, un supplément de revenu à partir d'octobre, mois qui précède la fin de la période de soudure.
Il est important de noter que les pauvres peuvent se voir forcés de vendre leur bétail plus tôt et qu'ils sont
donc moins susceptibles de tirer avantage de ces bons prix.
(2) La principale récolte de riz entre novembre et février marque la fin de la période de soudure et le
début de la nouvelle année de consommation. Les troupeaux commencent aussi à retourner dans le delta
à cette époque et les produits de cueillette (comme le jujube) sont ramassées et vendues par les ménages
plus pauvres.
(3) La période qui s'étend de mars à juin est le moment le plus chaud de l'année. Les cultures maraîchères
sont récoltées en mars-avril et fournissent une importante source d'argent pour les ménages plus pauvres,
au moment où ils sont sur le point d'avoir épuisé leur récolte de riz. La période de mars à juin est la plus
difficile pour le bétail dans la mesure où les pâturages se font de plus en plus rares. Les bêtes sont dans
leur état le pire et ceux qui en ont les moyens achètent du fourrage, surtout en mai et juin. La majorité
des migrants saisonniers retournent aussi à temps pour la saison des pluies et pour semer la récolte de riz
de l'année suivante.
Répartition de richesse
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille du
ménage
Surface
cultivée
Animaux d'élevage
Autres actifs
Très
pauvres
3-5
0,5-1 ha
3-5 volailles
Aucun
Pauvres
6-8
1-2 ha
5-10 chèvres, 3-5 moutons, 1015 volailles, 2 ânes
Aucun
Moyens
10-12
5-8 ha
20-30 bovins, 10-20 chèvres,
6-15 moutons, 20-30 volailles,
2-3 ânes
1-2 charrues, 1
charette
Aisés
15-25
12-15 ha
40-60 bovins, 30-50 chèvres,
20-30 moutons, 4-6 ânes
3-4 charrues, 2-3
charettes
0% 20% 40% 60%
% des ménages
Le tableau sur la répartition des richesses ci-dessus montre que les richesses sont largement concentrées
dans les groupes moyens et aisés. Les ménages appartenant à ces groupes constituent la moitié de
l'ensemble des ménages de la zone et prés des deux tiers de la population totale (si l'on tient compte de la
plus grande taille de leurs ménages). La possession d'animaux d'élevage est un facteur déterminant dans
la richesse de ces groupes ; il faut remarquer que la possession des bovins concerne uniquement les
ménages moyens et aisés et qu'il s'agit d'un facteur important permettant de distinguer les pauvres des
moyens. Ce fait est important, dans la mesure où les bovins sont un bien de grande valeur qui offre un
niveau de sécurité économique élevé aux ménages qui en sont possesseurs. L'un des informateurs clés a
affirmé leur importance en suggérant qu'un ménage avec quelques bovins fera partie du groupe médian
dans quelques années. Il convient de remarquer que certaines personnes de la zone possèdent entre cent
et deux-cents bovins; ces ménages forment un petit groupe à la marge du groupe des aisés. Le nombre de
bétail possédé est aussi l'une des différences majeures entre les pauvres et les très pauvres ; les ménages de
65
ce dernier groupe ne possèdent que quelques poules, tandis que les ménages pauvres possèdent plusieurs
petits ruminants. La distinction entre ces deux groupes est importante ; les informateurs ont parlé des
« misquina » (très pauvres) qui n'ont pratiquement rien et des « talka » (pauvres) qui ont quelque chose,
mais pas grand-chose.
Le nombre de bras valides est un autre facteur de richesse, en particulier entre les ménages pauvres et très
pauvres. Ce facteur joue un rôle non seulement pour déterminer quelle surface de terre un ménage peut
cultiver, mais aussi le nombre de travailleurs migrants au sein du ménage. Comme on peut le voir plus
bas, le travail migrant est une importante source de revenus pour tous à l'exception des très pauvres, qui
sont exclus en partie en raison du fait qu'il n'y a pas assez de bras valides dans le ménage pour que l'un
d'entre eux puisse migrer.
La surface cultivée, la possession d'actifs productifs et l'accès aux intrants agricoles augmentent aussi
avec la richesse. Ainsi les très pauvres cultivent-ils entièrement à la main en utilisant la « daba »
traditionnelle (un type de houe) ; les pauvres sont, dans une certaine mesure, capables de louer des
charrues et des bœufs de labour auprès des moyens et des aisés qui possèdent ces biens. Comme pour les
bovins, les informateurs clés ont souligné l'importance de posséder une charrue pour appartenir aux
groupes des moyens et des aisés. Dans une plus grande mesure que pour leurs voisins plus pauvres, les
moyens et les aisés ont accès aux engrais minéraux, aux semences améliorées et au fumier ; pour les
pauvres, cet accès est limité, alors qu'il est inexistant pour les très pauvres.
Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école,
mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les
enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire
de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés
reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus.
Sources de nourriture
Il existe une différence
frappante entre les deux
groupes de richesse les plus
élevés,
qui
sont
essentiellement capables de
vivre
de
leur
propre
production, et les deux
groupes du bas qui sont
largement tributaires du
marché. En effet, les très
pauvres et les pauvres ne
peuvent généralement pas se
nourrir eux-mêmes grâce à
leurs champs pendant plus
de trois mois et cinq mois,
respectivement.
100%
90%
Lait
80%
70%
60%
Prêts et dons en nature
50%
Achats
40%
Paiement en nature
30%
20%
Production agricole
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Les pauvres ne consomment pas nécessairement toute leur production dans les mois qui suivent
directement la récolte ; ils essaient de conserver une partie de leur riz pour le consommer pendant la
prochaine saison des pluies et période de soudure. Compte tenu du bas niveau de leur production, les
ménages très pauvres n'ont pas cette option.
Le mil est l’aliment de base le plus couramment acheté, même pour les moyens et les aisés, pour qui il
offre un changement par rapport au riz. Le paiement en nature pour le travail effectué dans les champs
des moyens et aisés fournit environ un mois de nourriture aux très pauvres et aux pauvres et les dons en
66
nature un peu moins. Les ménages les plus pauvres prennent aussi tout excédent de riz des terres
récoltées des moyens et des aisés.
Finalement, la consommation de lait est importante dans cette zone et contribue environ cinq et dix pour
cent des besoins alimentaires des moyens et des aisés, respectivement (ce qui est nettement plus que dans
de nombreuses zones du sud). Les pauvres et les très pauvres consomment nettement moins de lait que
les moyens et les aisés, mais celui-ci représente néanmoins une amélioration de la qualité de leur
alimentation.
Sources de revenus
100%
Autre
90%
Auto‐emploi
80%
Petit commerce/commerce
Migration/transferts d'argent
Autre travail local
70%
60%
50%
40%
Travail agricole local
30%
Vente des produits du bétail
Vente de bétail
20%
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Comme on peut s'y attendre
étant donné la plus grande
surface de leurs terres, leur
meilleur accès aux actifs
productifs et leurs plus
grands
troupeaux,
les
moyens et les aisés tirent une
part nettement plus grande de
leur revenu de leur propre
production (cultures, bétail et
produits animaux) que les
très pauvres et les pauvres.
Vente de la production agricole
Lorsqu'on désagrège leur propre production, on s'aperçoit que les ventes conjuguées de bétail et de
produits animaux fournissent nettement plus de revenus aux groupes moyens et aisés que la vente des
récoltes ; les ménages de ces deux groupes de richesse sont vraiment des agropasteurs. Un large
pourcentage de la valeur de leur riz semble être l'argent qu'ils économisent en aliments de base en
consommant leurs propres récoltes. Incapables de s'appuyer autant que les groupes plus aisés sur leur
propre production, les pauvres et les très pauvres sont plus tributaires du travail agricole et d'autres
formes de travail (comme la construction), qu'ils effectuent pour le compte des ménages moyens et aisés.
Le travail migrant et les transferts d’argent sont d'importantes sources de revenus pour les pauvres, les
moyens et surtout les aisés. Les très pauvres typiquement ne migrent pas à la recherche de travail ; les
informateurs ont noté que les ménages très pauvres ont trop peu de bras valides pour être en mesure de le
faire. Dans un ménage pauvre typique, il est possible qu'une ou deux personnes migrent par rapport à
trois ou quatre dans un ménage moyen typique et quatre ou plus (peut-être jusqu'à huit) dans un ménage
aisé typique. Les emplois et les distances parcourues varient, les moyens et les aisés travaillant comme
détaillants ou négociants et les pauvres occupant des métiers inférieurs comme le lavage des vêtements
ou la récolte du mil dans la zone 4. Les moyens et les aisés reçoivent aussi des transferts d'argent en
provenance d'Afrique équatoriale, de Côte d’Ivoire et d'Europe. Il peut être difficile de séparer les
transferts d'argent et le travail migrant; certains membres du ménage peuvent partir et rentrer quelques
années plus tard ou il peut y avoir un système de rotation selon lequel un membre du ménage retourne à
la zone chaque année. Il convient aussi de remarquer que ce sont surtout les jeunes qui tendent à migrer
à la recherche de travail.
Seuls les très pauvres et les pauvres vendent des productions maraîchères (celles-ci sont inclues dans les
ventes de récoltes). Les moyens et les aisés ne vendent que du riz et, bien qu'ils des jardins, ils
consomment leur production. La disponibilité de l'eau et la qualité relativement bonne du sol sont des
67
facteurs importants qui permettent aux ménages les plus pauvres de cultiver et de vendre des cultures
maraîchères. Par contraste, dans la zone 5, le manque d'eau relatif et la mauvaise qualité du sol exigent
de plus grandes dépenses d'intrants et signifient que la culture maraîchère est dominée par les moyens et
les aisés qui sont capables de se les permettre. Le petit commerce est une activité pratiquée par tous les
groupes de richesse ; cependant, les produits vendus diffèrent. Les très pauvres et les pauvres vendent du
bois de chauffage aux moyens et aux aisés, tandis que ces derniers vendent des produits comme le thé et
le sucre. L’auto-emploi inclut aussi bien la vente de produits de cueillette que celle de produits
d'artisanat, par exemple des poteries et des éventails. Ces activités sont uniquement pratiquées par les
pauvres et les très pauvres. La catégorie « autre » inclut l'argent tiré des prêts de charrues et de bœufs de
labour aux autres ménages (y compris les ménages pauvres). En 2009-10, ceci se montait à 20 000 CFA
par hectare, chaque hectare requérant environ trois jours de travail.
Risques
Les différences entre les
années en termes de sécurité
alimentaire sont importantes,
dans la mesure où ce sont les
bonnes années et les années
acceptables qui compensent
les mauvaises.
5
4
3
2
1
0
2001‐2 2002‐3 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9 2009‐10
On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa
sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2
une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année.
On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone.
Chroniques
1. Poissons rhizophages.
2. Paludisme.
Périodiques
1. L'insuffisance des pluies est l'un des principaux facteurs de risque du Sahel. Le commencement tardif
des pluies retarde les semis, ce qui signifie que les plantes sont moins bien développées que de normal et
donc plus vulnérables lorsque le niveau du fleuve monte. Les précipitations sont également mal
distribuées pendant la saison des pluies, ce qui est un autre facteur de risque, qui est masqué par les
chiffres de la précipitation annuelle totale. Un chiffre de précipitation totale apparemment favorable peut
masquer des écarts de pluies ayant des conséquences négatives sur les cultures. Dans une mauvaise
année, les ménages cultivant du riz irrigué (une minorité dans la zone) sont plus tributaires du riz irrigué.
2. Lorsque les eaux de crue se retirent de manière précoce, il peut ne pas y avoir suffisamment d'eau pour
la riziculture. D'un autre côté, une crue trop forte peut noyer les plants de riz.
68
3. Oiseaux granivores.
4. Maladies du bétail
5. Hausse du prix des céréales (par exemple, en 2007-08).
Stratégies d’adaptation
Dans une mauvaise année, tous les groupes de richesse tentent d'augmenter leur revenu. Certaines
stratégies sont communes à tous les groupes de richesse, comme augmenter les ventes de bétail.
Toutefois, la taille plus grande des troupeaux des moyens rend cette stratégie plus viable et lucrative
pour ces ménages que pour les pauvres et les très pauvres. En effet, comme les très pauvres n'ont pas
d'autres animaux d'élevage, ils ne peuvent augmenter que légèrement leurs ventes de volaille (le plus
souvent d'août à septembre). Tous les ménages augmentent leur petit commerce, bien que, comme on l'a
noté plus haut, les objets vendus varient avec la richesse. Les ménages peuvent aussi tenter d'augmenter
leur revenu en vendant du poisson. Les autres stratégies d’adaptation sont plus propres à chaque groupe
de richesse ; augmenter le nombre de membres du ménage migrant pour chercher du travail, est une
stratégie importante pour les pauvres, les moyens et les aisés, mais n'est pas si courant pour les très
pauvres, qui ont trop peu de membres actifs dans leurs ménages pour se le permettre. On trouvera ci­
dessous une liste des stratégies propres à chaque groupe de richesse.
Très pauvres et pauvres
 Maximaliser le revenu de la culture maraîchère est une importante stratégie d'adaptation des
pauvres et des très pauvres. Si la récolte de riz de novembre-février est mauvaise, ces ménages
s'efforcent d'augmenter le revenu qu'ils tirent des cultures maraîchères, qui sont récoltées en
mars-avril. C'est l'une des stratégies d'adaptation employées par les ménages du village de
Nantaga en 2006-07 lorsque des oiseaux granivores ont endommagé la récolte de riz.
 La main-d'œuvre agricole locale peut augmenter en disponibilité, mais le tarif du travail
journalier diminue.
 Ils augmentent les ventes de produits de cueillette.
 Ils sont plus tributaires des dons en céréales des moyens et des aisés Ils sont le plus souvent reçus
après la récolte et pendant la période de soudure.
Moyens et aisés
 Ils augmentent leurs ventes de céréales, en partie du fait que, pendant une mauvaise année, il y a
une forte demande sur le marché.
 Ils augmentent leurs ventes de produits animaux.
69
Profils de moyens d’existence au Mali
Sous-zone 6a : pêcheurs Bozos
Description de la zone
Les pêcheurs semi-nomades bozos vivent et travaillent le long du fleuve Niger ; leur moyen d’existence
est nettement différent de ceux de la majorité de la population des zones 3 et 6 (les principales zones
fluviales). Par conséquent, ce profil distinct, abrégé a été créé pour que ce groupe et ses relations
économiques avec la population majoritaire soient représentés. Les informateurs clés interrogés et le
campement Bozo qui a été visité pour préparer ce profil se trouvaient dans le delta du Niger (zone 6) ;
toutefois, l'information présentée ici devrait, de manière générale, être applicable aux bozos vivant plus
en aval.
Marchés
Les moyens d'existence dans cette zone s'appuient sur deux transactions commerciales principales : la
vente de poisson et l'achat de céréales. Les termes de l'échange entre les deux sont donc importants. Le
tableau montre combien est étendu le commerce du poisson pêché dans le delta.
Produit
Poisson (séché, fumé)
Route commerciale
Marchés locaux Bamako, Sikasso, Kayes, Côte d’Ivoire,
Burkina Faso
Calendrier saisonnier
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Sep.
Principales pluies
Principale saison de pêche
Migration pour la pêche
Rareté du poisson/mois de soudure
Emprunts
Commerce
La principale saison de pêche s'étend d'octobre à février et est aussi la période de pic du commerce. En
mars, tous les bras valides quittent le campement et descendent le fleuve pour pêcher ; ils reviennent en
avril, le plus souvent avec du poisson, mais parfois aussi avec de l'argent. À partir de mai, commence une
longue période de soudure qui se termine lorsque la saison de pêche recommence en octobre. Les
ménages pauvres et très pauvres recourent à l'emprunt entre juillet et septembre pour tenir jusqu'au début
de l'année de consommation suivante, ce qui marque bien la pauvreté chronique et l'insécurité de ces
ménages.
70
Répartition de richesse15
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille des
ménages
Filets de
pêche
Taille des filets
Pirogues
Autre
Très
pauvres
5-6
2-3
365 mètres
0
0
Pauvres
8-10
4-5
550 mètres
0
5-6 volailles
Moyens
15-20
5-6
915 mètres
4
10-15 volailles
Aisés
20-25
7-10
915-1370
mètres
6
30-40 volailles, 4
moutons
La possession de filets de pêche et de pirogues et le nombre de bras valides dans le ménage sont les
principaux facteurs déterminants de richesse dans cette zone. Les filets que possèdent les moyens et les
aisés sont non seulement plus nombreux, mais aussi plus grands et de meilleure qualité que ceux de leurs
voisins pauvres. Les pirogues sont un actif particulièrement important, tant pour la pêche que pour le
commerce. Aux mois de mars et d'avril, les ménages plus pauvres peuvent louer des pirogues (le plus
souvent auprès d'hommes d'affaires à l'extérieur du campement, et pas auprès des autres ménages) pour la
migration annuelle ; ils paient généralement le propriétaire à leur retour. Les pirogues à moteur, les
« pinasses », sont bien moins répandues ; par exemple, seuls deux ménages en possédaient dans le
campement visité.
Il est intéressant de noter que les ménages Bozos aisés possèdent un assez grand nombre de volailles, par
rapport aux ménages aisés de la population générale du delta (zone 6), qui n'en possède pas. Pour ces
ménages, qui possèdent une cinquantaine environ de bovins et plus d'une soixantaine de petits
ruminants, il n'y a guère de raison d'élever des volailles ; pourtant parmi les Bozos, il s'agit d'un actif
relativement important. Les aisés de cette zone sont aussi le seul groupe à engraisser des moutons
(l’embouche) pour la vente.
15
Les noms des groupes de richesse chez les Bozos étaient ; KoloKolona (très pauvres), Kondona (pauvres),
Lafiana (moyens) et Kirana (aisés).
71
Sources de nourriture
Il convient de souligner que bien que les Bozos soient des
pêcheurs de profession, le poisson et les produits du poisson
contribuent de manière négligeable aux besoins alimentaires
annuels des pauvres. Même pour les moyens et les aisés, on
estime que le poisson et les produits du poisson représentent
seulement entre huit et dix pour cent de leurs besoins
alimentaires. Par conséquent, les ménages dépendent très
largement du marché et des échanges pour leur nourriture. Les
pauvres, par exemple, reçoivent près d'un tiers de leur nourriture
en échangeant du poisson contre des céréales avec les riziculteurs
de la zone.
Enfin, les dons de poisson des moyens et des aisés aux pauvres et
aux très pauvres sont courants pendant la saison de pêche
principale.
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Pauvre
Achats
Echange
Pêche/ produits de pêche
Ceux-ci ont déjà été inclus dans la catégorie « poisson/produits du poisson » sur le graphique et sont une
amélioration modeste, mais importante de l'alimentation des plus pauvres.
Sources de revenus
Les ménages moyens et aisés ont trois principales sources de revenus ; la vente du poisson et des produits
du poisson (c.-à-d., l'huile) est la plus importante, suivis par le petit commerce et la vente de volaille et de
moutons (s'ils en ont, ce qui n'est pas le cas des moyens). Le petit commerce est surtout le domaine des
femmes et concerne des produits tels que le poisson et les céréales ; les ménages utilisent des pirogues
pour commercer et parfois louent un cheval et une charrette auprès des riziculteurs pour vendre des
céréales dans des villes comme Sevaré.
Les ménages pauvres et très pauvres tirent une grande partie de leur argent du travail pour le compte des
moyens et des aisés. Avec la pêche, ce travail concerne la fabrication de briques, la réparation des
maisons et la réfection des toitures. Ils gagnent aussi de l'argent en vendant du poisson et de la volaille
(s'ils en ont, ce qui n'est pas le cas des très pauvres), ainsi qu'en faisant du petit commerce. Pour ces
ménages, le petit commerce se pratique à plus petite échelle que pour les moyens et les aisés ; par
exemple, ils achètent souvent du bois de chauffage qu'ils revendent aux autres ménages dans le
campement. Les ménages pauvres ne travaillent pas dans les champs de riz en général dans cette région ;
l'une des raisons en est que la principale récolte de riz a lieu au moment le plus chargé de l'année pour la
pêche et que tous les bras valides sont occupés sur le fleuve.
72
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone : 7 « Office du Niger » – riz irrigué
Description de la zone
L'Office du Niger est une zone agricole totalement irriguée de la région de Ségou, qui se spécialise dans la
riziculture et les cultures maraîchères. En termes de production rizicole, il s'agit du grenier du Mali, avec
de forts rendements, qui dépassent parfois sept tonnes par hectare. L'Office du Niger (ON) a été créé en
1932 sous la forme d'un établissement public autonome, ce qui en fait l'une des régions d'agriculture
irriguée les plus anciennes de l'Afrique de l'Ouest. L'eau en provenance du fleuve Niger alimente les
champs par le biais d'une série de retenues et de canaux d'irrigation. Dans sa conception originale, l'ON
était destiné à être un important producteur de coton et de riz ; toutefois, la production cotonnière a été
abandonnée en 1970 et la riziculture a cru en importance. Aujourd'hui, les terres irriguées sont soumises à
une forte pression malgré l’extension continue à la faveur de nouveaux aménagements. Les ménages paient
67 000 CFA par hectare à l'ON pour l'entretien du réseau d'irrigation ; la somme est due chaque année en
mars, qui peut donc être une période difficile de l'année pour les ménages plus pauvres. Chaque année au
moment de la récolte du riz, la zone reçoit des migrants saisonniers venus de Toura, San, Djenné,
Tominian et d'autres parties de la zone 4 ; ils sont payés soit en espèces soit en nature. Pendant la saison
sèche, la plupart des ménages font pousser des cultures maraîchères, bien que les ménages plus aisés aient
aussi les moyens d'acheter des intrants pour cultiver du riz de contre-saison. Les principales cultures
maraîchères sont l'échalote et la tomate, ainsi que le chou et l'okra dans une moindre mesure. Les
principales cultures consommées sont le riz, mil et le sorgho, tandis que les principales cultures de rente
sont le riz et les légumes.
L'élevage sédentaire est une caractéristique secondaire de cette zone, en particulier du fait de la forte
densité de population. Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres. Les moutons
sont plus nombreux ici que les chèvres, en partie parce qu'ils exigent moins d'espace pour brouter.
Certains ménages moyens et aisés tirent de l'argent de la vente de moutons d’embouche ; ces bêtes ne font
pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et nourris avec des
aliments pour bétail. Il s'agit d'une activité nouvelle et qui gagne en importance. Tous les ménages
possèdent des volailles, qui avec les moutons sont typiquement la propriété des femmes.
La forte densité démographique de cette zone peut conduire à des différends concernant les parcelles et
entre les gardiens de troupeaux et les fermiers. De plus, cette zone a une incidence élevée de maladie, du
fait qu'elle est inondée pendant toute l'année (voir la section sur risques ci-dessous).
La pluviométrie annuelle varie entre 300 et 500 mm. Les sols fertiles argileux et sablo-limoneux
dominent, tandis que la végétation est sahélienne. Les autres ressources naturelles de la zone incluent le
73
tanin, les baobabs et les palmiers rôniers (Borassus aethiopum). Les pêcheurs Bozos sont aussi présents dans
cette zone. Pendant les mauvaises années, ils peuvent migrer vers Manantali et Selingue pour pêcher et
peuvent être partis pendant deux années.16
Marchés
Les marchés sont généralement accessibles en toutes saisons, bien que pendant la saison des pluies
certaines régions soient parfois inaccessibles. Les ménages de cette zone sont largement tributaires du
marché, non seulement pour acheter des produits de base, mais pour vendre leurs cultures de rente : riz et
légumes. L'information ci-dessous n'est qu'indicative et ne doit pas être considérée comme complète.
Culture
Riz
Route commerciale
partout au Mali (Sikasso, Koulikoro, Kayes, Tombouctou,
Gao, Kidal)
Légumes
SégouBamakoGuinée, Sénégal
SikassoCôte d'Ivoire
Type d'animaux d'élevage
exportés
Bovins, moutons et chèvres
Route commerciale
Principaux aliments
importés dans la zone
Mil, sorgho
Route commerciale
Arachide
NionoSégouBamako, Côte d’Ivoire, Sénégal
 Dogofry
SikassoKoutialaSégoumarchés locaux
Koutiala Ségou marchés locaux
Macina marchés locaux
Ségou marchés locaux
Les mangues et les agrumes sont aussi importés dans la zone en provenance de Sikasso et Ségou.
16
Les Bozos peuvent aussi pratiquer l’agriculture, mais en activité secondaire.
74
Calendrier saisonnier
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév. Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août Sep.
Principales pluies
Légende
Préparation des terres
Récolte
Semis
Naissances
en chaleur
Cultures
Riz
Riz (seconde saison)
Échalote
Pommes de terre
Patates douces
Mangues
Animaux d'élevage
Vaches (prod. laitière)
Vaches
Migration du bétail
Achat de fourrage
Ventes de bétail
Maladies du bétail
Autre
Achat d'aliments de base
Travail agricole local
Paiement des frais scolaires
Travail migrant
Emprunts/remboursement
Paludisme
Période de soudure
Remboursement
Emprunts
Régime des pluies
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév. Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août Sep.
Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités agricoles et liées à l'élevage qui
constituent l'année de cette zone. La période de soudure, qui s'étend de juillet à septembre, est le moment
le plus difficile de l'année, surtout pour les ménages les plus pauvres. L'incidence du paludisme est aussi
forte à cette époque et peut affecter la capacité d'un ménage à travailler (si un des bras valides du ménage
est atteint) ainsi qu'imposer des dépenses supplémentaires de médicaments à un moment difficile de
l'année. D'un autre côté, le pic de la production laitière survient pendant ces mois, profitant
principalement aux ménages moyens et aisés qui possèdent le plus de bétail, mais aussi aux pauvres et
aux très pauvres dans une certaine mesure. À mesure que s'améliorent les pâturages dans le Sahel avec
l'arrivée des pluies, les troupeaux migrent pour tirer avantage du pâturage à l'extérieur de la zone et aussi
pour libérer les champs en cultures de riz ; ils reviennent ensuite entre octobre et décembre pour profiter
des chaumes de riz comme fourrage et des eaux des canaux d’irrigation.
La principale récolte de riz commence en octobre, met fin à la période de soudure et marque le début de
la nouvelle année de consommation. Les ventes de bétail atteignent leur point culminant entre octobre et
75
janvier lorsque les bêtes sont dans le meilleur état, bien que les ventes de moutons et de chèvres puissent
survenir à n'importe quel moment de l'année. On doit souligner que ce sont surtout les moyens et les
aisés qui vendent à ces dates ; les pauvres et les très pauvres sont plus enclins à vendre des bêtes
lorsqu'elles sont dans le pire état pendant la période de soudure ou en février-mars avant que la redevance
annuelle ne soit due à l'ON. La principale récolte de riz se termine en janvier et est suivie quelques mois
plus tard par celle des cultures maraîchères, comme l'échalote.
Différentes maladies du bétail sont répandues à différentes périodes de l'année ; la péripneumonie
contagieuse bovine entre octobre et décembre, la pasteurellose en janvier-février et en juin-juillet et la
fièvre charbonneuse en janvier-février. Les objets d'artisanat se vendent toute l'année, tandis que la
fabrication de briques est limitée à la saison sèche, lorsque les cultures maraîchères sont terminées. La
principale période de pêche s'étend de décembre à février (à mesure que les niveaux d'eau baissent).
Répartition de richesse
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille des
ménages
Surface
cultivée
Animaux d'élevage
Autres actifs
Très
pauvres
4-6
0,25-0,75 0-2 moutons, 8-12 volailles, 1
ha
âne
Pauvres
9-11
0,75-1,25 2-4 moutons, 1-3 chèvres, 15­
1 charrue, 1 charrette
ha
25 volailles, 1 âne
Moyens
18-22
3-5 ha
5-7 bovins, 6-8 moutons, 4-6
chèvres, 15-25 volailles, 2
ânes
2 charrues, 1
charrette
Aisés
25-35
7-9 ha
25-35 bovins, 14-16 moutons,
9-11 chèvres, 20-30 volailles,
4 ânes
3-4 charrues, 2-3
charrettes, 1
multiculteur
0%
20%
40%
% des ménages
Aucun
60%
La moitié des ménages de cette zone appartient au groupe moyen et en termes de population absolue,
près de soixante pour cent appartiennent à ce groupe. Il y a naturellement des extrêmes de richesse et
pauvreté dans la zone, mais il est intéressant de noter que la majorité de la population appartient à la
même catégorie socioéconomique.
Dans une zone agricole, la surface de terre cultivée et la capacité à cultiver sont des indicateurs de
richesse importants. À cet égard, les ménages moyens et aisés sont en mesure de cultiver plus de terres par
habitant que leurs voisins plus pauvres. Pour ce faire, ils emploient des ouvriers appartenant aux groupes
pauvres et très pauvres. Les ménages plus aisés ont aussi les moyens d'acheter davantage d'engrais et
possèdent des charrues et des bœufs de labour ; les aisés possèdent même des multiculteurs.
Typiquement, les moyens ont deux bœufs par ménage et les aisés en ont six ; dans le tableau ci-dessus, ils
ont été inclus dans le chiffres des bovins. Par contraste, les ménages pauvres ne possèdent pas le matériel
complet nécessaire à la culture ; le plus souvent, ils possèdent une charrue, mais pas de bœufs.
Les ménages très pauvres forment un petit groupe, qui ne représente qu'un petit pourcentage de la
population de la zone. Ils ne cultivent pas de grandes parcelles, ils ont un accès extrêmement limité, voire
inexistant à l'engrais et n'ont aucun matériel pour cultiver leurs terres. En outre, un fort pourcentage des
ménages de ce groupe (près de dix pour cent) est dirigé par une femme. Les informateurs mettent cela sur
le compte de plusieurs facteurs, notamment la forte incidence du VIH/sida et du paludisme, ainsi que le
76
taux relativement élevé d'endettement chez les riziculteurs de cette zone ; ils expliquent que certains
hommes ont fui pour échapper à leurs créditeurs, en abandonnant leurs familles.
Le bétail est moins important dans l'Office du Niger que dans la zone 4, qui l'entoure et les tailles des
troupeaux sont comparables et parfois plus modestes comparées aux zones du sud. Cependant, la
possession de bétail apporte toujours un niveau considérable de sécurité économique, en permettant, par
exemple, de vendre les animaux pour traverser les périodes difficiles. On remarque aussi que la taille des
troupeaux des ménages aisés, qui possèdent environ trente bovins et vingt-cinq petits ruminants, est bien
plus grande que celle des moyens avec six bovins et douze petits ruminants. Cela indique une nette
différence de richesse entre les ménages moyens et aisés.
Les ânes sont utiles comme moyen de transport pour aller aux champs et pour tirer les charrettes jusqu'au
marché. Tous les groupes possèdent du matériel de pêche, mais la majorité de la population ne tire aucun
revenu de la vente de poisson.
Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école,
mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les
enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire
de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés
reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus.
Sources de nourriture
Tous
les
ménages
pourraient potentiellement
se nourrir avec leur propre
récolte
pendant
plus
longtemps que ne l'indique
ce graphique. Toutefois,
comme on le voit sur le
graphique sur les sources de
revenu
ci-dessous,
ils
choisissent de vendre une
part non négligeable de leur
récolte de riz et d'acheter le
reste de leurs besoins
alimentaires annuels.
100%
90%
Lait
80%
70%
Prêts et dons en nature
Achats
60%
50%
40%
Paiement en nature
Production agricole
30%
20%
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Ils achètent souvent des produits moins chers, comme le mil.
On constate que les très pauvres consomment leurs récoltes pour trois mois, les pauvres pour six et les
moyens et les aisés pour neuf. Notons, en particulier, la différence significative entre les pauvres et les
très pauvres. Seuls les très pauvres reçoivent des paiements en nature, habituellement de manière
informelle, en aidant les moyens et les aisés pendant les récoltes. Cependant, les pauvres préfèrent être
payés en espèces.
La contribution du lait aux besoins alimentaires est importante pour les moyens et les aisés, bien qu'il ne
soit pas aussi important que dans la zone 4 environnante, où les tailles des troupeaux sont plus grandes.
Les pauvres et les très pauvres reçoivent un léger coup de pouce à leur alimentation grâce au lait, qui est
plus important ici que pour les très pauvres et les pauvres des zones du sud.
77
Sources de revenus
100%
Autre
90%
Auto‐emploi
80%
70%
Petit commerce/commerce
60%
50%
Migration/transferts d'argent
40%
Autre travail local
30%
Travail agricole local
20%
10%
Vente de bétail
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Les moyens et les aisés tirent
la plus grande partie de leurs
revenus des ventes de
récoltes, comme on pourrait
s'y attendre dans une zone où
l'agriculture occupe une place
si prépondérante. Pour les
ménages moyens, une moitié
de ce revenu provient du riz
et
l'autre des cultures
maraîchères ; par contraste,
la majorité de ce revenu des
ménages aisés provient des
ventes de riz et le reste des
cultures maraîchères.
Vente de la production agricole
Ceci est dû en partie au fait que la riziculture pendant la saison sèche est plus coûteuse que les cultures
maraîchères et que c'est donc le groupe aisé qui peut se le permettre. C'est aussi en partie dû au fait que
pendant la contre-saison, les aisés louent leurs terres à raison de 150 000 CFA par hectare aux autre
groupes de richesse; le revenu qu'ils en tirent est inclus dans la catégorie « autre ». En effet, il est
intéressant que les ménages aisés soient moins tributaires des ventes de récoltes que les ménages
moyens ; leurs revenus sont plus diversifiés. Comme le groupe moyen, ils vendent leur bétail et font du
commerce, mais ils opèrent également un service de transport et peuvent acheter des véhicules pour
fournir des liaisons à destination des villes et des marchés locaux. Les multiculteurs, par exemple, sont
utilisés pour le transport pendant la saison sèche. Ce revenu est inclus dans la catégorie de l’auto-emploi.
Les pauvres et les très pauvres représentent un type de la classe laborieuse, largement tributaire de la
forte demande de main-d'œuvre agricole dans la zone. Les deux groupes reçoivent aussi une part de leur
revenu d'autres sources de travail locales, principalement la fabrication de briques. Toutefois, il existe
d'importantes différences entre ces deux groupes : les pauvres sont nettement plus à même de s'appuyer
sur leur propre production que les très pauvres. Les ventes de récoltes sont la principale source de
revenus des pauvres ; pour les très pauvres, c'est le travail. On pourrait faire valoir que ceci permet
d'inclure les pauvres dans la population agricole réelle, alors que ce n'est pas le cas pour le petit groupe
des très pauvres. Ceci souligne la structure de la pauvreté dans la zone.
L’auto-emploi pour les ménages les plus pauvres consiste, dans la même mesure, en vente de bois de
chauffage, de foin et d'objets d'artisanat. Le travail migrant contribue quelque peu aux revenus des très
pauvres, des pauvres et des moyens, mais beaucoup moins que dans la zone 4. Un petit pourcentage du
revenu des aisés provient des transferts d'argent.
Risques
Les pluies faibles et sporadiques sont un problème moins sérieux dans cette zone que dans beaucoup
d'autres situées aussi loin au nord, étant donné que les cultures sont irriguées. Toutefois, la présence des
canaux d'irrigation pose d'autres problèmes, comme une forte incidence de paludisme et de diarrhée. Les
principaux risques chroniques et périodiques sont énumérés ci-dessous.
Chroniques
1. Maladies et ravageurs des cultures, comme la virose du riz et la chenille mineuse.
78
2. Paludisme et diarrhée.
3. Maladies du bétail par exemple le botulisme et la fièvre aphteuse. (Voir le calendrier saisonnier).
Périodiques
1. Oiseaux granivores
2. Choléra
3. Conflit. La zone est densément peuplée et les différends entre les fermiers et les bergers qui font
s'abreuver leurs bêtes dans les canaux d'irrigation, qui séparent les champs, sont relativement courants.
Stratégies d’adaptation
Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de réduire leurs dépenses de produits non
essentiels et maximiser leur revenu. Cependant, les ménages à différents niveaux de richesse poursuivent
souvent différentes stratégies. Les très pauvres et les pauvres tentent donc de maximiser leurs revenus
par la fabrication de briques et le travail agricole local. Ils s'appuient aussi largement sur les dons des
deux groupes plus aisés.
Par contraste, les moyens et les aisés augmentent leurs ventes de bétail et peuvent recourir au crédit
formel (leurs niveaux d'actifs font d'eux une option plus sûre pour les créditeurs que leurs voisins plus
pauvres).
79
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 8 : nord-ouest transferts d’argent, sorgho & élevage
transhumant
Description de la zone
Cette zone se situe au nord-ouest du Mali. Elle recouvre une partie des régions de Kayes et Koulikoro,
contient une partie de la vallée du fleuve Sénégal et partage une frontière avec la Mauritanie et le Sénégal.
La principale caractéristique de cette zone n'est pas liée à l'agriculture ni à l'élevage, à la différence de la
plupart des autres zones du pays. Ce sont les transferts d’argent qui sont ici le facteur déterminant des
moyens d'existence. Les migrants vivant hors du continent africain, souvent en France, fournissent un
soutien considérable aux familles de cette zone. Elle est fortement marquée du point de vue ethnique,
dans la mesure où la majorité des migrants sont des Soninkés ; les liens ethniques avec ceux qui
travaillent déjà à l'étranger peuvent aider les nouveaux migrants, du fait du soutien moral et pratique dont
ils bénéficieront. Il faut noter que les Soninkés du Sénégal et de Mauritanie migrent eux aussi. Non
seulement les migrants apportent-ils un soutien financier à leurs propres ménages, mais des associations
de migrants en France et dans d'autres pays d'accueil financent des projets de développement dans la
zone.17 De manière générale, l'impact des transferts d’argent sur cette région est bien documenté.
Plusieurs études soulignent le danger moral associé aux transferts d'argent et donnent à entendre que les
ménages recevant de l'argent de l'étranger sont plus susceptibles de consacrer peu d'efforts à l'agriculture
dans le village, sachant que leurs relations à l'étranger subviendront à leurs besoins.18 Pendant l'étude de
terrain réalisée pour cette zone, des informateurs clés ont confirmé cette information de façon
indépendante (voir la partie sur les sources de nourriture ci-dessous).
Une pluviométrie annuelle de 400-500 mm permet la culture pluviale du sorgho, qui est le principal
produit de base. Le mil est aussi cultivé, mais dans une moindre mesure que dans la zone 4 à l'est. La
majorité du sorgho est cultivé dans les plaines, mais on en cultive aussi aux bords des lacs et des cours
d'eau sur les terres fertiles exposées une fois que les eaux se sont retirées (sorgho de décrue). Les
principales cultures de rente sont la calebasse, le gombo pluvial et les cultures maraîchères (surtout les
échalotes et la laitue); cependant, aucune d'elles ne doit être considérée comme typique de la zone dans
son ensemble. Dans les régions où il est répandu, le maraichage est pratiqué par des associations de
femmes.
17
Migration, Remittances and Development, OECD (2005), p.52.
Cf Azam, J.P. and F. Gubert, « Those in Kayes: The Impact of Remittances on Their Recipients in Africa »,
Revue économique, vol.56, 6, November 2005, pp.1331-1358.
18
80
L'élevage sédentaire est une caractéristique importante de la zone (voir la section sur la répartition de
richesse pour plus de détails à ce sujet). Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres.
Les moyens et aisés tirent aussi de l'argent de la vente de moutons et parfois de bovins d'embouche ; ces
bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et
nourris avec des aliments pour bétail. Un ménage moyen peut engraisser cinq moutons pour la vente par
an, tandis qu'un ménage aisé peut en engraisser cinq à dix. Les bovins sont castrés lorsqu'ils ont entre
deux et quatre ans et sont vendus lorsqu'ils ont six ans, à l'approche des grandes fêtes. Tous les ménages
possèdent des volailles.
Finalement, cette zone est très chaude et a une faible densité de population. La végétation consiste
surtout en plaines et en brousse. Les ressources naturelles de la zone incluent la présence de « bas-fonds »,
dépressions localisées qui conservent leur humidité pendant la saison sèche, ainsi que la gomme arabique,
le jujube, Balanites aegyptiaca et le gibier. Les trois principaux types de sols sont sableux, sablo-limoneux et
limono-argileux ; les sols sont fertiles dans les bas-fonds et les bords de lacs et faiblement fertiles sur les
plaines. On pratique aussi la pêche dans la zone.
Marchés
On trouve peu de marchés dans cette zone et les ménages achètent fréquemment leurs produits dans des
boutiques communautaires. L'accès aux marchés est relativement limité ; les routes peuvent être
ensablées pendant la saison sèche et embourbées pendant la saison des pluies.
Type d'animaux d'élevage
exportés
Chèvres
Route commerciale
Moutons
Marchés locauxKayes/KatiBamako/Sénégal
Bovins
Marchés locauxKayes/KatiBamako/Sénégal
Principales céréales
importées dans la zone
Riz
Route commerciale
Marchés locauxKatiBamako
Maïs
Sokolo/Bamako/Mauritanie/Sénégal marchés locaux
(Une partie du riz importé vient aussi de l'Office du Niger.)
Sikasso/BamakoKayesmarchés locaux
Arachide et niébé
Kolokani/Bamako/Banambamarchés locaux
81
Calendrier saisonnier
Oct
Nov
Déc
Jan
Fév
Mar
Avr
Mai
Juin
Jui
Août
Sep
Main Rains
Légende :
Préparation des terres
Récolte
Semis
Naissances
En chaleur
Cultures
Sorgho
Niébé
Arachide
Calebasse
Cultures maraîchères
Bétail
Vaches (production laitière)
Vaches
Petits ruminants (prod. laitière)
Migration du bétail
Achat d'aliments bé tail
Ventes de bétail
Maladies du bétail
Autre
Achat d'aliments de base
Travail agricole local
Travail migrant
Emprunts/remboursement
Paludisme
Période de soudure
Remboursement
Emprunts
Régime des pluies
Oct
Nov
Déc
Jan
Fév
Mar
Avr
Mai
Juin
Jui
Août
Sep
Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités agricoles et liées à l'élevage qui
constituent l'année de cette zone. La saison des pluies de juin à septembre coïncide avec la période de
soudure et est le moment le plus difficile de l'année, en particulier pour les ménages les plus pauvres.
C'est aussi une période d'intense activité physique alors que les ménages pauvres préparent, ensemencent
et désherbent leurs propres champs en plus du travail dans ceux des moyens et des aisés. Par surcroît,
l'incidence de paludisme est élevée et peut affecter la capacité des bras valides à travailler ainsi qu'imposer
des dépenses supplémentaires de médicaments. Les emprunts peuvent être contractés à cette époque de
l'année par les très pauvres et les pauvres et remboursés une fois que la période de soudure a pris fin. Sous
un angle plus positif, la production de lait atteint son niveau maximum pendant la saison des pluies ; ceci
profite principalement aux moyens et aux aisés qui possèdent la plus grande partie du bétail, mais les très
pauvres et les pauvres en tirent aussi avantage dans une certaine mesure.
La principale récolte de sorgho, en octobre-novembre, met fin à la période de soudure et marque le début
de la nouvelle année de consommation. La demande de main-d'œuvre agricole est forte pendant les mois
de récolte. Une fois que la récolte est terminée, certains bras valides quittent le village et migrent à la
recherche de travail. La construction est aussi disponible localement à cette époque.
82
Répartition de richesse
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille des
m énages
Surface
cultivée
Animaux d'élevage
Autres actifs
Très Pauvres
5-6
0,75-1,25
ha
5-6 chèvres, 8-12 volailles
Aucun
Pauvres
11-13
1,5-2,5 ha
9-11 chèvres, 2-3 moutons,
15-25 volailles, 2 ânes
Aucun
Moyens
20-30
5-7 ha
Aisés
40-50
0%
% des ménages
20%
40%
25-35 bovins, 18-22 chèvres,
1-2 charrues, 1
25-35 moutons, 15-25
charrette, 2-3 ouvriers
volailles, 4 ânes
agricoles à plein temps
90-110 bovins, 45-55
4-5 charrues, 3-4
20-30 ha chèvres, 35-45 moutons, 25­ charrettes, 5-6 ouvriers
35 volailles, 6 ânes
agricoles à plein temps
60%
La majorité des ménages de cette zone appartient au groupe moyen. En effet, la taille extrêmement
grande des ménages tant moyens qu'aisés signifie que ces groupes représentent quatre-vingt-cinq pour
cent de l'ensemble de la population. Ce sont ces deux groupes qui de manière générale reçoivent des
transferts d’argent, qui sont un important déterminant de richesse dans cette zone. Les transferts d'argent
permettent d'expliquer la forte dissymétrie de la richesse en faveur des groupes moyens et aisés. Cette
concentration de la richesse est le plus marquée dans les différences significatives entre les groupes de
richesse en termes de possession d'animaux d'élevage. On remarquera l'écart dans la possession de bétail
entre les deux groupes les plus aisés et les deux groupes les plus pauvres ; il y a aussi une nette différence
entre les moyens, qui possèdent entre vingt-cinq et trente-cinq bovins, et les aisés, qui en possèdent entre
quatre-vingt-dix et cent-dix. Le bétail, surtout les bovins, est une forme d'épargne et d'investissement
importante ; les très grands troupeaux des aisés sont donc le reflet du très gros revenu qu'ils tirent des
transferts d’argent. De la même façon, les très pauvres et les pauvres ne reçoivent pas de transferts
d'argent et sont donc incapables d'investir beaucoup dans le bétail.
Les moyens et aisés sont en mesure de cultiver plus de terres par habitant que leurs voisins plus pauvres.
Ceci est dû en partie au fait qu'ils possèdent des charrues et des bœufs de labour pour travailler la terre
(dans le tableau, les bœufs de labour sont inclus dans le nombre de bovins possédés). Ils ont aussi plus de
bras valides et ont les moyens d'embaucher de la main-d'œuvre ; très souvent les ménages moyens et aisés
de la zone emploient des ouvriers agricoles à plein temps qui vivent avec le ménage et sont payés tous les
mois. De plus, certains ménages possèdent des motopompes pour l'irrigation. Par contraste, les groupes
les plus pauvres ne possèdent pas ces actifs et peuvent louer le matériel, comme les charrues, échange
pour leur travail. Les informateurs ont aussi déclaré que les ménages très pauvres sont souvent les
derniers à s'être installés dans la zone et ont accès à très peu de terre, qui souvent n'est pas de bonne
qualité.
Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école,
mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les
enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire
de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés
reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. Il existe aussi un préjugé
sexiste dans l'éducation ; les informateurs ont souligné que les filles font rarement des études secondaires.
83
Sources de nourriture
Les très pauvres et les
pauvres peuvent vivre de
leurs
propres
récoltes
pendant un mois et deux
mois
et
demi,
respectivement. Pour la
majeure partie de leurs
besoins alimentaires, ils
sont tributaires du marché
et achètent du sorgho et du
mil, les aliments de base les
moins chers.
100%
90%
Lait
80%
70%
60%
Prêts et dons en nature
50%
Achats
40%
Paiement en nature
30%
20%
Production agricole
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Ces groupes reçoivent aussi un pourcentage non négligeable de leurs besoins alimentaires annuels du
paiement en nature de leur travail agricole. Il arrive parfois qu'ils reçoivent la nourriture en paiement
avant qu'ils n'effectuent le travail. Typiquement, le paiement en nature est préféré à l'argent dans cette
zone, peut-être parce que l'accès au marché est limité.
Les moyens et les aisés sont capables de vivre de leurs propres récoltes pendant bien plus longtemps que
leurs voisins plus pauvres. Cependant, dans certaines parties de la zone, la contribution de leur propre
production aux besoins alimentaires annuels des ménages plus aisés peut être nettement plus faible
(cinquante pour cent ou moins). Les informateurs ont noté qu'il y avait moins d'incitation à investir du
temps et des efforts dans l'agriculture lorsque les fermiers savent qu'ils peuvent compter sur les transferts
d'argent pour combler tout manque à gagner. (Ce type de facteur de risque moral est brièvement abordé
dans la description de la zone.) Les moyens et les aisés se procurent le reste de leurs céréales sur le
marché ; ils sont en mesure d'acheter des aliments de base plus coûteux, comme le riz. Un ménage aisé
peut manger du riz tous les jours, tandis qu'un ménage moyen mange du riz trois fois par semaine.
Le lait contribue de manière non négligeable aux besoins alimentaires des moyens et des aisés, comme
on peut s'y attendre compte tenu de la grande taille de leurs troupeaux. Les pauvres et les très pauvres
consomment nettement moins de lait, mais celui-ci représente néanmoins une amélioration de la qualité
de leur alimentation. Bien qu'ils possèdent peu de bétail, les ménages les plus pauvres reçoivent leur lait
par le biais de l'obligation coranique de la « zakât » (obligation coranique de faire l'aumône); ainsi, les
aisés donnent-ils du lait aux très pauvres chaque lundi et chaque vendredi pendant les mois où le lait est
produit.
84
Sources de revenus
100%
Autre
90%
Auto‐emploi
80%
70%
Petit commerce/commerce
60%
Transferts d'argent
50%
40%
Migration
30%
Autre travail local
20%
10%
Travail agricole local
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
L'élément le plus frappant
dans ce graphique est
l'énorme contribution des
transferts
d’argent
aux
revenus des moyens et aux
aisés.19 On a donc un tableau
un peu inhabituel, dans
lequel les très pauvres et les
pauvres tirent une plus
grande partie de leurs
revenus de leur propre
production (ventes de bétail)
que les moyens et les aisés.
Vente de bétail
Bien que les transferts d’argent ne profitent pas directement aux ménages les plus pauvres, on observe un
effet de retombée. La catégorie « autre » est constituée exclusivement des dons provenant des ménages
moyens et aisés ; les dons de nourriture sont aussi accordés en quantités importantes (voir le graphique
sur les sources de nourriture ci-dessus). De surcroît, c'est l'argent qui leur est envoyé que les moyens et
les aisés utilisent pour payer la main-d'œuvre, ainsi que le bois et le foin que vendent les groupes plus
pauvres. (Les ventes de bois et de foin sont classées dans l'auto emploi.)
La catégorie « migration » est distincte des transferts d'argent en ce qu'elle est saisonnière et de plus
courte durée ; elle est aussi moins distante, la plupart des migrants se déplaçant à l'intérieur du Mali vers
des villes comme Kayes, Bamako, Nioro et vers les sites d'exploitation aurifère de Kéniéba. D'autres
vont jusqu'au Sénégal, mais ils retournent tous dans la zone à temps pour la saison des pluies. Ils
travaillent dans la construction et l'agriculture.
Les ménages moyens aussi tirent un revenu du travail agricole. Deux jours par semaine (le lundi et le
vendredi) les chefs de ménage de ce groupe permettent le plus souvent aux membres plus jeunes du
ménage de travailler pour leur compte ; l'argent qu'on leur paie pour ce travail n'est pas partagé avec le
reste du ménage. C'est ce revenu qui est comptabilisé dans la catégorie « travail agricole » pour les
moyens. Le commerce pour les moyens et les aisés concerne principalement des produits comme les
céréales, le thé et le sucre. Les ménages aisés gagnent aussi de l'argent en opérant un service de transport,
permettant aux habitants de gagner les villes et les marchés ; ce revenu est inclus dans la catégorie de
l’auto-emploi.
19
Les transferts d'argent viennent surtout des migrants qui ont quitté la zone depuis longtemps. Toutefois, dans le
cas des aisés, les informateurs ont fait observer qu'en outre, un ancien migrant qui est retourné de manière
permanente au Mali peut repartir pour une durée de six mois à un an et revenir avec de l'argent et du matériel. Ils
appellent cela la « migration temporaire ».
85
Risques
On a demandé aux personnes
interrogées
de
classer
chacune des six dernières
années en fonction de sa
sécurité alimentaire relative :
1 représentait une très
mauvaise année en termes de
sécurité alimentaire, 2 une
mauvaise année, 3 une année
acceptable, 4 une bonne
année et 5 une excellente
année.
5
4
3
2
1
0
2000‐1 2001‐2 2002‐3 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9
Il est intéressant que cet histogramme montre très peu de variation et que les informateurs aient identifié
une seule mauvaise année sur les neuf dernières. Ceci peut s'expliquer par l'importance des transferts
d’argent dans la zone ; pendant les années où les pluies sont faibles ou mal distribuées, les parents vivant
à l'étranger peuvent augmenter leur soutien pour atténuer l'impact du facteur de risque.
On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone.
Chroniques
1. Feux de brousse (le plus souvent entre octobre et avril).
2. Oiseaux granivores.
3. Paludisme.
4. Dégâts causés par les singes
5. Maladies du bétail Les informateurs ont classé comme chronique le piétin. La fièvre aphteuse et la
dermatose sont classées comme périodiques.
Périodiques
1. Absence de pluie/sécheresse.
2. Criquets.
3. Inondations (le plus souvent entre août et septembre).
86
Stratégies d’adaptation
Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de réduire leurs dépenses de produits non
essentiels et maximiser leur revenu. Toutefois, l'éventail des stratégies ouvertes à un ménage dépend de
ses actifs et de sa richesse. On trouvera ci-dessous une liste des stratégies propres à chaque groupe de
richesse.
Il convient de noter que nombre des stratégies d'adaptation sont déployées entre octobre et juin ; la
raison en est probablement qu'on a besoin des bras valides dans les champs pour le travail agricole dès le
début de la saison des pluies.
Très pauvres et pauvres

Ils essaient d'augmenter leurs revenus par le travail agricole. 
Ils essaient d'augmenter leurs ventes de bois de chauffage.

Ils essaient d'augmenter la fabrication et la vente de briques. 
Ils augmentent la migration saisonnière (surtout vers les centres urbains). 
Ils sont plus tributaires des dons des moyens et des aisés.

Ils augmentent leurs ventes de bétail. 
Ils peuvent effectuer des tâches liées à la pêche, par exemple au lac Magui. 
Ils extraient le moellon des carrières pour la construction.
Moyens et aisés

Ils augmentent leurs revenus provenant des transferts d'argent (octobre). Par exemple, pendant la
sécheresse de 2001-02, les migrants vivant à l'étranger ont aidé aux achats de nourriture.

Ils augmentent leurs ventes de bétail.

Ils augmentent la migration saisonnière.

Ils s'appuient sur les stocks des coopératives et des banques de céréales.
87
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 9 : Ouest & centrale mil/sorgho pluvial
Description de la zone
Cette zone a une densité de population modérée et se caractérise surtout par l'agriculture pluviale et
l'élevage sédentaire. Elle domine l'axe commercial nord-sud du commerce des grains vers le nord
déficitaire et du commerce du bétail et du travail migrant vers le sud. La zone consiste principalement en
plaines, collines et régions boisées et est arrosée par de longues portions des fleuves Niger et Sénégal. Les
terrains argileux moyennement fertiles dominent, tandis qu'on trouve des terrains limoneux fertiles le
long des fleuves.
Les précipitations annuelles varient entre 600 et 800 mm et permettent la culture du sorgho, du mil, du
niébé et du maïs, qui sont les principales cultures vivrières. Le sorgho domine surtout vers le sud et le mil
vers le nord. L'arachide, la pastèque, le coton et le sésame sont les principales cultures de rente. Le coton
est plus répandu au centre et à l'est de la zone et sa production est encadrée par la Compagnie malienne
du développement des textiles (CMDT). (Le centre et l'est sont aussi en état de plus grande sécurité
alimentaire que les parties ouest de la zone.) Les régions cotonnières reçoivent des migrants saisonniers
venus de Koutiala, du plateau Dogon et du Burkina Faso depuis le début des pluies jusqu'à la fin de la
récolte du coton. Tous les groupes, à l'exception des aisés, pratiquent le maraichage qui est
particulièrement rentable dans les régions proches des villes. On cultive aussi le fonio dans certaines
régions.
L'élevage sédentaire est pratiqué par la majorité des ménages. Les principales espèces sont les bovins, les
moutons et les chèvres. L'importance des ventes de bétail représente une sorte de moyenne entre le nord
et le sud du pays, c'est-à-dire que le revenu de l'élevage est moins important que dans la majorité des
zones plus au nord, mais plus important que dans celles plus au sud. Outre la vente de bétail, les ménages
moyens et aisés tirent généralement de l'argent de la vente de moutons, de chèvres et, à l'occasion, de
bovins d'embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la
ferme du ménage et nourris avec des aliments pour bétail. Les bergers de troupeaux transhumants du
nord traversent aussi la zone avec leur cheptel.
Le crédit formel est disponible dans la zone, mais seulement aux ménages aisés ; les très pauvres et les
pauvres peuvent recourir au crédit informel auprès des moyens et des aisés. Les ressources naturelles de la
zone incluent les forêts, les produits de cueillette (noix de karité, néré, fruits et feuilles du baobab, zaban,
tamarin, jujube et Balanites aegyptiaca) et des « bas-fonds » (dépressions localisées qui conservent leur
humidité pendant la saison sèche), qui peuvent être utilisés pour la riziculture et l'arboriculture. Il existe
aussi une mine d'or à Sadiola. Les autres activités incluent le commerce et la pêche.
88
Marchés
Dans cette zone, l'accès au marché est généralement bon ; toutefois, il peut s'avérer difficile dans certaines
régions pendant la saison des pluies, en raison des cours d'eau et des routes boueuses. Les routes
commerciales ci-dessous ne sont qu'indicatives (c.-à-d., elles ne sont pas complètes).
Culture
Arachide
Sorgho
Mil
Sésame
Pastèque
Légumes de jardin
Type d'animaux d'élevage
exportés
Chèvres
Moutons
Bovins
Route commerciale
Marchés locauxBamako
Marchés locauxNara, KayesMauritanie
Marchés locauxNioroGoguiMauritanie
Marchés locauxKayes, Yelimané, Nioro
Marchés locauxBamakoautres régions du pays
Marchés locauxMoptiGaoKidal
BamakoIsraël, golfe Persique
BamakoCôte d'Ivoire
Kayes
Nioro/NaraMauritanie
Marchés locauxKayes, Yelimané, Nioro
Marchés locauxSégouSikassoCôte d'Ivoire
Marchés locauxBamako
Route commerciale
Marchés locauxBamako
Marchés locauxKatiGuinée
KatiBamako
KatiSénégal
Marchés locauxKayes Sénégal
KatiBamako
KatiSénégal
Marchés locauxKayes Sénégal
Principales céréales
importées dans la zone
Mil
Route commerciale
Sorgho et maïs
SikassoBamakoKayesmarchés locaux
Côte d'IvoireSikassoBamakoKayesmarchés locaux
Kéniéba/KitaKayesmarchés locaux
Niono/Bamakomarchés locaux
DakarKayesmarchés locaux
Office du Nigermarchés locaux
(parfois importés de l'étranger via Bamako vers les marchés
locaux)
Bamako, Mauritanie, Sénégalmarchés locaux
Riz
Pâtes alimentaires
Bamakomarchés locaux (pendant la période de soudure).
89
Calendrier saisonnier
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Sep.
Principales pluies
Légende :
Préparation des terres
Récolte
En chaleur
Semis
Ventes
Naissances
Entretien des cultures
Cultures
Sorgho/millet/niébé
Manioc
Arachide
Pastèque
Coton
Maraichage
Mangues
Bétail
Vaches (prod. laitière)
Achat d'aliments bétail
Ventes de bétail
Maladies du bétail
Autre
Achat d'aliments de base
Travail agricole local
Travail migrant
Paiement des frais scolaires
Ventes d'objets d'artisanat
Produits de cueillette
Emprunts/remboursement
Paludisme
Période de soudure
Remboursement
Emprunts
Régime des pluies
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Sep.
Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année agricole dans la
zone 9. La saison des pluies de juin à septembre coïncide avec la période de soudure et est le moment le
plus difficile de l'année pour les ménages, en particulier les plus pauvres. Pour tenir jusqu'à ce que la
situation s'améliore, les ménages les plus pauvres peuvent recourir à l'emprunt (souvent en nature) auprès
des moyens et des aisés. Les remboursements se font ensuite en octobre-décembre. Les mois de juin à
septembre sont aussi ceux du dur labeur pour les pauvres et les très pauvres qui ensemencent et
désherbent leurs propres champs en plus du travail dans ceux des ménages plus aisés. L'incidence du
paludisme est élevée pendant les pluies et, s'il touche les bras valides, il peut réduire la capacité des
ménages à travailler tout en imposant des dépenses supplémentaires de médicaments lorsque les ménages
peuvent difficilement se le permettre. Sous un angle plus positif, la noix de karité est de saison et peut être
ramassée et vendue par les pauvres et les très pauvres. C'est aussi le pic de la production laitière et les
groupes plus pauvres en profitent d'une certaine mesure, bien que la majorité du bétail appartienne aux
moyens et aux aisés.
La principale récolte de sorgho, qui s'étend d'octobre à janvier, met fin à la période de soudure et marque
le début de la nouvelle année de consommation. Les principales cultures de rente sont aussi récoltées vers
cette époque ainsi que les cultures maraîchères pluviales. Les travailleurs migrants partent vers le mois de
90
novembre et reviennent en février, bien que certains restent plus longtemps pour ne revenir qu'au début
des prochaines pluies. Après le travail agricole de la récolte principale, les pauvres et les très pauvres
travaillent dans la construction et vendent des objets d'artisanat.
Répartition de richesse
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille des
ménages
Surface
cultivée
Nombre d'animaux
Autres actifs
Très
pauvres
3-5
0,75-1,25
ha
0-2 chèvres, 15-25 volailles
Aucun
Pauvres
7-9
2-4 ha
0-2 bovins, 3-5 chèvres, 1-3
moutons, 25-35 volailles, 1
âne
Aucun
Moyens
11-13
7-9 ha
18-22
Aisés
0%
% des ménages
20%
40%
13-17 ha
5-7 bovins, 9-11 chèvres, 9-11
1 charrue, 1 charrette, 1
moutons, 35-45 volailles, 2
semoir
ânes
25-35 bovins, 25-35 chèvres,
25-35 moutons, 55-65
volailles, 4 ânes
2 charrues, 2
charrettes, 1 semoir, 1
multiculteur, 2 ouvriers
agricoles à temps plein
60%
La majorité des ménages (55 %) appartient aux deux groupes les plus pauvres. Toutefois, en termes de
population absolue, la majorité de la population fait partie du groupe moyen. En particulier, les aisés ne
représentent qu'une petite partie des ménages.
Dans une zone agricole, la surface de terre cultivée et la capacité à cultiver sont d'importants indicateurs
de richesse. Si l'on compte par habitant, les moyens et les aisés cultivent nettement plus que leurs voisins
plus pauvres (les aisés trois fois plus que les très pauvres). Les groupes plus aisés ont les moyens d'acheter
des intrants agricoles et possèdent des charrues, des bœufs de labour (inclus dans les chiffres des bovins
possédés en dessus) et du matériel agricole, comme des semoirs. De plus, ils ont meilleur accès à la maind'œuvre ; non seulement les moyens et les aisés ont-il plus de bras valides, ils sont aussi en mesure de
recruter des ouvriers dans les groupes pauvres et les très pauvres. Par contraste, les pauvres et les très
pauvres n'ont pas d’actifs productifs.
L'écart entre les moyens et les aisés est aussi frappant. Les aisés possèdent un plus large éventail de
matériel agricole et ont les moyens de payer deux ouvriers agricoles à plein temps. À la différence de la
main-d'œuvre occasionnelle, les ouvriers sont logés et nourris chez les ménages et sont payés à la fin de
chaque mois. En outre, les ménages plus aisés sont capables de consacrer nettement plus de terres aux
cultures de rente que les moyens. Toutefois, la différence la plus évidente entre ces groupes est la
possession d'animaux d'élevage. Bien qu'elle ne soit pas aussi significative ici que dans certaines des
zones du nord, la possession de bétail est néanmoins un important indicateur de richesse. Ainsi, le fait
qu'un ménage aisé possède environ six fois plus de bêtes qu'un ménage moyen révèle un large écart de
richesse. Les charrettes, avec les ânes pour les tirer, permettent aux moyens et aux aisés de transporter
leurs produits au marché et de pratiquer le petit commerce.
Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école,
mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les
enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire
91
de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés
reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus.
Sources de nourriture
La propre production est la
principale
source
de
nourriture pour tous les
groupes à l'exception des
très pauvres, qui peuvent
consommer leur récolte
pendant environ quatre
mois. Pour la majorité
(50 %) de leurs besoins
alimentaires,
les
très
pauvres sont tributaires du
marché.
100%
90%
Lait
80%
70%
Prêts et dons en nature
Achats
60%
50%
40%
Paiement en nature
Production agricole
30%
20%
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
De plus, ils reçoivent des céréales des moyens et des aisés à titre de paiement en nature pour leur travail
agricole (parfois avant que le travail n'ait été entrepris). Tant les très pauvres que les pauvres reçoivent
des « prêts alimentaires » des ménages plus aisés (voir le calendrier saisonnier).
Les ménages moyens et aisés pourraient s'appuyer dans une plus large mesure sur leurs propres récoltes,
mais ils investissent dans les cultures de rente et achète une partie de leurs céréales sur le marché.
Cependant, les aisés essaient de s'assurer que la vaste majorité de leurs besoins alimentaires annuels vient
de leurs propres productions, et un achat important de riz par les aisés est le signe d'une mauvaise
récolte.
Le lait contribue moins aux besoins alimentaires dans cette zone que dans de nombreuses zones du nord,
mais il est néanmoins plus important que dans nombre de zones du sud. Les très pauvres et les pauvres
ne tirent qu'un pour cent environ de leurs besoins alimentaires du lait, comparé à près de cinq pour cent
pour les moyens et les aisés. Les ménages plus aisés paient aussi partiellement avec du lait les bergers.
Sources de revenus
100%
Autre
90%
Auto‐emploi
80%
Petit commerce/commerce
Transferts d'argent
70%
60%
50%
Migration
40%
Autre travail local
30%
20%
Travail agricole local
10%
Vente de bétail
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Les ventes de récoltes sont la
source de revenus la plus
importante pour les moyens
et les aisés, comme on
pourrait s'y attendre dans une
zone agricole. Les deux
groupes vendent des cultures
de rente, mais seuls les aisés
produisent des céréales en
quantités suffisantes pour
pouvoir les vendre.
Vente de la production agricole
92
Préférant investir leur argent dans les cultures de rente et d'autres sources de revenus (par ex., le
commerce), ce groupe est le seul à ne pas pratiquer le maraichage. Outre celui des ventes de récoltes, il
faut noter qu'un pourcentage important du revenu des groupes plus aisés vient d'autres sources, comme
les ventes de bétail (qui incluent la vente d'animaux d'embouche mentionnée dans la description de la
zone).
Les très pauvres et les pauvres vendent aussi des cultures (principalement maraîchères et une petite
quantité d'arachide). Les ménages de ces groupes produisent des cultures maraîchères pendant la saison
des pluies et pendant la saison sèche (jardinant souvent dans une région différente pendant la saison
sèche, du fait du besoin d'irriguer). Cependant, les ménages les plus pauvres sont surtout tributaires du
travail et de l’auto-emploi. L’auto-emploi recouvre plusieurs activités différentes. Tant les pauvres que les
très pauvres vendent des objets d'artisanat, comme des nattes, des chaises en bois, des escabeaux des lits
et des outils agricoles simples. Les très pauvres, les pauvres et les moyens vendent tous du bois (de
chauffage ou de construction) et du charbon de bois, bien que ce soit sur une échelle bien plus grande
pour les moyens qui peuvent exporter le bois en dehors de la zone (par ex., vers Bamako, Kati et la
Mauritanie). Enfin, les ménages de tous les groupes de richesse tirent de l'argent de la vente de produits
de cueillette.
Typiquement, seuls les aisés reçoivent des transferts d'argent, dans la mesure où seuls ces ménages
peuvent se permettre d'envoyer de bras valides ailleurs en Afrique (par ex., en Libye et au Gabon) et en
Europe (par ex., en Espagne et en France). Les groupes très pauvres, pauvres et moyens tirent un revenu
du travail migrant, qui se différencie des transferts d'argent en ce qu'elle est saisonnière, à court terme et
moins rentable ; elle est aussi moins éloignée, les migrants se déplaçant à l'intérieur du Mali vers des
villes comme Yelimané, Nioro, Niono, Koutiala, Bamako et des sites d'exploitation aurifère dans le sud
du pays. D'autres vont jusqu'au Sénégal et en Mauritanie, mais ils retournent tous dans la zone à temps
pour la saison des pluies. Un ménage très pauvre typique a un travailleur migrant, comparé à deux dans
un ménage pauvre et quatre dans un ménage moyen. Ils travaillent dans la construction et l'agriculture.
La catégorie « autre » inclut l'argent reçu par les aisés contre la location de matériel agricole aux ménages
des autres groupes de richesse.
Risques
Les différences entre les
années en termes de sécurité
alimentaire sont importantes,
dans la mesure où ce sont les
bonnes années et les années
acceptables qui compensent
les mauvaises.
5
4
3
2
1
0
2000‐1 2001‐2 2002‐3 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9
On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa
sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2
une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année.
On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone.
93
Chroniques
1. Vol de bétail.
2. Paludisme.
3. Insuffisance de pâturage.
Périodiques
1. Pluies insuffisantes/sécheresse. C'est l'un des principaux facteurs de risque de la culture dans le Sahel
et un élément important permettant de déterminer si une année est bonne ou mauvaise en termes de
sécurité alimentaire. Les trois mauvaises années ci-dessus sont classées comme telles, du fait de leur
faible pluviométrie.
2. Chenilles.
3. Maladies du bétail comme la fièvre charbonneuse.
4. Maladie de Newcastle (pendant la saison froide).
5. Inondations (le plus souvent entre juillet et septembre).
6. Feux de brousse (le plus souvent entre janvier et avril).
Stratégies d’adaptation
Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de réduire leurs dépenses de produits non
essentiels et maximiser leur revenu. Toutefois, l'éventail des stratégies ouvertes à un ménage dépend de
ses actifs et de sa richesse. On trouvera ci-dessous une liste des stratégies propres à chaque groupe de
richesse.
Très pauvres et Pauvres

Ceux qui migrent pour trouver du travail restent absents plus longtemps, partant en octobre et ne
revenant qu'en mai-juin.

Ils essaient de compléter leurs revenus par le travail agricole (avril à août) et d'autres types de
travail occasionnel (toute l'année).

Ils essaient d'augmenter leurs ventes d'objet d'artisanat.

Ils essaient d'augmenter leurs ventes de bois et de charbon de bois.

Dans les villages de la zone qui ne pratiquent pas le maraichage, les bras valides de ces groupes
peuvent se rendre dans d'autres villages pour pratiquer le maraichage.
Moyens et Aisés

Ils augmentent leurs ventes de bétail (surtout entre octobre et décembre).

Ils sèment l'arachide plus tôt dans l'année (mai-juin), pour pouvoir la récolter et la vendre plus tôt
que de normale.

Les moyens augmentent leurs revenus avec le travail migrant.

Les aisés complètent leurs revenus grâce aux transferts d'argent (surtout d'octobre à décembre).
94
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 10 : sorgho, mil & coton20
Description de la zone
Cette zone de surplus alimentaire du sud-est du pays est située à un endroit stratégique pour le commerce
au nord vers Mopti, à l'ouest vers Ségou et Bamako et à l'est vers le Burkina Faso. La végétation est
soudano-sahélienne et les sols sont argileux-sableux et généralement fertiles. Il s'agit d'une zone
hautement productive, caractérisée par l'agriculture pluviale et l'élevage sédentaire. Les pluies annuelles
varient entre 700 et 1 100 mm et permettent la culture du sorgho, du mil et du maïs, qui sont les
principales cultures vivrières. Le coton est la principale culture de rente, malgré un déclin au cours des
récentes années, dû à une baisse des rendements et au retard du paiement des cultivateurs de coton par
l'établissement public d'achat, la Compagnie malienne du développement des textiles (CMDT). L'accès
aux intrants onéreux nécessaire à la production cotonnière est fourni par un système de crédit agricole
proposé par la Banque nationale de développement agricole (BNDA). Les emprunts contractés par les
organisations paysannes sont ensuite automatiquement déduits du paiement final du coton versé par la
CMDT. Les autres cultures de rente sont l'arachide et les cultures maraîchères (par exemple les oignons et
les tomates) ainsi que les céréales et le niébé.
L'élevage sédentaire est pratiqué par la majorité des ménages ; ce sont les Peulh présents dans la zone qui
possèdent les plus grands troupeaux. Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres.
Le cheptel parcourt de courtes distances chaque année à l'intérieur de la région de Sikasso et restent
généralement dans la zone ou à proximité d'un bout à l'autre de l'année. Chaque année, pendant la saison
sèche, la zone est le point d'accueil et le corridor des troupeaux transhumants et de leurs gardiens venus
des régions du nord du pays à la recherche de pâturages. La zone compte un nombre élevé de bœufs de
labour, utilisés dans la culture du coton et des céréales. Certains ménages (surtout moyens et aisés) tirent
aussi de l'argent de la vente de moutons d'embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal,
mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et nourris avec des aliments pour bétail. La volaille et
les œufs sont aussi importants.
Les autres caractéristiques incluent le petit commerce et la disponibilité des nourritures sauvages, comme
20
L'information présentée dans ce profil provient principalement du travail de terrain mené par FEWS NET entre
novembre et décembre 2009. Toutefois, une partie des données vient aussi de l'étude de base d’HEA conduite par
Save the Children UK en novembre 2009 à Yorosso, qui se trouve dans cette zone. Cette étude a contribué à
informer toutes les sections de ce profil, en particulier celles portant sur la description de la zone, le calendrier
saisonnier et les facteurs de risque.
95
la noix de karité (Butyrospermum parkii) et le néré (Parkia sp.). Ils sont ramassés et vendus par tous les
ménages de la zone. Le karité peut se vendre sous forme de noix au bien sous forme de beurre. Le coton
est aussi transformé; il existe cinq usines d'égrenage et trois entreprises de fabrication d'huile, notamment
l'Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA) et la Fabrique malienne d'aliment-bétail (FAMAB). Il existe
quelques pressoirs à huile familiaux. Enfin, la zone compte un petit nombre de ruches traditionnelles, qui
se trouvent généralement chez les ménages les plus pauvres.
Marchés
L'accès au marché est généralement bon, mais il peut s'avérer difficile dans certaines régions pendant la
saison des pluies. Les céréales sont exportées dans le nord du Mali, vers les grandes villes et à l'étranger,
par exemple, au Burkina Faso. La période de pic pour les ventes de céréales est après la récolte, de
novembre à mars. Le coton se vend dans les villages à la CMDT, qui collecte la récolte dans des camions
et la paie à une date ultérieure. De manière générale, les marchés se tiennent toutes les semaines. Les
céréales importées dans la zone viennent du Burkina Faso et sont vendues par des négociants locaux.
Les routes commerciales ci-dessous ne sont qu'indicatives (c.-à-d., elles ne sont pas complètes).
Culture
Mil
Bamako, Ségou, Sikasso, Gao, Niger, Burkina Faso
Route commerciale
Sorgho
Bamako, Sikasso, Ségou, Gao, Kidal, Niger, Burkina Faso
Maïs
Bamako, Ségou, Kayes
Type d'animaux d'élevage
exportés
Bovins, moutons, chèvres
Route commerciale
Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sénégal
Volaille
Bamako
96
Calendrier saisonnier21
Sep.
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Principales pluies
Légende :
Préparation des terres
Récolte
Semis
Naissances
En chaleur
Entretien des cultures
Cultures
Sorgho
Millet
Maïs
Nié bé
Cassave
Coton
Arachide
Sé same
Piment
Voandzou
Soja
Riz
Cultures maraîchères
Mangues
Bétail
Vaches (production laitière)
Vaches
Migration du bétail
Embouche
Ventes de bétail
Maladie du bétail
Autre
Achat d'aliments de base
Travail agricole local
Autre travail local
Produits de cueillette
Paiement des frais scolaires
Emprunts/remboursement
Paludisme
Période de soudure
Néré
Noix de karité
Remboursement
Emprunts
Régime des pluies
Sep.
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année agricole dans la
zone. Le moment de l'année le plus difficile pour les ménages, en particulier les plus pauvres, est la
période de soudure qui s'étend de juin à août, qui est la saison des pluies. Le grain récolté l'année
précédente a été épuisé depuis longtemps et les très pauvres et les pauvres achètent des aliments de base
sur les marchés, où les prix sont élevés à cette époque. Ces mois sont marqués par une activité physique
intense, tandis que les ménages les plus pauvres non seulement cultivent leurs terres, mais sont aussi
employés par les moyens et les aisés comme ouvriers agricoles. La préparation des terres pour le semis
consiste à ramasser les tiges et défricher les champs ainsi qu'à transporter et à épandre le fumier
organique. Après quoi les champs sont ensemencés ; la date exacte des semis dépend des pluies. De juin
à août, les ménages plus pauvres recourent à des emprunts en espèces ou en nature pour les aider à tenir
21
Le manioc est une culture de 18 mois.
97
jusqu'à la récolte principale ; ils sont ensuite remboursés plusieurs mois après, entre janvier et mars.
La période de soudure est aussi un moment important pour les ventes de bétail et ceux qui en possèdent
vendent des petits ruminants, en particulier des chèvres. L'argent qu'ils en tirent permet aux moyens et
aux aisés d'acheter des intrants pour la prochaine saison agricole et aux pauvres d'acheter des aliments de
base. Cette possibilité n'est pas offerte aux très pauvres, qui ne possèdent pas de bétail (voir la répartition
des richesses ci-dessous). L'incidence de paludisme est élevée, surtout vers la fin de la période de
soudure ; si l'un des bras valides du ménage est atteint, ceci peut réduire sa capacité à travailler et
imposer des dépenses supplémentaires de médicaments à un moment difficile de l'année. Sous un angle
plus positif, les nourritures sauvages sont disponibles; elles sont ramassées et vendues par les femmes.
La période de soudure prend fin avec la consommation du maïs vert et du niébé en septembre. La
principale récolte de sorgho commence ensuite à partir d'octobre. C'est aussi un moment d'intense
activité physique, mais dans une moindre mesure que durant les mois précédents, du fait que les ménages
peuvent consommer leurs propres récoltes. La période de pic pour les ventes de céréales recouvre les
mois qui suivent la récolte, lorsque le prix est à son plus bas. Les pauvres et les très pauvres sont forcés de
vendre à cette époque pour satisfaire leurs besoins immédiats. Les ménages plus aisés ont les moyens
d'acheter des céréales après la récolte lorsqu'elles sont bon marché, de les stocker et de les revendre plus
tard lorsque les prix ont monté.
Le travail migrant n'est pas typique de la zone, bien que certains jeunes aillent dans les centres urbains
(par ex., Kouiala) après la récolte pour trouver du travail. Les garçons tendent à être porteurs (ils
transportent des marchandises avec des pousse-pousse), tandis que les filles font des travaux ménagers.
Ils retournent à temps pour la saison des pluies.
Répartition de richesse
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille des
ménages
Surface
cultivée
Animaux d'élevage
Autres actifs
Très
pauvres
4-5
1-2 ha
1-3 volailles
Aucun
Pauvres
8-10
4-6 ha
1-2 bovins, 4-5 chèvres, 4-5
moutons, 5-10 volailles, 1 âne
1 charrue
Moyens
15-20
15-20 ha
6-10 bovins, 10-15 chèvres,
10-15 moutons, 20-30
volailles, 1-2 ânes
2 charrues, 1 charrette, 1
semoir, 1 multiculteur
Aisés
25-35
30-40 ha
40-60 bovins, 20-30 chèvres,
4 charrues, 2 charrettes, 2
20-30 moutons, 40-80
semoirs, 2 multiculteurs
volailles, 3-4 ânes
0%
20%
40%
% des ménages
60%
Le tableau de la répartition de richesse ci-dessus montre que la moitié de l'ensemble des ménages relève
des catégories « moyens » et « aisés ». Cependant, en termes de population absolue, plus de soixante-dix
pour cent des habitants font partie des deux groupes les plus aisés, du fait de la plus grande taille de leurs
ménages. En termes de population, les très pauvres représentent un petit groupe vivant dans une
pauvreté extrême.
Dans une zone dominée par la production agricole, la surface cultivée par un ménage donné est un
98
indicateur de richesse essentiel. À cet égard, il est significatif que les aisés cultivent près de trois fois et
demie plus de terres par habitant que les très pauvres. La capacité à le faire dépend de plusieurs facteurs.
Le ménage doit avoir accès à une main-d'œuvre suffisante pour cultiver la terre ; les ménages moyens et
aisés ont plus de bras valides que leurs voisins plus pauvres, ainsi que les moyens d'embaucher comme
ouvriers les membres des autres ménages. Les ménages doivent aussi avoir accès à du matériel agricole,
comme des charrues, des bœufs de labour et des semoirs. Les bœufs de labour sont particulièrement
importants dans les régions cotonnières, dans la mesure où il s'agit d'une culture à forte intensité de main
d'œuvre. Ceux-ci sont possédés en nombres différents par les pauvres (1-2), les moyens (4-6) et les aisés
(8-10) : ces chiffres sont inclus ci-dessus dans le nombre de bovins possédés. Les très pauvres empruntent
leurs bœufs de labour auprès des autres ménages ; ce prêt est souvent gratuit, mais ils doivent attendre
jusqu'à ce que les autres ménages aient terminé avant de pouvoir cultiver leurs propres terres. Enfin, les
ménages plus aisés sont en mesure de consacrer proportionnellement une plus grande partie de leurs
terres aux cultures de rente que les très pauvres et les pauvres et ont aussi meilleur accès aux intrants
agricoles, comme les engrais. Compte tenu de leurs avantages importants, il n'est pas surprenant que les
moyens et les aisés non seulement cultivent plus de terre que les ménages les plus pauvres, ils obtiennent
aussi des rendements supérieurs par hectare.
Le bétail est un indicateur/déterminant de richesse important ; on notera, par exemple, la grande
différence entre le nombre de bovins des moyens et celui des aisés. Toutefois, les ventes de bétail sont
beaucoup moins significatives dans cette zone que dans de nombreuses zones plus au nord. Ici, on vend
du bétail pour satisfaire des besoins spécifiques, comme payer des dépenses de santé, les frais de scolarité,
les fêtes ou pour acheter des intrants agricoles. Sans épargne de bétail, les ménages peuvent être
contraints de recourir à l'emprunt pour satisfaire des besoins particuliers. Les informateurs ont affirmé
que le montant élevé des emprunts contracté contribue à la pauvreté de la zone.
Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école,
mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les
enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire
de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés
reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus.
Sources de nourriture
Les moyens et les aisés
sont
essentiellement
autonomes pour ce qui est
des céréales. De manière
générale,
les
aisés
n'achètent pas de céréales,
dans la mesure où ils
produisent
suffisamment
tant en termes de quantité
que de variété sur leurs
propres terres. Le groupe
moyen
pourrait
vivre
entièrement sur sa propre
production,
s'il
la
consommait intégralement.
100%
90%
Prêts et dons en nature
Achats
80%
70%
60%
50%
Paiement en nature
40%
30%
Production agricole
20%
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Cependant, les moyens vendent une bonne partie de leur récolte, puis utilise l'argent pour faire quelques
achats sur le marché.
Par contraste, les pauvres et les très pauvres sont beaucoup plus tributaires du marché, surtout les très
99
pauvres qui consomment leur récolte pendant trois mois seulement et s'appuient sur le marché pour la
plus grande partie du restant. La situation des pauvres est plus sûre, dans la mesure où leur propre
récolte dure deux fois plus longtemps (six mois). Ces deux groupes cultivent suffisamment de nourriture
pour pouvoir compter sur leur propre récolte pendant plus longtemps ; cependant, ils sont forcés de
vendre une partie de leurs céréales directement après la récolte pour rembourser leurs dettes et pour
satisfaire leurs besoins immédiats (par ex., le paiement des frais de scolarité). Les ménages les plus
pauvres reçoivent aussi une partie de leurs besoins alimentaires annuels de paiements en nature, qu'ils
obtiennent en travaillant sur les terres des moyens et des aisés.
Le lait ne contribue aux besoins alimentaires annuels des ménages dans aucun des quatre groupes. Il est
donné aux gardiens de troupeaux comme forme de paiement pour mener les bêtes. La consommation de
lait ne fait pas partie des habitudes alimentaires des ménages de cette zone.
Sources de revenus
100%
Auto‐emploi
90%
80%
Petit commerce/co
mmerce
70%
60%
Travail agricole local
50%
40%
30%
Vente de bétail
20%
10%
Vente de la production agricole
0%
Très Pauvre Pauvre
Moyen
Aisé
Les ventes de récoltes sont la source de revenus la plus importante pour tous les groupes à l'exception des
très pauvres. Les ventes de cultures de rente contribuent le plus à cette catégorie (près de la moitié du
revenu total pour les moyens et les aisés). Pour les groupes plus aisés, c'est surtout le coton ; son prix est
fixé à l'avance, ce qui permet aux ménages de planifier facilement, en termes de leur budget familial.
Pour les ménages les plus pauvres, d'autres cultures de rente, comme l'arachide, sont considérablement
plus importantes que le coton. Les ventes de céréales représentent la deuxième plus grande portion de
cette catégorie, suivies par les cultures maraîchères. Les très pauvres sont tributaires du travail agricole
pour la majorité de leur revenu (presque la moitié). Comme on l'a vu dans la section sur la répartition
des richesses ci-dessus, les ménages de ce groupe ont des moyens très limités d'investir dans la
production agricole. C'est le seul groupe de richesse, par exemple, à ne pas produire généralement de
cultures maraîchères. (Dans cette zone le revenu provenant d’autre travail local, comme la construction,
a été inclus dans la catégorie « travail agricole local ».)
Les ventes de bétail contribuent au revenu monétaire de tous les groupes de richesse. Les très pauvres ont
uniquement les moyens de vendre de la volaille, tandis que les pauvres peuvent vendre un petit nombre
de chèvres ou de moutons. Cependant, du fait de la petite taille de leurs troupeaux, les pauvres sont
souvent forcés de vendre leurs bêtes lorsqu'elles sont plus jeunes et reçoivent donc moins par animal
vendu que les moyens et les aisés. Le prix des moutons est élevé autour de la fête de Tabaski.
L’auto-emploi recouvre des activités telles que les ventes de produits de cueillette (par ex., noix de karité,
beurre de karité et néré). C'est surtout une activité de femmes et qu'elles pratiquent dans tous les
ménages. Le petit commerce inclut l'achat et la revente de céréales et de produits comme les savonnettes,
le thé et les allumettes.
100
Risques
On a demandé aux personnes
interrogées
de
classer
chacune des neuf dernières
années en fonction de sa
sécurité alimentaire relative :
1 représentait une très
mauvaise année en termes de
sécurité alimentaire, 2 une
mauvaise année, 3 une année
acceptable, 4 une bonne
année et 5 une excellente
année.
5
4
3
2
1
0
2000‐1 2001‐2 2002‐3 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9
Il est intéressant qu'à l'exception des deux plus récentes, toutes les années aient été bonnes en termes de
sécurité alimentaire. Le risque climatique est bien moindre ici que plus au nord.
On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone. Compte tenu de
l'importance du coton, tout ce qui peut avoir un impact négatif sur la récolte du coton est préjudiciable
non seulement aux moyens et aux aisés, mais aussi aux très pauvres et aux pauvres qui sont employés
pour travailler dans leurs champs.
Cultures
1. Insectes et ravageurs des cultures (par ex., termites, chenilles, sauterelles, cantharides).
2. Retard de paiement du coton par la CMDT. Il s'agit d'un gros problème.
3. Retard des prévisions des services gouvernementaux concernant les intrants agricoles (semences et
engrais). Mauvaise qualité des intrants agricoles (par ex., semences).
4. Insuffisances des pluies/pauses dans les pluies à des moments critiques. La faiblesse des pluies signifie
parfois que les fermiers doivent réensemencer leurs cultures.
5. Oiseaux granivores.
6. Points d'eau asséchés plut tôt qu’en temps normal, ce qui a un impact négatif sur le maraichage.
7. Striga.
8. Destruction de cultures par des animaux égarés (par exemple, des troupeaux des Peulh) et animaux
sauvages.
101
Bétail
1. Manque de pâturages en avril-mai.
2. Maladies du bétail (par ex., la fièvre charbonneuse, la trypanosomose, la pasteurellose et la fièvre
aphteuse) ainsi que les grippes aviaires.
3. Prix élevé des intrants, par exemple, fourrage et produits vétérinaires.
4. Insuffisance du nombre des points d'eau
5. Vol de petits ruminants.
Autre
1. Paludisme (septembre-novembre)
2. Caution solidaire pour le coton. (Les associations paysannes assurent la responsabilité du crédit
agricole octroyé à chaque exploitant et doivent donc rembourser le crédit des producteurs insolvables.
Tous les adhérents de l’association doivent prendre ce coût à leurs charges.)
Stratégies d’adaptation
Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de réduire leurs dépenses de produits non
essentiels et maximiser leur revenu. Toutefois, l'éventail des ripostes ouvertes à un ménage dépend de ses
actifs et de sa richesse, ainsi que du moment où survient ce facteur de risque. On trouvera ci-dessous une
liste des stratégies propres à chaque groupe de richesse.
Très pauvres et Pauvres
 Ils essaient de compléter leur revenu par le travail agricole et les travaux ménagers (d'avril à août
et de décembre à avril).
 Ils migrent pour trouver du travail, ce qu'ils ne font pas pendant une année normale (par ex., vers
Niono ou la Côte d’Ivoire).
 Ils cherchent du travail de gardiens de troupeaux.
 Ils peuvent recourir aux banques de céréales ou au crédit.
Moyens et Aisés
 Ils augmentent leurs ventes de céréales et peuvent vendre des stocks (avril-mai).
 Ils augmentent leurs ventes de bétail, en particulier de moutons et de chèvres (d'avril à juin).
 Ils peuvent recourir aux banques de céréales ou au crédit et aux emprunts.
102
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 11 : Sud maïs, coton & fruits22
Description de la zone
Cette zone extrêmement productive est située dans le sud du pays et partage une frontière avec la Guinée,
la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Elle se caractérise principalement par l'agriculture pluviale, l'élevage
sédentaire et l'exploitation des ressources naturelles forestières. La végétation est soudano-sahélienne et le
relief est surtout plat. La zone est arrosée par des cours d'eau, tant permanents que saisonniers, et les sols
y sont argileux, limoneux et latéritiques, et sont généralement fertiles. Elle abrite la capitale, Bamako, qui
a une économie urbaine distincte. La demande de la ville a aussi créé une zone périurbaine, où la plus
grande source de revenus est la vente de cultures maraîchères. Une étude de terrain n'a été exécutée pour
aucune de ces zones.
Les précipitations annuelles varient entre 1 000 et 1 300 mm et permettent la culture du maïs, du sorgho
et du mil, qui sont les principales cultures vivrières. Le maïs est plus répandu dans le sud de la zone, le
sorgho et le mil dans le nord. Le coton est la principale culture de rente, malgré un déclin au cours des
récentes années, dû à une baisse des rendements et au retard du paiement des cultivateurs de coton par
l'établissement public d'achat, la Compagnie malienne du développement des textiles (CMDT). La
production cotonnière est surtout limitée aux ménages moyens et aisés. La deuxième culture de rente en
importance est le maïs, qui prend de plus en plus d'importance avec le déclin du coton. La zone fournit
du maïs au reste du pays ; il est souvent associé avec le niébé. Les autres cultures de rente incluent
l'arachide, la patate douce, le sésame, le pois de senteur, ainsi que des cultures maraîchères comme la
pomme de terre, la laitue, la tomate, l'okra et le chou. Le maraichage n'est pas typique pour les très
pauvres et est surtout rentable autour des villes comme Sikasso. Les coopératives maraîchères peuvent
contribuer à financer cette activité parmi les pauvres. Le riz (de plus en plus important pour les trois
groupes plus aisés), le fonio et l'igname sont aussi cultivés (bien que l'igname ne soit pas commercialisée
en général ; c'est l'igname de Côte d’Ivoire qu'on trouve sur les marchés). Les fruits (mangue, orange,
banane, papaye, anacarde, etc.) se vendent et sont commercialisés dans tout le pays et à l'étranger. La
gamme des produits cultivés est très diverse dans la zone, plus que dans la zone 10, par exemple.
L'élevage sédentaire est pratiqué par la majorité des ménages. Les principales espèces sont les bovins, les
moutons et les chèvres. Il y a une migration saisonnière du bétail vers la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et
le Ghana. La zone est aussi une région de pâture saisonnière pour le bétail des zones plus au nord du
pays.
22
L'information présentée dans ce profil provient principalement du travail de terrain mené par FEWS NET entre
novembre et décembre 2009. Toutefois, une partie des données vient aussi de l'étude de base d’HEA conduite par
Save the Children UK en novembre 2009 à Yorosso, qui se trouve dans cette zone. Cette étude a aussi contribué
à informer toutes les sections de ce profil.
103
Les produits de cueillette sont disponibles dans les forêts et sont vendues par les femmes; il s'agit
principalement de la noix de karité (Butyrospermum parkii) et du néré (Parkia sp.). Le bois et dans une
moindre mesure le miel se vendent aussi. L'arboriculture est en progression. Traditionnellement, la zone
entretient des liens étroits avec la Côte d’Ivoire, qui était une des destinations des travailleurs migrants ;
depuis la crise qui a frappé la Côte d’Ivoire en 2002, la migration vers ce pays a diminué. La migration se
fait maintenant vers les villes et les sites d'exploitation aurifère.
Marchés
L'accès au marché est généralement bon, sauf pendant la saison des pluies où certaines régions peuvent se
retrouver isolées et où les camions s'embourbent facilement sur les routes. Les routes peuvent aussi être
bloquées par les cours d'eau saisonniers. Le coton se vend dans les villages à la CMDT, qui collecte la
récolte dans des camions et la paie à une date ultérieure. Si le maïs est importé dans la zone, il vient de
Côte d’Ivoire. Les routes commerciales ci-dessous ne sont qu'indicatives (c.-à-d., elles ne sont pas
complètes).
Culture
Maïs
Route commerciale
Bamako Kayes Sénégal
Tubercules (pomme de terre, Marchés locauxBamako, Ségou, Gao, Kidal, Sénégal
igname, etc.)
Fruits (mangue, orange, etc.) Marchés locauxBamako, Mopti, Ségou, Gao, Kidal,
Tombouctou, Burkina Faso, Sénégal, Côte d’Ivoire, Europe
Type d'animaux d'élevage
exportés
Bovins
Route commerciale
Moutons, chèvres
Sénégal
Volaille
Bamako
Côte d’Ivoire, Sénégal
104
Calendrier saisonnier
Sep.
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Principales pluies
Récolte
Ventes
Préparation des terres
Légende :
Semis
En chaleur
Naissances
Désherbage
Cultures
Maïs
Millet/sorgho
Niébé
Coton
Arachide
Sé same
Patate douce
Cultures maraîchères
Mangue
Bétail
Vaches (production laitière)
Ventes de bétail
Migration du bétail
Maladies du bétail
Autre
Achat d'aliments de base
Travail agricole local
Autre travail local
Produits de cueillette
Travail migrant
Paiement des frais scolaires
Emprunts/remboursement
Paludisme
Période de soudure
Karité
Néré
Noix de karité
Remboursement
Emprunts
Régime des pluies
Sep.
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Le calendrier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année agricole dans la zone. Le
moment le plus difficile de l'année pour les ménages, particulièrement les plus pauvres, survient pendant
la saison des pluies, alors que la récolte de l'année précédente est épuisée et que les pauvres et les très
pauvres achètent leurs aliments de base sur le marché, où les prix sont élevés. Ces mois sont marqués par
une activité physique intense, les ménages préparant, semant et désherbant leurs cultures ; les pauvres et
les très pauvres travaillent dans leurs champs et sont payés pour travailler dans ceux des moyens et des
aisés. De manière générale, ils sont forcés de travailler d'abord pour les ménages plus aisés, avant de se
consacrer à leurs propres terres ; ce qui veut dire qu'ils sèment plus tard, désherbent moins et obtiennent
donc de moins bons rendements. De surcroît, cette époque est marquée par une incidence élevée de
paludisme ; si celui-ci atteint un des bras valides du ménage, sa capacité à travailler s'en trouve réduite et
il doit engager des dépenses supplémentaires en médicaments. Les ménages les plus pauvres recourent
couramment à l'emprunt à cette époque pour tenir jusqu'à la fin de la période de soudure ; ils les
remboursent entre janvier et mars. La production laitière est à son maximum pendant la saison des
pluies, mais les très pauvres et les pauvres n'en profitent pas, du fait qu'ils ne possèdent pas de bovins.
Cependant, la noix de karité peut être récoltée et vendue par les femmes, ce qui procure un certain
revenu.
105
La période de soudure prend fin avec la consommation du maïs vert et du niébé en septembre. La
principale récolte de maïs commence ensuite en octobre. Tandis que les pauvres et les très pauvres sont
forcés de vendre des céréales pour satisfaire leurs besoins immédiats juste après la récolte lorsque les prix
sont bas, les moyens et les aisés sont en mesure d'attendre jusqu'aux mois de juillet et d'août lorsque les
prix du marché sont hauts. Les frais de scolarité se paient à un moment donné entre octobre et janvier.
D'octobre à mai a aussi lieu un certain travail migrant.
Répartition des richesses
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille des
ménages
Surface
cultivée
Animaux d'élevage
Autres actifs
Très
pauvres
3-5
1,5-2,5 ha
8-12 volailles
Aucun
Pauvres
9-11
4-6 ha
4-6 chèvres, 25-35 volailles
1 charrue
Moyens
14-16
7-9 ha
9-11 bovins, 9-11 chèvres, 2­
4 moutons, 35-45 volailles, 2
ânes
2 charrues, 1 charrette, 1
multiculteur, 1 semoir, 2
appareils de traitement
Aisés
18-22
% des ménages
0%
20%
40%
18-22 bovins, 9-11 chèvres, 5- 4 charrues, 2 charrettes, 2
14-16 ha 7 moutons, 45-55 volailles, 3 multiculteurs, 2 semoirs, 2
ânes
appareils de traitement
60%
Les moyens constituent de loin le plus grand groupe, avec soixante pour cent de l'ensemble des ménages
et près de soixante-dix pour cent du total de la population (si l'on tient compte de la plus grande taille des
ménages de ce groupe). Les très pauvres ne représentent qu'un petit pourcentage de la population et
vivent dans une extrême pauvreté.
Dans une zone essentiellement agricole, la capacité à cultiver est l'indicateur/le déterminant de richesse
le plus important. Ceci dépend de plusieurs facteurs. Dans cette zone, l'accès à la terre n'est pas un facteur
limitatif. Le plus important est l'accès à la main-d'œuvre et aux intrants agricoles et la possession d'actifs
productifs. En termes de main-d'œuvre, les moyens et les aisés ont non seulement plus de bras valides
que les autres groupes, ils ont aussi les moyens d'embaucher comme ouvriers les membres des autres
ménages. En outre, ce sont les moyens et les aisés qui sont le plus à même d'acheter des intrants
agricoles, comme des engrais et des pesticides. Leur bétail leur fournit du fumier organique et ils
possèdent leurs propres charrettes (ainsi que des ânes et des bœufs pour les tirer) avec lesquelles ils
transportent ce fumier jusqu'aux champs. Les ménages les plus pauvres n'utilisent pas de fumier, parce
qu'ils ne possèdent ni le bétail ni les moyens de le transporter. Les deux groupes les plus aisés possèdent
aussi du matériel agricole, comme des charrues, des bœufs de labour et des semoirs. Les bœufs de labour
sont particulièrement importants dans les régions cotonnières, dans la mesure où il s'agit d'une culture à
forte intensité de main-d’œuvre. Les moyens en possèdent quatre, les aisés dix ; ils sont inclus ci-dessus
dans les chiffres des bovins possédés. Les bœufs de labour de la zone sont de race « N’Dama », qui est
résistante à la trypanosomose. Typiquement, les ménages pauvres possèdent une charrue, mais pas de
bœufs, tandis que les très pauvres n'ont pas de matériel, sauf peut-être la houe traditionnelle, la « daba ».
Les groupes les plus pauvres peuvent emprunter du matériel auprès des moyens et des aisés et travaillent
dans leurs champs en échange. Enfin, les ménages plus aisés sont en mesure de consacrer
proportionnellement une plus grande partie de leurs terres aux cultures de rente que les très pauvres et les
pauvres. Compte tenu de leurs avantages importants, il n'est pas surprenant que les moyens et les aisés
106
non seulement cultivent plus de terre que les ménages les plus pauvres, ils obtiennent aussi des
rendements supérieurs par hectare.
Le bétail est aussi un indicateur/déterminant de richesse important, en particulier les bovins, que seuls les
moyens et les aisés possèdent. Les très pauvres ne possèdent qu'un petit nombre de volailles.
Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école,
mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les
enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire
de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés
reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus.
Sources de nourriture
100%
90%
Lait
80%
70%
Prêts et dons en nature
60%
Achats
50%
40%
Paiement en nature
30%
Production agricole
20%
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Tous les groupes, à l'exception des très pauvres, tirent la majorité de leurs besoins alimentaires annuels
de leurs propres récoltes. La récolte des très pauvres est épuisée après trois mois seulement, après quoi ils
sont principalement tributaires du marché pour leur nourriture, bien que la contribution des prêts et des
dons en nature soit aussi particulièrement importante. La récolte des pauvres dure deux fois plus
longtemps (six mois) ; ils sont néanmoins largement tributaires du marché, mais dans une moindre
mesure que les très pauvres. Ces deux groupes reçoivent une partie de leurs besoins alimentaires annuels
de paiements en nature, qu'ils obtiennent en travaillant sur les terres des moyens et des aisés.
Les moyens et les aisés sont essentiellement autonomes. Ils produisent suffisamment tant en quantité
qu'en variété pour s'appuyer entièrement sur leurs propres récoltes. Grâce à ses récoltes, par exemple, un
ménage moyen ou aisé peut consommer du sorgho, du maïs, du mil, du fonio, du riz, des tubercules, du
niébé et de l'arachide.
Le lait ne contribue pas aux besoins alimentaires des très pauvres et des pauvres, ce qui n'est pas
surprenant dans la mesure où ils n'ont pas de bovins. Il contribue seulement de manière minimale au
régime des moyens et des aisés et se consomme surtout pendant la saison des pluies. La consommation
de lait ne fait pas partie des habitudes alimentaires des ménages de cette zone.
Enfin, le graphique ci-dessus couvre exclusivement les céréales, les légumineuses, les tubercules et le lait,
dans la mesure où ceux-ci constituent la vaste majorité des aliments consommés. Toutefois, on trouve
aussi des produits de cueillette (par ex., noix de karité et néré) dans la zone qui peuvent représenter une
partie des besoins alimentaires des ménages.
107
Sources de revenus
100%
Auto‐emploi
90%
80%
Petit commerce/com
merce
Travail agricole local
70%
60%
50%
Vente de bétail
40%
30%
Vente des fruits
20%
Vente de la production agricole
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
La différence dans les structures de revenus entre les deux groupes plus aisés et les deux groupes moins
aisés est frappante. Les moyens et les aisés tirent environ quatre-vingts pour cent de leurs revenus des
ventes de récoltes. Elles incluent les céréales, les cultures de rente (coton, arachide, etc.) et les cultures
maraîchères. Le prix du coton est fixé à l'avance, ce qui permet aux ménages de planifier facilement, en
termes de leur budget familial. Si on inclut la vente de fruits, près de quatre-vingt-dix pour cent des
revenus des moyens et des aisés proviennent de leur propre production. Par contraste, les très pauvres et
les pauvres tirent la majorité de leurs revenus de l’auto-emploi, qui consiste en la vente de bois, de
charbon de bois et de nourritures sauvages. De surcroît, ils travaillent sur les terres des moyens et des
aisés. La contribution des ventes de récoltes est relativement faible et, il faut le noter, elle n'inclut pas le
coton, dont la culture est limitée aux moyens et aux aisés.
Le petit commerce met en jeu l'achat et la revente de céréales ainsi que la vente de produits comme le
thé, les allumettes et les savonnettes. Le travail migrant était autrefois une importante source de revenus
dans la zone, mais elle a nettement baissé depuis la crise qui a frappé la Côte d’Ivoire en 2002.
Risques
On a demandé aux personnes
interrogées
de
classer
chacune des six dernières
années en fonction de sa
sécurité alimentaire relative :
1 représentait une très
mauvaise année en termes de
sécurité alimentaire, 2 une
mauvaise année, 3 une année
acceptable, 4 une bonne
année et 5 une excellente
année.
5
4
3
2
1
0
2003‐4
2004‐5
2005‐6
2006‐7
2007‐8
2008‐9
108
Bien que cet exercice soit plutôt subjectif, il est intéressant que les informateurs perçoivent les années
comme étant relativement égales, par contraste avec les pics et les creux présents sur des graphiques
similaires pour de nombreuses zones du nord où la pluviosité est moins fiable.
On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone.
Culture
1. Pluies tardives/absence de pluies pendant les semis/pluies mal distribuées aussi bien en termes de
temps que de géographie. La faiblesse des pluies signifie parfois que les fermiers doivent réensemencer
leurs cultures.
2. Prix élevé des intrants agricoles (surtout pour le coton).
3. Oiseaux granivores (surtout pour le mil).
4. Maladie/mort des bœufs de labour.
5. Animaux sauvages causant des dégâts aux cultures.
6. Maladies du coton/nuisibles des céréales (par ex., foreur des tiges).
7. Vers causant des dégâts aux fruits
8. Mauvaise qualité des semences.
Bétail
1. Maladie du bétail (par ex., la trypanosomose, la pasteurellose) ainsi que grippes aviaires.
2. Manque de pâturages pour les troupeaux et difficulté à les abreuver.
3. Difficulté à abreuver les troupeaux.
Autre
1. Paludisme.
2. Fermeture des frontières pour la migration vers la Côte d’Ivoire.
Stratégies d’adaptation
Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de réduire leurs dépenses de produits non
essentiels et maximiser leur revenu. Toutefois, l'éventail des ripostes ouvertes à un ménage dépend de ses
actifs et de sa richesse, ainsi que du moment où survient ce facteur de risque. Cependant, tous les
ménages migrent pour trouver du travail vers les centres urbains et la Côte d’Ivoire (de novembre à mai).
Ils cultivent aussi plus de sorgho et de mil, au lieu du maïs qui exige plus d'engrais. On trouvera ci­
dessous une liste des stratégies propres à chaque groupe de richesse. Il convient de noter qu'il s'agit d'une
zone en état de sécurité alimentaire et qu'il n'y a pas beaucoup de mauvaises années en termes de sécurité
alimentaire.
109
Très pauvres et Pauvres

Ils augmentent leurs ventes de bétail s'ils le peuvent (pendant la saison des pluies et la période de
soudure).

Ils peuvent s'appuyer davantage sur les dons ou s'endetter.

Ils utilisent des cultures à cycle court afin d’assurer une récolte précoce.
Moyens et Aisés

Ils augmentent leurs ventes de bétail notamment de bovins (mai-juin).

Pendant les mauvaises années, certains ménages peuvent se voir forcés de vendre leurs actifs
productifs (par ex., charrues, bœufs de labour).

S'il y a un manque d'engrais, les ménages s'appuient davantage sur le fumier organique/les fosses
à compost.
110
Profils de moyens d’existence au Mali
Zone 12 : Sud-ouest maïs, sorgho & fruits
Description de la zone
Cette zone relativement riche est divisée en trois régions au sud du pays. Avec une pluviosité annuelle
variant de 1 000 à 1 300 mm, elle se caractérise principalement par l'agriculture pluviale, l’arboriculture
(des arbres fruitiers) et l'élevage sédentaire. La zone est humide et modérément peuplée, avec des sols
sablo-argileux et graveleux relativement fertiles. Elle est parcourue de nombreux cours d'eau (notamment
le Baoulé et le Sankarani) et on y trouve des « bas-fonds », dépressions localisées qui conservent leur
humidité pendant la saison sèche. La végétation est Soudanienne. La topographie est un mélange de
plaines et de collines.
Les principales cultures vivrières sont le maïs, le sorgho et le riz (cultivé généralement par les femmes
dans les bas-fonds).23 Les habitants de cette zone ne consomment pas beaucoup le mil. Le maïs, le coton,
l'arachide et « le dah » (Dahlia arborea) sont les principales cultures de rente. Le coton est acheté soit
directement soit indirectement par la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT).
Le paiement du coton aux fermiers s'effectue régulièrement avec du retard, ce qui peut avoir un impact
négatif sur la gestion par les ménages de leurs ressources (voir les sources de revenus ci-dessous). Les
investissements nécessaires dans la production cotonnière signifient que ce sont surtout les ménages plus
aisés qui les réalisent. L'arachide n'est pas si exclusive, tandis que la pomme de terre, qui demande
beaucoup de travail, est typiquement cultivée par les ménages plus pauvres. La culture de l'igname est
progressivement abandonnée, parce que la méthode de culture avec la « daba » traditionnelle, une sorte
de houe, exige une forte intensité de travail.
L’arboriculture est pratiquée par les ménages plus aisés et les fruits sont un produit caractéristique de la
zone. Il existe des usines de fabrication de jus et de conditionnement des fruits pour l’exportation en
Europe; d'autres sont en construction. Les fruits principaux sont la mangue, l'orange, la banane, le citron
et l'anacarde. Les cultures maraîchères, comme la tomate, l'okra, l'échalote, la laitue et l'aubergine, sont
typiquement produites par les très pauvres et les pauvres, bien que dans certaines régions jardiner soit
impossible du fait de la difficulté d'irriguer les cultures. Cette activité est dominée par les femmes.
Il y a des pâturages dans la zone pendant toute l'année, ce qui permet l'élevage sédentaire. Les principales
espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres. La disponibilité du pâturage signifie que la zone
23
Le riz est plus répandu dans la partie centrale de la zone, tandis que le maïs est plus répandu dans la partie le
plus au sud-est.
111
accueille chaque année des transhumants, qui restent de décembre à mai. Pendant leur séjour dans la
zone, les transhumants vendent du lait et du bétail pour gagner de l'argent et satisfaire leurs besoins
alimentaires et d'autres besoins.
L'exploitation aurifère est une autre caractéristique de cette zone et constitue une source de revenus pour
les ménages les plus pauvres, qui utilisent des méthodes traditionnelles pour prospecter l'or. Dans
certaines régions (par ex., Kadiolo), l'exploitation minière est concentrée sur certains sites et attire des
personnes de différentes régions, notamment des Burkinabés. Dans d'autres régions (par ex., Yanfolila),
les activités minières ne se limitent pas à des sites centraux et sont plus dispersées, par exemple le long des
cours d'eau qui arrosent la zone. Les informateurs clés ont déclaré que l'extraction de l'or peut être une
distraction peu rentable par rapport à d'autres activités (par ex., agricoles) qui ont plus de chances d'être
rémunératrices. Il existe aussi des sites aurifères qui sont exploités commercialement par de grandes
entreprises.
Les ressources forestières de la zone sont importantes, bien que ce soit généralement des entreprises
extérieures aux villages qui profitent du bois (même si certains villageois puissent être embauchés pour
l'abattage des arbres). Les produits de cueillette incluent le karité, le zaban (Saba senegalensis), le néré et le
tamarin ; leur vente est une importante source de revenus pour les pauvres et les très pauvres. La chasse
se pratique, mais seulement de manière limitée.
Comme c'est le cas pour de nombreuses zones rurales, la solidarité entre les ménages plus aisés et les
ménages plus pauvres est importante. On doit noter, par exemple que les ménages moyens et aisés
peuvent aider leurs voisins plus pauvres avec certaines dépenses, telles que médicales et d'enterrement.
Pendant une année normale, les ménages ne migrent généralement pas pour chercher du travail. La pêche
est une autre activité et certains pêcheurs Bozos sont présents.
Marchés
Dans cette zone, l'accès au marché est généralement bon, mais il peut s'avérer difficile dans certaines
régions pendant la saison des pluies. Les routes commerciales ci-dessous ne sont qu'indicatives (c.-à-d.,
elles ne sont pas complètes).
Culture
Fruits
Route commerciale
Sénégal, Europe, Bamako
Kayes
Kédougou Sénégal
Maïs
Marchés locaux, Bougouni
Sorgho
Kayes Sénégal
Arachide
Kayes,Kénieba Sénégal
Riz
Marchés locauxBamako
Type d'animaux d'élevage
exportés
Bovins, moutons, chèvres
Route commerciale
Volaille
Marchés locauxBamako
Marchés locauxBamako/Côte d’Ivoire
Kénieba Sénégal Guinée
112
Principales céréales
importées dans la zone
Maïs
Route commerciale
Sorgho
Kayes Kéniébamarchés locaux
Riz
Kayes Kéniébamarchés locaux
Sénégal  Kéniébamarchés locaux
Côte d’Ivoire marchés locaux
Calendrier saisonnier
Sep.
Oct.
Nov
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Principales pluies
Récolte
Ventes
Préparation des terres
Légende :
Semis
En chaleur
Naissances
Désherbage
Cultures
Maïs
Sorgho
Riz
Coton
Arachide
Igname
Maraichage
Mangue
Bétail
Vaches (production laitière)
Autre
Achat d'aliments de base
Travail agricole local
Emprunts/remboursement
Produits de cueillette
Paludisme
Période de soudure
Emprunts
Remboursement
Anacardes
Noix de karité
Régime des pluies
Sep.
Oct.
Nov.
Déc.
Jan.
Fév.
Mars
Avr.
Mai
Juin
Jui.
Août
Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année agricole dans la
zone 12. La période de soudure touche principalement les très pauvres et les pauvres et survient en juillet­
août. Ce sont les mois des plus forts achats d’aliments de base. C'est aussi l'époque de forte incidence du
paludisme et de dur labeur, les champs devant être ensemencés et désherbés. Les ménages les plus
pauvres travaillent tant dans leurs champs que dans ceux des moyens et des aisés. La production laitière
est à son maximum à partir de juin environ, mais les ménages pauvres et très pauvres n'en profitent pas
(voir la section sur les sources de nourriture). Toutefois, la noix de karité est de saison en juin-juillet et
peut être ramassée et vendue par les pauvres et les très pauvres.
La période de soudure prend fin et l'année de consommation commence en septembre lorsque le premier
maïs est récolté. La plupart des autres cultures sont récoltées à cette époque, ce qui contribue à sa forte
113
intensité de main-d'œuvre, particulièrement pour les pauvres et les très pauvres. La mangue se récolte
entre avril et juillet. Les moyens et les aisés vendent souvent leur bétail autour des mois de mai et juin
pour gagner de l'argent en vue d'investir dans les céréales et la production des cultures de rente pendant la
nouvelle saison agricole. Les pauvres et les très pauvres tendent à vendre leurs bêtes à partir de juillet­
août pendant la période de soudure, mais les très pauvres ne possédant que des volailles, ces derniers n'en
tirent qu'un revenu très limité.
Répartition de richesse
Caractéristiques des groupes de richesse
Taille des
ménages
Surface
cultivée
Animaux d'élevage
Autres actifs
Très
pauvres
3-5
1,5-2,5 ha
5 volailles
Aucun
Pauvres
5-7
3-5 ha
1-3 chèvres, 10 volailles
1 charrue
Moyens
9-11
9-11 bovins, 7-9 chèvres, 5­
1 charrue, 1 semeuse, 1
10-12 ha 7 moutons, 25-35 volailles,
multiculteur, 2 appareils de
2 ânes
traitement, 1 charrette, vergers
14-16
30-40 bovins, 7-9 chèvres,
18-20 ha
9-11 moutons, 55-65
volailles, 3 ânes
Aisés
0%
4 charrues, 2 semeuses, 2
multiculteurs, 2 appareils de
traitement, 2 charrettes,
vergers
20% 40% 60%
% des ménages
La moitié de l'ensemble des ménages appartient au groupe moyen. Aux extrêmes, seuls dix pour cent des
ménages sont très pauvres et dix pour cent aisés. Cependant, en termes de population, on compte un plus
grand nombre d'aisés que de très pauvres, du fait de la différence dans la taille des ménages entre ces
groupes. En fait, les très pauvres représentent seulement cinq pour cent environ de la population, ce qui
laisse à penser qu'il s'agit vraiment de personnes vivant dans une pauvreté extrême. La majorité de la
population (près de 60 %) appartient au groupe moyen.
Dans une zone agricole, la surface cultivée est un indicateur de richesse important et il est significatif que
les aisés cultivent environ deux fois et demie plus de terres par habitant que les très pauvres. L'une des
conséquences en est que les ménages plus aisés, davantage que les ménages plus pauvres, sont capables
de consacrer une plus grande partie de leurs terres aux cultures de rente. La capacité à cultiver dépend
aussi de l'accès aux intrants agricoles, comme les engrais, à la main-d'œuvre et à d'autres actifs comme les
charrues, les bœufs de labour et les semoirs. L'accès et la possession de ces derniers sont concentrés parmi
les moyens et les aisés ; les intrants agricoles, par exemple, coûtent cher. Les ménages les plus pauvres
utilisent fréquemment une houe traditionnelle, la « daba », pour travailler la terre. Les ménages pauvres
possèdent souvent une charrue, mais pas de bœufs de labour et doivent donc en louer auprès des
ménages plus aisés. (Un ménage moyen typique possède quatre bœufs de labour, tandis qu'un ménage
aisé typique en possède dix ; ceux-ci sont inclus dans le chiffre des bovins possédés dans le tableau en
dessus.) La capacité d'un ménage à accéder aux intrants et au matériel détermine non seulement sa
productivité et la surface qu'il peut cultiver, mais aussi les cultures qu'il peut produire. La culture
cotonnière à forte intensité de main-d'œuvre et d'intrants est essentiellement limitée aux moyens et aux
aisés (certains ménages pauvres peuvent le cultiver dans une certaine mesure, ce qui n'est pas du tout le
cas pour les très pauvres). Les moyens et les aisés possèdent aussi des vergers ; ceux-ci ne sont pas inclus
dans le total de la surface cultivée, mais ils sont néanmoins très importants dans cette zone
d'arboriculture fruitière.
114
Le nombre d'animaux est un indicateur de richesse et il est significatif que les bovins, bétail ayant le plus
de valeur, appartiennent uniquement aux moyens et aux aisés. En effet, ceci illustre l'écart de richesse
aussi bien entre les pauvres et les moyens qu'entre les moyens et les aisés (qui possèdent trois fois plus de
bovins que les moyens). Les ventes de bétail fournissent de l'argent pour les activités agricoles, comme
pour l'achat d'intrants et l'embauche d'ouvriers. Elles sont aussi une source d'argent pour des besoins
spécifiques ; par exemple, pour payer les frais de scolarité et la construction ou pour acheter des
vêtements. Dans certaines parties de la zone, les ménages très pauvres et pauvres possèdent des ruches.
Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école,
mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les
enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire
de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés
reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus.
Sources de nourriture
Le contraste le plus
frappant est entre les deux
groupes les plus aisés qui
dépendent très peu du
marché pour leurs céréales
et les deux groupes les plus
pauvres qui achètent un
large pourcentage de leurs
besoins
alimentaires
annuels.
100%
90%
Lait
80%
60%
Prêts et dons en nature
50%
Achats
70%
40%
Paiement en nature
30%
20%
Production agricole
10%
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
En effet, de manière générale, les aisés n'achètent pas de céréales, dans la mesure où ils produisent
suffisamment tant en termes de quantité que de variété sur leurs propres terres.
La différence entre les très pauvres et les pauvres est également grande ; les très pauvres sont le seul
groupe qui soit davantage tributaire du marché que de leur propre production. Leurs récoltes les
nourrissent pendant trois mois, comparées à six mois pour les pauvres. Toutefois, les ménages des deux
groupes achètent surtout du maïs, le riz plus coûteux étant réservé aux grandes occasions. Les pauvres et
les très pauvres reçoivent des dons en nature des moyens et des aisés. Il peut s'agir d'une invitation à faire
les moissons et à garder une partie de la récolte des ménages plus aisés.
Enfin, il fau souligner que le lait contribue très peu aux besoins alimentaires annuels des moyens et des
aisés et pas du tout à ceux des très pauvres et des pauvres. Le lait se boit surtout pendant la saison des
pluies.
115
Sources de revenus
100%
90%
Autre
80%
Auto‐emploi
70%
60%
Petit commerce/commerce
50%
Autre travail local
40%
Travail agricole local
30%
20%
Vente de bétail
10%
Vente des fruits
0%
Très Pauvre
Pauvre
Moyen
Aisé
Vente de la production agricole
Les moyens et les aisés reçoivent la majeure partie de leurs revenus de leurs propres productions (ventes
de récoltes, de fruits et de bétail). Ces deux groupes vendent des céréales et des cultures de rente (surtout
le coton et l'arachide). Si le paiement du coton a du retard, il est possible que les ménages soient forcés
de vendre une plus grande quantité de leurs céréales pour subvenir à leurs besoins jusqu'à ce que l'argent
arrive. L'importance différente des ventes de fruits est la principale distinction entre ces deux groupes de
richesse ; le graphique illustre dans quelle mesure cette activité est dominée par les aisés. Le petit
commerce d'un autre côté est généralement uniquement pratiqué par les ménages moyens qui achètent
des fruits et des céréales auprès des aisés pour les revendre. La catégorie « autre » inclut le revenu tiré du
prêt de matériel agricole (charrettes, charrues, bœufs de labour, etc.) aux ménages très pauvres et
pauvres.
Les très pauvres et les pauvres diffèrent des groupes plus aisés en recevant proportionnellement beaucoup
moins de revenus de leurs productions. Les ménages de ces deux groupes vendent des cultures de rente
(par ex., pomme de terre) et des cultures maraîchères, mais s'appuient le plus sur une combinaison de
travail et d’auto-emploi.24 Toutefois, il faut remarquer qu'il existe aussi une différence importante entre
ces deux groupes de richesse. Les pauvres tirent trois fois plus de revenus des ventes de récoltes que les
très pauvres, qui sont à peine fermiers.
La catégorie « autre travail local » recouvre la fabrication de briques et la construction. L’auto-emploi
consiste en exploitation aurifère et en ventes de produits de cueillette. (Les produits de cueillette sont
aussi vendus par les femmes dans les ménages moyens et aisés.)
Risques
On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone.
Périodiques
1. Inondations.
2. Insectes et ravageurs des cultures
24
La journée d'un ouvrier agricole commence à neuf heures et se termine à seize heures.
116
Chroniques
1. Pluies mal distribuées (c.-à-d., irrégulières). L'insuffisance des pluies est bien moins un problème dans
cette zone que plus au nord, dans les zones sahéliennes.
2. Hausse du prix des intrants agricoles.
3. Retard de paiement du coton par la CMDT.
4. Maladies du bétail, par exemple la trypanosomose, la fièvre aphteuse (plus répandue de mai à juillet),
la fièvre charbonneuse et la pasteurellose (qui touche les moutons et les chèvres). Les ménages utilisent
des races de bœufs de labour qui ne sont pas affectées par la trypanosomose.
5. Vol de bétail.
Stratégies d’adaptation
Pendant une mauvaise année, les ménages réduisent souvent leurs dépenses et essaient d'augmenter leurs
revenus. Toutefois, l'éventail des ripostes ouvertes à un ménage dépend de ses actifs et de sa richesse,
ainsi que du moment où survient ce facteur de risque. On trouvera ci-dessous une liste des stratégies de
riposte propres à chaque groupe de richesse. Il faut remarquer qu'il ne s'agit pas d'une zone en état
d'insécurité alimentaire et certains répondants ont affirmé qu'ils n'étaient pas habitués aux genres de
situations où des stratégies d'adaptation pourraient être employées.
Très pauvres et Pauvres
 Ils migrent pour chercher du travail, ce qu'ils ne font pas dans une année normale. Ceci concerne
généralement les jeunes qui se rendent à Bamako ou en Côte d’Ivoire à la recherche de travail.
Migrer en Côte d’Ivoire est devenu plus difficile depuis la crise de 2002.
 Ils essaient d'augmenter leurs revenus par l'extraction de l'or (surtout entre décembre et février).
 Ils augmentent leurs ventes de bétail s'ils le peuvent.
 Ils reçoivent des dons des moyens et des aisés.
 Les cultures comme l'arachide peuvent être semées plus tôt ou cultivées au bord des lacs et des
rivières (arachide de décrue).
Moyens et Aisés
 Ils augmentent leurs ventes de fruits.
 Ils augmentent leurs ventes de bétail, surtout au début de la saison des pluies et au moment des
récoltes.
 Ils peuvent aussi exploiter l'or ou migrer pour chercher du travail, ce qu'ils ne font pas pendant
une année normale.
117