zones et profils de moyens d`existence au mali
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zones et profils de moyens d`existence au mali
ZONES ET PROFILS DE MOYENS D’EXISTENCE AU MALI UN RAPPORT SPECIAL DU RESEAU DU SYSTEME D’ALERTE PRECOCE (FEWS NET) Janvier 2010 Cette publication a été préparée par Sam DIXON et Julius HOLT de FEG Consulting, avec la contribution des partenaires du bureau national FEWS NET Mali, sous l’égide de l’Agence des Etats‐Unis pour le Développement International (USAID) pour le Réseau du Système d’Alerte Précoce (FEWS NET) Indefinite Quantity Contract, AFP‐I‐ 00‐05‐00027‐00. ZONES ET PROFILS DE MOYENS D’EXISTENCE AU MALI UN RAPPORT SPECIAL DU RESEAU DU SYSTEME D’ALERTE PRECOCE (FEWS NET) Réseau du Système d’Alerte (FEWS NET) IQC Contrat No. AFP-I-00-05-00027-00 Les opinions des auteurs exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement les vues de l'Agence des Etats-Unis pour le Développement International ni celles du gouvernement des Etats-Unis. INTRODUCTION ........................................................................... 4 INTRODUCTION ............................................................................................ 4 UTILISATIONS ES PROFILS .................................................................................... 5 CONCEPT CLES ............................................................................................ 6 LES GRANDS AXES D’UN PROFIL DE MOYENS D’EXISTENCE ............................... 9 METHODOLOGIE ............................................................................................ 10 PRESENTATION GENERALE DU PAYS.............................................. 14 INTRODUCTION .......................................................................................... 14 GEOGRAPHIE ET CLIMAT ..................................................................................... 16 SOURCES DE NOURRITURE .................................................................................. 16 SOURCES DE REVENUS ......................................................................................... 19 RISQUES ............................................................................................ 22 PROFILS DES MOYENS D’EXISTENCE RURAUX ................................ 23 ZONE 1: NOMADISME & COMMERCE TRANSSAHARIEN......................................... 23 ZONE 2: PASTORALISME NOMADE & TRANSHUMANT ........................................... 24 ZONE 3: RIZ FLUVIAL & ELEVAGE TRANSHUMANT (AGROPASTORAL) .................. 35 ZONE 4: MIL & ELEVAGE TRANSHUMANT ........................................................... 45 ZONE 5: PLATEAU DOGON - MIL, ECHALOTE, PRODUITS DE CUEILLETTE & TOURISME ............................................................... 53 ZONE 6: LACS/DELTA DU NIGER -RIZ & ELEVAGE (AGROPASTORAL) ................... 62 SUB- ZONE 6A: PECHEURS BOZOS ........................................................................ 70 ZONE 7: 'OFFICE DU NIGER' - RIZ IRRIGUE ........................................................... 73 ZONE 8: NORD-OUEST TRANSFERTS D'ARGENT, SORGHO & ELEVAGE TRANSHUMANT ................................................................... 80 ZONE 9: OUEST & CENTRALE MIL/SORGHO PLUVIAL ........................................... 88 ZONE 10: SORGHO, MIL & COTON ........................................................................ 95 ZONE 11: SUD MAÏS, COTON ET FRUITS ................................................................ 103 ZONE 12: SUD-OUEST MAÏS, SORGHO ET FRUITS ................................................... 111 3 Introduction Les profils des moyens d’existence qui suivent décrivent comment vivent les populations rurales au Mali. Un moyen d’existence peut être défini comme l’ensemble des façons par lesquelles les ménages obtiennent les choses nécessaires à la vie, comment ils joignent les deux bouts d’année en année et comment ils survivent (ou n’arrivent pas à survivre) pendant les périodes difficiles. Il y a un intérêt croissant d’utiliser l’analyse des moyens d’existence comme la ‘lentille’ à travers laquelle on peut visualiser un certain nombre de problèmes. Ces problèmes vont de la réponse d’urgence à l’atténuation d’un désastre et au développement à long terme. Cet intérêt repose sur deux observations de base : 1) L’information sur une région ou une communauté donnée peut être correctement interprétée seulement si elle est mise dans le contexte de vie de ces gens. 2) Les interventions peuvent seulement être conçues de façons appropriées aux circonstances locales si le planificateur connaît les moyens d’existence locaux et si oui ou non une intervention proposée s’ajoutera ou sapera des stratégies existantes. Deux produits principaux sont offerts ici: La carte montre la division du pays en zones homogènes Une Carte Nationale des définies en fonction des structures de moyens Zones de Moyens d’existence d’existence. Les profils décrivent les caractéristiques importantes de chaque zone, y compris une brève différentiation du Des Profils des Zones de statut des différents groupes de richesse. Les risques importants et la capacité relative à leur résister de la part Moyens d’existence des différents types de ménages dans différents endroits sont identifiés. En établissant les profils, un équilibre a été trouvé entre une utilisation facile et la minutie du détail. Le but a été de présenter suffisamment d’informations pour permettre une vue détaillée et équilibrée des moyens d’existence à l’échelon national. Les profils procurent une introduction rapide aux moyens d’existence dans le pays, ils ne donnent pas de détails localisés. Ce document est divisé en trois sections principales: 1. Introduction — comprend quatre sous-sections : Utilisations des Profils—qui décrivent 3 façons principales dont les profils peuvent être utilisés. Concepts Clés—qui définissent les concepts clés utilisés dans l’analyse basée sur les moyens d’existence et expose brièvement le cadre analytique qui a aidé à définir l’information clé qui doit être incluse dans ces profils. Les Grands Axes d’un Profil de Moyen d’existence—qui décrit la présentation et le contenu de chaque profil. Méthodologie—qui décrit les méthodes utilisées pour développer la carte et les profils. 2. Vue d’Ensemble Nationale—Carte des zones de moyens d’existence, avec une vue d’ensemble nationale des moyens d’existence au Mali. 3. Profils des Zones de Moyens d’existence —Les profils pour chaque zone. 4 Utilisations des Profils Les zones des moyens d’existence et les profils présentés ici offrent une analyse des moyens d’existence ruraux et de la sécurité alimentaire sur une base géographique. Le pays est divisé en zones homogènes en fonction de la structure des moyens d’existence. Une brève description de chaque zone est donnée, y compris une analyse de la position des différents groupes de richesse à l’intérieur de la zone. Il est prévu que ce produit sera utile à trois niveaux, comme suit. 1. Guide Préliminaire des Moyens d’existence et de la Sécurité Alimentaire du Pays Les profils donnent beaucoup d’informations et d’analyses en quelques pages de présentation. Ils devraient donc former une source utile d’informations pour un nouveau venu qui a besoin de comprendre rapidement les moyens d’existence et les conditions de la sécurité alimentaire dans le pays. Les divisions géographiques sont relativement larges - autant que possible en gardant la cohérence des réalités du terrain - de façon à ce que le lecteur considère le modèle général et les différences basiques des zones et des populations sans être submergé par trop de détails. Les planificateurs de développement peuvent aussi bénéficier de l’utilisation des profils des moyens d’existence. Un objectif de développement est de réduire la vulnérabilité des gens aux risques et d’augmenter leur capacité à faire face. Une première étape importante est de comprendre qui est vulnérable, à quels risques et pourquoi. De même, des efforts pour réduire la pauvreté nécessitent de comprendre comment les ménages les plus pauvres survivent et les raisons de leur pauvreté. 2. Alerte Précoce et Réponse La sécurité alimentaire locale est souvent, incorrectement, mise en équation avec la production agricole comparée aux besoins alimentaires de la population locale. Ainsi, un déficit de la production chronique ou temporaire opposé au besoin en nourriture local est immédiatement traduit en insécurité chronique ou temporaire. Par conséquence, la plupart des systèmes de surveillance de sécurité alimentaire et d’alerte précoce utilisent fortement deux sources d’informations (i) données sur la production des récoltes et/ou du bétail ; et (ii) information des prix de marché. Ceci n’est presque jamais toute l’histoire. Un compte-rendu complet de ‘l’économie alimentaire’ concerne à la fois la disponibilité alimentaire - ce que les gens produisent - et l’accès à la nourriture - l’argent que les gens gagnent pour acheter la nourriture. Les données sur un emploi temporaire ou la cueillette, l’aide de parents ou la vente de produits artisanaux peuvent également être importants dans l’étude des moyens d’existence comme les données sur la production agricole et du bétail, et une connaissance de leur importance relative peuvent guider la conception de systèmes de surveillance appropriés et de meilleures évaluations d’urgence rapide. En utilisant la structure des moyens d’existence, nous pouvons nous informer de la capacité des ménages à faire face au stress, spécialement à un échec de la production des récoltes ou du bétail; et nous pouvons apprécier les activités du ménage à différentes périodes dans le cycle annuel. Tout ceci va directement dans notre analyse de besoins, aidant à répondre aux questions clés comme: quelles régions et quels types de ménage vont vraisemblablement faire face à un risque et qui aura besoin d’aide? Quels types d’interventions seront les plus appropriées, quand et pour combien de temps devront-elles être mises en application ? Ainsi par exemple on peut indiquer la position des ménages pauvres dans une région géographique qui sont fortement dépendants de l’emploi urbain. Si l’emploi urbain diminue, 5 leur travail sera moins demandé : peuvent-ils trouver un autre revenu ailleurs - et est-ce qu’ils seront en compétition avec des gens d’autres zones pour ces activités? Les fonctionnaires nationaux travaillant sur leur système national d’alerte précoce ont une grande connaissance de leur pays. L’approche des moyens d’existence aide à procurer une structure pour le plein usage de cette connaissance, tout en leur apportant un nouveau niveau d’informations. 3. Développement de Politique La gestion des désastres a été l’impulsion principale au développement des systèmes d’alerte précoce. La raison de l’alerte précoce est d’améliorer l’efficacité dans l’échelle et le moment choisi de l’aide alimentaire d’urgence. Cependant, de plus en plus, les planificateurs cherchent des alternatives à l’aide alimentaire dans l’intervention d’urgence précoce - et ceci nécessite souvent des changements de politique et de procédure. Un cas à considérer est la stabilisation des prix de marché pour la nourriture de base. L’analyse des moyens d’existence peut montrer les effets vraisemblables de telles interventions sur la capacité des différents ménages à survivre à une crise. L’analyse peut aussi recommander le moment optimum pour l’intervention. L’analyse des moyens d’existence peut aussi être appliquée à d’autres changements de politique. Par exemple, si les taxes du gouvernement sur le kérosène étaient réduites, ou les frais pour les médicaments vétérinaires du gouvernement, quel serait l’impact sur les ménages ? Plus généralement, le point de vue des moyens d’existence offre une base plus sûre pour concevoir des mesures d’atténuation de la pauvreté - un mouvement allant de la réponse aux symptômes de l’insécurité alimentaire vers la résolution des causes. Elle permet de connaître l’histoire qui est derrière les statistiques nationales. Concepts Clés Les termes risque (risk, hazard), vulnérabilité et besoin sont souvent utilisés de façons qui peuvent ne pas être claires dans le contexte de la sécurité alimentaire. Leur signification établie dans l’optique de la gestion des désastres - et le sens qui leur est donné ici - est peut-être mieux expliqué par un exemple (voir plus bas). Définir Risque (risk, hazard), Vulnérabilité et Besoin_______________________________________ La sécheresse est un risque (hazard) important touchant la production des récoltes et du bétail dans beaucoup des pays. Les ménages pauvres sont plus vulnérables (moins capables de faire face) à la sécheresse que les ménages mieux nantis ; ils ont moins de réserves de nourriture ou d’argent sur lesquelles ils peuvent se rabattre, et moins d’options pour créer un revenu supplémentaire. Les ménages pauvres vivant dans des zones du pays confrontées à la sécheresse sont plus à risque (risk) que d’autres ménages parce qu’ils sont à la fois exposés et vulnérables au risque (hazard) de la sécheresse. Une fois que la sécheresse a frappé, les pauvres ont le plus besoin d’aide. _________________________________________________________________________________ Pour être à risque d’insécurité alimentaire, vous devez être à la fois exposé à un risque et être vulnérable à ce risque, comme dans le cas des ménages pauvres des zones du pays confrontées à la sécheresse dans l’exemple ci-dessus. Parce que la vulnérabilité est étroitement liée au risque, il s’en suit qu’il n’y a pas d’état général de vulnérabilité, les gens peuvent seulement être vulnérables à quelque chose. Par exemple, les fermiers cultivant le long des berges d’une rivière peuvent être vulnérables à l’inondation (qui vraisemblablement emportera leurs cultures), mais 6 ne sont pas vulnérables à la sécheresse (puisqu’ils peuvent irriguer leurs cultures en utilisant l’eau de la rivière). Une fois que le risque a frappé, ça ne sert à rien de parler de groupes vulnérables. Mis simplement, les gens sont vulnérables avant l’évènement, (puisque ceci se réfère à leur capacité de faire face quand un risque frappe). Ils ont des besoins après l’évènement (une fois qu’ils ont été touchés et ont été incapables de faire face au risque). Pour revenir au cas de l’exemple de la sécheresse, les pauvres sont vulnérables avant que les pluies échouent, mais une fois qu’ils ont perdu leurs récoltes ou leur bétail, ils ont besoin d’aide. Une des approches basée sur les moyens d’existence la plus largement utilisée pour analyser la sécurité alimentaire est l’approche de l’économie alimentaire ou du ménage, développée en premier par Save the Children UK dans les années 19901. Le principe de base sous-tendant l’approche fait état que : une analyse des moyens d’existence locaux est essentielle pour une bonne compréhension de l’impact - au niveau du ménage - des risques tels que la sécheresse, un conflit ou la désorganisation du marché. L’échec total des récoltes peut, par exemple, laisser un groupe de ménages indigents parce que la récolte ratée est leur seule source de nourriture de base. Un autre groupe, au contraire, peut être capable de faire face parce qu’ils ont d’autres sources de nourriture et de revenu. Ces autres sources - comme avoir du bétail à vendre ou des parents vivants ailleurs qui peuvent les aider peuvent remplacer la perte de la production. Ainsi, les évaluations de l’impact réel du risque doivent être basées sur l’analyse des moyens d’existence. La structure économique de l’économie alimentaire détermine le type d’analyse nécessaire pour comprendre l’impact d’un risque sur la sécurité alimentaire et les moyens d’existence locaux, et a été utilisée pour aider à définir l’information clé à inclure dans les profils. L’objectif d’une analyse de la sécurité alimentaire est d’étudier les effets d’un risque sur l’accès futur à la nourriture et à un revenu, pour que des décisions puissent être prises sur les types d’interventions les mieux appropriées à mettre en application. La logique derrière l’approche est de comprendre la façon par laquelle les gens ont survécu dans le passé et donner une base solide pour se projeter dans le futur. Trois types d’information sont associés ;(i) l’information sur la ligne de base de l’accès à un revenu en nourriture/argent, (ii) l’information sur le risque (évènements touchant à l’accès au revenu en nourriture /argent, comme la sécheresse, un conflit ou la désorganisation du marché) et (iii) l’information sur les stratégies de réponse au niveau du ménage (les sources de nourriture et de revenu vers lesquelles les gens se tournent quand ils sont exposés à un risque). L’approche peut être résumée de la façon suivante: La Carte des Zones des Moyens d’existence : Les modèles de moyens d’existence varient clairement d’une région à une autre, ce qui nécessite la préparation d’une carte de zone de moyens d’existence et peut être une première étape utile pour beaucoup de types d’analyse basée sur le moyen d’existence. Les facteurs locaux comme le climat, le sol, l’accès aux marchés etc. influencent tous les modèles de moyens d’existence. Par exemple, les gens vivant dans les zones montagneuses fertiles ont généralement des options très différentes de ceux vivant dans les zones de basse altitude semi-arides. Dans les zones montagneuses, les gens peuvent avoir un modèle de moyen d’existence agricole, tandis que dans les régions de basse altitude, ils peuvent faire pousser quelques cultures et seront soit pastoralistes soit agro-pastoralistes, ceux vivant dans une zone côtière ou au bord d’un lac auront un moyen d’existence basé sur la pêche ou combineront la pêche à d’autres activités, et ainsi de suite. 1 Voir ‘The Household Economy Approach’, Seaman J., Clarke P., Boudreau T., Holt J., Save the Children UK, 2000. 7 Cependant, l’agro-écologie est seulement un aspect de la géographie qui détermine les modèles de moyens d’existence. Un autre est l’accès au marché, puisque ceci touche la capacité des gens à vendre leur production (récoltes ou bétail ou autres articles) et le prix obtenu. Puisque les modèles de moyen d’existence dépendent tellement de la géographie, c’est une bonne idée de diviser un pays ou une région en un certain nombre de zones de moyens d’existence. Nous pouvons les définir comme des régions à l’intérieur desquelles les gens partagent en gros le même modèle de moyen d’existence (en gros le même système de production - agriculture ou pastoralisme par exemple - aussi bien que en gros les mêmes modèles de commerce/échange). Les frontières de la zone de moyen d’existence ne suivent pas toujours les frontières administratives. C’est, par exemple, tout à fait commun de trouver des modèles de moyen d’existence à l’intérieur d’une seule unité administrative (pastoralistes vivant avec des agronomes ou des agro-pastoralistes avec des communautés de pêcheurs). Cependant, parce que les décisions de l’allocation des ressources et la provision des services sont faites sur la base de régions administratives et non de zones de moyens d’existence, il est important que les limites des zones des moyens d’existence suivent quand c’est possible les limites administratives du niveau le plus bas. Catégorisation Socio-économique: La géographie n’est clairement pas la seule chose qui détermine le modèle de moyen d’existence. La géographie tend à définir des différentes options de moyens d’existence, mais l’étendue avec laquelle les gens exploitent ces options dépend d’un certain nombre de facteurs, parmi lesquels la richesse est généralement le plus important. Il est évident, par exemple, que les ménages mieux nantis qui possèdent de grandes fermes produiront en général plus de récoltes et auront une sécurité alimentaire plus grande que leur voisins plus pauvres. La terre est seulement un des aspects de richesse, cependant, les groupes de richesse sont typiquement définis en termes de leur possession de la terre, de leur possession du bétail, de leur capital, de leur éducation, de leurs aptitudes, de la disponibilité du travail et/ou du capital social. Définir les différents groupes de richesse dans chaque zone est la deuxième étape dans l’analyse de l’économie alimentaire, le résultat étant la catégorisation socio-économique. La Ligne de Base de l’Économie Alimentaire2: Ayant groupé les ménages en fonction des zones où ils vivent et de leur richesse, l’étape suivante est de produire l’information de la ligne de base de l’économie alimentaire pour les ménages typiques dans chaque groupe pour une année de référence ou une année de ligne de base. Ceci implique d’étudier les différentes sources de nourriture et de revenu en argent et leur contribution relative au budget du ménage pour l’année globale. Ceci implique aussi de développer un calendrier saisonnier des activités pour voir comment l’accès à la nourriture et au revenu en argent varie pendant une année. Ces types d’informations sont critiques pour comprendre comment les ménages vivant à différents niveaux de richesse et dans différentes zones seront touchés par un risque particulier. Il s’en suit, par exemple, que les ménages qui dépendent fortement de la production du bétail local seront touchés de façon tout à fait différente par une sécheresse par rapport à ceux qui ont des parents vivant et travaillant dans la capitale et dont ils reçoivent régulièrement de l’aide ou des transferts. Risque : Les données de ligne de base de l’économie alimentaire donnent un point de départ pour étudier l’effet qu’un risque aura sur les moyens d’existence et la sécurité alimentaire du ménage. 2 Noter que l’information donnée dans les profils ne constitue pas une ligne de base complète de l’économie alimentaire. Une ligne de base complète donne de l’information quantitative sur les quantités de nourriture accessibles et les quantités de revenu en argent provenant des différentes sources pour au moins trois groupes principaux de richesse dans une zone de moyen d’existence. Les profils de moyen d’existence, au contraire, incluent l’information sur la contribution proportionnelle des différentes sources de nourriture et de revenu en argent, tandis que l’unité de mesure ment pour un profil de moyen d’existence est le pourcentage du total. La carte des zones de moyens d’existence nationale et les profils de moyens d’existence sont conçus comme un produit autonome (voir section sur les Utilisations des Profils), mais ils sont aussi conçus comme une étape intermédiaire vers le développement d’une ligne de base de l’économie alimentaire complète. 8 Les risques peuvent soit être naturels (sécheresse ou inondation) ou d’origine humaine (conflit ou désorganisation du marché). Les conséquences d’un risque varieront en fonction du risque lui même et en fonction du modèle local de moyen d’existence. La sécheresse peut provoquer la perte de la récolte et de la production du bétail, perte du revenu des ventes de la récolte et du bétail, perte de l’emploi basée sur la ferme, etc., menaçant les ménages qui sont fortement dépendants de la production de la récolte et du bétail ou sur le travail agricole local. L’insécurité, d’un autre coté, peut être associée avec le vol des récoltes ou du bétail, un accès réduit à certaines régions (marchés, puits, zones de pâturage ou champs) et les disruptions du commerce et du transport, tout ceci menacera les groupes vivants, traversant ou faisant du commerce avec des zones dangereuses. Réponse: Quand ils sont exposés à un risque, la plupart des ménages feront leur maximum pour faire face à ses effets. Si le risque tend à réduire leur accès à certaines sources de nourriture et/ou revenu en argent, ils peuvent essayer d’augmenter d’autres sources ou ils peuvent se tourner vers des sources nouvelles ou peu utilisées. Des stratégies de réponse fréquentes3 dans certaines situations pourraient inclure une augmentation du ramassage des produits de cueillette et une augmentation de la vente du bétail ou la migration temporaire à la recherche d’un emploi. Quand ces stratégies sont efficaces, cela peut réduire de façon importante la vulnérabilité à une gamme de risques. Il faut garder à l’esprit, cependant, que les stratégies de réponse peuvent avoir des effets à long terme aussi bien qu’à court terme, quelques-uns de ces effets peuvent au bout du compte saper les moyens d’existence locaux, par exemple, la vente des biens productifs, la vente non viable du bétail, l’augmentation de la vente du bois quand ceci a un effet négatif sur l’environnement, et ainsi de suite. Les Grands Axes d’un Profil de Moyen d’existence Les profils sont divisés en un certain nombre de sections : La section Conclusions Principales et Implications résume les principales conclusions de la zone. Cette section donne aussi des aperçus qui permettront l’organisation de types variés d’interventions, incluant la réponse d’urgence, la mitigation d’un désastre et la programmation de développement. Description de la Zone offre une description générale des modèles de modes vie locaux (production agricole, élevage du bétail, création d’un revenu en dehors de la ferme). Marchés contient une information basique sur la commercialisation de la production locale et sur toute importation de nourriture de base dans la zone. Calendrier Saisonnier donne le moment choisi pour les activités clés pendant l’année. Ceci est utile de plusieurs façons, pour juger l’effet probable d’un risque en fonction de son apparition dans l’année ou pour évaluer si une activité particulière peut être entreprise au moment normal de l’année courante. Il y a ensuite cinq sections qui donnent l’information fondamentale sur ‘l’économie alimentaire’ de la zone (voir section précédente) : 3 Le terme stratégie de la réponse est préféré à stratégie pour faire face pour deux raisons. D’abord, le terme stratégie pour faire face est souvent utilisé pour des composantes du moyen d’existence quotidien (vente du bois), qui à proprement parler sont seulement des stratégies pour faire face intensifiées en réponse à un risque. Deuxièmement, ‘faire face’ peut impliquer que la stratégie en question est gratuite, ce qui n’est pas toujours le cas. 9 La section sur le Catégorisation Socio-économique décrit trois groupes de richesse principaux (‘pauvres’, ‘moyens’ et ‘mieux nantis’), expliquant les différences entre ces groupes et comment ceci affecte l’accès potentiel à la nourriture et au revenu4. Les sections sur les Sources de Nourriture et Sources de Revenu examinent les modèles de nourriture et de revenu en argent à chaque niveau de richesse, les reliant aux caractéristiques de chaque groupe. Les sections sur les Risques donnent de l’information sur les différents types de risques qui touchent la zone différentié par groupe de richesse quand cela est approprié. Stratégies de la Réponse décrit les stratégies variées disponibles pour les différents types de ménages dans la zone, avec jugement de leur efficacité possible. L’alerte précoce implique l’identification et l’interprétation des évènements clés qui indiquent qu’une pénurie rigoureuse de nourriture ou une famine peut se développer. La section finale, Indicateurs d’une Crise Imminente, s’appuie sur la classification des indicateurs d’alerte précoce de Fred Cuny5. Cette section donne l’information sur les indicateurs clés et le moment probable de leur apparition par zone, basé sur la compréhension des moyens d’existence locaux et les modèles locaux de réponse à une pénurie de nourriture6. Méthodologie Un atelier national sur le rezonage des moyens d'existence a été proposé par FEWS NET à Bamako les 17 et 18 novembre 2009. La carte présentée ici est une version révisée de celle qui a été créée en 2003 et représente le consensus qui s'est dégagé à la fin de l'atelier, auquel participaient FEWS NET et ses partenaires du gouvernement, l'ONU et les ONG. Plusieurs changements ont été apportés à la carte originale, notamment l'ajout des zones 8 et 12 et des modifications aux frontières de plusieurs zones. Ces révisions ont été vérifiées pendant l'étude de terrain, qui s'est déroulée du 23 novembre au 9 décembre 2009. Trois équipes ont chacune complété trois zones. Pour des raisons d'insécurité, il n'a pas été possible de visiter les zones 1, 2 et 3. Les profils des zones 2 et 3 ont été préparés à l'aide de l'information de la récente étude OXFAM GB conduite dans chacune de ces zones. De plus, les informations d’une récente étude de Save the Children UK dans les zones 10 et 11 ont été utilisées pour compléter les informations collectées pendant la mission de FEWS NET. 4 Il est important de garder à l’esprit pour cette analyse que nous considérons la richesse en termes relatifs (et locaux). Les données statistiques indiquent que 80% ou même 90% de la population d’une zone particulière vivent en-dessous de la ligne de pauvreté nationale, mais ceci est fait en mesurant la pauvreté sur une échelle nationale absolue. Dans l’analyse des moyens d’existence, nous nous efforçons à comprendre quelques-unes des différences entre les différents groupes dans la communauté et leurs raisons - dans ce cas il n’est pas particulièrement utile de mettre ensemble 80% ou 90% de la population dans un groupe. 5 ‘Famine, Conflict and Response: A Basic Guide’, Cuny F. C. and Hill R. B. Kumarian Press, 1999, pp 33 42. 6 Fred Cuny a identifie deux types d’indicateurs d’alerte précoce, ceux qui donnent une alerte d’une famine en avance (indicateurs d’une crise imminente) et ceux qui confirment l’existence d’une famine (indicateurs de famine). Le dernier groupe inclut des indicateurs comme la détresse des ventes des biens producteurs (bœufs de trait), consommation de graines, la malnutrition augmentée et la mortalité augmentée. Les indicateurs de famine ne sont pas généralement spécifiques au contexte (c.ad. une seule liste pourrait être préparée qui s’appliquerait à toutes les zones de moyens d’existence). Ils peuvent être aussi de peu d’utilisation pour prédire ou empêcher une pénurie de nourriture rigoureuse ou une famine. Pour ces raisons, ils n’ont pas été inclus dans les profils de moyens d’existence. 10 L'étude de terrain comportait trois niveaux d'entretien. D'abord, des entretiens de niveau régional ont été réalisés dans les régions de Kayes, Koulikoro, Mopti, Ségou et Sikasso. Des données ont été collectées sur les principales caractéristiques de chaque zone relevant de la région. Elles incluent l'information sur l'agro écologie et les marchés, ainsi que sur les principales cultures vivrières, cultures de rente et sources de revenus des ménages aisés et pauvres. Deuxièmement, des entretiens ont été menés avec les chefs des services techniques au niveau du « cercle », notamment les experts agricoles et de l'élevage. Un cercle par zone a été visité ;7 les cercles ont été sélectionnés pendant l'atelier de formation de niveau national parce qu'ils étaient jugés plus ou moins « typiques » de leur zone. La première partie de l'entretien portait sur une information générale concernant la zone, notamment ses principales cultures, ses caractéristiques et ses activités. Dans la deuxième partie de l'entretien, on a demandé aux informateurs de répartir les ménages en quatre groupes de richesse (« très pauvres », « pauvres », « moyens » et « aisés ») en fonction des définitions et des perceptions locales de la richesse. Des données sur chaque groupe de richesse ont été collectées, notamment la taille typique des ménages, les surfaces et les cultures cultivées, la possession d'animaux d'élevage, la possession d'autres actifs, les principales sources de revenus et le pourcentage des ménages appartenant à chaque groupe de richesse. Une fois qu'un profil d'actifs a été construit pour chaque groupe de richesse, on a demandé aux informateurs d'utiliser les techniques d'empilement proportionnel pour quantifier l'importance relative des sources de nourritures et de revenus typiques pour l'ensemble des groupes de richesse. Finalement, un calendrier saisonnier a été établi, montrant les dates des principales activités agricoles, d'élevage et autres de la zone. Troisièmement, des entretiens ont été menés au niveau des villages, avec le chef du village, ses conseillers et d'autres informateurs clés (par exemple, les enseignants). Un village par zone a été visité. Les villages ont été choisis après une discussion avec les fonctionnaires au niveau du cercle, qui avaient participé à l'entretien du cercle ; le critère principal était que les villages soient plus ou moins typiques de la zone. Au niveau villageois, un abrégé de la répartition des richesses a été réalisé, ainsi que l'empilement proportionnel des sources de nourritures et de revenus typiques. Des données sur la performance saisonnière des récentes années, sur les risques et sur les stratégies d’adaptation ont aussi été collectées. D'un bout à l'autre du processus ci-dessus, les informateurs ont activement fait suite aux écarts et réalisé des contre-vérifications à tous les niveaux. Après l'étude de terrain, deux journées d'analyse ont été organisées au bureau de FEWS NET à Bamako. Les équipes ont compilé et finalisé leurs résultats en discutant avec un consultant international. En séance plénière, toutes les équipes ont présenté et discuté leurs résultats. L'information présentée ici représente donc le consensus auquel sont arrivés FEWS NET Mali et ses partenaires gouvernementaux. L'unité principale de l'analyse économique pour cette évaluation était le ménage ou l'exploitation. C'est la principale unité de consommation et de production ; les membres du ménage mangent leur repas d'une même marmite et partagent leurs actifs, revenus et dépenses. Un ménage peut inclure le chef du ménage, ses frères, sa ou ses femmes et ses enfants. La tendance dominante dans le Mali rural est que la taille du ménage croît avec la richesse, c'est-à dire, les aisés ont de plus grands ménages que les pauvres. Les ménages ou exploitations (en particulier les plus grands) contiennent souvent des unités économiques plus réduites. Certaines activités, par exemple le maraichage, sont effectuées à ce niveau ; le revenu de ces activités n'est pas partagé avec le reste du ménage (de l'exploitation). Malgré cette complication, le ménage (l'exploitation) est la principale unité productive et les fonctionnaires, les informateurs clés et les paysans pensent tous en ces termes. Tout revenu gagné par les unités économiques plus réduites au sein d'un ménage a été inclus dans le revenu du ménage dans son ensemble. 7 Deux cercles et deux villages ont été visités dans deux parties différentes de la zone 12. 11 Les informations présentées dans les profils montrent des structures de consommation et de revenus typiques pour les ménages à différents niveaux de richesse au sein de chaque zone de moyens d'existence. Ceci peut nous indiquer qui sera affecté par un choc et où, mais pas le degré de l'impact ni si celui-ci se traduira par une insécurité alimentaire. 12 13 Profils de moyens d'existence au Mali Présentation générale du pays Introduction La pluviosité est de loin le facteur décisif pour déterminer les différences entre les zones de moyens d'existence. Elle permet d'expliquer le degré de dépendance de l'élevage et l'usage qui peut être fait des terres arables. Les zones de moyens d'existence maliennes sont extrêmement variées en termes de pluies, de la zone désertique toute au nord avec moins de 200 mm de pluies par an (lorsque même il y pleut) aux zones beaucoup plus luxuriantes du sud où les pluies varient entre 1 000 et 1 300 mm. En termes très génériques, on peut voir une correspondance entre les zones et les isohyètes lorsque l'on fait le panoramique du pays. La zone 2 ne reçoit pas suffisamment de pluies pour rendre possible l'agriculture pluviale et se caractérise par un pastoralisme nomade et transhumant et une faible densité de population. Les pluies plus abondantes de la zone 4, la large bande sahélienne, permettent la culture du mil et du niébé. Toutefois, des pluies faibles et incertaines signifient que l'agriculture seule est une affaire risquée et permettent d'expliquer pourquoi l'élevage transhumant est une des principales caractéristiques de la zone. De bien des façons, la zone 9 représente une transition entre le nord et le sud ; il y a une plus grande dépendance vis-à vis de l'élevage et une gamme de plus en plus diverse de cultures vivrières et de rente. Le mil domine au nord de la zone, le sorgho au sud ; on y cultive aussi le coton et le maïs. Les trois zones le plus au sud (10, 11 et 12) sont extrêmement productives et il est possible pour les ménages de consacrer une plus grande partie de leurs terres aux cultures de rente. La gamme des cultures est aussi plus diverse, en particulier dans la zone 11. La pluviosité est le principal facteur s'agissant de déterminer si une année a été bonne ou mauvaise. Il est instructif d'examiner la manière dont les informateurs de chaque zone ont classé les récentes années en termes de sécurité alimentaire. Bien que l'exercice soit subjectif, le schéma dans les zones du nord est fait de pics et de creux (c.-à-d., de bonnes années suivies par des mauvaises) ; dans le Sahel, les bonnes années sont cruciales, dans la mesure où elles permettent aux ménages de se préparer aux mauvaises années et de s'en remettre. Dans les zones du sud, où les pluies sont plus abondantes et plus certaines, il y a moins de variation entre les années. Cependant, les pluies ne donnent pas un tableau complet de la situation ; un simple coup d'œil à la carte des moyens d'existence montre que les zones ne suivent pas simplement les isohyètes. La géomorphologie et le relief affectent la composition des sols locaux et le potentiel productif. Le grand fleuve Niger est crucial pour définir au moins trois des zones de moyens d'existence. Le delta (zone 6) est une vaste plaine inondable qui est envahie par les eaux pendant cinq mois de l'année ; cet envahissement est aussi dû à un autre facteur ; la très faible inclinaison du terrain, qui permet aux eaux de se répandre. Ceci crée une ressource majeure en termes de pâturages et permet aux ménages de cultiver le riz et le sorgho si loin au nord. Le fleuve définit aussi les moyens d'existence des ménages vivant le long de ses rives (zone 3) du nord du delta à la frontière avec le Mali et le Niger où le riz irrigué est une caractéristique particulière. De manière plus directe, les pêcheurs bozos (zone 6a), qui opèrent sur toute la longueur du fleuve, en sont tributaires pour leur survie. Finalement, l'Office du Niger (zone 7) est un système d’irrigation géré qui dépend de l’eau provenant de ce fleuve. Cette zone est inhabituelle, dans la mesure où 14 elle a été créée par l'homme : cette région du Sahel a été rendue cultivable par des canaux d'irrigation et des retenues d'eau. Des facteurs culturels, historiques et ethniques peuvent aussi jouer un rôle. En particulier, dans la zone 8, les Soninkés sont bien connus pour leur dépendance à l'égard des transferts d'argent effectués par leurs parents vivant et travaillant à l'étranger (souvent en France). Dans une certaine mesure, la sécurité alimentaire dans cette zone dépend plus de la réception régulière des transferts d'argent que des caprices des pluies. La situation géographique d'une zone peut être importante. La position de la zone 9 signifie qu'elle domine l'axe commercial nord-sud du commerce des grains vers le nord déficitaire et du commerce du bétail et du travail migrant vers le sud. La zone 2 est liée à l'Algérie par la longue tradition du commerce transsaharien. Il n'est donc pas surprenant que ces deux zones soient parmi celles où le commerce contribue le plus au revenu. Les différences n'existent pas uniquement entre les zones ; il existe à l'intérieur de chacune d'elles dans toute communauté des différences en richesse importantes entre les ménages, bien qu'ils partagent le même contexte écologique et géographique de moyens d'existence. Ces différences sont importantes pour déterminer la sécurité alimentaire d'un ménage ainsi que sa capacité à s'adapter à un choc et la manière dont il y parvient. La richesse peut être déterminée en fonction de plusieurs facteurs, et leurs importances relatives déterminent dans une certaine mesure la nature de la zone. Mais les deux facteurs d’une importance capitale sont le bétail et la terre. Dans l'ensemble du pays, les ménages plus aisés ont davantage d'animaux d'élevage. Le bétail est une source de revenus importante, un moyen important d'épargner et d'investir (« banques sur pattes ») et une garantie contre une mauvaise année. Les espèces ayant le plus de valeur sont les chameaux (seulement dans les zones 1, 2 et 4) et les bovins ; posséder ne serait-ce qu'un de ces animaux peut apporter un degré considérable de sécurité économique. Dans la majorité des zones, seuls les moyens et les aisés possèdent des bovins ou des chameaux. La capacité à cultiver la terre est un déterminant de richesse clé dans toutes les zones à l'exception de la zone 2 (et peut-être de la zone 8). Ceci peut dépendre de la disponibilité des terres, comme dans la zone 7, où la densité démographique et la pression à laquelle sont soumises les terres irriguées sont fortes. En outre, elle dépend de la capacité à travailler la terre ; dans tout le pays, les ménages moyens et aisés disposent de plus de bras valides que les pauvres et les très pauvres. À des degrés divers, ils emploient aussi les membres des ménages les plus pauvres comme ouvriers agricoles. Les ménages aisés sont aussi ceux qui ont les moyens d'acheter des intrants agricoles et d'élevage, et ceux qui possèdent les actifs productifs (souvent des charrettes, de charrues et des bœufs de labour), bien que la nature des actifs productifs diffère d'une zone à l'autre. Finalement, les zones de moyens d'existence ne sont pas des entités discrètes et autosuffisantes. Elles interagissent aussi bien entre elles qu'avec les pays limitrophes d'un certain nombre de manières. Les gardiens de troupeaux transhumants mènent leur cheptel vers les zones du sud pendant la saison sèche pour tirer avantage des pâturages qui s'y trouvent. Les travailleurs migrants se déplacent aussi vers d'autres zones, des centres urbains et des pays voisins pour trouver du travail. Chaque année, par exemple, les ouvriers de la zone 6 se rendent dans la zone 4 pour la récolte de mil ; après quoi, les ouvriers des zones 4 et 5 se rendent dans le delta (zone 6) pour travailler à la récolte de riz. Le commerce est l'un des liens les plus importants entre les zones. Les zones excédentaires du sud fournissent des céréales au nord déficitaire et exportent des cultures de rente vers d'autres zones et à l'étranger. Le bétail du nord est vendu dans le sud du pays ainsi qu'à l'étranger (par ex., Algérie et Niger). Ceci souligne un autre aspect ; la sécurité alimentaire peut être affectée par des événements externes, notamment des fluctuations de prix sur le marché international. Ces dernières années, par exemple, la faiblesse des prix du coton a eu un impact négatif sur les moyens d'existence dans les zones cotonnières. 15 Géographie et climat Comme il a apparaît clairement dans la discussion qui précède, la géographie et le climat du Mali varient considérablement du nord au sud. Les différences de pluies rendent compte des variations de végétation, du désert au nord à la savane et aux forêts du sud, en passant par les buissons et les arbrisseaux du Sahel. Les principaux cours d'eau du pays sont les fleuves Niger et Sénégal. Il existe un grand nombre d'autres cours d'eau permanents et saisonniers, qui fournissent de l'eau pour l'irrigation et du cheptel, des sols fertiles sur leurs rives et des possibilités de pêche. Le pays a des ressources naturelles considérables en termes de nourritures et de produits de cueillette. Dans la zone 3, par exemple, les ménages consomment des grains de « cram-cram » (Cenchrus biflorus) et du fonio sauvage (Panicum laitum). Dans nombre de zones, la vente de produits de cueillette est une importante source de revenus. Dans la zone 4, par exemple, les ménages vendent de la gomme arabique et des dates sauvages. Les autres produits qu'on trouve dans le pays incluent la noix de karité, le néré, le tamarin, le zaban (Saba senegalensis), le fruit et la feuille de baobab, le jujube (Ziziphus mauritania), plusieurs sortes de feuilles comestibles et le miel. Sources de nourriture Le graphique de la page suivante résume les différentes sources de nourriture par groupe de richesse dans toutes les zones de moyens d'existence.8 Au niveau le plus général, on observe une tendance nord-sud ; à mesure qu'on avance vers le sud, les ménages dépendent de plus en plus de leur propre production et moins du marché. Ainsi peut-on voir une différence entre les zones 3 et 4 au nord, qui produisent un déficit, importent des produits alimentaires de base et sont en situation d’insécurité alimentaire, et les zones 10, 11 et 12 au sud, qui produisent un excédent, exportent des céréales et sont en situation de sécurité alimentaire. Toutefois, l'une des conclusions les plus frappantes est le degré selon lequel les ménages de toutes les zones dépendent du marché pour leurs besoins alimentaires. Ceci nous rappelle que nous avons affaire à une économie monétaire. Même dans le sud, les très pauvres et les pauvres sont largement tributaires du marché et doivent utiliser leur revenu monétaire pour acheter de la nourriture. Ainsi le graphique révèle-t-il un aspect de la structure de la pauvreté au Mali. La différence la plus significative est entre les deux groupes de richesse les plus aisés et les deux groupes les moins aisés et se voit le plus clairement dans la concentration du rouge (achat) sur la partie gauche du graphique et du vert (propre production) sur la droite. On peut aussi tirer des enseignements quant aux relations entre les groupes de richesse. Dans toutes les zones, les ménages les plus pauvres sont payés en nature pour le travail qu'ils réalisent pour le compte des moyens et des aisés. Dans ce type d'arrangement, les ménages plus aisés paient normalement des ouvriers en utilisant de grain de leurs propres récoltes ; la zone 2 est distincte en ce que le paiement en nature s'y pratique, mais la production agricole y est inexistante. Dans toutes les zones, les pauvres et les très pauvres couvrent une partie de leurs besoins alimentaires annuels grâce à une combinaison de prêts et de dons en nature, provenant des moyens et des aisés. Le recours à l'emprunt se pratique généralement pendant les durs mois de soudure, lorsque les ménages pauvres sont le plus tributaires du marché et que les prix des produits alimentaires de base sont élevés. Ils sont remboursés après la récolte, quand la situation économique de ces ménages s'est améliorée. La tendance générale dans l'ensemble des zones est 8 Les catégories pour les zones 2 et 3 sont légèrement différentes de celles utilisées pour d'autres zones. Du fait de l'insécurité civile dans ces régions, FEWS NET n'a pas pu réaliser l'étude de terrain et les graphiques pour ces zones sont tirés des récentes études sur les bases de référence des moyens d'existence de l’HEA réalisées par OXFAM GB, qui sont capables de classer les sources d'alimentation de manière plus détaillée que cela n'est possible dans une évaluation rapide de profilage. 16 que les très pauvres dépendent plus de ces sources que les pauvres. La zone 8 dans le nord-est fait exception ; cette catégorie y est importante pour les deux groupes. Ceci est dû à l'importance des transferts d’argent, dont les bénéfices sont partiellement reçus par les ménages les plus pauvres sous la forme de dons de nourriture. La contribution des prêts et des dons en nature nous apprend quelque chose sur le degré et la nature de la pauvreté au Mali. Le graphique illustre dans quelle mesure les plus pauvres sont tributaires des groupes plus aisés simplement pour survivre et satisfaire leurs besoins alimentaires. Une perspective saisonnière démontre que cette dépendance est cyclique : au plus haut pendant la période de soudure, au plus bas pendant et après la récolte, avant d'augmenter à nouveau vers la fin de l'année de consommation. Pour retourner aux différences entre les groupes de richesse, une distinction moins aigue, mais néanmoins importante, est entre les Très Pauvres et les Pauvres. Bien que les deux groupes ne soient fortement tributaires du marché, les Pauvres reçoivent en général nettement plus de leurs propres champs que les Très Pauvres. Dans bien des cas, la « production propre » contribue deux fois plus aux ménages pauvres qu'aux très pauvres. De plus, les Pauvres possèdent nettement plus de bétail, malgré le nombre modeste d’animaux qu’ils possèdent (souvent les Très Pauvres ne possèdent que quelques volailles). On peut soutenir que ceci sert à faire des pauvres une partie de la communauté agricole traditionnelle, tandis que le groupe des très pauvres peut représenter les débuts d'un nouveau genre de prolétariat rural. En termes généraux, la consommation de lait décroît quand on se va du nord au sud. Elle est de loin la plus forte dans la zone pastorale 2, où un ménage pauvre consomme plus de lait que les ménages moyens et aisés typiques dans toutes les autres zones. Au sein de chaque zone, ce sont les ménages aisés qui consomment plus que les ménages plus pauvres. Les niveaux de consommation de lait sont étroitement liés à la taille des cheptels. Les ménages de l'Office du Niger et du plateau Dogon (zones 7 et 5) consomment moins de lait que ceux de la large bande sahélienne (zone 4), du fait de la plus petite taille des troupeaux. La logique nord-sud est aussi en partie liée aux plus grands nombres de bêtes dans le nord. Toutefois, les ménages moyens et aisés des zones du sud possèdent suffisamment de bêtes pour consommer davantage de lait qu'ils ne le font. La seconde explication de cette tendant nord-sud repose sur les habitudes alimentaires ; les ménages du sud ne consomment généralement pas le lait de mouton et de chèvre, contrairement à ceux du nord. Les informateurs insistent aussi sur le fait que la consommation de lait (y compris le lait de vache) ne fait généralement pas partie des habitudes alimentaires des ménages de ces régions. Dans les zones où le lait est consommé en grandes quantités, il fournit un complément important à la qualité de l'alimentation des ménages. Les très pauvres et les pauvres peuvent aussi bénéficier de dons de lait. La zone 2 doit être mentionnée séparément. Bien qu'elle s'inscrive dans les tendances générales à travers le pays, elle est la seule zone purement pastorale (exception faite de la zone 1). Il convient de souligner que la consommation de lait ne dépasse pas trente pour cent des besoins alimentaires annuels des ménages plus aisés. Les habitants de la zone consomment surtout des céréales achetées sur le marché. Ils sont donc exposés aux mauvais termes de l'échange entre le prix du mil (l'aliment de base principal) et celui du bétail. Comme avec les pasteurs et leur lait, on pourrait s'attendre à ce que les pêcheurs Bozos (zone 6a) consomment de grandes quantités de poisson. Cependant, il contribue encore moins à leurs besoins alimentaires que le lait pour les pasteurs. Le poisson est vendu ou échangé contre des céréales. La pauvreté mène des gens à choisir des aliments énergétiques, au lieu de faire des choix d’alimentation basés sur la qualité et sur le gout. 17 Sources de nourriture9 9 LZ signifie ‘Livelihood Zone’ ou ‘Zone de moyens d’existence’. 18 Sources de revenus Le graphique de la page suivante résume les différentes sources d'argent par groupe de richesse dans toutes les zones de moyens d'existence. En termes génériques, les moyens et les aisés tirent la majeure partie de leurs revenus de leurs propres productions, que ce soit les ventes de récoltes ou de bétail. En regardant du nord au sud, on peut voir l'importance décroissante du bétail et l'importance croissante des cultures. On notera quelques exceptions à cette tendance. Les zones 5 et 7, par exemple, dépendent principalement des cultures (maraichage et riziculture, respectivement), malgré qu'elles se trouvent vers le nord du pays. Toutefois, ce qui est plus remarquable est l'économie basée sur les transferts d'argent de la zone 8, où les ventes de bétail sont relativement peu importantes malgré la grande taille des troupeaux. Le petit commerce et le commerce sont dominés par les ménages moyens et aisés, du fait ce que ce sont ces groupes qui ont le capital pour investir dans le commerce. Il est intéressant que le commerce soit le plus important dans les deux zones les plus tributaires du bétail (2 et 4). Le mouvement inhérent à l'élevage nomade et transhumant se prête au commerce. Ce peut aussi être l'un des rares moyens par lesquels les ménages pastoraux plus aisés sont en mesure de diversifier leurs moyens d'existence. Par contraste, les pauvres et les très pauvres tirent leur argent du travail et de l'auto-emploi. Puisqu’ils ont besoin de cet argent pour les aliments de base et les autres articles essentiels, ceci signifie qu’une proportion importante de la population rurale ne pourrait pas survivre sans travailler pour les autres ou sans fournir des services. Le travail local est divisé en deux catégories. Premièrement, le travail agricole concerne le défrichage et la préparation des terres et le semis, le désherbage et la récolte des cultures. Sa période de pic est souvent pendant et après les pluies et il est le plus important dans les zones principalement agricoles (on remarquera par exemple, les zones 7 et 12 où le besoin de main-d'œuvre est plus grand que dans la zone de déficit alimentaire 4. Deuxièmement, d'autres possibilités de travail local sont ouvertes pendant la saison sèche, lorsqu'il y a peu de demandes de main-d'œuvre agricole (ou en tout cas moins). Ceci recouvre la fabrication de briques et la construction. L'auto-emploi consiste en plusieurs activités. Les ventes de bois de chauffage/charbon de bois et de produits de cueillette sont les plus courantes, suivies par les ventes d'objets d'artisanat et de foin/bourgou (Echinochloa stagnina). Ce qui est vendu exactement dépend de la nature de la zone ; cependant, on peut dire que les très pauvres et les pauvres vendent surtout aux ménages moyens et aisés à l'intérieur de la même zone. (L'exception peut être la zone 12 où l'auto-emploi inclut l'exploitation aurifère traditionnelle.) La catégorie « migration/transfert d'argent » est importante dans de nombreuses zones, bien que ce soit davantage le cas dans le nord du pays, où les moyens d'existence sont plus incertains et les possibilités de travail dans chaque zone sont, en général, plus limitées que dans le sud. Les moyens et les aisés tirent aussi un revenu de cette source. Ils sont capables de voyager plus loin et de trouver des emplois plus rémunérateurs que les très pauvres et les pauvres ; en effet, pour les aisés, cette catégorie consiste souvent en transferts d’argent des migrants permanents. La mesure de la différence entre les deux groupes de richesse du haut et les deux du bas varie entre les zones. On s'intéressera à la zone pastorale (2) où le bétail est le seul actif productif. Sa possession est concentrée parmi les moyens et les aisés, ce qui crée une nette distinction entre les ouvriers très pauvres et pauvres et les ménages plus aisés vendeurs de bétail. Dans la zone 8, les transferts d’argent provoquent une similaire dissymétrie de la richesse, comme les cultures de rente dans les zones du sud, dans la mesure où les ménages très pauvres et pauvres sont, pour l'essentiel, exclus de ces activités, en raison du coût élevé de leurs intrants. 19 Comme dans la section sur les sources de nourriture, il convient de garder présents à l'esprit les différences entre les pauvres et les très pauvres. Dans la zone 10, par exemple, les structures de revenus variables suggèrent que les ménages pauvres sont des fermiers, tandis que les ménages très pauvres sont des ouvriers. Dans les zones 4, 5 et 6, la différence majeure entre les pauvres et les très pauvres est leur capacité à migrer pour trouver du travail. Les ménages très pauvres n'ont pas généralement suffisamment de bras valides pour que l'un d'entre eux migre à la recherche de travail. 20 Sources de revenus10 10 LZ signifie ‘Livelihood Zone’ ou ‘Zone de moyens d’existence’. 21 Risques La comparaison des sources de revenu entre les zones nous renseigne sur le risque et la vulnérabilité. Dans les zones où les pluies sont faibles et incertaines, les ménages moyens et aisés répartissent le risque entre les cultures et le bétail (une combinaison de vert et de bleu sur le graphique) ; si le revenu de l'un est réduit, il est possible de s'appuyer davantage sur l'autre. Ceci est moins nécessaire dans le sud où les pluies sont aussi bien plus fiables et plus régulières et où il n'est pas aussi risqué pour les ménages de s'appuyer largement sur leurs récoltes. La même chose s'applique à la zone 7 où l'agriculture est irriguée. Il est aussi moins nécessaire de répartir le risque dans la zone 8, dans la mesure où le revenu annuel ne dépend pas des caprices du climat, mais des transferts d’argent. L'exception à tout ceci est la zone 2, où les pluies sont faibles et incertaines, et où les ménages dépendent exclusivement du bétail. Ici, les moyens d’existence sont plus risqués que partout ailleurs dans le pays, bien qu'à l'inverse la forte valeur du bétail en fasse une zone aisée. Les très pauvres et les pauvres ont des structures de dépenses plus diversifiées. Ceci ne les rend pas nécessairement plus résistants aux chocs que les ménages plus aisés, du fait qu'une grande partie de leur revenu vient des moyens et des aisés. En fait, la diversification suggère que les ménages pauvres et très pauvres doivent exploiter toute possibilité de rémunération quand ils le peuvent, juste pour survivre. Des prêts et des dons, par exemple, sont un moyen important de survie pour les agriculteurs pauvres et très pauvres pendant la période de l’année qu’ils s’attendent néanmoins à avoir faim. Mais vivre sur la marge les rend vulnérables à toute perturbation dans le système. Par exemple, si une hausse des prix rendait les ménages plus aisés plus prudents et donc réduisait des dons et des prêts — peut-être même de l’emploi occasionnel — elle serait un double choc pour les ménages plus pauvres : ils recevraient moins et ils pourraient acheter moins à prix courants. 22 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 1 : Nomadisme & commerce transsaharien Description de la zone Une description complète n'a pas été préparée pour cette zone. Aucune étude de terrain n'y a été réalisée en raison de l'insécurité qui y règne et des contraintes de temps. Cette zone de désert couvre une vaste étendue au nord du Mali. Lorsqu'il pleut, la pluviométrie se situe entre 0 et 200 mm annuellement pendant soixante-quinze jours. La pluie tombe en averses isolées, l'humidité superficielle s'évaporant avant que l'herbe ne puisse s'établir. La zone a une densité de population extrêmement faible et se caractérise principalement par l'élevage nomade et le commerce vers l'Algérie faisant intervenir aussi bien des caravanes de chameaux que le transport motorisé. Le palmier dattier (Phoenix dactylifera) pousse dans les oasis ; on trouve aussi une petite production maraîchère : les principales cultures sont l'oignon et la tomate. Les principales espèces animales sont le chameau, la chèvre et l'âne, le lait, le fromage de chameau et de chèvre et la viande séchée étant les produits animaux les plus importants. L'eau pour les humains et pour les animaux provient des trous de forage et des puits. La région se caractérise aussi par quelques mines de sel et la vente d'objets d'artisanat. L'accès au marché est très limité et les facteurs de risque incluent une réduction de la disponibilité en eau, une hausse des prix alimentaires et les conflits. L'insécurité dans la région est particulièrement sensible en ce moment avec la présence de L'organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique. 23 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 2 : pastoralisme nomade & transhumant11 Description de la zone Il s'agit d'une énorme zone pastorale qui s'étend au nord du pays ; elle est située entre les régions d'agriculture pluviale le plus au nord et l'extrême sud du Sahara, et la plus grande partie de son territoire est isolée du reste du Mali. Elle a une écologie nord-sahélienne, avec des herbes clairsemées aux limites du désert. Elle couvre une partie des régions de Gao, Tombouctou et Kidal ; la vie y est difficile, le milieu inhospitalier et la densité de population très faible. Avec des pluies inférieures à 200 mm par an, le pastoralisme, qu'il soit transhumant ou nomade, est le seul moyen d'existence viable. Pendant les années normales et pendant les bonnes années, des lacs saisonniers se forment autour desquels il est possible de cultiver le sorgho (sorgho de décrue) ; ce sont principalement les ménages les plus pauvres qui pratiquent cette culture et elle ne doit pas être considérée comme typique de la zone. Le fonio sauvage (Panicum laetum) et les pastèques sauvages (Citrullus colocynthis) y poussent aussi ; le fonio est ramassé et consommé par les ménages les plus pauvres, tandis que la pastèque sauvage est une source d'eau pour le bétail. Les principales espèces de bétail sont les chameaux, les bovins, les moutons et les chèvres. Il y a peu de bovins vers le nord de la zone, du fait qu'il n'est pas adapté à la survie dans ce milieu hostile et que sa possession est donc généralement risquée. Les moutons ont plus de valeur que les chèvres, dans la mesure où on peut les vendre à un prix plus élevé pour le festival de Tabaski (Eid al-Adha). Les ménages moyens et aisés considèrent souvent les chèvres de la même manière que les ménages d'autres zones pensent aux volailles : elles sont une source d'argent rapide. Les gardiens de troupeaux migrent tant vers le nord que vers le sud (vers le Gourma) chaque année lorsque les pâturages disponibles localement commencent à s'épuiser. L'eau, pour la population comme pour le bétail, vient d'une combinaison de trous de forage et de puits de différentes tailles, de lacs saisonniers et de cours d'eau. Pendant la saison sèche, l'assèchement des points d'eau peut être un problème grave. Le mot « pastoralisme » peut prêter à controverse ; il est souvent associé soit à des arguments pessimistes sur un moyen d’existence subissant un déclin inévitable, soit à des notions romantiques autour d'un moyen d’existence immuable. Les tendances à long terme sont difficiles à déterminer. Toutefois, les répondants dans cette zone n'ont pas parlé d'un pastoralisme en déclin, mais d'un cycle de bonnes années suivies par de mauvaises. Les tailles des troupeaux sont augmentées progressivement pendant les bonnes 11 En raison de l'insécurité régnant dans le nord du Mali, FEWS NET n'a pas pu conduire l'étude de terrain dans cette zone. L'information présentée ici appartient à OXFAM GB, qui a effectué une étude de terrain complète dans la commune de Tarkhint, qui se trouve dans cette zone, en octobre 2009. Se reporter à ces profils, publiés par OXFAM GB pour de plus amples informations. 24 années pour surmonter les difficultés des mauvaises années. Les répondants ont aussi parlé de changement et d'adaptation. Un type de sédentarisation est en cours sous la forme de sites permanents avec des constructions permanentes. Cependant, ce processus n'est pas linéaire. Les sécheresses de 1973 et de 1984, par exemple, ont provoqué une accélération de la sédentarisation et la construction d'écoles, de centres de santé et de points d'eau. Pourtant, les ménages continuent de dépendre fondamentalement de leur bétail, que ce soit directement ou indirectement, et vivent une sorte de nomadisme limité dans la région. Le manque de diversité qu'implique le fait de dépendre largement du bétail signifie que les ménages sont extrêmement exposés aux facteurs de risque qui menacent la taille et la valeur de leurs troupeaux. Lorsque les troupeaux sont décimés, il existe peu d'activités alternatives dans la zone pour compenser le choc. Ainsi, pendant les mauvaises années de nombreux habitants quittent la zone pour aller trouver du travail ailleurs (par ex., en Algérie et en Libye) ; l'argent qu'ils gagnent peut alors être utilisé pour reconstituer les troupeaux. On a assisté à un exode massif de bras valides après la sécheresse de 1973 et celle de 1984. Cependant, malgré ces risques élevés, la valeur du bétail et la rentabilité du commerce offrent effectivement aux ménages des possibilités de s'enrichir considérablement. Le commerce est une activité secondaire pour la plupart des ménages moyens et aisés, mais il est néanmoins très important. La ressource naturelle la plus importante dans la zone est le pâturage. De plus, on trouve des nourritures naturelles, ainsi que des terres salées, qui profitent aux animaux locaux. Les objets d'artisanat locaux se vendent aussi, tant sur place qu'auprès des marchands venus des villes, comme Gao. Marchés Les routes de sable et de terre sont extrêmement fréquentes dans cette région, et très peu sont recouvertes de bitume ; certaines régions se retrouvent isolées pendant la saison des pluies. Dans cette zone, l'accès au marché est limité et les gardiens de troupeaux peuvent devoir parcourir de longes distances pour mener leurs bêtes au marché. Dans certains cas, de gros marchands viennent aux campements et aux sites avec des camions pour acheter du bétail. Certaines parties de la zone, n'ont pas de marché, mais des boutiques locales appartenant à de gros marchands ; on y vend des céréales, du sucre, du thé et d'autres matériaux nécessaires. Les boutiquiers proposent aussi des prêts. Parfois, les ménages peuvent acheter leurs céréales dans les grandes villes comme Gao pour profiter des prix plus bas qui s'y pratiquent ; il est aussi fréquent que les migrants retournent avec de la nourriture. Il existe deux transactions financières principales dans cette zone : la vente de bétail et l'achat de céréales (principalement du mil). Ainsi, tous les ménages sont-ils très exposés aux changements dans les termes de l'échange entre le bétail et le mil. Cependant, ce sont les ménages moyens et aisés qui peuvent vendre du bétail lorsque le prix est élevé et acheter des céréales quand le prix est bas. Ce sont les très pauvres et les pauvres qui souffrent le plus des mauvais termes de l’échange. Pendant la période de soudure et en l'absence de toute autre solution, les ménages les plus pauvres sont forcés d'accepter les termes de l'échange très défavorables proposés par les négociants. 25 Calendrier saisonnier Jui. Août Sep. Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Mai Juin Pluies Légende : En chaleur Bétail Chameaux - en chaleur Chameaux- naissances Chameaux (prod. laitière) Bovins Bovins (prod. laitière) Petits ruminants Petits ruminants (prod. laitière) Transhumance Ventes de bétail Achat de fourrage Maladie du bétail Commerce du bétail Naissances Tout le bétail Autre Achat d'aliments de base Travail local - garde des troupeaux Construction Produits de cueillette Travail migrant Emprunts/remboursement Sorgho (non typique) Paludisme Disponibilité de l'eau Période de soudure Remboursement Semis Chameaux Emprunts Récolte Pluies Jui. Août Sep. Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Le calendrier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année pastorale dans la zone. On peut discerner trois périodes principales : (1) La saison chaude qui dure de mars à juin est la période la plus difficile pour le bétail et la période de soudure pour les ménages de la zone (surtout pour les pauvres et les très pauvres). Les animaux sont en mauvais état du fait du manque d'eau et de pâturage pendant cette période (les ménages qui en ont les moyens achètent du fourrage). C'est la période de l'année qui connaît la plus forte incidence des maladies du bétail et la plus forte mortalité du bétail. En conséquence, le prix du bétail est à son plus bas, ce qui conduit à de mauvais termes de l'échange entre le bétail et les céréales. Normalement, ce sont les ménages les plus pauvres qui en souffrent le plus, puisqu'ils sont forcés de vendre leur bétail pendant cette période pour acheter des aliments de base. Les très pauvres et les pauvres recourent aussi à l'emprunt pour tenir jusqu'à la fin de la période de soudure ; les remboursements se font entre septembre et novembre lorsque la situation est généralement meilleure. Entre mars et juin, les ménages se séparent fréquemment. Les hommes des ménages plus pauvres peuvent migrer pour trouver du travail temporaire (exode), par exemple en Algérie. Toutefois, on ne peut considérer ce phénomène que comme « à demi typique » des ménages plus pauvres pendant une année normale. Le plus fréquemment, le mois de mars est marqué par le « grand départ », quand ceux qui ont des troupeaux suffisamment grands migrent à la recherche de pâturages. Les pâturages disponibles sur place ont commencé à se faire rares et il est nécessaire de se déplacer plus loin. Les pauvres et les très 26 pauvres sont nettement moins susceptibles de déplacer leurs bêtes, d'une part parce que la taille de leurs troupeaux n'est pas suffisamment grande pour justifier un tel voyage et, d'autre part, parce qu'ils possèdent surtout des chèvres. (Les troupeaux transhumants se composent de chameaux, de vaches et de moutons ; les chèvres restent généralement derrière.) Quand les animaux sont en transhumance, des arrangements doivent être faits pour couvrir les besoins alimentaires et financiers des membres du ménage restés sur place. Le grain doit être acheté à l'avance ou selon les besoins. Certaines bêtes (ainsi que les chèvres) peuvent aussi être laissées derrière, pour que leur vente permette de couvrir les imprévus. Enfin, il convient de noter que les vaches mettent bas le plus souvent avant le début des pluies principales, pendant une période où la disponibilité des pâturages et de l'eau est réduite. Ce sont des conditions difficiles pour les animaux nouveau-nés, qui sont donc exposés à un risque accru de maladie et de mort jusqu'à ce que les pâturages s'améliorent. (2) Pendant la saison des pluies de juillet à septembre, la situation s'améliore. La disponibilité de l'eau commence à augmenter et les troupeaux reviennent de transhumance à partir de juillet. En raison des nouvelles naissances et de l'amélioration de la condition du bétail, la production de lait est à son maximum pendant cette saison, ce qui conduit à une nette amélioration de l'alimentation, par comparaison avec les précédents mois de soudure. Il y a aussi un élément géographique à la consommation de lait ; il est évident que lorsque le bétail est en transhumance, les membres du ménage restés sur place ne profitent pas du lait produit. Le calendrier saisonnier montre uniquement le pic de la production laitière ; les chameaux, par exemple, peuvent allaiter toute l'année. Cependant, il faut aussi souligner que tout le lait n'est pas consommé ; une partie, par exemple, est réservée aux animaux nouveau-nés. À la fin de ces mois, les produits de cueillette (par ex., fonio sauvage) commencent à devenir disponibles, ce qui profite aux ménages plus pauvres. Toutefois, ces nourritures ne sont disponibles que pendant les années normales et bonnes. Sous un angle négatif, c'est aussi la période de plus forte incidence de paludisme, mais c'est un problème beaucoup moins grave ici que dans les zones plus au sud. 3) Le bétail est au mieux de sa condition pendant la saison froide entre octobre et février et le prix du bétail et donc élevé. La plupart des ventes de bétail se font vers cette période. On trouve aussi sur place du travail dans la construction et les ménages plus aisés peuvent payer les membres des ménages plus pauvres pour conduire leurs animaux au marché. Finalement, si les conditions sont bonnes, certains des ménages les plus pauvres cultivent le sorgho autour des lacs de la zone ; cependant, ce n'est pas typique de la majorité des ménages très pauvres et pauvres. À partir de février, les pâturages redeviennent de plus en plus rares, l'état du bétail commence à se détériorer et les ménages se préparent pour le grand départ en mars. 27 Répartition de richesse Caractéristiques des groupes de richesse Taille des ménages Animaux d'élevage Autres actifs Très pauvres 5-7 9-11 chèvres, 0-2 ânes 4-6 petits ruminants prêtés par les moyens et les aisés Pauvres 7-9 5-7 moutons, 14-16 chèvres, 1-3 ânes 4-6 petits ruminants prêtés par les moyens et les aisés Moyens 10-12 24-26 chameaux, 9-11 bovins, 35-45 moutons, 30-40 chèvres, 3-5 ânes Aisés 17-19 45-55 chameaux, 24-26 bovins, 60-80 moutons, 30-40 chèvres, 7-9 ânes 0% 20% 40% *L'équilibre entre le nombre de chameaux, de bovins et de moutons possédés varie d'un bout à l'autre de la zone. Il y a peu de bovins au nord de la zone, du fait que le milieu plus hostile rend sa survie plus difficile. Par conséquent, les ménages plus au nord possèdent plus de camelins et de moutons. **Les animaux prêtés temporairement aux ménages pauvres et très pauvres sont inclus dans les chiffres pour le nombre d'animaux d'élevage possédés. La majorité des ménages de cette zone appartient aux groupes très pauvres et pauvres. Quoi qu'il en soit, le groupe plus aisé avec vingt pour cent des ménages est important, comparé à de nombreuses autres zones. En termes de population (pour prendre en compte la taille plus grande des ménages moyens et aisés), la majorité des habitants (environ 60%) appartient aux groupes moyens et aisés. Si la majorité des habitants appartenait aux deux groupes les plus pauvres, le système de solidarité fortement développé de cette zone ne serait pas durable. Il existe une différence frappante entre les groupes les plus pauvres et les plus riches et on peut voir une forte concentration de richesse parmi les moyens et les aisés. Ceci est principalement dû au nombre d'animaux possédés, qui est pratiquement le seul indicateur/déterminant de richesse de la zone. Les ménages les plus pauvres possèdent environ entre dix et vingt petits ruminants, tandis que les aisés peuvent posséder plus de soixante-dix grands ruminants et plus d'une centaine de petits ruminants. (« plus de », parce que les participants aux entretiens ont eu tendance à sous-estimer la taille de leurs troupeaux.) En effet, les très pauvres et les pauvres ne possèdent pas suffisamment de bétail pour être appelés des « pasteurs » ou pour dépendre principalement de leur propre troupeau. On pourrait dire que les très pauvres et les pauvres constituent une sorte de « prolétariat pastoral » qui dépend des possibilités de travail offertes par les moyens et les aisés. Il existe un système à l'intérieur de la zone, en vertu duquel les ménages moyens et aisés prêtent temporairement un certain nombre de moutons et de chèvres en lactation aux ménages pauvres et très pauvres. Ils sont inclus dans le tableau sur la répartition des richesses ci-dessus. L'arrangement est extrêmement important (plus que le système similaire dans la zone 3), dans la mesure où il fournit aux ménages plus pauvres un grand pourcentage de la totalité du lait qu'ils consomment. Il convient aussi de noter que tous les groupes de richesse possèdent des ânes, qui sont essentiels pour 28 puiser l'eau des puits et des autres points d'eau. Dans de nombreuses autres zones du pays, les ménages les plus pauvres ne possèdent pas d'ânes, mais ici il est nécessaire de posséder au moins un âne pour survivre. Finalement, à l'extrême des aisés, on trouve un petit groupe de ménages super riches ; bien qu'ils possèdent de plus grands troupeaux, ces ménages sont souvent de grands marchands et peuvent jouer un rôle important dans la zone en termes des dons et du crédit qu'ils offrent. Ces personnes possèdent des téléphones satellitaires (« thurayas ») pour faciliter leurs affaires. Sources de nourriture Les très pauvres et les pauvres dépendent de plusieurs sources de nourriture différentes, qui sont toutes cruciales s'ils doivent satisfaire leurs besoins alimentaires annuels. Ils sont extrêmement exposés à tout choc susceptible de limiter leur accès à la nourriture de quelque source que ce soit. 100% 90% Autre 80% Cueillette 70% 60% Paiement en nature Migration 50% 40% 30% Achats 20% Produits du bétail 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Il faut souligner l'importance du marché pour tous les groupes de richesse. Les ménages ne cultivent généralement pas les céréales et ne sont pas en mesure de vivre exclusivement du lait et d'autres produits animaux ; ils doivent donc acheter des aliments de base. Ceci est également typique d'autres populations pastorales en Afrique. Outre les céréales, le lait, la viande et d'autres produits animaux représentent une très importante contribution aux besoins alimentaires annuels : près de trente pour cent pour les moyens et les aisés. Ceci sert à améliorer la qualité de l'alimentation, surtout celle des enfants. La consommation de lait dans cette zone est considérablement plus élevée que dans toutes les autres zones du pays ; un ménage très pauvre, par exemple, couvre une plus grande partie de ses besoins alimentaires avec le lait que la majorité des ménages aisés du pays. La consommation de lait reste un élément central de la vie pastorale. Les paiements en nature (surtout le mil) sont une importante source de nourriture pour les très pauvres et les pauvres. Il s'agit essentiellement du paiement des bergers, qui reçoivent tous leurs repas lorsqu'ils migrent avec les troupeaux. Dans d'autres cas, le berger peut recevoir des céréales avant de partir en transhumance ; il part avec une partie de sa famille, l'autre reste sur place. Les produits de cueillette (surtout le fonio sauvage) contribuent aussi aux besoins alimentaires des ménages les plus pauvres. Tous les groupes tirent une petite partie de leurs besoins alimentaires annuels du travail migrant (bien qu'on ne puisse considérer ce phénomène que comme « à demi typique » de la zone). Les migrants peuvent retourner chez eux avec de la nourriture. De plus, les repas consommés par le migrant pendant qu'il est parti signifient qu'il y a une bouche de moins à nourrir à la maison. Cette « économie » est aussi prise en compte dans la catégorie « migration». Lorsqu'ils migrent, les pauvres et les très pauvres occupent généralement des emplois temporaires, tandis que les moyens et les aisés voyagent pour faire du commerce. La catégorie « autre » contient un mélange de nourriture consommée dans les cantines scolaires et de dons en nature. Tous les sites de la zone n'ont pas une cantine à l'école et les informateurs clés ont dit que c'était principalement les enfants des ménages très pauvres, pauvres et moyens qui en profitaient. Sans les dons des moyens et des aisés, les ménages les plus pauvres auraient des difficultés à couvrir leurs besoins alimentaires. 29 Sources de revenus 100% Autre 90% 80% Commerce 70% Auto‐emploi 60% 50% Travail local 40% Migration 30% 20% Vente des produits de bétail 10% La plus grande différence entre les deux groupes les plus pauvres et les deux groupes les plus riches est l'importance des ventes de bétail en termes de revenu. On peut voir que les ménages moyens et aisés vivent principalement de la vente de leurs bêtes, qui contribue environ quatre-vingts pour cent à leur revenu monétaire total. Vente de bétail 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Par contre, seuls vingt-six pour cent et quatorze pour cent du revenu respectif des pauvres et des très pauvres vient des ventes de cheptel. La différence entre ces deux groupes mérite aussi qu'on s'y attarde ; les pauvres sont capables de dépendre presque deux fois plus de leur bétail que les très pauvres. Pour les ménages moyens et aisés, le commerce est la deuxième plus importante source de revenus. Celui concerne surtout le commerce du bétail, bien qu'il y ait aussi une partie considérable de contrebande. Celle-ci est difficile à quantifier, du fait que les ménages sont naturellement réticents à discuter de ce type d'activité illégale. Pourtant, on peut dire que les marchands revenant du nord rapportent avec eux de la nourriture et d'autres biens, comme des tapis et du matériel de cuisson. Il faut aussi remarquer que le commerce est plus important pour les aisés que pour les moyens, puisque ce sont eux qui ont le plus de capital à investir. Pour le groupe des super riches, le commerce est encore plus important. La principale source de revenus des groupes les plus pauvres est le travail effectué sur place. C'est lui qui leur permet de continuer à vivre dans la zone. Par exemple, les ménages aisés emploient des bergers parmi les ménages plus pauvres pour s'occuper de leurs troupeaux. Le ménage aisé fournit au berger les repas lorsqu'il migre avec le troupeau ; de plus, il est payé en moutons ou en chèvres ou en argent. Les autres types de travail local fréquemment entrepris par les ménages plus pauvres incluent : abreuver les animaux, mener le troupeau au marché et construire et réparer les maisons et les puits. Les très pauvres et les pauvres sont aussi payés par les marchandes de bétail (gros négociants qui viennent sur place pour acheter directement auprès des pasteurs) pour charger les animaux dans les camions. Le travail ménager domestique est réservé aux très pauvres. L’auto-emploi inclut la vente d'objets d'artisanat (par exemple, tentes et peaux tannées) et la vente de bois de chauffage et de charbon de bois. Les ventes de bois de chauffage sont le plus fréquentes pour les pauvres, qui possèdent plus d'ânes pour transporter le bois. La catégorie « autre » inclut les dons et le « zakat » (obligation coranique de faire l'aumône). 30 Dépenses 100% Autre 90% 80% Vêtements 70% Education 60% Santé 50% Intrants de production Equipement ménager Autre nourriture 40% 30% 20% 10% Nourriture de base 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Le pourcentage du revenu dépensé en aliments de base décroît avec la richesse, ce qui veut dire que les moyens et les aisés ont proportionnellement plus d'argent à dépenser pour d'autres articles et pour investir dans la production (par ex., intrants d'élevage et paiement de la maind'œuvre), le commerce et dans l'avenir, en ce qui concerne l'éducation des enfants. Aisé On remarquera que les ménages les plus riches peuvent non seulement dépenser proportionnellement beaucoup plus de cette façon, ils dépensent aussi considérablement plus en termes absolus. Comme on pourrait s'y attendre, les dépenses en intrants d'élevage, qui sont liées au nombre de bêtes possédées, sont proportionnellement plus importantes pour les ménages moyens et aisés. Elles représentent près de vingt-cinq pour cent des dépenses des moyens et des aisés, contre trois pour cent pour les ménages pauvres et un pour cent pour les ménages très pauvres. Il n'y a pas de dépenses d'eau ; l'eau des puits est gratuite; l'accès en est régi par la coutume locale. Risques 5 4 3 2 1 On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2 une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année. 0 Les différences entre les années en termes de sécurité alimentaire sont importantes, dans la mesure où ce sont les bonnes années et les années acceptables qui compensent les mauvaises. Dans une zone pastorale, on s'attendrait à ce que la taille des troupeaux augmente la plupart des années, pour pouvoir compenser les importantes pertes des mauvaises années. L'histogramme montre que non seulement 2008-09 a été une année difficile, mais que d'après les informateurs, 2009-10 est encore pire. Concernant les facteurs de risque de cette zone, la première chose à remarquer est que les moyens 31 d'existence ne sont pas diversifiés et dépendent presque entièrement du bétail. Bien que leurs troupeaux soient relativement réduits, les pauvres et les très pauvres s'appuient néanmoins largement sur le bétail, puisque ce sont les animaux des moyens et des aisés qui leur permettent de les employer et de donner des dons aux ménages les plus pauvres. Autrement dit, tous les œufs sont dans le même panier. Pour tenter de résoudre ce problème, les ménages augmentent leurs troupeaux pour atténuer l'impact d'un choc. On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone. Bétail 1. Insuffisance de pluies et de pâturages. Ces facteurs de risque sont évidemment liés. Lorsqu'il n'y a pas assez de pâturages, la transhumance commence plus tôt et les ménages peuvent vendre un certain nombre de bêtes pour acheter du fourrage. 2. Manque d'eau. C'est un facteur de risque sérieux tant pour les humains que pour les animaux. Dans les mauvaises années, les points d'eau saisonniers s'assèchent tôt. 3. Maladies du bétail, par exemple, fièvre charbonneuse, distomatose hépatique et pleuropneumonie contagieuse des bovins. 4. Vol de bétail. Marchés 1. Mauvais termes de l’échange entre le bétail et le mil (une chute prix du bétail et une hausse rapide du prix des céréales étant la pire combinaison). Certaines régions de cette zone sont aussi très isolées et les céréales peuvent ne pas toujours être disponibles sur le marché ou dans les boutiques. Autre 1. Animaux sauvages : les chacals chassent et tuent les chèvres et les moutons. 2. Les criquets, qui peuvent détruire les pâturages. 3. Feux de brousse. 4. Conflit. Il y a eu un certain nombre de conflits dans ces dernières années. Le manque de place dans les pâturages du sud au-delà de la zone pendant les mauvaises années force des ventes de bêtes et engendre des différends avec des populations sédentaires au sujet de l'eau et des dégâts aux récoltes. 32 Stratégies d’adaptation Il existe deux types de stratégies d'adaptation qu'emploient les ménages ; réduire les dépenses et/ou augmenter les revenus. Pendant une mauvaise année, tous les ménages réduisent leurs dépenses de produits non essentiels et augmentent leurs dépenses d'aliments de base. Par exemple, les ménages consomment moins de riz en faveur du mil, qui est l'aliment de base le moins cher. Les ménages plus aisés ont une plus grande capacité à réduire leurs dépenses de cette manière, dans la mesure où ils achètent davantage de riz que les pauvres pendant une année normale. La production de lait décroît pendant une mauvaise année, du fait que le bétail est un état bien pire ; pour résoudre ce problème, les ménages consomment davantage de céréales, mais ceci réduit la qualité de leur alimentation. Les ménages aisés sont en mesure d'acheter du lait en poudre. Concernant les autres éléments, des représentants du groupe des très pauvres ont indiqué qu'ils peuvent réduire leurs achats de sucre et de tabac de vingt-cinq pour cent et de vêtements de cinquante pour cent. Certains ménages réduisent le nombre de repas qu'ils prennent chaque jour ; toutefois, cette stratégie est dangereuse si elle ne se limite pas au très court terme (quelques semaines au maximum). On trouvera ci-dessous une liste de stratégies d'adaptation employées par les ménages à différents niveaux de richesse pour accroître leurs revenus. Très Pauvres et Pauvres Travail migrant. Pendant une année normale, le travail migrant ne peut être considéré que comme « à demi typique » de la zone. Elle devient bien plus importante pendant une mauvaise année, lorsque les membres de la quasi-totalité de tous les ménages très pauvres et pauvres migrent pour trouver du travail. Les ménages augmentent aussi le nombre de personnes ainsi que le nombre de mois passés en migration. Par exemple, deux personnes peuvent migrer pendant quatre mois au lieu d'une personne pendant deux mois. Ils peuvent se rendre dans des villes comme Gao et Tombouctou ou bien à l'étranger, par exemple en Algérie. Les informateurs ont déclaré que même les enfants peuvent migrer, ce qui les force à quitter l'école. (L'équipe a rencontré un garçon de seize ans qui avait quitté l'école en 2009-10 pour aider sa famille.) Pendant les mauvaises années, tous les bras valides des ménages partent en migration soit pour trouver du travail soit avec les troupeaux. Seuls les personnes âgées et les plus pauvres restent et se concentrent vers de plus grands sites. Les ménages qui sont forcés de rester sur place, parce qu'ils n'ont pas d'autre solution, sont ceux qui souffrent le plus. Augmentation des ventes de bétail. Toutefois, les prix sont souvent plus bas, en raison du mauvais état du cheptel et de l'absence de demande sur le marché. Ainsi, un ménage très pauvre typique vend trois chèvres pendant une année normale (sur les huit qu'il possède au début de l'année) ; pendant une mauvaise année, ce ménage peut en vendre jusqu'à cinq. Il est possible que le bénéfice qu'il reçoit de ces cinq ventes soit inférieur au bénéfice d'une année normale. Les ménages essaient d'éviter de vendre un nombre insoutenable de bêtes. Les ventes de bétail à tout prix indiquent une crise en cours. Les ménages pauvres augmentent leur vente de produits animaux, au lieu de les consommer. Travail local. L'argent tiré du travail local diminue généralement. Il y a davantage de demandes, mais l'offre de travail diminue. La fabrication de briques diminue du fait que l'eau nécessaire pour les faire est plus rare ; de plus, les ménages moyens et aisés sont moins susceptibles d'entreprendre des travaux de construction pendant une mauvaise année. L’auto-emploi. Ceux qui tannent les peaux se retrouvent confrontés à plus de concurrence, une demande en baisse et la chute des prix pendant les mauvaises années. Ainsi le revenu de cette activité décroît-il. Les ventes de bois de chauffage n’augmentent pas non plus, étant donné l’invariabilité de la demande. Les ventes de charbons de bois peuvent être plus rentables. 33 Les tendances concernant les dons et la solidarité entre les groupes sont difficiles à juger pendant une mauvaise année. Les dons restent importants ; par exemple, les ménages les plus pauvres mangent un plus grand nombre de leurs repas avec les moyens et les aisés, et reçoivent davantage de thé et de sucre. Parfois les enfants des ménages plus pauvres sont recueillis par les moyens et les aisés et ceux qui sont forcés de rester sur les grands sites dépendent largement des dons. Toutefois, les mauvaises années sont aussi difficiles pour les moyens et les aisés ; les informateurs ont affirmé que de nombreux types de dons diminuaient, à moins qu'il n'y ait des liens de famille étroits. Les ménages pauvres ont aussi recours à l'emprunt auprès des moyens et des aisés, qui acceptent une plus longue période de remboursement. Les très pauvres ne sont généralement pas suffisamment solvables. Enfin, ceux qui ont des parents vivant à l'étranger essaient d'augmenter leurs revenus des transferts d’argent. Moyens et Aisés Ils augmentent les ventes de bétail pour acheter des céréales et du fourrage pour sauver les animaux qui ont le plus de valeur, surtout les femelles reproductrices. Ils augmentent leur commerce de bétail (par exemple quarante bêtes au lieu de trente) et davantage de membres du ménage participent au commerce. Ils augmentent le nombre de personnes et le nombre de mois passés à migrer pour trouver du travail. Ils augmentent le nombre de mois de transhumance du bétail, en partant plus tôt que de normale. Ils recueillent les enfants des autres ménages et partagent leurs repas avec les ménages très pauvres et pauvres. Il existe une pression sociale considérable pour fournir de la nourriture aux groupes les plus pauvres. 34 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 3 : riz fluvial & élevage transhumant (agropastoral)12 Description de la zone Il s'agit d'une zone agropastorale, à faible densité de population, qui s'étend des rives du fleuve Niger au nord du delta jusqu'à la frontière avec le Niger. Les villages se situent au bord des deux rives (dans le Haoussa au nord et le Gourma au sud) ainsi que sur des îles au milieu du fleuve. La majorité de la population est sédentaire, bien qu'on trouve aussi des groupes de pêcheurs semi-nomades Bozos, qui ont des moyens d'existence différents et ne sont pas inclus dans ce profil (voir la sous-zone 6a). Il s'agit d'une zone en situation d'insécurité alimentaire. Les moyens d'existence sont très diversifiés, en particulier ceux des pauvres et des très pauvres ; les ménages dépendent de la riziculture, de l'élevage, du maraichage, de la pêche et du travail migrant à des degrés différents. Cette répartition des risques entre différentes activités contribue à atténuer les effets d'un risque et rend la vie moins risquée que dans la zone 2 où les ménages sont pratiquement exclusivement tributaires de leur bétail. Toutefois, les habitants de la zone ne tirent pas avantage des mêmes possibilités de richesse considérable associées aux moyens d'existence pastoraux. Les faibles pluies annuelles, qui oscillent entre 150 et 200 mm, sont insuffisantes pour l'agriculture pluviale ; c'est la présence du fleuve qui rend possible la culture du riz, du bourgou et des cultures maraîchères. Le riz est la principale culture et se cultive sur les rives du fleuve. Contrairement au delta (zone 6) et à l'Office du Niger (zone 7), il n'existe aucune infrastructure moderne dans cette zone pour contrôler le volume de l'eau irriguant les rizières. Les paysans sèment avec l'arrivée des premières pluies, et la montée subséquente du niveau du fleuve (la crue) fournit le reste de l'eau nécessaire à la riziculture. Des levées de terre traditionnelles protègent les champs des excès d'inondation à mesure que le niveau du fleuve monte ; toutefois, une crue particulièrement forte aussi bien que des vents violents peuvent rompre ces digues et détruire une partie de la récolte. Le bourgou (Echinochloa stagnina) est une graminée qu'on cultive aussi sur les bords du fleuve et qui est un important fourrage pour les animaux d'élevage. La majorité du sol est sableux, mais les ménages de tous les groupes de richesse sont capables de pratiquer le maraichage, en utilisant l'eau du fleuve pour l'irrigation. Ces cultures sont principalement le tabac, la tomate, la courge et la pastèque, bien qu'il y ait une certaine variation au sein de la zone, en termes de gamme des cultures cultivées. On trouve aussi des produits de cueillette dans la zone ; la plus importante est le cram-cram (Cenchrus biflorus) et le fonio sauvage (Panicum laetum). 12 En raison de l'insécurité régnant dans le nord du Mali, FEWS NET n'a pas pu conduire l'étude de terrain dans cette zone. L'information présentée ici appartient à OXFAM GB, qui a effectué une étude de terrain complète dans la commune de Téméra, qui se trouve dans cette zone, en octobre 2009. Se reporter à ces profils, publiés par OXFAM GB pour de plus amples informations. 35 L'élevage est une activité majeure. Les principales espèces de la zone sont les bovins, les moutons et les chèvres ; parmi celles-ci, les bovins ont le plus de valeur et seuls les ménages moyens et aisés profitent de la sécurité économique qu'apportent ces « banques sur pattes ». Les ventes de bétail sont une importante source de revenus pour les moyens et les aisés. Les ménages de ces groupes tirent aussi de l'argent de la vente de moutons d'embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et nourris avec des aliments bétail. Finalement, certains membres des ménages de l'ensemble des groupes de richesse migrent généralement pour trouver du travail pendant plusieurs mois chaque année. Ce sont les famines de 1973-74 et 1984-85 (aujourd'hui encore les pire années de mémoire d'homme) qui ont déclenché une migration de grande échelle ; aujourd'hui, elle est une source essentielle de nourriture et de revenu pour les habitants de cette zone. Les famines des années 1970 et 1980 ont aussi vu les ménages quitter la zone de manière permanente ; ils envoient aujourd'hui de l'argent à leurs parents qui vivent toujours le long du fleuve. Marchés L'accès au marché varie ; les communes de la partie médiane de la zone sont relativement isolées dans la mesure où le fleuve s'écoule aux portes du désert. Pendant la saison des pluies, par exemple, il faut parfois deux ou trois jours de route pour aller de Téméra à Gao. Les communes et les villages aux deux extrémités de la zone bénéficient d'un accès au marché nettement meilleur, du fait de leur proximité avec de grandes villes comme Gao, Tombouctou et Ansongo. Le fleuve lui-même est utilisé pour le commerce et est navigable d'octobre à mars. Le riz et le bétail sont les deux principaux produits vendus, bien que les ménages vendent aussi des cultures maraîchères, du bourgou et du poisson. Les bovins sont souvent destinés à l'exportation, par exemple vers des marchés au Nigeria et au Ghana ; les petits ruminants, quant à eux, sont exportés au nord vers la frontière algérienne et sont aussi vendus dans des villes locales. Le marché aux grains est crucial, du fait que tous les ménages en dépendent pour acheter un pourcentage non négligeable de leurs céréales. Ceci contribue à expliquer pourquoi les hausses des prix des aliments de base depuis le début de 2008 ont eu un impact négatif sur la sécurité alimentaire des ménages. Le prix du bétail à lui aussi connu une hausse, avec la forte demande en viande des villes du Mali et de l'étranger ; toutefois, les ménages pauvres et très pauvres n'ont pas profité de cette hausse du fait qu'ils ont très peu de bétail à vendre. 36 Calendrier saisonnier Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Oct. Principales récoltes Légende : Préparation des terres Récolte En chaleur Semis Ventes Naissances Désherbage Cultures Riz Niébé Cultures maraîchères Tabac Bétail Vaches (prod. laitière) Vache Petits ruminants (prod. laitière) Petits ruminants Migration des animaux Achats aliments bétail Embouche Ventes de bétail Maladie du bétail Autre Achat d'aliments de base Travail agricole local Autre travail local Objets d'artisanat Produits de cueillette Pêche Migration professionnelle Emprunts/remboursement Paludisme Période de soudure Remboursement Emprunts Pluies Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Oct. Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités agro-fluviales et liées à l'élevage qui constituent l'année agropastorale de cette zone. On peut discerner trois périodes principales : (1) La saison des pluies s'étend entre juillet et septembre/octobre et coïncide avec la période de soudure. C'est un moment particulièrement difficile pour les très pauvres et les pauvres dont les stocks sont épuisés depuis longtemps et qui ont un accès limité à l'argent pour acheter de la nourriture. Les ménages les plus pauvres recourent fréquemment à l'emprunt (tant en espèces qu'en nature) auprès des moyens et des aisés pour tenir jusqu'à la récolte de riz en novembre qui, de fait, met un terme à la période de soudure. C'est une époque d'intense activité physique pour les très pauvres et les pauvres qui non seulement travaillent dans leurs propres champs, mais désherbent et récoltent aussi ceux des moyens et des aisés. De surcroît, les pluies apportent une plus forte incidence de paludisme, parfois mettant hors d'état de travailler un membre actif d'un ménage et imposant des dépenses supplémentaires en médicaments au moment le plus difficile de l'année. 37 Sous un angle plus positif, la chaleur oppressante de mars à juin a passé. La disponibilité des produits de cueillette entre septembre et octobre est cruciale pour les ménages les plus pauvres, qui profitent de cette source de nourriture gratuite, mais qui exige beaucoup de travail. La production (et la consommation) de lait augmente pendant ces mois et les ventes et les prix du bétail sont à leur maximum. Cependant, il faut souligner que les très pauvres et les pauvres sont incapables de tirer avantage de ces prix plus élevés. La nécessité les force à vendre leur bétail entre mai et juillet, lorsque l'état des bêtes est mauvais du fait du manque de pâturage. (2) La saison froide s'étend de novembre à février et est l'époque de la principale récolte de riz, ainsi que le début de la récolte des produits maraîchers. Les dates de la récolte de riz varient entre groupes de richesse, dans la mesure où les moyens et les aisés peuvent récolter avant les très pauvres et les pauvres. La raison en est qu'ils sèment plus tôt parce qu'ils ont un meilleur accès aux charrues, aux bœufs de labour et aux semences ainsi qu'aux motopompes, qui sont utilisées pour irriguer les rizières et qui deviennent particulièrement importantes si les pluies ont du retard. Après la récolte, les pauvres peuvent commencer à rembourser leurs dettes et sont forcés de vendre une partie de leur récolte lorsque les prix du grain sont à leur plus bas. (3) La saison chaude s'étend de mars à juin et est la période la plus difficile pour le bétail et celle avec la plus forte incidence de maladie du bétail. Les pâturages sont rares et ceux qui en ont les moyens achètent du fourrage, en particulier du bourgou (Echinochloa stagnina). Pendant cette période, le travail des ménages est rémunéré aussi bien en espèces qu'en nature ; ceci inclut le travail agricole, comme la préparation des terres pour la saison suivante, ainsi que la construction (par ex., la fabrication de briques). C'est aussi l'époque où la pêche est la plus importante et où les femmes fabriquent des nattes et d'autres objets d'artisanat destinés à leur usage personnel et à la vente. Finalement, les membres de tous les ménages migrent généralement pour trouver du travail pendant ces mois. Les très pauvres et les pauvres trouvent du travail en général dans des villes relativement proches, tandis que les moyens et les aisés peuvent se permettre les coûts de transport pour aller plus loin, par exemple à Bamako ou à l'étranger, comme au Ghana, en Guinée et en Côte d'Ivoire. Répartition des richesses Caractéristiques des groupes de richesse Tailles des ménages Surface cultivée Très Pauvres 6-8 0,5-1 ha Pauvres 8-10 1-2 ha Moyens 10-12 5-6 ha Aisés 14-16 8-10 ha Animaux d'élevage Autres actifs 2-3 petits ruminants prê tés par les moyens et aisés 0-2 filets de pêche, 4 3-5 chèvres, 0-2 moutons, 0-2 petits ruminants ânes, 4-6 volailles prê tés par les moyens et aisés 0-2 chèvres, 4-6 volailles 0-1 pirogues, 0-2 8-10 bovins, 2 boeufs de labour, 12-14 chèvres, 7-9 moutons, 1 charrues, 0-2 filets de pê che 3 ânes, 5-7 volailles 21-23 obvins, 4 boeufs de labour, 22-24 chèvres, 14-16 moutons, 4-6 ânes 0-2 pirogues, 1-2 charrues, 0-2 filets de pê che, 0-2 motopompes % des ménages 0% 20% 40% 38 Le tableau de la répartition des richesses montre que les ménages moyens et aisés représentent juste un peu moins de quarante pour cent des ménages de la zone, un pourcentage non négligeable des ménages relevant de la catégorie des aisés. La tendance pour la taille des ménages de croître avec la richesse signifie que les moyens et les aisés représentent plus de la moitié du total de la population. L'élément le plus frappant dans cette répartition des richesses est la dissymétrie de la richesse en faveur des groupes moyens et aisés. Le bétail est le déterminant de richesse le plus important dans cette zone et on remarquera le vaste écart entre les deux groupes plus aisés et les deux groupes plus pauvres. Les ménages très pauvres et pauvres ne possèdent que quelques petits ruminants et pas de bovins, dont la valeur élevée et la sécurité qu'elles apportent les rendent particulièrement importantes. Par comparaison, un ménage aisé possède en général plus d'une vingtaine de bovins. Il existe un système à l'intérieur de la zone, en vertu duquel les ménages moyens et aisés prêtent temporairement un certain nombre de moutons et de chèvres en lactation aux ménages pauvres et très pauvres avec lesquels ils ont des liens de famille. Ceci donne aux groupes plus pauvres un accès légèrement meilleur au bétail et au lait. L'autre différence clé entre les groupes plus aisés et plus pauvres est la surface de terre qu'ils sont capables de cultiver ; par habitant, les aisés cultivent six fois plus que les très pauvres. Non seulement les groupes plus aisés possèdent-ils plus de terres que leurs voisins plus pauvres, ils ont aussi bien meilleur accès aux actifs productifs, comme les motopompes, et à la main-d'œuvre. Par exemple, ce sont les moyens et les aisés qui possèdent les charrues et les bœufs de labour, qui sont d'abord utilisés sur leurs propres terres et qui sont ensuite loués aux ménages plus pauvres en échange pour leur main-d'œuvre. En fait, les moyens et les aisés ont les moyens de cultiver plus de terre qu'ils n'en possèdent et par conséquent louent la terre des pauvres et des très pauvres. La majeure partie des terres de la zone est dédiée à la riziculture, bien qu'une part non négligeable soit aussi utilisée pour le maraichage ; environ un quart d'hectare pour les très pauvres, comparé à un ou deux hectares pour les aisés. Il existe aussi d'importantes différences entre les pauvres et les très pauvres ; par exemple, les très pauvres sont le seul groupe de richesse à ne pas posséder ordinairement d'ânes et de filets de pêche. Les uns et les autres sont des actifs importants ; ceux-là pour ramasser le bois de chauffage et les produits de cueillette, celui-ci pour pêcher dans le Niger. Sources de nourriture13 Le meilleur accès aux intrants agricoles, la possession d'actifs productifs et la plus grande surface des terres cultivées par les ménages moyens et aisés signifient qu'ils peuvent couvrir une partie nettement plus grande de leurs besoins alimentaires annuels avec leur propre récolte que les très pauvres et les pauvres. Ces ménages consomment toute leur récolte en seulement trois mois maximum et sont donc largement tributaires du marché pour leur nourriture. 100% 90% Autre 80% Migration 70% Paiement en nature Pêche 60% 50% 40% Cueillette 30% Achats 20% Produits du bétail Production agricole 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé 13 Ce graphique a été adapté des résultats de l'Oxfam GB, pour qu'il ait le même format que les autres graphiques sur les sources de nourriture de ce rapport. Pour les graphiques originaux, se reporter aux profils de l'Oxfam GB. 39 Toutefois, comparés aux autres zones (par exemple, le delta et le sud du pays), les moyens et les aisés dépendent aussi du marché à un degré significatif une fois que leur récolte est épuisée après six ou sept mois. Il convient de noter que la récolte des aisés pourrait couvrir davantage que la totalité de leurs besoins alimentaires annuels, mais ils l'utilisent pour payer en nature les pauvres et les très pauvres, ils en vendent une grande partie (et achètent du mil, produits de base moins coûteux) et font des dons en nature. Le lait contribue nettement plus à l'alimentation des ménages moyens et aisés qu'à celle des pauvres, ce qui reflète les grandes différences en matière de possession de bétail entre les groupes de richesse. Les moyens et les aisés tirent respectivement huit et dix pour cent de leurs calories du lait. Les très pauvres et les pauvres sont capables de couvrir seulement un petit pourcentage de leurs besoins alimentaires avec le lait, qu'ils reçoivent de leurs propres petits troupeaux et des femelles en lactation que leur ont prêtées les moyens et les aisés. Cependant, bien que réduite, la consommation de lait et de produits animaux est un important complément à la qualité du régime alimentaire des ménages plus pauvres, surtout comparée aux autres zones du Mali où le lait est rarement consommé. En particulier, tous les groupes reçoivent une partie importante de leurs besoins alimentaires annuels du travail migrant. Lorsqu'ils rentrent chez eux, les migrants apportent des sacs de grain. De plus, les repas consommés par les migrants pendant qu'ils sont partis signifient qu'il y a une bouche de moins à nourrir à la maison. Cette « économie » est aussi prise en compte dans la catégorie « migration». La catégorie « autre » contient un mélange de nourriture provenant de repas scolaires et des prêts de nourriture. Tous les villages de la zone n'ont pas une cantine à l'école et les informateurs clés ont dit que c'était principalement les enfants des ménages très pauvres et pauvres qui en profitaient. Le recours annuel aux prêts de nourriture et leurs remboursements permettent d'illustrer la pauvreté profonde des ménages les plus pauvres. Les ménages pauvres et très pauvres de cette zone sont en situation d'insécurité alimentaire chronique et doivent s'appuyer sur un grand nombre de sources de nourriture différentes pour couvrir leurs besoins annuels. Ces groupes sont extrêmement exposés à tout choc susceptible de limiter leur accès à la nourriture de quelque source que ce soit. Sources de revenus 100% Pêche 90% Autre 80% Petit commerce 70% Auto‐emploi 60% Transferts d'argent 50% Migration 40% La différence principale entre les deux groupes les plus riches et les deux groupes les plus pauvres est la mesure selon laquelle ils peuvent compter sur leur propre production agricole et de bétail, qui fournit près de quatre-vingts pour cent de l'argent des moyens et des aisés. Autre travail local 30% Travail agricole local 20% Vente des produits du bétail Vente de bétail 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Vente de la production agricole L'importance du bétail en tant que déterminant de la richesse a été abordée ci-dessus ; elle est soulignée ici où ce sont les ventes de bétail qui constituent la plus grande différence entre les groupes les plus pauvres et les plus aisés en termes de revenu. Les ventes de bétail et de produits animaux représentent environ cinquante pour cent du revenu des ménages tant pour les moyens que pour les aisés et près de trois pour cent et de dix pour cent pour très pauvres et les pauvres, respectivement. On pourrait dire que, si les moyens et les aisés sont de vrais agropasteurs, les très pauvres et les pauvres sont beaucoup plus « agro » que « pasteurs ». 40 Il y a moins de différence entre les groupes de richesse dans l'importance proportionnelle de ventes de récoltes, mais la tendance est néanmoins celle d'une hausse du revenu avec la richesse en termes proportionnels. Ceci reflète la plus grande taille des troupeaux et le meilleur accès aux actifs productifs des moyens et des aisés. Du fait qu'ils reçoivent une part relativement réduite de leur propre production, les très pauvres et les pauvres doivent exploiter un ensemble plus divers de sources de revenus pour satisfaire leurs besoins d'argent. Travailler pour les moyens et les aisés concerne principalement le travail agricole (par ex., désherbage, labour, vannage, récolte) et la construction, mais il y a aussi un nombre limité d'autres possibilités de travail, notamment garder les troupeaux, pêcher et manier la pagaie/la perche des pirogues. Toutefois, la différence entre les pauvres et les très pauvres est également frappante ; la production de cultures et de bétail est presque deux fois plus importante pour les pauvres que pour les très pauvres. On peut dire que ceci fait des pauvres une partie de la vraie communauté agricole, tandis que les très pauvres constituent une sorte de prolétariat rural. Ceci met en évidence des différences non seulement dans le degré, mais aussi dans la structure de la pauvreté dans cette zone. L'auto-emploi concerne surtout les ventes de bourgou, que tous pratiquent sauf les aisés. Cependant, elle inclut aussi une combinaison de ventes d'objets d'artisanat et de bois de chauffage, qui sont moins fréquentes et sont la « chasse gardée » des pauvres et des très pauvres. La pêche à Téméra est une activité surtout associée aux ménages plus pauvres, bien que seuls les aisés ne vendent pas de poisson. Compte tenu du revenu qu'ils tirent des ventes de récoltes et de bétail, il n'y a pas de réel besoin pour les ménages aisés de vendre et ils consomment le poisson qu'ils attrapent. De plus, les ménages plus pauvres donnent fréquemment une partie de leur prise aux moyens et aux aisés à titre de paiement pour la location du matériel de pêche. Tous les groupes de richesse tirent une partie de leurs revenus des transferts d’argent et du travail migrant. En termes de travail migrant, les moyens et les aisés ont les moyens de parcourir de plus longues distances, par exemple jusqu'au Ghana et en Côte d'Ivoire. Par contraste, les très pauvres et les pauvres ont moins de capitaux et tendent donc à ne pas migrer si loin et à occuper des emplois temporaires. Des deux groupes les plus pauvres, ce sont les ménages très pauvres qui fréquemment ont des membres migrant à la recherche de travail ; ainsi, un plus grand pourcentage de leurs revenus provient de cette source. Dépenses 100% Autre 90% Vêtements 80% Education 70% Santé 60% Intrants agricoles 50% 40% Intrants animaux 30% Paiement du travail Equipement ménager Autre nourriture 20% 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Reflet des niveaux de leur production agricole, les moyens et les aisés dépensent proportionnellement moins en aliments de base que les pauvres et les très pauvres. En effet, les aisés sont en mesure de dépenser un plus grand pourcentage de leur argent en d'« autres nourritures » qui incluent des produits de « luxe », comme l'huile, le sucre et le poisson. Nourriture de base La différence entre les très pauvres et les pauvres est aussi frappante : les céréales représentent cinquante pour cent du total des dépenses des très pauvres et trente-six pour cent des pauvres. 41 L’ «équipement ménager» consiste en une variété de produits de base, notamment du sel, des épices, du savon, du thé, du tabac, des piles de lampes et des ustensiles. Bien que tous les groupes de richesse dépensent une même portion de leurs revenus en articles de maison, le montant absolu dépensé pour ces derniers augmente avec la richesse (non montré sur ce graphique) : ils font partie de la qualité de la vie. Comme on pourrait s'y attendre, la proportion du revenu dépensée et investie en animaux, qui est étroitement liée au nombre de bêtes possédées, augmente avec la richesse. Avec les « autres nourritures », c'est la dépense la plus importante pour les ménages aisés, tout comme les ventes de bétail sont leur plus importante source de revenus. Cette catégorie inclut les dépenses en fourrage, vaccins, traitements et l'achat des animaux. Tous les ménages investissent dans l'agriculture ; ceci inclut les semences et les outils agricoles pour tous les groupes et la location de terres pour les moyens et les aisés. Les ménages moyens et aisés dépensent aussi leur argent en main-d'œuvre, le plus souvent des pauvres et des très pauvres du village ; il ne s'agit pas uniquement du travail agricole, mais aussi de la construction de maisons, de la réparation, et le paiement des gardiens qui surveillent les troupeaux. Risques 5 4 3 Les différences entre les années en termes de sécurité alimentaire sont importantes, dans la mesure où ce sont les bonnes années et les années acceptables qui compensent les mauvaises. 2 1 0 On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2 une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année. La nature diversifiée des moyens d'existence dans cette zone sert à atténuer dans une certaine mesure l'impact des facteurs de risque. Autrement dit, tous les œufs ne sont pas dans le même panier. C'est cette diversification qui permet aux habitants de la zone de survivre dans un environnement difficile. Par exemple, lorsque des oiseaux granivores ont détruit la récolte de riz dans une partie de la zone en 2008 09, la vente des cultures maraîchères et du poisson a été importante en ce qu'elle a permis aux ménages de surmonter ce choc. On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone : Cultures 1. La sécheresse/l'insuffisance des pluies sont l'un des facteurs de risque du Sahel, en particulier si loin au nord, et sont seulement partiellement atténués dans cette zone par la présence du fleuve. Des pluies tardives retardent les semis (en particulier pour les très pauvres et les pauvres qui n'ont pas accès aux motopompes) ; ceci signifie que les plants sont moins bien développés que de normale et sont plus vulnérables lorsque le niveau du fleuve monte. 42 Les précipitations sont également mal distribuées pendant la saison des pluies, ce qui est un autre facteur de risque, qui est masqué par les chiffres de la précipitation annuelle totale. Un chiffre de précipitation totale apparemment favorable peut masquer des écarts de pluies ayant des conséquences négatives sur les cultures. 2. Levées rompues Des levées traditionnelles protègent les rizières du fleuve et exigent d'être entretenues et réparées constamment. Des vents violents et la montée des eaux peuvent endommager ou rompre les levées, ce qui peut avoir pour résultat la destruction partielle ou totale de la récolte. Cela dit, les levées cèdent chaque année et les conséquences n'en sont pas toujours sérieuses. 3. Les ravageurs des cultures, particulièrement les criquets et les oiseaux granivores, sont un problème pratiquement tous les deux ans. La gravité de ce facteur de risque varie et, dans certains cas, peut détruire la récolte de riz. Bétail 1. Pâturages insuffisants Ce facteur de risque est évidemment lié à un manque de pluie (voir ci-dessus). Lorsqu'il n'y a pas assez de pâturages, les ménages moyens et aisés vendent des moutons et des chèvres pour acheter du bourgou et d'autres types de fourrage. 2. Maladies du bétail Elles incluent : la distomatose hépatique, la pleuropneumonie contagieuse des bovins et la fièvre charbonneuse. Les ménages aisés achètent parfois des médicaments vétérinaires, mais les maladies du bétail restent souvent non soignées et de nombreux ménages n'ont pas accès aux traitements. Autre 1. Hausse des prix des céréales (notamment depuis le début de 2008). 2. Paludisme. 3. Les poissons rhizophages sont un problème chaque année ; les villageois utilisent des filets de protection et des épines pour empêcher les poissons de pénétrer dans les rizières. Stratégies d’adaptation En général, il existe deux types de stratégies d'adaptation qu'emploient les ménages ; réduire les dépenses et/ou maximiser les revenus. Pendant une mauvaise année, les ménages de l'ensemble des groupes réduisent leurs dépenses de produits non essentiels et augmentent leurs dépenses d'aliments de base. Par exemple, les membres des ménages très pauvres ont déclaré qu'ils réduisent leurs dépenses de sucre, de thé, de vêtements et de piles d'environ cinquante pour cent. Certains informateurs ont aussi signalé réduire le nombre de repas qu'ils prennent chaque jour. Toutefois, cette stratégie est dangereuse si elle se poursuit pendant plus de quelques semaines. Les stratégies suivantes sont employées par les ménages pour augmenter leurs revenus pendant une mauvaise année. Très pauvres et pauvres Ils augmentent le nombre de membres du ménage migrant pour trouver du travail ainsi que le nombre de mois passés loin du village. Cependant, ceux qui, en temps normal, ne migrent pas doivent d'abord trouver un travail et ne gagnent donc pas autant que les membres du ménage qui migrent chaque année. Cette stratégie peut être néfaste au point de vue social. 43 Ils reçoivent plus de fonds par le biais des transferts d’argent des parents vivant loin du village de façon permanente. (Le montant reçu dépend, entre autres choses, des performances économiques de la zone dans laquelle les parents vivent.) Ils augmentent leurs ventes de bétail. Toutefois, si c'est possible, les ménages éviteront de s'appuyer largement sur cette stratégie. Les pauvres et les très pauvres possèdent très peu de bétail et en vendre trop détruirait leurs petits troupeaux. Les ventes de bétail à tout prix indiquent une crise avancée. Ils augmentent leurs ventes de produits animaux. (Cette stratégie est néfaste, étant donné qu'elle réduit la consommation de lait déjà faible des ménages les plus pauvres.) Ils augmentent le montant de leurs emprunts (en espèces et en nourriture). Si un ménage emprunte auprès d'un parent plus aisé, il peut normalement attendre une meilleure année avant de rembourser l'emprunt. Ils pêchent davantage et essaient d'accroître leurs revenus des ventes de poisson. Ils augmentent leurs ventes de cultures maraîchères. Ils augmentent leur consommation de produits de cueillette. Toutefois, ceci dépend de la disponibilité des produits de cueillette, qui est souvent réduite pendant une mauvaise année. Ils reçoivent moins de dons des ménages moyens et aisés. Moyens et aisés Comme les groupes les plus pauvres, les moyens et les aisés augmentent le nombre de migrants saisonniers par ménage et le nombre de mois passés loin du village. Ils augmentent leurs ventes de bétail et de produits animaux. Ils réduisent en termes absolus ce qu'ils donnent aux ménages plus pauvres, bien qu'ils continuent à payer le « zakat » (obligation coranique de faire l'aumône). Ils réduisent le nombre d'ouvriers qu'ils emploient. Ils utilisent leurs stocks (s'ils en ont). Ils augmentent leurs ventes de cultures maraîchères. 44 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 4 : mil & élevage transhumant Description de la zone Cette immense zone très peu peuplée et constituée de grandes plaines s'étend sur une large portion du pays et couvre en partie quatre régions : d'est en ouest, Gao, Mopti, Ségou et Koulikoro. Le paysage est généralement sahélien ; les précipitations annuelles varient entre 300 et 500 mm, permettant la culture du mil et du sorgho sur des sols relativement sableux, avec des cultures associées de niébé, et d'autres cultures tant vivrières que de rente, l'arachide étant le principal exemple. De plus, les groupes plus aisés cultivent un peu le riz et les femmes de ces groupes pratiquent le maraichage : oignon, ail et tabac, pendant la contre-saison. Le bétail, principalement les bovins, les chèvres, les moutons et quelques chameaux, est une importante source de revenu monétaire (en particulier pour les moyens et les aisés) et la principale forme d'épargne/investissement. Les moyens et aisés tirent aussi de l'argent de la vente de moutons d'embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et nourris avec des aliments pour bétail. Dans l’ensemble, il s'agit d'une zone de déficit alimentaire, mais il existe des régions excédentaires, comme Bankass et Koro dans le sud, capables d'exporter des céréales. Les précipitations annuelles sont généralement supérieures ici que plus au nord. Il y a aussi d'autres variations internes ; le tourisme, par exemple, est plus important sur le plateau Dogon qu'autour d'Ansongo et Menaka, où il est actuellement non existant du fait de l'insécurité. Par surcroît, le delta du Niger divise la zone en deux et offre des possibilités d'emploi pendant la principale récolte de riz, générant dans la zone 6 un influx saisonnier de travailleurs migrants venus des parties environnantes de la zone 4. Loin du delta, à l'extrême est de la zone et à proximité de la frontière avec le Niger, la dynamique est différente. Cependant, les principales caractéristiques des moyens d'existence décrites dans le paragraphe ci-dessus et dans le reste de ce profil sont les mêmes dans toute la zone. L'aide extérieure est relativement courante, qu'elle vienne de l'État, du Programme alimentaire mondial (PAM) ou d'autres donateurs. La zone se caractérise aussi par la pêche, la fabrication et la vente d'objets d'artisanat et la disponibilité des produits de cueillette, par exemple gomme arabique, date sauvage, « zuzufis », zaban (Saba senegalensis), feuilles de baobab, le tamarin, le jujube (Ziziphus mauritania) et tanin. Leur vente fournit une importante source de revenu pour les ménages les plus pauvres. On trouve aussi des « bas-fonds », dépressions localisées qui conservent leur humidité pendant la saison sèche, qui peuvent être utilisés pour l'agriculture irriguée. 45 Marchés Dans cette zone, l'accès aux marchés est généralement facile pendant la saison sèche bien que certaines de ses régions ne soient isolées. L'accès devient beaucoup plus difficile pendant la saison des pluies, mais est néanmoins meilleur que dans la zone 6. Les ménages sont largement tributaires des marchés pour acheter des céréales afin de satisfaire leurs besoins alimentaires annuels et pour vendre leur bétail (surtout les moyens et les aisés). L'information ci-dessous n'est qu'indicative et ne doit pas être considérée comme complète. Culture Mil Niébé Type d'animaux d'élevage exportés Petits ruminants et bovins Route commerciale Marchés locaux NionoMauritanie Bamako Route commerciale Bamako, Côte d'Ivoire NionoSégouBamako, Côte d’Ivoire, Sénégal Volaille Marchés locaux Principales céréales importées dans la zone Riz Route commerciale Mil de la zone 6 (delta du Niger) marchés locaux de la zone 7 (Office du Niger) marchés locaux SégouNionomarchés locaux 46 Calendrier saisonnier Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Principales pluies Légende : Préparation des terres Récolte Semis Naissances Cultures Millet/sorgho Niébé Cultures maraîchères Bétail Vaches (prod. laitière) Vaches Petits ruminants (prod. laitière) Petits ruminants Ventes de bétail Maladie du bétail Autre Achat d'aliments de base Travail agricole local Ventes d'objets d'artisanat Produits de cueillette Pêche Travail migrant Emprunts/remboursement Paludisme Période de soudure Remboursement Emprunts Régime des pluies Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités agricoles, d'élevage et rémunératrices qui constituent l'année de cette zone. Les mois de juillet à septembre sont les plus durs, en particulier pour les groupes les plus pauvres, dont les récoltes sont épuisées depuis longtemps. L'incidence de paludisme est à son niveau le plus élevé, ce qui peut imposer des dépenses supplémentaires en médicaments à une période difficile et, s'il atteint les bras valides du ménage, peut sérieusement affecter la capacité du ménage à travailler. Certains ménages peuvent être forcés de recourir à l'emprunt pour tenir pendant ces mois ; les remboursements se font ensuite en octobre-novembre. Sous un angle plus positif, le niébé peut être récolté et vendu en septembre pour fournir un important revenu monétaire. La production de lait est aussi à son maximum, bien qu'il profite plus aux groupes les plus aisés qu'aux très pauvres et aux pauvres, dans la mesure où ce sont eux qui possèdent le bétail. La principale récolte de mil et de sorgho commence en octobre, met fin à la période de soudure et marque le début de la nouvelle année de consommation. Les ventes de mil et de sorgho sont à leur maximum à cette époque. D'ici janvier, les pauvres ont consommé leur récolte et commencent à acheter des céréales sur le marché. À partir d'octobre, les bras valides, surtout ceux des groupes pauvres et moyens, commencent à quitter la zone à la recherche de travail migrant ; ils rentrent en juin-juillet, période de pic pour le travail agricole dans la zone. 47 Répartition de richesse Caractéristiques des groupes de richesse Taille des Surface ménages cultivée Très pauvres 2-4 Pauvres 8-12 Moyens 18-22 30-40 Aisés % des ménages 0% 20% 40% 0,25 ha Animaux d'élevage Autres actifs 4-6 volailles Aucun 0,75-1,25 3-5 chèvres, 1-2 moutons, 5 ha 10 volailles Aucun 3-5 ha 20-25 bovins, 1-2 chameaux, 18-22 chèvres, 5-10 moutons, 15-20 volailles, 1-2 ânes 1-2 charrettes, 1 charrue 7-9 ha 30-40 bovins, 2-3 chameaux, 35-45 chèvres, 15-20 moutons, 20-30 volailles, 3-6 ânes 3-4 charrettes, 2 charrues 60% Le bétail est le principal indicateur/déterminant de richesse dans cette zone et est largement concentré parmi les quarante-cinq pour cent des ménages qui constituent les groupes moyens et aisés (et en termes absolus, la majorité de la population, du fait de la très grande taille de leurs ménages). Les bovins sont le bétail le plus important en raison de leur grande valeur et de la sécurité économique qu'ils offrent aux ménages qui en possèdent. Ces groupes plus aisés ont aussi les moyens d'acheter des intrants agricoles et de cultiver non seulement de plus grandes surfaces, mais des terres de meilleure qualité, avec accès à des puits et des cours d'eau. Ils possèdent des charrues et des bœufs de labour, ainsi que des ânes et des chameaux, qu'ils utilisent pour labourer la terre. De plus, posséder des charrettes permet à ces ménages de transporter leurs produits au marché et de faire du commerce. La différence essentielle entre les deux groupes les plus pauvres est la plus grande taille des ménages et le plus grand nombre de bras valides des pauvres. Ceci donne aux ménages pauvres une bien meilleure capacité à gagner de l'argent par le travail. Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école, mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. L’éducation coranique est aussi développée dans la zone. 48 Sources de nourriture Les très pauvres et les pauvres peuvent consommer leurs récoltes pendant seulement environ un mois et deux mois, respectivement. En fait, ils reçoivent une plus grande partie de leurs besoins alimentaires annuels de paiements en nature, qu'ils obtiennent en travaillant sur les terres des moyens et des aisés. 100% 90% Lait 80% 70% 60% Prêts et dons en nature 50% Achats 40% Paiement en nature 30% Production agricole 20% 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Selon la région de la zone où ils vivent, les ménages pauvres peuvent aussi migrer vers le delta du Niger (zone 6) pour travailler à la récolte de riz ; le riz qu'ils reçoivent en paiement est aussi inclus dans la catégorie « paiement en nature ». Les très pauvres et les pauvres reçoivent aussi des dons de nourriture des ménages plus aisés, mais sont tributaires du marché pour la majorité de leurs besoins alimentaires ; ils achètent le plus souvent des aliments de base les moins chers comme du mil et du sorgho. Les moyens et les aisés sont plus autonomes et s'ils choisissaient de ne pas vendre une partie de leur mil, ils pourraient vivre de leur propre récolte, surtout dans les régions excédentaires de la zone. Les moyens et les aisés ont aussi les moyens d'acheter du riz, aliment de base plus coûteux, qui ajoute de la variété à alimentation. Comme dans la zone 6, le lait est une importante source de nourriture pour les moyens et les aisés de cette zone, contribuant environ cinq à dix pour cent des besoins alimentaires. Les pauvres et les très pauvres en consomment nettement moins, mais il demeure un complément à la qualité de leur alimentation, qu'on ne trouve pas dans plusieurs autres zones du pays. Les ménages les plus pauvres, qui ne possèdent pas de bovins, reçoivent des dons de lait des ménages plus aisés. Enfin, le graphique ci-dessus couvre exclusivement les céréales, les légumineuses et le lait, dans la mesure où ceux-ci constituent la vaste majorité des aliments consommés. Toutefois, on trouve aussi des produits de cueillette (par ex., date sauvage) dans la zone qui peuvent représenter une petite partie des besoins alimentaires des ménages. 49 Sources de revenus 100% Auto‐emploi 90% 80% Petit commerce/commerce Migration/transferts d'argent Autre travail local 70% 60% 50% 40% 30% Travail agricole local 20% Vente de bétail 10% Vente de la production agricole 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé La production propre (ventes de récoltes et de bétail) fournit environ soixante pour cent du revenu des groupes de richesse moyens et aisés. Ces deux groupes vendent une combinaison de céréales, de cultures de rente et de produits maraîchers. Cependant, les ventes de bétail contribuent plus au total du revenu monétaire que les récoltes, ce qui est le reflet du grand nombre d’animaux possédé dans la zone. Par contre, les pauvres et les très pauvres tirent beaucoup moins de revenus de leur propre production. Ils vendent une petite quantité de cultures de rente, mais ne peuvent acheter des intrants pour investir de manière significative dans le maraichage (les pauvres jardinent de manière extrêmement limitée et les très pauvres pas du tout). Au lieu de cela, ces ménages sont principalement des ouvriers et tirent la majorité de leur revenu d'une combinaison de travail agricole et d'autres types (qui incluent la garde des troupeaux des moyens et des aisés, la fabrication de briques, le plâtrage et la construction). Le travail migrant/les transferts d'argent sont une importante source de revenus pour les pauvres, les moyens et les aisés. Les très pauvres n'ont pas assez de bras valides pour pouvoir migrer ; par conséquent, ils dépendent davantage de travail disponible sur place. Il y a une nette différence entre les deux groupes les plus pauvres. Les pauvres et les moyens tendent à migrer vers les capitales régionales comme Mopti, Kayes, Ségou, Sikasso et Bamako ; les pauvres travaillent aussi pendant la récolte de riz dans le delta. Toutefois, le revenu des aisés dans cette catégorie vient principalement des transferts d'argent des parents vivant à l'étranger. L’auto-emploi pour les très pauvres concerne les ventes de bois de chauffage et de produits de cueillette. Les pauvres vendent aussi des produits de cueillette; et les moyens et les pauvres vendent des objets d'artisanat, comme des nattes, des éventails, des paniers et des objets en osier, qui peuvent être vendus au bout du compte à Bamako et Mopti. Le petit commerce est important pour les moyens et les aisés, qui possèdent des boutiques où ils vendent leurs produits. 50 Risques Les différences entre les années en termes de sécurité alimentaire sont importantes, dans la mesure où ce sont les bonnes années et les années acceptables qui compensent les mauvaises. 6 5 4 3 2 1 0 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9 2009‐10 On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2 une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année. On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone. Chroniques 1. Ravageurs des cultures (par ex., termites et sauterelles). 2. Oiseaux granivores. Périodiques 1. Insuffisance de pluies/pluies tardives ou courtes. C'est l'un des principaux facteurs de risque de la vie dans le Sahel. Même pendant les années qu'ils jugent acceptables en termes de sécurité alimentaire, les informateurs ont souligné que les précipitations étaient insuffisantes. La mauvaise répartition des pluies pendant la saison est aussi un facteur de risque. 2. Maladies du bétail (par ex., fièvre aphteuse et fièvre charbonneuse). 3. Sauterelles. 4. Les vents violents peuvent recouvrir les champs de sable. Des vents soufflant au moment où les semences sont en train de germer peuvent signifier que les ménages doivent ressemer leurs champs. 5. Inondations. 6. Divagation des animaux. 51 Stratégies d’adaptation Pendant une mauvaise année, tous les groupes de richesse tentent de maximiser leur revenu et de réduire leurs dépenses ; les stratégies qu'un ménage peut déployer dépendent beaucoup de ses actifs et de sa richesse. Ainsi les moyens et les aisés essaient-ils d'augmenter leurs revenus du maraichage, de vendre davantage de bétail et d'étendre le petit commerce. Ils peuvent aussi stocker des céréales en octobre novembre qu'ils consommeront lorsque la nourriture se fera plus rare. Si les pâturages sont insuffisants, leurs bêtes passeront plus de temps en transhumance à l'extérieur de la zone. Les pauvres, les moyens et les aisés tentent d'accroître leurs revenus par le travail migrant et les transferts d'argent ; cependant, ce n'est pas une stratégie ouverte aux très pauvres, dans la mesure où ils ne migrent généralement pas pour trouver du travail. Les très pauvres augmentent leurs ventes de bois de chauffage, mais contrairement aux moyens et aux pauvres, ils ne peuvent augmenter leurs ventes d'objets d'artisanat, dans la mesure où ils ne le font généralement pas pendant une année normale. 52 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 5 : plateau Dogon - mil, échalote, produits de cueillette & tourisme Description de la zone Il s'agit d'une petite zone qui couvre une partie du plateau Dogon. Le relief est bien plus élevé que les plaines sahéliennes qui l'entourent. Une pluviosité annuelle variant de 400 à 600 mm permet la culture pluviale du mil, qui est le principal aliment de base. Toutefois, la zone est en situation de déficit alimentaire structurel et est un importateur net de céréales. Comme l'a fait observer l'une des personnes interrogées : « on ne peut pas se nourrir avec les échalotes », bien que leur vente fournisse effectivement aux ménages l'argent qui leur permet d'acheter de la nourriture sur le marché. Les cultures de rente comme le niébé et l'arachide peuvent être associées avec le mil, bien que tous les ménages n'y aient pas recours. Les cultures maraîchères (et dans une certaine mesure le riz) se cultivent aussi, mais elles exigent de l'irrigation. Les sources d'eau incluent les petites retenues d'eau, les lacs, les cours d'eau et les « basfonds », dépressions localisées qui conservent leur humidité pendant la saison sèche. Cependant, le sol sablo-limoneux de la zone est de mauvaise qualité et les ménages plus aisés vont jusqu'à apporter de la terre fertile plus près des retenues d'eau, pour leur permettre de produire des cultures maraîchères. Il s'agit surtout de l'échalote et, dans une moindre mesure, de l'ail et de la tomate. Le maraichage est l'une des principales activités de la zone ; toutefois, la mesure selon laquelle les habitants peuvent jardiner varie d'une région à l'autre de la zone et dépend de la proximité des sources d'eau. L'élevage est nettement moins important que dans les zones voisines 4 et 6, et la taille des troupeaux sur le plateau est maintenant relativement réduite. Néanmoins, la possession de bétail fournit quand même une certaine sécurité économique aux ménages moyens et aisés. Les bovins, les chèvres et les moutons sont les principales espèces, les chèvres étant particulièrement répandues dans les villes proches des forêts. Les moyens et aisés tirent aussi de l'argent de la vente de moutons d'embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et nourris avec des aliments pour bétail. Tous les ménages possèdent des volailles; elles sont l'affaire des femmes. Les produits de cueillette poussent dans la zone et sont essentielles aux moyens d'existence des pauvres et des très pauvres, qui les vendent. Ils incluent : le tamarin, le karité, le zaban (Saba senegalensis), le raisin sauvage (Lannea acida), néré (Parkia Sp.) et des fruits de baobab. C'est aussi l'une des principales régions touristiques du Mali ; les visiteurs viennent voir les villages dogons taillés dans les escarpements, les greniers dogons caractéristiques et pour l'expérience de la culture et de la musique locales. Certains habitants de la zone en tirent avantage en servant de guides touristiques ; le plus souvent, les villageois fabriquent et vendent des statuettes et d'autres souvenirs aux touristes. 53 L'aide extérieure est relativement courante, qu'elle vienne du gouvernement, du Programme alimentaire mondial (PAM) ou d'autres donateurs ; les interventions peuvent varier de la distribution de semences à l'exploitation des ressources en pierre de la zone. Les autres activités entreprises par les villageois incluent le brassage (en utilisant le mil ou le sorgho) et la vente de bois de chauffage. Le crédit est disponible auprès des organisations de microcrédit ou les grands négociants ; ce sont généralement les moyens et les aisés qui peuvent recourir au crédit de cette façon. Les pauvres peuvent aussi y recourir dans une certaine mesure, mais empruntent également auprès des moyens et des aisés ; les très pauvres ne sont pas suffisamment solvables. Enfin, la végétation de la zone est sahélienne et on y trouve quelques vergers. Marchés L'accès au marché est relativement bon et est meilleur que dans la zone 6. Les ménages sont largement tributaires des marchés aussi bien pour vendre leurs produits (surtout l'échalote) que pour acheter des céréales pour satisfaire leurs besoins alimentaires annuels. L'information ci-dessous n'est qu'indicative et ne doit pas être considérée comme complète. Culture Échalote Route commerciale Marchés locauxBamako, Burkina Faso, Sénégal Tomate Elle se vend localement du fait qu'elle se conserve mal. Les tomates séchées se vendent à Bamako, mais pas en aussi grandes quantités. Type d'animaux d'élevage Volaille Route commerciale Marchés locaux Petits ruminants Marchés locaux Principales céréales importées dans la zone Riz Route commerciale Mil, sorgho de Bankass, Koro, Douentza de la zone 6 (delta du Niger) marchés locaux 54 Calendrier saisonnier Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Principales pluies Récolte Ventes Préparation des terres Légende : Semis En chaleur Naissances Désherbage Cultures Millet (et niébé a s s oci é) Arachide Échalote Tomate Bétail Vaches (production laitière) Vaches Petits ruminants Migration du bétail Achat de fourrage Embouche Ventes de bétail Zone 4 Delta (zone 6) Zone 5 Zone 4 Autre Travail agricole local Autre travail local Travail migrant Vente de produits de cueillette Ventes d'objets d'artisanat aux touristes Ventes de bois de chauffe Paiement des frais scolaires Paludisme Période de soudure Régime des pluies Oct Nov Déc Jan Fév Mar Avr Mai Juin Jui Août Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année agricole dans la zone. Le moment le plus difficile de l'année est pendant la saison des pluies ; ce sont les mois qui précèdent la récolte de mil, qui marque la fin de la période de soudure. Les ménages qui disposent de suffisamment de ressources entreposent une partie de leur grain dans leur grenier après la récolte ; celui-ci reste alors clos jusqu'à la saison des pluies pour garantir que la nourriture sera disponible pendant ces mois, en particulier du fait que c'est l'une des périodes de l'année les plus difficiles physiquement en termes de travail agricole. Les ménages les plus pauvres n'ont généralement pas les moyens de stocker le grain de cette façon et il arrive que les très pauvres commencent à manger leur propre récolte à partir du milieu du mois de septembre lorsqu'elle n'est pas encore tout à fait arrivée à maturité. L’incidence du paludisme est aussi élevée à cette époque ; il peut nécessiter des dépenses supplémentaires de médicaments et si un des bras valides du ménage est atteint, la capacité du ménage à travailler peut en être réduite. Le paludisme continue de poser un problème jusqu'en décembre. Le mil se récolte entre octobre et décembre et, par conséquent, ce sont des mois importants en termes de travail agricole. L'échalote se plante et se récolte en trois cycles, d'octobre à mars. Le premier cycle n'est pas à pleine maturité en octobre, mais le prix sur le marché est élevé ; les ménages la récoltent donc de manière précoce pour en profiter. Les migrants commencent à quitter les villages à partir d'octobre pour trouver du travail ailleurs ; généralement, ils attendent jusqu'après la fête nationale, le 22 septembre, pour partir et rentrent vers l'arrivée des prochaines pluies. 55 Sep Le pic des ventes de bétail est entre novembre et décembre, lorsque le bétail est dans le meilleur état et lorsqu'il se trouve dans la zone. De janvier à juin, le bétail est conduit au delta pour y profiter des herbages ; entre juillet et octobre, ils paissent sur de nouveaux pâturages dans la zone 4 et ne retournent à la zone 5 que pour deux mois en novembre. Il convient de noter que les bœufs de labour et les vaches laitières ne font pas la transhumance, mais restent dans la zone pour travailler dans les champs et fournir du lait, respectivement. Différents produits de cueillette deviennent disponibles à différents moments de l'année : le tamarin en décembre et janvier, et le karité, le zaban et le raisin sauvage aux mois de juin et juillet. La majorité des ventes d'objets d'artisanat aux touristes survient pendant la saison touristique, de décembre à mars. Les petits ruminants peuvent mettre bas à deux moments de l'année : en décembre et en juin. Le petit commerce se pratique tout au long de l'année. Répartition de richesse Caractéristiques des groupes de richesse Taille des ménages Surface cultivée Animaux d'élevage Autres actifs Très pauvres 3-5 0,25-0,75 ha 4-6 volailles Aucun Pauvres 9-11 2-4 ha 1-2 chèvres, 2 moutons, 9-11 volailles, 1 âne Aucun Moyens 15-20 5-7 ha 5-7 bovins, 10-12 chèvres, 4-5 1-2 motopompes, 1 moutons, ~15 volailles, 2 ânes charrue, 1 charrette Aisés 20-30 10 ha + 13-17 bovins, 20-40 chèvres, 2-3 motopompes, 2-3 10-15 moutons, 15-20 charrues, 2 charrettes volailles, 2 ânes % des ménages 0% 20% 40% 60% Soixante pour cent des ménages de cette zone appartiennent aux deux groupes les plus pauvres, comparés à cinquante pour cent dans la zone 6. Toutefois, en termes de population absolue, la majorité des habitants sont moyens ou aisés, du fait de la très grande taille des ménages de ces groupes de richesse. Il y a un contraste évident entre les deux groupes les plus aisés et les deux groupes les plus pauvres ; ce sont les moyens et les aisés qui possèdent la majorité du bétail et des actifs productifs. Ceci inclut les charrues et les bœufs de labour (qui sont inclus dans le tableau en dessus dans le nombre de bovins possédé) ; les ménages moyens possèdent généralement une paire de bœufs de labour, tandis que les ménages aisés en possèdent cinq (deux paires et un bœuf de remplacement pour alterner lorsque c'est nécessaire). Ces groupes possèdent également des motopompes qu'ils utilisent pour irriguer leurs cultures maraîchères. Les informateurs ont souligné que la possession de ce type d'équipement était un indicateur et un déterminant de richesse clés, du fait de l'importance du maraichage dans la zone. Par surcroît, les groupes les plus riches ont les moyens de payer de la main-d'œuvre et d'acheter des intrants agricoles, comme de l'engrais ; et comme ils possèdent du bétail, ils ont aussi accès au fumier. L'écart entre les ménages pauvres et très pauvres doit être mis en évidence, tant en termes de nombre d'animaux que de taille des ménages ; les pauvres, dont les ménages sont plus grands, ont aussi plus de bras valides et donc un plus grand potentiel de gagner de l'argent par le travail. Il faut aussi souligner que 56 les très pauvres sont le seul groupe à ne pas posséder d'ânes, qu'on utilise pour se déplacer et pour transporter des produits au marché, entre autres choses. Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école, mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. Sources de nourriture La capacité des ménages à s'appuyer sur leur propre production s'accroît avec la richesse. Tous, à l'exception des aisés, sont tributaires du marché pour un large pourcentage de leurs besoins alimentaires, comme on pourrait s'y attendre dans une zone de déficit alimentaire. 100% 90% Lait 80% 70% Prêts et dons en nature 60% Achats 50% Paiement en nature 40% 30% Production agricole 20% 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Les très pauvres et les pauvres, par exemple, peuvent consommer leurs récoltes pendant seulement deux mois et demi et quatre mois, respectivement. Les ménages les plus pauvres achètent surtout du mil, qui est l’aliment de base le moins cher ; toutefois, les aisés et, dans une certaine mesure, les moyens peuvent se permettre d'acheter du riz pour ajouter de la variété à leur alimentation. Les pauvres et les très pauvres reçoivent une partie de leurs besoins alimentaires annuels du paiement en nature de leur travail agricole. Pour les très pauvres, ce paiement vient entièrement d'un travail réalisé sur place. Par contraste, outre que les ménages pauvres sont payés en nature pour du travail local, ils migrent de manière saisonnière vers le delta du Niger (zone 6) pour travailler à la récolte de riz. Le riz qu'ils reçoivent en paiement contribue à ajouter un peu de variété à leur alimentation, chose qui manque dans celle des très pauvres. Le lait contribue moins aux besoins alimentaires des ménages de cette zone que dans les zones voisines 4 et 6 ; seul un petit pourcentage des moyens et des aisés et aucun des pauvres et des très pauvres. Ceci reflète la taille plus réduite des cheptels dans cette zone. (Les bergers reçoivent aussi du lait comme forme de paiement.) 57 Sources de revenus 100% 90% Auto‐emploi 80% Petit commerce/commerce Migration/transferts d'argent Autre travail local 70% 60% 50% 40% Travail agricole local 30% Vente de bétail 20% Vente de la production agricole 10% Ce graphique illustre l'importance du maraichage pour les moyens et les aisés (la vente des cultures maraîchères représente la plus grande partie des ventes de récoltes pour ces groupes). De même, on peut voir la mesure selon laquelle les pauvres, et surtout les très pauvres (qui sont le seul groupe à ne pratiquer aucun maraichage) en sont exclus. 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Les moyens tirent plus de trois fois plus de leurs revenus de leur propre production (ventes de récoltes et de bétail) que les pauvres et plus de dix fois plus que les très pauvres. S'il est vrai que les groupes les plus pauvres tirent un certain revenu du travail agricole et d'autres types d'activités, comme la fabrication de briques et la construction, c'est la contribution de l’auto-emploi qui est la plus frappante. Cette catégorie inclut la vente de bois de chauffage et d'objet d'artisanat, comme des éventails, des cordes et des paniers. Cependant, l'activité la plus importante est la vente de produits de cueillette, qui représente plus de trente pour cent du revenu des pauvres et des très pauvres. Les ménages moyens et aisés gagnent aussi de l'argent par l’auto-emploi; il s'agit uniquement de la vente d'objets d'artisanat, qui sont vendus (souvent par le biais d'un intermédiaire) aux touristes. Le travail migrant est une importante source de revenu pour les ménages pauvres, moyens et aisés. Les très pauvres ne peuvent se permettre de migrer à la recherche de travail, soit en termes de bras valides dans le ménage soit en termes d'argent pour payer le transport. Deux ou trois membres d'un ménage pauvre typique migrent pour trouver du travail chaque année ; ils peuvent aller à Mopti pour la récolte de riz, puis plus loin à Ségou, Sikasso, Kayes et Bamako pour du travail agricole ou des métiers comme le gardiennage des maisons et des ménages. Le travail migrant est l'un des moyens par lesquels il est possible pour un ménage pauvre de se rapprocher par la richesse des groupes moyens et aisés. Il est courant que les moyens et les aisés quittent le pays lorsqu'ils migrent, par exemple vers Abidjan en Côte d’Ivoire, où ils peuvent travailler dans des kiosques, dans des boutiques (par ex., chez un boucher) ou faire du commerce. Ces groupes reçoivent aussi des transferts d'argent de parents vivant à l'étranger (par ex., au Cameroun ou en Espagne) ; ils peuvent être difficiles à distinguer du travail migrant, dans la mesure où certains membres du ménage peuvent partir et rentrer quelques années plus tard ou il peut y avoir un système de rotation selon lequel un membre différent du ménage retourne à la zone chaque année. Il convient de remarquer que si trois ou quatre personnes peuvent migrer dans un ménage moyen typique, seules une ou deux personnes migrent dans un ménage aisé typique. Le petit commerce concerne des produits comme le thé, le sucre et les boissons, y compris des alcools fabriqués localement. 58 Risques Les différences entre les années en termes de sécurité alimentaire sont importantes, dans la mesure où ce sont les bonnes années et les années acceptables qui compensent les mauvaises. Le tableau ci-dessous montre les perceptions des villageois de Dandoli au sujet des sept dernières années. On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2 une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année. Le tableau est intéressant, dans la mesure où il nous donne une idée des problèmes auxquels sont confrontés les villageois au fil du temps ; il montre aussi la relative fréquence suivant laquelle le village a reçu une aide extérieure. Année Rendement annuel Description de l'année 2009-10 3 Cette année est meilleure que 2008-09, mais les prix élevés des céréales ont affecté tout le monde. Les pluies ont débuté avec du retard, mais les dernières pluies de l'année étaient bonnes. 2008-9 2 Insuffisance de pluies, hausse des prix des céréales, sauterelles. Il y a eu des dons de semences cette année-là. Les ménages ont aussi augmenté les ventes de bétail et de volaille pour faire face ; les ménages les plus touchés ont été forcés de vendre des actifs comme des vélos et des motos. 2007-8 3 Dans l’ensemble, l'année était passable, mais les pluies ont été insuffisantes au début de l’année et ont été suivies par des inondations dans certaines régions. Les eaux ont détruit des maisons, champs et vergers. Le Bureau de l'agriculture a fait des dons de semences de mil et de mil. 2006-7 4 Bonnes pluies. Le prix des céréales n'était pas trop élevé. 2005-6 2 Mauvaises pluies. Les sauterelles ont été un problème dès les semis. Les villageois se sont organisés contre les sauterelles ; une intervention formelle a suivi faisant intervenir des produits chimiques pour lutter contre les sauterelles. 2004-5 3 Mauvaises pluies, sauterelles et criquets ; l'année a été mauvaise, mais en termes de sécurité alimentaire, elle a été acceptable, parce que le gouvernement avait construit des banques de céréales qui ont compensé la mauvaise récolte. De plus, les prix des céréales n'étaient pas trop élevés. 2003-4 3 La performance des pluies n'était pas idéale, mais la production céréalière a été acceptable. Une aide de céréales (maïs) a aussi été apportée. L'histogramme (à gauche) illustre sous forme graphique les impressions des informateurs clés sur les sept dernières années. 5 4 3 2 1 0 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9 2009‐10 59 On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone. Chroniques 1. Mauvaise répartition des pluies 2. De forts vents au moment où les semences sont en train de germer signifient que les ménages doivent réensemencer leurs champs. Ceci se produit presque chaque année, mais ce facteur de risque varie en termes de gravité. 3. Paludisme. Il est le plus sérieux lorsqu'il touche la chef d'un ménage très pauvre ou pauvre, parce qu'il met en péril la capacité de ce ménage à travailler à un des moments les plus critiques de l'année (voir le calendrier saisonnier). Périodiques 1. Insuffisance de pluies/pluies tardives 2. Ravageurs des cultures, comme les criquets et les sauterelles (pendant la floraison des plantes). 3. Inondations. 4. Maladies du bétail (par ex., trypanosomose). Cette catégorie inclut des maladies affectant la volaille. 5. Hausse des prix des céréales sur le marché. Ceci s'est produit en 2008-09 lorsque les villageois se souviennent que le prix d'un sac de mil a atteint 20 000 CFA. 60 Stratégies d’adaptation Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de maximiser leur revenu ; les stratégies qu'un ménage peut déployer dépendent beaucoup de ses actifs et de sa richesse. On trouvera ci-dessous une liste des stratégies d’adaptation des très pauvres et des pauvres, des moyens et des aisés. Très pauvres et Pauvres Ils cherchent plus du travail local. Ils ramassent, consomment et vendent plus de produits de cueillette ; celles-ci sont très importantes lors d'une crise. Ces ménages ramassent aussi des feuilles, qu'ils vendent à ceux qui ont du bétail. (Ils consomment aussi ces feuilles mélangées à du mil.)14 Ils essaient d'augmenter leur revenu du travail migrant (ce n'est possible que pour les pauvres, dans la mesure où les très pauvres ne migrent généralement pas pour trouver du travail). Ils reçoivent plus de dons qu'habituellement des moyens et des aisés. (La solidarité au sein du village signifie que les ménages, s'ils le peuvent, ne laisseront pas leurs voisins sans nourriture. Ils augmentent leurs ventes de bois de chauffage (ceci est particulièrement important pour les très pauvres). Moyens et Aisés Ils augmentent leurs ventes de bétail, afin d'acheter des céréales et d'autres produits. Ils essaient d'augmenter leurs revenus par le travail migrant et les transferts d'argent. Ils investissent davantage dans les cultures maraîchères et les vendent plus tôt qu'en temps normal. Ils étendent leur petit commerce. Ils augmentent leurs ventes d'objets d'artisanat destinés aux touristes. Pendant une crise, les ménages moyens peuvent vendre des produits de cueillette, chose qu'ils ne font pas lors d'une année normale. 14 Il y a dans la forêt, des arbres dont les feuilles ne sont consommées que pendant une mauvaise année, chose qui indique une extrême difficulté. 61 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 6 : lacs/delta du Niger - riz et élevage (agropastoral) Description de la zone Ce profil décrit les moyens d'existence de la majorité de la population, essentiellement agropastorale, dans cette zone qui est tributaire tant de la culture du riz que de l'élevage. On trouve aussi des groupes de pêcheurs semi-nomades Bozos dans la zone qui ont un moyen d’existence distinct. Les relations économiques entre ce groupe et la majorité de la population sont importantes et un autre profil abrégé sur les Bozos a été préparé (voir la sous-zone 6a) Il s'agit d'une zone de production excédentaire, qui est en état de plus grande sécurité alimentaire que plusieurs des zones qui l'entourent (2, 3, 4 et 5). Elle comprend le delta intérieur du Niger, qui s'étend sur plus de 60 000 kilomètres carrés du Bani au sud au lac Fuguibine au nord. Chaque année, le fleuve entre en crue et inonde plus de 20 000 kilomètres carrés de terre au sud et remplit les lacs au nord. Cette crue est vitale pour les moyens d'existence de la zone, dans la mesure où elle permet la culture du riz, qui serait autrement impossible, compte tenu des 300-600 mm annuels de pluies. Cette immense plaine constitue également l'un des plus grands pâturages de l'Afrique de l'Ouest et fournit du pâturage à un grand nombre de troupeaux pendant la saison sèche. Le riz est la culture la plus importante, tant en termes de ventes que de consommation des ménages. La plus grande partie du riz est cultivée en submersion libre. Dans cette méthode de culture, les niveaux de l'eau dans les rizières ne sont pas contrôlés par l'homme ; les paysans sèment avec l'arrivée des pluies et la crue du fleuve fournit ensuite le reste de l'eau nécessaire. Ainsi, tant l'arrivée que le volume de l'eau dans les champs sont déterminés par le fleuve. Sa dépendance sur l’environnement implique que ce système comporte des risques multiples ; si la crue est trop forte, par exemple, les plants de riz peuvent être noyés. (Ces risques sont abordés en plus de détail dans la section sur les dangers.) Il existe deux autres méthodes de culture du riz dans la zone, par lesquelles le riz est irrigué et le niveau de l'eau dans les rizières est contrôlé par l'homme (PIV : périmètres irrigués villageois). S'il est vrai qu'elle est importante, la culture du riz irrigué est moins courante. Le riz se récolte principalement entre novembre et février et exige une main-d'œuvre considérable ; chaque année un influx saisonnier d'habitants des zones 4 et 5 contribue à satisfaire cette demande. Les cultures maraîchères sont rendues possibles grâce à la disponibilité de l'eau pour l'irrigation. Les principales cultures sont l'échalote, la tomate et la laitue. Le sorgho se cultive aussi autour des lacs lorsque les eaux de crue se retirent. L'élevage est une activité majeure. Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres ; parmi ceux-ci, les bovins sont le plus recherchés et ont le plus de valeur et seuls les moyens et les aisés en possèdent. Les autres activités incluent la culture du bourgou (Echinochloa stagnina), graminée qui est une 62 importante source de fourrage, la pêche (bien qu'elle constitue une chasse gardée pour les spécialistes bozos) et la vente de produits de cueillette (le jujube, le tamarin et le raisin sauvage, étant les plus courants). Il y a un tourisme limité à la réserve naturelle, première aire d'alimentation et premier point d'eau après la traversée du désert pour les oiseaux migrateurs venus d'Europe. La végétation de la zone est typique du Sahel. Les sols argileux sont prédominants dans le sud, tandis que les sols sablonneux sont plus communs plus au nord. L'aide extérieure est relativement courante, qu'elles viennent de l'État, du Programme alimentaire mondial (PAM) ou d'autres donateurs. Marchés L'accès au marché dans cette zone est moins bon que dans les zones 4 et 5 et pendant la crue, de nombreuses routes sont impraticables. Le commerce se fait aussi par pirogue ou pinasse (pirogue à moteur) ; celui-ci diminue entre mars et juillet lorsque les niveaux d'eau sont bas. L'accès au marché est particulièrement important pour les très pauvres et les pauvres qui achètent une large proportion de leurs céréales. Les régions proches des grandes villes, comme Mopti, profitent du fait qu'elles les approvisionnent en bétail et produits animaux. Les routes commerciales ci-dessous ne sont qu'indicatives (c.-à-d., elles ne sont pas complètes). Produit Riz Route commerciale Marchés locaux Mopti, Bandiagara (zone 5), Douentza, Koro et Bankass (tous les trois dans la zone 4) Type d'animaux d'élevage exportés Volaille Route commerciale Petits ruminants Marchés locaux Bamako Bovins Vendus sur les marchés locaux, puis exportés. Principales céréales importées dans la zone Mil Route commerciale Sorgho San, Koutialiamarchés locaux Marchés locaux Bankass, Koro, San, Koutiala marchés locaux 63 Calendrier saisonnier Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Oct. Août Sep. Oct. Principales pluies Récolte Semis Préparation des terres Légende en chaleur Naissances Cultures Riz (submersion libre) Riz irrigué Riz irrigué (contre saison) Cultures maraîchères Bétail Vaches (prod. laitière) Vaches P'tits ruminants (prod. laitière) Petits ruminants Transhumance Achat de fourrage Ventes de bétail Maladies du bétail Autre Achat d'aliments de base Travail agricole local Travail migrant Produits de cueillette (vente) Paiement des frais scolaires Pêche Paludisme Période de soudure Régime des pluies Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités agricoles et liées à l'élevage qui constituent l'année agropastorale de cette zone. Il existe trois périodes principales : (1) La période de soudure s'étend de juillet à octobre, jusqu'après la fin des pluies en septembre. Ce sont les mois les plus difficiles de l'année, en particulier pour les ménages les plus pauvres dont les récoltes sont depuis longtemps épuisées et pour lesquels l'argent liquide est rare. L'incidence du paludisme est aussi le plus élevée pendant cette période et peut empêcher les bras valides de travailler et nécessiter des dépenses supplémentaires de médicaments au moment le plus difficile de l'année. Le paludisme maladie est surtout un problème dans cette zone et cette forte incidence dure jusqu'en janvier. À partir de septembre, certains bras valides migrent à la recherche de travail, souvent dans de grandes villes ou à l'étranger ; certains trouvent aussi du travail dans certaines parties de la zone 4 (par exemple à Bankass et Koro) où la main-d'œuvre est nécessaire pour la récolte du mil. Pendant ces mois, les ménages plus pauvres peuvent aussi vendre de la bouse de vache, qui est utilisée comme combustible. En termes de bétail, il s'agit des mois de pointe de la production laitière, après les nouvelles naissances entre juin et août et l'amélioration des pâturages qui résulte des pluies. (Les petits ruminants peuvent aussi mettre bas en janvier-février, mais juillet-août est plus courant.) Les troupeaux commencent à quitter le delta à partir de juillet pour profiter des pâturages, dans les zones 2, 4 et 9. Les dernières bêtes 64 partent avant la fin du mois d'août, pour retourner au delta à partir de janvier, lorsque les pâturages ailleurs se sont asséchés. Les ventes de bétail sont à leur maximum entre octobre et décembre lorsque l'état des bêtes est bon ; celles-là donnent aux ménages plus aisés, qui vendent le plus grand nombre d’animaux, un supplément de revenu à partir d'octobre, mois qui précède la fin de la période de soudure. Il est important de noter que les pauvres peuvent se voir forcés de vendre leur bétail plus tôt et qu'ils sont donc moins susceptibles de tirer avantage de ces bons prix. (2) La principale récolte de riz entre novembre et février marque la fin de la période de soudure et le début de la nouvelle année de consommation. Les troupeaux commencent aussi à retourner dans le delta à cette époque et les produits de cueillette (comme le jujube) sont ramassées et vendues par les ménages plus pauvres. (3) La période qui s'étend de mars à juin est le moment le plus chaud de l'année. Les cultures maraîchères sont récoltées en mars-avril et fournissent une importante source d'argent pour les ménages plus pauvres, au moment où ils sont sur le point d'avoir épuisé leur récolte de riz. La période de mars à juin est la plus difficile pour le bétail dans la mesure où les pâturages se font de plus en plus rares. Les bêtes sont dans leur état le pire et ceux qui en ont les moyens achètent du fourrage, surtout en mai et juin. La majorité des migrants saisonniers retournent aussi à temps pour la saison des pluies et pour semer la récolte de riz de l'année suivante. Répartition de richesse Caractéristiques des groupes de richesse Taille du ménage Surface cultivée Animaux d'élevage Autres actifs Très pauvres 3-5 0,5-1 ha 3-5 volailles Aucun Pauvres 6-8 1-2 ha 5-10 chèvres, 3-5 moutons, 1015 volailles, 2 ânes Aucun Moyens 10-12 5-8 ha 20-30 bovins, 10-20 chèvres, 6-15 moutons, 20-30 volailles, 2-3 ânes 1-2 charrues, 1 charette Aisés 15-25 12-15 ha 40-60 bovins, 30-50 chèvres, 20-30 moutons, 4-6 ânes 3-4 charrues, 2-3 charettes 0% 20% 40% 60% % des ménages Le tableau sur la répartition des richesses ci-dessus montre que les richesses sont largement concentrées dans les groupes moyens et aisés. Les ménages appartenant à ces groupes constituent la moitié de l'ensemble des ménages de la zone et prés des deux tiers de la population totale (si l'on tient compte de la plus grande taille de leurs ménages). La possession d'animaux d'élevage est un facteur déterminant dans la richesse de ces groupes ; il faut remarquer que la possession des bovins concerne uniquement les ménages moyens et aisés et qu'il s'agit d'un facteur important permettant de distinguer les pauvres des moyens. Ce fait est important, dans la mesure où les bovins sont un bien de grande valeur qui offre un niveau de sécurité économique élevé aux ménages qui en sont possesseurs. L'un des informateurs clés a affirmé leur importance en suggérant qu'un ménage avec quelques bovins fera partie du groupe médian dans quelques années. Il convient de remarquer que certaines personnes de la zone possèdent entre cent et deux-cents bovins; ces ménages forment un petit groupe à la marge du groupe des aisés. Le nombre de bétail possédé est aussi l'une des différences majeures entre les pauvres et les très pauvres ; les ménages de 65 ce dernier groupe ne possèdent que quelques poules, tandis que les ménages pauvres possèdent plusieurs petits ruminants. La distinction entre ces deux groupes est importante ; les informateurs ont parlé des « misquina » (très pauvres) qui n'ont pratiquement rien et des « talka » (pauvres) qui ont quelque chose, mais pas grand-chose. Le nombre de bras valides est un autre facteur de richesse, en particulier entre les ménages pauvres et très pauvres. Ce facteur joue un rôle non seulement pour déterminer quelle surface de terre un ménage peut cultiver, mais aussi le nombre de travailleurs migrants au sein du ménage. Comme on peut le voir plus bas, le travail migrant est une importante source de revenus pour tous à l'exception des très pauvres, qui sont exclus en partie en raison du fait qu'il n'y a pas assez de bras valides dans le ménage pour que l'un d'entre eux puisse migrer. La surface cultivée, la possession d'actifs productifs et l'accès aux intrants agricoles augmentent aussi avec la richesse. Ainsi les très pauvres cultivent-ils entièrement à la main en utilisant la « daba » traditionnelle (un type de houe) ; les pauvres sont, dans une certaine mesure, capables de louer des charrues et des bœufs de labour auprès des moyens et des aisés qui possèdent ces biens. Comme pour les bovins, les informateurs clés ont souligné l'importance de posséder une charrue pour appartenir aux groupes des moyens et des aisés. Dans une plus grande mesure que pour leurs voisins plus pauvres, les moyens et les aisés ont accès aux engrais minéraux, aux semences améliorées et au fumier ; pour les pauvres, cet accès est limité, alors qu'il est inexistant pour les très pauvres. Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école, mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. Sources de nourriture Il existe une différence frappante entre les deux groupes de richesse les plus élevés, qui sont essentiellement capables de vivre de leur propre production, et les deux groupes du bas qui sont largement tributaires du marché. En effet, les très pauvres et les pauvres ne peuvent généralement pas se nourrir eux-mêmes grâce à leurs champs pendant plus de trois mois et cinq mois, respectivement. 100% 90% Lait 80% 70% 60% Prêts et dons en nature 50% Achats 40% Paiement en nature 30% 20% Production agricole 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Les pauvres ne consomment pas nécessairement toute leur production dans les mois qui suivent directement la récolte ; ils essaient de conserver une partie de leur riz pour le consommer pendant la prochaine saison des pluies et période de soudure. Compte tenu du bas niveau de leur production, les ménages très pauvres n'ont pas cette option. Le mil est l’aliment de base le plus couramment acheté, même pour les moyens et les aisés, pour qui il offre un changement par rapport au riz. Le paiement en nature pour le travail effectué dans les champs des moyens et aisés fournit environ un mois de nourriture aux très pauvres et aux pauvres et les dons en 66 nature un peu moins. Les ménages les plus pauvres prennent aussi tout excédent de riz des terres récoltées des moyens et des aisés. Finalement, la consommation de lait est importante dans cette zone et contribue environ cinq et dix pour cent des besoins alimentaires des moyens et des aisés, respectivement (ce qui est nettement plus que dans de nombreuses zones du sud). Les pauvres et les très pauvres consomment nettement moins de lait que les moyens et les aisés, mais celui-ci représente néanmoins une amélioration de la qualité de leur alimentation. Sources de revenus 100% Autre 90% Auto‐emploi 80% Petit commerce/commerce Migration/transferts d'argent Autre travail local 70% 60% 50% 40% Travail agricole local 30% Vente des produits du bétail Vente de bétail 20% 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Comme on peut s'y attendre étant donné la plus grande surface de leurs terres, leur meilleur accès aux actifs productifs et leurs plus grands troupeaux, les moyens et les aisés tirent une part nettement plus grande de leur revenu de leur propre production (cultures, bétail et produits animaux) que les très pauvres et les pauvres. Vente de la production agricole Lorsqu'on désagrège leur propre production, on s'aperçoit que les ventes conjuguées de bétail et de produits animaux fournissent nettement plus de revenus aux groupes moyens et aisés que la vente des récoltes ; les ménages de ces deux groupes de richesse sont vraiment des agropasteurs. Un large pourcentage de la valeur de leur riz semble être l'argent qu'ils économisent en aliments de base en consommant leurs propres récoltes. Incapables de s'appuyer autant que les groupes plus aisés sur leur propre production, les pauvres et les très pauvres sont plus tributaires du travail agricole et d'autres formes de travail (comme la construction), qu'ils effectuent pour le compte des ménages moyens et aisés. Le travail migrant et les transferts d’argent sont d'importantes sources de revenus pour les pauvres, les moyens et surtout les aisés. Les très pauvres typiquement ne migrent pas à la recherche de travail ; les informateurs ont noté que les ménages très pauvres ont trop peu de bras valides pour être en mesure de le faire. Dans un ménage pauvre typique, il est possible qu'une ou deux personnes migrent par rapport à trois ou quatre dans un ménage moyen typique et quatre ou plus (peut-être jusqu'à huit) dans un ménage aisé typique. Les emplois et les distances parcourues varient, les moyens et les aisés travaillant comme détaillants ou négociants et les pauvres occupant des métiers inférieurs comme le lavage des vêtements ou la récolte du mil dans la zone 4. Les moyens et les aisés reçoivent aussi des transferts d'argent en provenance d'Afrique équatoriale, de Côte d’Ivoire et d'Europe. Il peut être difficile de séparer les transferts d'argent et le travail migrant; certains membres du ménage peuvent partir et rentrer quelques années plus tard ou il peut y avoir un système de rotation selon lequel un membre du ménage retourne à la zone chaque année. Il convient aussi de remarquer que ce sont surtout les jeunes qui tendent à migrer à la recherche de travail. Seuls les très pauvres et les pauvres vendent des productions maraîchères (celles-ci sont inclues dans les ventes de récoltes). Les moyens et les aisés ne vendent que du riz et, bien qu'ils des jardins, ils consomment leur production. La disponibilité de l'eau et la qualité relativement bonne du sol sont des 67 facteurs importants qui permettent aux ménages les plus pauvres de cultiver et de vendre des cultures maraîchères. Par contraste, dans la zone 5, le manque d'eau relatif et la mauvaise qualité du sol exigent de plus grandes dépenses d'intrants et signifient que la culture maraîchère est dominée par les moyens et les aisés qui sont capables de se les permettre. Le petit commerce est une activité pratiquée par tous les groupes de richesse ; cependant, les produits vendus diffèrent. Les très pauvres et les pauvres vendent du bois de chauffage aux moyens et aux aisés, tandis que ces derniers vendent des produits comme le thé et le sucre. L’auto-emploi inclut aussi bien la vente de produits de cueillette que celle de produits d'artisanat, par exemple des poteries et des éventails. Ces activités sont uniquement pratiquées par les pauvres et les très pauvres. La catégorie « autre » inclut l'argent tiré des prêts de charrues et de bœufs de labour aux autres ménages (y compris les ménages pauvres). En 2009-10, ceci se montait à 20 000 CFA par hectare, chaque hectare requérant environ trois jours de travail. Risques Les différences entre les années en termes de sécurité alimentaire sont importantes, dans la mesure où ce sont les bonnes années et les années acceptables qui compensent les mauvaises. 5 4 3 2 1 0 2001‐2 2002‐3 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9 2009‐10 On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2 une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année. On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone. Chroniques 1. Poissons rhizophages. 2. Paludisme. Périodiques 1. L'insuffisance des pluies est l'un des principaux facteurs de risque du Sahel. Le commencement tardif des pluies retarde les semis, ce qui signifie que les plantes sont moins bien développées que de normal et donc plus vulnérables lorsque le niveau du fleuve monte. Les précipitations sont également mal distribuées pendant la saison des pluies, ce qui est un autre facteur de risque, qui est masqué par les chiffres de la précipitation annuelle totale. Un chiffre de précipitation totale apparemment favorable peut masquer des écarts de pluies ayant des conséquences négatives sur les cultures. Dans une mauvaise année, les ménages cultivant du riz irrigué (une minorité dans la zone) sont plus tributaires du riz irrigué. 2. Lorsque les eaux de crue se retirent de manière précoce, il peut ne pas y avoir suffisamment d'eau pour la riziculture. D'un autre côté, une crue trop forte peut noyer les plants de riz. 68 3. Oiseaux granivores. 4. Maladies du bétail 5. Hausse du prix des céréales (par exemple, en 2007-08). Stratégies d’adaptation Dans une mauvaise année, tous les groupes de richesse tentent d'augmenter leur revenu. Certaines stratégies sont communes à tous les groupes de richesse, comme augmenter les ventes de bétail. Toutefois, la taille plus grande des troupeaux des moyens rend cette stratégie plus viable et lucrative pour ces ménages que pour les pauvres et les très pauvres. En effet, comme les très pauvres n'ont pas d'autres animaux d'élevage, ils ne peuvent augmenter que légèrement leurs ventes de volaille (le plus souvent d'août à septembre). Tous les ménages augmentent leur petit commerce, bien que, comme on l'a noté plus haut, les objets vendus varient avec la richesse. Les ménages peuvent aussi tenter d'augmenter leur revenu en vendant du poisson. Les autres stratégies d’adaptation sont plus propres à chaque groupe de richesse ; augmenter le nombre de membres du ménage migrant pour chercher du travail, est une stratégie importante pour les pauvres, les moyens et les aisés, mais n'est pas si courant pour les très pauvres, qui ont trop peu de membres actifs dans leurs ménages pour se le permettre. On trouvera ci dessous une liste des stratégies propres à chaque groupe de richesse. Très pauvres et pauvres Maximaliser le revenu de la culture maraîchère est une importante stratégie d'adaptation des pauvres et des très pauvres. Si la récolte de riz de novembre-février est mauvaise, ces ménages s'efforcent d'augmenter le revenu qu'ils tirent des cultures maraîchères, qui sont récoltées en mars-avril. C'est l'une des stratégies d'adaptation employées par les ménages du village de Nantaga en 2006-07 lorsque des oiseaux granivores ont endommagé la récolte de riz. La main-d'œuvre agricole locale peut augmenter en disponibilité, mais le tarif du travail journalier diminue. Ils augmentent les ventes de produits de cueillette. Ils sont plus tributaires des dons en céréales des moyens et des aisés Ils sont le plus souvent reçus après la récolte et pendant la période de soudure. Moyens et aisés Ils augmentent leurs ventes de céréales, en partie du fait que, pendant une mauvaise année, il y a une forte demande sur le marché. Ils augmentent leurs ventes de produits animaux. 69 Profils de moyens d’existence au Mali Sous-zone 6a : pêcheurs Bozos Description de la zone Les pêcheurs semi-nomades bozos vivent et travaillent le long du fleuve Niger ; leur moyen d’existence est nettement différent de ceux de la majorité de la population des zones 3 et 6 (les principales zones fluviales). Par conséquent, ce profil distinct, abrégé a été créé pour que ce groupe et ses relations économiques avec la population majoritaire soient représentés. Les informateurs clés interrogés et le campement Bozo qui a été visité pour préparer ce profil se trouvaient dans le delta du Niger (zone 6) ; toutefois, l'information présentée ici devrait, de manière générale, être applicable aux bozos vivant plus en aval. Marchés Les moyens d'existence dans cette zone s'appuient sur deux transactions commerciales principales : la vente de poisson et l'achat de céréales. Les termes de l'échange entre les deux sont donc importants. Le tableau montre combien est étendu le commerce du poisson pêché dans le delta. Produit Poisson (séché, fumé) Route commerciale Marchés locaux Bamako, Sikasso, Kayes, Côte d’Ivoire, Burkina Faso Calendrier saisonnier Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Principales pluies Principale saison de pêche Migration pour la pêche Rareté du poisson/mois de soudure Emprunts Commerce La principale saison de pêche s'étend d'octobre à février et est aussi la période de pic du commerce. En mars, tous les bras valides quittent le campement et descendent le fleuve pour pêcher ; ils reviennent en avril, le plus souvent avec du poisson, mais parfois aussi avec de l'argent. À partir de mai, commence une longue période de soudure qui se termine lorsque la saison de pêche recommence en octobre. Les ménages pauvres et très pauvres recourent à l'emprunt entre juillet et septembre pour tenir jusqu'au début de l'année de consommation suivante, ce qui marque bien la pauvreté chronique et l'insécurité de ces ménages. 70 Répartition de richesse15 Caractéristiques des groupes de richesse Taille des ménages Filets de pêche Taille des filets Pirogues Autre Très pauvres 5-6 2-3 365 mètres 0 0 Pauvres 8-10 4-5 550 mètres 0 5-6 volailles Moyens 15-20 5-6 915 mètres 4 10-15 volailles Aisés 20-25 7-10 915-1370 mètres 6 30-40 volailles, 4 moutons La possession de filets de pêche et de pirogues et le nombre de bras valides dans le ménage sont les principaux facteurs déterminants de richesse dans cette zone. Les filets que possèdent les moyens et les aisés sont non seulement plus nombreux, mais aussi plus grands et de meilleure qualité que ceux de leurs voisins pauvres. Les pirogues sont un actif particulièrement important, tant pour la pêche que pour le commerce. Aux mois de mars et d'avril, les ménages plus pauvres peuvent louer des pirogues (le plus souvent auprès d'hommes d'affaires à l'extérieur du campement, et pas auprès des autres ménages) pour la migration annuelle ; ils paient généralement le propriétaire à leur retour. Les pirogues à moteur, les « pinasses », sont bien moins répandues ; par exemple, seuls deux ménages en possédaient dans le campement visité. Il est intéressant de noter que les ménages Bozos aisés possèdent un assez grand nombre de volailles, par rapport aux ménages aisés de la population générale du delta (zone 6), qui n'en possède pas. Pour ces ménages, qui possèdent une cinquantaine environ de bovins et plus d'une soixantaine de petits ruminants, il n'y a guère de raison d'élever des volailles ; pourtant parmi les Bozos, il s'agit d'un actif relativement important. Les aisés de cette zone sont aussi le seul groupe à engraisser des moutons (l’embouche) pour la vente. 15 Les noms des groupes de richesse chez les Bozos étaient ; KoloKolona (très pauvres), Kondona (pauvres), Lafiana (moyens) et Kirana (aisés). 71 Sources de nourriture Il convient de souligner que bien que les Bozos soient des pêcheurs de profession, le poisson et les produits du poisson contribuent de manière négligeable aux besoins alimentaires annuels des pauvres. Même pour les moyens et les aisés, on estime que le poisson et les produits du poisson représentent seulement entre huit et dix pour cent de leurs besoins alimentaires. Par conséquent, les ménages dépendent très largement du marché et des échanges pour leur nourriture. Les pauvres, par exemple, reçoivent près d'un tiers de leur nourriture en échangeant du poisson contre des céréales avec les riziculteurs de la zone. Enfin, les dons de poisson des moyens et des aisés aux pauvres et aux très pauvres sont courants pendant la saison de pêche principale. 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Pauvre Achats Echange Pêche/ produits de pêche Ceux-ci ont déjà été inclus dans la catégorie « poisson/produits du poisson » sur le graphique et sont une amélioration modeste, mais importante de l'alimentation des plus pauvres. Sources de revenus Les ménages moyens et aisés ont trois principales sources de revenus ; la vente du poisson et des produits du poisson (c.-à-d., l'huile) est la plus importante, suivis par le petit commerce et la vente de volaille et de moutons (s'ils en ont, ce qui n'est pas le cas des moyens). Le petit commerce est surtout le domaine des femmes et concerne des produits tels que le poisson et les céréales ; les ménages utilisent des pirogues pour commercer et parfois louent un cheval et une charrette auprès des riziculteurs pour vendre des céréales dans des villes comme Sevaré. Les ménages pauvres et très pauvres tirent une grande partie de leur argent du travail pour le compte des moyens et des aisés. Avec la pêche, ce travail concerne la fabrication de briques, la réparation des maisons et la réfection des toitures. Ils gagnent aussi de l'argent en vendant du poisson et de la volaille (s'ils en ont, ce qui n'est pas le cas des très pauvres), ainsi qu'en faisant du petit commerce. Pour ces ménages, le petit commerce se pratique à plus petite échelle que pour les moyens et les aisés ; par exemple, ils achètent souvent du bois de chauffage qu'ils revendent aux autres ménages dans le campement. Les ménages pauvres ne travaillent pas dans les champs de riz en général dans cette région ; l'une des raisons en est que la principale récolte de riz a lieu au moment le plus chargé de l'année pour la pêche et que tous les bras valides sont occupés sur le fleuve. 72 Profils de moyens d’existence au Mali Zone : 7 « Office du Niger » – riz irrigué Description de la zone L'Office du Niger est une zone agricole totalement irriguée de la région de Ségou, qui se spécialise dans la riziculture et les cultures maraîchères. En termes de production rizicole, il s'agit du grenier du Mali, avec de forts rendements, qui dépassent parfois sept tonnes par hectare. L'Office du Niger (ON) a été créé en 1932 sous la forme d'un établissement public autonome, ce qui en fait l'une des régions d'agriculture irriguée les plus anciennes de l'Afrique de l'Ouest. L'eau en provenance du fleuve Niger alimente les champs par le biais d'une série de retenues et de canaux d'irrigation. Dans sa conception originale, l'ON était destiné à être un important producteur de coton et de riz ; toutefois, la production cotonnière a été abandonnée en 1970 et la riziculture a cru en importance. Aujourd'hui, les terres irriguées sont soumises à une forte pression malgré l’extension continue à la faveur de nouveaux aménagements. Les ménages paient 67 000 CFA par hectare à l'ON pour l'entretien du réseau d'irrigation ; la somme est due chaque année en mars, qui peut donc être une période difficile de l'année pour les ménages plus pauvres. Chaque année au moment de la récolte du riz, la zone reçoit des migrants saisonniers venus de Toura, San, Djenné, Tominian et d'autres parties de la zone 4 ; ils sont payés soit en espèces soit en nature. Pendant la saison sèche, la plupart des ménages font pousser des cultures maraîchères, bien que les ménages plus aisés aient aussi les moyens d'acheter des intrants pour cultiver du riz de contre-saison. Les principales cultures maraîchères sont l'échalote et la tomate, ainsi que le chou et l'okra dans une moindre mesure. Les principales cultures consommées sont le riz, mil et le sorgho, tandis que les principales cultures de rente sont le riz et les légumes. L'élevage sédentaire est une caractéristique secondaire de cette zone, en particulier du fait de la forte densité de population. Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres. Les moutons sont plus nombreux ici que les chèvres, en partie parce qu'ils exigent moins d'espace pour brouter. Certains ménages moyens et aisés tirent de l'argent de la vente de moutons d’embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et nourris avec des aliments pour bétail. Il s'agit d'une activité nouvelle et qui gagne en importance. Tous les ménages possèdent des volailles, qui avec les moutons sont typiquement la propriété des femmes. La forte densité démographique de cette zone peut conduire à des différends concernant les parcelles et entre les gardiens de troupeaux et les fermiers. De plus, cette zone a une incidence élevée de maladie, du fait qu'elle est inondée pendant toute l'année (voir la section sur risques ci-dessous). La pluviométrie annuelle varie entre 300 et 500 mm. Les sols fertiles argileux et sablo-limoneux dominent, tandis que la végétation est sahélienne. Les autres ressources naturelles de la zone incluent le 73 tanin, les baobabs et les palmiers rôniers (Borassus aethiopum). Les pêcheurs Bozos sont aussi présents dans cette zone. Pendant les mauvaises années, ils peuvent migrer vers Manantali et Selingue pour pêcher et peuvent être partis pendant deux années.16 Marchés Les marchés sont généralement accessibles en toutes saisons, bien que pendant la saison des pluies certaines régions soient parfois inaccessibles. Les ménages de cette zone sont largement tributaires du marché, non seulement pour acheter des produits de base, mais pour vendre leurs cultures de rente : riz et légumes. L'information ci-dessous n'est qu'indicative et ne doit pas être considérée comme complète. Culture Riz Route commerciale partout au Mali (Sikasso, Koulikoro, Kayes, Tombouctou, Gao, Kidal) Légumes SégouBamakoGuinée, Sénégal SikassoCôte d'Ivoire Type d'animaux d'élevage exportés Bovins, moutons et chèvres Route commerciale Principaux aliments importés dans la zone Mil, sorgho Route commerciale Arachide NionoSégouBamako, Côte d’Ivoire, Sénégal Dogofry SikassoKoutialaSégoumarchés locaux Koutiala Ségou marchés locaux Macina marchés locaux Ségou marchés locaux Les mangues et les agrumes sont aussi importés dans la zone en provenance de Sikasso et Ségou. 16 Les Bozos peuvent aussi pratiquer l’agriculture, mais en activité secondaire. 74 Calendrier saisonnier Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Principales pluies Légende Préparation des terres Récolte Semis Naissances en chaleur Cultures Riz Riz (seconde saison) Échalote Pommes de terre Patates douces Mangues Animaux d'élevage Vaches (prod. laitière) Vaches Migration du bétail Achat de fourrage Ventes de bétail Maladies du bétail Autre Achat d'aliments de base Travail agricole local Paiement des frais scolaires Travail migrant Emprunts/remboursement Paludisme Période de soudure Remboursement Emprunts Régime des pluies Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités agricoles et liées à l'élevage qui constituent l'année de cette zone. La période de soudure, qui s'étend de juillet à septembre, est le moment le plus difficile de l'année, surtout pour les ménages les plus pauvres. L'incidence du paludisme est aussi forte à cette époque et peut affecter la capacité d'un ménage à travailler (si un des bras valides du ménage est atteint) ainsi qu'imposer des dépenses supplémentaires de médicaments à un moment difficile de l'année. D'un autre côté, le pic de la production laitière survient pendant ces mois, profitant principalement aux ménages moyens et aisés qui possèdent le plus de bétail, mais aussi aux pauvres et aux très pauvres dans une certaine mesure. À mesure que s'améliorent les pâturages dans le Sahel avec l'arrivée des pluies, les troupeaux migrent pour tirer avantage du pâturage à l'extérieur de la zone et aussi pour libérer les champs en cultures de riz ; ils reviennent ensuite entre octobre et décembre pour profiter des chaumes de riz comme fourrage et des eaux des canaux d’irrigation. La principale récolte de riz commence en octobre, met fin à la période de soudure et marque le début de la nouvelle année de consommation. Les ventes de bétail atteignent leur point culminant entre octobre et 75 janvier lorsque les bêtes sont dans le meilleur état, bien que les ventes de moutons et de chèvres puissent survenir à n'importe quel moment de l'année. On doit souligner que ce sont surtout les moyens et les aisés qui vendent à ces dates ; les pauvres et les très pauvres sont plus enclins à vendre des bêtes lorsqu'elles sont dans le pire état pendant la période de soudure ou en février-mars avant que la redevance annuelle ne soit due à l'ON. La principale récolte de riz se termine en janvier et est suivie quelques mois plus tard par celle des cultures maraîchères, comme l'échalote. Différentes maladies du bétail sont répandues à différentes périodes de l'année ; la péripneumonie contagieuse bovine entre octobre et décembre, la pasteurellose en janvier-février et en juin-juillet et la fièvre charbonneuse en janvier-février. Les objets d'artisanat se vendent toute l'année, tandis que la fabrication de briques est limitée à la saison sèche, lorsque les cultures maraîchères sont terminées. La principale période de pêche s'étend de décembre à février (à mesure que les niveaux d'eau baissent). Répartition de richesse Caractéristiques des groupes de richesse Taille des ménages Surface cultivée Animaux d'élevage Autres actifs Très pauvres 4-6 0,25-0,75 0-2 moutons, 8-12 volailles, 1 ha âne Pauvres 9-11 0,75-1,25 2-4 moutons, 1-3 chèvres, 15 1 charrue, 1 charrette ha 25 volailles, 1 âne Moyens 18-22 3-5 ha 5-7 bovins, 6-8 moutons, 4-6 chèvres, 15-25 volailles, 2 ânes 2 charrues, 1 charrette Aisés 25-35 7-9 ha 25-35 bovins, 14-16 moutons, 9-11 chèvres, 20-30 volailles, 4 ânes 3-4 charrues, 2-3 charrettes, 1 multiculteur 0% 20% 40% % des ménages Aucun 60% La moitié des ménages de cette zone appartient au groupe moyen et en termes de population absolue, près de soixante pour cent appartiennent à ce groupe. Il y a naturellement des extrêmes de richesse et pauvreté dans la zone, mais il est intéressant de noter que la majorité de la population appartient à la même catégorie socioéconomique. Dans une zone agricole, la surface de terre cultivée et la capacité à cultiver sont des indicateurs de richesse importants. À cet égard, les ménages moyens et aisés sont en mesure de cultiver plus de terres par habitant que leurs voisins plus pauvres. Pour ce faire, ils emploient des ouvriers appartenant aux groupes pauvres et très pauvres. Les ménages plus aisés ont aussi les moyens d'acheter davantage d'engrais et possèdent des charrues et des bœufs de labour ; les aisés possèdent même des multiculteurs. Typiquement, les moyens ont deux bœufs par ménage et les aisés en ont six ; dans le tableau ci-dessus, ils ont été inclus dans le chiffres des bovins. Par contraste, les ménages pauvres ne possèdent pas le matériel complet nécessaire à la culture ; le plus souvent, ils possèdent une charrue, mais pas de bœufs. Les ménages très pauvres forment un petit groupe, qui ne représente qu'un petit pourcentage de la population de la zone. Ils ne cultivent pas de grandes parcelles, ils ont un accès extrêmement limité, voire inexistant à l'engrais et n'ont aucun matériel pour cultiver leurs terres. En outre, un fort pourcentage des ménages de ce groupe (près de dix pour cent) est dirigé par une femme. Les informateurs mettent cela sur le compte de plusieurs facteurs, notamment la forte incidence du VIH/sida et du paludisme, ainsi que le 76 taux relativement élevé d'endettement chez les riziculteurs de cette zone ; ils expliquent que certains hommes ont fui pour échapper à leurs créditeurs, en abandonnant leurs familles. Le bétail est moins important dans l'Office du Niger que dans la zone 4, qui l'entoure et les tailles des troupeaux sont comparables et parfois plus modestes comparées aux zones du sud. Cependant, la possession de bétail apporte toujours un niveau considérable de sécurité économique, en permettant, par exemple, de vendre les animaux pour traverser les périodes difficiles. On remarque aussi que la taille des troupeaux des ménages aisés, qui possèdent environ trente bovins et vingt-cinq petits ruminants, est bien plus grande que celle des moyens avec six bovins et douze petits ruminants. Cela indique une nette différence de richesse entre les ménages moyens et aisés. Les ânes sont utiles comme moyen de transport pour aller aux champs et pour tirer les charrettes jusqu'au marché. Tous les groupes possèdent du matériel de pêche, mais la majorité de la population ne tire aucun revenu de la vente de poisson. Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école, mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. Sources de nourriture Tous les ménages pourraient potentiellement se nourrir avec leur propre récolte pendant plus longtemps que ne l'indique ce graphique. Toutefois, comme on le voit sur le graphique sur les sources de revenu ci-dessous, ils choisissent de vendre une part non négligeable de leur récolte de riz et d'acheter le reste de leurs besoins alimentaires annuels. 100% 90% Lait 80% 70% Prêts et dons en nature Achats 60% 50% 40% Paiement en nature Production agricole 30% 20% 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Ils achètent souvent des produits moins chers, comme le mil. On constate que les très pauvres consomment leurs récoltes pour trois mois, les pauvres pour six et les moyens et les aisés pour neuf. Notons, en particulier, la différence significative entre les pauvres et les très pauvres. Seuls les très pauvres reçoivent des paiements en nature, habituellement de manière informelle, en aidant les moyens et les aisés pendant les récoltes. Cependant, les pauvres préfèrent être payés en espèces. La contribution du lait aux besoins alimentaires est importante pour les moyens et les aisés, bien qu'il ne soit pas aussi important que dans la zone 4 environnante, où les tailles des troupeaux sont plus grandes. Les pauvres et les très pauvres reçoivent un léger coup de pouce à leur alimentation grâce au lait, qui est plus important ici que pour les très pauvres et les pauvres des zones du sud. 77 Sources de revenus 100% Autre 90% Auto‐emploi 80% 70% Petit commerce/commerce 60% 50% Migration/transferts d'argent 40% Autre travail local 30% Travail agricole local 20% 10% Vente de bétail 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Les moyens et les aisés tirent la plus grande partie de leurs revenus des ventes de récoltes, comme on pourrait s'y attendre dans une zone où l'agriculture occupe une place si prépondérante. Pour les ménages moyens, une moitié de ce revenu provient du riz et l'autre des cultures maraîchères ; par contraste, la majorité de ce revenu des ménages aisés provient des ventes de riz et le reste des cultures maraîchères. Vente de la production agricole Ceci est dû en partie au fait que la riziculture pendant la saison sèche est plus coûteuse que les cultures maraîchères et que c'est donc le groupe aisé qui peut se le permettre. C'est aussi en partie dû au fait que pendant la contre-saison, les aisés louent leurs terres à raison de 150 000 CFA par hectare aux autre groupes de richesse; le revenu qu'ils en tirent est inclus dans la catégorie « autre ». En effet, il est intéressant que les ménages aisés soient moins tributaires des ventes de récoltes que les ménages moyens ; leurs revenus sont plus diversifiés. Comme le groupe moyen, ils vendent leur bétail et font du commerce, mais ils opèrent également un service de transport et peuvent acheter des véhicules pour fournir des liaisons à destination des villes et des marchés locaux. Les multiculteurs, par exemple, sont utilisés pour le transport pendant la saison sèche. Ce revenu est inclus dans la catégorie de l’auto-emploi. Les pauvres et les très pauvres représentent un type de la classe laborieuse, largement tributaire de la forte demande de main-d'œuvre agricole dans la zone. Les deux groupes reçoivent aussi une part de leur revenu d'autres sources de travail locales, principalement la fabrication de briques. Toutefois, il existe d'importantes différences entre ces deux groupes : les pauvres sont nettement plus à même de s'appuyer sur leur propre production que les très pauvres. Les ventes de récoltes sont la principale source de revenus des pauvres ; pour les très pauvres, c'est le travail. On pourrait faire valoir que ceci permet d'inclure les pauvres dans la population agricole réelle, alors que ce n'est pas le cas pour le petit groupe des très pauvres. Ceci souligne la structure de la pauvreté dans la zone. L’auto-emploi pour les ménages les plus pauvres consiste, dans la même mesure, en vente de bois de chauffage, de foin et d'objets d'artisanat. Le travail migrant contribue quelque peu aux revenus des très pauvres, des pauvres et des moyens, mais beaucoup moins que dans la zone 4. Un petit pourcentage du revenu des aisés provient des transferts d'argent. Risques Les pluies faibles et sporadiques sont un problème moins sérieux dans cette zone que dans beaucoup d'autres situées aussi loin au nord, étant donné que les cultures sont irriguées. Toutefois, la présence des canaux d'irrigation pose d'autres problèmes, comme une forte incidence de paludisme et de diarrhée. Les principaux risques chroniques et périodiques sont énumérés ci-dessous. Chroniques 1. Maladies et ravageurs des cultures, comme la virose du riz et la chenille mineuse. 78 2. Paludisme et diarrhée. 3. Maladies du bétail par exemple le botulisme et la fièvre aphteuse. (Voir le calendrier saisonnier). Périodiques 1. Oiseaux granivores 2. Choléra 3. Conflit. La zone est densément peuplée et les différends entre les fermiers et les bergers qui font s'abreuver leurs bêtes dans les canaux d'irrigation, qui séparent les champs, sont relativement courants. Stratégies d’adaptation Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de réduire leurs dépenses de produits non essentiels et maximiser leur revenu. Cependant, les ménages à différents niveaux de richesse poursuivent souvent différentes stratégies. Les très pauvres et les pauvres tentent donc de maximiser leurs revenus par la fabrication de briques et le travail agricole local. Ils s'appuient aussi largement sur les dons des deux groupes plus aisés. Par contraste, les moyens et les aisés augmentent leurs ventes de bétail et peuvent recourir au crédit formel (leurs niveaux d'actifs font d'eux une option plus sûre pour les créditeurs que leurs voisins plus pauvres). 79 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 8 : nord-ouest transferts d’argent, sorgho & élevage transhumant Description de la zone Cette zone se situe au nord-ouest du Mali. Elle recouvre une partie des régions de Kayes et Koulikoro, contient une partie de la vallée du fleuve Sénégal et partage une frontière avec la Mauritanie et le Sénégal. La principale caractéristique de cette zone n'est pas liée à l'agriculture ni à l'élevage, à la différence de la plupart des autres zones du pays. Ce sont les transferts d’argent qui sont ici le facteur déterminant des moyens d'existence. Les migrants vivant hors du continent africain, souvent en France, fournissent un soutien considérable aux familles de cette zone. Elle est fortement marquée du point de vue ethnique, dans la mesure où la majorité des migrants sont des Soninkés ; les liens ethniques avec ceux qui travaillent déjà à l'étranger peuvent aider les nouveaux migrants, du fait du soutien moral et pratique dont ils bénéficieront. Il faut noter que les Soninkés du Sénégal et de Mauritanie migrent eux aussi. Non seulement les migrants apportent-ils un soutien financier à leurs propres ménages, mais des associations de migrants en France et dans d'autres pays d'accueil financent des projets de développement dans la zone.17 De manière générale, l'impact des transferts d’argent sur cette région est bien documenté. Plusieurs études soulignent le danger moral associé aux transferts d'argent et donnent à entendre que les ménages recevant de l'argent de l'étranger sont plus susceptibles de consacrer peu d'efforts à l'agriculture dans le village, sachant que leurs relations à l'étranger subviendront à leurs besoins.18 Pendant l'étude de terrain réalisée pour cette zone, des informateurs clés ont confirmé cette information de façon indépendante (voir la partie sur les sources de nourriture ci-dessous). Une pluviométrie annuelle de 400-500 mm permet la culture pluviale du sorgho, qui est le principal produit de base. Le mil est aussi cultivé, mais dans une moindre mesure que dans la zone 4 à l'est. La majorité du sorgho est cultivé dans les plaines, mais on en cultive aussi aux bords des lacs et des cours d'eau sur les terres fertiles exposées une fois que les eaux se sont retirées (sorgho de décrue). Les principales cultures de rente sont la calebasse, le gombo pluvial et les cultures maraîchères (surtout les échalotes et la laitue); cependant, aucune d'elles ne doit être considérée comme typique de la zone dans son ensemble. Dans les régions où il est répandu, le maraichage est pratiqué par des associations de femmes. 17 Migration, Remittances and Development, OECD (2005), p.52. Cf Azam, J.P. and F. Gubert, « Those in Kayes: The Impact of Remittances on Their Recipients in Africa », Revue économique, vol.56, 6, November 2005, pp.1331-1358. 18 80 L'élevage sédentaire est une caractéristique importante de la zone (voir la section sur la répartition de richesse pour plus de détails à ce sujet). Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres. Les moyens et aisés tirent aussi de l'argent de la vente de moutons et parfois de bovins d'embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et nourris avec des aliments pour bétail. Un ménage moyen peut engraisser cinq moutons pour la vente par an, tandis qu'un ménage aisé peut en engraisser cinq à dix. Les bovins sont castrés lorsqu'ils ont entre deux et quatre ans et sont vendus lorsqu'ils ont six ans, à l'approche des grandes fêtes. Tous les ménages possèdent des volailles. Finalement, cette zone est très chaude et a une faible densité de population. La végétation consiste surtout en plaines et en brousse. Les ressources naturelles de la zone incluent la présence de « bas-fonds », dépressions localisées qui conservent leur humidité pendant la saison sèche, ainsi que la gomme arabique, le jujube, Balanites aegyptiaca et le gibier. Les trois principaux types de sols sont sableux, sablo-limoneux et limono-argileux ; les sols sont fertiles dans les bas-fonds et les bords de lacs et faiblement fertiles sur les plaines. On pratique aussi la pêche dans la zone. Marchés On trouve peu de marchés dans cette zone et les ménages achètent fréquemment leurs produits dans des boutiques communautaires. L'accès aux marchés est relativement limité ; les routes peuvent être ensablées pendant la saison sèche et embourbées pendant la saison des pluies. Type d'animaux d'élevage exportés Chèvres Route commerciale Moutons Marchés locauxKayes/KatiBamako/Sénégal Bovins Marchés locauxKayes/KatiBamako/Sénégal Principales céréales importées dans la zone Riz Route commerciale Marchés locauxKatiBamako Maïs Sokolo/Bamako/Mauritanie/Sénégal marchés locaux (Une partie du riz importé vient aussi de l'Office du Niger.) Sikasso/BamakoKayesmarchés locaux Arachide et niébé Kolokani/Bamako/Banambamarchés locaux 81 Calendrier saisonnier Oct Nov Déc Jan Fév Mar Avr Mai Juin Jui Août Sep Main Rains Légende : Préparation des terres Récolte Semis Naissances En chaleur Cultures Sorgho Niébé Arachide Calebasse Cultures maraîchères Bétail Vaches (production laitière) Vaches Petits ruminants (prod. laitière) Migration du bétail Achat d'aliments bé tail Ventes de bétail Maladies du bétail Autre Achat d'aliments de base Travail agricole local Travail migrant Emprunts/remboursement Paludisme Période de soudure Remboursement Emprunts Régime des pluies Oct Nov Déc Jan Fév Mar Avr Mai Juin Jui Août Sep Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités agricoles et liées à l'élevage qui constituent l'année de cette zone. La saison des pluies de juin à septembre coïncide avec la période de soudure et est le moment le plus difficile de l'année, en particulier pour les ménages les plus pauvres. C'est aussi une période d'intense activité physique alors que les ménages pauvres préparent, ensemencent et désherbent leurs propres champs en plus du travail dans ceux des moyens et des aisés. Par surcroît, l'incidence de paludisme est élevée et peut affecter la capacité des bras valides à travailler ainsi qu'imposer des dépenses supplémentaires de médicaments. Les emprunts peuvent être contractés à cette époque de l'année par les très pauvres et les pauvres et remboursés une fois que la période de soudure a pris fin. Sous un angle plus positif, la production de lait atteint son niveau maximum pendant la saison des pluies ; ceci profite principalement aux moyens et aux aisés qui possèdent la plus grande partie du bétail, mais les très pauvres et les pauvres en tirent aussi avantage dans une certaine mesure. La principale récolte de sorgho, en octobre-novembre, met fin à la période de soudure et marque le début de la nouvelle année de consommation. La demande de main-d'œuvre agricole est forte pendant les mois de récolte. Une fois que la récolte est terminée, certains bras valides quittent le village et migrent à la recherche de travail. La construction est aussi disponible localement à cette époque. 82 Répartition de richesse Caractéristiques des groupes de richesse Taille des m énages Surface cultivée Animaux d'élevage Autres actifs Très Pauvres 5-6 0,75-1,25 ha 5-6 chèvres, 8-12 volailles Aucun Pauvres 11-13 1,5-2,5 ha 9-11 chèvres, 2-3 moutons, 15-25 volailles, 2 ânes Aucun Moyens 20-30 5-7 ha Aisés 40-50 0% % des ménages 20% 40% 25-35 bovins, 18-22 chèvres, 1-2 charrues, 1 25-35 moutons, 15-25 charrette, 2-3 ouvriers volailles, 4 ânes agricoles à plein temps 90-110 bovins, 45-55 4-5 charrues, 3-4 20-30 ha chèvres, 35-45 moutons, 25 charrettes, 5-6 ouvriers 35 volailles, 6 ânes agricoles à plein temps 60% La majorité des ménages de cette zone appartient au groupe moyen. En effet, la taille extrêmement grande des ménages tant moyens qu'aisés signifie que ces groupes représentent quatre-vingt-cinq pour cent de l'ensemble de la population. Ce sont ces deux groupes qui de manière générale reçoivent des transferts d’argent, qui sont un important déterminant de richesse dans cette zone. Les transferts d'argent permettent d'expliquer la forte dissymétrie de la richesse en faveur des groupes moyens et aisés. Cette concentration de la richesse est le plus marquée dans les différences significatives entre les groupes de richesse en termes de possession d'animaux d'élevage. On remarquera l'écart dans la possession de bétail entre les deux groupes les plus aisés et les deux groupes les plus pauvres ; il y a aussi une nette différence entre les moyens, qui possèdent entre vingt-cinq et trente-cinq bovins, et les aisés, qui en possèdent entre quatre-vingt-dix et cent-dix. Le bétail, surtout les bovins, est une forme d'épargne et d'investissement importante ; les très grands troupeaux des aisés sont donc le reflet du très gros revenu qu'ils tirent des transferts d’argent. De la même façon, les très pauvres et les pauvres ne reçoivent pas de transferts d'argent et sont donc incapables d'investir beaucoup dans le bétail. Les moyens et aisés sont en mesure de cultiver plus de terres par habitant que leurs voisins plus pauvres. Ceci est dû en partie au fait qu'ils possèdent des charrues et des bœufs de labour pour travailler la terre (dans le tableau, les bœufs de labour sont inclus dans le nombre de bovins possédés). Ils ont aussi plus de bras valides et ont les moyens d'embaucher de la main-d'œuvre ; très souvent les ménages moyens et aisés de la zone emploient des ouvriers agricoles à plein temps qui vivent avec le ménage et sont payés tous les mois. De plus, certains ménages possèdent des motopompes pour l'irrigation. Par contraste, les groupes les plus pauvres ne possèdent pas ces actifs et peuvent louer le matériel, comme les charrues, échange pour leur travail. Les informateurs ont aussi déclaré que les ménages très pauvres sont souvent les derniers à s'être installés dans la zone et ont accès à très peu de terre, qui souvent n'est pas de bonne qualité. Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école, mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. Il existe aussi un préjugé sexiste dans l'éducation ; les informateurs ont souligné que les filles font rarement des études secondaires. 83 Sources de nourriture Les très pauvres et les pauvres peuvent vivre de leurs propres récoltes pendant un mois et deux mois et demi, respectivement. Pour la majeure partie de leurs besoins alimentaires, ils sont tributaires du marché et achètent du sorgho et du mil, les aliments de base les moins chers. 100% 90% Lait 80% 70% 60% Prêts et dons en nature 50% Achats 40% Paiement en nature 30% 20% Production agricole 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Ces groupes reçoivent aussi un pourcentage non négligeable de leurs besoins alimentaires annuels du paiement en nature de leur travail agricole. Il arrive parfois qu'ils reçoivent la nourriture en paiement avant qu'ils n'effectuent le travail. Typiquement, le paiement en nature est préféré à l'argent dans cette zone, peut-être parce que l'accès au marché est limité. Les moyens et les aisés sont capables de vivre de leurs propres récoltes pendant bien plus longtemps que leurs voisins plus pauvres. Cependant, dans certaines parties de la zone, la contribution de leur propre production aux besoins alimentaires annuels des ménages plus aisés peut être nettement plus faible (cinquante pour cent ou moins). Les informateurs ont noté qu'il y avait moins d'incitation à investir du temps et des efforts dans l'agriculture lorsque les fermiers savent qu'ils peuvent compter sur les transferts d'argent pour combler tout manque à gagner. (Ce type de facteur de risque moral est brièvement abordé dans la description de la zone.) Les moyens et les aisés se procurent le reste de leurs céréales sur le marché ; ils sont en mesure d'acheter des aliments de base plus coûteux, comme le riz. Un ménage aisé peut manger du riz tous les jours, tandis qu'un ménage moyen mange du riz trois fois par semaine. Le lait contribue de manière non négligeable aux besoins alimentaires des moyens et des aisés, comme on peut s'y attendre compte tenu de la grande taille de leurs troupeaux. Les pauvres et les très pauvres consomment nettement moins de lait, mais celui-ci représente néanmoins une amélioration de la qualité de leur alimentation. Bien qu'ils possèdent peu de bétail, les ménages les plus pauvres reçoivent leur lait par le biais de l'obligation coranique de la « zakât » (obligation coranique de faire l'aumône); ainsi, les aisés donnent-ils du lait aux très pauvres chaque lundi et chaque vendredi pendant les mois où le lait est produit. 84 Sources de revenus 100% Autre 90% Auto‐emploi 80% 70% Petit commerce/commerce 60% Transferts d'argent 50% 40% Migration 30% Autre travail local 20% 10% Travail agricole local 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé L'élément le plus frappant dans ce graphique est l'énorme contribution des transferts d’argent aux revenus des moyens et aux aisés.19 On a donc un tableau un peu inhabituel, dans lequel les très pauvres et les pauvres tirent une plus grande partie de leurs revenus de leur propre production (ventes de bétail) que les moyens et les aisés. Vente de bétail Bien que les transferts d’argent ne profitent pas directement aux ménages les plus pauvres, on observe un effet de retombée. La catégorie « autre » est constituée exclusivement des dons provenant des ménages moyens et aisés ; les dons de nourriture sont aussi accordés en quantités importantes (voir le graphique sur les sources de nourriture ci-dessus). De surcroît, c'est l'argent qui leur est envoyé que les moyens et les aisés utilisent pour payer la main-d'œuvre, ainsi que le bois et le foin que vendent les groupes plus pauvres. (Les ventes de bois et de foin sont classées dans l'auto emploi.) La catégorie « migration » est distincte des transferts d'argent en ce qu'elle est saisonnière et de plus courte durée ; elle est aussi moins distante, la plupart des migrants se déplaçant à l'intérieur du Mali vers des villes comme Kayes, Bamako, Nioro et vers les sites d'exploitation aurifère de Kéniéba. D'autres vont jusqu'au Sénégal, mais ils retournent tous dans la zone à temps pour la saison des pluies. Ils travaillent dans la construction et l'agriculture. Les ménages moyens aussi tirent un revenu du travail agricole. Deux jours par semaine (le lundi et le vendredi) les chefs de ménage de ce groupe permettent le plus souvent aux membres plus jeunes du ménage de travailler pour leur compte ; l'argent qu'on leur paie pour ce travail n'est pas partagé avec le reste du ménage. C'est ce revenu qui est comptabilisé dans la catégorie « travail agricole » pour les moyens. Le commerce pour les moyens et les aisés concerne principalement des produits comme les céréales, le thé et le sucre. Les ménages aisés gagnent aussi de l'argent en opérant un service de transport, permettant aux habitants de gagner les villes et les marchés ; ce revenu est inclus dans la catégorie de l’auto-emploi. 19 Les transferts d'argent viennent surtout des migrants qui ont quitté la zone depuis longtemps. Toutefois, dans le cas des aisés, les informateurs ont fait observer qu'en outre, un ancien migrant qui est retourné de manière permanente au Mali peut repartir pour une durée de six mois à un an et revenir avec de l'argent et du matériel. Ils appellent cela la « migration temporaire ». 85 Risques On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2 une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année. 5 4 3 2 1 0 2000‐1 2001‐2 2002‐3 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9 Il est intéressant que cet histogramme montre très peu de variation et que les informateurs aient identifié une seule mauvaise année sur les neuf dernières. Ceci peut s'expliquer par l'importance des transferts d’argent dans la zone ; pendant les années où les pluies sont faibles ou mal distribuées, les parents vivant à l'étranger peuvent augmenter leur soutien pour atténuer l'impact du facteur de risque. On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone. Chroniques 1. Feux de brousse (le plus souvent entre octobre et avril). 2. Oiseaux granivores. 3. Paludisme. 4. Dégâts causés par les singes 5. Maladies du bétail Les informateurs ont classé comme chronique le piétin. La fièvre aphteuse et la dermatose sont classées comme périodiques. Périodiques 1. Absence de pluie/sécheresse. 2. Criquets. 3. Inondations (le plus souvent entre août et septembre). 86 Stratégies d’adaptation Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de réduire leurs dépenses de produits non essentiels et maximiser leur revenu. Toutefois, l'éventail des stratégies ouvertes à un ménage dépend de ses actifs et de sa richesse. On trouvera ci-dessous une liste des stratégies propres à chaque groupe de richesse. Il convient de noter que nombre des stratégies d'adaptation sont déployées entre octobre et juin ; la raison en est probablement qu'on a besoin des bras valides dans les champs pour le travail agricole dès le début de la saison des pluies. Très pauvres et pauvres Ils essaient d'augmenter leurs revenus par le travail agricole. Ils essaient d'augmenter leurs ventes de bois de chauffage. Ils essaient d'augmenter la fabrication et la vente de briques. Ils augmentent la migration saisonnière (surtout vers les centres urbains). Ils sont plus tributaires des dons des moyens et des aisés. Ils augmentent leurs ventes de bétail. Ils peuvent effectuer des tâches liées à la pêche, par exemple au lac Magui. Ils extraient le moellon des carrières pour la construction. Moyens et aisés Ils augmentent leurs revenus provenant des transferts d'argent (octobre). Par exemple, pendant la sécheresse de 2001-02, les migrants vivant à l'étranger ont aidé aux achats de nourriture. Ils augmentent leurs ventes de bétail. Ils augmentent la migration saisonnière. Ils s'appuient sur les stocks des coopératives et des banques de céréales. 87 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 9 : Ouest & centrale mil/sorgho pluvial Description de la zone Cette zone a une densité de population modérée et se caractérise surtout par l'agriculture pluviale et l'élevage sédentaire. Elle domine l'axe commercial nord-sud du commerce des grains vers le nord déficitaire et du commerce du bétail et du travail migrant vers le sud. La zone consiste principalement en plaines, collines et régions boisées et est arrosée par de longues portions des fleuves Niger et Sénégal. Les terrains argileux moyennement fertiles dominent, tandis qu'on trouve des terrains limoneux fertiles le long des fleuves. Les précipitations annuelles varient entre 600 et 800 mm et permettent la culture du sorgho, du mil, du niébé et du maïs, qui sont les principales cultures vivrières. Le sorgho domine surtout vers le sud et le mil vers le nord. L'arachide, la pastèque, le coton et le sésame sont les principales cultures de rente. Le coton est plus répandu au centre et à l'est de la zone et sa production est encadrée par la Compagnie malienne du développement des textiles (CMDT). (Le centre et l'est sont aussi en état de plus grande sécurité alimentaire que les parties ouest de la zone.) Les régions cotonnières reçoivent des migrants saisonniers venus de Koutiala, du plateau Dogon et du Burkina Faso depuis le début des pluies jusqu'à la fin de la récolte du coton. Tous les groupes, à l'exception des aisés, pratiquent le maraichage qui est particulièrement rentable dans les régions proches des villes. On cultive aussi le fonio dans certaines régions. L'élevage sédentaire est pratiqué par la majorité des ménages. Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres. L'importance des ventes de bétail représente une sorte de moyenne entre le nord et le sud du pays, c'est-à-dire que le revenu de l'élevage est moins important que dans la majorité des zones plus au nord, mais plus important que dans celles plus au sud. Outre la vente de bétail, les ménages moyens et aisés tirent généralement de l'argent de la vente de moutons, de chèvres et, à l'occasion, de bovins d'embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et nourris avec des aliments pour bétail. Les bergers de troupeaux transhumants du nord traversent aussi la zone avec leur cheptel. Le crédit formel est disponible dans la zone, mais seulement aux ménages aisés ; les très pauvres et les pauvres peuvent recourir au crédit informel auprès des moyens et des aisés. Les ressources naturelles de la zone incluent les forêts, les produits de cueillette (noix de karité, néré, fruits et feuilles du baobab, zaban, tamarin, jujube et Balanites aegyptiaca) et des « bas-fonds » (dépressions localisées qui conservent leur humidité pendant la saison sèche), qui peuvent être utilisés pour la riziculture et l'arboriculture. Il existe aussi une mine d'or à Sadiola. Les autres activités incluent le commerce et la pêche. 88 Marchés Dans cette zone, l'accès au marché est généralement bon ; toutefois, il peut s'avérer difficile dans certaines régions pendant la saison des pluies, en raison des cours d'eau et des routes boueuses. Les routes commerciales ci-dessous ne sont qu'indicatives (c.-à-d., elles ne sont pas complètes). Culture Arachide Sorgho Mil Sésame Pastèque Légumes de jardin Type d'animaux d'élevage exportés Chèvres Moutons Bovins Route commerciale Marchés locauxBamako Marchés locauxNara, KayesMauritanie Marchés locauxNioroGoguiMauritanie Marchés locauxKayes, Yelimané, Nioro Marchés locauxBamakoautres régions du pays Marchés locauxMoptiGaoKidal BamakoIsraël, golfe Persique BamakoCôte d'Ivoire Kayes Nioro/NaraMauritanie Marchés locauxKayes, Yelimané, Nioro Marchés locauxSégouSikassoCôte d'Ivoire Marchés locauxBamako Route commerciale Marchés locauxBamako Marchés locauxKatiGuinée KatiBamako KatiSénégal Marchés locauxKayes Sénégal KatiBamako KatiSénégal Marchés locauxKayes Sénégal Principales céréales importées dans la zone Mil Route commerciale Sorgho et maïs SikassoBamakoKayesmarchés locaux Côte d'IvoireSikassoBamakoKayesmarchés locaux Kéniéba/KitaKayesmarchés locaux Niono/Bamakomarchés locaux DakarKayesmarchés locaux Office du Nigermarchés locaux (parfois importés de l'étranger via Bamako vers les marchés locaux) Bamako, Mauritanie, Sénégalmarchés locaux Riz Pâtes alimentaires Bamakomarchés locaux (pendant la période de soudure). 89 Calendrier saisonnier Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Principales pluies Légende : Préparation des terres Récolte En chaleur Semis Ventes Naissances Entretien des cultures Cultures Sorgho/millet/niébé Manioc Arachide Pastèque Coton Maraichage Mangues Bétail Vaches (prod. laitière) Achat d'aliments bétail Ventes de bétail Maladies du bétail Autre Achat d'aliments de base Travail agricole local Travail migrant Paiement des frais scolaires Ventes d'objets d'artisanat Produits de cueillette Emprunts/remboursement Paludisme Période de soudure Remboursement Emprunts Régime des pluies Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Sep. Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année agricole dans la zone 9. La saison des pluies de juin à septembre coïncide avec la période de soudure et est le moment le plus difficile de l'année pour les ménages, en particulier les plus pauvres. Pour tenir jusqu'à ce que la situation s'améliore, les ménages les plus pauvres peuvent recourir à l'emprunt (souvent en nature) auprès des moyens et des aisés. Les remboursements se font ensuite en octobre-décembre. Les mois de juin à septembre sont aussi ceux du dur labeur pour les pauvres et les très pauvres qui ensemencent et désherbent leurs propres champs en plus du travail dans ceux des ménages plus aisés. L'incidence du paludisme est élevée pendant les pluies et, s'il touche les bras valides, il peut réduire la capacité des ménages à travailler tout en imposant des dépenses supplémentaires de médicaments lorsque les ménages peuvent difficilement se le permettre. Sous un angle plus positif, la noix de karité est de saison et peut être ramassée et vendue par les pauvres et les très pauvres. C'est aussi le pic de la production laitière et les groupes plus pauvres en profitent d'une certaine mesure, bien que la majorité du bétail appartienne aux moyens et aux aisés. La principale récolte de sorgho, qui s'étend d'octobre à janvier, met fin à la période de soudure et marque le début de la nouvelle année de consommation. Les principales cultures de rente sont aussi récoltées vers cette époque ainsi que les cultures maraîchères pluviales. Les travailleurs migrants partent vers le mois de 90 novembre et reviennent en février, bien que certains restent plus longtemps pour ne revenir qu'au début des prochaines pluies. Après le travail agricole de la récolte principale, les pauvres et les très pauvres travaillent dans la construction et vendent des objets d'artisanat. Répartition de richesse Caractéristiques des groupes de richesse Taille des ménages Surface cultivée Nombre d'animaux Autres actifs Très pauvres 3-5 0,75-1,25 ha 0-2 chèvres, 15-25 volailles Aucun Pauvres 7-9 2-4 ha 0-2 bovins, 3-5 chèvres, 1-3 moutons, 25-35 volailles, 1 âne Aucun Moyens 11-13 7-9 ha 18-22 Aisés 0% % des ménages 20% 40% 13-17 ha 5-7 bovins, 9-11 chèvres, 9-11 1 charrue, 1 charrette, 1 moutons, 35-45 volailles, 2 semoir ânes 25-35 bovins, 25-35 chèvres, 25-35 moutons, 55-65 volailles, 4 ânes 2 charrues, 2 charrettes, 1 semoir, 1 multiculteur, 2 ouvriers agricoles à temps plein 60% La majorité des ménages (55 %) appartient aux deux groupes les plus pauvres. Toutefois, en termes de population absolue, la majorité de la population fait partie du groupe moyen. En particulier, les aisés ne représentent qu'une petite partie des ménages. Dans une zone agricole, la surface de terre cultivée et la capacité à cultiver sont d'importants indicateurs de richesse. Si l'on compte par habitant, les moyens et les aisés cultivent nettement plus que leurs voisins plus pauvres (les aisés trois fois plus que les très pauvres). Les groupes plus aisés ont les moyens d'acheter des intrants agricoles et possèdent des charrues, des bœufs de labour (inclus dans les chiffres des bovins possédés en dessus) et du matériel agricole, comme des semoirs. De plus, ils ont meilleur accès à la maind'œuvre ; non seulement les moyens et les aisés ont-il plus de bras valides, ils sont aussi en mesure de recruter des ouvriers dans les groupes pauvres et les très pauvres. Par contraste, les pauvres et les très pauvres n'ont pas d’actifs productifs. L'écart entre les moyens et les aisés est aussi frappant. Les aisés possèdent un plus large éventail de matériel agricole et ont les moyens de payer deux ouvriers agricoles à plein temps. À la différence de la main-d'œuvre occasionnelle, les ouvriers sont logés et nourris chez les ménages et sont payés à la fin de chaque mois. En outre, les ménages plus aisés sont capables de consacrer nettement plus de terres aux cultures de rente que les moyens. Toutefois, la différence la plus évidente entre ces groupes est la possession d'animaux d'élevage. Bien qu'elle ne soit pas aussi significative ici que dans certaines des zones du nord, la possession de bétail est néanmoins un important indicateur de richesse. Ainsi, le fait qu'un ménage aisé possède environ six fois plus de bêtes qu'un ménage moyen révèle un large écart de richesse. Les charrettes, avec les ânes pour les tirer, permettent aux moyens et aux aisés de transporter leurs produits au marché et de pratiquer le petit commerce. Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école, mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire 91 de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. Sources de nourriture La propre production est la principale source de nourriture pour tous les groupes à l'exception des très pauvres, qui peuvent consommer leur récolte pendant environ quatre mois. Pour la majorité (50 %) de leurs besoins alimentaires, les très pauvres sont tributaires du marché. 100% 90% Lait 80% 70% Prêts et dons en nature Achats 60% 50% 40% Paiement en nature Production agricole 30% 20% 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé De plus, ils reçoivent des céréales des moyens et des aisés à titre de paiement en nature pour leur travail agricole (parfois avant que le travail n'ait été entrepris). Tant les très pauvres que les pauvres reçoivent des « prêts alimentaires » des ménages plus aisés (voir le calendrier saisonnier). Les ménages moyens et aisés pourraient s'appuyer dans une plus large mesure sur leurs propres récoltes, mais ils investissent dans les cultures de rente et achète une partie de leurs céréales sur le marché. Cependant, les aisés essaient de s'assurer que la vaste majorité de leurs besoins alimentaires annuels vient de leurs propres productions, et un achat important de riz par les aisés est le signe d'une mauvaise récolte. Le lait contribue moins aux besoins alimentaires dans cette zone que dans de nombreuses zones du nord, mais il est néanmoins plus important que dans nombre de zones du sud. Les très pauvres et les pauvres ne tirent qu'un pour cent environ de leurs besoins alimentaires du lait, comparé à près de cinq pour cent pour les moyens et les aisés. Les ménages plus aisés paient aussi partiellement avec du lait les bergers. Sources de revenus 100% Autre 90% Auto‐emploi 80% Petit commerce/commerce Transferts d'argent 70% 60% 50% Migration 40% Autre travail local 30% 20% Travail agricole local 10% Vente de bétail 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Les ventes de récoltes sont la source de revenus la plus importante pour les moyens et les aisés, comme on pourrait s'y attendre dans une zone agricole. Les deux groupes vendent des cultures de rente, mais seuls les aisés produisent des céréales en quantités suffisantes pour pouvoir les vendre. Vente de la production agricole 92 Préférant investir leur argent dans les cultures de rente et d'autres sources de revenus (par ex., le commerce), ce groupe est le seul à ne pas pratiquer le maraichage. Outre celui des ventes de récoltes, il faut noter qu'un pourcentage important du revenu des groupes plus aisés vient d'autres sources, comme les ventes de bétail (qui incluent la vente d'animaux d'embouche mentionnée dans la description de la zone). Les très pauvres et les pauvres vendent aussi des cultures (principalement maraîchères et une petite quantité d'arachide). Les ménages de ces groupes produisent des cultures maraîchères pendant la saison des pluies et pendant la saison sèche (jardinant souvent dans une région différente pendant la saison sèche, du fait du besoin d'irriguer). Cependant, les ménages les plus pauvres sont surtout tributaires du travail et de l’auto-emploi. L’auto-emploi recouvre plusieurs activités différentes. Tant les pauvres que les très pauvres vendent des objets d'artisanat, comme des nattes, des chaises en bois, des escabeaux des lits et des outils agricoles simples. Les très pauvres, les pauvres et les moyens vendent tous du bois (de chauffage ou de construction) et du charbon de bois, bien que ce soit sur une échelle bien plus grande pour les moyens qui peuvent exporter le bois en dehors de la zone (par ex., vers Bamako, Kati et la Mauritanie). Enfin, les ménages de tous les groupes de richesse tirent de l'argent de la vente de produits de cueillette. Typiquement, seuls les aisés reçoivent des transferts d'argent, dans la mesure où seuls ces ménages peuvent se permettre d'envoyer de bras valides ailleurs en Afrique (par ex., en Libye et au Gabon) et en Europe (par ex., en Espagne et en France). Les groupes très pauvres, pauvres et moyens tirent un revenu du travail migrant, qui se différencie des transferts d'argent en ce qu'elle est saisonnière, à court terme et moins rentable ; elle est aussi moins éloignée, les migrants se déplaçant à l'intérieur du Mali vers des villes comme Yelimané, Nioro, Niono, Koutiala, Bamako et des sites d'exploitation aurifère dans le sud du pays. D'autres vont jusqu'au Sénégal et en Mauritanie, mais ils retournent tous dans la zone à temps pour la saison des pluies. Un ménage très pauvre typique a un travailleur migrant, comparé à deux dans un ménage pauvre et quatre dans un ménage moyen. Ils travaillent dans la construction et l'agriculture. La catégorie « autre » inclut l'argent reçu par les aisés contre la location de matériel agricole aux ménages des autres groupes de richesse. Risques Les différences entre les années en termes de sécurité alimentaire sont importantes, dans la mesure où ce sont les bonnes années et les années acceptables qui compensent les mauvaises. 5 4 3 2 1 0 2000‐1 2001‐2 2002‐3 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9 On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2 une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année. On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone. 93 Chroniques 1. Vol de bétail. 2. Paludisme. 3. Insuffisance de pâturage. Périodiques 1. Pluies insuffisantes/sécheresse. C'est l'un des principaux facteurs de risque de la culture dans le Sahel et un élément important permettant de déterminer si une année est bonne ou mauvaise en termes de sécurité alimentaire. Les trois mauvaises années ci-dessus sont classées comme telles, du fait de leur faible pluviométrie. 2. Chenilles. 3. Maladies du bétail comme la fièvre charbonneuse. 4. Maladie de Newcastle (pendant la saison froide). 5. Inondations (le plus souvent entre juillet et septembre). 6. Feux de brousse (le plus souvent entre janvier et avril). Stratégies d’adaptation Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de réduire leurs dépenses de produits non essentiels et maximiser leur revenu. Toutefois, l'éventail des stratégies ouvertes à un ménage dépend de ses actifs et de sa richesse. On trouvera ci-dessous une liste des stratégies propres à chaque groupe de richesse. Très pauvres et Pauvres Ceux qui migrent pour trouver du travail restent absents plus longtemps, partant en octobre et ne revenant qu'en mai-juin. Ils essaient de compléter leurs revenus par le travail agricole (avril à août) et d'autres types de travail occasionnel (toute l'année). Ils essaient d'augmenter leurs ventes d'objet d'artisanat. Ils essaient d'augmenter leurs ventes de bois et de charbon de bois. Dans les villages de la zone qui ne pratiquent pas le maraichage, les bras valides de ces groupes peuvent se rendre dans d'autres villages pour pratiquer le maraichage. Moyens et Aisés Ils augmentent leurs ventes de bétail (surtout entre octobre et décembre). Ils sèment l'arachide plus tôt dans l'année (mai-juin), pour pouvoir la récolter et la vendre plus tôt que de normale. Les moyens augmentent leurs revenus avec le travail migrant. Les aisés complètent leurs revenus grâce aux transferts d'argent (surtout d'octobre à décembre). 94 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 10 : sorgho, mil & coton20 Description de la zone Cette zone de surplus alimentaire du sud-est du pays est située à un endroit stratégique pour le commerce au nord vers Mopti, à l'ouest vers Ségou et Bamako et à l'est vers le Burkina Faso. La végétation est soudano-sahélienne et les sols sont argileux-sableux et généralement fertiles. Il s'agit d'une zone hautement productive, caractérisée par l'agriculture pluviale et l'élevage sédentaire. Les pluies annuelles varient entre 700 et 1 100 mm et permettent la culture du sorgho, du mil et du maïs, qui sont les principales cultures vivrières. Le coton est la principale culture de rente, malgré un déclin au cours des récentes années, dû à une baisse des rendements et au retard du paiement des cultivateurs de coton par l'établissement public d'achat, la Compagnie malienne du développement des textiles (CMDT). L'accès aux intrants onéreux nécessaire à la production cotonnière est fourni par un système de crédit agricole proposé par la Banque nationale de développement agricole (BNDA). Les emprunts contractés par les organisations paysannes sont ensuite automatiquement déduits du paiement final du coton versé par la CMDT. Les autres cultures de rente sont l'arachide et les cultures maraîchères (par exemple les oignons et les tomates) ainsi que les céréales et le niébé. L'élevage sédentaire est pratiqué par la majorité des ménages ; ce sont les Peulh présents dans la zone qui possèdent les plus grands troupeaux. Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres. Le cheptel parcourt de courtes distances chaque année à l'intérieur de la région de Sikasso et restent généralement dans la zone ou à proximité d'un bout à l'autre de l'année. Chaque année, pendant la saison sèche, la zone est le point d'accueil et le corridor des troupeaux transhumants et de leurs gardiens venus des régions du nord du pays à la recherche de pâturages. La zone compte un nombre élevé de bœufs de labour, utilisés dans la culture du coton et des céréales. Certains ménages (surtout moyens et aisés) tirent aussi de l'argent de la vente de moutons d'embouche ; ces bêtes ne font pas partie du troupeau principal, mais sont souvent attachées à la ferme du ménage et nourris avec des aliments pour bétail. La volaille et les œufs sont aussi importants. Les autres caractéristiques incluent le petit commerce et la disponibilité des nourritures sauvages, comme 20 L'information présentée dans ce profil provient principalement du travail de terrain mené par FEWS NET entre novembre et décembre 2009. Toutefois, une partie des données vient aussi de l'étude de base d’HEA conduite par Save the Children UK en novembre 2009 à Yorosso, qui se trouve dans cette zone. Cette étude a contribué à informer toutes les sections de ce profil, en particulier celles portant sur la description de la zone, le calendrier saisonnier et les facteurs de risque. 95 la noix de karité (Butyrospermum parkii) et le néré (Parkia sp.). Ils sont ramassés et vendus par tous les ménages de la zone. Le karité peut se vendre sous forme de noix au bien sous forme de beurre. Le coton est aussi transformé; il existe cinq usines d'égrenage et trois entreprises de fabrication d'huile, notamment l'Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA) et la Fabrique malienne d'aliment-bétail (FAMAB). Il existe quelques pressoirs à huile familiaux. Enfin, la zone compte un petit nombre de ruches traditionnelles, qui se trouvent généralement chez les ménages les plus pauvres. Marchés L'accès au marché est généralement bon, mais il peut s'avérer difficile dans certaines régions pendant la saison des pluies. Les céréales sont exportées dans le nord du Mali, vers les grandes villes et à l'étranger, par exemple, au Burkina Faso. La période de pic pour les ventes de céréales est après la récolte, de novembre à mars. Le coton se vend dans les villages à la CMDT, qui collecte la récolte dans des camions et la paie à une date ultérieure. De manière générale, les marchés se tiennent toutes les semaines. Les céréales importées dans la zone viennent du Burkina Faso et sont vendues par des négociants locaux. Les routes commerciales ci-dessous ne sont qu'indicatives (c.-à-d., elles ne sont pas complètes). Culture Mil Bamako, Ségou, Sikasso, Gao, Niger, Burkina Faso Route commerciale Sorgho Bamako, Sikasso, Ségou, Gao, Kidal, Niger, Burkina Faso Maïs Bamako, Ségou, Kayes Type d'animaux d'élevage exportés Bovins, moutons, chèvres Route commerciale Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sénégal Volaille Bamako 96 Calendrier saisonnier21 Sep. Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Principales pluies Légende : Préparation des terres Récolte Semis Naissances En chaleur Entretien des cultures Cultures Sorgho Millet Maïs Nié bé Cassave Coton Arachide Sé same Piment Voandzou Soja Riz Cultures maraîchères Mangues Bétail Vaches (production laitière) Vaches Migration du bétail Embouche Ventes de bétail Maladie du bétail Autre Achat d'aliments de base Travail agricole local Autre travail local Produits de cueillette Paiement des frais scolaires Emprunts/remboursement Paludisme Période de soudure Néré Noix de karité Remboursement Emprunts Régime des pluies Sep. Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année agricole dans la zone. Le moment de l'année le plus difficile pour les ménages, en particulier les plus pauvres, est la période de soudure qui s'étend de juin à août, qui est la saison des pluies. Le grain récolté l'année précédente a été épuisé depuis longtemps et les très pauvres et les pauvres achètent des aliments de base sur les marchés, où les prix sont élevés à cette époque. Ces mois sont marqués par une activité physique intense, tandis que les ménages les plus pauvres non seulement cultivent leurs terres, mais sont aussi employés par les moyens et les aisés comme ouvriers agricoles. La préparation des terres pour le semis consiste à ramasser les tiges et défricher les champs ainsi qu'à transporter et à épandre le fumier organique. Après quoi les champs sont ensemencés ; la date exacte des semis dépend des pluies. De juin à août, les ménages plus pauvres recourent à des emprunts en espèces ou en nature pour les aider à tenir 21 Le manioc est une culture de 18 mois. 97 jusqu'à la récolte principale ; ils sont ensuite remboursés plusieurs mois après, entre janvier et mars. La période de soudure est aussi un moment important pour les ventes de bétail et ceux qui en possèdent vendent des petits ruminants, en particulier des chèvres. L'argent qu'ils en tirent permet aux moyens et aux aisés d'acheter des intrants pour la prochaine saison agricole et aux pauvres d'acheter des aliments de base. Cette possibilité n'est pas offerte aux très pauvres, qui ne possèdent pas de bétail (voir la répartition des richesses ci-dessous). L'incidence de paludisme est élevée, surtout vers la fin de la période de soudure ; si l'un des bras valides du ménage est atteint, ceci peut réduire sa capacité à travailler et imposer des dépenses supplémentaires de médicaments à un moment difficile de l'année. Sous un angle plus positif, les nourritures sauvages sont disponibles; elles sont ramassées et vendues par les femmes. La période de soudure prend fin avec la consommation du maïs vert et du niébé en septembre. La principale récolte de sorgho commence ensuite à partir d'octobre. C'est aussi un moment d'intense activité physique, mais dans une moindre mesure que durant les mois précédents, du fait que les ménages peuvent consommer leurs propres récoltes. La période de pic pour les ventes de céréales recouvre les mois qui suivent la récolte, lorsque le prix est à son plus bas. Les pauvres et les très pauvres sont forcés de vendre à cette époque pour satisfaire leurs besoins immédiats. Les ménages plus aisés ont les moyens d'acheter des céréales après la récolte lorsqu'elles sont bon marché, de les stocker et de les revendre plus tard lorsque les prix ont monté. Le travail migrant n'est pas typique de la zone, bien que certains jeunes aillent dans les centres urbains (par ex., Kouiala) après la récolte pour trouver du travail. Les garçons tendent à être porteurs (ils transportent des marchandises avec des pousse-pousse), tandis que les filles font des travaux ménagers. Ils retournent à temps pour la saison des pluies. Répartition de richesse Caractéristiques des groupes de richesse Taille des ménages Surface cultivée Animaux d'élevage Autres actifs Très pauvres 4-5 1-2 ha 1-3 volailles Aucun Pauvres 8-10 4-6 ha 1-2 bovins, 4-5 chèvres, 4-5 moutons, 5-10 volailles, 1 âne 1 charrue Moyens 15-20 15-20 ha 6-10 bovins, 10-15 chèvres, 10-15 moutons, 20-30 volailles, 1-2 ânes 2 charrues, 1 charrette, 1 semoir, 1 multiculteur Aisés 25-35 30-40 ha 40-60 bovins, 20-30 chèvres, 4 charrues, 2 charrettes, 2 20-30 moutons, 40-80 semoirs, 2 multiculteurs volailles, 3-4 ânes 0% 20% 40% % des ménages 60% Le tableau de la répartition de richesse ci-dessus montre que la moitié de l'ensemble des ménages relève des catégories « moyens » et « aisés ». Cependant, en termes de population absolue, plus de soixante-dix pour cent des habitants font partie des deux groupes les plus aisés, du fait de la plus grande taille de leurs ménages. En termes de population, les très pauvres représentent un petit groupe vivant dans une pauvreté extrême. Dans une zone dominée par la production agricole, la surface cultivée par un ménage donné est un 98 indicateur de richesse essentiel. À cet égard, il est significatif que les aisés cultivent près de trois fois et demie plus de terres par habitant que les très pauvres. La capacité à le faire dépend de plusieurs facteurs. Le ménage doit avoir accès à une main-d'œuvre suffisante pour cultiver la terre ; les ménages moyens et aisés ont plus de bras valides que leurs voisins plus pauvres, ainsi que les moyens d'embaucher comme ouvriers les membres des autres ménages. Les ménages doivent aussi avoir accès à du matériel agricole, comme des charrues, des bœufs de labour et des semoirs. Les bœufs de labour sont particulièrement importants dans les régions cotonnières, dans la mesure où il s'agit d'une culture à forte intensité de main d'œuvre. Ceux-ci sont possédés en nombres différents par les pauvres (1-2), les moyens (4-6) et les aisés (8-10) : ces chiffres sont inclus ci-dessus dans le nombre de bovins possédés. Les très pauvres empruntent leurs bœufs de labour auprès des autres ménages ; ce prêt est souvent gratuit, mais ils doivent attendre jusqu'à ce que les autres ménages aient terminé avant de pouvoir cultiver leurs propres terres. Enfin, les ménages plus aisés sont en mesure de consacrer proportionnellement une plus grande partie de leurs terres aux cultures de rente que les très pauvres et les pauvres et ont aussi meilleur accès aux intrants agricoles, comme les engrais. Compte tenu de leurs avantages importants, il n'est pas surprenant que les moyens et les aisés non seulement cultivent plus de terre que les ménages les plus pauvres, ils obtiennent aussi des rendements supérieurs par hectare. Le bétail est un indicateur/déterminant de richesse important ; on notera, par exemple, la grande différence entre le nombre de bovins des moyens et celui des aisés. Toutefois, les ventes de bétail sont beaucoup moins significatives dans cette zone que dans de nombreuses zones plus au nord. Ici, on vend du bétail pour satisfaire des besoins spécifiques, comme payer des dépenses de santé, les frais de scolarité, les fêtes ou pour acheter des intrants agricoles. Sans épargne de bétail, les ménages peuvent être contraints de recourir à l'emprunt pour satisfaire des besoins particuliers. Les informateurs ont affirmé que le montant élevé des emprunts contracté contribue à la pauvreté de la zone. Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école, mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. Sources de nourriture Les moyens et les aisés sont essentiellement autonomes pour ce qui est des céréales. De manière générale, les aisés n'achètent pas de céréales, dans la mesure où ils produisent suffisamment tant en termes de quantité que de variété sur leurs propres terres. Le groupe moyen pourrait vivre entièrement sur sa propre production, s'il la consommait intégralement. 100% 90% Prêts et dons en nature Achats 80% 70% 60% 50% Paiement en nature 40% 30% Production agricole 20% 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Cependant, les moyens vendent une bonne partie de leur récolte, puis utilise l'argent pour faire quelques achats sur le marché. Par contraste, les pauvres et les très pauvres sont beaucoup plus tributaires du marché, surtout les très 99 pauvres qui consomment leur récolte pendant trois mois seulement et s'appuient sur le marché pour la plus grande partie du restant. La situation des pauvres est plus sûre, dans la mesure où leur propre récolte dure deux fois plus longtemps (six mois). Ces deux groupes cultivent suffisamment de nourriture pour pouvoir compter sur leur propre récolte pendant plus longtemps ; cependant, ils sont forcés de vendre une partie de leurs céréales directement après la récolte pour rembourser leurs dettes et pour satisfaire leurs besoins immédiats (par ex., le paiement des frais de scolarité). Les ménages les plus pauvres reçoivent aussi une partie de leurs besoins alimentaires annuels de paiements en nature, qu'ils obtiennent en travaillant sur les terres des moyens et des aisés. Le lait ne contribue aux besoins alimentaires annuels des ménages dans aucun des quatre groupes. Il est donné aux gardiens de troupeaux comme forme de paiement pour mener les bêtes. La consommation de lait ne fait pas partie des habitudes alimentaires des ménages de cette zone. Sources de revenus 100% Auto‐emploi 90% 80% Petit commerce/co mmerce 70% 60% Travail agricole local 50% 40% 30% Vente de bétail 20% 10% Vente de la production agricole 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Les ventes de récoltes sont la source de revenus la plus importante pour tous les groupes à l'exception des très pauvres. Les ventes de cultures de rente contribuent le plus à cette catégorie (près de la moitié du revenu total pour les moyens et les aisés). Pour les groupes plus aisés, c'est surtout le coton ; son prix est fixé à l'avance, ce qui permet aux ménages de planifier facilement, en termes de leur budget familial. Pour les ménages les plus pauvres, d'autres cultures de rente, comme l'arachide, sont considérablement plus importantes que le coton. Les ventes de céréales représentent la deuxième plus grande portion de cette catégorie, suivies par les cultures maraîchères. Les très pauvres sont tributaires du travail agricole pour la majorité de leur revenu (presque la moitié). Comme on l'a vu dans la section sur la répartition des richesses ci-dessus, les ménages de ce groupe ont des moyens très limités d'investir dans la production agricole. C'est le seul groupe de richesse, par exemple, à ne pas produire généralement de cultures maraîchères. (Dans cette zone le revenu provenant d’autre travail local, comme la construction, a été inclus dans la catégorie « travail agricole local ».) Les ventes de bétail contribuent au revenu monétaire de tous les groupes de richesse. Les très pauvres ont uniquement les moyens de vendre de la volaille, tandis que les pauvres peuvent vendre un petit nombre de chèvres ou de moutons. Cependant, du fait de la petite taille de leurs troupeaux, les pauvres sont souvent forcés de vendre leurs bêtes lorsqu'elles sont plus jeunes et reçoivent donc moins par animal vendu que les moyens et les aisés. Le prix des moutons est élevé autour de la fête de Tabaski. L’auto-emploi recouvre des activités telles que les ventes de produits de cueillette (par ex., noix de karité, beurre de karité et néré). C'est surtout une activité de femmes et qu'elles pratiquent dans tous les ménages. Le petit commerce inclut l'achat et la revente de céréales et de produits comme les savonnettes, le thé et les allumettes. 100 Risques On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des neuf dernières années en fonction de sa sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2 une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année. 5 4 3 2 1 0 2000‐1 2001‐2 2002‐3 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9 Il est intéressant qu'à l'exception des deux plus récentes, toutes les années aient été bonnes en termes de sécurité alimentaire. Le risque climatique est bien moindre ici que plus au nord. On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone. Compte tenu de l'importance du coton, tout ce qui peut avoir un impact négatif sur la récolte du coton est préjudiciable non seulement aux moyens et aux aisés, mais aussi aux très pauvres et aux pauvres qui sont employés pour travailler dans leurs champs. Cultures 1. Insectes et ravageurs des cultures (par ex., termites, chenilles, sauterelles, cantharides). 2. Retard de paiement du coton par la CMDT. Il s'agit d'un gros problème. 3. Retard des prévisions des services gouvernementaux concernant les intrants agricoles (semences et engrais). Mauvaise qualité des intrants agricoles (par ex., semences). 4. Insuffisances des pluies/pauses dans les pluies à des moments critiques. La faiblesse des pluies signifie parfois que les fermiers doivent réensemencer leurs cultures. 5. Oiseaux granivores. 6. Points d'eau asséchés plut tôt qu’en temps normal, ce qui a un impact négatif sur le maraichage. 7. Striga. 8. Destruction de cultures par des animaux égarés (par exemple, des troupeaux des Peulh) et animaux sauvages. 101 Bétail 1. Manque de pâturages en avril-mai. 2. Maladies du bétail (par ex., la fièvre charbonneuse, la trypanosomose, la pasteurellose et la fièvre aphteuse) ainsi que les grippes aviaires. 3. Prix élevé des intrants, par exemple, fourrage et produits vétérinaires. 4. Insuffisance du nombre des points d'eau 5. Vol de petits ruminants. Autre 1. Paludisme (septembre-novembre) 2. Caution solidaire pour le coton. (Les associations paysannes assurent la responsabilité du crédit agricole octroyé à chaque exploitant et doivent donc rembourser le crédit des producteurs insolvables. Tous les adhérents de l’association doivent prendre ce coût à leurs charges.) Stratégies d’adaptation Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de réduire leurs dépenses de produits non essentiels et maximiser leur revenu. Toutefois, l'éventail des ripostes ouvertes à un ménage dépend de ses actifs et de sa richesse, ainsi que du moment où survient ce facteur de risque. On trouvera ci-dessous une liste des stratégies propres à chaque groupe de richesse. Très pauvres et Pauvres Ils essaient de compléter leur revenu par le travail agricole et les travaux ménagers (d'avril à août et de décembre à avril). Ils migrent pour trouver du travail, ce qu'ils ne font pas pendant une année normale (par ex., vers Niono ou la Côte d’Ivoire). Ils cherchent du travail de gardiens de troupeaux. Ils peuvent recourir aux banques de céréales ou au crédit. Moyens et Aisés Ils augmentent leurs ventes de céréales et peuvent vendre des stocks (avril-mai). Ils augmentent leurs ventes de bétail, en particulier de moutons et de chèvres (d'avril à juin). Ils peuvent recourir aux banques de céréales ou au crédit et aux emprunts. 102 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 11 : Sud maïs, coton & fruits22 Description de la zone Cette zone extrêmement productive est située dans le sud du pays et partage une frontière avec la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Elle se caractérise principalement par l'agriculture pluviale, l'élevage sédentaire et l'exploitation des ressources naturelles forestières. La végétation est soudano-sahélienne et le relief est surtout plat. La zone est arrosée par des cours d'eau, tant permanents que saisonniers, et les sols y sont argileux, limoneux et latéritiques, et sont généralement fertiles. Elle abrite la capitale, Bamako, qui a une économie urbaine distincte. La demande de la ville a aussi créé une zone périurbaine, où la plus grande source de revenus est la vente de cultures maraîchères. Une étude de terrain n'a été exécutée pour aucune de ces zones. Les précipitations annuelles varient entre 1 000 et 1 300 mm et permettent la culture du maïs, du sorgho et du mil, qui sont les principales cultures vivrières. Le maïs est plus répandu dans le sud de la zone, le sorgho et le mil dans le nord. Le coton est la principale culture de rente, malgré un déclin au cours des récentes années, dû à une baisse des rendements et au retard du paiement des cultivateurs de coton par l'établissement public d'achat, la Compagnie malienne du développement des textiles (CMDT). La production cotonnière est surtout limitée aux ménages moyens et aisés. La deuxième culture de rente en importance est le maïs, qui prend de plus en plus d'importance avec le déclin du coton. La zone fournit du maïs au reste du pays ; il est souvent associé avec le niébé. Les autres cultures de rente incluent l'arachide, la patate douce, le sésame, le pois de senteur, ainsi que des cultures maraîchères comme la pomme de terre, la laitue, la tomate, l'okra et le chou. Le maraichage n'est pas typique pour les très pauvres et est surtout rentable autour des villes comme Sikasso. Les coopératives maraîchères peuvent contribuer à financer cette activité parmi les pauvres. Le riz (de plus en plus important pour les trois groupes plus aisés), le fonio et l'igname sont aussi cultivés (bien que l'igname ne soit pas commercialisée en général ; c'est l'igname de Côte d’Ivoire qu'on trouve sur les marchés). Les fruits (mangue, orange, banane, papaye, anacarde, etc.) se vendent et sont commercialisés dans tout le pays et à l'étranger. La gamme des produits cultivés est très diverse dans la zone, plus que dans la zone 10, par exemple. L'élevage sédentaire est pratiqué par la majorité des ménages. Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres. Il y a une migration saisonnière du bétail vers la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Ghana. La zone est aussi une région de pâture saisonnière pour le bétail des zones plus au nord du pays. 22 L'information présentée dans ce profil provient principalement du travail de terrain mené par FEWS NET entre novembre et décembre 2009. Toutefois, une partie des données vient aussi de l'étude de base d’HEA conduite par Save the Children UK en novembre 2009 à Yorosso, qui se trouve dans cette zone. Cette étude a aussi contribué à informer toutes les sections de ce profil. 103 Les produits de cueillette sont disponibles dans les forêts et sont vendues par les femmes; il s'agit principalement de la noix de karité (Butyrospermum parkii) et du néré (Parkia sp.). Le bois et dans une moindre mesure le miel se vendent aussi. L'arboriculture est en progression. Traditionnellement, la zone entretient des liens étroits avec la Côte d’Ivoire, qui était une des destinations des travailleurs migrants ; depuis la crise qui a frappé la Côte d’Ivoire en 2002, la migration vers ce pays a diminué. La migration se fait maintenant vers les villes et les sites d'exploitation aurifère. Marchés L'accès au marché est généralement bon, sauf pendant la saison des pluies où certaines régions peuvent se retrouver isolées et où les camions s'embourbent facilement sur les routes. Les routes peuvent aussi être bloquées par les cours d'eau saisonniers. Le coton se vend dans les villages à la CMDT, qui collecte la récolte dans des camions et la paie à une date ultérieure. Si le maïs est importé dans la zone, il vient de Côte d’Ivoire. Les routes commerciales ci-dessous ne sont qu'indicatives (c.-à-d., elles ne sont pas complètes). Culture Maïs Route commerciale Bamako Kayes Sénégal Tubercules (pomme de terre, Marchés locauxBamako, Ségou, Gao, Kidal, Sénégal igname, etc.) Fruits (mangue, orange, etc.) Marchés locauxBamako, Mopti, Ségou, Gao, Kidal, Tombouctou, Burkina Faso, Sénégal, Côte d’Ivoire, Europe Type d'animaux d'élevage exportés Bovins Route commerciale Moutons, chèvres Sénégal Volaille Bamako Côte d’Ivoire, Sénégal 104 Calendrier saisonnier Sep. Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Principales pluies Récolte Ventes Préparation des terres Légende : Semis En chaleur Naissances Désherbage Cultures Maïs Millet/sorgho Niébé Coton Arachide Sé same Patate douce Cultures maraîchères Mangue Bétail Vaches (production laitière) Ventes de bétail Migration du bétail Maladies du bétail Autre Achat d'aliments de base Travail agricole local Autre travail local Produits de cueillette Travail migrant Paiement des frais scolaires Emprunts/remboursement Paludisme Période de soudure Karité Néré Noix de karité Remboursement Emprunts Régime des pluies Sep. Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Le calendrier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année agricole dans la zone. Le moment le plus difficile de l'année pour les ménages, particulièrement les plus pauvres, survient pendant la saison des pluies, alors que la récolte de l'année précédente est épuisée et que les pauvres et les très pauvres achètent leurs aliments de base sur le marché, où les prix sont élevés. Ces mois sont marqués par une activité physique intense, les ménages préparant, semant et désherbant leurs cultures ; les pauvres et les très pauvres travaillent dans leurs champs et sont payés pour travailler dans ceux des moyens et des aisés. De manière générale, ils sont forcés de travailler d'abord pour les ménages plus aisés, avant de se consacrer à leurs propres terres ; ce qui veut dire qu'ils sèment plus tard, désherbent moins et obtiennent donc de moins bons rendements. De surcroît, cette époque est marquée par une incidence élevée de paludisme ; si celui-ci atteint un des bras valides du ménage, sa capacité à travailler s'en trouve réduite et il doit engager des dépenses supplémentaires en médicaments. Les ménages les plus pauvres recourent couramment à l'emprunt à cette époque pour tenir jusqu'à la fin de la période de soudure ; ils les remboursent entre janvier et mars. La production laitière est à son maximum pendant la saison des pluies, mais les très pauvres et les pauvres n'en profitent pas, du fait qu'ils ne possèdent pas de bovins. Cependant, la noix de karité peut être récoltée et vendue par les femmes, ce qui procure un certain revenu. 105 La période de soudure prend fin avec la consommation du maïs vert et du niébé en septembre. La principale récolte de maïs commence ensuite en octobre. Tandis que les pauvres et les très pauvres sont forcés de vendre des céréales pour satisfaire leurs besoins immédiats juste après la récolte lorsque les prix sont bas, les moyens et les aisés sont en mesure d'attendre jusqu'aux mois de juillet et d'août lorsque les prix du marché sont hauts. Les frais de scolarité se paient à un moment donné entre octobre et janvier. D'octobre à mai a aussi lieu un certain travail migrant. Répartition des richesses Caractéristiques des groupes de richesse Taille des ménages Surface cultivée Animaux d'élevage Autres actifs Très pauvres 3-5 1,5-2,5 ha 8-12 volailles Aucun Pauvres 9-11 4-6 ha 4-6 chèvres, 25-35 volailles 1 charrue Moyens 14-16 7-9 ha 9-11 bovins, 9-11 chèvres, 2 4 moutons, 35-45 volailles, 2 ânes 2 charrues, 1 charrette, 1 multiculteur, 1 semoir, 2 appareils de traitement Aisés 18-22 % des ménages 0% 20% 40% 18-22 bovins, 9-11 chèvres, 5- 4 charrues, 2 charrettes, 2 14-16 ha 7 moutons, 45-55 volailles, 3 multiculteurs, 2 semoirs, 2 ânes appareils de traitement 60% Les moyens constituent de loin le plus grand groupe, avec soixante pour cent de l'ensemble des ménages et près de soixante-dix pour cent du total de la population (si l'on tient compte de la plus grande taille des ménages de ce groupe). Les très pauvres ne représentent qu'un petit pourcentage de la population et vivent dans une extrême pauvreté. Dans une zone essentiellement agricole, la capacité à cultiver est l'indicateur/le déterminant de richesse le plus important. Ceci dépend de plusieurs facteurs. Dans cette zone, l'accès à la terre n'est pas un facteur limitatif. Le plus important est l'accès à la main-d'œuvre et aux intrants agricoles et la possession d'actifs productifs. En termes de main-d'œuvre, les moyens et les aisés ont non seulement plus de bras valides que les autres groupes, ils ont aussi les moyens d'embaucher comme ouvriers les membres des autres ménages. En outre, ce sont les moyens et les aisés qui sont le plus à même d'acheter des intrants agricoles, comme des engrais et des pesticides. Leur bétail leur fournit du fumier organique et ils possèdent leurs propres charrettes (ainsi que des ânes et des bœufs pour les tirer) avec lesquelles ils transportent ce fumier jusqu'aux champs. Les ménages les plus pauvres n'utilisent pas de fumier, parce qu'ils ne possèdent ni le bétail ni les moyens de le transporter. Les deux groupes les plus aisés possèdent aussi du matériel agricole, comme des charrues, des bœufs de labour et des semoirs. Les bœufs de labour sont particulièrement importants dans les régions cotonnières, dans la mesure où il s'agit d'une culture à forte intensité de main-d’œuvre. Les moyens en possèdent quatre, les aisés dix ; ils sont inclus ci-dessus dans les chiffres des bovins possédés. Les bœufs de labour de la zone sont de race « N’Dama », qui est résistante à la trypanosomose. Typiquement, les ménages pauvres possèdent une charrue, mais pas de bœufs, tandis que les très pauvres n'ont pas de matériel, sauf peut-être la houe traditionnelle, la « daba ». Les groupes les plus pauvres peuvent emprunter du matériel auprès des moyens et des aisés et travaillent dans leurs champs en échange. Enfin, les ménages plus aisés sont en mesure de consacrer proportionnellement une plus grande partie de leurs terres aux cultures de rente que les très pauvres et les pauvres. Compte tenu de leurs avantages importants, il n'est pas surprenant que les moyens et les aisés 106 non seulement cultivent plus de terre que les ménages les plus pauvres, ils obtiennent aussi des rendements supérieurs par hectare. Le bétail est aussi un indicateur/déterminant de richesse important, en particulier les bovins, que seuls les moyens et les aisés possèdent. Les très pauvres ne possèdent qu'un petit nombre de volailles. Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école, mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. Sources de nourriture 100% 90% Lait 80% 70% Prêts et dons en nature 60% Achats 50% 40% Paiement en nature 30% Production agricole 20% 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Tous les groupes, à l'exception des très pauvres, tirent la majorité de leurs besoins alimentaires annuels de leurs propres récoltes. La récolte des très pauvres est épuisée après trois mois seulement, après quoi ils sont principalement tributaires du marché pour leur nourriture, bien que la contribution des prêts et des dons en nature soit aussi particulièrement importante. La récolte des pauvres dure deux fois plus longtemps (six mois) ; ils sont néanmoins largement tributaires du marché, mais dans une moindre mesure que les très pauvres. Ces deux groupes reçoivent une partie de leurs besoins alimentaires annuels de paiements en nature, qu'ils obtiennent en travaillant sur les terres des moyens et des aisés. Les moyens et les aisés sont essentiellement autonomes. Ils produisent suffisamment tant en quantité qu'en variété pour s'appuyer entièrement sur leurs propres récoltes. Grâce à ses récoltes, par exemple, un ménage moyen ou aisé peut consommer du sorgho, du maïs, du mil, du fonio, du riz, des tubercules, du niébé et de l'arachide. Le lait ne contribue pas aux besoins alimentaires des très pauvres et des pauvres, ce qui n'est pas surprenant dans la mesure où ils n'ont pas de bovins. Il contribue seulement de manière minimale au régime des moyens et des aisés et se consomme surtout pendant la saison des pluies. La consommation de lait ne fait pas partie des habitudes alimentaires des ménages de cette zone. Enfin, le graphique ci-dessus couvre exclusivement les céréales, les légumineuses, les tubercules et le lait, dans la mesure où ceux-ci constituent la vaste majorité des aliments consommés. Toutefois, on trouve aussi des produits de cueillette (par ex., noix de karité et néré) dans la zone qui peuvent représenter une partie des besoins alimentaires des ménages. 107 Sources de revenus 100% Auto‐emploi 90% 80% Petit commerce/com merce Travail agricole local 70% 60% 50% Vente de bétail 40% 30% Vente des fruits 20% Vente de la production agricole 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé La différence dans les structures de revenus entre les deux groupes plus aisés et les deux groupes moins aisés est frappante. Les moyens et les aisés tirent environ quatre-vingts pour cent de leurs revenus des ventes de récoltes. Elles incluent les céréales, les cultures de rente (coton, arachide, etc.) et les cultures maraîchères. Le prix du coton est fixé à l'avance, ce qui permet aux ménages de planifier facilement, en termes de leur budget familial. Si on inclut la vente de fruits, près de quatre-vingt-dix pour cent des revenus des moyens et des aisés proviennent de leur propre production. Par contraste, les très pauvres et les pauvres tirent la majorité de leurs revenus de l’auto-emploi, qui consiste en la vente de bois, de charbon de bois et de nourritures sauvages. De surcroît, ils travaillent sur les terres des moyens et des aisés. La contribution des ventes de récoltes est relativement faible et, il faut le noter, elle n'inclut pas le coton, dont la culture est limitée aux moyens et aux aisés. Le petit commerce met en jeu l'achat et la revente de céréales ainsi que la vente de produits comme le thé, les allumettes et les savonnettes. Le travail migrant était autrefois une importante source de revenus dans la zone, mais elle a nettement baissé depuis la crise qui a frappé la Côte d’Ivoire en 2002. Risques On a demandé aux personnes interrogées de classer chacune des six dernières années en fonction de sa sécurité alimentaire relative : 1 représentait une très mauvaise année en termes de sécurité alimentaire, 2 une mauvaise année, 3 une année acceptable, 4 une bonne année et 5 une excellente année. 5 4 3 2 1 0 2003‐4 2004‐5 2005‐6 2006‐7 2007‐8 2008‐9 108 Bien que cet exercice soit plutôt subjectif, il est intéressant que les informateurs perçoivent les années comme étant relativement égales, par contraste avec les pics et les creux présents sur des graphiques similaires pour de nombreuses zones du nord où la pluviosité est moins fiable. On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone. Culture 1. Pluies tardives/absence de pluies pendant les semis/pluies mal distribuées aussi bien en termes de temps que de géographie. La faiblesse des pluies signifie parfois que les fermiers doivent réensemencer leurs cultures. 2. Prix élevé des intrants agricoles (surtout pour le coton). 3. Oiseaux granivores (surtout pour le mil). 4. Maladie/mort des bœufs de labour. 5. Animaux sauvages causant des dégâts aux cultures. 6. Maladies du coton/nuisibles des céréales (par ex., foreur des tiges). 7. Vers causant des dégâts aux fruits 8. Mauvaise qualité des semences. Bétail 1. Maladie du bétail (par ex., la trypanosomose, la pasteurellose) ainsi que grippes aviaires. 2. Manque de pâturages pour les troupeaux et difficulté à les abreuver. 3. Difficulté à abreuver les troupeaux. Autre 1. Paludisme. 2. Fermeture des frontières pour la migration vers la Côte d’Ivoire. Stratégies d’adaptation Pendant une mauvaise année, tous les ménages tentent de réduire leurs dépenses de produits non essentiels et maximiser leur revenu. Toutefois, l'éventail des ripostes ouvertes à un ménage dépend de ses actifs et de sa richesse, ainsi que du moment où survient ce facteur de risque. Cependant, tous les ménages migrent pour trouver du travail vers les centres urbains et la Côte d’Ivoire (de novembre à mai). Ils cultivent aussi plus de sorgho et de mil, au lieu du maïs qui exige plus d'engrais. On trouvera ci dessous une liste des stratégies propres à chaque groupe de richesse. Il convient de noter qu'il s'agit d'une zone en état de sécurité alimentaire et qu'il n'y a pas beaucoup de mauvaises années en termes de sécurité alimentaire. 109 Très pauvres et Pauvres Ils augmentent leurs ventes de bétail s'ils le peuvent (pendant la saison des pluies et la période de soudure). Ils peuvent s'appuyer davantage sur les dons ou s'endetter. Ils utilisent des cultures à cycle court afin d’assurer une récolte précoce. Moyens et Aisés Ils augmentent leurs ventes de bétail notamment de bovins (mai-juin). Pendant les mauvaises années, certains ménages peuvent se voir forcés de vendre leurs actifs productifs (par ex., charrues, bœufs de labour). S'il y a un manque d'engrais, les ménages s'appuient davantage sur le fumier organique/les fosses à compost. 110 Profils de moyens d’existence au Mali Zone 12 : Sud-ouest maïs, sorgho & fruits Description de la zone Cette zone relativement riche est divisée en trois régions au sud du pays. Avec une pluviosité annuelle variant de 1 000 à 1 300 mm, elle se caractérise principalement par l'agriculture pluviale, l’arboriculture (des arbres fruitiers) et l'élevage sédentaire. La zone est humide et modérément peuplée, avec des sols sablo-argileux et graveleux relativement fertiles. Elle est parcourue de nombreux cours d'eau (notamment le Baoulé et le Sankarani) et on y trouve des « bas-fonds », dépressions localisées qui conservent leur humidité pendant la saison sèche. La végétation est Soudanienne. La topographie est un mélange de plaines et de collines. Les principales cultures vivrières sont le maïs, le sorgho et le riz (cultivé généralement par les femmes dans les bas-fonds).23 Les habitants de cette zone ne consomment pas beaucoup le mil. Le maïs, le coton, l'arachide et « le dah » (Dahlia arborea) sont les principales cultures de rente. Le coton est acheté soit directement soit indirectement par la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT). Le paiement du coton aux fermiers s'effectue régulièrement avec du retard, ce qui peut avoir un impact négatif sur la gestion par les ménages de leurs ressources (voir les sources de revenus ci-dessous). Les investissements nécessaires dans la production cotonnière signifient que ce sont surtout les ménages plus aisés qui les réalisent. L'arachide n'est pas si exclusive, tandis que la pomme de terre, qui demande beaucoup de travail, est typiquement cultivée par les ménages plus pauvres. La culture de l'igname est progressivement abandonnée, parce que la méthode de culture avec la « daba » traditionnelle, une sorte de houe, exige une forte intensité de travail. L’arboriculture est pratiquée par les ménages plus aisés et les fruits sont un produit caractéristique de la zone. Il existe des usines de fabrication de jus et de conditionnement des fruits pour l’exportation en Europe; d'autres sont en construction. Les fruits principaux sont la mangue, l'orange, la banane, le citron et l'anacarde. Les cultures maraîchères, comme la tomate, l'okra, l'échalote, la laitue et l'aubergine, sont typiquement produites par les très pauvres et les pauvres, bien que dans certaines régions jardiner soit impossible du fait de la difficulté d'irriguer les cultures. Cette activité est dominée par les femmes. Il y a des pâturages dans la zone pendant toute l'année, ce qui permet l'élevage sédentaire. Les principales espèces sont les bovins, les moutons et les chèvres. La disponibilité du pâturage signifie que la zone 23 Le riz est plus répandu dans la partie centrale de la zone, tandis que le maïs est plus répandu dans la partie le plus au sud-est. 111 accueille chaque année des transhumants, qui restent de décembre à mai. Pendant leur séjour dans la zone, les transhumants vendent du lait et du bétail pour gagner de l'argent et satisfaire leurs besoins alimentaires et d'autres besoins. L'exploitation aurifère est une autre caractéristique de cette zone et constitue une source de revenus pour les ménages les plus pauvres, qui utilisent des méthodes traditionnelles pour prospecter l'or. Dans certaines régions (par ex., Kadiolo), l'exploitation minière est concentrée sur certains sites et attire des personnes de différentes régions, notamment des Burkinabés. Dans d'autres régions (par ex., Yanfolila), les activités minières ne se limitent pas à des sites centraux et sont plus dispersées, par exemple le long des cours d'eau qui arrosent la zone. Les informateurs clés ont déclaré que l'extraction de l'or peut être une distraction peu rentable par rapport à d'autres activités (par ex., agricoles) qui ont plus de chances d'être rémunératrices. Il existe aussi des sites aurifères qui sont exploités commercialement par de grandes entreprises. Les ressources forestières de la zone sont importantes, bien que ce soit généralement des entreprises extérieures aux villages qui profitent du bois (même si certains villageois puissent être embauchés pour l'abattage des arbres). Les produits de cueillette incluent le karité, le zaban (Saba senegalensis), le néré et le tamarin ; leur vente est une importante source de revenus pour les pauvres et les très pauvres. La chasse se pratique, mais seulement de manière limitée. Comme c'est le cas pour de nombreuses zones rurales, la solidarité entre les ménages plus aisés et les ménages plus pauvres est importante. On doit noter, par exemple que les ménages moyens et aisés peuvent aider leurs voisins plus pauvres avec certaines dépenses, telles que médicales et d'enterrement. Pendant une année normale, les ménages ne migrent généralement pas pour chercher du travail. La pêche est une autre activité et certains pêcheurs Bozos sont présents. Marchés Dans cette zone, l'accès au marché est généralement bon, mais il peut s'avérer difficile dans certaines régions pendant la saison des pluies. Les routes commerciales ci-dessous ne sont qu'indicatives (c.-à-d., elles ne sont pas complètes). Culture Fruits Route commerciale Sénégal, Europe, Bamako Kayes Kédougou Sénégal Maïs Marchés locaux, Bougouni Sorgho Kayes Sénégal Arachide Kayes,Kénieba Sénégal Riz Marchés locauxBamako Type d'animaux d'élevage exportés Bovins, moutons, chèvres Route commerciale Volaille Marchés locauxBamako Marchés locauxBamako/Côte d’Ivoire Kénieba Sénégal Guinée 112 Principales céréales importées dans la zone Maïs Route commerciale Sorgho Kayes Kéniébamarchés locaux Riz Kayes Kéniébamarchés locaux Sénégal Kéniébamarchés locaux Côte d’Ivoire marchés locaux Calendrier saisonnier Sep. Oct. Nov Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Principales pluies Récolte Ventes Préparation des terres Légende : Semis En chaleur Naissances Désherbage Cultures Maïs Sorgho Riz Coton Arachide Igname Maraichage Mangue Bétail Vaches (production laitière) Autre Achat d'aliments de base Travail agricole local Emprunts/remboursement Produits de cueillette Paludisme Période de soudure Emprunts Remboursement Anacardes Noix de karité Régime des pluies Sep. Oct. Nov. Déc. Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Jui. Août Le calendrier saisonnier ci-dessus montre les principales activités qui constituent l'année agricole dans la zone 12. La période de soudure touche principalement les très pauvres et les pauvres et survient en juillet août. Ce sont les mois des plus forts achats d’aliments de base. C'est aussi l'époque de forte incidence du paludisme et de dur labeur, les champs devant être ensemencés et désherbés. Les ménages les plus pauvres travaillent tant dans leurs champs que dans ceux des moyens et des aisés. La production laitière est à son maximum à partir de juin environ, mais les ménages pauvres et très pauvres n'en profitent pas (voir la section sur les sources de nourriture). Toutefois, la noix de karité est de saison en juin-juillet et peut être ramassée et vendue par les pauvres et les très pauvres. La période de soudure prend fin et l'année de consommation commence en septembre lorsque le premier maïs est récolté. La plupart des autres cultures sont récoltées à cette époque, ce qui contribue à sa forte 113 intensité de main-d'œuvre, particulièrement pour les pauvres et les très pauvres. La mangue se récolte entre avril et juillet. Les moyens et les aisés vendent souvent leur bétail autour des mois de mai et juin pour gagner de l'argent en vue d'investir dans les céréales et la production des cultures de rente pendant la nouvelle saison agricole. Les pauvres et les très pauvres tendent à vendre leurs bêtes à partir de juillet août pendant la période de soudure, mais les très pauvres ne possédant que des volailles, ces derniers n'en tirent qu'un revenu très limité. Répartition de richesse Caractéristiques des groupes de richesse Taille des ménages Surface cultivée Animaux d'élevage Autres actifs Très pauvres 3-5 1,5-2,5 ha 5 volailles Aucun Pauvres 5-7 3-5 ha 1-3 chèvres, 10 volailles 1 charrue Moyens 9-11 9-11 bovins, 7-9 chèvres, 5 1 charrue, 1 semeuse, 1 10-12 ha 7 moutons, 25-35 volailles, multiculteur, 2 appareils de 2 ânes traitement, 1 charrette, vergers 14-16 30-40 bovins, 7-9 chèvres, 18-20 ha 9-11 moutons, 55-65 volailles, 3 ânes Aisés 0% 4 charrues, 2 semeuses, 2 multiculteurs, 2 appareils de traitement, 2 charrettes, vergers 20% 40% 60% % des ménages La moitié de l'ensemble des ménages appartient au groupe moyen. Aux extrêmes, seuls dix pour cent des ménages sont très pauvres et dix pour cent aisés. Cependant, en termes de population, on compte un plus grand nombre d'aisés que de très pauvres, du fait de la différence dans la taille des ménages entre ces groupes. En fait, les très pauvres représentent seulement cinq pour cent environ de la population, ce qui laisse à penser qu'il s'agit vraiment de personnes vivant dans une pauvreté extrême. La majorité de la population (près de 60 %) appartient au groupe moyen. Dans une zone agricole, la surface cultivée est un indicateur de richesse important et il est significatif que les aisés cultivent environ deux fois et demie plus de terres par habitant que les très pauvres. L'une des conséquences en est que les ménages plus aisés, davantage que les ménages plus pauvres, sont capables de consacrer une plus grande partie de leurs terres aux cultures de rente. La capacité à cultiver dépend aussi de l'accès aux intrants agricoles, comme les engrais, à la main-d'œuvre et à d'autres actifs comme les charrues, les bœufs de labour et les semoirs. L'accès et la possession de ces derniers sont concentrés parmi les moyens et les aisés ; les intrants agricoles, par exemple, coûtent cher. Les ménages les plus pauvres utilisent fréquemment une houe traditionnelle, la « daba », pour travailler la terre. Les ménages pauvres possèdent souvent une charrue, mais pas de bœufs de labour et doivent donc en louer auprès des ménages plus aisés. (Un ménage moyen typique possède quatre bœufs de labour, tandis qu'un ménage aisé typique en possède dix ; ceux-ci sont inclus dans le chiffre des bovins possédés dans le tableau en dessus.) La capacité d'un ménage à accéder aux intrants et au matériel détermine non seulement sa productivité et la surface qu'il peut cultiver, mais aussi les cultures qu'il peut produire. La culture cotonnière à forte intensité de main-d'œuvre et d'intrants est essentiellement limitée aux moyens et aux aisés (certains ménages pauvres peuvent le cultiver dans une certaine mesure, ce qui n'est pas du tout le cas pour les très pauvres). Les moyens et les aisés possèdent aussi des vergers ; ceux-ci ne sont pas inclus dans le total de la surface cultivée, mais ils sont néanmoins très importants dans cette zone d'arboriculture fruitière. 114 Le nombre d'animaux est un indicateur de richesse et il est significatif que les bovins, bétail ayant le plus de valeur, appartiennent uniquement aux moyens et aux aisés. En effet, ceci illustre l'écart de richesse aussi bien entre les pauvres et les moyens qu'entre les moyens et les aisés (qui possèdent trois fois plus de bovins que les moyens). Les ventes de bétail fournissent de l'argent pour les activités agricoles, comme pour l'achat d'intrants et l'embauche d'ouvriers. Elles sont aussi une source d'argent pour des besoins spécifiques ; par exemple, pour payer les frais de scolarité et la construction ou pour acheter des vêtements. Dans certaines parties de la zone, les ménages très pauvres et pauvres possèdent des ruches. Dans l'espace rural comme en ville, les plus pauvres se sacrifient pour envoyer leurs enfants à l’école, mais les moyens et les aisés peuvent investir, et investissent en effet davantage en termes absolus. Les enfants des ménages pauvres et très pauvres ont des chances de ne recevoir qu'un enseignement primaire de base, parfois même très peu d'enseignement formel. Les enfants des ménages moyens et aisés reçoivent généralement un certain enseignement secondaire et parfois plus. Sources de nourriture Le contraste le plus frappant est entre les deux groupes les plus aisés qui dépendent très peu du marché pour leurs céréales et les deux groupes les plus pauvres qui achètent un large pourcentage de leurs besoins alimentaires annuels. 100% 90% Lait 80% 60% Prêts et dons en nature 50% Achats 70% 40% Paiement en nature 30% 20% Production agricole 10% 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé En effet, de manière générale, les aisés n'achètent pas de céréales, dans la mesure où ils produisent suffisamment tant en termes de quantité que de variété sur leurs propres terres. La différence entre les très pauvres et les pauvres est également grande ; les très pauvres sont le seul groupe qui soit davantage tributaire du marché que de leur propre production. Leurs récoltes les nourrissent pendant trois mois, comparées à six mois pour les pauvres. Toutefois, les ménages des deux groupes achètent surtout du maïs, le riz plus coûteux étant réservé aux grandes occasions. Les pauvres et les très pauvres reçoivent des dons en nature des moyens et des aisés. Il peut s'agir d'une invitation à faire les moissons et à garder une partie de la récolte des ménages plus aisés. Enfin, il fau souligner que le lait contribue très peu aux besoins alimentaires annuels des moyens et des aisés et pas du tout à ceux des très pauvres et des pauvres. Le lait se boit surtout pendant la saison des pluies. 115 Sources de revenus 100% 90% Autre 80% Auto‐emploi 70% 60% Petit commerce/commerce 50% Autre travail local 40% Travail agricole local 30% 20% Vente de bétail 10% Vente des fruits 0% Très Pauvre Pauvre Moyen Aisé Vente de la production agricole Les moyens et les aisés reçoivent la majeure partie de leurs revenus de leurs propres productions (ventes de récoltes, de fruits et de bétail). Ces deux groupes vendent des céréales et des cultures de rente (surtout le coton et l'arachide). Si le paiement du coton a du retard, il est possible que les ménages soient forcés de vendre une plus grande quantité de leurs céréales pour subvenir à leurs besoins jusqu'à ce que l'argent arrive. L'importance différente des ventes de fruits est la principale distinction entre ces deux groupes de richesse ; le graphique illustre dans quelle mesure cette activité est dominée par les aisés. Le petit commerce d'un autre côté est généralement uniquement pratiqué par les ménages moyens qui achètent des fruits et des céréales auprès des aisés pour les revendre. La catégorie « autre » inclut le revenu tiré du prêt de matériel agricole (charrettes, charrues, bœufs de labour, etc.) aux ménages très pauvres et pauvres. Les très pauvres et les pauvres diffèrent des groupes plus aisés en recevant proportionnellement beaucoup moins de revenus de leurs productions. Les ménages de ces deux groupes vendent des cultures de rente (par ex., pomme de terre) et des cultures maraîchères, mais s'appuient le plus sur une combinaison de travail et d’auto-emploi.24 Toutefois, il faut remarquer qu'il existe aussi une différence importante entre ces deux groupes de richesse. Les pauvres tirent trois fois plus de revenus des ventes de récoltes que les très pauvres, qui sont à peine fermiers. La catégorie « autre travail local » recouvre la fabrication de briques et la construction. L’auto-emploi consiste en exploitation aurifère et en ventes de produits de cueillette. (Les produits de cueillette sont aussi vendus par les femmes dans les ménages moyens et aisés.) Risques On trouvera ci-dessous une liste des principaux facteurs de risque de la zone. Périodiques 1. Inondations. 2. Insectes et ravageurs des cultures 24 La journée d'un ouvrier agricole commence à neuf heures et se termine à seize heures. 116 Chroniques 1. Pluies mal distribuées (c.-à-d., irrégulières). L'insuffisance des pluies est bien moins un problème dans cette zone que plus au nord, dans les zones sahéliennes. 2. Hausse du prix des intrants agricoles. 3. Retard de paiement du coton par la CMDT. 4. Maladies du bétail, par exemple la trypanosomose, la fièvre aphteuse (plus répandue de mai à juillet), la fièvre charbonneuse et la pasteurellose (qui touche les moutons et les chèvres). Les ménages utilisent des races de bœufs de labour qui ne sont pas affectées par la trypanosomose. 5. Vol de bétail. Stratégies d’adaptation Pendant une mauvaise année, les ménages réduisent souvent leurs dépenses et essaient d'augmenter leurs revenus. Toutefois, l'éventail des ripostes ouvertes à un ménage dépend de ses actifs et de sa richesse, ainsi que du moment où survient ce facteur de risque. On trouvera ci-dessous une liste des stratégies de riposte propres à chaque groupe de richesse. Il faut remarquer qu'il ne s'agit pas d'une zone en état d'insécurité alimentaire et certains répondants ont affirmé qu'ils n'étaient pas habitués aux genres de situations où des stratégies d'adaptation pourraient être employées. Très pauvres et Pauvres Ils migrent pour chercher du travail, ce qu'ils ne font pas dans une année normale. Ceci concerne généralement les jeunes qui se rendent à Bamako ou en Côte d’Ivoire à la recherche de travail. Migrer en Côte d’Ivoire est devenu plus difficile depuis la crise de 2002. Ils essaient d'augmenter leurs revenus par l'extraction de l'or (surtout entre décembre et février). Ils augmentent leurs ventes de bétail s'ils le peuvent. Ils reçoivent des dons des moyens et des aisés. Les cultures comme l'arachide peuvent être semées plus tôt ou cultivées au bord des lacs et des rivières (arachide de décrue). Moyens et Aisés Ils augmentent leurs ventes de fruits. Ils augmentent leurs ventes de bétail, surtout au début de la saison des pluies et au moment des récoltes. Ils peuvent aussi exploiter l'or ou migrer pour chercher du travail, ce qu'ils ne font pas pendant une année normale. 117