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Institut National de l’Information Géographique et Forestière École Nationale des Sciences Géographiques Introduction à l’astronomie de position Mastère de Photogrammétrie, Positionnement et Mesures de Déformations Option Géodésie par Jonathan CHENAL Ingénieur des Travaux Géographiques et Cartographiques de l’État Service de Géodésie et Nivellement, Institut National de l’Information Géographique et Forestière, 73 Avenue de Paris, 94165 Saint-Mandé, France Mél : [email protected] ; Tél : 01 43 98 80 00 + 73 63 Document réalisé avec LATEX 2ε Image de couverture : Pandore et Épiméthée, satellites de Saturne, et l’anneau F. Image prise par la sonde Cassini le 23 novembre 2009. Crédits : NASA/JPL/Space Science Institute. Image et explications disponibles à l’adresse : http://www.ciclops.org/view/6020/Petite_Pair_Beyond_Rings Sommaire Sommaire ii Remerciements 1 Introduction 2 1 L’astronomie : l’Homme dans l’Univers 3 2 Les mouvements de la Terre, approche physique 55 3 Les échelles de temps 137 4 Les repères spatiaux utilisés en astronomie 177 5 L’utilité des astres et de l’astronomie de position 228 Conclusion 256 Références bibliographiques 257 Table des matières 262 ii Remerciements Si l’astronomie est une passion personnelle, je dois à la proposition de mon camarade de promotion Pierre Bosser de pouvoir donner ce cours à l’École Nationale des Sciences Géographiques. Qu’il en soit remercié, ainsi que Jacques Beilin avec qui nous avons discuté du contenu de celui-ci. Je remercie également Alain Harmel, qui m’a précédé dans cet exercice, et qui m’a aimablement donné les notes de son cours, cité dans les références [Harmel, 2010], et dont je me suis inspiré pour structurer le mien. J’adresse ma gratitude à Estelle Déau qui a eu la gentillesse de relire les deux premiers chapitres de ce document. 1 Introduction L’astronomie de position a eu une importance historique fondamentale pour le développement des méthodes de positionnement. Son intérêt n’est toutefois pas seulement historique, mais aussi pratique, car elle met en œuvre de nombreuses notions de mécanique céleste, de géodésie, de métrologie du temps, qu’il est important de connaı̂tre à notre époque. C’est une discipline qui, aujourd’hui encore, connaı̂t de nombreux et importants développements. La place du premier chapitre nous a posé problème, et nous avons beaucoup hésité à l’y placer, l’astronomie de position étant si distincte de ce qui s’y trouve. Cependant, l’idée d’une introduction générale à l’astronomie et aux sciences de l’Univers a été confortée par la consultation de cours donnés à l’École Nationale des Sciences Géographiques par Michel Duhamel [Duhamel, 1963a] puis par Raymond Testard [Testard, 1968] qui, tous deux, consacrent dans leur cours plusieurs chapitres à ces questions. Avant de présenter les outils de l’astronomie de position, nous dirons donc quelques mots des objets concrets dont ils vocation à décrire les positions et les mouvements. Nous avons ainsi considéré comme nécessaire une présentation globale à l’astronomie ou, plus précisément, à l’objet d’études de l’astronomie, en ne dissimulant pas les multiples connexions nécessaires avec d’autres disciplines (et en en oubliant beaucoup très certainement !), le tout étant organisé pour situer l’Homme dans l’Univers, et prendre conscience de la place quelconque qu’il y occupe. Notre propos continue par une étude des mouvements que l’observateur humain subit lorsqu’il observe le ciel, du simple fait d’être assis sur la Terre : les mouvements de révolution autour du Soleil, de rotation diurne, de précession et de nutation, ainsi que le mouvement du pôle ; nous examinons aussi la complexité du problème de la Lune, particulièrement important pour l’étude des mouvements de la Terre. Nous expliquons les conséquences visibles de ces mouvements, en les illustrant d’exemples très concrets. Nous abordons alors la question des échelles de temps, en traitant d’abord des calendriers, et du rôle social et politique qui est le leur, puis des échelles de temps de fondement et d’usage scientifiques, en adoptant un point de vue quasi-historique, en les considérant selon l’époque où elles ont été définies et utilisées. Nous verrons en quoi l’astronomie, qui fut la discipline première à partir de laquelle la métrologie du temps s’amorça, a dû céder la place à la physique atomique, tout en y conservant cependant une place essentielle, liée aux usages humains. Nous poursuivons ce document en entrant enfin dans la description proprement géométrique des outils nécessaires au repérage des objets de l’Univers dans l’espace, par l’examen des repères spatiaux utilisés en astronomie et nous traitons des différents types de repères utilisés dans ce domaine, des transformations nécessaires pour passer de l’un à l’autre et des modèles théoriques utiliser pour cela. Après quelques rappels de trigonométrie sphérique, nous terminons enfin ce bref survol en traitant de l’utilité de l’observation des astres, que ce soit pour déterminer la date ou une échelle de temps, ainsi que pour faire de la géodésie. 2 Chapitre 1 L’astronomie : l’Homme dans l’Univers L’objet de ce document consiste dans l’astronomie de position, c’est-à-dire dans la construction d’outils permettant le repérage univoque dans l’espace et dans le temps des astres, et des conséquences pratiques de ces constructions. Comme ces aspects ne sont pas purement abstraits et s’attachent à la description d’objets bien concrets, nous commençons notre cours par une présentation rapide de ceux-ci, en partant de l’Univers dans son entier, jusqu’à la planète Terre. 1.1 L’Univers Voici, très succinctement, quelques éléments relatifs à l’histoire de l’Univers telle que nous la concevons en ce début de xxie siècle. 1.1.1 Quelques faits d’observation Le ciel est noir la nuit Ce constat « cosmologique » peut être fait par n’importe qui, sans instrument. Cela signifie que le nombre d’astres lumineux dans l’Univers n’est pas infini, que la taille de l’Univers n’est pas infinie, et que l’âge de l’Univers n’est pas infini. Qui plus est, l’Univers est en expansion (voir par ailleurs), et la vitesse de la lumière est finie, ce qui contribue à diluer encore plus la densité de lumière présente dans l’espace. L’Univers en expansion Deux faits sont venus alimenter le constat de l’expansion de l’Univers entre 1915 et 1930. D’abord, Albert Einstein (1879 – 1955) a bâti une nouvelle théorie de la gravitation qui, appliquée à l’Univers tout entier, impose à celui-ci d’être soit en contraction, soit en expansion, soit fixe, mais au prix d’une énergie en opposition avec la gravité due à la matière présente dans l’Univers. Ensuite, Edwin Hublle (1889 – 1953), observant les galaxies et comprenant qu’elles ne se trouvent pas dans la Voie Lactée, détermine qu’elles s’en éloignent à une vitesse proportionnelle à leur distance, le facteur de proportionnalité étant appelé constante de Hubble H0 : v = H0 d (1.1) 3 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Les principes Pour donner à cette observation une signification relativement aux équations d’Einstein, il faut postuler le principe cosmologique. Celui-ci pose que l’Homme n’occupe aucune position privilégiée dans l’Univers ; de façon pratique, cela signifie que l’Univers, à grande échelle, est homogène et isotrope. Un autre principe à admettre est le postulat d’universalité, qui suppose que les lois de la physique sont les mêmes partout dans l’Univers. Ces deux postulats sont bien vérifiés par l’observation : les levés de galaxies à grande échelle montrent que l’Univers est bien homogène et isotrope, avec cependant une structure en éponge : il existe des murs et filaments de concentration de matière, ainsi que des bulles de vide. La découverte du fond diffus cosmologique, particulièrement homogène, corrobore cette observation, avec une signification particulière que nous développerons plus loin. Le principe d’universalité est quant à lui vérifié par l’échec de toutes les tentatives de description de l’Univers par une physique exotique ; de plus, les galaxies les plus lointaines voient leur comportement accessible à notre physique. Figure 1.1 — Relevé de galaxies jusqu’à 2 milliards d’annéeslumière 2 , par le Sloan Digital Sky Survey. Chaque point est une galaxie, et sa couleur en indique l’âge des étoiles, les plus rouges étant les plus anciennes, et aussi les plus concentrées. Source : site internet de la revue New scientist, à l’adresse http://www. newscientist.com/article/ dn14546-biggest-3d-galaxymap-to-probe-dark-energyshistory.html Quelques relations importantes de la cosmologie Les relations introduites ici ne sont pas démontrées : il s’agit soit de définitions, soit de résultats admis, dont la démonstration pourra être trouvée dans [Pineau-des-Forêts & Bibring, 2004] ou [Mellier, 2004]. Le constat de l’expansion de l’Univers amène à introduire un facteur d’échelle a, rapport d’une distance d à un instant t et de la même distance d0 à un instant t0 de référence : a = d d0 Cette grandeur n’ayant pas de raison a priori d’être constante, on peut former le paramètre de Hubble comme le rapport de la variation temporelle de a, notée ȧ avec a lui-même : 2. 1 al = 9, 460 1015 m. 4 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS H2 = 2 ȧ a La grandeur H 2 peut être exprimée comme la somme de trois termes, formant l’équations de Friedmann : H2 8πGρ Λc2 k c2 + − 2 3 3 a = Le premier terme du membre de droite est la traduction de la gravitation ; le second est celle de la constante cosmologique Λ, qui s’apparente à une énergie sombre du vide ; le troisième terme du membre de droite traduit quant à lui l’influence de la courbure k de l’Univers. Certains paramètres sont variables avec le temps : ρ, a et H ; d’autres sont des constantes universelles de la physique : G, c et Λ ; k, enfin, prend une valeur constante d’un type d’Univers à l’autre. On définit par ailleurs le paramètre de décélération q, qui intervient dans l’expression de la dérivée temporelle de H. Par définition : q = − 1 ä H2 a et l’on démontre : dH dt = −H 2 (1 + q) Une dernière relation utile est celle donnant le décalage vers le rouge d’un objet observé. Car en effet, en raison de l’effet Doppler 3 , la lumière de tout astre entraı̂né par l’expansion de l’Univers est décalée vers le rouge. On appelle décalage vers le rouge (redshift ) la grandeur : z λ0 − λe λe = où λ0 est la longueur d’onde observée au temps t0 , et λe la longueur d’onde émise. La relation suivante lie le décalage vers le rouge et la distance des galaxies : 1+z = a0 a Cas d’un Univers de matière Les Univers de Friedmann 4 sont ceux où Λ = 0 : l’Univers est dominé par la gravitation. Si l’on considère a = a0 le paramètre d’échelle aujourd’hui (t = t0 ), alors on note H0 le paramètre de Hubble 5 . L’équation de Friedmann prend donc la forme : H02 = 8πGρ k c2 − 2 3 a0 Ce cas particulier amène à définir une densité critique ρ0c telle que : ρ0c = 3 H02 8πG 3. Christian Andreas Doppler (1803 – 1853). 4. Alexander Friedmann (1888 – 1925). 5. La constante de Hubble est donc le paramètre de Hubble aujourd’hui. 5 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS La densité actuelle (t = t0 ) est notée ρ0 . On définit ainsi le paramètre de densité : Ω0 = = ρ0 ρ0c 8πGρ0 3 H02 Si on pose que a0 = 1, l’équation de Friedmann prend donc la forme suivante : k c2 = −H02 (1 − Ω0 ) Dans cette relation, le facteur général de courbure k est directement lié à la densité de matière de l’Univers, traduite par Ω0 . Plusieurs cas sont ainsi possibles : — Ω0 > 1 : la densité de matière est supérieure à la densité critique ; l’expansion finit par être rattrapée par la gravitation et l’Univers, fermé, se contracte ; la courbure de l’Univers est positive (k = 1), et on le qualifie d’elliptique voire de sphérique ; — Ω0 = 1 : la densité de matière est égale à la densité critique ; l’expansion ne cesse qu’au bout d’un temps infini ; la courbure de l’Univers est nulle : il est qualifié de plat, ou d’euclidien (k = 0) ; — Ω0 < 1 : la densité de matière est inférieure à la densité critique ; l’expansion ne cesse jamais et se maintient à un rythme constant ; l’Univers est dit ouvert ; sa courbure est négative (k = −1) et sa géométrie est dite hyperbolique : c’est l’Univers d’Einstein - de Sitter 6 . On peut écrire un paramètre de courbure adimensionné comme : Ωk = − k c2 H 2 a2 Si on se place à t = t0 , reprenant ce que nous avons écrit précédemment, nous avons : Ωk = − k c2 H02 Les deux paramètres Ω0 et Ωk sont liés selon : Ωk = 1 − Ω0 La constante de Hubble s’obtient en mesurant la pente de la droite v = f (d) d’un échantillon représentatif de galaxies, d étant déterminé par mesure du décalage spectral vers le rouge z. La mission Planck (voir la figure 1.5 page 9) a permis d’estimer le taux d’expansion à 66 km/s/M pc contre 72 km/s/M pc avec WMAP. L’utilisation de cette grandeur avec les hypothèses les plus probables concernant le paramètre de densité permet de calculer l’âge de l’Univers, en espérant qu’il soit cohérent avec les contraintes imposées par les déterminations d’âges d’autres objets 7 . Ainsi : — Ω0 > 1 : l’âge de l’Univers est encadré par 0 < t0 < (2/3) H0−1 ; — Ω0 = 1 : l’âge de l’Univers est donné par t0 = (2/3) H0−1 ; — Ω0 < 1 : l’âge de l’Univers est encadré par (2/3) H0−1 < t0 < H0−1 . Les estimations actuelles amènent à un âge de l’Univers de 13,7 milliards d’années. 6. Willem de Sitter (1872 – 1934). 7. La radioactivité nous a ainsi permis d’estimer l’âge de la Terre, la physique celui des naines blanches, des amas globulaires, etc. 6 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Figure 1.2 — L’expansion relative de l’Univers en fonction du temps, selon divers paramètres cosmologiques. Source : site internet de la mission WMAP, à l’adresse http://map.gsfc. nasa.gov/universe/uni_fate.html Figure 1.3 — La loi de Hubble illustrée : mesure de la vitesse des galaxies en fonction de la distance, et la détermination de la constante de Hubble. Source : cours d’astronomie de Joshua E. Barnes, Institute for astronomy, University of Hawaı̈, à l’adresse http://ifa.hawaii.edu/ ~barnes/ast110_06/abhotu.html Mais la matière ordinaire ne domine pas l’Univers... Deux phénomènes ont été observés qui laissent penser que la matière que nous connaissons n’est qu’une petite partie de l’énergie totale contenue dans l’Univers. D’abord, la matière rayonnante observée est insuffisante pour expliquer les effets gravitationnels observés : courbes de vitesse de rotation des galaxies, cinématique des amas de galaxies, courbure due aux mirages gravitationnels, etc. Ceci impose d’admettre la présence de matière sombre, dont la nature nous est inconnue (baryonique ou non), en grande quantité dans l’Univers. La mission Planck a permis d’estimer la composition en matière de l’Univers à 4, 8% de matière ordinaire (dont seulement 10% seraient rayonnante, avec les étoiles, le gaz chaud, etc., le reste étant composé de gaz froid intergalactique), et 25, 8% de matière sombre, dont la nature est inconnue. Par ailleurs, en 1998, l’observation de supernovæ I-a, dont la luminosité d’explosion est une constante connue, a montré que la constante de Hubble avait une dérivée non-nulle, et positive, autrement dit que l’expansion de l’Univers accélère. En termes relativistes, ceci signifie que la constante cosmologique Λ est non-nulle 8 . Ce fait observationnel fondamental amène à poser le paramètre d’énergie sombre : ΩΛ = Λc2 3 H2 Le paramètre de courbure s’écrit alors : Ωk = 1 − Ωm − ΩΛ On assimile Λ à une énergie du vide dont la densité volumique est constante au cours de l’expansion, contrairement à la densité de matière qui, elle, est décroissante avec l’expansion. Elle agit 8. L’ironie de l’histoire est qu’Albert Einstein, qui ne croyait guère initialement à l’expansion de l’Univers, l’avait introduite pour obtenir de ses équations un Univers statique, admettant plus tard qu’il s’agissait de la plus grande erreur de sa vie... 7 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS comme répulsion face à la gravitation et tend donc, naturellement, à accélérer l’expansion 9 . La mission Planck a permis d’estimer ΩΛ à 0, 694. À l’issue de la mission Planck (voir la figure 1.5 page suivante), on aboutit donc à un Univers où la courbure est nulle Ωk = 0, et où l’énergie noire domine (ΩΛ = 0, 694) largement devant la matière baryonique connue (Ωb = 0, 049) et une matière sombre dont on ne connaı̂t pas la nature (Ωd = 0, 258). La conclusion s’impose d’elle-même : 95% de l’Univers nous est inconnu ! Le rayonnement fossile L’observation de la fuite des galaxies ainsi que la relativité générale convergent donc vers l’affirmation que l’Univers est en expansion. En remontant dans le passé, plusieurs astrophysiciens, notamment Alexander Friedmann et l’abbé Georges Lemaı̂tre (1894 – 1966) ont émis l’hypothèse d’une singularité initiale, commencement de l’Univers. Par dérision, l’anglais Fred Hoyle (1915 – 2001), qui ne croyait pas à cette théorie et défendait celle de l’état stationnaire, a appelé cet évènement Big bang... Il avait en effet établi que les éléments chimiques lourds étaient créés au cœur des étoiles. L’américain George Gamow (1904 – 1968) établit quant à lui que des températures beaucoup plus chaudes devaient présider à la formation des éléments légers et proposa que l’origine de l’Univers ait pu réunir de telles conditions ; il en déduisit que si l’Univers a effectivement connu une naissance en quelque sorte explosive, alors il devrait en rester la trace sous la forme d’un rayonnement de fond diffus dans l’ensemble de l’espace. C’est en 1965 que Penzias 10 et Wilson 11 , par hasard, l’on découvert 12 , à une longueur d’onde de 7 cm, correspondant à une température de 2, 725 K ; il est d’ailleurs remarquable que la courbe d’intensité en fonction de la longueur d’onde de ce rayonnement est une magnifique courbe de corps noir. Ce rayonnement fut cartographié par COBE à la fin des années 1990, puis par le satellite WMAP au début des années 2000, et enfin par Planck à partir de 2009. Figure 1.4 — Le fond diffus cosmologique à 2, 725 K, observé par le satellite WMAP, combinaison d’observations à cinq fréquences. L’amplitude des anisotropies s’élève à 200 mK. Source : site internet de la mission WMAP, à l’adresse http://map.gsfc.nasa. gov/media/101080/index.html Ce rayonnement est le vestige de l’époque de l’Univers où celui-ci est devenu suffisamment grand pour que la matière n’absorbe pas tout le rayonnement présent dans l’espace, où, en somme, celui-ci pouvait se propager librement ; il date de seulement 380 000 ans après le Big bang, correspondant à un redshift z = 1089. Ce rayonnement montre une remarquable isotropie, autour de la valeur moyenne ; cependant, des anisotropies sont présentes, qui sont la trace des anisotropies de répartition de la matière au moment du découplage lumière-matière. 9. Cette découverte a valu à trois astrophysiciens le prix Nobel de physique 2011. Il s’agit de Saul Perlmutter, Brian Schmidt et Adam Riess. 10. Arno Allan Penzias, né en 1933. 11. Robert Woodrow Wilson, né en 1936. 12. La découverte du fond diffus cosmologique leur a permis d’être décorés du prix Nobel de physique 1978. 8 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Figure 1.5 — Le fond diffus cosmologique, observé par le satellite Planck. Les couleurs indiquent l’écart à 2, 725 K. Source : site internet de l’observatoire Midi-Pyrénées à l’adresse http://www.obsmip.fr/index.php/actualites/ actualites-scientifiques/ planck_bigbang Puisque le spectre de ce rayonnement est celui du corps noir, on peut lui appliquer la loi de Wien 13 : λmax T = σw = 2, 898 m K σw est appelée constante de Wien. Compte tenu de la relation liant longueur d’onde et redshift : a0 ae λ0 λe 1+z = = on aboutit à l’idée que : a0 ae Te T0 = Si, comme de nombreux indices nous le laisse penser, a a été plus petit par le passé, alors Te , température d’émission de ce rayonnement, était plus élevée, et l’on peut même affirmer que : T ∝ ou : T ∝ 1 a 1 R Or la loi de Stefan 14 - Boltzmann 15 nous indique que la densité énergie contenue dans un rayonnement est proportionnelle à T 4 ; on en déduit donc que la densité d’énergie du rayonnement varie comme R−4 : Er ∝ R−4 Or, pour la matière, la densité varie comme R−3 : Em ∝ R−3 Si bien que : Er Em ∝ 1 R 13. Wilhelm Carl Werner Otto Fritz Franz Wien (1864 – 1928). 14. Joseph Stefan (1835 – 1893). 15. Ludwig Eduard Boltzmann (1844 – 1906). 9 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Cela signifie que dans les premiers instants de l’Univers, pour un rayon inférieur à un rayon critique, celui atteint au moment du découplage, l’énergie du rayonnement a été plus puissante que l’énergie de la matière ; ensuite l’énergie de la matière a dominé l’énergie du rayonnement ; et maintenant, et à l’avenir, c’est l’énergie du vide qui domine l’énergie de la matière et celle du rayonnement, et qui détermine, donc, l’évolution de l’Univers. 1.1.2 L’histoire thermique de l’Univers Nous venons de le voir, l’histoire de l’Univers peut être rapportée à un paramètre de distance relative autant qu’à un paramètre de température ; ce critère est particulièrement intéressant, puisqu’il nous donne accès aux conditions physiques dans lesquelles se trouve la matière. Le temps au delà duquel on ne peut remonter s’appelle le temps de Planck 16 , qui vaut 10−43 s : même la physique quantique n’y est plus valide. Figure 1.6 — L’histoire schématique de l’Univers telle qu’on l’envisage au début du xxie siècle. Source : site internet de la mission Planck, à l’adresse http://www.esa.int/Our_Activities/ Space_Science/Planck/History_of_cosmic_structure_formation L’ère de la grande unification : 10−43 s ≤ t ≤ 10−33 s Après le temps de Planck, la gravitation devient une interaction indépendante des autres, qui sont unifiées dans une seule interaction. La température est entre 1028 et 1032 K. Le rayonnement prend la forme de rayons γ très énergétiques, et est en équilibre avec les quarks et les leptons (électrons, neutrinos) : leur formation - annihilation produit ou consomme des rayons γ. Les quarks et les leptons interagissent par le biais de bosons X et Y très massifs (m = 1015 GeV 17 ). La matière et l’antimatière sont en quantité strictement égales. À la fin de cette période a lieu la grande inflation. Celle-ci est un subterfuge introduit au début des années 1980 pour fournir un mécanisme expliquant l’homogénéité et l’isotropie de l’Univers, sans lequel aucune théorie ne parvenait à justifier ces propriétés ; la platitude de l’Univers y trouverait aussi son origine. L’inflation permet à l’Univers de grossir d’un facteur immense. L’interaction nucléaire forte se différencie de l’interaction électrofaible, et la domine. 16. Max Karl Ernst Ludwig Planck (1858 – 1947). 17. 1 eV = 1, 602 176 53 10−19 J = 1, 783 10−36 kg. 10 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS L’ère hadronique : 10−33 s ≤ t ≤ 10−4 s La température redescend ici entre 1012 et 1020 K, provoquant l’annihilation des bosons X et Y. La différenciation des interactions provoque une asymétrie : il y a 109 + 1 quarks contre 109 antiquarks ! La matière prend la forme d’un plasma de quarks et de leptons. Les premiers interagissent entre eux via les gluons, vecteurs de l’interaction forte ; les seconds via les photons et bosons W et Z, de masse nulle, vecteurs de l’interaction électrofaible. Les bosons n’acquièrent une masse (90 GeV ) qu’à partir du moment où l’interaction électromagnétique se sépare de l’interaction nucléaire faible, quand la température décroı̂t sous T = 1015 K, autour de t = 10−10 s. Quand la température baisse sous 1013 K, le rayonnement ne brise plus les assemblages de quarks, qui forment les hadrons : nucléons (protons, neutrons) et pions. Les nucléons s’annihilent en grande partie, donnant des photons et des leptons. Les pions s’annihilent quand la température descend sous 1012 K, à t = 10−4 s : c’est la fin de l’ère hadronique. L’ère leptonique : 10−4 s ≤ t ≤ 10 s La température est encore de 5 109 K à 1012 K. L’Univers est essentiellement composé de leptons : neutrinos, tauons, muons, électrons, ainsi que leurs antiparticules, toutes en équilibre avec le rayonnement. Il reste un peu de neutrons et de protons, qui sont en nombre égal. Les neutrinos sont en équilibre avec les nucléons, ce que traduisent les réactions : ν + p → n + e+ ν + n → p + e− n → p + e− + ν Ce cycle montre que cette ère, comme son nom l’indique, est caractérisée par une hausse du nombre de leptons, en l’occurrence électrons, positons et neutrinos. Quand la température descend sous 1010 K, à t = 1s, les neutrinos n’ont plus assez d’énergie pour interagir avec les nucléons. Les neutrons disparaissent progressivement, selon la dernière réaction ci-dessus. Enfin, lorsque la température décroı̂t sous 5 109 K, les électrons s’annihilent et l’ère leptonique prend fin. L’ère radiative : 10 s ≤ t ≤ 106 ans La température passe alors de 5 109 K à 3 103 K. L’Univers reste composé de photons pour l’essentiel. À t = 3 min, la température est de 108 K, ce qui permet de stopper la décroissance des neutrons, quand les premiers noyaux atomiques se forment : 3 He, 4 He, 7 Li, Be. Les éléments plus lourds n’ont pas l’énergie suffisante pour résister aux chocs et au rayonnement. Il s’agit de la nucléosynthèse primordiale, qui cesse quand t = 30 min, et T = 107 K. 25% des nucléons sont sous la forme de noyaux d’hélium, le reste étant de l’hydrogène, et un petit peu de lithium et de béryllium. Le seuil de 4000 K correspond à la formation des premiers atomes, au bout de 300 000 ans. Les électrons sont désormais liés aux noyaux et laissent filtrer le rayonnement. La matière se découple ainsi du rayonnement et l’Univers devient transparent ! Ce processus est achevé à 3000 K (1 millions d’années). C’est de cet événement que date le rayonnement diffus cosmologique fossile : dès lors, le nombre de photons dans l’Univers ne cesse de croı̂tre : dès lors, le nombre de photons dans l’Univers ne cesse de croı̂tre. On comprend dès lors qu’il s’agisse de l’image la plus vieille possible de l’Univers dans le domaine du rayonnement. C’est de cet instant également que date la prise de pouvoir de la matière sur le destin de l’Univers ! L’ère stellaire : t ≥ 106 ans C’est l’époque dans laquelle nous vivons encore, caractérisée par la naissance, la vie et la mort des étoiles. Il est désormais vraisemblable que les étoiles se sont formées avant les galaxies, au bout de 400 millions d’années, ceci en raison de la structure en filaments de l’Univers, que la fragmentation du gaz initial en grosses unités comme les galaxies ne permet pas. Les étoiles sont 11 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS à partir de cet instant les usines à éléments lourds de l’Univers, qu’elles expulsent dans l’espace interstellaire au moment de leur mort. 1.1.3 Les questions réglées Le modèle standard d’histoire de l’Univers tel qu’expliqué ci-dessus permet d’expliquer plusieurs choses. En particulier, il rend bien compte du rayonnement de fond cosmologique, ainsi que que de la nucléosynthèse initiale. En effet, ce dernier point est un des piliers 18 de la théorie du Big bang. Comme nous l’avons dit, les étoiles sont les centres de production des éléments lourds de l’Univers, et il n’en existe pas d’autre ; autrement dit, l’oxygène que vous respirez, le carbone que vous mangez, etc., tous ces éléments sont nés il y a des milliards d’années dans une étoile. Mais la quantité d’hélium présente dans l’Univers ne peut pas du tout être expliquée par l’ensemble des générations d’étoiles que l’Univers à compté : seule la nucléosynthèse primordiale peut expliquer cette quantité. C’est aussi la nucléosynthèse primordiale qui permet aussi d’expliquer l’abondance du deutérium et du lithium. 1.1.4 Les questions en suspens Il ne faut cependant pas crier victoire trop vite, car beaucoup de choses restent suspectes. Si le fond diffus cosmologique est en apparence homogène, il ne l’est pas complètement : pourquoi ? Ces hétérogénéités sont-elles à l’origine de la formation des galaxies, des amas de galaxies ? L’isotropie de l’Univers trouve son explication dans l’inflation. Elle permet en effet d’expliquer que des régions sans lien causal, c’est-à-dire n’ayant pas pu communiquer entre elles du fait de la vitesse finie de la lumière, voient les mêmes phénomènes se passer, à peu près aux mêmes instants, et selon les mêmes lois. Mais l’inflation n’a pour l’instant aucune justification physique, c’est un véritable lapin sorti d’un chapeau ! Par ailleurs, la géométrie de l’Univers semble exceptionnellement proche de la platitude, ce qui signifie que la densité de l’Univers est et a toujours été, compte-tenu de sa taille à chaque instant, très proche de la densité critique : pourquoi ? La encore, l’inflation est une porte de sortie très commode... Une autre énigme réside dans la légère supériorité de la matière sur l’antimatière. Le rayonnement γ peut former des particules de matière et d’antimatière, mais toujours en quantités égales. Or, aujourd’hui, nous le constatons chaque jour, l’antimatière est dramatiquement absente de l’Univers ; et si elle ne l’était pas, nous observerions des gerbes de rayonnement γ provenant de son annihilation avec la matière. Comment et pourquoi l’Univers a-t-il basculé ? La découverte du boson de Higgs en 2012 pourrait aider à comprendre ce phénomène. Allons plus loin : l’instant t = 0 existe-t-il ? A-t-il seulement un sens ? Y a-t-il d’autres Univers, provenant d’autres Big bangs, avec d’autres lois de la physique ? Sont-ils finis ou infinis, temporaires ou éternels ? Leur matière pourrait-elle interagir avec la nôtre 19 ? L’Univers peut-il s’auto-générer lui-même ? Voilà des siècles d’une quête passionnante en perspective ! 18. Les autres piliers de la théorie du Big bang sont le rayonnement de fond cosmologique, l’expansion de l’Univers et la relativité générale. 19. Et n’oublions pas que 95% de la matière-énergie de notre propre Univers est de nature inconnue... 12 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS 1.2 La Voie Lactée, une galaxie parmi d’autres Par un beau soir d’été, couché dans l’herbe, vous contemplez le ciel étoilé. Vous êtes loin des villes, et le ciel est bien noir. Vous distinguez bien plus d’étoiles qu’à Paris. Une pâle traı̂née lumineuse traverse pourtant le ciel du sud au nord ; elle est moins noire que le ciel, et pourtant, à l’œil nu, il ne semble pas s’agir d’un ensemble d’étoiles. Certains endroits semble plus brillants encore, quoique nébuleux ; d’autres au contraires, sont très sombres, et sans étoile. Cette chose étrange, c’est la Voie Lactée, notre galaxie. Sa nature n’a été révélée aux astronomes et aux humains que très tardivement, au cours de la première moitié du xxe siècle, par comparaison avec les autres « nébuleuses » de forme spirale, dont il s’est avéré que la distance est très supérieure à celle des étoiles de la Voie Lactée. La Voie Lactée apparut alors pour ce qu’elle est : une galaxie parmi d’autres, dont le Soleil n’est qu’une étoile parmi d’autres, plutôt périphérique d’ailleurs (voir la figure 1.18 page 190). Le processus de remise en cause de la place centrale de l’Homme dans l’Univers entamé par Copernic connaissait une étape supplémentaire... Figure 2.7 — La Voie Lactée telle qu’on la voit dans le ciel d’été. Source : Astronomy picture of the day (3 mai 2008) ; image originale : Babak A. Tafreshi. La Voie Lactée est une galaxie de type spirale. Il y a en son centre un bulbe épais (5 kpc de diamètre 20 ), entouré de bras qui sont en rotation autour de lui et qui forment un plan. Le plan galactique fait 50 kpc de diamètre, et son épaisseur de l’ordre de 1, 7 kpc ; un disque de poussière et de gaz atomique et moléculaire, d’une épaisseur de 200 pc, forme le cœur du plan galactique. Dans les bras, la densité de matière est la même qu’ailleurs dans la galaxie, mais ce sont des régions de formation d’étoiles à partir de nuage de gaz. Les bras sont le résultat de l’onde de choc ayant provoqué l’effondrement de la galaxie ; cette énergie s’évacue sous la forme de moment cinétique, c’est-à-dire de rotation, par le biais d’ondes de densité que sont les bras spiraux, et dont la vitesse est plus élevée que la vitesse orbitale des étoiles qui s’y forment. La Voie Lactée est aussi entourée d’un halo sombre, où l’on trouve des amas globulaires. L’étude des vitesses de rotation des galaxie montre une courbe observée en deux morceaux : — 0 ≤ r ≤ 10 kpc : v ∝ r (rotation solide, prévue par la théorie) ; — r ≥ 10 kpc : v = cte, alors que la théorie prévoit v ∝ r−1/2 (rotation képlerienne). Cette observation est le point de départ d’un cheminement intellectuel ayant abouti à l’idée que la matière rayonnante est très insuffisante pour fournir le potentiel gravitationnel nécessaire à l’observation de telles vitesses : il s’agit du problème de la « matière sombre », qui est un des problèmes fondamentaux de la cosmologie moderne, puisqu’on estime que 80 à 90% de la masse de l’Univers serait constitué de cette sorte de matière... 20. Pour la définition du parsec, voir la partie 2.9.1 page 129. 13 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS La Voie Lactée appartient à un Groupe Local de galaxies, qui en comprend une quarantaine (pour 3 M pc de diamètre, soit 9,78 millions d’années-lumière), notamment les Petit et Grand Nuages de Magellan, visibles de l’hémisphère sud, la galaxie d’Andromède (M31), son satellite M32, la galaxie du Triangle (M33), etc. Le Groupe Local appartient lui-même à l’Amas de la Vierge (2000 galaxies, 15 millions d’années-lumière de diamètre, 1, 2 1014 masses solaires), qui lui-même fait partie du Superamas de la Vierge (10 000 galaxies, 200 millions d’années-lumière de diamètre). Mais toutes les galaxies ne sont pas des spirales. Les galaxies elliptiques et lenticulaires forment un tiers des galaxies ; elles n’ont pas de point ou de plan fondamental. La vitesse de rotation est faible devant la dispersion de la distribution des vitesses. Il y a enfin les galaxies irrégulières, qui sont informes car souvent sujettes aux effets de marées d’une galaxie plus grosse. Les rencontres et fusion entre galaxies sont fréquentes, donnent lieu à des flambées de naissances d’étoiles, et font naı̂tre des galaxies plus grosses, dont les vitesses stellaires sont plus dispersées, qui se transforment rapidement en galaxies elliptiques. En découvrant la nature extra-galactique des galaxies, dans les années 1920, Edwin Hubble a établi une classification, vue comme une séquence d’évolution des galaxies, des elliptiques vers les spirales ; sans être complètement fausse, cette séquence est aujourd’hui plus complexe. Figure 2.8 — La séquence de Hubble. Source : site internet de l’Observatoire de Paris, à l’adresse http://www.obspm. fr/actual/nouvelle/ aug02/accretion.fr. shtml 14 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) La galaxie spirale NGC 7424 vue de face. Source : European Southern Observatory. (b) La galaxie spirale NGC 4565 vue par la tranche. Source : ESO. (d) La galaxie irrégulière NGC 1427A. Source : HST. (c) La galaxie elliptique NGC 1132. Source : Hubble space telescope. (e) L’amas Abell 1689. Source : HST. (f) NGC 4676 : deux galaxies en interaction. Source : HST. Figure 2.9 — Quelques portraits de galaxies. Les adresses internet à partir desquelles les retrouver sont les suivantes : http://www.eso.org/public/images/ et http://hubblesite.org/gallery/ 15 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS 1.3 1.3.1 Le Soleil, notre étoile D’une nébuleuse de gaz à une étoile Le Soleil, comme toutes les étoiles, est né de l’effondrement d’une nébuleuse de gaz, il y a 5 milliards d’années. Pour un système à l’équilibre, le théorème du viriel (voir page 60) s’exprime : 2 Ec + Ep = 0 (1.2) avec Ec l’énergie cinétique et Ep l’énergie potentielle. L’énergie cinétique est, dans un gaz à l’équilibre, l’énergie d’agitation et de mouvement de ses particules ; l’énergie potentielle n’est que de nature gravitationnelle. L’énergie potentielle gravitationnelle L’énergie potentielle totale de l’ensemble de gaz appelé à devenir une étoile se calcule selon : Ep Z = − G m(r) dm r2 Si on fait l’hypothèse que cette nébuleuse est de symétrie sphérique, la masse de la coquille de rayon r et d’épaisseur dr vaut : m(r) 4πr2 ρ dr = La masse totale du gaz s’exprime quant à elle : M 4 3 πR ρ 3 = Ainsi, si on fait l’hypothèse que le gaz a une masse volumique homogène, on reformule : Ep = − Z Ep = − 3 GM 2 5 R G M r3 3r2 M dr R3 r 2 R3 Z GM 2 R 4 = −3 r dr R6 0 ⇐⇒ (1.3) L’énergie cinétique L’énergie cinétique de la nébuleuse de gaz pré-solaire s’exprime : Ec = 3 M kT 2 µmH où le facteur 3/2 vient des trois degrés de liberté de translation de chaque particule ; M est la masse du nuage de gaz ; mH est la masse de l’atome d’hydrogène ; µ = ρ/n est la masse particulaire moyenne (ρ est la masse volumique, n la densité particulaire), facteur lié à la nature de la 16 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS particule gazeuse : atome ou molécule ; k est la constante de Boltzmann ; T est la température. L’équilibre entre le régime d’effondrement et le régime de dissipation dans l’espace est donné et permet de formuler la masse d’équilibre de l’étoile et son rayon, selon les conditions dans lesquelles elle se trouve. Le critère de Jeans La nébuleuse pré-solaire n’est toutefois pas à l’équilibre, et le théorème du viriel prend deux formes possible, selon les phénomènes prédominants : 2 Ec + Ep ou : 2 Ec + Ep ≤ ≥ 0 0 La première relation implique : 2 Ec ≥ −Ep La seconde relation implique : Ep ≥ −2 Ec Dans le premier cas, l’énergie cinétique est plus puissante que l’énergie gravitationnelle, et le gaz se disperse. Dans le second cas, l’énergie gravitationnelle est plus forte que l’énergie cinétique, et le gaz s’effondre sur lui-même. Cette relation est d’autant mieux vérifiée que la masse présente est importante d’une part (qui augmente l’énergie gravitationnelle), et que la température est basse d’autre part (qui diminue l’énergie cinétique). (a) Une zone de formation d’étoiles de la nébuleuse de l’Aigle vue par Hubble (1995). (b) Une zone de formation d’étoiles de la nébuleuse d’Orion vue par le satellite Chandra (2007). (c) Une proto-étoile en formation entourée de son disque protoplanétaire, dans la nébuleuse d’Orion, vue par Hubble (1995). Figure 3.10 — Illustrations de formation d’étoiles. Source : NASA 21 . 21. Les adresses internet à partir desquelles retrouver ces images ont déjà été mentionnées. 17 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS 1.3.2 Sources d’énergie Le Soleil, comme toutes les étoiles, dispose de deux sources d’énergie : l’énergie des réactions nucléaires de fusion qui ont lieu en son cœur, et l’énergie gravitationnelle associée à sa masse. L’énergie nucléaire En se contractant, le proto-Soleil s’est échauffé au point que des réactions nucléaires de fusion ont démarré. Plusieurs cycles de réaction ont lieu au cœur du Soleil, toutes du type pp (protonproton) : Cycle ppI (85% de l’énergie) : 1 H + 1H → 1 H + 1 H + e− → 2 D + νe + e+ + 1, 442 M eV − 0, 263 M eV 2 D + νe + 2, 486 M eV − 1, 44 M eV 2 D + 1H → 3 He + 3 He → 3 4 He + γ + 5, 493 M eV He + 1 H + 1 H + 12, 859 M eV Cycle ppII (15% de l’énergie) : 3 He + 4 He 7 − → Be + e → Li + 1 H → 7 7 Be + γ + 1, 586 M eV 7 Li + νe + 0, 861 M eV − 0, 80 M eV He + 4 He + 17, 347 M eV 4 Ici, e+ est le positon, e− l’électron, νe le neutrino électronique, γ le photon. H est l’élément hydrogène, D le deutérium (hydrogène avec un noyau composé d’un proton et d’un neutron), He l’hélium, Be le béryllium, Li le lithium. Les énergies positives produites sont le résultat de l’annihilation du positron, les énergies négatives sont l’énergie emportée par le neutrino. Il existe un cycle ppIII, qui ne compte que marginalement dans le cycle énergétique du Soleil. L’énergie gravitationnelle Si, pendant un temps ∆t, l’étoile perd une énergie ∆E (= −∆Ec) par rayonnement (c’est-à-dire que l’étoile perd la quantité d’énergie cinétique ∆Ec), on a la relation : −2 ∆E + ∆Ep ∆Ep ⇐⇒ 2 = 0 = ∆E L’identité nulle vient du maintien à l’équilibre de l’étoile. L’énergie potentielle, négative, diminue ; la masse restant constante, la relation 1.3 nous indique que le rayon diminue lui aussi. Or, en se contractant, l’énergie dégagée dans ce mouvement sert en moitié à augmenter l’énergie cinétique Ec de l’étoile, donc sa température ; l’autre moitié est traduite par du rayonnement. L’étoile se trouve donc stabilisée par ce phénomène de régulation. 1.3.3 Types d’étoiles Naturellement, selon leurs conditions de formation, l’énergie disponible, la masse de gaz présente, les étoiles ont des propriétés et des évolutions différentes. 18 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Le diagramme de Hertzsprung-Russell Ce diagramme a été établi au début du xxe siècle par Ejnar Hertzsprung (1873 – 1967) et Henry Norris Russell (1877 – 1957). Il met en lien la température de surface des étoiles (ou le type spectral), avec leur luminosité. Il permet de distinguer plusieurs familles d’étoiles. La diagonale qui le traverse d’en haut à gauche en bas à droite est appelée séquence principale ; le Soleil, de classe spectrale G, en fait partie. On y voit les naines (de faible luminosité), et les géantes (de forte luminosité), à l’écart de la séquence principale. La couleur des étoiles y est liée à leur température : les chaudes sont bleues, les froides sont rouges. Figure 3.11 — Le diagramme de Hertzsprung-Russell. Source : site internet de l’ESA, à l’adresse http://sci.esa.int/sciencee/www/object/index.cfm? fobjectid=35774&fbodylongid=1703. Les étoiles naines Les étoiles naines se distinguent par leur faible luminosité, c’est-à-dire, également, leur faible masse. Ainsi, les naines brunes sont des astres dont la masse est si petite que leur cœur n’a pas pu s’échauffer pour amorcer les réactions nucléaires. Les naines brunes sont donc plus massives que les planètes géantes, mais de masse inférieure à 0,08 masses solaires ; à leur différence, toutefois, elles émettent un rayonnement. Celui-ci ne provient que l’échauffement dû à leur contraction gravitationnelle. Les naines rouges forment la classe d’étoiles de masse immédiatement supérieure à celle des naines brunes. Peu massives, leur énergie provient néanmoins de la fusion nucléaire. En revanche, la température de leur cœur ne s’élève pas assez pour brûler rapidement le combustible présent, si bien que leur durée de vie est très longue. Leur température de surface est de 3000 K. Les naines rouges forment la population la plus importante des étoiles. Les naines blanches (voir aussi page 23) ont une toute autre nature que les deux précédentes. Aucune étoile ne se forme en étant une naine blanche ; une naine blanche n’est que le cœur d’une étoile de masse moyenne (entre 0,8 et environ 5 masses solaires) arrivée en fin de vie et qui a expulsé ses couches extérieures. Ce sont des étoiles de densité élevée, de température 19 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS initialement élevée, mais qui ne sont plus le siège d’aucune réaction nucléaire. Elle se refroidissent inexorablement, jusqu’à devenir des naines noires au bout de plusieurs milliards d’années, astres errant ne rayonnant plus du tout, et complètement froids. Les étoiles de type solaire Les étoiles de type solaire ressemblent au Soleil, par définition. Leur masse est, à environ 20% près, celle de notre étoile, et leur couleur jaune. Leur température de surface est située entre 5000 et 6000 K, et leur durée de vie d’environ dix milliards d’années. Les étoiles géantes Les étoiles géantes peuvent soit être le résultat de l’évolution des étoiles solaires, soit naı̂tre de la sorte. Les géantes rouges sont des étoiles « normales » en fin de vie (voir aussi page 23) ; elles atteignent ce stade lorsque leurs couches extérieures sont dilatées en raison du déplacement de la zone siège des réactions nucléaires du cœur de l’étoile vers la zone convective. Leur température de surface est d’environ 3000 K. À l’inverse, les géantes bleues sont des étoiles qui naissent géantes, en raison d’une masse importante d’hydrogène disponible. Ces étoiles sont très chaudes et ont une couleur bleue. Leur durée de vie, en revanche, est relativement courte, et n’est que de quelques dizaines ou centaines de millions d’années. Leur température de surface est de l’ordre de 20 000 K. Elles terminent leur vie dispendieuse sous la forme de supernovæ. 1.3.4 L’équilibre hydrostatique du Soleil Les réactions nucléaires sont la source d’émission des photons du Soleil. Cette radiation s’oppose à l’effondrement du Soleil sous le poids de sa propre masse. En effet, un volume élémentaire de Soleil à l’équilibre est soumis à deux forces : la force de gravitation et la pression de radiation, dont la somme est nulle : − → − → dFp + dFg = − → 0 Or nous avons : − → → + P (r) d2 S − → dFp = −P (r + dr) d2 S − u u r r − → M (r) 3 − → dFg = −G 2 d m u r r D’où la relation de l’équilibre hydrostatique du Soleil : dP dr = −G M (r)ρ(r) r2 (1.4) Cette relation permet de calculer facilement la pression et la température au centre de notre étoile. Si on intègre entre r = 0 et R⊙ le membre de gauche, on a : dP dr = P (r = 0) R⊙ Or, si on examine le membre de droite, à r = R⊙ , la masse du Soleil est M⊙ ; la masse volumique est le simple rapport de la masse sur le volume : 20 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS ρ⊙ M⊙ 4 3 3 πR⊙ = 1, 4 g · cm−3 = On obtient donc : P (r = 0) = G M ⊙ ρ⊙ R⊙ (1.5) = 2, 7 · 1014 P a La valeur obtenue avec des modèles plus fins donne 2, 233 1016 P a. On peut aussi calculer la température au centre du Soleil à partir de la même équation. Si l’on fait l’hypothèse que la matière est complètement ionisée, qu’il s’agit donc d’un plasma, on peut utiliser la relation des gaz parfaits : P = = = nRT V nkNA T V kN T V où n est le nombre de moles, NA le nombre d’Avogadro 22 , N le nombre de particules, R la constante des gaz parfaits, k la constante de Boltzmann, T la température et V le volume. Or, si on considère que le Soleil n’est fait que d’hydrogène ionisé (pour chaque atome, le nombre de particules est donc de deux) : N = 2 M⊙ mH Si bien que : T (r = 0) = P (r = 0)mH 2 kρ⊙ (1.6) = 107 K La valeur obtenue avec des modèles plus fins est de 1, 55 107 K, cohérente avec notre calcul, et confirmant l’hypothèse d’un état de la matière sous forme de plasma. 22. Lorenzo Romano Amedeo Carlo Avogadro, comte de Quaregna et de Cerreto, connu sous le nom d’Amedeo Avogadro (1776 – 1856). 21 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS 1.3.5 La structure du Soleil Le Soleil a une structure concentrique. Au centre, il y a le noyau qui, comme nous l’avons déjà dit, est le siège des réactions nucléaires ; le noyau se trouve entre 0 et 0, 25 R⊙ . Les photons émis traversent ensuite la zone radiative, qui s’étend jusqu’à 0, 7 R⊙ ; ils s’y déplacent très lentement, du fait de la forte densité de matière, en étant absorbés puis réémis ; la température y est de l’ordre de 2 106 K. Au delà de 0, 7 R⊙ , il y a la zone convective : la matière y forme des cellules de convection dont la taille à la surface atteint jusqu’à 1000 km. La photosphère est la mince couche du Soleil qui émet les photons qui s’en échappent définitivement ; son épaisseur est de seulement 500 km, et elle est transparente. La température y atteint 5800 K. C’est la photosphère que l’on observe dans le domaine visible, et où l’on voit les taches solaires, qui sont des régions de plus faible température (3500 K), de forte intensité magnétique, et dont la taille est au minimum celle de la Terre. Au dessus de la photosphère, sur 3000 km, se trouve la chromosphère. C’est dans cette région que l’on observe les manifestations extérieures du champ magnétique solaire et les protubérances, qui sont des éjections massives de matière. La température dans cette région est d’environ 15 000 K. D’une densité très faible (de l’ordre de 10−9 g/m3 ) et d’une température de 2 à 3 millions de kelvins, la couronne solaire est un plasma qui donne naissance au vent solaire, flux de particules, protons et électrons essentiellement, qui s’échappe dans l’espace. On estime que la couronne s’étend jusqu’à 20 R⊙ . Au delà, et jusqu’aux confins du système solaire, c’est l’héliosphère, qui s’étend jusqu’à plusieurs dizaines d’unités astronomique 23 , région appelée héliopause. Le tableau 3.11 résume les données importantes concernant le Soleil. Rayon Masse Luminosité Température au centre Pression au centre 6, 9598 108 m 1, 989 1030 kg 3, 854 1026 J.s−1 1, 557 107 K 2, 334 1016 P a = 2, 334 1011 bars Tableau 3.11 — Informations quantitatives sur le Soleil. Source : [Daniel et al., 2006]. 1.3.6 La fin du Soleil Pour une étoile de la masse du Soleil, au bout de 10 milliards d’années, les réactions nucléaires ne peuvent plus continuer car tous les protons ont été consommés. Le cœur de l’étoile, maintenant composé d’hélium, se contracte et s’échauffe, tout comme la couche qui l’entoure, composée d’hydrogène ; dans cette couche, désormais, ont lieu des réactions nucléaires de fusion de l’hydrogène, qui produit à son tour de l’hélium. Le cœur continue de le contracter, tandis que la pression dans la couche d’hydrogène augmente ; la gravité au cœur augmente, mais dans un rayon de plus en plus petit. Les couches externes, qui ne sont pas si chaudes, sont comme gonflées par la pression des photons qui partent du noyau. La luminosité de l’étoile reste cependant constante, et suit la loi de Stephan : L = 4πR2 σT 4 La température se met donc à décroı̂tre, jusqu’à atteindre un minimum, tandis que le cœur se contracte et fournit de plus en plus d’énergie à la couche qui l’entoure où les réactions de fusion de l’hydrogène se poursuivent. La matière du noyau devient dégénérée, et atteint un rayon de 0, 4R⊙ , 23. 1 U A = 149 597 870, 7 km. 22 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) Le Soleil dans le visible, avec beaucoup de taches solaires, vu par le satellite Soho (2001). (b) Le Soleil vu dans l’extrême ultra-violet pendant une éruption de matière coronale, vu par Soho (2001). (d) Plusieurs instants d’une éjection de matière coronale vus par le coronographe de Soho (1999). (c) Le transit de Vénus de 2004 vu par le satellite Trace dans différentes longueurs d’onde de l’ultraviolet. (e) Une boucle de matière coronale solaire suivant une boucle du champ magnétique vue par le satellite Trace (2008). Figure 3.12 — Quelques portraits du Soleil. Sources : NASA. Les adresses internet à partir desquelles retrouver ces images sont les suivantes : http://sohowww.nascom.nasa.gov/gallery/ et http://trace.lmsal.com/POD/ tandis que les couches externes ont gonflé jusqu’à 50 R⊙ : c’est le stade de la géante rouge. La température du cœur atteint cent millions de degrés, et les réactions de fusion des noyaux de 3 He s’amorcent pour former des noyaux de carbone et d’oxygène ; la matière étant dégénérée, il n’y a pas de modération de l’augmentation de la température par augmentation de la pression ; au contraire, la réaction diverge : c’est le flash de l’hélium. Le noyau enfle jusqu’à ce que la dégénérescence de la matière cesse. L’étoile a donc deux cycles de réactions : la fusion de l’hélium au cœur et celle de l’hydrogène dans la couche qui l’entoure. Mais la luminosité totale diminue, et l’étoile se contracte, au point que le cœur, composé de noyaux de carbone et d’oxygène, entre en état de dégénérescence, surmonté d’une couche d’hélium en fusion, et d’une autre couche d’hydrogène en fusion. Le rayon de l’étoile a gonflé jusqu’à 300 R⊙ : c’est une super géante rouge. L’étoile peut connaı̂tre encore quelques périodes d’instabilités. La gravité à la surface n’est plus assez élevée pour que la matière s’y maintienne : les couches externes s’échappent dans l’espace interstellaire, formant une nébuleuse planétaire 24 . Le cœur est devenu une naine blanche, dont la masse ne 24. Le terme est évidemment impropre, et a des origines historiques : lorsque ces objets furent découverts, on s’imaginait qu’il s’agissait de systèmes solaires en formation. 23 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Figure 3.13 — La structure du Soleil. Sources : site internet du CNES, reprenant un document ESA/NASA, à l’adresse http://www.cnes. fr/web/CNES-en/1499-discovering-thesuns-environment.php Figure 3.14 — En haut : l’évolution du nombre de taches solaires depuis 1750. En bas, l’évolution dans le temps de la latitude des taches solaires recensées. Sources : site internet de l’Observatoire de Paris, reprenant la NASA, à l’adresse http://media4.obspm.fr/public/ AMC/pages_activite-solaire/so-cyclesolaire_impression.html peut excéder la masse de Chandrasekhar 25 : 1, 4 M⊙ . Sa température est de plusieurs milliers de degrés, et son rayon de quelques milliers de kilomètres. Pour les étoiles plus massives, jusqu’à 3 M⊙ , le flash de l’hélium n’a pas lieu, car cet élément fusionne avant l’état de dégénérescence ; mais, par la suite, les noyaux de carbone et d’oxygène fusionnent à leur tour, jusqu’à atteindre l’élément fer Fe, au delà duquel la fusion ne peut plus fournir d’énergie. La gravité du cœur augmente d’une telle façon que l’effondrement des couches externes y est extrèmement violent. Le fer se désintègre en noyaux d’hélium, puis en protons et en électrons qui, du fait de la masse présente qui les écrase, fusionnent en neutrons : on a affaire à une étoile à neutrons. Les couches externes explosent et se dispersent dans l’espace interstellaire, formant une supernova. Si un champ magnétique est présent et que l’étoile à neutron tourne sur elle-même, on a affaire à un pulsar, dont le champ magnétique à la surface est intense (sans parler de la pesanteur !). Les pulsars émettent des ondes radio à une période très courte, de l’ordre de la fraction de seconde, période de leur rotation. Leur rayon est de l’ordre de la dizaine de kilomètre (la densité est telle qu’une cuiller à café de matière a la masse de l’Himalaya). Si la masse est encore plus importante, l’étoile à neutrons devient même un trou noir. Il est caractérisé par le rayon de Schwarzschild 28 : 25. Subrahmanyan Chandrasekhar (1910 – 1995). 27. À l’adresse : http://hubblesite.org/gallery/ 28. Karl Schwarzschild (1873 – 1916). 24 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) La nébuleuse de l’anneau (1998). (b) La nébuleuse d’Hélix (2004). (a) La supernova 1987a (composition avec une image du satellite Chandra). Figure 3.15 — Quelques nébuleuses planétaires vues par le télescope Hubble. Sources : NASA 27 . R = 2 (b) La nébuleuse du crabe (2005). Figure 3.16 — Quelques supernovæ vues par le télescope Hubble. Sources : NASA. GM c2 (1.7) en dessous duquel aucune matière ni aucun rayonnement ne peut s’en échapper. Si le trou noir a la masse minimale de 3 M⊙ , le rayon de Schwarzschild fait 3 km. Les trous noirs, comme les étoiles à neutrons du reste, sont rarement isolés dans l’espace. Ils sont souvent accompagnés d’un voisin de nature stellaire dont ils accrètent la matière, formant un disque en rotation, qui augmente leur masse, leur taille, etc. On trouve souvent des trous noirs au centre des galaxies. Dans les galaxies du jeune univers, c’est-à-dire à plusieurs milliards d’années-lumière de nous, on les trouve entourés d’une quantité de matière équivalente à plusieurs milliards de masses solaires, formant des quasars, dont le disque est une source de rayonnement très intense ; leur origine reste cependant discutée. 1.4 Le système solaire On appelle système solaire le système physique composé du Soleil et des astres en orbite autour de lui. Ceux-ci sont de plusieurs natures : planètes, planètes naines, satellites, petits corps. 1.4.1 La formation du système solaire Si les questions de la formation des systèmes planétaires furent abordées de façon primitive par Pierre-Simon de Laplace (1749 – 1827) et Emmanuel Kant (1724 – 1804), la théorie contemporaine de la formation du système solaire est due à Viktor Sergueievitch Safronov (1917 – 1992). Les théories sur la formation du système solaire s’appuient sur les observations actuelles de notre système solaire, de nuages de gaz interstellaires de notre galaxie, sur les systèmes de planètes extrasolaires, et sur les simulations numériques. Vraisemblablement, le système solaire est issu d’une nébuleuse gazeuse, composée d’hydrogène et de poussières essentiellement, de plusieurs milliers d’Unités Astronomiques d’étendue. L’explosion d’une supernova à proximité de ce nuage y fait apparaı̂tre une onde de choc, provoquant l’effondrement de ce nuage sous l’effet de la gravité due aux régions de sur-densité ainsi apparues. La conservation du moment cinétique impose alors un mouvement de rotation d’ensemble du nuage en cours d’effondrement et son aplatissement. Au cœur, la température et la pression augmentent de telle façon que la région 25 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS centrale se met à rayonner très fortement, et que, après 100 millions d’années, les réactions thermonucléaires de fusion de noyaux d’hydrogènes puisse s’y amorcer, faisant alors grossir la structure ainsi formée, qui finit par atteindre l’équilibre hydrostatique entre, d’un côté, la gravitation qui tend à faire s’écraser sur elle même cette énorme masse de matière, et de l’autre la pression de radiation venue du cœur qui tend au contraire à la faire exploser : c’est la naissance du Soleil en tant qu’étoile. Il est à noter que le rayonnement dû à l’effondrement de la nébuleuse est bien supérieur à celui du Soleil rayonnant, ce qui contribue à chasser les gaz de la proximité immédiate de celui-ci (et, partant, expliquer la formation des planètes géantes gazeuses beaucoup plus loin que les planètes telluriques). Pendant ce temps, entre l’apparition du rayonnement par effondrement et l’allumage des réactions thermonucléaires, la gravité, les collisions et les frictions entre particules, ainsi que l’action du champs magnétique, aplatissent le disque, désormais qualifié de proto-planétaire. Les particules, confinées dans ce plan (et d’une certaine épaisseur cependant), vont désormais y rester pendant le reste de l’évolution du système ; c’est pour cette raison que les orbites des planètes sont et restent approximativement coplanaires. Dans ce plan, des petits corps commencent à apparaı̂tre par accrétion de particules de poussière et de gaz, qui sont appelés planétésimaux. L’énergie cinétique transmise à l’occasion des chocs inélastiques pendant l’accrétion chauffe les planétésimaux en construction au point d’atteindre l’état de fusion. La masse acquise est alors suffisamment grande pour donner aux planétésimaux, futures planètes et futurs satellites, la forme « ronde » (à la différence des astéroı̈des, par exemples, trop maigres pour avoir eu cette chance, et qui se présentent aujourd’hui sous une forme cabossée). Aujourd’hui, l’énergie participant à l’activité interne de la Terre ne provient provient plus de l’énergie cinétique de collision mais de la désintégration radioactive d’éléments chimiques dans le manteau (voir page 44). Cependant, les recherches récentes suggèrent que les planètes géantes auraient migré dans le système solaire primordial et lui auraient, ainsi, donné sa structure actuelle. Elles se seraient d’abord approché du Soleil, avant de prendre leur place actuelle. Ce faisant, elles auraient déstabilisé les petits corps, entraı̂nant soit leur éjection à la périphérie du système solaire, soit leur projection vers les planètes telluriques, expliquant le bombardement massif subies par celles-ci il y a 3,8 milliards d’années. De surcroı̂t, les résonances rencontrées entre les périodes des différents éléments orbitaux des planètes géantes auraient contribué à les orienter à prendre les valeurs observées aujourd’hui ; leur migration aurait aussi participé à faire prendre aux éléments orbitaux des planètes telluriques les valeurs observées aujourd’hui (notamment l’excentricité). Bien que largement adopté, le modèle le plus avancé pour l’explication des mécanismes dynamiques à l’œuvre dans le système solaire primordial est le modèle de Nice (voir par exemple [Morbidelli et al., 2009, Brasser et al., 2009]), qui prévoit notamment que la planète Neptune ait été, jadis, plus proche du Soleil qu’Uranus, avant que la situation ne s’inverse. Des modèles proches ou dérivés expliquent par exemple l’évolution des tailles ou de la composition des corps du Système solaire [Walsh et al., 2011, De Meo & Carry, 2014]. Voir aussi la figure 4.17 page suivante. 1.4.2 Structure du système solaire La structure du système solaire peut être examinée au regard des corps que l’on y trouve en fonction de la distance au Soleil (voir la figure 4.18 page 28). On rencontre ainsi, d’abord, les planètes telluriques, i. e. petites et solides, puis la ceinture d’astéroı̈des, ensuite les planètes géantes et gazeuses, avant d’entrer dans le monde des corps transneptuniens et de la ceinture de Kuiper où se trouvent de nombreuses comètes ; enfin, bien au-delà, se trouve le nuage d’Oort (voir figure 4.18 page 28). 26 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Figure 4.17 — Schéma résumant l’histoire dynamique primordiale du Système solaire. Source : [De Meo & Carry, 2014]. 27 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) Le système solaire interne. (c) Le système solaire externe. (e) Le système solaire lointain. (b) Le système solaire interne vu par la tranche. (d) Le système solaire externe vu par la tranche. (f) Le système solaire lointain vu par la tranche. Figure 4.18 — La structure du système solaire vu de face et par la tranche. Sont représentés ici les orbites des planètes, les astéroı̈des (points jaunes), les comètes (triangles blancs) et les trajectoires de deux d’entre elles (Halley et Hale-Bopp) ainsi que les planètes naines. Source : http://ssd. jpl.nasa.gov/?orbits. 28 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS 1.4.3 Les planètes, ici et ailleurs Les planètes du système solaire Pendant des dizaines de siècles, les seules planètes connues ont été, d’abord, celles visibles à l’œil nu, puis Uranus, Neptune et Pluton, avant que celle-ci ne soit ravalée au rang de planète naine (voir la partie 1.4.5 page 41). Toutes ont en commun de tourner autour du Soleil. Selon la XXVIe Assemblée générale de l’Union astronomique internationale (Prague, 2006), une planète du système solaire doit répondre à trois critères. Ainsi une planète [UAI, 2006] : (a) est en orbite autour du Soleil, (b) a une masse suffisante pour que sa gravité l’emporte sur les forces de cohésion du corps solide et le maintienne en équilibre hydrostatique, sous une forme presque sphérique, (c) a éliminé tout corps susceptible de se déplacer sur une orbite proche. D’après cette définition, huit corps du système solaire sont des planètes : Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Pluton, quant à elle, a été classée dans la catégorie des planètes naines (voir la partie 1.4.5 page 41). Les planètes sont généralement divisées en deux groupes : les planètes telluriques (Mercure, Vénus, Terre, Mars), petites et rocheuses ; les planètes gazeuses, de tailles beaucoup plus grandes. Nous n’entrerons pas ici dans le détail de la description planétologique de ces corps, et nous bornerons à en donner les caractéristiques physiques et orbitales principales (voir les tableaux 4.18 et 4.18 page 32). Mercure Vénus Terre Mars Jupiter Saturne Uranus Neptune Demi-grand axe a (U A) Excentricité e 0,3871 0,7233 1,0000 1,5237 5,2026 9,5547 19,2181 30,1096 0,206 0,007 0,017 0,093 0,048 0,056 0,046 0,009 ∗: Inclinaison i (˚) Révolution sidérale (jours) 7,00 87,969 3,39 224,701 − 365,256 1,85 686,980 1,31 4 332,59 2,48 10 759,2 0,77 30 688,5 1,77 60 182,3 en jours ; † : rotation rétrograde. Rotation sidérale (heures) 58,6462∗ 243,0185∗† 23,9345 24,6230 9,84 à 9,93 10,656 17,240† 16,11 Obliquité ǫ (˚) 0,0 177,37 23,44 25,19 3,13 26,73 97,77 27,85 Tableau 4.18 — Caractéristiques orbitales des planètes du Système solaire. Source : [Bureau des longitudes, 2004]. Les planètes du système solaire s’écartent peu du plan de l’écliptique (entre 0, et 7˚pour Mercure), et leurs orbites sont souvent circulaires (Mercure a l’orbite la plus excentrique : 0,2). Les demi-grands axes croissent selon une loi non démontrée, appelée loi de Titus-Bode, qui relève plus du hasard que d’un phénomène physique identifié ; en revanche, le troisième critère retenu pour définir une planète impose une certaine distance entre elles. Les rotations des planètes sont également intéressantes à étudier. On constate que la durée de rotation de Mercure est dans un rapport 3 : 2 avec la durée de révolution : il s’agit d’une résonance spin-orbite. Le jour sur Vénus est quant à lui plus long que l’année, et son obliquité indique que son axe de rotation, initialement dirigé comme celui des autres planètes, s’est inversé du fait des 29 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS forces de marées dues à sa propre atmosphère [Laskar, 2004]. La Terre et Mars ont en revanche des périodes de rotation et des obliquités relativement proches. Les planètes géantes ont, elles, des périodes de rotation courtes (de 9,9 h pour Jupiter à 17,2 h pour Uranus) ; du fait de la force centrifuge qu’elles subissent ainsi, et de leur nature gazeuse (donc fluide), leur aplatissement est beaucoup plus élevé que pour les planètes telluriques, le cas extrême étant Saturne (0,11). On constate par ailleurs que, de par leur compositions, les planètes telluriques ont des densités élevées. Leurs structures sont souvent comparables : un noyau composé de fer et de nickel de rayon environ 30% du rayon de la planète (sauf Mercure, avec plus de 60%), un manteau composé de péridotites, silicates, etc., et une croûte. Seules les planètes telluriques dotées d’une masse importante (Vénus, Terre) ont pu conserver une atmosphère ; en revanche, Vénus a vu son effet de serre s’emballer, et la température et la pression atteindre des valeurs très élevées, ce qui n’est pas le cas sur Terre, bien que l’effet de serre y réchauffe la température d’une trentaine de degrés à ce qu’elle serait sans lui. Cependant, sans vie, l’atmosphère de la Terre serait composée à 99,8% de CO2 , le reste se partageant également entre le N2 et le O2 . Les planètes géantes, elles, ont une noyau composé de roches, de fer, de silice, dont la masse est de 10 à 15 masses terrestres. Mais dans le cas de Jupiter et Saturne, le noyau ne représente que 3 à 15% de la masse de la planète, tandis que pour Uranus et Neptune, il compte pour plus de la moitié. Les atmosphères des planètes géantes sont composées de dihydrogène et d’hélium. Les températures de surface des planètes géantes sont basses, mais moins basses que si le seul éclairement du Soleil agissait : il apparaı̂t qu’elles disposent d’une source interne d’énergie, possible résidu de l’énergie acquise au moment de l’accrétion initiale. Tous ces faits observationnels sont les traces des conditions de formation du système solaire : la quasi-coplanéité des orbites montre que les planètes n’ont pas été capturées par le Soleil, mais se sont formées toutes en même temps, et dans le même nuage de gaz et de poussières. La répartition des compositions révèle aussi que les éléments volatiles légers (H, He), que l’on trouve relativement loin du Soleil, est la preuve que le rayonnement du jeune Soleil a été suffisamment fort pour les chasser des environs du Soleil, mais pas assez pour évacuer les poussières qui ont formé ensuite les planètes telluriques. La cratérisation des surfaces planétaires est, quant à elle, la trace de l’épisode de bombardement météoritique qui s’est terminé il y a 3,8 milliards d’années ; l’absence de cratères sur certaines surfaces montre en revanche que cette surface a fait l’objet d’une activité géologique et d’un renouvellement depuis cette époque. Nous renvoyons aux ouvrages cités en référence pour développer plus longuement ces aspects. 30 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Figure 4.19 — Tailles relatives des planètes du système solaire. Les distances au Soleil ne sont pas respectées. Source : site de l’Union astronomique internationale, à l’adresse http://www.iau.org/ public_press/images/detail/iau0603a/ (a) Mercure vue par la sonde Messenger (2008). (b) Vénus vue par la sonde Pioneer Venus (1979). (c) La Terre vue par Apollo 17 (1972). (d) Mars vue par la sonde Viking 1 (mosaı̈que, 1980). Figure 4.20 — Portraits des planètes telluriques. Source : site internet Planetary photojournal de la NASA, à l’adresse http://photojournal.jpl.nasa.gov/index.html. 31 (Terre : 1) Mercure Vénus Terre Mars Jupiter Saturne Uranus Neptune 0,38 0,95 1,00 0,53 11,21 9,45 4,01 3,88 Inverse de la masse m−1 (Soleil : 1) 6 023 408 332 3 098 1 3 22 19 600,0 523,71 946,05 708,0 047,3486 497,90 902,94 412,24 Pression P Température T | (Terre : 1) à la surface (K) (Terre : 1) 0,0 90,0 1,00 0,007 −∗ −∗ −∗ −∗ 90 à 700 730 298 218 124 95 58 58 0,370 0,894 1,000 0,379 2,540 1,070 0,800 1,200 {z Pesanteur g } Aplatissement f Densité ρ Satellites Anneaux 0 0 1 2 63 53 27 13 Non Non Non Non Oui Oui Oui Oui (Eau : 1) 0,0 0,0 3,4 10−3 5,2 10−3 6,4 10−2 0,11 3,0 10−2 2,6 10−2 5,43 5,24 5,52 3,94 1,33 0,69 1,30 1,76 ∗ : La « surface » d’une planète gazeuse est difficilement identifiable ; c’est néanmoins la région où la pression passe de quelques millibars à une dizaine de bars. Tableau 4.18 — Caractéristiques physiques des planètes du système solaire. Sources : [Daniel et al., 2006], [Encrenaz et al., 2003], [Bureau des longitudes, 2004], [Déau, 2007], et les sites : http://www.planete-astronomie.com/ et http://www.nasa.gov/worldbook/index. html. CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Rayon R 32 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) Jupiter vue par la sonde Cassini (2000). (b) Saturne vue par la sonde Cassini (2004). (c) Uranus vue en infrarouge par le télescope spatial Hubble (1988). (d) Neptune vue par la sonde Voyager 2 en 1989. Figure 4.21 — Portraits des planètes géantes. Source : site internet Planetary photojournal de la NASA, à l’adresse http://photojournal.jpl.nasa.gov/index.html. 33 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Les planètes extrasolaires C’est à la fin du xxe siècle, en 1995 précisément, que les premières planètes extrasolaires ont été découvertes ; ces planètes, comme leur nom l’indique, se trouvent en dehors du système solaire. Pour l’essentiel de celles qui ont été découvertes, elles tournent autour d’autres étoiles ; marginalement, cependant, existent des planètes libres, errant dans la galaxie, ne tournant autour d’aucune étoile, et dont l’unique source d’énergie est interne. En raison des limitations des moyens de détection des exoplanètes, celles qui ont été découvertes sont assez grosses (à partir de quelques dixièmes de masses joviennes) et tournant rapidement autour de leur étoile (à partir d’une période de révolution de quelques jours). Cela ne signifie pas que toutes les exoplanètes sont de cette nature et plus les méthodes de détection s’améliorent, plus les planètes découvertes sont de faible masse et plus éloignées de leur étoile. En outre, la distribution des excentricités est notoirement plus large que celle du système solaire. (a) Histogramme des périodes. (b) Histogramme des excentricités. (c) Histogramme des masses. (d) Diagramme des masses en fonction du demigrand axe. Figure 4.22 — Quelques graphiques relatifs aux exoplanètes, à la date du 5 janvier 2009. Source : site internet Journey through the Galaxy, à l’adresse http://jtgnew.sjrdesign.net/ exoplanets_data.html Les méthodes de détection des exoplanètes sont à mentionner brièvement. La première qui a été 34 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS utilisée, et qui a donné le plus de résultats, est celle des vitesses radiales. Elle s’appuie sur le fait que le système planète-étoile tourne autour du barycentre des deux astres ; dès lors, si la planète en orbite a une masse suffisante, elle induit un mouvement de l’étoile qui peut être détecté. Lorsque l’étoile se déplace radialement vers l’observateur, son spectre est légèrement décalé vers le bleu, et vers le rouge quand elle s’éloigne de l’observateur. L’effet est maximal quand l’étoile, la planète et l’observateur sont dans le même plan. La seconde méthode est celle dite des transits. Elle consiste à observer le passage d’une planète devant l’étoile, et à détecter une baisse de luminosité de celle-ci. L’effet n’est détectable que quand la planète passe exactement dans l’axe liant l’étoile à l’observateur. Des méthodes plus marginales (en résultats) sont à mentionner. Il y a d’abord la méthode directe, celle consistant à réaliser une image d’une exoplanète. Il y a aussi la méthode des microlentilles, qui repose sur le fait que l’espace-temps est courbé par les masses importantes, et dévie les rayons lumineux. Cela se traduit par une augmentation de la luminosité de l’étoile lorsqu’un corps ou un système massif passe devant l’étoile ; ainsi, lorsqu’une étoile autour de laquelle tourne une planète passe devant une autre étoile, la signature de l’augmentation de lumière peut indiquer la présence d’une planète devant l’étoile occultatrice. Il y a enfin la méthode des chronométrages, qui ne peut s’appliquer qu’aux pulsars (voir la partie 1.3.6 page 22) ; en effet, ceux-ci, contrairement aux étoiles classiques, émettent un rayonnement radio périodique très régulier. La mesure des irrégularités dans la période de ces signaux conduit à la détection d’une éventuelle masse en orbite autour d’elle. Les outils utilisés pour ces travaux sont des télescopes au sol, qui ne sont pas forcément très gros, mais sont disponibles suffisamment de temps pour acquérir assez d’observations ; par exemple, la première exoplanète, appelée 51 Pegasi, a été découverte avec le télescope de 193 cm de l’Observatoire de Haute-Provence. Mais il existe aussi des missions spatiales qui ont vocation à découvrir des exoplanètes, comme Corot (lancé par le CNES) ou Kepler (lancé par le Jet Propulsion Laboratory de la NASA). Les exoplanètes découvertes offrent le spectacle d’un bestiaire extrêmement varié, dont il est difficile de faire un inventaire exhaustif. À terme, l’objectif demeure évidemment de parvenir à détecter des planètes ressemblant à la Terre et peut-être d’y découvrir de la vie, sous une forme proche de celle que nous connaissons ou, à l’inverse, totalement exotique. Mais avant de parvenir à ce resultat ultime, l’étude de ces systèmes permet de comparer les mécanismes de formation des systèmes planétaires, leur stabilité, leur évolution et, ainsi, mieux comprendre le nôtre. 1.4.4 Les satellites Les planètes ne sont pas seules dans leur périple autour du Soleil. Hormis Mercure et Vénus, toutes ont des satellites, c’est-à-dire des corps qui orbitent autour d’elles. Les configurations orbitales de ceux-ci révèlent que, pour la plupart, leur naissance a eu lieu en même temps que celle des planètes, et que ces dernières ne les ont pas capturées ; en revanche, si les deux planètes les plus proches du Soleil, Mercure et Vénus, n’en ont pas, c’est parce que, si ça avait été le cas, la force gravitationnelle du Soleil et les effets de marées subis auraient été tels que, de toute façon, les hypothétiques satellites autour de ces astres auraient été éjectés de leur orbite. Les planètes géantes sont les plus fournies en satellites (voir le tableau 4.18 page 32). Les caractéristiques principales des plus importants sont listées dans le tableau 4.22 page suivante. Les satellites des planètes offrent des visages fort différents les uns des autres. Notre Lune a une face très cratérisée (la face cachée), une autre beaucoup moins et ayant subi des épanchements de lave. Io, premier satellite galiléen de Jupiter, subit d’intenses effets de marées de la part de sa planète, ce qui lui fournit l’énergie nécessaire à son intense activité volcanique. Europe est un 35 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Demi-grand axe a (km) TERRE Lune 384 000 JUPITER Amalthée 181 400 Io 421 800 Europe 671 100 Ganymède 1 070 400 Callisto 1 882 700 Himalia 11 461 000 SATURNE Épiméthée 151 400 Janus 151 500 Mimas 185 600 Encelade 238 100 Téthys 294 700 Dioné 377 400 Rhéa 527 100 Titan 1 221 900 Hypérion 1 464 100 Japet 3 560 800 Phoébé 12 944 300 URANUS Ariel 190 000 Umbriel 266 000 Titania 436 300 Obéron 583 500 Miranda 129 900 NEPTUNE Despina 52 500 Galatée 62 000 Larissa 73 500 Proteus 117 600 Triton 354 800 Néréide 5 513 400 † : révolution rétrograde. 1 2 3 4 Sur Sur Sur Sur Excentricité e Inclinaison i (˚) Période de révolution T (jours) Rayon R (km) Densité ρ (Eau : 1) 1 737,15 3,344 83,5 821,6 560,8 631,2 410,3 85,0 3,1 3,528 3,014 1,942 1,834 2,6 0,0554 5,163 27,322 0,0031 0,0041 0,0094 0,0011 0,0074 0,1623 0,3804 0,0364 0,4684 0,1704 0,1874 27,4964∗ 0,498 1,769 3,551 7,155 16,69 250,56 1 1 2 2 0,0205 0,0073 0,0206 0,0001 0,0001 0,0002 0,0009 0,0288 0,0175 0,0284 0,1644 0,3511 0,1631 1,5664 0,0094 1,0914 0,0284 0,3334 0,3124 0,6154 8,3134 175,2434 0,694 0,695 0,942 1,370 1,888 2,737 4,518 15,95 21,28 79,33 548,21† 59,5 88,8 198,2 252,1 533,0 561,7 764,0 2 575,5 135,0 735,6 106,6 0,61 0,66 1,14 1,00 1,00 1,50 1,24 1,88 1,1 1,02 2,3 0,0012 0,0039 0,0011 0,0014 0,0013 0,0412 0,1282 0,0792 0,0682 4,3382 2,520 4,144 8,706 13,46 1,413 578,9 584,7 788,9 761,4 235,8 1,66 1,40 1,71 1,63 1,20 0,0001 0,0001 0,0014 0,0004 0,0000 0,7512 0,0684 0,0344 0,2054 0,0754 156,8654 7,2324 74,0 88,0 96,0 208,0 1 352,6 170,0 1,3 1,3 1,3 1,3 2,06 1,5 0,335 0,429 0,555 1,122 5,877† 360,14 l’équateur de la planète à J2004.0. l’équateur céleste à J1980.0. l’écliptique à J2000.0. le plan de Laplace (voir page 187) du satellite à J2000.0 sauf ∗ : à J1997.0. Tableau 4.22 — Caractéristiques des satellites remarquables du système solaire. Sources : [Encrenaz et al., 2003], [Bureau des longitudes, 2004], et le site http://ssd.jpl.nasa.gov/?sat_ elem. satellite couvert d’une banquise active, qui laisse supposer l’existence d’un océan liquide en dessous. Ganymède, le troisième satellite, montre des failles, des montagnes, vallées, plissement, révélateurs d’une activité géologique, probablement terminée. Quant à Callisto, sa surface est complètement cratérisée, sans montrer de trace d’activité géologique. Encelade et Miranda révèlent des geysers et 36 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS une activité géologique intense. Titan et Triton sont couverts d’une atmosphère d’azote ; Titan, qui a reçu la visite de la sonde européenne Huygens 29 , présente des étendues d’hydrocarbures liquides. Hypérion a quant à lui une forme irrégulière, et il est enfermé dans une résonance de type orbiteorbite avec Titan qui rend sa rotation chaotique en vitesse et en orientation ! Japet présente un aspect disymétrique, avec un côté très sombre, l’autre très clair ; une crète équatoriale de 13 km de haut pour 20 de large le parcourt sur la moitié de sa circonférence. Mimas, comme Téthys, offrent à leur surface un énorme cratère, trace d’un impact qui aurait normalement dû les pulvériser. Quant à Phoébé et Triton, leurs orbites sont très inclinées et accomplies en sens rétrograde. (a) La face cachée de la Lune vue par la sonde Galileo en route vers Jupiter (1996). (b) La surface de la Lune vue par la mission Apollo 15 (1971). (c) La Terre, la Lune et le module lunaire de la mission Apollo 11 (1969). Figure 4.23 — Portraits de la Lune. Source : site internet Planetary photojournal de la NASA, à l’adresse http://photojournal.jpl.nasa.gov/index.html, et site internet des archives des missions Apollo, à l’adresse http://www.apolloarchive.com/apollo_archive.html. 29. Nom donné en hommage à Christian Huygens (1629 – 1695). 37 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) Io (1997). (b) Europe (1997). (c) Ganymède (1998). (d) Callisto (1997). Figure 4.24 — Portraits des satellites galiléens de Jupiter. Source : site internet de la sonde Galileo, à l’adresse http://solarsystem.nasa.gov/galileo/. 38 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) Mimas (2010). (c) Les geysers d’Encelade (2009). (f) Titan à travers un filtre de méthane, de façon à voir sa surface (2009). (b) Encelade (2010). (d) Téthys et les anneaux (2005). (g) Titan (2005). (e) Japet, en couleurs (2007). fausses (h) La surface de Titan vue par la sonde Huygens (2006). La coloration orangée a été obtenue à partir du spectre visible enregistré par l’instrument spectrographique de la sonde et donne une idée de ce que percevrait l’œil humain. Explication de la coloration trouvée sur le site internet du Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation Associée (LESIA) de l’Observatoire de Paris : http:// www.lesia.obspm.fr/Premiersresultats-janvier-2005.html. Figure 4.25 — Portraits de quelques satellites de Saturne. Source : site internet du Cassini Imaging Central Laboratory for Operations, NASA (sauf mention contraire), à l’adresse www.ciclops.org. 39 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) Ariel. (b) Miranda. (c) Uranus, ses anneaux et ses satellites vus par le VLT (2002). Figure 4.26 — Portraits de quelques satellites d’Uranus. Source : site internet de la mission Voyager 2 (survol de 1986), sauf mention contraire, NASA, à l’adresse http://voyager.jpl.nasa.gov/ news/index.html. (a) Neptune et Triton. (b) Triton. Figure 4.27 — Portraits de Triton, satellite de Neptune. Source : site internet de la mission Voyager 2 (survol de 1989), NASA, à l’adresse http://voyager.jpl.nasa.gov/news/index.html. 40 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS 1.4.5 Les planètes naines Les planètes naines du système solaire répondent à la définition suivante, adoptée par la XXVIe assemblée générale de l’Union astronomique internationale à Prague (2006). Une planète naine [UAI, 2006] : (a) est en orbite autour du Soleil, (b) a une masse suffisante pour que sa gravité l’emporte sur les forces de cohésion du corps solide et le maintienne en équilibre hydrostatique, sous une forme presque sphérique, (c) n’a pas éliminé tout corps susceptible de se déplacer sur une orbite proche, (d) n’est pas un satellite. On compte aujourd’hui seulement cinq planètes naines : Cérès, situé dans la ceinture d’astéroı̈des, Pluton, Éris, le plus grands objet transneptunien connu (2600 km de diamètre, devant Pluton, 2300 km), Makemake, Haumea. D’autres sont susceptibles de le devenir, selon les données que les études futures nous donneront de ces objets : Charon (« satellite » de Pluton, avec lequel il forme plutôt un système double), Sedna, Quaoar, etc. 1.4.6 Les petits corps : astéroı̈des, comètes, transneptuniens Les petits corps du système solaire sont, avec les planètes et les planètes naines, la troisième et dernière catégorie d’objets orbitant autour du Soleil. Ils répondent à la définition suivante : « tous les autres objets 30 en orbite autour du Soleil sont appelés ”petits corps du Système Solaire”. » La première classe de petits corps regroupe les astéroı̈des. Ce sont des corps dont la taille atteint quelques kilomètres ou dizaines de kilomètres, en orbite autour du Soleil sur une orbite faiblement elliptique. Bien que formant un ensemble hétérogène, la plupart circulent entre Mars et Jupiter, dans la ceinture d’astéroı̈des. L’examen de la distribution des astéroı̈des en fonction de leur demi-grand axe montre clairement des zones de concentration, et des zones de lacunes, dites de Kirkwood 31 , correspondant à des résonances orbite-orbite avec Jupiter. Certains croisent les orbites des planètes telluriques (pour la Terre, on les appelle géocroiseurs), tandis que d’autres, appelés Troyens, se trouvent aux points de Lagrange L4 et L5 de Jupiter. Il y en a aussi qui se trouvent entre Jupiter et Neptune, appelés Centaures. Les astéroı̈des sont des témoignages des conditions de formation du Système solaire. Lorsque la nébuleuse protosolaire commença à se structurer en planétésimaux accrétant la matière environnante, ceux situés à l’actuel emplacement de la ceinture d’astéroı̈des subirent de telles perturbations gravitationnelles de la part de Jupiter qu’ils ne purent former une planète ; au contraire, nombre d’entre eux furent même éjectés, contribuant au bombardement météorique primordial qu’a connu le Système solaire. Toujours du fait des perturbations gravitationnelles des planètes géantes pendant la formation du système solaire, d’autres planétésimaux ont été expulsés, dans toutes les directions, qui forment aujourd’hui le nuage d’Oort. Il s’agit d’une sorte de « coquille », situéee entre 50 000 et 100 000 U A du Soleil, où se trouvent les comètes à longue période, dont le nombre est estimé à 1011 . Leurs inclinaisons prenent toutes les valeurs, leurs demi-grands axes sont très grands, et leur 30. La résolution de l’UAI ajoute en note de bas de page : « Ceci inclut la plupart des astéroı̈des du Système Solaire, la plupart des objets transneptuniens (O.T.N.), les comètes et tous les autres corps. » 31. Daniel Kirkwood (1814 – 1895). 41 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Figure 4.28 — Portraits des astéroı̈des Mathilde (1997), Gaspra (1991) et Ida (1993) ; les tailles respectives des astéroı̈des sont respectées. Source : site internet Planetary photojournal, NASA, à l’addresse http://solarsystem. nasa.gov/. Images réalisées par la sonde Galileo. excentricité donnent à leur orbite une forme elliptique très allongée. Une autre source de comètes est la ceinture de Kuiper. Il s’agit d’une zone située entre 30 et 100 U A du Soleil, où se trouvent des comètes qui se sont formées à peu près dans cette région, et n’ont pas subi dans une même ampleur que celles du nuage d’Oort les perturbations gravitationnelles des planètes géantes. En conséquence, l’inclinaison des comètes de la ceinture de Kuiper sont faibles ; leurs périodes sont de quelques décennies. Les comètes sont des « boules de neige sales ». Elles contiennent certes de la roche, mais aussi beaucoup de glace d’eau ainsi que des molécules organiques, au point que certains avancent qu’elles seraient la source de l’eau et de la vie sur Terre. Lorsqu’elles s’approchent du Soleil, sous l’effet du vent solaire, elles perdent une partie de leurs matériaux, formant une chevelure diffuse. Cette matière relâchée dans l’espace, lorsqu’elle se trouve sur l’orbite de la Terre, est la source des essaims d’étoiles filantes. Du fait de leur orbite, les comètes font partie d’une classe d’objets plus vaste appelée transneptuniens. Des corps de natures très diverses, autres que les comètes, sont catégorisés sous ce terme. Beaucoup connaissent des résonances orbitales avec Neptune, dont Pluton (résonance 3 : 2) et d’autres corps appelés Plutinos. 42 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) La comète Neat photographiée depuis l’observatoire de Kitt Peak (USA,2004), disponible à l’adresse http://www.noao.edu/outreach/ press/pr04/pr0404.html. (c) La fragmentation de la comète SchwassmannWachmann 3, vue par Hubble (2008), disponible à l’adresse http://hubblesite. org/gallery/album/ pr2006018e/. (b) La comète Mc Naught photographiée au Chili (2007), disponible sur le site internet de l’ESO, à l’adresse http://www. eso.org/public/images/mc_naught35/. (d) La collision de la comète Shoemaker-Levy 9 avec Jupiter, vue par Hubble (1994), disponible http:// à l’adresse photojournal.jpl.nasa. gov/catalog/PIA01263. (e) Les vingt-et-un fragments de la comète Shoemaker-Levy 9, vus par Hubble (1994), disponible sur le site NASA images, à l’adresse http://www.nasaimages.org. Figure 4.29 — Portraits de comètes. 43 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS 1.5 La Terre La Terre est la troisième planète du système solaire par son éloignement du Soleil. Son volcanisme est actif ; Vénus et Mars présentent aussi des volcans, actifs pour la première, éteints pour la seconde. On touche là à un aspect essentiel de l’étude des planètes : l’activité géologique. Celle de la Terre est soutenue (volcans, séismes notamment), tandis que pour d’autres (Mars, la Lune), elle est soit morte soit marginale. La Terre est entourée d’enveloppes fluides (mers et océans, atmosphère) dont les conditions de températures et de pression permettent aujourd’hui la présence de vie, ce qui, à ce jour, est un cas unique dans l’Univers. 1.5.1 La structure de la Terre La structure interne de la Terre nous est connue notamment par l’étude des ondes sismiques et la gravité. Au centre de la Terre se trouve la graine, noyau solide de fer à 80%, nickel, silicium et oxygène, de rayon 1250 km ; la température y serait de 5000 K. Ensuite, jusqu’à 3500 km, le noyau, de même composition, est sous forme liquide. Le manteau est la couche qui enrobe le noyau, et a une épaisseur de 2900 km ; la température à l’interface entre le noyau et le manteau serait de 3000 K. Celui-ci est principalement composé d’olivine et de pyroxène (famille des silicates), et est composé de deux couches : le manteau interne et le manteau externe (ou inférieur et supérieur). Les deux se distinguent en particulier par leur viscosité : le manteau externe est plus visqueux que le manteau interne. Le manteau est recouvert de la croûte, dont l’épaisseur et la nature sont variables, essentiellement entre deux milieux : la croûte continentale, épaisse (30 km) et granitique, et la croûte océanique, fine (5 km) et basaltique. On considère aussi deux autres zones : l’asthénosphère, qui regroupe la partie basse du manteau supérieur, et dont la nature est essentiellement fluide ; la lithosphère, qui surmonte l’asthénosphère, qui regroupe la partie haute du manteau supérieur et la croûte, et dont la nature est essentiellement solide et rigide. De plus, deux tiers de la surface terrestre sont couverts de mers et d’océans. Enfin, une atmosphère de quelques dizaines de kilomètres enveloppe la Terre. Le manteau terrestre n’est pas rigide, mais en convection. On admet en général deux niveaux de convection au regard de la profondeur. Le manteau interne, très visqueux connaı̂t une convection relativement lente, tandis que le manteau externe est le siège d’une convection plus rapide. Ceci se traduit par un déplacement lent de morceaux lithosphériques appelés plaques tectoniques (ou plaques lithosphériques). Les zones de convections n’amènent pas les plaques à un mouvement uniforme ni dans le même sens. Deux zones d’interface sont ainsi à distinguer : les dorsales océaniques, où naissent les plaques et où elles s’écartent ; les zones de subduction où, au contraire, les plaques se percutent et où la moins épaisse s’enfonce dans le manteau. Ces deux régions de frontière entre plaques sont marquées par une forte activité volcanique et sismique. 1.5.2 Le champ magnétique Le champ magnétique terrestre prend sa source dans la rotation que connaı̂t le noyau externe, liquide, lequel donne naissance à des courants électriques puissants le long de lignes fermées qui génèrent un champ magnétique dipolaire : à une grande distance par rapport aux dimensions des boucles de courant, la forme des lignes de champ devient indépendante de celle des lignes de courant et prend la forme de celle générée par un dipôle magnétique situé au centre de la Terre. L’étude du champ magnétique montre que l’axe de symétrie de celui-ci est décalé d’environ 11˚de l’axe de rotation de la Terre, et que le centre géomagnétique est distinct du centre des masses. 44 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) Modèle général de la Terre. (b) Modèle plus détaillé pour la surface de la Terre. Figure 5.30 — Le modèle concentrique de structure interne de la Terre. Source : site internet de l’université de Laval (Québec), à l’adresse http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/ img.communes.pt/str.interne.terre.html. À la surface de la Terre, le champ est mesuré par son intensité et sa direction, laquelle est identifiée par deux angles : la déclinaison, angle du champ avec le nord géographique, et l’inclinaison, angle du champ avec l’horizontale locale. Les lignes de champ magnétique coupent en effet la surface terrestre avec d’autant plus d’inclinaison que le point d’intersection de la surface terrestre et de la ligne de champ se trouve proche du pôle magnétique. Une carte mondiale du champ (voir la figure 5.31 page suivante) montre des écarts significatifs au champ généré par un dipôle (positive en Sibérie ou au sud de l’Australie, négative au Brésil), liés possiblement à l’influence du manteau ou de la croûte. En observant l’orientation du champ magnétique de minéraux issus de la croûte océanique, on a constaté que celle-ci était alternée. En faisant l’hypothèse que cette orientation est acquise au moment de la solidification de la roche et qu’elle prend la direction du champ magnétique à cet instant, on en a déduit d’une part que le champ magnétique connaissait des inversions, d’autre part une première datation de ces couches et, partant, une estimation de la vitesse de déplacement des plaques lithosphériques à la surface de la Terre (voir la figure 5.32 page suivante). Dans l’espace, les lignes de champ magnétique ne sont pas celles d’un dipôle magnétique dans le vide. En effet, la Terre subit l’assaut du vent solaire, dont l’interaction avec le champ magnétique terrestre aboutit à la formation d’une onde de choc, stationnaire, en avant d’une autre surface, appelée magnétopause, qui est la surface d’équilibre entre le champ magnétique terrestre et le champ magnétique interplanétaire, dont l’origine est principalement solaire. La magnétopause se trouve à quelques rayons terrestres de la Terre dans la direction du Soleil, et à environ 80 rayons terrestres dans la direction antisolaire. 1.5.3 Les sources d’énergie Les sources d’énergie de la Terre sont d’abord l’énergie des désintégrations radioactives de noyaux atomiques qui ont lieu dans le manteau, et sont à l’origine de l’activité géologique, sismique et volcanique de la planète, ensuite l’énergie lumineuse que lui prodigue le Soleil, et qui n’affecte que la surface de la Terre et l’atmosphère. La Terre dispose aussi d’énergie gravitationnelle, dont les effets sont décrits dans le chapitre suivant. 45 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS (a) Carte de l’amplitude du champs magnétique terrestre. (b) Carte de déclinaison du champs magnétique terrestre. Figure 5.31 — Cartes du champ magnétique terrestre. Source : site http://gravmag.ou.edu/. Figure 5.32 — Fluctuation de la polarité du champ géomagnétique depuis 5,25 millions d’années (positif en noir, négatif en blanc). La dernière inversion dite de Matuyama-Brunhes s’est produite il y a environ 780 000 ans. Source : projet Luxorion, à l’adresse http://www.astrosurf.com/ luxorion/terre-champ-magnetique3.htm, reprenant un document de l’AGU. L’énergie solaire Si la chaleur dégagée par le processus d’accrétion est désormais épuisée, la Terre tire son énergie de plusieurs sources. D’abord, l’énergie solaire qui participe de l’éclairage et du chauffage du sol et de l’atmosphère. Néanmoins, le chauffage du seul Soleil ne permet pas d’atteindre la température aujourd’hui constatée à la surface de la Terre, et c’est grâce à l’effet de serre de l’atmosphère que la température est clémente sur la planète. Le calcul de l’énergie reçue est relativement aisé : P⊙→⊕ = P⊙ 2 × πR⊕ 4π d2⊙;⊕ 2 où l’on considère que la Terre présente au Soleil un disque de rayon R⊕ (donc de surface πR⊕ ), d⊙;⊕ étant la distance du Soleil à la Terre (1 U A), P⊙ la puissance totale rayonnée par le Soleil. Cette grandeur ramenée par unité de surface, connue sous le nom de constante solaire, se calcule 46 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Figure 5.33 — Illustration de la forme de la magnétosphère terrestre et de son interaction avec le vent solaire. Source : site internet du laboratoire Rutherford Appleton, à l’adresse http://sspg1.bnsc.rl.ac.uk/SEG/. Figure 5.34 — Une aurore polaire vue depuis la station spatiale internationale. Les aurores polaires sont des phénomènes liés à la pénétration de particules solaires jusqu’au pôle magnétique terrestre, qui percutent et excitent des molécules de l’atmosphère terrestre, qui émettent des lueurs vertes ou rouge en se désexcitant. Source : Astronomy picture of the day, NASA, 1er juillet 2010. tout aussi facilement : p⊙→⊕ = = P⊙→⊕ 2 πR⊕ 1367 W.m−2 2 2 La Terre n’étant pas un disque de surface πR⊕ mais une sphère de surface 4πR⊕ , la surface −2 terrestre reçoit en réalité le quart de cette grandeur, soit 341 W · m , en moyenne, et sur un jour solaire (24 h). Si on considère l’albédo global de la Terre, comprenant celui de la surface de la Terre, des nuages et de l’air, environ a = 0, 3, on obtient la température qu’il ferait sur Terre si elle absorbait totalement ce rayonnement à partir de la relation liant puissance du rayonnement de corps noir à la température : (1 − a) p ⇐⇒ T⊕ = σ T4 1 (1 − a) p 4 = σ = 254 K Or, à moins de vivre dans un congélateur, notre lecteur sait que, sur Terre, il fait un peu plus chaud que ça, environ T⊕∗ = 288 K. On se sert de ce constat pour évaluer le forçage thermique lié à l’effet de serre de l’atmosphère de la Terre : patm = σ(T⊕∗ 4 − T⊕ 4 ) = 155 W · m−2 . Ce forçage est lié à la présence dans l’atmosphère de molécules absorbant le rayonnement infrarouge émis par la Terre du fait de son chauffage par le rayonnement solaire, telles que l’eau, le méthane, l’ammoniac, le dioxyde de carbone, l’oxyde nitreux, etc., dont l’origine est le volcanisme. Sans cet effet de serre, nous l’avons vu, la température sur Terre serait frisquette ; cela signifie que si la cause de l’effet de serre, à savoir la présence de certaines molécules dans l’atmosphère, venait à s’arrêter, 47 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS c’en serait la fin des conditions agréables qui permettent la vie sur Terre et, accessoirement, les vacances au soleil. Autrement dit, quand l’activité géologique et surtout le volcanisme s’arrêteront, la vie disparaı̂tra de la surface de la Terre. L’énergie nucléaire L’activité géologique de la Terre trouve son origine dans la radioactivité de certains éléments lourds, qui ont lieu dans le manteau terrestre. En effet, le manteau terrestre contient des éléments chimiques radioactifs ; ceux-ci peuvent être de courte période ou de longue période. La radioactivité peut prendre trois formes : la radioactivité α, la radioactivité β − et la radioactivité β + . Leurs réactions pour un éléments de départ X et un élément d’arrivée Y sont respectivement : A ZX A ZX A ZX → → → A−4 4 Z−2 Y + 2 He + Q − A Z+1 Y + e + νe + A + Z−1 Y + e + νe + Q Q où A est le nombre de masse, Z le numéro atomique, 42 He le noyau d’hélium (encore appelé particule α), e+ le positon, νe le neutrino électronique, νe l’anti-neutrino électronique. L’exemple classique d’élément radioactif à courte période à l’intérieur de la Terre est l’aluminium 26 Al, dont la réaction de décomposition radioactive aboutit au magnésium 26 Mg ; Q vaut 1, 8 M eV . Mais la demi-vie de 26 Al est de l’ordre du million d’année, si bien que l’on considère que cette source de chauffage n’a été active qu’aux premiers instants de la Terre. Les sources d’énergie à plus longue période viennent des éléments lourds, principalement l’uranium 238 noté 238 U, le thorium 232 Th et le potassium 40 K. Pour les deux premiers, on assiste à des réactions de désintégrations en chaı̂ne, qu’ils dominent du fait de leur demi-vie très supérieure à celles des éléments produits, respectivement 14 milliards d’années (trois fois l’âge de la Terre) et 4,5 milliards d’années. La chaı̂ne de l’238 U aboutit au plomb 206 Pb, qui est stable, avec une énergie totale libérée de 52 M eV , tandis que la chaı̂ne du 232 Th aboutit à un autre isotope du plomb, 208 Pb, stable lui aussi, l’énergie totale libérée étant de 49 M eV . Le potassium 40 K donne quant à lui le calcium 40 Ca avec une demi-vie de 1,25 milliards d’années, et une énergie libérée de 1, 3 M eV . Ces éléments sont présents dans le manteau et dans la croûte avec des concentrations de quelques parties par million, ce qui est très faible ; mais les quantités très importantes d’énergie libérée par ces réaction en font naturellement les moteurs de l’activité géologique de la Terre. 1.5.4 Le volcanisme et la tectonique des plaques L’énergie thermique libérée par les réactions nucléaires exposées ci-avant est transmise à la Terre interne de trois façon : par conduction, par radiation, par convection. Le plus important est évidemment la convection, c’est-à-dire la mise en mouvement de la matière sous l’effet d’un dégagement de chaleur. La convection opère à deux niveaux : une convection au sein du manteau inférieur, une autre au sein du manteau supérieur, la transition entre les deux étant située à la profondeur de 670 km. La matière mantellique ainsi mise en mouvement connaı̂t des traductions à la surface de la Terre : le volcanisme et la dérive des continents. En premier lieu, des remontées magmatiques peuvent prendre plusieurs formes, formant l’activité volcanique de la planète. Les points chauds sont considérés comme étant le résultat de panaches de matière chaude prenant leur source à l’interface entre le noyau externe liquide et le manteau 48 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Figure 5.35 — La convection mantellique. Source : site internet de l’École Normale Supérieure de Lyon : http://planet-terre. ens-lyon.fr/planetterre/ XML/db/planetterre/metadata/ LOM-convection-mantelliquetectonique-plaques.xml. (a) Le volcan P’u O’o, à Hawaı̈, en éruption en 2003. Source : site internet de l’USGS, à l’adresse http://hvo.wr.usgs. gov/archive/2003_10_7.html. (b) Le Stromboli en éruption en 1969. Source : site internet de l’USGS, à l’adresse http:// volcanoes.usgs.gov/images/ pglossary/strombolian.php. (c) Le volcan Sarychev, aux ı̂les Kouriles, en éruption vu depuis l’ISS en 2009. Sources : portail des photographies de la Terre prises depuis l’ISS, à l’adresse http://eol.jsc. nasa.gov/scripts/ sseop/photo.pl? mission=ISS020&roll=E&frame=9048. Figure 5.36 — Quelques portraits de volcans terrestres. inférieur, à une profondeur de 2900 km. Ils sont considérés comme « fixes » par rapport à la croûte terrestre, ceci expliquant les formations de chapelets d’ı̂les volcaniques, comme à Hawaı̈. Les dorsales océaniques, elles, sont le produit de la convection dans le manteau supérieur, et la source de formation du matériau de la croûte océanique. En second lieu, mais de façon très liée au volcanisme, la convection dans le manteau est le moteur de la formation et de la dérive des plaques tectoniques, qu’on appelle la tectonique des plaques. Le matériau mantellique remontant au niveau des dorsales océaniques « s’horizontalise » et se sépare en deux morceaux partant dans des directions opposées. À l’inverse, les zones de subduction sont le lieu où une plaque océanique (ou une partie de croûte océanique d’une plaque) percute une plaque continentale (ou la partie continentale d’une plaque), la première plongeant sous la seconde et s’enfonçant profondément dans le manteau. Les zones de subduction entraı̂nent souvent une activité volcanique au niveau du massif montagneux de la plaque continentale généré par le choc entre les deux plaques. Le mouvement entre les plaques se manifeste de façon brutale lorsque la contrainte accumulée entre deux plaques, sous l’effet de cellules de convection poussant dans des directions opposées, cède en un laps de temps de quelques secondes, provoquant un séisme. 49 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Les plaques tectoniques dérivent à la surface de la Terre à une vitesse de quelques centimètres par an, et ont déjà fait l’objet, par le passé, de quasi-fusions, formant des supercontinents, tels que la Pangée il y a 200 millions d’années, avant de nouvelles fragmentations, dont le visage actuel du monde donne une illustration. On considère en général qu’il y a sur Terre douze plaques : Pacifique, Eurasie, Afrique, Inde-Australie, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Nazca, Philippines, Arabie, Coco, Caraı̈bes, Antarctique. Selon les modèles, il peut cependant en y avoir beaucoup plus. Figure 5.37 — Les plaques tectoniques. Source : site internet du CNES, à l’adresse http://www. cnes.fr/web/CNES-fr/871-delorbitographie-a-la-geodesie. php 1.5.5 Les enveloppes fluides Les enveloppes fluides de la Terre sont dans deux phases : liquide avec les mers et océans, sans compter l’eau douce continentale, et gazeuse avec l’atmosphère. Les mers et océans occupent 71% de la surface terrestre et sont composés d’eau, dans laquelle on trouve divers sels dissous, notamment du chlore et du sodium. Les océans sont le siège d’une circulation d’eau sur toute la surface qu’ils occupent, avec des eaux chaudes, peu denses et peu chargées en sels en surface, et des eaux froides, denses et plus chargées en sels dans les profondeurs. La profondeur moyenne des océans est de 3 800 m, avec un maximum de 11 000 m pour la fosse des Mariannes. Dans les zones polaires se trouvent des calottes de glace dont l’extension est saisonnière, tandis qu’à l’équateur, la température est de l’ordre de 27˚C. On considère en général qu’il y a trois océans principaux : Atlantique, Pacifique, Indien, auxquels s’ajouent les deux océans glaciaux Arctique et Antarctique. On notera que la répartition des terres immergées est très inégale entre l’hémisphère nord et le sud, ce dernier étant principalement couvert d’océans, l’autre de terres émergées. Les océans perdent de l’eau par évaporation ; l’eau évaporée se condense en altitude sous la forme de gouttelettes en suspension qu’on appelle nuages ; par le jeu des vents, ils circulent et finissent par voir les gouttelettes qui les composent devenir plus grosses et tomber sous forme de pluies. Les pluies sur les terres émergées alimentent les lacs, étangs, nappes phréatiques, ruisseaux et rivières, lesquelles forment des fleuves qui finissent par se jeter dans les mers et océans. L’atmosphère de la Terre est composée de diazote (78% en masse) et de dioxygène (21%), le reste étant de la vapeur d’eau, du dioxyde de carbone, de l’argon, etc. Si elle fait l’objet d’un mélange homogène du fait de l’intense circulation qu’elle connaı̂t, du moins à faible altitude, elle n’en est pas moins structurée en couches concentriques : — — — — — la troposphère de 0 à 12 km ; la stratosphère de 12 à 45 km ; la mésosphère de 45 à 90 km ; la thermosphère de 90 à 800 km ; l’exosphère au delà. La photodissociation des molécules a lieu à partir de la thermosphère, tandis que les atomes, aux altitudes plus élevées, se structurent de façon diffuse par masse atomique. La température est 50 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS autour de 200 K à partir d’une dizaine de kilomètres d’altitude et conserve approximativement cette valeur dans la stratosphère ; elle diminue légèrement dans la mésosphère, mais remonte à environ 1500 K dans la thermosphère et l’exosphère. Les climats sont variés sur la Terre, et liés à quantité de paramètres, notamment l’ensoleillement 32 , les vents, la présence de mers et d’océans, et de courants en leur sein, ou d’eau continentale, de végétation, le relief, etc. ; mais certains de ces éléments, en particulier la végétation, ou les glaciers, dépendent de façon importante du climat, ce qui fait de celui-ci un système très complexes dont les rétroactions peuvent être positives, négatives, et de toute façon difficiles à quantifier. Un élément d’homogénéisation de composition et de température dans l’atmosphère est le système des vents, qui connaı̂t une structure dépendant de la latitude. Les régions équatoriales, fortement ensoleillées, connaissent une forte évaporation, qui génère des courants d’air chaud et humide ascendants, générant également de fortes pluies. Ces courants forment une cellule de convection, dite de Hadley 33 , qui boucle au niveau des tropiques, où des courants d’air froid et sec descendants entraı̂nent la présence de déserts. Cet air vient des hautes altitudes, de la zone équatoriale et de la zone tempérée, où se trouve une seconde cellule de convection, dite de Ferrel 34 . L’air froid et sec des déserts glisse vers les hautes latitudes à basse altitude, se charge d’humidité et se réchauffe, au point de devenir ascendant autour de 50˚de latitude, d’y causer d’importantes pluies, et d’en faire des zones tempérées thermiquement. Une cellule similaire à celle de Hadley se met alors en place jusqu’au pôle, où un air froid et sec descend des hautes altitudes vers le sol. Les régions d’air descendant sont plutôt des zones à anticyclones, c’est-à-dire à hautes pressions, tandis que les régions à courants ascendants sont des zones dépressionnaires, c’est-à-dire de basse pression. La rotation de la Terre adjoint à ce schéma un autre phénomène, lié au terme de Coriolis 35 dû à la nature non-galiléenne du référentiel qu’est la Terre en rotation, à savoir les boucles de circulation des vents en longitude, qui tournent dans le sens direct dans l’hémisphère nord, et dans le sens indirect dans l’hémisphère sud 36 . Figure 5.38 — Les cellules de convection de l’atmosphère terrestre. La cellule de Ferrel monte un peu trop au nord. Source : site internet du GSFC, à l’adresse http://rst.gsfc.nasa.gov/ Sect14/Sect14_1c.html 1.5.6 La vie, l’humanité La Terre a ceci de remarquable qu’elle porte des êtres vivants, et même mieux, pour quelquesuns : « intelligents » ! Nous n’entrerons pas ici dans le débat sur le rôle de la contingence ou, au 32. L’ensoleillement dépend de nombreux phénomènes, d’abord astronomiques, comme l’activité solaire, l’évolution séculaire des paramètres orbitaux, mais aussi de phénomènes terrestres, comme l’albédo du sol, de l’atmosphère, la formation de nuages, etc. 33. George Hadley (1685 – 1768). 34. William Ferrel (1817 – 1891). 35. Gaspard-Gustave Coriolis (1792 – 1843). 36. Il est nécessaire de mettre un terme à une légende : la force de Coriolis n’a aucune influence sur le sens d’écoulement de l’eau de votre bain ! 51 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS contraire, de la transcendance dans ce constat, et le laissons à la réflexion du lecteur, en espérant qu’elle sera avant tout rationnelle ! La vie n’est pas née ex nihilo, par un matin de printemps. Elle est le fruit d’une lente complexification moléculaire, à partir de quelques briques élémentaires faites de quatre atomes fondamentaux : le carbone 37 , l’hydrogène, l’oxygène et l’azote. Certaines conditions fondamentales ont dû être réunies pour pouvoir héberger la vie, dont nous avons dit deux mots dans ce chapitre : la présence d’eau, une activité géologique suffisamment intense pour fournir assez de gaz à effet de serre pour réchauffer l’atmosphère, une température et une pression proches du point triple lui permettant d’être présente dans les trois phases, un champ magnétique protégeant la surface terrestre des rayons cosmiques de haute énergie et du vent solaire, une atmosphère assez dense pour absorber les rayonnements nocifs du Soleil, etc. Sur cette base, Stanley Miller (1930 – 2007) a imaginé une expérience désormais célèbre, en reproduisant les conditions supposées de la Terre des origines : de l’eau, quelques molécules simples comme du méthane, de l’ammoniac, du dioxyde de carbone, etc., qu’il soumit à des éclairs électriques, censés simuler les orages de la Terre primitives, lorsque, encore chaude de son accrétion et de sa radioactivité à courte durée, elle avait expulsé toute l’eau de son intérieur, laquelle avait formé une immense couche nuageuse qui allait, se refroidissant, retomber sous la forme de pluies absolument diluviennes sur Terre et former les océans. Après une semaine d’expérience, plusieurs molécules organiques relativement complexes s’étaient formées, comme l’acide cyanhydrique, le formaldéhyde, et plusieurs acides aminés. Les modèles de chimie prébiotique se sont depuis complexifiés, et ont permis d’en mieux comprendre le fonctionnement ; de nombreux problèmes demeurent, comme la formation des acides gras, d’autres acides aminés fondamentaux et celle d’enzymes. C’est la raison pour laquelle certains ont avancé l’idée que les molécules de la vie auraient pu avoir été formé ailleurs dans le système solaire, et apportées sur Terre par les comètes. On estime cependant que les premières formes de « vie » était structurée autour de l’acide ribonucléique, qui présente le double avantage de pouvoir s’auto-répliquer et d’avoir une activité enzymatique. Toujours est-il que les formes de vie fossilisées les plus anciennes connues datent de 3,85 milliards d’années 38 . On a retrouvé des traces d’activité biologique datant de 3,4 à 1,4 Ga issues de cellules procaryotes 39 , la paroi cellulaire formant une redoutable protection pour les réactions chimiques. La compartimentation de la cellule a débuté probablement vers 1,4 Ga, avec les premières cellules eucaryotes 40 , dont le noyau héberge l’ADN, les mitochondries la fonction respiratoire, les plastes celle de photosynthèse. Les cellules isolées forment ce qu’on appelle les protozoaires. Vers deux milliards d’années, les premiers être vivants pluricellulaires, les métazoaires, virent le jour. Mais la reproduction était encore asexuée, c’est-à-dire que les cellules se reproduisaient identiquement à elles-mêmes, les accidents seuls apportant la variété. L’apparition de la sexualité permit la mise en place d’un mode de multiplication des cellules par le mélange des génomes. C’est au Cambrien (à partir de 540 millions d’années) qu’a lieu la première explosion biologique, avec l’apparition de spongiaires, de mollusques, d’arthropodes, de crustacés, etc., et des algues en ce qui concerne le règne végétal. La vie est alors exclusivement marine. C’est vers l’Ordovicien, mais plus sûrement au Silurien que les premières plantes terrestres apparaissent. Les animaux sortent de l’eau au Silurien et au Dévonien, sous la forme de myriapodes et d’arachnides primitifs, suivis de quelques mollusques pulmonés. Le passage à la terre ferme sélectionne les espèces qui mutent en direction de l’acquisition d’une structure squelettique d’une part, d’autre part à la formation 37. Dont la chimie sans limite forme le terrain d’étude de la chimie dite organique. 38. Il s’agit d’inclusions carbonnées contenues dans des cristaux présents dans des formations sédimentaires de l’ı̂le d’Akilia au sud du Groenland. 39. Sans noyau. 40. Avec noyau. 52 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Figure 5.39 — La charte stratigraphique internationale. Source : site internet de la Commission internationale de stratigraphie, à l’adresse http://www.stratigraphy.org/column.php?id=Chart/ Time%20Scale d’une peau imperméable et de son corollaire, celle d’une tuyauterie permettant les échanges avec l’extérieur, les fonctions vitales étant internalisées. Cette évolution a d’abord lieu en mer, avec l’apparition progressive des poissons, qui fournissent les premiers contingents de tétrapodes à conquérir la terre, sous la forme de reptiles. Le Carbonifère voit le début de la conquête des airs par les insectes. Les premiers oiseaux datent du Trias ou plus certainement du Jurassique, en pleine heure de gloire des dinosaures. Les mammifères apparaissent discrètement pendant toute l’ère secondaire, et prennent leur essor pendant l’ère tertiaire. Le cours de la vie sur Terre n’a toutefois pas été qu’une marche en avant. Plusieurs phases d’extinctions massives en ont émaillé l’histoire. Parmi toutes les phases d’extinction, on peut citer les suivantes : — — — — au Cambrien (−480 M a), où 85% des espèces disparaissent ; entre l’Ordovicien et le Silurien (−445 M a) ; au Dévonien (−365 M a), qui se déroule sur plusieurs millions d’années ; entre le Permien et le Trias (−252 M a), qui est la plus importante de l’histoire : 95% des espèces marines et 70% des espèces terrestres s’éteignent ; — entre le Crétacé et le Paléogène (−65 M a), qui voit disparaı̂tre les dinosaures, parmi les 50% d’espèces qui disparaissent. Au Paléogène, se développent les premiers primates, du groupe des Haplorhiniens, qui se déplacent dans le monde entier. La mobilité des primates et les nombreux évènements qu’ils connaissent 53 CHAPITRE 1. L’ASTRONOMIE : L’HOMME DANS L’UNIVERS Figure 5.40 — Des stromatolites vivantes, dans la baie des requins, à l’ouest de l’Australie. Des fossiles de ces animaux ont été trouvés qui dataient de plusieurs milliards d’années. Source : site http://seapics. com. Figure 5.41 — Le fossile de Lucy, découverte en Éthiopie en 1974 par Yves Coppens (1934 – ). Source : site internet du CNRS, à l’adresse http://www.cnrs.fr/ cnrs-images/sciencesdelavieaulycee/ evolution/popup_humain3.htm. font que de nombreuses espèces se succèdent, coexistent, et disparaissent au cours du Tertiaire. Vers 17 millions d’années, la plaque africaine entre en collision avec la plaque eurasienne, provoquant la surection de l’est de l’Afrique (actuelle Éthiopie), où vivent les dryopithèques. Vers 8 millions d’années, le phénomène s’est poursuivi au point qu’un rift s’étendant de l’actuelle Érythrée au Malawi s’est formé, qui modifie considérablement le climat : à l’ouest, la forêt équatoriale humide se maintient, tandis qu’à l’est, sur le plateau, elle disparaı̂t au profit de la savane. Deux branches se séparent alors : les Pongidés dans la forêt, qui sont les ancêtres des gorilles, chimpanzés et autres grands singes ; les Hominidés dans la savane, qui regroupent l’ensemble de la lignée des Australopithèques aux Humains. Les plus anciens Australopithèques datent du Pliocène, et ont pris la forme de plusieurs espèces : Paranthropus aethiopicus, Australopithecus afarensis, africanus, anamensis, etc. Lucy, découverte en 1974, est rattachée au groupe afarensis ; sa taille n’excédait pas 1, 10 m, avec des jambes courtes par rapport au reste du corps, et une boı̂te crânienne de 360 cm3 . Vers 2 millions d’années, le constat s’impose que les Australopithèques coexistent en Afrique de l’est avec un autre type d’Hominidés : le genre Homo. Ce qui les distingue est la taille de leur cerveau, les Homos dépassant les 600 cm3 . Le plus ancien d’entre eux est l’Homo habilis, qui commence à tailler la pierre, entre 2,5 et 1,75 millions d’années. Lui succède l’Homo erectus, dont la taille atteint environ 1, 60 m et le cerveau 1000 cm3 ; il se disperse sur la Terre entière, et on retrouve de ses fossiles datés de seulement 400 000 ans, son arrivée en Europe étant datée de 780 000 ans. De l’Homo erectus seraient issus l’homme de Néanderthal, aujourd’hui disparu, ainsi que l’Homo sapiens, encore en Afrique, il y a environ 200 000 ans. Son cerveau fait environ 1400 cm3 , et sa taille dépasse 1, 70 m. À son tour il conquiert le monde, apprend à parler, conçoit des outils, invente l’agriculture et l’industrie, découvre la spiritualité, et met en place l’ordre social. L’histoire humaine est alors en marche, qui dépasse, de très loin, notre sujet, auquel nous allons revenir dès le prochain chapitre. 54 Chapitre 2 Les mouvements de la Terre, approche physique L’observation des astres, quelle qu’en soit la finalité, étant encore principalement effectuée depuis le sol, il convient d’étudier précisément les mouvements de celui-ci, c’est-à-dire les mouvements de la Terre. 2.1 Un seul moteur, la gravitation 2.1.1 Hypothèses fondamentales Hypothèses sur l’espace, le temps et la vitesse de la lumière Énoncés La mécanique classique repose, du moins implicitement, sur deux postulats que nous exposons ci-dessous : Postulat (Forme de l’espace-temps) — En gravitation classique, l’espace-temps est plat, c’est-à-dire que la géométrie qui décrit l’espace est euclidienne et que le temps s’y écoule uniformément. Postulat (Vitesse de la lumière) — La seconde hypothèse est que la vitesse de la lumière, de l’information, en particulier de masse, transportant le champ gravitationnel, est considérée comme infinie. Explications La première hypothèse (la platitude de l’espace-temps) est commune aux espacestemps de Newton 1 et de Minkowski 2 . La différence entre ces deux espaces-temps est que, dans celui de Minkowski, la vitesse de la lumière est finie et constante, conformément aux équations de Maxwell 3 . La différence est notoire car dans l’espace de Newton, le temps s’écoule uniformément, c’est-à-dire de façon indépendante du lieu et de son contenu en matière et donc en masse. En conséquence, l’espace-temps de Newton postule de la possibilité de définir un référentiel absolu de l’Univers pour la description des phénomènes ; ce référentiel absolu fut longtemps appelé « éther ». La relativité restreinte, rien qu’avec l’hypothèse de la finitude de la vitesse de la lumière dans tous les repères inertiels 4 , prétend quant à elle qu’au contraire, n’importe quel repère inertiel peut être utilisé pour faire des expériences de physique avec le sourire ; cela implique toutefois d’accepter que le temps ne s’écoule pas de la même façon dans tous les référentiels. 1. 2. 3. 4. Isaac Newton (1643 – 1642). Hermann Minkowski (1864 – 1909). James Clerk Maxwell (1831 – 1879). D’ailleurs, la relativité restreinte est dite restreinte, car elle ne concerne que les référentiels inertiels. 55 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Hypothèse sur la force de gravitation Pour expliquer le mouvement de la comète de Halley 5 et pour démontrer les lois de Kepler 6 , Isaac Newton a fait l’hypothèse que la force de gravitation entre deux corps s’exprime proportionnellement au produit des masses des corps concernés, et de façon inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare. Elle est dirigée dans la direction liant ces deux corps, et a pour sens celui qui va du premier corps à l’autre. La constante de proportionnalité est appelée constante de la gravitation universelle ; elle vaut G = 6, 67384 10−11 m3 kg −1 s−2 . La force s’exprime selon [Mamon, 2004] : −−−−→ FA→B = −G mA mB − → u rAB 2 rAB → u Le vecteur − r AB est le vecteur unitaire liant A à B, dans ce sens ; le signe négatif indique le → . Une autre façon d’exprimer la force de gravitation sens du vecteur force, opposé au sens de − u rAB est de faire intervenir les vecteurs positions de A et B : −−−−→ mA mB − → − → FA→B = −G − − → 3 (rA − rB ) |r→ A − rB | Si A n’est pas ponctuel, alors la force subie par B est la somme des contributions des petites → 3− masses dmA = ρ(− r→ A ) d rA composant A : −−−−→ FA→B = −G mB 2.1.2 Z A − − → r→ A − rB → 3− ρ(− r→ A ) d rA |− r→ − − r→|3 A (2.1) B Équations fondamentales du champ de gravitation Nous allons montrer que l’hypothèse sur la force de gravitation (en 1/r2 ) est équivalente à une description du champ en termes d’opérateurs vectoriels ; nous allons prouver l’existence d’un potentiel de gravitation dont dérive le champ, et établir l’équation de Poisson 7 , qui contient, en fait, toute l’information sur la structure du champ de gravitation. Il existe de multiples démonstrations de cette équation. Nous avons établi celle qui va suivre, qui est intéressante parce qu’elle montre les similarités du champ de gravitation avec celles du champ électrostatique. Nous repartons de l’hypothèse de départ sur la force de gravitation : −−−−→ FA→B = = − − → → avec : G ( r ) = mA mB − → u r AB 2 rAB − → → rB ) mB GA (− m− → −G 2 ur r −G G est donc le champ de gravitation proprement dit, que l’on suppose radial. Nous allons désormais calculer sa divergence, dans un système de coordonnées sphériques ; du fait de sa symétrie et de l’expression de la divergence dans un tel système de coordonnées, on écrit : 5. Edmund Halley (1656 – 1742). 6. Johannes Kepler, (1571 – 1630). Les lois qu’il a découvertes l’ont été empiriquement. 7. Siméon Denis Poisson, 1781 – 1840. 56 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE →→ − div G (− r) = = = m → −G 2 − ur r 1 ∂ 2 m −r G 2 r2 ∂r r 1 ∂ − 2 G (m) r ∂r div 1 ∂ 4 3 πr ρ = − 2G r ∂r 3 1 4 = − 2 G × π3r2 ρ r 3 → − ⇐⇒ div G = −4πGρ → − Nous allons maintenant calculer le rotationnel de G : →→ −→ − rot G (− r) = = = → −→ − ⇐⇒ rot G = m → −→ rot −G 2 − ur r 1 ∂r sin θGϕ ∂Gθ − → u − r r2 sin θ ∂θ ∂ϕ ∂Gr ∂r sin θGϕ − 1 → u − + θ r sin θ ∂ϕ ∂r 1 ∂rGθ ∂Gr − + u→ − ϕ r ∂r ∂θ → − 0 → − 0 Or nous savons que le rotationnel d’un gradient est identiquement le vecteur nul, si bien que l’on peut affirmer qu’il existe une fonction scalaire Φ, appelée potentiel, telle que : − → G −−→ = −grad Φ Le signe ’−’ est évidemment conventionnel ; il est de coutume en géodésie de faire le choix inverse de celui fait en physique, qui est le choix adopté ici. On revient alors au résultat obtenu sur la divergence pour mettre au jour la magnifique équation de Poisson : −−→ div grad Φ = 4πGρ ⇐⇒ ∆Φ = 4πGρ (2.2) Avant d’aller plus loin, nous devons rappeler les théorèmes de Stokes 8 et de Green 9 -Ostrogradsky 10 , respectivement : I x −→ − − − → →− → f .d→ r rot f .dS = Γ Σ y → − div f dτ V ZZ − − → → = f .dS Σ′ 8. George Gabriel Stokes, 1819 – 1903. 9. George Green, 1793 – 1841. 10. Mikhaı̈l Vassilievitch Ostrogradsky, 1801 – 1862. 57 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE où Σ est une surface ouverte appuyée sur le contour orienté Γ, tandis que Σ est une surface fermée → − entourant le volume V . Le premier théorème dit simplement que la circulation d’un vecteur f sur une courbe fermée Γ est égale au flux du rotationnel de ce vecteur à travers toute surface Σ′ → − s’appuyant sur ce contour. Le second théorème affirme de son côté que le flux d’un vecteur f à travers une surface fermée Σ est égal à la somme sur tout le volume compris dans cette surface de la divergence de ce vecteur. Appliquant ces théorèmes au champ de gravitation, nous obtenons les versions intégrales des deux équations locales que nous avons établies précédemment : → − div G = −4πGρ Z Z y → → − − − → ⇒ div G dτ ≡ G · dS = 4πGMint Σ ⇒ x −→ − → − → rot G · dS ≡ Σ I C → −→ − rot G = → − − G · d→ r = − → 0 0 La première relation nous dit que le flux du champ de gravitation à travers une surface fermée → − est positif, ce qui confirme que G est radial et centripète ; en outre, il est égal, à un facteur près, à la masse située à l’intérieur, et à l’intérieur exclusivement, de la surface fermée entourant le volume considéré. → − Quant à la seconde relation, elle signifie que la circulation de G le long d’une courbe fermée quelconque est nulle ; la contraposée est plus intéressante : il n’existe pas de courbe fermée sur → − → − laquelle la circulation de G est non-nulle. Ceci signifie que G ne semble « tourner » autour de rien. C’est le cas des champs de vecteurs conservatifs, comme le champ électrostatique. Enfin, puisque nous avons ouvert cette partie en désirant comparer les structures des champs gravitationnel et électrostatique, nous souhaitons conclure sur ce sujet. Les relations avec les opérateurs vectoriels ont en effet la même forme : → − ρ div E = ǫ0 → − → −→ − rot E = 0 −−→ → − E = −grad V ρ ⇒ ∆V = − ǫ0 → − div G = −4πGρ → − → −→ − rot G = 0 −−→ → − G = −grad Φ ∆Φ = 4πGρ Les similarités entre ces champs sont les suivantes : — la divergence du champ (électrique, gravitationnel) est proportionnelle à la densité (de charge, de matière) ; — le rotationnel du champ est nul ; — le vecteur champ lui-même est proportionnel au gradient d’un potentiel scalaire ; — le laplacien du potentiel est proportionnel à la densité. Les différences suivantes sont cependant à noter : — il n’existe que des charges positives en gravitation, et pas de masse négative, tandis qu’il existe des charges positives et négatives en électrostatique ; 58 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE — le champ électrique non statique est couplé au champ magnétique, mais il n’existe pas de champ de couplage pour le champ de gravitation ; en particulier, il n’existe pas en gravita→ → − −→ − tion de relation équivalente à : rot E = −∂ B /∂t. Quelques commentaires sont nécessaires concernant l’équation de Poisson : → — si la distribution de densité ρ(− r ) est donnée (par une hypothèse formelle ou par l’expérience), alors la résolution de l’équation de Poisson donne la force générée par la distribution de densité en tout point de l’espace étudié. La trajectoire d’une particule dans ce bazar devient alors tout-à-fait calculable ; — le fait que la densité soit proportionnelle à une dérivée seconde du potentiel signifie que les surfaces équipotentielles de gravitation sont plus sphériques et régulières que les profils de densité qui leur sont associées. 2.1.3 La relation fondamentale de la dynamique Connaı̂tre l’expression de la force de gravitation ne nous dit rien sur le mouvement dont elle est le moteur. Deux expressions vont nous être utiles, la première décrivant le mouvement de translation du centre de gravité d’un corps en mouvement, l’autre son mouvement dans le référentiel barycentrique. → Si on note − r le vecteur position d’un corps de masse m dont on étudie le mouvement et − → f la somme des forces auxquelles il est soumis, alors, dans un référentiel galiléen, la relation fondamentale de la dynamique s’écrit : m → → − d2 − r = f 2 dt Cette relation permet de déterminer la trajectoire de translation du corps que l’on étudie, envisagé comme une masse ponctuelle. → − → − Par ailleurs, si on note L le moment cinétique du corps en question, et Γ le moment des forces auxquelles il est soumis, alors la relation fondamentale de la dynamique s’écrit : → − → − d2 L = Γ dt2 Cette relation permet de déterminer l’orientation du corps que l’on étudie, envisagé comme un solide caractérisé par une distribution de masse. 2.1.4 Problème des N corps, théorème du viriel Présentation Le problème dit des N corps est l’étude d’un système physique composé de plus de deux corps libres intéragissant gravitationnellement, et dont il s’agit de déterminer le mouvement. L’équation du mouvement étant déterminée par les lois de position et de vitesse, c’est un problème à 6 × N inconnues. Henri Poincaré (1854 – 1912) a montré qu’il n’existe pas de solution analytique au-delà de N = 2. Une étude statistique de ce système, et une résolution numérique du problème restent 59 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE cependant possibles. Il existe des sous-problèmes à N corps, comme le problème à trois corps restreint, qui consiste en l’ajout d’une tierce particule (ou plusieurs), de masse nulle, à un système à deux corps, et d’en étudier le mouvement ; ce problème est fréquemment posé en astrophysique, par exemple pour l’étude des disques de particules orbitant autour d’un astre central, et perturbées par un corps relativement massif orbitant lui aussi autour du corps central. Il y a aussi le problème des trois corps proprement dit, consistant en l’étude d’un système de trois masses non négligeables en interaction gravitationnelle ; il peut être invoqué pour l’étude de la stabilité de l’orbite d’une planète au sein d’un système d’étoile double. Remarquons toutefois que le secteur spatial peut profiter de ces exemples pour ses besoins propres ; le mouvement d’un satellite ou d’une sonde, dont on peut négliger la masse en l’occurrence, relève d’une sorte de problème à N corps restreint, N dépendant du nombre d’astres du système solaire retenus pour la modélisation du mouvement de l’engin. Formulation générale La force subie par un corps K est la somme des forces venant de chacun des N corps i composant le système Ω : N X mi mK −−−−→ − → G 2 FΩ→K = − u− riK r iK i=1 = − N X mi mK − − → → G→ − − →|3 ( ri − rK ) | r − r i K i=1 Théorème du viriel Dans un tel système, le théorème dit du viriel est toujours d’une aide précieuse. Si nous notons l’énergie cinétique et l’énergie potentielle du système respectivement par : N 2 1X → ri mi −̇ 2 i=1 Ec = Ep = −G N N X X i=1 j=1;j6=i mi mj → → |− ri − − rj | alors le théorème du viriel scalaire pour un système à l’équilibre (ce qui n’interdit pas le mouvement bien sûr !) est le suivant : Théorème (Viriel) — La somme de l’énergie potentielle et du double de l’énergie cinétique est nulle : Ep + 2 Ec = 0 (2.3) Ceci dit, il existe une version tensorielle du théorème du viriel, permettant d’étudier les systèmes qui ne sont pas à l’équilibre. Intégrales premières On peut montrer qu’il existe un ensemble de grandeurs qui demeurent constantes dans le cadre du problème à N corps, si on le suppose isolé. Ici nous nous plaçons dans un référentiel galiléen. 60 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE La conservation de la quantité de mouvement ment s’écrit : N X mi i=1 La conservation de la quantité de mouve- −−→ dOMi dt − → P = − → où P est un vecteur constant. Comme le barycentre B des N corps est défini par : −−→ OB = N 1 X −−→ mi OMi N X i=1 mi i=1 alors : −−→ dOB dt = → 1 − P N X mi i=1 Cette relation signifie que le barycentre du système des N corps est en mouvement rectiligne uniforme dont la vitesse est le terme de droite de l’équation précédente ; cette vitesse est évidemment constante. Autrement dit, on peut écrire l’équation du mouvement de B comme : −−→ OB(t) = −−→ −−→ dOB OB(t = 0) + t dt − − → −−→ Les trois composantes des vecteurs OB(t = 0) et dOB dt sont constantes. Compte-tenu de la définition qui est celle du barycentre et de sa vitesse, la conservation de la quantité de mouvement fournit donc six équations, associées à chacune des composantes de ces deux grandeurs. La conservation du moment cinétique La conservation du moment cinétique s’écrit : −−→ −−→ dOMi mi OMi ∧ dt i=1 N X = − → L → − où L est un vecteur constant. Compte-tenu de la définition du barycentre, qui est le centre d’un référentiel galiléen compte-tenu de son mouvement rectiligne uniforme, on peut réécrire cette relation : −−→ −−→ dOMi OB ∧ dt = 1 N X − → L mi i=1 61 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE → − Cette relation signifie que le plan orthogonal au vecteur L et passant pas B est constant : c’est le plan invariable de Laplace. Compte-tenu de sa définition, la conservation du moment cinétique fournit trois équations, associées à chaque composante de celui-ci. Si initialement les positions et vitesses des N corps se trouvent dans le plan invariable, alors ils y restent. La conservation de l’énergie La conservation de l’énergie totale, somme de l’énergie potentielle et de l’énergie cinétique, s’écrit : N 1X mi 2 i=1 −−→ !2 NX −1 X N Gmi mj dOMi − −−−−→ dt i=1 j=i+1 |Mi Mj | = E où E est l’énergie, constante, du système. La nature scalaire de cette équation fait qu’elle ne peut être formulée qu’une seule fois. Réduction du problème à N corps Nous avons exprimé les intégrales premières en fonction de l’origine O d’un référentiel galiléen ou du barycentre B du système, qui est aussi l’origine d’un référentiel galiléen. Néanmoins, en général, ces points n’étant pas matérialisés, on préfère exprimer le problème des N corps par rapport à un d’entre eux, qui sert de référence. Par ailleurs, à l’aide de ces dix intégrales premières, nous sommes passés d’un système d’équations d’ordre 6N à un système d’ordre 6N −10. C’est en démontrant qu’il n’y a pas d’autre intégrale première que les dix que nous venons d’établir que Poincaré a démontré qu’aucune problème de N corps avec N > 2 ne pouvait être résolu analytiquement. En effet, le nombre d’équations que nous pouvons invoquer pour résoudre le problème est de dix ; le nombre d’inconnues est 6N . Le système étant résolvable si le nombre d’équations est supérieur au nombre d’inconnues, il faut donc vérifier la condition : 10 ≥ =⇒ 1 ≥ 6N N avec : N ∈ N Si, comme annoncé, nous utilisons un corps de référence pour positionner tous les autres par rapport à lui, alors nous n’avons plus que N − 1 inconnues, d’où : 10 ≥ =⇒ 2 ≥ 6(N − 1) N avec : N ∈ N La réduction du problème consiste ainsi à imposer des contraintes supplémentaires au problème posé, de façon à réduire le nombre d’inconnues, et à lui laisser le moins possible de degrés de liberté. C’est ce que nous ferons dans les exemples des pages suivantes, pour le problème à deux corps ou à trois corps restreint. Lorsque N augmente, on doit nécessairement se résoudre à un traitement numérique du problème, et naturellement l’envisager aussi sous l’angle statistique et probabiliste. 62 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE 2.2 La révolution de la Terre autour du Soleil Ce problème s’apparente dans un premier temps au problème des deux corps, auquel, dans un second temps, nous ajouterons des perturbations. 2.2.1 Le problème des deux corps On appelle problème à deux corps l’étude du mouvement de deux corps A et B de masses respectives mA et mB en intéraction gravitationnelle. Il a été posé et résolu par Isaac Newton en 1687, et a confirmé spectaculairement les relations empiriques connues sous le nom de Lois de Kepler. C’est un des rares cas où un problème gravitationnel est complétement intégrable. C’est sur un ton tranquille, bon enfant, très gazette de village, que nous vous proposons de l’étudier. Équations du mouvement On étudie le mouvement de A et B dans un référentiel galiléen d’origine fixe O. La relation fondamentale de la dynamique donne [Pérez, 2003] : −→ d2 OA dt2 −−→ d2 OB mB dt2 mA −−→ BA = − G mA mB −−→ |BA|3 −−→ AB = − G mB mA −−→ |AB|3 La somme des deux équations nous donne : −−→ −→ d2 OB d2 OA + mB mA dt2 dt2 = − → 0 (2.4) Or le centre de gravité C du système {A, B} est défini par : −−→ OC = −−→ −→ mA OA + mB OB mA + mB En dérivant deux fois par rapport au temps, nous avons : −−→ d2 OC dt2 − → 2− = = − → 2− mA d dtOA + mB d dtOB 2 2 mA + mB → − 0 La nullité de la deuxième ligne est obtenue par identification au résultat de l’équation 2.4. C est donc animé d’un mouvement rectiligne uniforme : −−→ OC = → − − → α t+ β ce qui confère le statut envié de référentiel galiléen au référentiel centré sur C. Les équations du mouvement dans ce référentiel sont donc : −−→ −→ BA d2 CA = − G m m mA A B − −→ 2 dt |BA|3 −−→ −−→ d2 CB AB mB = − G m m B A − −→ dt2 |AB|3 63 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE L’étude du mouvement dans ce référentiel est possible, mais la position de C est fictive. Nous préférons nous placer dans le cas où l’on étudie le mouvement relatif d’un des points matériels par rapport à l’autre. On divise l’avant dernière équation par mA , et la dernière par mB , puis on soustrait membre à membre : −−→ −−→ d2 AB AB = − G (m + m ) (2.5) A B − −→ dt2 |AB|3 On se place dorénavant dans un référentiel lié à A, non-galiléen, dans lequel est étudié le mouvement de B. La définition du barycentre donne : −−→ −→ − → mA CA + mB CB = 0 si bien que l’on repère B par : −−→ AB = = mA + mB −→ CA mB mA + mB −−→ CB mA − −−→ En posant µ = G(mA + mB ) et r = |AB| l’équation 2.5 s’écrit : −−→ −−→ d2 AB AB = − µ dt2 r3 Solution des équations du mouvement On appelle − σ→ A (B) le moment cinétique de B dans le référentiel centré sur A. On a [Pérez, 2003] : −−→ ! −−→ dAB d− σ→ d A (B) mB AB ∧ = dt dt dt −−→ −−→ −−→ dAB dAB −−→ AB = mB ∧ − mB µ AB ∧ 3 dt dt r d− σ→ → − A (B) ⇐⇒ (2.6) = 0 dt C’est à dire que le moment cinétique de B est conservé au cours du temps en module et en direction. Le mouvement de B dans le référentiel centré sur A a donc lieu dans le plan Axy défini comme étant orthogonal à − σ→ A. La vitesse de B s’écrit, en coordonnées polaires : −− → dAB − v→ = B dt dr − → + r dθ − → u u = r θ dt dt → et − → les vecteurs unitaires du référentiel en coordonnées polaires. Le moment cinétique − avec − u u σ→ r θ A s’écrit donc : − σ→ A −−→ −−→ dAB = mB AB ∧ dt dr − −−→ dθ − → → = mB AB ∧ ur + r uθ dt dt 64 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE soit : − σ→ = A mB r 2 dθ − u→ ϕ dt − → − → avec : − u→ ϕ = ur ∧ uθ . Le moment cinétique étant constant, la grandeur C = r2 dθ dt est constante (on la qualifie encore −−→ d’intégrale première du mouvement), et appelée communément constante des aires. Le vecteur AB tourne donc autour de A à une vitesse angulaire non constante : dθ dt = C r2 On va chercher désormais à trouver une relation entre r et θ. En multipliant l’équation 2.6 par on a : − − → dAB dt , −−→ −−→ d2 AB dAB dt2 dt = −µ −−→ −−→ AB dAB r3 dt qui s’intègre en : 1 2 −−→ !2 dAB µ − dt r = cte = ξ (2.7) ξ représente l’énergie totale du système. On va désormais s’atteler à écrire la vitesse en coordonnées polaires et à l’insérer dans ξ. Comme dt = r2 dθ/C, on a : 2 −−→ ! dAB dr − → + r dθ − → = u u r θ dt dt dt 2 2 dθ dr + r = dt dt ! 2 dr C2 2 = +r dθ r4 L’équation 2.7 s’écrit donc : dr dθ 2 +r 2 ! C2 µ − +ξ 4 2r r = 0 On pose alors : u = µ 1 − 2 r C On obtient donc : ! 2 2 µ du µ −2 C 2 (u + C 2 )4 dr + u+ 2 − µ u+ du dθ C 2 ! 2 µ 2 C 2 du + u+ 2 − µ u+ ⇐⇒ dθ C 2 (2.8) µ + ξ C2 = 0 µ + ξ C2 = 0 65 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE En multipliant l’ensemble par 2 C2 , avec : et en développant le carré, on finit par obtenir : 2 du = α2 − u2 dθ r 2ξ µ2 + 2 C4 C du √ 2 α − u2 = ±θ α = (2.9) L’équation 2.9 s’écrit également : En choisissant conventionnellement le signe −, on voit apparaı̂tre la dérivée de la fonction arccosinus. On l’intègre donc en : u arccos = θ−ω α où ω est la constante d’intégration, appelée argument du périastre (voir la figure 2.2 page 70). En posant : e = p = f = s 1+ 2C 2 ξ µ2 C2 µ θ−ω on retrouve la grandeur r : 1 1 + e cos(f ) = r p (2.10) Cette équation est celle d’un cônique de foyer A, de paramètre p, et d’excentricité e. Le paramètre p s’interprète désormais comme étant la valeur de r pour f = ±π/2. On appelle anomalie vraie le paramètre f . Ce qui nous amène à la Première loi de Kepler : Théorème (Première loi de Kepler) — L’orbite d’un astre dans le problème à deux corps est une ellipse dont le centre des masses des deux corps occupe un des foyers. L’énergie du système est fournie par : ξ = µ2 (e2 − 1) 2C 2 (2.11) On dit que le système est lié s’il est d’énergie strictement négative, c’est à dire si 0 ≤ e ≤ 1. Si e = 0, la trajectoire est circulaire ; si 0 < e < 1, la trajectoire est elliptique. On dit que le système est libre s’il est d’énergie positive, c’est à dire si e ≥ 1. Si e = 1, la trajectoire est parabolique ; si e > 1, la trajectoire est hyperbolique. 66 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE La trajectoire elliptique La trajectoire elliptique est de loin la plus fréquente, non seulement pour les satellites artificiels de la Terre, mais aussi des corps du système solaire (encore que ce n’est peut-être pas vrai pour les comètes et corps situés aux confins du système solaire, dont les orbites sont assez souvent hyperboliques). Nous nous contenterons de l’étude de celle-ci, remettant l’étude des trajectoires non elliptiques à une autre fois... rB rApoastre A r Foyer 2 r Foyer 1 Périastre r 2 b : Petit axe 2 a : Grand axe Figure 2.1 — Caractéristiques de la trajectoire elliptique. L’ellipse est caractérisée, nous l’avons dit, par une excentricité comprise strictement entre 0 et 1. Les points caractéristiques de cette trajectoire sont [Pérez, 2003] : — Le périastre (on parle de périgée si l’astre A est la Terre, de périhélie si c’est le Soleil), tel que B est au plus proche de A, c’est à dire f = 0. On a alors : r = = rmin p 1+e — L’apoastre (resp. apogée, ou aphélie) lorsque B est au plus loin de A, c’est à dire f = π. On a alors : r = = rmax p 1−e Le demi-grand axe a est égal à la demi-somme des distances de A à l’apoastre et au périastre : a Caractéristiques de l’orbite = p 1 − e2 (2.12) Le demi-petit axe vaut : p b = a 1 − e2 67 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE L’énergie ξ se calcule donc : ξ µ2 (e2 − 1) 2C 2 µ2 p − 2 2C a µ − 2a = = = Le module de la vitesse v s’exprime quant à lui : 1 2 µ v − = ξ 2 r s 2 1 − ⇐⇒ v = µ r a (2.13) (2.14) avec µ = G(mA + mB ). La vitesse est maximale au périastre, et minimale à l’apoastre. Pour une trajectoire circulaire, r = a, et la vitesse est la même tout au long de l’orbite et vaut : r µ v = a Soient deux points B1 et B2 infiniment proches sur la trajectoire. L’aire balayée par le rayon vecteur entre B1 et B2 vaut : Or f = θ − ω et dθ dt dS = 1 2 r df 2 dS = 1 C dt 2 = C/r2 , d’où : La surface d’une ellipse étant S = πab, la période de révolution de B autour de A étant T , on a: C = 2 S T ⇐⇒ C = 2π ab T avec : b = C2 p = = p a 1 − e2 pµ a(1 − e2 ) Nous venons donc de montrer la Deuxième loi de Kepler : Théorème (Deuxième loi de Kepler) — Le rayon vecteur joignant l’astre central au corps satellite balaie des surfaces égales en des temps égaux. 68 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Le corollaire de cette loi est que l’astre en orbite ne balaie pas des angles égaux en des temps égaux : df dt = p G(m⊙ + mP ) a(1 − e2 ) r2 Ainsi la vitesse du corps en orbite est d’autant plus élevée que la distance au corps central est petite. Par ailleurs : 4π 2 a2 T2 a3 ⇐⇒ 2 T = = µp b2 µ 4π 2 Il s’agit là de la Troisième loi de Kepler : Théorème (Troisième loi de Kepler) — Le rapport du cube du demi-grand axe avec le carré de la période est constant : a3 G (mA + mB ) = T2 4π 2 (2.15) La figure 2.2 page suivante montre l’espace rapporté à un trièdre direct Axyz. Notons que sur cette figure, l’orbite ne se trouve plus dans le plan Axy. En effet, l’inclinaison i du plan de l’orbite est définie par rapport au plan Axy. C’est dans ce plan que se situe la ligne des nœuds, définie par l’intersection du plan de référence avec le plan orbital. L’inclinaison est mesurée de 0 à 180◦. Si 0 < i ≤ 90◦ , le mouvement est dit direct ; si 90 < i ≤ 180◦ , le mouvement est dit rétrograde. → − Si on note k (N ) le vecteur unitaire pointant vers le nœud ascendant, alors celui-ci est tel que : → − − → v . k (N ) = vz (N ) > 0 c’est-à-dire que B passe du dessous au dessus du plan de référence. Le nœud descendant est tel que → − − → v . k (N ′ ) = vz (N ′ ) < 0 c’est-à-dire que B passe du dessus au dessous du plan de référence. On appelle longitude du nœud ascendant l’angle Ω entre les directions (Ax), appelée point vernal, et (AN ), appelée nœud ascendant, donc mesuré dans le plan Axy. L’angle ω entre les direction (AN ), le nœud ascendant, et (AP ), le périastre, est appelé argument du périastre. Il est mesuré dans le plan de l’orbite. 69 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Po siti on du cor ps en orb it e ~z ~h i Ligne des n œu d ~v r ~r f ω s Nœud descendant r r A nd tio c ire re ast éri p u rD Périastre ~y rNœud ascendant Ω ~x Po in t ve rn a l Apoastre r Figure 2.2 — Caractéristiques du plan orbital képlerien. L’anomalie vraie f repère le corps B sur son orbite à partir du périastre : f = (AP, AB). Nous avons donc cinq éléments géométriques (a, e, i, Ω et ω) définissant la trajectoire, et un définissant la position du mobile sur celle-ci (f ). Les trois premiers sont appelés les éléments métriques, bien que l’inclinaison soit un angle et l’excentricité sans dimension ; tandis que les trois derniers sont appelés éléments angulaires. Les coordonnées cartésiennes sont obtenues directement par les relations suivantes : x = r (cos Ω cos(ω + f ) − sin Ω sin(ω + f ) cos i) y = r (sin Ω cos(ω + f ) + cos Ω sin(ω + f ) cos i) z = r sin(ω + f ) sin i (2.16) Il est un peu plus long d’obtenir les éléments orbitaux par le calcul, mais si on ne le fait pas là, on ne le fera jamais. C’est à ce moment que Yoda dit à Luke (ou que l’auteur de ces lignes dit à son lecteur) : « N’essaie pas, fais-le. Ou ne le fais pas. Mais il n’y a pas d’essai. » 11 Signalons quand même qu’il y a plusieurs façons d’exprimer les éléments orbitaux à partir des éléments cartésiens. Écrivons d’abord le moment cinétique réduit (qui est toujours constant) : − → h = − → → r ∧− v Ce vecteur donne par son module la constante des aires C. Normal au plan de l’orbite, il définit donc celui-ci, et donne le sens du mouvement. 11. Allusion à peine voilée à L’Empire Contre-Attaque, d’Irvin Kershner, avec George Lucas, sorti en 1980. 70 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Nous définissons ensuite le vecteur excentricité : → − − → − → v ∧ h r → − e = − µ r (2.17) La norme de ce vecteur donne l’excentricité de l’orbite ; sa direction et son sens le font pointer vers le périastre. Le demi grand-axe vient facilement de : a = µ → |− v |2 − 2 µr (2.18) → le vecteur unitaire orientant l’axe z, on peut définir le vecteur nodal : En notant − u z → − → →∧− n = − u h z − → non colinéaire avec → Celui-ci n’existe que pour les orbites non équatoriales (c’est-à-dire − u h ). Il z pointe vers le nœud ascendant de l’orbite. La longitude du nœud ascendant est calculée par (avec − u→x le vecteur orientant l’axe Ox, c’est à dire la direction du point vernal) : − → u→x .− n [2π] (2.19) Ω = arccos → |− n| Il faut prendre garde de bien avoir à l’esprit le « modulo 2π ». L’inclinaison i est donnée par : i = arccos → − →.− u z h → − |h| ! (2.20) L’argument du périastre vient à partir de : ω = arccos → −e .− → n [2π] → → |− e ||− n| (2.21) Anomalie excentrique Une difficulté majeure réside dans le positionnement en fonction du temps du corps en orbite, c’est-à-dire dans l’établissement de la loi donnant l’anomalie vraie en fonction du temps. La loi des aires (Deuxième loi de Kepler) fournit [Pérez, 2003] : df dt = = dθ dt C r2 Connaissant la relation entre f et r, on obtient l’équation différentielle : df C − 2 (1 + e cos f )2 dt p = 0 (2.22) dont l’apparence nous effraie quelque peu, puisqu’elle fait intervenir un carré de cosinus de la quantité dérivée... À la Renaissance, lorsque le visage peu délicat de cette équation fut mis au jour, on ne disposait pas de moyens numériques permettant sa résolution, et les mécaniciens du 71 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE ~y ✻ Br ′ a Cercle apsidal rB Trajectoire ✻ b r f ✛ a ✲❄ O✛ H E ~x ✲ A r ✲ ae Figure 2.3 — Anomalies vraie et excentrique. ciel, dans leur infinie bonté, ont eu l’idée d’introduire une nouvelle grandeur à la place de f , l’anomalie excentrique E, comme définie sur la figure 2.3. On voit sur celle-ci que : r cos f = AH =⇒ a cos E = OH r sin f = HB =⇒ a sin E = HB ′ L’équation du cercle des apsides étant : x 2 a + y 2 a = 1 Pour les ordonnées positives, nous avons donc : yaps = Or l’équation de l’ellipse est : x 2 + yell = a p a2 − x2 y 2 b = 1 Pour les ordonnées positives, nous avons donc : bp 2 a − x2 a Pour une abscisse x donnée nous avons donc : yell yaps b a p = 1 − e2 = 72 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE En particulier au point H : HB HB ′ p 1 − e2 = Si bien que : r cos f = r sin f = a cos E − ae p a 1 − e2 sin E La somme des carrés de ces expressions donne donc : r = a(1 − e cos E) puis : cos f sin f cos E − e 1 − e cos E p sin E 1 − e2 = 1 − e cos E = Un dernier effort de calcul fournit : f = tan2 2 = 1+e 1 − cos E 1−e 1 + cos E 1+e E tan2 1−e 2 d’où l’on tire la relation entre anomalies vraie et excentrique : r 1+e f E tan = tan 2 1−e 2 (2.23) L’anomalie excentrique fait donc office d’intermédiaire de calcul. Anomalie moyenne Ici nous allons noter : — A l’aire des triangles ; — E l’aire des secteurs elliptiques ; — C l’aire des secteurs circulaires. Un raisonnement semblable à celui conduisant aux résultants précédents permet de trouver le rapport des aires des secteurs : AP B et AP B ′ [Pérez, 2003] : E(AP B) C(AP B ′ ) = = b a p 1 − e2 En notant τ l’instant de passage au périsatre, on a : Z t E(AP B) = dS τ Z t 1 Cdt = 2 τ C = (t − τ ) 2 73 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE √ En utilisant la Troisième loi de Kepler ainsi que le fait que b = a 1 − e2 on a : E(AP B) 1 2p 2π a 1 − e2 × (t − τ ) 2 T = On définit alors l’anomalie moyenne : M 2π (t − τ ) T ∝ t = (2.24) L’anomalie moyenne a ainsi, par définition, cette qualité d’évoluer linéairement avec le temps, et d’être, par conséquent, simple à calculer. L’utilisation de ces deux dernières équations permet d’exprimer C(AP B ′ ) : C(AP B ′ ) = 1 2 a M 2 (2.25) Nous constatons alors que : C(AP B ′ ) = C(OP B ′ ) − A(OAB ′ ) Or : C(OP B ′ ) = A(OAB ′ ) = = E 2 πa 2π 1 −→ −−→′ OA ∧ OB 2 1 ae a sin E 2 Si bien que : C(AP B ′ ) = 1 2 a (E − e sin E) 2 (2.26) En couplant les équations 2.25 et 2.26, nous franchissons le Rubicon et obtenons l’équation de Képler : E − e sin E = M (2.27) 2π (t − τ ) T = n(t − τ ) = en utilisant le moyen mouvement n = 2π/T . Cette équation relie l’anomalie moyenne M à l’anomalie excentrique E, donc E au temps t. Comme f est reliée à E par la relation 2.23, on a f (t). Cette équation ne trouve de solution que numériquement, et l’outil informatique nous est bien utile pour l’obtenir. Éléments orbitaux des cas quelconques La résolution du problème nécessite donc de con. . . naı̂tre les conditions du mouvement à l’instant t = 0 : x0 , y0 , z0 , x0 , y0 , z 0 , que l’on peut exprimer facilement en fonction des éléments orbitaux (a, e, i, Ω, ω, M ou f ). Par ailleurs on trouve encore souvent la longitude vraie : L = Ω+ω+f (2.28) 74 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE ou la longitude moyenne : λ = Ω+ω+M (2.29) ainsi que la longitude du périastre : ω̃ = Ω+ω (2.30) qui est aussi parfois notée ̟. Les éléments orbitaux peuvent être exprimés en fonction du temps sous la forme d’un polynôme. De façon générale, on appelle longitude un angle mesuré dans le plan de référence et anomalie ou argument un angle mesuré dans le plan de l’orbite. Éléments orbitaux des cas singuliers Faible excentricité Dans le cas d’une orbite circulaire ou presque circulaire, le périastre soit n’est pas défini, soit l’est avec beaucoup d’imprécision. Le paramètre ω perd donc de son sens, et une légère perturbation orbitale, si elle modifie peut la forme générale de l’orbite, modifie en revanche profondément la valeur de ω. Or si l’orbite subit de faibles modifications, on souhaiterait que les paramètres orbitaux en fassent de même, ce qui n’est pas assuré avec les éléments traditionnels. On utilise alors le jeu de paramètres [Zarrouati, 1987] : (a, ex , ey , i, Ω, α) tels que : ex ey = e cos ω = e sin ω α = ω+M En considérant comme axe origine du plan de l’orbite l’axe (Corps attractif – nœud ascendant), → le vecteur − e appartient au plan de l’orbite et a pour composantes ex et ey ; il est orienté vers → le périastre. Le module du vecteur − e est très petit, et peut varier de façon peu importante en absolu, mais avoir une variation relative élevée et se traduire par une variation de l’orientation très importante, ce qui est symptomatique de la mauvaise définition du périastre. En faisant intervenir α, on ne fait plus référence au périastre pour positionner le corps en orbite. Cette grandeur est proche de l’écart angulaire entre le nœud ascendant et la position du corps en orbite, ce qui est plus pratique pour une orbite circulaire. Faible inclinaison Dans le cas d’une inclinaison (angle entre le plan de l’orbite et le plan de référence), l’axe des nœuds (intersection entre le plan de l’orbite et le plan de référence) n’est pas bien défini. C’est ainsi le cas pour le paramètre Ω (longitude du nœud ascendant). On modifie donc le jeu de coordonnées utilisé par [Zarrouati, 1987] : (a, e, ω̃, hx , hy , M ou f ) tels que : ω̃ hx hy = ω+Ω i = 2 sin cos Ω 2 i = 2 sin sin Ω 2 75 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Les paramètres hx et hy sont les coordonnées, dans le plan de référence Oxy du vecteur rotation → − du plan de l’orbite par rapport au plan de référence. Là encore, le module de h est petit, et connaı̂t de faibles variations absolues, mais relativement élevées, entraı̂nant d’importantes modifications d’orientations, significatives de la perte de sens de la notion de ligne des nœuds. ω̃ intervient donc ici, comme α dans le cas d’une orbite faiblement excentrique pour la position du corps orbitant, pour positionner la direction du périastre. Faibles excentricité et inclinaison Ce cas se présente pour les satellites en orbite géostationnaire, située sur l’équateur (faible inclinaison), et circulaire (faible excentricité), ou les planètes du système solaire (hormis Pluton mais, comme chacun le sait, Pluton n’est plus considéré comme → − → une planète !). La forme et l’orientation de l’orbite sont données par les vecteurs − e et h . − → e est le vecteur excentricité, appartenant au plan de l’orbite, dirigé vers le périastre, et dont le module est l’excentricité de l’orbite. − → h est le vecteur d’orientation de l’orbite par rapport au plan de référence Oxy, appartenant au plan de l’orbite et au plan de référence, dirigé suivant l’axe de rotation de rotation du premier par rapport au second, et dont le module est l’angle de rotation. Ceci nous amène à choisir le jeu de paramètres [Zarrouati, 1987] : (a, e˜x , e˜y , hx , hy , λ) tels que : e˜x = e cos ω̃ e˜y = e cos(ω + Ω) = e sin ω̃ hx hy λ = e sin(ω + Ω) i = 2 sin cos Ω 2 i = 2 sin sin Ω 2 = ω̃ + M = ω+Ω+M L’angle λ (longitude moyenne) repère la position du corps orbitant sur l’orbite à partir de l’axe → O− x du repère galiléen. 2.2.2 Le problème à deux corps perturbé Le problème à deux corps vu précédemment est un cas simple et académique, mais il ne peut suffire à une description précise de la réalité, car en pratique, un des deux corps (ou les deux) n’est pas parfaitement sphérique, ou il existe un champ perturbateur, etc. Le champ gravitationnel ne peut alors être considéré comme képlérien, si ce n’est en première approximation. Évitez de vous moquer de ce problème, car le genre humain a vécu pendant des dizaines de siècles sans lui, certes sans s’en plus mal porter, mais au prix, par exemple, d’une peur des comètes considérées comme annonciatrices de grands malheurs... Ainsi, quittant les chemins incertains de l’irrationnel au profit des itinéraires plus exigeants mais plus sûrs de l’examen rationnel et matériel des phénomènes naturels, une façon d’aborder le problème est de considérer que le mouvement képlérien comme le mouvement de base sur lequel se greffe une perturbation. Dans le cas de l’ellipse, les éléments orbitaux ne sont plus constants, et 76 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE varient avec le temps. À chaque instant, on peut définir l’orbite osculatrice de la trajectoire réelle, qui est l’orbite dont les paramètres sont ceux de l’instant donné. Les éléments orbitaux subissent deux types de variations : périodiques (autour de la valeur d’équilibre), et séculaires (ils s’écartent lentement mais sûrement de la valeur non perturbée). Notion de force perturbatrice Comme la partie précédente nous l’a montré, les équations du mouvement d’un corps M − → − → soumis à une force centrale newtonienne s’écrivent, dans le repère (O, − u→ x , uy , uz ) du centre de force [Pérez, 2003] : .. x ≡ d2 x dt2 x r3 2 d y dt2 y −µ 3 r d2 z dt2 z −µ 3 r = −µ .. y ≡ = .. z ≡ = avec r= p x2 + y 2 + z 2 Ces équations forment un système différentiel non linéaire du second ordre. Ce système est cependant déterministe, et les coordonnées de M sont univoquement déterminées en fonction du temps par des relations du type : . . . . . . x y = = x(x0 , y0 , z0 , x0 , y 0 , z 0 ; t) . . . y(x0 , y0 , z0 , x0 , y 0 , z 0 ; t) z = z(x0 , y0 , z0 , x0 , y 0 , z 0 ; t) où les x0 et ẋ0 (etc.) sont les conditions initiales. De façon plus générale on a toujours : x = y z = = x({Ci } ; t) y({Ci } ; t) z({Ci } ; t) avec 1≤i≤6 . . . où les {Ci } représentent un ensemble de six constantes issues de {x0 , y0 , z0 , x0 , y 0 , z 0 }. On peut prendre par exemple {Ci } = {a, e, i, ω, Ω, τ }. Nous nous situons désormais non plus dans un cas képlerien, mais dans un cas voisin : un troisième corps lointain ou peu massif est pris en compte, le corps source de champs n’est pas sphérique, etc. Nous supposerons alors que les équations du mouvement, et donc les trajectoires, 77 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE vont être perturbées. On peut supposer que les équations prennent la forme : .. x ≡ = .. y ≡ = .. z ≡ = d2 x dt2 x . . . + X(x, y, z, x, y, z ; t) r3 d2 y dt2 y . . . −µ 3 + Y (x, y, z, x, y, z ; t) r d2 z dt2 z . . . −µ 3 + Z(x, y, z, x, y, z ; t) r −µ Les termes X, Y et Z s’interprètent comme les composantes de la force perturbatrice sur les équations du mouvement, traduisant la perturbation physique du système étudié, fonction de la position, de la vitesse et du temps. On peut raisonnablement supposer que si celle-ci est faible, la trajectoire issue de ces équations sera peu éloignée de celle du problème képlérien. C’est dans cette optique que Joseph-Louis Lagrange (1736 – 1813) fonda la mécanique analytique, ce qui, outre une dépression, lui valut de passer la Révolution sous les honneurs, d’être couvert de gloire sous l’Empire et de reposer depuis au Panthéon. Équations planétaires de Lagrange Variation des constantes Cherchant à résoudre un problème perturbé, nous devons chercher six fonctions Ci (t) telles que [Pérez, 2003] : x = x({Ci } ; t) ; y = y({Ci } ; t) ; z = z({Ci } ; t) En dérivant par rapport au temps, nous avons donc : . x ≡ dx dt 6 = . y ≡ ∂x X ∂x dCi + ∂t ∂Ci dt i=1 dy dt 6 = . z ≡ ∂y X ∂y dCi + ∂t i=1 ∂Ci dt dz dt 6 = ∂z X ∂z dCi + ∂t i=1 ∂Ci dt Ayant trois inconnues x, y et z, que nous avons remplacées par six nouvelles (les Ci ), nous sommes autorisés à introduire trois contraintes indépendantes sur ces six fonctions sans nuire à la généralité de l’étude. Nous imposons donc : 6 X ∂x dCi =0 ∂Ci dt i=1 ; 6 X ∂y dCi =0 ∂Ci dt i=1 ; 6 X ∂z dCi =0 ∂Ci dt i=1 78 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Il ne nous reste plus que : . x= ∂x ∂t . ; y= ∂y ∂t ∂z ∂t . ; z= Or les équations de la relation fondamentale de la dynamique font intervenir les dérivées temporelles secondes, donc : d ∂x d . .. x ≡ (x) = dt dt ∂t ! 6 X . ∂ ∂ ∂x = Ci + ∂t i=1 ∂Ci ∂t . 6 ∂2x X . ∂x Ci + ∂t2 ∂Ci i=1 = équation à laquelle nous ne manquerons pas d’associer les deux autres appliquées à y et z. Les équations perturbées 2.31 s’écrivent donc : . 6 ∂2x X . ∂x Ci + dt2 ∂Ci i=1 = −µ x +X r3 = −µ y +Y r3 = −µ z +Z r3 . 6 ∂2y X . ∂y Ci + dt2 ∂Ci i=1 . 6 ∂2z X . ∂z Ci + dt2 ∂Ci i=1 Or en l’absence de perturbations nous avons : d2 x ∂2x = 2 2 dt dt ∂2y d2 y = 2 dt2 dt ∂ 2z d2 z = 2 dt2 dt x r3 y = −µ 3 r z = −µ 3 r = −µ Nous nous permettons donc d’identifier membre à membre et nous obtenons : 6 X . Ci i=1 . ∂x =X ∂Ci Crochets de Poisson ; 6 X i=1 . Ci . ∂y =Y ∂Ci ; 6 X i=1 . Ci . ∂z =Z ∂Ci Le système à résoudre se résume donc à [Pérez, 2003] : 6 X ∂x = 0 Ci ∂C i i=1 6 X . . Ci i=1 6 X i=1 . Ci ∂y = 0 ∂Ci ∂z = 0 ∂Ci 6 X . ∂x Ci = X ∂C i i=1 6 X . ∂y = Y ∂Ci . ∂z = Z ∂Ci i=1 6 X i=1 . . Ci Ci . 79 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Quel que soit j fixé (de même nature que i, c’est à dire dénotant une des fonctions à déterminer), ces équations se réécrivent : − − − 6 X i=1 6 X . Ci . Ci i=1 6 X i=1 . Ci . 6 X ∂x ∂ x = 0 ∂Ci ∂Cj i=1 6 X . ∂y ∂ y = 0 ∂Ci ∂Cj . . ∂ x ∂x ∂x = X ∂Ci ∂Cj ∂Cj . ∂ y ∂y ∂y = Y ∂Ci ∂Cj ∂Cj . ∂ z ∂z ∂z = Z ∂Ci ∂Cj ∂Cj Ci Ci i=1 . 6 X ∂z ∂ z = 0 ∂Ci ∂Cj i=1 Ci . . En sommant membre à membre ces six équations nous obtenons : 6 X . Ci [Cj , Ci ] = X i=1 ∂y ∂z ∂x +Y +Z ∂Cj ∂Cj ∂Cj où l’on définit les crochets de Poisson 12 par : . . . . . . ∂x ∂ x ∂ x ∂x ∂ y ∂y ∂ z ∂z ∂y ∂ y ∂z ∂ z − − − [Cj , Ci ] = + + ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci (2.31) Nous faisons ensuite l’hypothèse que la perturbation est une force dérivant d’un potentiel R, c’est-à-dire qu’elle est conservative, donc, par exemple, d’origine gravitationnelle : (X, Y, Z)T −−→ = grad R (2.32) Or la fonction perturbatrice est telle que : ∂R ∂Cj = ∂R ∂x ∂R ∂y ∂R ∂z + + ∂x ∂Cj ∂y ∂Cj ∂z ∂Cj L’équation 2.31 se transforme donc en : 6 X i=1 . Ci [Cj , Ci ] = ∂R ∂Cj (2.33) Si on connaı̂t toutes les fonctions Jij = [Cj , Ci ] ∀i, j = 1, ..., 6, le problème a la gentillesse de se simplifier. En effet il est facile de montrer que ces fonctions ne sont en fait que des constantes du mouvement : . . . . ∂ x ∂x ∂ y ∂y ∂y ∂ y ∂x ∂ x + − − Jij ≡ ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci . . ∂ z ∂z ∂z ∂ z − + ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci ∂x ∂y ∂z ∂x ∂y ∂z ∂C. j ∂C. i ∂C.j ∂C. i ∂C.j ∂C. i = + + ∂x ∂y ∂z ∂x ∂y ∂z ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci . . . ∂(y, y) ∂(z, z) ∂(x, x) + + = ∂(Cj , Ci ) ∂(Cj , Ci ) ∂(Cj , Ci ) = J x + Jy + J z 12. Siméon Denis Poisson (1781 – 1840). 80 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE D’où : ∂Jij ∂t ∂Jx ∂Jy ∂Jz + + ∂t ∂t ∂t = Le premier terme s’écrit : . . ∂Jx ∂x ∂ x ∂ x ∂x ∂ − = ∂t ∂t ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci . . . . ∂x ∂ ∂x ∂ ∂x ∂ ∂ ∂x ∂x ∂x ∂ x ∂x + = − − ∂Cj ∂t ∂Ci ∂Cj ∂Ci ∂t ∂Ci ∂t ∂Cj ∂Cj ∂t ∂Ci | {z } | {z } | {z } | {z } . 2 id. id. = dx = ∂∂t2x =x′′ dt =x (voir 2.31) Nous avons donc : ∂Jx ∂t ∂x′′ ∂x ∂x′′ ∂x − ∂Ci ∂Cj ∂Cj ∂Ci = après avoir osé poser : x′′ = ∂2x ∂t2 Or nous nous rappelons avoir déjà vu que : x′′ = −µ = x r3 ∂V ∂x avec V = µ/r l’énergie potentielle. Si bien que : ∂Jx ∂t = ∂ 2 V ∂x ∂ 2 V ∂x − ∂Ci ∂x ∂Cj ∂Cj ∂x ∂Ci (2.34) En introduisant la notation, pour k = 1, 2, 3 : VC′ k ≡ ∂V ∂Ck nous obtenons : ∂Jx ∂t = ′ ∂x ∂VC′ i ∂x ∂VCj − ∂Cj ∂x ∂Ci ∂x Des raisonnements semblables permettent l’obtention des dérivées temporelles de Jy et Jz . Ce qui finit par nous donner : ! ′ ′ ′ ′ ′ ′ ∂x ∂CCj ∂y ∂CC ∂z ∂CC ∂y ∂CCj ∂z ∂CCj ∂x ∂CC ∂Jij i i i − = + + + + ∂t ∂Cj ∂x ∂Cj ∂y ∂Cj ∂z ∂Ci ∂x ∂Ci ∂y ∂Ci ∂z Or le potentiel V n’a pour dépendance que les variables x, y et z : V = V (x, y, z). Finalement nous avons donc : ∂VC′ j ∂VC′ i ∂Jij − = ∂t ∂Cj ∂Ci 2 ∂ V ∂2V = − ∂Cj ∂Ci ∂Ci ∂Cj = 0 Ce qui nous conduit bien naturellement à énoncer le théorème de Lagrange-Poisson : 81 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Théorème (Lagrange-Poisson) — La valeur du crochet de Poisson Jij se conserve au cours du temps. Équations planétaires L’équation 2.33 nous dit que nous allons avoir 36 crochets de Poisson à calculer (car i et j vont de 1 à 6), pour nous donner ce qui s’appelle les équations planétaires de Lagrange. Nous choisissons les éléments osculateurs suivants [Pérez, 2003] : {Ci }i=1,...,6 = {a, e, τ, Ω, ω, i} Nous allons calculer à titre d’exemple les crochets faisant intervenir les trois premiers éléments de cette famille, en utilisant le désormais bien connu théorème de Lagrange-Poisson. Nous commençons notre aventure par un changement de variable : ξ = r cos f η = r sin f Pour tout i 6= j = 1, 2, 3 cela nous permet d’avoir : . [Ci , Cj ] = ≡ . ∂ξ ∂ ξ ∂ ξ ∂ξ − ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci . . ∂ ξ, ξ ∂ η, η + ∂(Ci , Cj ) ∂(Ci , Cj ) ! + . . ∂ η ∂η ∂η ∂ η − ∂Cj ∂Ci ∂Cj ∂Ci (2.35) Lorsque t est proche de τ , instant de passage au périastre, l’anomalie excentrique E est très petite, et un bon vieux développement limité très simple nous dit : sin E ≈ E − 61 E 3 , si bien que l’équation de Képler au premier ordre devient : sin E avec n = ≈ E n(t − τ ) ≈ 1−e 2π = T r µ a3 le moyen mouvement. Comme sin E ≪ 1, une nouvelle linéarisation nous donne : cos E ≈ 1− 1 n2 (t − τ )2 2 (1 − e)2 Toutefois, n’ayant pas pu oublier les relations 2.23, nous voilà contraints d’obtenir : ξ = = η = = On obtient alors : ξ = η = r cos f a cos E − ae r sin f a sin E p 1 − e2 n2 (t − τ )2 q 1−e− 2(1 − e)2 r 1+e na (t − τ ) 1−e 82 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE expressions qui, dérivées par rapport au temps, nous font le plaisir de prendre la forme suivante : . ξ an2 (t − τ ) (1 − e)2 r 1+e na 1−e = . η − = Or les expressions de sin E et cos E sont exactes pour le passage au périastre (t = τ ). Donc : .! ∂ξ ∂ξ = 0 =1−e ; . ∂a t=τ ∂a ∂(ξ, ξ) t=τ =0 .! ∂(a, e) ∂ξ ∂ξ = 0 = −a ; ∂e ∂e t=τ t=τ ainsi que : ∂η ∂a ∂η ∂e = 0 ; ; t=τ t=τ = 0 . ∂η ∂a =n t=τ r 1+e 1−e √ . ∂η na 1 + e = ∂e t=τ (1 − e)3/2 . ∂(η, η) ∂(a, e) =0 En utilisant la relation 2.35 nous voilà bien forcés de constater que : [a, e] = 0 (2.36) Le théorème de Lagrange-Poisson étant ce qu’il est, ce résultat est étendu à n’importe quel instant t. De la même façon nous pourrions en quelques coups de crayon montrer que seuls 12 parmi les 36 crochets de Poisson ne sont pas nuls (et constants, rappelons-le). Les heureux élus sont les suivants, ainsi que leurs opposés : L13 ≡ [a, τ ] = L14 ≡ [a, Ω] = L15 ≡ [a, ω] = L24 ≡ [e, Ω] = L25 ≡ [e, ω] = L46 ≡ [Ω, i] = Si bien que le système 2.33 est réduit à : n2 a 2 √ na cos i 1 − e2 − √ 2 na 1 − e2 − 2 na2 e cos i √ 1 − e2 na2 e √ 1 − e2 p na2 sin i 1 − e2 − → . L.Ct = −→ RC où nous avons : L = antisym(Lij )1≤i≤6 ; 1≤j≤6 matrice antisymétrique regroupant les Lij . . . . . . T − → . Ct = a, e, τ , Ω, ω, i T ∂R ∂R ∂R ∂R ∂R ∂R −→ , , , , , RC = ∂a ∂e ∂τ ∂Ω ∂ω ∂i 83 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE −→ R étant toujours le potentiel perturbateur, et RC le vecteur des variations de R avec chacun des paramètres adoptés. Matriciellement, le système ci-dessus s’écrit : 0 0 −L13 −L14 −L15 0 0 0 0 −L24 −L25 0 L13 0 0 0 0 0 L14 L24 0 0 0 −L46 L15 L25 0 0 0 0 0 0 0 L46 0 0 ȧ ė τ̇ Ω̇ ω̇ i̇ = ∂R ∂a ∂R ∂e ∂R ∂τ ∂R ∂Ω ∂R ∂ω ∂R ∂i − → . Ce sont donc les éléments de Ct qui nous intéressent. En inversant la matrice L on obtient les équations planétaires de Lagrange, qui décrivent le comportement des éléments orbitaux en fonction du potentiel perturbateur, ce qui n’est pas sans intérêt : = − de dt = di dt dΩ dt = = dω dt = dτ dt = ∂R ∂τ ! √ 2 ∂R 1−e 1 − e2 ∂R − − n2 a2 e ∂τ n2 ae ∂ω ∂R ∂R cot i 1 √ √ − 2 2 2 2 ∂ω na 1 − e sin i na 1 − e sin i ∂Ω ∂R 1 √ 2 2 na 1 − e sin i ∂i ! √ ∂R 1 − e2 ∂R cot i √ − na2 e ∂e na2 1 − e2 ∂i ∂R 2 1 − e2 ∂R + n2 a ∂a n2 a2 e ∂e da dt 2 n2 a (2.37) (2.38) (2.39) (2.40) (2.41) (2.42) Il faut noter qu’on peut trouver dans la littérature ces équations avec un autre paramètre que l’instant de passage au périastre τ , à savoir l’anomalie moyenne : M = n(t − τ ), où n est le moyen mouvement : n = 2π/T , modifiant 3 des équations : da dt de dt dM dt = = = 2 ∂R na√∂M 1 − e2 ∂R 1 − e2 ∂R − + na2 e ∂ω na2 e ∂M 2 ∂R 1 − e2 ∂R − − +n na ∂a na2 e ∂e (2.43) (2.44) (2.45) Ces équations sont non linéaires. Si le potentiel perturbateur est nul ou uniforme et ne varie avec aucun paramètre, on retrouve des paramètres orbitaux constants avec le temps, c’est-à-dire la solution képlerienne. Dérivée partielle du potentiel par rapport aux éléments Comme nous venons de la voir, les équations de Lagrange donnent la dérivée temporelle des éléments orbitaux en fonction des dérivées partielles du potentiel par rapport aux éléments. Nous devons donc considérer la fonction perturbatrice R = R(t, a, e, i, Ω, ω, τ ). Notant ei l’élément orbital i, nous pouvons écrire : 84 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE ∂R ∂ei = = 3 X ∂R ∂rj ∂r j ∂ei i=1 3 X Fj i=1 (2.46) ∂rj ∂ei (2.47) où l’indice j dénote la j e composante d’un vecteur. On voit que si on peut écrire les dérivées partielles du vecteur position par rapport aux éléments orbitaux, alors on a accès à la dérivée partielle du potentiel par rapport au même élément orbital. Ainsi on peut montrer que : ∂R ∂a ∂R ∂e ∂R ∂i ∂R ∂ω ∂R ∂Ω ∂R ∂M = r Q a (2.48) = a −Q cos f + S 1 + = rW sin(f + ω) (2.50) = rS (2.51) = rS cos i − rW sin i cos(f + ω) a(1 − e2 ) a √ eQ sin f + S r 1 − e2 (2.52) = r a(1 − e2 ) sin f (2.49) (2.53) où QSW est le repère local tel que l’origine de ce repère est le centre de masse du corps en orbite ; son orientation est définie comme suit : → — l’axe unitaire − q est dirigé du foyer de l’orbite vers le corps en orbite ; → — l’axe unitaire − w est dirigé selon le moment cinétique de l’orbite osculatrice ; → → → → — l’axe − s est dirigé pour que le trièdre (− q ,− s ,− w ) soit orthonormé direct. Éléments de Delaunay Le point de vue analytique du mouvement va amener la mécanique à une révolution. Les éléments osculateurs « traditionnels » conduisent à des variables simples conceptuellement, mais à des équations complexes. C’est en cherchant à obtenir l’inverse que Lagrange travaille à la mécanique analytique. En faisant l’hypothèse que l’ensemble {Ci } est décomposable en deux séries distinctes d’éléments [Pérez, 2003] : {Ci } = = = {C1 , C2 , C3 , C4 , C5 , C6 } {α1 , α2 , α3 , β1 , β2 , β3 } {{αl }, {βl }} avec 1≤l≤3 tels que : [αl , αm ] = [βl , βm ] = 0 [αl , βm ] = δlm ( 0 = 1 si l = 6 m si l = m 85 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Les éléments α et β sont appelés éléments conjugués. L’équation 2.33 prend alors une forme dite forme canonique : dαl ∂R = − dt ∂β l = [αl , R] avec 1 ≤ l ≤ 3 (2.54) dβ ∂R l = + ∂αl dt = [βl , R] Les éléments vérifiant les conditions ci-dessus sont les suivants, et ils ont été découverts par CharlesEugène Delaunay (1816 – 1872) : α1 α2 α3 µ 2a = −ξ p µa(1 − e2 ) = = = C p µa(1 − e2 ) cos i = β1 = C cos i = τ β2 β3 = ω = Ω Les équations planétaires que l’on obtient avec ces nouveaux paramètres ne diffèrent de celles contenant les éléments « habituels » que par un changement de variable. La simplicité et la symétrie présentes dans le système 2.54 ouvrent la voie à des travaux plus généraux, et au droit de parler de choses très sérieuses telles que le principe de moindre action, les formalismes lagrangien et hamiltonien, le théorème de Noether 13 , etc., mais aussi à de nombreuses applications, comme la théorie de la Lune, le problème à trois corps, l’étude des phénomènes chaotiques en mécanique céleste, etc.. 2.2.3 L’orbite terrestre Le plan de l’orbite terrestre est appelé écliptique, et forme le plan de référence de l’étude du mouvement des corps du système solaire, y compris la Terre. Les éléments orbitaux moyens des planètes, c’est-à-dire séculaires et ne tenant pas compte des variations périodiques, peuvent être décrits sous la forme de polynômes, et être référés à l’écliptique et à l’équinoxe moyens de l’époque de référence ou de la date. Dans ce dernier cas par exemple, [Simon et al., 1994] donne les expressions suivantes pour la Terre, issues de la théorie VSOP87 : a λ e ω̃ = 1, 0000010178 U A = cte = 100, 46645683◦ + 1296027711, 03429′′ t + 109, 15809′′ t2 + 0, 07207′′ t3 − 0, 23530′′ t4 −0, 00180′′ t5 + 0, 00020′′ t6 = 0, 0167086342 − 0, 0004203654 t − 0, 0000126734 t2 + 1444 10−10 t3 − 2 10−10 t4 + 3 10−10 t5 = 102, 93734808◦ + 61900, 55290′′ t + 164, 47797′′ t2 − 0, 06365′′ t3 − 0, 12090′′ t4 +0, 00298 t5 + 0, 00020 t6 13. Amalie Emmy Noether (1882 – 1935). 86 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE k = e cos ω̃ = −0, 0037408165 − 0, 0047928949 t + 0, 0002812540 t2 + 0, 0000740171 t3 − 26974 10−10 t4 −3810 10−10 t5 + 86 10−10 t6 h = = Ω = i = e sin ω̃ 0, 0162844766 − 0, 0015323228 t − 0, 0007203925 t2 + 0, 0000324712 t3 + 58589 10−10 t4 −1719 10−10 t5 − 213 10−10 t6 0 par définition 0 par définition où t est en millénaires juliens exprimés depuis l’époque J2000.0 (jour julien 2451545,0) dans l’échelle du temps dynamique barycentrique (voir page 170). 2.3 Le problème de la Lune La Lune joue un rôle fondamental sur les mouvements de la Terre. Son mouvement n’est toutefois qu’approximativement képlérien (de demi-grand axe a = 384 400 km, d’excentricité e = 0, 055 5, d’inclinaison i = 5, 16◦ ), et subit, de fait de sa faible masse, des perturbations, en − → − → premier lieu du Soleil, mais aussi de l’aplatissement de la Terre. Nous notons (O, − u→ x , uy , uz ) un repère tridimensionnel direct de l’espace, centré sur le centre de masses de la Terre. 2.3.1 Influence du Soleil Lorsqu’on ne considère que l’influence du Soleil, on considère qu’il s’agit du problème principal du mouvement de la Lune. La relation fondamentale de la dynamique, dans le cadre d’un problème à trois corps, pour la Lune est [Pérez, 2003] : −→ −→ −→ ! −→ −→ OS OS − OL OL d2 OL = −G(m⊕ + m$ ) −→ + Gm⊙ −→ −→ − −→ (2.55) 2 dt |OL|3 |OS − OL|3 |OS|3 où O est le centre de la Terre, S celui du Soleil, L celui de la Lune. En considérant que l’influence du Soleil est une perturbation du mouvement képlérien dû à la Terre, nous pouvons réécrire : −→ −→ −−→ OL d2 OL → (R) = −G(m + m ) + grad − ⊕ $ − → 2 OL dt |OL|3 avec R le potentiel perturbateur : R = Gm⊙ −→ −→ ! OS.OL −→ −→ − −→ 3 |OS − OL| |OS| 1 Par soucis d’allègement des notations, nous allons noter : −→ OL = r −→ OS = s −→ −→ −→ OS − OL = LS = ρ −→ −→ (OS; OL) = ψ Nous pouvons donc écrire la fonction perturbatrice comme : s.r Gm⊙ s − R = s ρ |s|2 (2.56) −→ |OL| = r −→ |OS| = s −→ |LS| = ρ (2.57) 87 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Nous avons besoin de développer la grandeur : |r − s| = = = ρ p r2 + s2 − 2 rs cos ψ r r r2 s 1 − 2 cos ψ + 2 s s Or la distance Terre – Soleil, notée s, est de l’ordre de 391 fois la distance Terre – Lune, notée r. On a donc r ≪ s. En utilisant le développement limité de (1 + x)n pour x petit et, ici, n = −1/2, on obtient : (1 + x)−1/2 = 1− 1 3 5 3 35 4 x + x2 − x + x + o(x4 ) 2 8 16 128 Nous posons ici que : x = r r2 − 2 cos ψ s2 s Si bien qu’après quelques développements, nous obtenons : s ρ = 1+ r 1 r 3 1 r 2 3 cos2 ψ − 1 + 5 cos3 ψ − 3 cos ψ 2 s 2 s r 4 3 + 35 cos4 ψ − 30 cos2 ψ + o s cos ψ + s 1 r 4 + 8 s La fonction perturbatrice prend désormais la forme : s.r Gm⊙ s − 2 R = s ρ |s| Gm⊙ r 1 q = − cos ψ 2 s s 1 − 2 rs cos ψ + rs2 Gm⊙ 1 r 2 2 ≈ 1+ 3 cos ψ − 1 s 2 s Le petit jeu consiste maintenant à exprimer les grandeur r, s et ψ en fonction des éléments osculateurs de la Lune autour de la Terre (a$ , e$ , i$ , Ω$ , ω$ , τ$ ) et du Soleil autour de la Terre (puisque celle-ci est le centre de notre repère) (a⊙ , e⊙ , i⊙ , Ω⊙ , ω⊙ , τ⊙ ), de façon à aboutir à la formulation de Delaunay. On aboutit alors à une décomposition de la fonction perturbatrice en deux termes : un terme périodique noté R̃ et un terme séculaire noté R. Le premier est de moyenne nulle dans le temps car il fait intervenir les éléments osculateurs via des fonction trigonométriques, et ne modifie pas l’orbite sur le long terme ; le second en revanche représente, par définition, une évolution de la fonction perturbatrice à travers un développement polynômial en fonction des éléments osculateurs, dont la moyenne dans le temps n’est pas nulle. La partie séculaire de la fonction perturbatrice s’écrit 14 : R = G (m⊙ + m⊕ ) a2$ 4 a3⊙ 3 2 2 1+ e − i$ 2 $ (2.58) La partie séculaire R de la fonction perturbatrice ne dépend pas de Ω$ , ω$ ni de τ$ . Les équations planétaires de Lagrange nous disent donc que les variations séculaires du demi-grand axe, de 14. La différence e2$ − i2$ peut surprendre car ces grandeurs ne sont pas de la même dimension ; elle provient d’un développement limité sur i. 88 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE l’excentricité et de l’inclinaison de la Lune sont donc nulles : da$ dt de$ dt di$ dt = 0 = 0 (2.59) = 0 Ceci n’interdit pas, bien sûr, des variations périodiques de ces éléments. En revanche, la longitude du nœud ascendant et l’argument du périgée ont une variation séculaire non-nulle : dΩ$ 1 ∂R q = dt n$ a2$ 1 − e2$ sin i$ ∂i$ = − dω $ dt = = avec : n$ = i$ 1 3 G (m⊙ + m⊕ ) q 2 4 a3⊙ n$ sin i$ 1 − e$ q 1 − e2$ cot i$ ∂R ∂R − q 2 2 n$ a2$ e$ ∂e$ n$ a$ 1 − e$ ∂i$ 1 3 G (m⊙ + m⊕ ) q 1 − e2$ + i$ cot i$ 3 4 a⊙ n$ 1 − e2$ s G m⊕ + m$ a3$ (2.60) (2.61) (2.62) On voit donc que ces deux éléments orbitaux ont des évolutions séculaires linéaires pouvant s’écrire : Ω$ (t) = ω$ (t) = αt + β γt + δ Les valeurs numériques des taux de variations exprimés ci-dessus sont les suivantes : α = γ = 2.3.2 −198, 5′′/j 395, 4′′/j Influence de l’aplatissement terrestre Le développement du potentiel de gravité terrestre −→ −−→ Soit OL le vecteur position du point L de masse m$ . Soit OM le vecteur position d’un élément de masse dm′ au sein de la Terre. Celle-ci, de volume V , a pour masse [Pérez, 2003] : Z dm′ m⊕ = −−→ OM ∈V −→ −−→ On note δ = |OL − OM | la distance entre M et dm′ . Le potentiel créé par dm′ sur M s’écrit : dU dm′ δ m dm′ = − G −→$ −−→ |OL − OM | = −G 89 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Le potentiel total est le résultat de l’intégration : Z dm′ U = − G −−→ δ OM ∈V Z dm′ = − G −−→ −→ −−→ OM ∈V |OL − OM | Nous notons ici : −→ OL = r −−→ OM = r′ −→ −−→ −−→ OL − OM = M L = δ −→ −−→ (OL; OM ) = θ −→ |OL| = r −→ |OS| = r′ −−→ |M L| = δ On écrit la relation d’Al-Kashi 15 , découverte dans la mythique ville de Samarkand en Ouzbékistan : δ2 r2 + r′2 − 2 rr′ cos θ = L’inverse de la distance s’écrit : 1 δ = = 1 −→ −−→ |OL − OM | 1 1 q ′ r 1+ r r′ r r − 2 cos θ Si l’on suppose que r ≫ r′ , on peut calculer un développement limité : ! ′ 2 3 ′ 3 1 r′ 1 r 1 × 3 × 5 r′ r 1 1 × 3 r′ 1− − = − 2 cos θ + − 2 cos θ + ... δ r 2 r r 2×4 r 2×4×6 r r où l’on peut constater, si l’on a l’œil exercé, que les coefficients des puissances de polynômes de Legendre 16 de première espèce appliqués à cos θ : Pn (x) = 1 2n n! r′ r sont des dn 2 (x − 1)n dxn Il est à noter que les polynômes de Legendre sont solutions de l’équation de Laplace 17 ∆U = 0 (cas particulier de l’équation de Poisson 18 ∆U = 4πGρ, mais en dehors des sources de champ), à laquelle justement est soumis le champ de gravité. Comme le lecteur le voit, nous retombons sur nos pattes. Cela nous permet par ailleurs le développement de l’inverse de la distance selon : 1 δ = = 1 −→ −−→ |OL − OM | ∞ n 1 X r′ r n=0 r Pn (cos θ) 15. Ghiyath ad-Din Jamshid Mas’ud Al Kashi, environ 1390 – environ 1439. Son nom a une signification particulière : ghiyâth ad-dı̂n : « secours de la religion », mas’ûd : « heureux » en arabe ; ̂amšid : « Yama le brillant » en persan, Al-Kashi : « natif de Kashan ». Kashan est aujourd’hui une ville d’Iran. Merci à mon collègue Samuel Branchu pour son aide concernant la traduction de l’arabe et du persan. 16. Adrien-Marie Legendre, 1752 – 1833. 17. Pierre Simon de Laplace, 1749 – 1827. 18. Siméon Denis Poisson, 1781 – 1840. 90 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE provoquant la réécriture du potentiel de la forme suivante : −→ U (OL) = ∞ X −→ Un (OL) n=0 avec : −→ Un (OL) = −G 1 rn+1 Z −−→ OM ∈V r′n Pn (cos θ)dm′ Une autre formulation du développement est la suivante [Duquenne, 2004] : U (λ, φ) = n ∞ GM X re n+1 X Pn,m (sin φ)(Cn,m cos(mλ) + Sn,m sin(mλ)) re n=0 r m=0 où l’on a : Pn,m (x) = = dm Pn dxm 2 ( (1 − x ) m/2) dn+m (x2 − 1)n (−1)m 2n n! dxn+m (−1)m (1 − x2 )( m/2) Les termes Cn,0 = −Jn sont les coefficients de Stokes 19 des harmoniques zonales ; les termes Cn,m et Sn,m sont les coefficients de Stokes des harmoniques tessérales ; les termes Cn,n et Sn,n sont les coefficients de Stokes des harmoniques sectorielles. Les premiers termes du développement ayant une signification physique très intéressante, nous nous proposons, devant l’hilarité générale, de les étudier. Si n = 0, on a immédiatement [Exertier, 2003] : −→ U0 (OL) = − G Z r∈V dm′ r G m⊕ = − r qui est le potentiel képlerien non perturbé, lorsque la Terre est assimilée à un point ou à une succession de couches sphériques concentriques et homogènes (ce qui est un peu réaliste finalement, puisque l’intérieur de la Terre est une succession de couches : noyau, manteau, croûte ; ainsi qu’à l’extérieur : océan, atmosphère). Pour n = 1, nous utilisons la relation : cos θ = = −→ −−→ OL.OM r r′ x x′ + y y ′ + z z ′ r r′ soit un terme de degré 1 qui prend la forme : Z Z Z −→ 1 z ′ dm′ y ′ dm′ + z x′ dm′ + y U1 (OL) = − G 3 x r V V V G m⊕ = − (x xG + y yG + z zG ) r3 19. George Gabriel Stokes, 1819 – 1903. 91 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE où (xG , yG , zG ) sont les coordonnées du centre de masses de la Terre. Or par hypothèse c’est ce point qui occupe l’origine du repère. Par conséquent nous avons : −→ U1 (OL) = 0 Ce résultat revêt une importance particulière dans le domaine des systèmes de référence terrestres, pour lesquels l’origine est le centre des masses de la Terre ; si, donc, cette hypothèse n’est pas vérifiée, il apparaı̂t un terme du potentiel gravitationnel avec U1 . Quant au cas n = 2, le voici. Le terme correspondant est : Z −→ 1 3 (x x′ + y y ′ + z z ′ )2 1 ′ U2 (OL) = − G 3 dm r′2 − + r 2 2 (r r′ )2 V Puisqu’on y est, on développe le carré, et on pose xµ=1,2,3 = x, y, z et x′µ=1,2,3 = x′ , y ′ , z ′ . Le résultat est rigolo : ! Z X Z 3 3 3 −→ 1 1 3 XX ′2 ′ ′ ′ ′ U2 (OL) = − G 3 − x dm + 2 xµ xν xµ xν dm r 2 V µ=1 µ 2 r µ=1 ν=1 V Or, souhaitant que tous nos acquis passés nous soient utiles, nous introduisons une notion déjà vue en mécanique du solide, les moments Iµµ et produits Iµν (µ 6= ν) d’inertie de la Terre par rapport aux axes du repère Oxyz : Z ′ Iµµ = (r′2 − x′2 µ )dm ZV Iµν = x′µ x′ν dm′ V Si bien que le terme U2 devient, sous cette nouvelle parure : ! 3 3 3 3 X −→ 1 1X 3 X 2 1 X U2 (OL) = − G 3 − xµ xν Iµν xµ Iµµ + 2 Iνν − Iµµ + r 4 µ=1 2r µ=1 2 ν=1 ν6=µ C’est là qu’intervient une nouvelle hypothèse à propos de notre repère : nous imposons à ses axes Ox, Oy et Oz d’être confondus avec les axes principaux d’inertie de la Terre, que nous supposons fixes d’ailleurs. C’est la raison pour laquelle nous confondons le plan Oxy avec le plan équatorial, et l’axe Oz avec l’axe polaire. Là encore, ces hypothèses trouvent une place particulière pour les systèmes de référence. Par conséquent, les produits d’inertie Iµν s’annulent. Nous posons par ailleurs, en ce qui concerne les moments d’inertie : Z ′ (r′2 − x′2 A = I11 = 1 )dm V Z (y ′2 + z ′2 )dm′ = ZV ′ (r′2 − x′2 B = I22 = 2 )dm V Z (x′2 + z ′2 )dm′ = V Z ′ (r′2 − x′2 C = I33 = 3 )dm ZV = (x′2 + y ′2 )dm′ V 92 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Après un petit calcul il vient : −→ U2 (OL) = −G 1 r3 A+B+C 3 A x2 + B y 2 + C z 2 − 2 2 r2 À partir de cet instant il devient possible de faire intervenir les coordonnées équatoriales bien connues (r, λ, φ), où λ est la longitude et φ la latitude. Les coordonnées cartésiennes s’écrivent alors : x = r cos φ cos λ y z = r cos φ sin λ = r sin φ En trois lignes de calcul il vous tombe finalement de la pointe du crayon : −→ 1 3 1 3 sin2 φ 2C − A − B U2 (OL) = − G 3 − (A − B) cos2 φ cos(2λ) − r 2 2 2 4 L’ultime hypothèse est de considérer la Terre comme présentant une symétrie de révolution autour de son axe de rotation Oz (ce qui est somme toute raisonnable comme hypothèse, et ce pour toutes les planètes du système solaire), et alors A = B 20 , si bien que : −→ U2 (OL) = U2 (r, φ) 1 = − G 3 (C − A) r 1 3 sin2 φ − 2 2 Ce qui nous pousse à introduire la constante si fameuse, appelée aplatissement dynamique : J2 = C −A m⊕ re2 où m⊕ = 5, 976.1024 kg et re = 6378 km sont respectivement la masse et le rayon équatorial de la Terre. On aboutit à : G m⊕ r⊕ 2 U2 (r, φ) = J2 P2 (sin φ) r r Le polynôme de Legendre étant simplement le dernier facteur dans l’expression ci-dessus de U2 . Ce résultat n’est pas anodin et n’est que le cas particulier, pour n = 2, d’un résultat général à l’ordre n : G m⊕ r⊕ n Un (r, φ) = Jn Pn (sin φ) r r Si bien que le potentiel de la Terre est la somme : U (r, φ) G m⊕ = − r 1− ∞ X ! Jn Pn (sin φ) n=2 Les coefficients Jn peuvent être obtenus théoriquement, à partir d’hypothèses sur la distribution de masse dans la Terre ou pratiquement par l’observation de satellites artificiels, mais cela suppose de savoir où les observer, c’est-à-dire la connaissance de ces mêmes coefficients... On a ainsi [Pérez, 2003] : J2 = 0, 0010826 J3 J4 = = −2, 5 · 10−6 −1, 6 · 10−6 20. En réalité, on a : A = 8, 101.1037 kg.m2 et B = 8, 103.1037 kg.m2 . 93 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE La force gravitationnelle exercée par la Terre sur L est donc : − → F = = −−→ → U (r, φ) −m grad − OL −→ G m m⊕ OL −−→ → − + grad − −→ OL |OL|3 ! ∞ G m m⊕ X re n Jn Pn (sin φ) − r r n=2 La relation fondamentale de la dynamique nous donne alors : −→ d2 OL dt2 −→ G m⊕ OL −−→ →R = − −→ + grad − OL |OL|3 où l’on a enfin démasqué la fonction perturbatrice du problème : −→ R(OL) = R(r, φ) = − ∞ G m⊕ X re n Jn Pn (sin φ) r n=2 r Applications au mouvement de la Lune Nous venons de le voir, lorsque le potentiel perturbateur R est faible devant le potentiel képlerien (équation 2.63) nous pouvons utiliser la théorie planétaire de Lagrange pour étudier le mouvement d’un corps dans l’environnement terrestre. Mais pour cela, nous allons devoir exprimer exprimer la perturbation en fonction des éléments elliptiques vus précédemment... Plan équatorial n Pl a it orb al r r Ligne des nœuds ω+ f φ r r i Figure 3.4 — Paramétrage d’une orbite. Les relations de trigonométrie sphérique, sur la figure 3.4, nous donnent [Pérez, 2003] : sin(ω$ + f$ ) sin φ$ = sin i$ sin π/2 ⇐⇒ sin φ$ = sin i$ sin(ω$ + f$ ) En ne considérant que le premier terme de la fonction perturbatrice (n = 2), nous voici avec : R = 2 G J2 m⊕ r⊕ 1 − 3 sin2 i$ sin2 (ω$ + f$ ) 3 2r 94 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Nous allons désormais décomposer ce machin en une partie périodique R̃, et une partie séculaire R: R̃ = R − R n R = $ 2π avec Z 2π R dt 0 Nous utilisons alors la forme différentielle de la loi des aires : dt r2 df C $ r2 √ df$ pµ = = r2 q df$ a$ G (m⊕ + m$ ) (1 − e2$ ) = qui nous permet d’avoir : R = 2 n$ G J2 m⊕ r⊕ 1 q 2 2π 2 a$ G (m⊕ + m$ ) (1 − e$ ) Z 2π 0 1 1 − 3 sin2 i$ sin2 (ω$ + f$ ) df$ r Mais vu que l’on considère la trajectoire comme instantanément elliptique, nous ne pouvons refuser d’utiliser : 1 r 1 + e$ cos f$ p 1 + e$ cos f$ a$ (1 − e2$ ) = = Avant l’intégration il vient : R = 2 n$ G J2 m⊕ r⊕ 1 p 4π G (m⊕ + m$ ) [a$ (1 − e2$ )]3/2 Z 2π 0 et après : R = = (1 + e$ cos f$ ) 1 − 3 sin2 i$ sin2 (ω$ + f$ ) df$ 2 n G J2 m⊕ r⊕ 3 cos2 i$ − 1 p$ 4 G (m⊕ + m$ ) [a$ (1 − e2$ )]3/2 γ où nous avons posé : 3 cos2 i$ − 1 [a$ (1 − e2$ )]3/2 2 γ = n G J2 m⊕ r⊕ p$ 4 G (m⊕ + m$ ) On voit que R ne dépend pas de Ω$ , ω$ et τ$ . Dans notre approximation, les équations planétaires de Lagrange affirment alors que ni le demi-grand axe, ni l’excentricité, ni l’inclinaison ne subissent de variations séculaires : da$ dt de$ dt di$ dt = 0 = 0 = 0 95 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Ces relations ne signifient pas que les paramètres a$ , e$ et i$ ne subissent aucune variations, mais aucune variation séculaire, c’est-à-dire de long terme ; en revanche, elles autorisent tout-à-fait des variations de court terme. Le mouvement séculaire du périgée (nous pouvons nous permettre de dire périgée puisque nous nous plaçons dorénavant explicitement autour de la Terre) suit quant à lui : q 1 − e2$ dω$ cot i$ ∂R ∂R q = − 2 dt n$ a$ e$ ∂e$ n$ a2$ 1 − e2$ ∂i$ s 3 5 cos2 i$ − 1 G (m⊕ + m$ ) 2π = γ = car n$ = 7/2 2 2 T a3$ n$ a$ (1 − e$ ) !2 3 n$ r⊕ m⊕ J2 5 cos2 i$ − 1 = 2 4 a$ (1 − e$ ) m$ + m⊕ Le mouvement séculaire du nœud ascendant est décrit par : dΩ$ dt = ∂R 1 q 2 ∂i n$ $ 1 − e$ sin i $ = −γ a2 6 cos i$ 7/2 n$ a$ (1 − e2$ )2 6 cos i$ γ = −p G (m⊕ + m$ ) a2$ (1 − e2$ )2 !2 3 n$ r⊕ m⊕ cos i$ J2 = − 2 a$ (1 − e2$ ) m$ + m⊕ Nous voyons donc que, sous l’influence de l’aplatissement de la Terre (dont le coefficient J2 est l’expression), la longitude du nœud ascendant et l’argument du périgée ont des variations linéaires 21 : ω$ (t) = Ω$ (t) = αt+ β λt + η Les valeurs numériques obtenues pour les coefficients de variation sont les suivantes : 2.3.3 α = 0, 034′′/j λ = −0, 019′′/j Conclusion sur le mouvement de la Lune Évaluation de notre modèle simplifié Dans notre modèle, nous n’avons pris en compte que deux effets perturbateurs : le Soleil et l’aplatissement de la Terre, dont les effets ne sont pas du tout du même ordre de grandeur. Le problème principal, c’est-à-dire le problème du mouvement de la Lune examiné de façon 21. L’inclinaison de l’orbite de la Lune est d’environ 5◦ sur l’écliptique ; cela signifie qu’en moyenne, elle vaut par rapport à l’équateur l’angle d’obliquité de l’écliptique sur l’équateur lui-même, à savoir un peu plus de 23◦ . 96 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE képlérienne avec un unique potentiel perturbateur (le Soleil) a une influence très prépondérante ; l’aplatissement de la Terre, bien que très faible, est cependant le second poste influençant le mouvement de la Lune. Il est beaucoup plus important pour les corps orbitant à proximité de la Terre, comme les satellites artificiels. Précisons immédiatement que les équations régissant le potentiel perturbateur de tout corps en orbite autour de la Terre sont exactement les mêmes que celles décrites ici pour la Lune et qu’elles s’appliquent, par exemple, aux satellites artificiels. Les effets manquant sont les effets planétaires (directs : sur la Lune elle-même, et indirects : sur la Terre), les effets relativistes, l’effet des marées, de la forme de la Lune, etc. Les taux de variation des éléments Ω et ω de notre modèle et d’un modèle issu de la littérature scientifique (voir le tableau 3.4) montrent qu’ils sont proches, donc que notre modèle, bien que simple, est néanmoins une bonne première approximation. Le nœud ascendant a un mouvement rétrograde de période environ 17 ans et 290 jours ; le périgée a lui un mouvement direct de période environ 8 ans et 310 jours (voir la figure 3.5). Les moyens mouvements décrits à la page 97 confirment ces résultats. Problème principal Aplatissement de la Terre dΩ dt dω dt dΩ dt dω dt Modèle de ce document [Chapront-Touzé & Chapront, 1983] −198, 5′′/j −190, 75′′/j 395, 4′′/j 400, 89′′/j −0, 019′′/j ′′ /j −0, 162′′/j 0, 034′′/j 0, 017′′ /j Tableau 3.4 — Comparaison entre modèles de mouvement de la Lune. Figure 3.5 — La rétrogradation du nœud ascendant et la précession du périgée. Source : site internet de Jérôme Pérez, à l’adresse http://www.ensta-paristech.fr/~perez/cours/corrigelune/ corrigelune.html. Éléments moyens de la Lune Les éléments osculateurs de l’orbite de la Lune peuvent être décrits en séries de termes séculaires et périodique. Ainsi [Simon et al., 1994] les décrit sous la forme : 97 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE s = s0 + s1 t + s2 t2 + s3 t3 + s4 t4 + S0 + S0′ + S1′ t + S2′ t2 où les sm (avec s minuscule) sont des constantes, S0 est une série de Fourier avec quatre arguments, polynômes fonction du temps, en l’occurrence les arguments de Delaunay D, F , ℓ et ℓ′ (voir en particulier la partie sur la nutation, page 210). Les Sn (avec S majuscule) sont des séries de Fourier à treize arguments, fonctions linéaires du temps, qui sont les parties linéaires des éléments de Delaunay D̄, F̄ , ℓ̄, ℓ¯′ , la longitude moyenne de la Lune référée à l’équinoxe moyen de la date, et la longitude moyenne des planètes. La partie séculaire de s, également appelée élément moyen correspondant à s, s’écrit : s 0 + s 1 t + s 2 t2 + s 3 t3 + s 4 t4 hsi = Les expressions des éléments moyens de la Lune, référés à l’écliptique et l’équinoxe moyen de la date, sont : hai = hei = 383397, 7725 km + 0, 0040 t 0, 055545526 − 0, 000000016 t hΩi = hλi = 125, 04455501◦ − 6962890, 5431′′ t + 7, 4722′′ t2 + 0, 007702′′ t3 − 0, 00005939′′ t4 218, 31664563◦ + 1732564372, 30470′′ t − 5, 2790′′ t2 + 0, 006665 t3 − 0, 00005522′′ t4 hii = hω̃i = 5, 15668983◦ − 0, 00008′′ t 83, 35324312◦ + 14648449, 0869′′ t − 37, 1582′′ t2 − 0, 044970′′ t3 + 0, 00018948′′ t4 où t est en siècles juliens exprimés depuis l’époque J2000.0 (jour julien 2451545,0) dans l’échelle du temps dynamique barycentrique (voir page 170). Nous pouvons par ailleurs mentionner les différents types de périodes associées à la Lune (voir le tableau 3.5). Un fait important est à remarquer ici : contrairement à l’orbite de la Terre, le demi grand-axe de la Lune varie dans le temps. Période Période Période Période Période sidérale tropique synodique draconitique anomalistique 27, 321 27, 321 29, 530 27, 212 27, 554 661 582 588 220 549 547 j 241 j 853 j 817 j 878 j Tableau 3.5 — Différentes périodes orbitales de la Lune à J2000.0. Leurs définitions sont données à la page 138. Source : [Simon et al., 1998]. 2.4 2.4.1 Le problème à trois corps restreint Présentation générale On appelle problème à trois corps restreint le problème consistant dans l’étude du mouvement d’un corps de masse négligeable soumis au potentiel généré par deux autres corps, de masses non négligeables, en interaction gravitationnelle et en mouvement keplérien l’un autour de l’autre. On considère donc que la position des deux corps principaux est une contrainte externe au problème, qui se réduit donc à trois degrés de liberté, ceux du corps de masse négligeable. En outre, le barycentre du système est celui associé aux deux corps principaux, et il est sur la droite qui passe par eux. Leur mouvement l’un par rapport à l’autre est plan. Ce problème permet d’examiner la stabilité des orbites des corps peu massifs du système solaire. Il a été posé pour la première fois par Lagrange. 98 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE 2.4.2 Formulation du problème Dans l’étude que nous faisons ici, nous considérons arbitrairement que les corps principaux sont en mouvement circulaire l’un par rapport à l’autre. Nous nous plaçons dans le repère R1 centré sur le barycentre du système, et orienté par l’axe passant par les deux corps principaux. Ce repère est donc en rotation par rapport à un référentiel inertiel R0 à la vitesse angulaire : ΩR1 /R0 = n où n est le moyen mouvement, tel que (voir page 73) : n = r G(M1 + M2 ) a3 avec G la constante de la gravitation universelle, Mi;i=1,2 la masse du corps i, et a le demi-grand axe de l’orbite des deux corps principaux l’un par rapport à l’autre, c’est-à-dire, puisque l’orbite est supposée circulaire, leur distance. Nous supposons que les corps principaux orbitent dans le plan (O, X, Y ) du référentiel inertiel, et que les axes z et Z des référentiels R1 et R0 respectivement sont confondus. Dans le référentiel R1 = (O, x, y, z), les corps principaux ont des coordonnées fixes : −−→ OMi = ±a Mi , 0, 0 M1 + M2 → En notant (x, y, z) les coordonnées dans R1 du corps A de masse négligeable, nous notons − ri le vecteur entre le corps principal i et A : − → r1 = − → r2 = 2.4.3 M1 − x, y, z a M1 + M2 M2 x+a , y, z M1 + M2 La relation fondamentale de la dynamique Dans le référentiel tournant R1 , les forces extérieures auxquelles est soumis A sont : — la force d’inertie d’entraı̂nement : −−−→ fie⇒A = = −−−−→ −−−−→ −→ −ΩR1 /R0 ∧ ΩR1 /R0 ∧ OA → −n2 x − u→ − n2 y − u x y — la force d’inertie de Coriolis : −−−−→ → − ẏ − fiC⇒A = −2n (ẋ − u u→x ) y — la force de gravitation de M1 : −−−−→ fM1 ⇒A = −G M1 − → r1 r13 99 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE — la force de gravitation de M2 : −−−−→ fM2 ⇒A = −G M2 − → r2 r23 La relation fondamentale de la dynamique s’exprime sur chaque axe selon : 2.4.4 ẍ − 2nẏ ÿ + 2nẋ z̈ ⇐⇒ 2 a M2 M22 M1 M1 − + + n2 x − G x 3 3 r M1 + M2 r13 r23 2 r1 M1 M2 = n2 y − Gy 3 + r3 r 1 2 M2 M1 = −Gz + r13 r23 aM22 aM12 xM + xM − 2 1 M +M M +M 1 2 1 2 + ẍ − 2nẏ = n2 x − G r13 r23 M2 M1 + ÿ + 2nẋ = n2 y − Gy r13 r23 M2 M1 z̈ = −Gz + 3 3 r1 r2 = La constante de Jacobi Au regard de ces relations, on peut postuler l’existence d’une fonction scalaire W telle que : W (x, y, z) = 1 − n2 (x2 + y 2 ) − G 2 M1 M2 + r1 r2 qui permet de réécrire le système d’équation ci-dessus sous la forme : ∂W ẍ − 2nẏ = − ∂x ∂W ÿ + 2nẋ = − ∂y ∂W z̈ = − ∂z En multipliant les équations ci-dessus par ẋ, ẏ et ż respectivement, nous aboutissons à : ẋẍ − 2nẋẏ ẏ ÿ + 2nẋẏ ż z̈ =⇒ R = = = ẋẍ + ẏ ÿ + ż z̈ ∂x ∂W ∂t ∂x ∂y ∂W − ∂t ∂y ∂z ∂W − ∂t ∂z − = − dW dt 1 2 ẋ + ẏ 2 + ż 2 = −W (x, y, z) + C 2 relation appelée « intégrale de Jacobi 22 », avec C la constante d’intégration, définie par les condidt =⇒ 22. Charles Gustave Jacob Jacobi, 1804 – 1851. 100 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE tions initiales du système, et appelée constante de Jacobi. Celle-ci peut donc s’écrire : C 2.4.5 = − 1 1 2 ẋ + ẏ 2 + ż 2 + n2 (x2 + y 2 ) + G 2 2 M2 M1 + r1 r2 Les points de Lagrange Les points de Lagrange sont les points d’équilibre du problème, c’est-à-dire ne subissant aucune force résultante dans le repère tournant, et dans lequel une particule test demeure donc au repos. Condition Nous notons désormais : µ1 = µ2 = ⇒ µ1 + µ2 = M1 M1 + M2 M2 M1 + M2 1 (2.63) (2.64) (2.65) Dans le problème plan, le système d’équation issu de la relation fondamentale de la dynamique projeté sur l’axe z impose que z = 0. On cherche donc les points de coordonnées (x, y) tels que : −−→ grad W = M M2 − 1− → → → r +G ⇐⇒ −n2 − = r1 + r2 r1 r2 − → 0 → − 0 avec, puisque z = 0 : − → r = → − r1 = → − r2 = (x, y, 0) (aµ1 − x, y, 0) (aµ2 + x, y, 0) Par ailleurs, le point O origine des deux repères utilisés, est le barycentre du système, si bien que : −−−→ −−−→ → − µ OM1 + µ2 OM2 = 0 −→ −−−→ 1 −→ −−−→ − → = 0 ⇐⇒ µ1 OA + AM1 + µ2 OA + AM2 → − → → → → ⇐⇒ µ1 (− r −− r1 ) + µ2 (− r −− r2 ) = 0 − → → r2 r1 + µ2 → ⇐⇒ − r = µ1 − Même si nous savons que : 101 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE n2 = G (M1 + M2 ) a3 nous ne le développons pas, car il s’agit d’une constante du problème. Si bien que : → − r2 ) + G r1 + µ2 − −n (µ1 → 2 M2 → M1 − → − = r1 + 3 r2 r13 r2 − → 0 1 M1 M2 1 1 1 a x+a = − 3 − x + M2 M1 3 − a3 r13 a M1 + M2 2 M1 + M r2 ⇐⇒ 1 1 1 1 M1 − 3 y + M2 − 3 y = r13 a r23 a 0 0 Points de Lagrange L4 et L5 On voit immédiatement sur la deuxième équation qu’il y a une singularité sur y. Celle-ci se réécrit : M1 a3 − r13 r13 = M2 r23 − a3 r23 Cette égalité n’est vraie que si : r1 = r2 = a Ceci signifie que A forme un triangle équilatéral avec M1 et M2 , ce qui autorise deux points dans cette situation, qui, historiquement, ont été notés L4 et L5 . On peut calculer facilement leurs coordonnées : −−−→ OL4,5 = = = −−−→ −−−−→ OM1 + M1 L4,5 ! √ M1 a 3 a , 0, 0 + − , ±a ,0 M1 + M2 2 2 ! √ 3 M1 − M2 , ±a ,0 a M1 + M2 2 Points de Lagrange L1 , L2 et L3 Mise en équation Le calcul des coordonnées des points solutions de la première équation établie ci-dessus est nettement plus difficile. On peut cependant établir, au regard de ce que nous avons vu à l’instant concernant l’axe y pour lequel il y a dégénérescence (levée uniquement pour les points L4 et L5 ), que les points restants à déterminer se trouve tous sur l’axe x, notés L1 , L2 et L3 . Nous allons donc repartir de la première équation de notre système, et l’écrire selon les conditions imposées en fonction de l’intervalle de x sur lequel on se trouve. Ainsi, pour chaque intervalle, 102 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Tableau 4.5 — Les points de Lagrange du problème à trois corps restreint et les courbes isopotentielles. La valeur de la constante de Jacobi (valeur de C) permet de discriminer quelles zones de l’espace sont autorisées ou interdites pour un corps en mouvement (valeur de W ). Source : site internet « Hyperphysics » de l’Université de l’État de Géorgie, à l’adresse http://hyperphysics. phy-astr.gsu.edu/hbase/mechanics/lagpt.html. i.e. pour chacun des points de Lagrange L1 , L2 et L3 , nous allons exprimer x, son abscisse, de deux façons : la première en fonction de la distance à M1 , notée r1 , la seconde en fonction de la distance à M2 , notée r2 . Nous en déduirons ensuite, encore une fois pour chacun, une relation entre r1 , r2 et a, qui est la distance séparant M1 de M2 . Par substitution, nous reformulerons donc notre équation en fonction soit de r1 , soit de r2 , qui fera aussi intervenir a. La résolution de cette équation, puis les relations trouvées entre x et ri , nous donneront donc l’abscisse du point de Lagrange. Avant de commencer, un petit rappel, à partir de l’équation de définition du barycentre vue précédemment : −−−→ µ2 −−−→ OM1 = − OM2 µ1 µ2 −−−→ −−−−→ = − OM1 + M1 M2 µ1 −−−→ µ2 −−−−→ µ2 = − M1 M2 ⇐⇒ OM1 1 + µ1 µ1 −−−−→ −−−→ ⇒ OM1 = −µ2 M1 M2 De même : −−−−→ −−−→ OM2 = µ1 M1 M2 Ainsi pour le point de Lagrange L1 , situé entre M1 et M2 (voir la figure 4.5 page suivante), 103 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE a L3 M1 L1 M2 L2 O x(L1 ) r1 (L1 ) x(L2 ) r1 (L2 ) r2 (L1 ) r2 (L2 ) x(L3 ) r1 (L3 ) r2 (L3 ) Tableau 4.5 — Paramètres associés aux points de Lagrange L1 , L2 et L3 . nous avons : −−→ −−−→ −−−→ OL1 = OM1 + M1 L1 −−−−→ −−−→ = −µ2 M1 M2 + M1 L1 ⇒ xL1 = −µ2 a + r1 (L1 ) −−→ −−−→ −−−→ Mais aussi : OL1 = OM2 + M2 L1 −−−−→ −−−→ = µ1 M 1 M 2 + M 2 L 1 ⇒ xL1 Et donc : a = µ1 a − r2 (L1 ) = r1 (L1 ) + r2 (L1 ) La même manipulation conduit, pour L2 , situé au-delà de M2 , à : xL2 xL2 = −µ2 a + r1 (L2 ) = µ1 a + r2 (L2 ) ⇒a = r1 (L2 ) − r2 (L2 ) Enfin, pour L3 , situé au-delà de M1 : xL3 xL3 ⇒a = −µ2 a − r1 (L3 ) = µ1 a − r2 (L3 ) = r2 (L3 ) − r1 (L3 ) Nous pouvons donc désormais réécrire l’équation projetée selon l’axe x de la condition de nullité de la dérivée de la fonction potentiel, en ne conservant que r1 ou que r2 selon le cas. Pour L1 , nous conservons r2 23 ; notre équation se réécrit : 23. Ce choix n’est évidemment pas innocent car, connaissant par ailleurs la fin de l’histoire, on sait que L1 et L2 sont plus près du corps ayant la plus petite masse que L3 qui, lui, est plus près du corps le plus massif. 104 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE µ1 (a − r2 ) 3 a3 a − 1 + µ r − 1 = 2 2 (a − r2 )3 r23 a3 − (a − r2 )3 ⇐⇒ µ1 = (a − r2 )3 0 µ2 r23 − a3 r22 Or nous savons que la différence de deux cubes est une identité remarquable : a3 − b 3 = (a − b)(a2 + ab + b2 ) Si bien que : µ2 µ1 µ2 ⇐⇒ µ1 = = (a − (a − r2 )(a2 + a(a − r2 ) + (a − r2 )2 ) (a − r2 )2 (r2 − a)(r22 + ar2 + a2 ) 3a2 − 3ar2 + r22 r23 où r2 = r2 (L1 ) (r2 − a)3 (a2 + ar2 + r22 ) r22 Avec le même genre de manipulations concernant L2 , on peut exprimer, en fonction de r2 (L2 ) : µ2 µ1 = r23 3a2 + 3ar2 + r22 (a + r2 )2 (a3 − r23 ) où r2 = r2 (L2 ) Enfin, pour L3 , nous utilisons plutôt r1 (L3 ) : µ2 µ1 = (a3 − r13 )(a + r1 )2 r13 (3a2 + 3ar1 + r12 ) où r1 = r1 (L3 ) Solution Les équations du cinquième degré définissant les positions des points de Lagrange L1 , L2 et L3 ne connaissent pas de solution analytique. En revanche, dans le cas d’un système planétaire du type de notre système solaire, on est dans une situation où M2 ≪ M1 ⇐⇒ µ2 ≪ µ1 . On peut alors trouver une solution approchée sous la forme d’un développement limité de r en fonction du rapport µ2 /µ1 . Stabilité des points de Lagrange Les points d’équilibre de Lagrange ne sont pas tous stables. Le calcul de la dérivée seconde de la fonction W permet de montrer que les points L4 et L5 sont stables, et que les points L1 , L2 et L3 ne le sont pas. 2.4.6 Condition du mouvement et surface de Hill On peut montrer que les valeurs de W sont ordonnées dans cet ordre : W (L5 ) = W (L4 ) > W (L3 ) > W (L2 ) > W (L1 ) (2.66) 105 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE ce qui explique la nomenclature attribuée à ces points. Si nous reprenons désormais la constante de Jacobi, alors comme l’énergie cinétique v 2 ne peut pas être négative, il y a mouvement si et seulement si : W (x, y, z) ≤ C Cette condition met en lien W , qui dépend de la position dans l’espace, et C qui dépend des conditions initiales du mouvement. Tout dépend donc de celles-ci et, pour une valeur de C, on peut définir la surface de vitesse nulle, dite de Hill 24 , qui est la frontière entre la zone interdite au mouvement et la zone où il est permis. Dans le problème plan, on parle évidemment de courbes de vitesse nulle (voir figures 4.6 page suivante). 24. George William Hill, 1838 – 1914. 106 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE (a) Surface de vitesse nulle pour C < W (L1 ) : la zone interdite est celle délimitée à l’intérieur de la courbe externe et à l’extérieur des deux courbes entourant les masses. (b) Surface de vitesse nulle pour C = W (L1 ) : la zone interdite est celle délimitée à l’intérieur de la courbe externe et à l’extérieur de la courbe entourant les deux masses se joignant en L1 . (d) Surface de vitesse nulle pour C = W (L3 ) : les zones interdites sont les deux demianneaux se joignant en L3 . (c) Surface de vitesse nulle pour C = W (L2 ) : la zone interdite est l’anneau entourant M1 se rejoignant en L2 . (e) Surface de vitesse nulle pour W (L3 ) < C < W (L4 ) = W (L5 ) : les zones interdites sont les zones entourant L4 et L5 . Figure 4.6 — Surfaces de vitesses nulles et zones interdites pour des valeurs croissantes de la constante de Jacobi C. Source : cours de dynamique newtonienne de Richard Fitzpatrick à l’université du Texas à Austin, à l’adresse http://farside.ph.utexas.edu/teaching/336k/Newtonhtml/ node125.html. 107 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE 2.5 2.5.1 La rotation diurne de la Terre La cause de la rotation : la formation de la Terre Cette petite partie s’inspire du cours de Marcello Fulchignoni, cité en référence [Fulchignoni, 2004], mais nous renvoyons à la partie 1.4.1 page 25 pour plus d’explications sur la formation du système solaire. À l’occasion de l’accrétion, les poussières agglomérées ne transmettent pas que de l’énergie au planétésimal, mais aussi du moment cinétique. Dans le référentiel lié au centre de gravité du système {planétésimal-particule}, le moment cinétique est conservé. En notant δm la masse de la particule, r la distance entre le centre du planétésimal et la particule au moment de l’impact, → − v la vitesse de la particule (forcément par rapport au planétésimal), θ l’angle entre la direction → particule-planétésimal et − v , alors la particule transmet au planétésimal le moment cinétique δL = δm v r sin θ Ceci n’est bien sûr que le mécanisme de base ; pour décrire plus finement le phénomène, il faudrait prendre en compte la quantité de matériaux accrété, sa distribution en fonction de la distance au Soleil, l’asymétrie des impacts, etc. Quelques difficultés sont cependant à surmonter dans ce modèle. En effet, étant donnée, à proximité du planétésimal, la symétrie du problème de l’accrétion, il est difficile d’affirmer qu’il y aurait une accrétion favorisant l’acquisition de moment cinétique dans un sens ou dans l’autre. Au cours du processus d’accrétion, d’ailleurs, il n’y a pas qu’un seul planétésimal qui se forme par accrétion au milieu d’un nuage de gaz et de poussières ; il peut y en avoir un nombre indéfini, qui eux-mêmes se percutent et fusionnent en des corps plus gros. On arrive alors à une situation d’un corps plus massif et prépondérant sur son environnement proche. À l’intérieur de ce qu’on appelle la sphère de Hill-Roche (non, pas Benny 25 , mais celui vu précédemment, et Édouard, 1820 – 1883), dont le rayon est h = a M 3 M⊙ 1/3 (avec a le demi-grand axe de l’orbite du planétésimal, M sa masse, M⊙ la masse du Soleil), la gravité du planétésimal est prépondérante sur les effets de marée du Soleil, rendant directement dépendant de celle-là la dynamique des corps et de la poussière approchant le planétésimal. Le fait que le disque protoplanétaire soit dans un plan, et soit soumis à une dynamique képlerienne, rend l’accrétion (et une de ses conséquences, la rotation) tributaire des éléments orbitaux des corps accrétants. Les modèles d’une accrétion dans un disque képlerien montrent que l’on obtient toutefois une rotation prograde pour l’ensemble des planètes. C’est ce qui est précisément observé, sauf pour Vénus – dont l’obliquité est rendue chaotique en raison des effets de marée de sa propre atmosphère – et Uranus – dont l’obliquité est de 98◦ . Cependant, les vitesses de rotation de chaque planète dépendent aussi de leur histoire propre, que l’épisode de leur formation ne suffit donc pas à expliquer. La nature en partie aléatoire du phénomène d’accrétion, notamment des corps les plus massifs, fait que la rotation des planètes peut être due aux quelques planétésimaux les plus importants et les plus récents ayant participé à sa formation, rendant l’orientation des axes ainsi que la vitesse de rotation très dépendante du caractère plus ou moins variable de ces collisions et de leur violence. La prise en compte des impacts des corps restants non accrétés autorise non seulement à expliquer les 25. Allusion au comique Britannique Benny Hill (1924 – 1992), de son vrai nom Alfred Hawthorn Hill, auteur du Benny Hill Show, qui était diffusé à 20H00 le dimanche sur FR3... 108 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE vitesses aujourd’hui observées, mais aussi la répartition des obliquités, le plus généralement entre 0◦ et 30◦ . Le scénario de naissance de la Lune par impact d’un corps massif sur la Terre rend cette hypothèse probable. Reste pourtant à souligner que, depuis cette époque, la rotation des planètes a été modifiée, en raison des conditions extérieures auxquelles elles sont soumises ; pour Mercure par exemple, les marées solaires ont annulé l’obliquité et imposé une résonnance 3 : 2 avec la révolution. La rotation de la Terre, en vitesse et en orientation, est donc directement issue, du moins dans ses conditions initiales, des conditions de formation de la planète Terre. 2.5.2 L’évolution de la rotation La vitesse de rotation de la Terre subit des variations, dues aux mouvements des masses de la Terre. En vertu du principe de conservation du moment cinétique, ces mouvements modifient sa vitesse de rotation. Les dissipations d’énergie, qui peuvent être de plusieurs origines (marées, courants marins et atmosphériques, frictions en tout genre), tendent à ralentir la rotation de la Terre. En effet, son énergie totale est la somme de son énergie cinétique – due à la rotation et aux déplacements de toute nature –, de son énergie potentielle, et de toute forme d’énergie « chimique » ; la dissipation, sous forme thermique, de cette énergie, diminue globalement l’énergie de la Terre et est prise sur l’énergie cinétique, faisant baisser celle-ci, et donc la vitesse de rotation de la Terre avec elle. La cause de l’allongement séculaire de la durée du jour est les marées, et vaut environ 1, 8 ms par siècle [Bouin, 2002]. Ainsi, au cours des temps géologiques, par exemple au Silurien (entre 416 et 443 millions d’années avant aujourd’hui, quand vivaient des scorpions de mer de plusieurs mètres de long...), le jour valait 21,53 heures (heures de notre échelle de temps, bien sûr), et l’année comptait, par conséquent, 407,10 de ces jours. Figure 5.7 — Évolution de la durée du jour de -250 Ma à +250 Ma d’après [Laskar et al., 2004]. La légende en anglais est la légende originale de l’article. Mais, à une échelle plus courte, il existe aussi des fluctuations autour de la valeur conventionnelle de la durée du jour. On identifie plusieurs causes de fluctuations [Bouin, 2002] : — le couplage électromagnétique et topographique entre le noyau terrestre et le manteau : effet décennal d’amplitude 5 ms ; — les marées zonales, variations de l’ellipticité de la Terre : de période 13,7 jours, d’amplitude 0, 4 ms ; — les déplacements de masses atmosphériques, dues aux variations saisonnières d’éclairement solaire et de la répartition des terres émergées, des masses océanique et atmosphérique sur la 109 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE région de la Terre éclairée, et dont les variations sont transmises à la Terre par frottements : un terme annuel d’amplitude 0, 3 ms et un terme semi-annuel d’amplitude 0, 2 ms. Il existe une période de 50 jours, liées aussi à des oscillations de moment cinétique atmosphérique ; — le phénomène El Niño, de période 2 à 6 ans et d’amplitude irrégulière. Le moment cinétique du système Terre-Lune, considéré comme isolé avec une bonne approximation, étant constant, cela participe de l’éloignement de la Lune de quelques centimètres par an. Cet éloignement est confirmé par les observations de tirs de laser sur les miroirs laissés sur notre satellite par les missions Apollo, et vaut 3, 7 cm par an [Bouin, 2002]. À ce rythme, on voit qu’il ne faut que 27 000 ans pour que la Lune s’éloigne d’un kilomètre, et 27 millions d’années (une paille à l’échelle géologique !) pour 1 000 km. Ceci n’est évidemment pas sans importance, notamment pour l’ampleur des marées dans le passé et, par exemple, pour leur impact sur les écosystèmes primitifs de la Terre, le développement de la vie, etc. ; mais nous nous éloignons là de notre sujet. 2.5.3 Une conséquence de la rotation : l’aplatissement de la Terre La question de la forme de la Terre, si elle constitue l’interrogation fondamentale de la géodésie, a trouvé une de ses réponses les plus éloquentes au xviiie siècle, alors que les disciples de Descartes 26 , partisans de la théorie des tourbillons, s’opposaient à ceux de Newton, et sa loi de la dynamique, les premiers affirmant que la Terre était allongée aux pôles, les seconds qu’au contraire, elle y était aplatie. La question fut tranchée à l’occasion des expéditions en Laponie entre 1735 et 1737 et au Pérou entre 1735 et 1743, respectivement par MM. de Maupertuis 27 , Clairaut 28 , Camus 29 , Le Monnier 30 en Laponie, et MM. Godin 31 , La Condamine 32 , Bouguer 33 et Jussieu 34 au Pérou, où furent mesurées des bases de méridiens terrestres, correspondant à une distance différente, relative au rayon de courbure local de la Terre. Nous invitons les lecteurs à lire le précieux livre d’Arkaan Simaan, La science au péril de la vie – les aventuriers de la mesure du monde, qui relate ces incroyables aventures. L’Histoire ayant décidé, déjà, de l’issue de cette dispute scientifique, nous allons utiliser la théorie newtonienne pour résoudre ce problème. Nous allons considérer la Terre comme un milieu fluide continu, et utiliser l’équation fondamentale de la dynamique utile en mécanique des fluides, appelée équation d’Euler 35 (c’est-à-dire en considérant la Terre comme un fluide autogravitant), appliquée à une particule mésoscopique M , de masse volumique ρ, variable dans le temps. Sa masse δm est supposée constante, si bien que son volume δτ peut aussi varier dans le temps, selon la relation δm = ρ(t) δτ (t). →, − → Le référentiel d’étude a pour origine O le centre de la Terre, et pour système d’axes (− u→x , − u y uz ), − → − → − → tels que les vecteurs ux et uy sont perpendiculaires et définissent le plan de l’équateur ; uz complète la base pour qu’elle soit directe, et définit l’axe du pôle. Ce système d’axe tourne avec la Terre, de → − →, et ne peut donc être considéré comme galiléen, ce qui justifie l’interu vecteur rotation Ω = Ω − z vention des diaboliques forces d’inertie ! 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. René Descartes (1596 – 1650). Pierre Louis Moreau de Maupertuis (1698 – 1759). Alexis Claude Clairaut (1713 – 1765). Charles Étienne Louis Camus (1699 – 1768). Pierre Charles Le Monnier (1715 – 1799). Louis Godin (1704 – 1760). Charles Marie de La Condamine (1701 – 1774). Pierre Bouguer (1698 – 1758). Joseph de Jussieu (1704 – 1779). Leonhard Paul Euler (1707 – 1783). 110 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE La particule est donc soumise aux forces suivantes : — — — — −−→ le gradient de pression au sein de la Terre −δτ grad P ; −−→ le gradient de potentiel gravitationnel de la Terre −ρ δτ grad V ; − → − la force d’inertie de Coriolis −2ρ δτ Ω ∧ → v ; → − − → −−→ la force d’inertie d’entraı̂nement −ρ δτ Ω ∧ Ω ∧ OM . L’équation d’Euler s’écrit : → −−→ −−→ → → − − → − → −−→ ∂− v 1 −−→ → → + − v − Ω ∧ Ω ∧ OM v .grad .− v = − grad P − grad V − 2 Ω ∧ − (2.67) ∂t ρ → Ici, nous notons − v la vitesse de M , P la pression, V le potentiel gravitationnel. Mises à part les forces d’inertie, qui n’apparaissent qu’en raison de l’utilisation d’un référentiel non-galiléen, cette équation est aussi utile en astrophysique, sous une forme légèrement différente, appelée équation de Jeans 36 . Elle s’applique alors aux corps astrophysiques contenant beaucoup d’étoiles (amas globulaires, disques, galaxies, etc.). → − → Or, dans le référentiel tournant avec la Terre, on a − v = 0 , si bien que l’équation 2.67 se réécrit : −−→ → − − → −−→ 1 −−→ → − − grad P − grad V − Ω ∧ Ω ∧ OM = 0 ρ En première approximation, on va considérer que le potentiel V est képlérien. Et comme nous étudions la surface de la Terre, nous sommes situés à un rayon moyen r⊕ . Ainsi : V −−→ grad V G m⊕ r⊕ G m⊕ − → u r 2 r⊕ = − = Par ailleurs, le double produit vectoriel donne, dans le cas général : Ωx Ωy z − Ωz y → −−→ → − − = Ωy ∧ Ωz x − Ωx z Ω ∧ Ω ∧ OM Ωz Ωx y − Ωy x Or nous faisons l’hypothèse que Ωx = Ωy = 0, si bien que : −Ω2z x → − − → −−→ Ω ∧ Ω ∧ OM = −Ω2z y 0 D’où la relation : − 1 −−→ G m⊕ → → − → r = 0 u r + Ω2 − grad P − 2 − ρ r⊕ (2.68) Ce qui nous intéresse concerne la forme de révolution de la Terre, si bien que nous pouvons tout-à-fait nous placer dans le plan vertical, ce qui peut être réalisé en posant y = 0 ou x = 0. Une telle audace faire prendre la forme suivante à notre équation, de vectorielle devenue scalaire, mais aussi système de deux équations : 1 ∂P G m⊕ − 3 x + Ω2 x = 0 − ρ ∂x r⊕ G m⊕ 1 ∂P z = 0 + − 3 ρ ∂z r⊕ 36. Sir James Hopwood Jeans (1877 – 1946). 111 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Là, nous allons simplifier un peu le problème, en considérant que la masse volumique ρ est uniforme dans la Terre, ce qui n’est pas vrai bien sûr, puisque au centre de la Terre, dans la graine, nous avons : ρ = 12 103 kg m−3 , dans le noyau externe ρ = 10 103 kg m−3 , dans le manteau ρ = 5 103 kg m−3 , tandis que la croûte a, elle, une masse volumique ρ = 3 103 kg m−3 . Si cette modélisation était adoptée, les conditions aux limites à appliquer aux discontinuités de constitution (de Lehmann, de Gutemberg et de Mohorovicic successivement), donc de masse volumique, serait la continuité de la pression. Fastoche, non ? Ainsi donc, en intégrant la première expression du précédent système selon x, on obtient : 3 2 r⊕ Ω 1 G m⊕ P (x, z) = − ρ 1 − x2 + f (z) 3 2 r⊕ G m⊕ La fonction f (z) est une fonction de la variable z uniquement. On la détermine en dérivant l’expression de P (x, z) obtenue par rapport à z, et nous obtenons : ∂P (x, z) ∂z = d f (z) dz Et là nous utilisons la deuxième équation du système, que nous identifions à celle-ci, obtenant donc : d f (z) dz = − G m⊕ z 3 r⊕ Cette équation s’intègre du plus simplement du monde en : f (z) = − 1 G m⊕ 2 z +C 3 2 r⊕ où C est une constante. La fonction de pression devient donc : 3 2 r⊕ Ω 1 G m⊕ 1 G m⊕ 2 P (x, z) = − ρ 1− x2 − z +C 3 3 2 r⊕ G m⊕ 2 r⊕ Nous déterminons C par les conditions aux limites, en l’occurrence au centre de la Terre : P0 = P (0, 0) = C : 3 2 r⊕ Ω 1 Gm⊕ 2 1 Gm⊕ 1− x2 − z + P0 P (x, z) = − ρ 3 3 2 r⊕ Gm⊕ 2 r⊕ En un lieu donné, mettons à la surface, où la pression est P (x, z) = PA , l’équation de l’isobare est donc : 3 2 r⊕ Ω 1 G m⊕ 1 G m⊕ 2 P0 − PA = ρ 1 − x2 + z 3 3 2 r⊕ G m⊕ 2 r⊕ 3 2 r⊕ Ω 1 1 G m⊕ 1 Gm⊕ 2 1 1 − x2 + ρ z (2.69) ⇐⇒ 1 = ρ 3 3 P0 − PA 2 r⊕ Gm⊕ P0 − PA 2 r⊕ ce qui est précisément l’équation d’une ellipse ! En effet, nous pouvons écrire : 1 = a2 = c2 = z2 x2 + a2 c2 P0 − PA 3 2 r⊕ Ω G m⊕ ρ 1− 3 2 r⊕ G m⊕ P0 − PA G m⊕ ρ 3 2 r⊕ 112 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE où a et c sont respectivement les rayons équatorial et polaire de la Terre (demi-grand et demi-petit axes de l’ellipsoı̈de de révolution). La difficulté, ici, est d’avoir une idée de la pression P0 au centre de la Terre, car on ne peut pas ni y aller, ni y envoyer des instruments de mesure. La parade consiste à dire que la masse de la Terre est indépendante de sa forme. En écrivant membre à membre le volume de la Terre sphérique et ellipsoı̈dale, nous obtenons : 4 3 πr 3 ⊕ 6 ⇐⇒ r⊕ 4 2 πa c 3 a4 c2 = = 6 ⇐⇒ r⊕ = ⇐⇒ P0 − PA = (P0 − PA )3 3 r 3 Ω2 2 ρ G2rm3⊕ 1 − G⊕m⊕ ⊕ 2/3 r 3 Ω2 1 G m⊕ ρ 1− ⊕ 2 r⊕ G m⊕ dont nous tirons : a 3 2 −1/3 r⊕ Ω = 1− G m⊕ −1/6 r 3 Ω2 = r⊕ 1 − ⊕ G m⊕ 3 2 Ω 1 r⊕ ≈ r⊕ 1 + 6 G m⊕ 2 2 r⊕ =⇒ a =⇒ a c 3 2 2/3 r⊕ Ω = 1− G m⊕ 3 2 1/3 r⊕ Ω = r⊕ 1 − G m⊕ 3 2 Ω 1 r⊕ ≈ r⊕ 1 − 3 G m⊕ 2 2 r⊕ =⇒ c =⇒ c 3 2 Dans les deux cas, la linéarisation en r⊕ Ω /G m⊕ est rendue possible car cette grandeur, rapport de la force centrifuge avec la force gravitationnelle, est petite (et heureusement, sinon rien ne resterait sur Terre et tout serait projeté dans l’espace en raison de la rotation de la Terre, ce qui ne serait pas vraiment drôle). Ceci a une application directe, puisque l’on peut calculer la différence entre les rayons équatorial et polaire correspondant à la même isobare : a−c 3 2 Ω 1 r⊕ r⊕ 2 G m⊕ = 11, 1 km = et, partant, l’aplatissement dynamique : a−c c = ≈ 3 2 Ω 1 r⊕ 2 G m⊕ 1/580 113 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE À l’occasion de ces applications numériques, nous utilisons les valeurs approximatives de r⊕ = 6 400 km et G m⊕ = 398 600, 4418 km3 · s−2 , et Ω = 2π/86 160 rad · s−1 (vitesse de rotation dans le repère inertiel, c’est-à-dire sidérale). Les valeurs mesurées de ces paramètres sont : a − c = 21, 385 km et (a − c)/c = 1/298, 257 (ellipsoı̈de GRS80). On voit donc que notre modèle, dont nous avons montré les limites, permet une première approximation de ces grandeurs. 2.6 La précession Définition (Précession) — On appelle précession du pôle le mouvement séculaire de l’axe de figure de la Terre, dans le repère inertiel, lié à l’attraction directe des corps extérieurs à la Terre sur son bourrelet équatorial. En dépit de son approche différente de la nôtre, nous nous référons ici au livre très riche en contenu de Gianni Pascoli cité en référence [Pascoli, 1993]. L’essentiel de ce chapitre tient dans l’application du théorème du moment cinétique, qui diffère de celle étudiée pour le mouvement du pôle, dont la cause est exclusivement liée à la différence entre axe d’inertie et axe de rotation (voir la partie 2.8 page 124) ; ici nous allons considérer le couple provoqué par l’attraction des N corps que l’on sélectionne sur le bourrelet équatorial de la → − Terre, que l’on note Γ ON →⊕ . Figure 6.8 — Force différentielle exercée par un astre sur le bourrelet équatorial de la Terre, cause du phénomène de précession-nutation. 114 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE 2.6.1 Le problème posé Référentiels utilisés − → − → Nous utilisons d’abord un référentiel géocentrique inertiel R = (O, − u→ X , uY , uZ ), dont les axes − → − → uX et uY définissent, par exemple, le plan de l’écliptique en tant que plan de référence, l’axe − u→ X étant orienté vers le point vernal de l’époque de référence, et faisant donc office d’origine des directions. − → − → On considère désormais le référentiel géocentrique R′ = (O, − u→ x , uy , uz ) orienté comme la Terre, − → − → dont les axes principaux sont les axes d’inertie de la Terre. Dans le repère inertiel R = (O, − u→ X , uY , uZ ), le référentiel géocentrique tournant est orienté selon les angles d’Euler suivants (voir la figure 6.9 − → − → − → page suivante) : (− u→ X , ux ) = ψ, et (uZ , uz ) = ǫ. Ces angles sont appelés longitude et obliquité ; celleci est l’angle entre l’axe de rotation de la Terre et l’axe normal au plan de référence. Les plans dans lesquels se trouvent ces angles ne sont pour l’instant pas définis. Par ailleurs, nous étudions ce qui se passe à un instant donné en termes dynamiques, et choisissons arbitrairement de prendre ϕ = 0, c’est-à-dire d’annuler la rotation propre, non pas de la Terre, mais du référentiel R′ . Cela signifie − → − → − → − → que le vecteur − u→x est dans le plan (O, − u→ X , uY ), et que le vecteur uz est dans le plan (O, uy , uZ ), et pour vous tenir en haleine, cela aura son importance par la suite. L’écriture du théorème du moment cinétique Sans pour l’instant entrer dans le détail du calcul du couple subi par le bourrelet équatorial de la Terre, nous adoptons les notations suivantes : → − − → − → — Ω ⊕/R = ψ̇ − u→ est le vecteur rotation réel de la Terre dans le référentiel Z + ǫ̇ ux + ϕ̇ uz inertiel R ; → − → — Ω ⊕/R′ = ϕ̇ − u est le vecteur rotation réel de la Terre dans le référentiel R′ ; z — par conséquent, le vecteur rotation de R′ par rapport à R est : − → Ω R′ /R = = = − → → − Ω ⊕/R − Ω ⊕/R′ − → ψ̇ − u→ Z + ǫ̇ ux − → →) + ǫ̇ − ψ̇ (sin ǫ uy + cos ǫ − u u→x z → − → − — L ⊕/R = I Ω ⊕/R est le vecteur moment cinétique de la Terre dans le référentiel inertiel, I étant le tenseur d’inertie de la Terre ; → − est le vecteur moment de force en O s’exerçant sur le bourrelet équatorial de — Γ ON →⊕ la Terre, indépendant du référentiel dans lequel on l’exprime. Or, si nous nous plaçons dans le référentiel inertiel décrit précédemment, le théorème du moment cinétique nous dit que la variation du moment cinétique de la Terre est égal au moment des forces qu’elle subit, c’est-à-dire : ! → − d L ⊕/R dt → − = Γ ON →⊕ (2.70) R Il ne nous reste plus qu’à expliciter le couple subi par la Terre, et à appliquer le théorème du moment cinétique que nous venons de reformuler. 115 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Figure 6.9 — Angles d’Euler définissant l’orientation de la Terre dans un référentiel inertiel. 2.6.2 Étude dynamique : le calcul du moment des forces − → − → Dans le référentiel géocentrique inertiel R = (O, − u→ X , uY , uZ ), un élément de masse dm de la → − Terre, situé en M , positionné en r (dénotant donc le vecteur joignant le centre de la Terre O et M ) est soumis à la force différentielle : − → δ F N →dm = dm N X i ! − → − → G mi − G mi → − → → 3 (Di − r ) − − → Di |D i − − r| |D i |3 (2.71) − → où i dénote l’indice du corps attirant l’élément de masse dm, situé à une distance Di du centre de la Terre, et de masse mi . Nous considérons ici une force dite différentielle entre la force de l’astre considéré sur la Terre entière et la force du même astre sur chaque élément de masse de la Terre. Nous considérons ainsi en effet que la Terre est un solide dont nous cherchons à déterminer les variations d’orientation : c’est pour cela que nous utilisons le théorème du moment cinétique. Nous devons alors considérer les forces externes à ce système (la Terre vue comme un solide) qui génèrent un couple ; par conséquent, nous ne considérons pas la force de la Terre entière sur 116 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE chaque élément de masse, et nous retirons à la force totale subie par chaque élément de masse la force intégrale subie par la Terre. De la sorte, nous pourrons immédiatement calculer au centre de la Terre le moment de la force de l’astre et son implication sur l’orientation de la Terre. Les astres principaux de cet effet sont la Lune, le Soleil, Vénus (pour sa proximité), et Jupiter (pour sa masse). Si on veut plus de raffinement, on prendra aussi les autres planètes du Système solaire, mais une excellente approximation est obtenue en ne considérant que la Lune et le Soleil. De façon évidente, tout étant en mouvement dans l’Univers, les vecteurs − → Di sont fonction du temps. Il faut remarquer que cette expression, simplifiée, considère les corps attracteurs comme ponctuels, alors qu’évidemment ce n’est pas le cas, et qu’il existe, en raison de l’attraction de la Terre, par exemple pour la Lune, des déformation de ces corps pouvant, en retour, affecter la force et le couple qu’ils appliquent à la Terre, ainsi que la force différentielle ici décrite ; mais que le lecteur se rassure, ce ne sera pas ici que nous entrerons dans ces considérations. Le moment élémentaire associé à cette force, calculé en O, est : → − δ Γ ON →dm → − − = → r ∧ δ F N →dm et le moment total est le résultat de l’intégrale sur l’ensemble de la Terre de cette grandeur : Z − → → − → − Γ ON →⊕ = r ∧ δ F N →dm ⊕ En insérant l’expression de la P force élémentaire dans cette relation, et en nous limitant à un N seul corps i (donc en supprimant i , et en écrivant γ plutôt que Γ), nous avons : ! Z G mi − G mi − → − → → → − → − γ Oi→⊕ = r ∧ − → → 3 (Di − ri ) − − → Di dm ⊕ |D i − − r| |D i |3 → − Z →! − → − → − r ∧D r ∧D = Gm dm → →3 − − D3 ⊕ |D − − r| → − → → 3 − − → − → Z D3 − r ∧ D − |D − − r| · → r ∧D dm = Gm → →3 3 − ⊕ |D − − r| D → =⇒ − γ Oi→⊕ ≈ ≈ = → =⇒ − γ Oi→⊕ = Gm Z ⊕ Gm D4 Z Gm D4 Z ⊕ ⊕ 3 − → −→ → → − → − − → r − 1 → → 2− D 2 − → − − D − D u · D · r ∧ D r ∧ D dm D D6 | D {z } → − = 0 → − → − → − r → − → − −3 · − D. − r ∧ D dm u→ D D − → − → − → − 3 − → → − → − − → D · r · r ∧ D D · r ∧ D + dm D | {z } → − = 0 Z − − → → − Gm → 3 5 D ·→ r · − r ∧ D dm D ⊕ → →3 − − → Dans ce développement, nous avons considéré que | D − − r | ≈ D3 au dénominateur et | D − → − −→ → − − le vecteur → − − 3 r au numérateur, car D ≫ r, ce qui est légitime. Nous avons noté u→ r |3 ≈ − u→ D D D 117 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE → − unitaire porté par le vecteur D . Il faut noter que ce couple est, d’après notre simplification, le couple produit par un seul corps, mais que la Terre, elle, est soumise à l’attraction de nombreux astres, comme nous l’avons déjà dit. La généralisation à plusieurs corps s’écrit donc : − → Γ ON →⊕ Z N X − → → − − → mi = 3G Di · − r · → r ∧ Di dm 5 Di ⊕ i (2.72) où nous avons retrouvé notre vieux copain ΓON →⊕ initial. Gardons précieusement cette relation, et passons à autre chose. → − − − → − → Nous notons la décomposition de D et → r selon les axes − u→ x , uy et uz : − → D = → − r = − → − → u→ xD − x + yD u y + zD u z →+z − → x− u→x + y − u u y z Si bien que l’expression 2.72 s’écrit : − → Γ ON →⊕ Z N y zDi − z yDi X mi (xDi x + yDi y + zDi z) z xDi − x zDi dm = 3G 5 D i ⊕ i x yDi − y xDi Mais heureusement de nombreux termes de ce fastidieux développement sont nuls lors de l’intégration. Sur les six termes de chaque ligne, ceux pour lesquels R on n’a pas les deux coordonnées de R → − r identiques sont nuls ; ainsi ⊕ xDi z yzDi dm = 0, mais ⊕ zDi z zxDi dm = I3 xDi zDi 6= 0. Si bien que le couple total s’écrit donc : N − yDi zDi I3 I y z X mi 2 Di Di → − −I1 xDi zDi + I3 xDi zDi Γ ON →⊕ = 3 G 5 D i i I1 xDi yDi − I2 xDi yDi = 3 G (I3 − I1 ) N X mi − → − → 5 (yDi zDi ux − xDi zDi uy ) D i i car nous n’avons pas oublié que I1 = I2 . Nous introduisons alors un angle appelé longitude écliptique λi du corps i, angle mesuré − → − → −→ − → dans le plan (O, − u→ X , uY ) entre l’axe ux (qui est bien dans (O, uX , uY ) car nous l’y avons contraint → − − → − → pour les besoins de la cause) et D , lui aussi dans (O, uX , uY ) (voir la description des coordonnées écliptiques dans la partie 4.1.5 page 186). De façon implicite, nous imposons ainsi à tous les corps de se trouver dans le plan de l’écliptique ; par définition de ce plan, cela est vrai pour le Soleil, et de façon approximative pour les planètes du Système solaire, mais un peu moins pour a Lune, dont le plan en est incliné de 5◦ . Ainsi si nous nous amusons à exprimer xDi , yDi , et zDi en fonction de l’obliquité ǫ, et de λi , le couple se réécrit : N cos ǫ (cos 2λi − 1) X → − mi 3 sin 2λi Γ ON →⊕ = G (I3 − I1 ) sin ǫ 3 2 D i i 0 2.6.3 La dérivée temporelle du moment cinétique Le calcul de la dérivée du moment cinétique de la Terre par rapport au temps dans le référentiel → − inertiel L ⊕/R se fait en ne sortant pas le tenseur du moment d’inertie I du produit avec le vecteur → − rotation de la Terre Ω ⊕/R : 118 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE − → L⊕ ! → − d L ⊕/R dt = → − I Ω⊕ ! → − d I Ω ⊕/R dt = R avec : I = I1 0 0 0 I2 0 où nous avons supposé diagonal le tenseur d’inertie. 0 0 I3 Nous développons donc ce calcul : ! → − d L ⊕/R dt R ! → − d I Ω ⊕/R = dt R d → → + ψ̇ cos ǫ + ϕ̇ − = u I ǫ̇ − u→x + ψ̇ sin ǫ − u z y dt R − → d u x u→x + ǫ̇ = I1 ǫ̈ − dt R − → → + ψ̇ ǫ̇ cos ǫ − → + ψ̇ sin ǫ duy u u + I2 ψ̈ sin ǫ − y y dt R − − → → → − ψ̇ ǫ̇ sin ǫ − → + ψ̇ cos ǫ duz − → + ϕ̇ duz u u + I3 ψ̈ cos ǫ − + ϕ̈ u z z z dt R dt R → et − →: Il nous faut désormais calculer les dérivées des vecteurs unitaires − u→x , − u u y z − du→x dt R − → Ω R′ /R ∧ − u→x → + cos ǫ − →) + ǫ̇ − = ψ̇ (sin ǫ − u u u→x ∧ − u→x y z = →) + ψ̇ cos ǫ − → = ψ̇ sin ǫ (−− u u z y De même : − → du y dt R = = − → du z dt R = = − → → Ω R′ /R ∧ − u y → ψ̇ cos ǫ (−− u→x) + ǫ̇ − u z → − → Ω R′ /R ∧ − u z → ψ̇ cos ǫ − u→x − ǫ̇ − u y Intégrant ces expression dans celle de la dérivée du moment cinétique, nous aboutissons à : 119 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE ! → − d L ⊕/R dt = R I1 ǫ̈ + ψ̇ 2 cos ǫ (I3 sin ǫ − I2 ) + I3 ψ̇ ϕ̇ sin ǫ − u→x → (I1 + I2 − I3 ) ǫ̇ψ̇ cos ǫ + I2 ψ̈ sin ǫ − I3 ǫ̇ϕ̇ − u y → + (I2 − I1 − I3 ) ǫ̇ψ̇ sin ǫ + I3 ψ̈ cos ǫ + ϕ̈ − u z + 2.6.4 Application du théorème du moment cinétique et conclusion Dans de telles conditions le théorème du moment cinétique s’écrit : I1 ǫ̈ + ψ̇ 2 cos ǫ (I3 sin ǫ − I2 ) + I3 ψ̇ ϕ̇ sin ǫ = (I1 + I2 − I3 ) ǫ̇ψ̇ cos ǫ + I2 ψ̈ sin ǫ − I3 ǫ̇ϕ̇ = (I2 − I1 − I3 ) ǫ̇ψ̇ sin ǫ + I3 ψ̈ cos ǫ + ϕ̈ = N X mi 3 (cos 2λi − 1) G (I3 − I1 ) cos ǫ sin ǫ 2 Di3 i N X mi 3 sin 2λi G (I3 − I1 ) sin ǫ 2 Di3 i 0 Si on fait l’hypothèse que l’angle de précession ψ et l’angle d’obliquité ǫ varient faiblement, on peut négliger les termes du second ordre ψ̈ , ǫ̈, ainsi que ψ̇ 2 et ψ̇ ǫ̇ (et alors on remarque que dans la première équation on peut simplifier par sin ǫ) ; on fait en outre une autre hypothèse, celle que I1 = I2 , c’est-à-dire que les moment d’inertie équatoriaux de la Terre sont égaux. Si bien que notre brave système d’équations devient : N X mi 3 G (I − I ) cos ǫ ψ̇ ϕ̇ = I 3 1 3 3 (cos 2λi − 1) 2 D i i N (2.73) X mi 3 sin 2λi G (I − I ) sin ǫ − I ǫ̇ ϕ̇ = 3 1 3 3 2 Di i ϕ̈ = 0 → montre que la rotation de la Terre sur elle-même se fait à La projection sur − u z vitesse constante : ϕ̇ = cte = Ω. Autrement dit, l’introduction d’un couple gravitationnel agissant sur le bourrelet équatorial de la Terre ne rend pas sa rotation variable. Nous allons désormais restreindre notre étude aux deux seuls corps considérés comme agissant sur la Terre, le Soleil (⊙), et la Lune ($). Nous considérons toujours que la Lune se trouve dans le plan de l’écliptique, ce qui n’est pas vraiment exact comme nous l’avons vu plus haut. Le plus simple est de commencer par ne considérer que le seul Soleil. Ainsi si on intègre son mouvement apparent sur une année tropique (un tour complet de la Terre autour du Soleil, en tenant compte du déplacement du point vernal), alors λ⊙ varie de 0 à 2π. La première équation nous donne alors : Z 2π m⊙ 1 3 G (I3 − I1 ) cos ǫ 3 (cos 2λ − 1)dλ I3 ψ˙⊙ Ω = 2 a⊕ 2π 0 | {z } =1 3 G m⊙ (I3 − I1 ) cos ǫ = − 2 a3⊕ 120 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE On remarquera que l’on peut faire intervenir le moyen mouvement n dans cette expression : n = = ≈ =⇒ ψ˙⊙ = 2π T G (m⊙ + m⊕ ) a3⊕ G m⊙ a3⊕ 3 G m⊙ I3 − I1 cos ǫ 2 Ωa3⊕ I3 (2.74) Nous avons là évalué la composante solaire de la précession. Nous avons fait l’approximation que la Lune était dans le même plan que le Soleil ; nous pouvons évaluer, à la louche, la part de la valeur de la précession due à la Lune en calculant le rapport des forces relatives de marées : m$ D ⊙ δF$ ≈ δF⊙ m⊙ D $ ≈ 2, 17 D’où nous tirons la valeur de la précession luni-solaire : ψ̇⊙+$ = = 3 n2 I3 − I1 cos ǫ × (1 + 2, 17) 2 Ω I3 −50, 4′′/an 1 = 3, 268 · 10−3 , Ω = 7, 292 · 10−5 rad/s, n = 3548, 3′′/j (avec en ayant utilisé : I3I−I 3 T = 365, 2422 j la durée de l’année tropique), et ǫ = 23◦ 26′ . La valeur observée étant de −50, 29′′/an (se répartissant en 46, 12′′/an en ascension droite et 20, 04′′/an en déclinaison), on se rend compte que notre approximation n’est pas si mauvaise. →) du système 2.73, elle est nulle lorsqu’on Quant à la seconde équation (projection sur − u y l’intègre sur une année, traduisant le fait qu’en moyenne, la variation d’obliquité est nulle, et que l’angle ǫ garde une valeur constante. Ceci n’est pas complètement vrai dans la réalité, et il faut une approche plus fine que la nôtre pour le montrer. Nous retiendrons donc que la précession est due à l’existence d’un bourrelet équatorial (conséquence directe de la rotation de la Terre sur elle-même), à l’action gravitationnelle du Soleil (pour environ un tiers) et de la Lune (environ deux tiers) sur celui-ci, et au fait que l’axe de rotation de la Terre (donc son équateur) est incliné par rapport aux normales, ici supposées confondues, aux plans orbitaux de la Lune autour de la Terre et de la Terre autour du Soleil (cette dernière inclinaison est aussi la cause de l’existence des saisons). Il s’agit donc d’un phénomène, certes périodique, mais séculaire au regard des échelles de temps qui nous concernent, et parce qu’il ne subit pas d’oscillations. Du point de vue physique, le couple exercé par la Lune et le Soleil sur le bourrelet de la Terre tend à aligner celui-ci sur les plans orbitaux de ceux-là ; du point de vue observationnel, il se traduit par le fait que l’axe de figure de la Terre dessine un cône, sur une période de 25 700 ans, par rapport au repère inertiel céleste (cet axe est dirigé, aujourd’hui, vers l’étoile que nous appelons « Étoile polaire » ; évidemment, cette appellation est malheureuse et ne fait que traduire l’existence relativement récente du genre humain devant les phénomènes naturels et cosmiques.). On appelle aussi ce phénomène précession des équinoxes car le point 121 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Figure 6.10 — Le phénomène de précession de l’axe de rotation de la Terre. Source : Lyndon State College Atmospheric Sciences, à l’adresse : http://apollo.lsc.vsc. edu/classes/met130/notes/chapter16/ precession.html. Figure 6.11 — Carte céleste de l’orientation de l’axe de rotation de la Terre sur un cycle de précession. Source : http://fr. wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9cession_des_ %C3%A9quinoxes. vernal (intersection de l’équateur – prolongement de l’équateur terrestre sur la sphère céleste, donc normal à l’axe de rotation de la Terre – avec l’écliptique – plan de l’orbite de la Terre autour du Soleil –) se déplace en raison du déplacement de l’axe de rotation de la Terre, et à la même vitesse angulaire. Cela a pour conséquence le déplacement de l’origine des coordonnées célestes ; c’est la raison pour laquelle on utilise en pratique les valeurs à une date de référence (J2000.0 par exemple), ou des valeurs dites moyennes (c’est-à-dire prenant en compte le décalage dû à la précession), qui sont différentes des valeurs vraies (qui sont celles prenant en compte la précession et la nutation). Le paramétrage de la précession est exposé dans la partie 4.4.2 page 205. 2.7 La nutation Définition (Nutation) — Le phénomène de nutation est, lui, décrit en prenant en compte les phénomènes périodiques faisant osciller l’axe de rotation de la Terre autour de sa position moyenne liée à la précession. La nutation est faite de deux composantes : la composante principale et la composante lunisolaire [Capitaine, 2000]. Le paramétrage de la nutation est donné dans la partie 4.4.2 page 205. 2.7.1 La composante principale 122 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE La composante principale, dite de Bradley 37 , est due aux perturbations gravitationnelles du Soleil sur l’orbite lunaire, ainsi qu’à l’applatissement de la Terre, qui se traduisent par une précession de la ligne de nœuds de l’orbite lunaire, avec une période de 18,6 ans (période dite draconitique). Si bien que l’inclinaison de l’orbite de la Lune, mesurée entre l’équateur terrestre et le plan orbital lunaire, subit des variations de même période, conduisant à un couple variable sur le bourrelet équatorial également périodique, aboutissant à une oscillation du pôle vrai autour du pôle moyen. Cette oscillation prend la forme d’une ellipse centrée sur le pôle moyen, de grand axe d’amplitude 9, 2′′ dirigé vers le pôle de l’écliptique Qm , et de petit axe d’amplitude 7, 2′′ , et parcourue en 18,6 ans. Ce mouvement a une traduction en termes d’oscillations du point vernal vrai autour du point vernal moyen, d’amplitude 17, 2′′ le long de l’écliptique, ce qu’on appelle la nutation en longitude, ainsi qu’en termes d’oscillations de l’obliquité vraie autour de l’obliquité moyenne, d’amplitude 9, 21′′ , ce qu’on appelle la nutation en obliquité (voir la figure 4.32). 2.7.2 La composante luni-solaire La composante luni-solaire est, elle, due aux variations de déclinaison (voir la figure 1.9 page 182) de la Lune et du Soleil, et sont de période la moitié de la période de révolution, à savoir 13,7 jours (soit tous les 0,52” d’arc au cours du déplacement du pôle dû à la précession, et d’amplitude 0,09”) et 6 mois (soit tous les 3,15” d’arc, et d’amplitude 0,55”), comme le montre la figure 4.33 page 211. Figure 7.12 — La résultante des mouvements de précession et de nutation. Source : http://www. louisg.net/astronomie.htm. 37. James Bradley (1693 – 1762). 123 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE 2.8 Le mouvement du pôle Si, comme nous l’avons vu pendant l’épisode de sa formation, l’axe de rotation de la Terre n’a aucune raison d’être confondu avec son axe d’inertie, quel lien existe-t-il entre eux ? Définition (Mouvement du pôle) — La notion de mouvement du pôle exprime le mouvement de l’axe vrai de rotation de la Terre par rapport à son axe d’inertie. Cette sous-partie s’inspire du cours donné par Marie-Noelle Bouin, cité en référence [Bouin, 2002], qui reprend de façon simplifiée les équations dites de Liouville 38 . 2.8.1 Référentiels de l’étude Nous allons d’abord utiliser un référentiel géocentrique lié à la croûte terrestre, c’est-à-dire − → − → tournant, et orienté par ses axes principaux d’inertie, noté R = (O, − u→ X , uY , uZ ). Nous utilisons un seconde référentiel, orienté quant à lui par l’axe immédiat de rotation diurne − → − → ′ de la Terre, que nous notons R′ = (O, − u→ x , uy , uz ). On peut orienter R par rapport à R au moyen d’angles d’Euler mais, comme nous allons le voir, cela n’est pas nécessaire. Le vecteur rotation de la Terre par rapport au référentiel R est aussi le vecteur rotation de R′ par rapport à R : − → Ω ⊕/R 2.8.2 = = = − → Ω R′ /R → ϕ̇ − u z − → − → Ω1 − u→ X + Ω2 u Y + Ω3 u Z Hypothèses dynamiques sur la Terre Faisons l’hypothèse, simpliste (et nous verrons un peu plus loin les limites de cette simplification), d’une Terre rigide (ce qui signifie que son tenseur d’inertie est constant dans le temps), dont la forme a une symétrie de révolution autour de l’axe d’inertie (ce qui signifie que le fameux tenseur est diagonal, de composantes I1 , I2 et I3 ) et homogène (I1 = I2 , valable uniquement si la condition de symétrie de rotation est vérifiée). Pour l’instant, nous maintenons la distinction entre I1 et I2 , et ferons intervenir leur égalité en temps voulu. 2.8.3 Le moment cinétique de la Terre → − Le moment cinétique L s’écrit : − → L ⊕/R → − = I Ω ⊕/R (2.75) − → où Ω ⊕/R est le vecteur de rotation, porté par l’axe de rotation. Dans le système d’angles d’Euler, en dérivant cette équation par rapport au temps, on obtient : ! → − d L ⊕/R d − → = I Ω ⊕/R dt dt R R = I1 dΩ2 − dΩ3 − dΩ1 −→ uX + I2 u→ u→ Y + I3 Z dt dt dt 38. Joseph Liouville (1809 – 1882). 124 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Or, en l’absence de couple extérieur, cette étude ayant été faite dans la partie 2.6 page 114, la dérivation temporelle d’un vecteur se calcule selon : ! → − d L ⊕/R → − → − = Ω ⊕/R ∧ L ⊕/R dt R − → − → = Ω ⊕/R ∧ I Ω ⊕/R I1 Ω1 Ω1 = Ω2 ∧ I2 Ω2 I3 Ω3 Ω3 (I3 − I2 ) Ω2 Ω3 = (I1 − I3 ) Ω1 Ω3 (I2 − I1 ) Ω2 Ω1 − → → − − → − → On remarquera que I Ω ∧ Ω 6= 0 car I n’est pas un scalaire mais une matrice, si bien que I Ω → − n’est pas colinéaire avec Ω . Ces expressions donnent le système : I3 − I2 dΩ1 Ω2 Ω3 = dt I1 dΩ I1 − I3 2 Ω3 Ω1 = dt I2 I2 − I1 dΩ3 Ω1 Ω2 = 0 = dt I3 ce qui donne le premier résultat, à savoir que la rotation de la Terre tourne sur elle-même à une vitesse constante : Ω3 = cte = ϕ̇ (en utilisant la notation prise pour le paramétrage des angles d’Euler). La valeur admise de cette rotation est Ω3 = 7, 292 115 146 706 4·10−5 rad/s (valeur exacte admise par convention dans [McCarthy & Petit, 2004], et correspondant à l’époque 1820, en pleine Restauration...), à laquelle est associée une durée du jour de 86 400 s. 2.8.4 Le mouvement du pôle de rotation par rapport au pôle d’inertie Les deux autres équations peuvent se réécrire : dΩ1 = −ω Ω2 dt dΩ2 dt = ω Ω1 avec : ω = = I1 − I3 Ω3 I2 I2 − I3 Ω3 I1 ω est la pulsation du comportement oscillatoire connu par Ω1 et Ω2 , et est liée à l’aplatissement de la Terre par la différence I1 ou 2 − I3 . L’égalité des deux lignes précédentes n’est qu’approximative, car : I1 = I2 = 8, 0101 · 1037 kg m2 8, 0103 · 1037 kg m2 125 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE En dérivant le système une fois, et en reprenant les expressions d’avant-dérivation, ce système se réécrit et se résout facilement : d2 Ω1 dt2 = −ω d2 Ω2 dt2 dΩ2 dt = −ω 2 Ω1 = ω dΩ1 dt = −ω 2 Ω2 Or, la Terre étant modélisée comme de symétrie de révolution, aucun axe, de X ou de Y , n’est privilégié ; si bien que l’amplitude du mouvement de l’axe de rotation selon ces axe est la même, notée Ω. De plus, ces angles étant perpendiculaires, il existe un déphasage de π/2 entre eux. La solution des équations est donc : Ω1 Ω2 = = Ω cos(ω t + φ) Ω sin(ω t + φ) (2.76) Ce sont ici les expressions décrivant les vitesses de rotation du repère R′ par rapport à R ; si l’on cherche à calculer les angles positionnant le pôle de rotation par rapport au pôle d’inertie, alors il faut intégrer ces relations une fois, et établir quelles sont les conditions à l’origine, c’est-à-dire quelle est la position du pôle de rotation à une époque de référence. Néanmoins, la pulsation des angles ainsi calculé sera la même que celle des grandeur Ω1 et Ω2 . → − Par ailleurs, ces relations montrent que l’axe de rotation Ω ⊕/R tourne autour de l’axe d’inertie − u→ Z avec une pulsation ω, directement liée à l’aplatissement de la Terre (voir la figure 4.30 page 209). En conservant les hypothèses faite au début de cette partie (Terre rigide, etc.), on obtient une période de 305 jours (valeur déjà calculée par Euler). En effet : ω ⇒T I3 − I2 Ω3 I1 2π = ω = 26 342 858, 97 s = soit : 304, 89 j avec I3 = 8, 0365 kg · m2 , les valeurs des autres paramètres ayant déjà été vues. 2.8.5 Limites de l’étude Un cas encore moins réel que celui étudié On fera observer que si le tenseur d’inertie de la Terre était diagonal, c’est-à-dire si la Terre était de symétrie sphérique à tout point de vue (forme sphérique, homogénéité de la distribution de masse), alors le moment cinétique aurait une dérivée nulle, ce qui signifie que le pôle de rotation n’aurait pas de mouvement par rapport au pôle d’inertie. Mais si le tenseur d’inertie était diagonal, cela signifierait aussi qu’il n’y a pas d’axes principaux d’inertie, et que tout trièdre géocentrique pourrait faire office de vecteur propre associé à ce tenseur, en particulier celui prenant l’axe de rotation comme axe de ce trièdre. Ceci signifie que le mouvement du pôle est dû à deux situations qui ne vont pas l’une sans l’autre : 126 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE — la Terre n’est pas sphérique, et présente un bourrelet équatorial ou, ce qui revient au même, est aplatie aux pôles ; — l’axe de rotation de la Terre est distinct de l’axe principal d’inertie. Cas d’une Terre plus réelle que celle étudiée Les hypothèses faites au début de cette partie sont des hypothèses simplifiées ; voici leurs limites : — la Terre n’est pas rigide : que ce soit le noyau, le manteau, la croûte, les océans, l’atmosphère, tout se déforme. La Terre est un corps céleste faits d’enveloppes fluides, qui se déplacent dans le temps. Le tenseur d’inertie ne peut donc être considéré comme constant. Ces fluides étant visqueux, il y a dissipation d’énergie à l’occasion de leurs frottements mutuels ; — la Terre n’est pas homogène : les masses sont réparties de façon, certes pas aléatoires, mais en tout cas pas homogène, et les moments d’inertie I1 et I2 ne sont égaux que de façon approximative (et en effet, nous avons vu que I1 = 8, 010 1 1037 kg m2 et I2 = 8, 010 3 1037 kg m2 ) ; — la Terre n’est donc, conséquence de ces faits, pas nécessairement de symétrie, et le tenseur d’inertie n’est pas nécessairement diagonal. Le tenseur réel d’inertie peut être considéré comme étant la somme de trois composantes : — un tenseur correspondant à une Terre sphérique (tenseur diagonal), homogène (composantes égales) et rigide (composantes constantes) ; — un tenseur correspondant à l’aplatissement (donc les termes diagonaux correspondant aux deux axes équatoriaux sont non-nuls et positifs) ; — un tenseur, non constant, et non diagonal, correspondant aux redistributions de masses au sein de la Terre. L’analyse du mouvement du pôle à la surface de la Terre met en évidence deux fréquences, d’amplitudes différentes (voir la figure 4.29) : — l’oscillation dite de Chandler 39 , d’une période d’environ 435 jours, et d’amplitude variable, mais pouvant atteindre 150 mas, qui est l’oscillation prévue par Euler, mais allongée en raison de la non-rigidité de la Terre ; cette oscillation est tour à tour amortie puis ré-excitée, mais on peine à expliquer ces fluctuations ; — une période annuelle, dont l’amplitude vaut environ 100 mas, due aux redistributions de masses océaniques et atmosphériques annuelles ; — enfin on observe une dérive tendancielle dans la direction 80◦ ouest, à un rythme de 3, 7 mas par an, probablement due aux déformations lentes de la croûte terrestre. Pour conclure sur le mouvement du pôle, rappelons simplement qu’il est lié, uniquement, au fait que l’axe de rotation de la Terre (qui lui est imposé par les conditions initiales de formation de celle-ci) ne correspond pas à l’axe d’inertie, en raison des conditions initiales de mise en mouvement de la Terre, et qu’en plus l’axe d’inertie se déplace du fait des mouvements de masses de la Terre. 2.8.6 Éléments de terminologie Le pôle d’inertie de la Terre est aussi, parfois, appelé « pôle de figure » : il est l’axe décrivant au mieux l’aplatissement de la Terre, et c’est lui dont on examine le mouvement lorsqu’on décrit l’orientation de la Terre par rapport à un référentiel inertiel, avec la précession et la nutation. 39. Seth Carlo Chandler (1846 – 1913). 127 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Par ailleurs, si, en toute rigueur, le pôle instantané de rotation est le pôle terrestre par rapport auquel le système de coordonnées devrait être référencé, en pratique, on utilise un pôle conventionnel, qui est le pôle moyen de rotation observé entre 1900 et 1905. C’est cet axe qui est le pôle de l’ITRS et qui, donc, définit l’équateur par rapport auquel est construit le système des coordonnées géographiques. 2.9 2.9.1 Conséquences visibles des mouvements de la Terre L’observation des astres Le mouvement diurne Les astres au cours du jour Le mouvement de rotation de la Terre sur elle même impose à l’observateur posté sur elle de voir les astres se déplacer dans un sens apparent inverse. La Terre tourne d’ouest en est ; par conséquent les astres, eux, se lèvent à l’est, culminent au méridien, et se couchent à l’ouest. Figure 9.13 — Lever et coucher du Soleil selon les saisons. Source : site internet de l’Observatoire de Paris, à l’adresse http://media4.obspm.fr/public/AMC/pages_saisons/definitionsaisons_impression.html Le jour répond à deux définitions. Définition (Jour sidéral) — On appelle jour sidéral la durée entre deux passages consécutifs d’une direction fixe de l’espace (classiquement, le point vernal d’une époque de référence) au méridien d’un lieu. On distingue le jour sidéral vrai, qui est le jour sidéral effectivement mesuré, du jour sidéral moyen, qui est le jour sidéral vrai corrigé des effets de la nutation. Le jour sidéral moyen dure 23h 56m 4, 09s, soit 86 164, 09 s. Définition (Jour solaire) — On appelle jour solaire (ou synodique) la durée entre deux passages consécutifs du Soleil au méridien d’un lieu. On distingue le jour solaire vrai, qui est le temps 128 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE entre deux passages consécutifs du Soleil au méridien du lieu, du jour solaire moyen, qui est le jour solaire vrai corrigé de l’excentricité et de l’inclinaison de l’orbite terrestre (et qui est donc le jour solaire d’une Terre dont l’orbite serait circulaire et l’axe non incliné). Le jour solaire moyen dure 24 h, soit 86 400 s, aux irrégularités de la rotation de la Terre près. Figure 9.14 — Jour sidéral (durée séparant les positions (1) et (2)), et jour solaire (entre (1) et (3)). Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/ Jour_sid%C3%A9ral. Jour sidéral, jour solaire À chacune de ces définitions est associée une échelle de temps : le temps sidéral, le temps solaire, qui sont le pendant continu de ces conceptions qui, elles, restent discrètes. Le jour sidéral moyen est plus court de 3m 55, 91 s (235, 91 s) que le jour solaire moyen. Pendant la durée d’un jour solaire moyen (24 heures), la Terre se déplace sur son orbite et, en tout lieu, cette durée sépare deux passages consécutifs du Soleil moyen au méridien ; mais la direction allant de la Terre à l’instant initial au Soleil est en quelque sorte « dépassée » pendant cette durée, puisqu’il faut 23h 56m 4s pour, en moyenne, viser une même direction deux fois consécutivement. Sur une année entière, en cumulant cet écart, on visera une direction fixe de l’espace une fois de plus qu’on ne visera le Soleil. Ceci explique que l’année solaire compte 365,2422 jours (solaires) et l’année sidérale 366, 2422 jours (sidéraux). En effet, lorsque l’on calcule : (jsolaire − jsidéral ) × ansidéral = (86 400 − 86 164, 09) × 366, 2422 on constate que l’on trouve approximativement la valeur du jour solaire : 86 400, 197 402 j. Les parallaxes annuelle et quotidienne Du fait du mouvement de la Terre sur son orbite autour du Soleil, on peut considérer que sa position relative vis-à-vis des autres astres change. La direction de la Terre à un astre particulier, supposé fixe, examinée par rapport à un repère supposé fixe, oscille donc autour de la direction « réelle ». On appelle ce phénomène parallaxe ; il est d’autant plus important que l’astre considéré est proche de la Terre. En outre, si les dimensions de l’orbite terrestre sont connues, on peut facilement appliquer le théorème de Thalès pour en déduire la distance séparant la Terre de cet astre. Le parsec est dérivé de la notion de parallaxe. Il s’agit de la distance à laquelle une unité astronomique, c’est-à-dire la distance moyenne de la Terre au Soleil, semble faire un angle d’une seconde de degré. Ainsi un parsec vaut 3,26 années-lumière. D’une amplitude bien moins importante, le même phénomène se produit du fait de la rotation de la Terre sur elle-même, mais a pu être exploité, par le passé, pour étudier les satellites en orbite 129 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE autour de la Terre. La correction à apporter aux observations pour les corriger de la parallaxe est explicitée dans la partie 4.4.3 page 221. Figure 9.15 — La parallaxe annuelle. Source : Astro Club de Marsan, à l’adresse http://www. astroclubmarsan.net/ lumiereetoiles.htm L’aberration L’aberration est une conséquence de la vitesse relative entre un observateur (la Terre en l’occurrence), une source de lumière (une étoile), et le fait que la vitesse de la lumière c n’est → pas infinie, et vaut 299 792 458 m s−1 . Si on note − c le vecteur vitesse de la lumière émise par → − l’étoile E à l’instant t − ∆t, et v le vecteur vitesse de l’observateur O à l’instant t de réception de la lumière émise à l’instant t − ∆t, avec ∆t le temps mis par la lumière pour faire ce trajet, alors, la vitesse relative entre la lumière et l’observateur est [Simon et al., 1998] : − → cr = −c − − → → v (2.77) −−→ → → Comme − c est colinéaire avec EO, et que − v n’a aucune raison de l’être, il apparaı̂t que l’étoile a −−′→ → ′ une position apparente E telle que E O est colinéaire avec − cr . Naturellement, chaque source de mouvement génère une aberration. La correction de l’aberration est donnée dans la partie 4.4.3 page 223. Configurations planétaires et lunaires Les conditions d’observation des planètes et de la Lune dépendent de la position relative de l’astre en question par rapport au vecteur Terre-Soleil. On distingue alors les situations des planètes inférieures et supérieures ; les premières ont une orbite située entre le Soleil et la Terre, les secondes au delà de celle de la Terre. 130 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Figure 9.16 — Illustration de l’aberration stellaire. Source : http://www.bensfunfacts. com/?p=339. La configuration la plus favorable, pour laquelle le corps étudié est visible toute la nuit, est l’opposition, quand le Soleil, la Terre et l’astre sont alignés dans cet ordre ; elle n’est possible que pour les planètes supérieures. La situation inverse, quand la planète, le Soleil et la Terre sont alignés dans cet ordre, est appelée conjonction. Enfin, quand les astres ne sont visibles que la moitié de la nuit, ils sont à la quadrature ; la quadrature est correspond à une visibilité en début de nuit, tandis que la quadrature ouest correspond à une visibilité en fin de nuit. À la quadrature, l’angle Soleil-Terre-planète vaut 90◦ . Les planètes inférieures ne sont jamais visibles toute la nuit. Les conditions les plus favorables sont atteintes à l’élongation maximale, c’est-à-dire quand l’angle Soleil-Terre-planète est maximal. La planète est visible en début de nuit à l’élongation maximale est, et en fin de nuit à l’élongation maximale ouest. À l’élongation maximale, l’angle Soleil-planète-Terre vaut 90◦ . La planète n’est pas visible dans deux situations appelées conjonction : à la conjonction inférieure, elle est située entre le Soleil et la Terre, et à la conjonction supérieure, elle est située derrière le Soleil. Les configurations d’observation de la Lune, qui tourne autour de la Terre et non autour du Soleil, s’inspirent de celles des planètes. La lunaison commence ainsi à la Nouvelle Lune, quand elle est située entre le Soleil et la Terre ; cette situation est celle d’une conjonction inférieure. La lunaison se poursuit avec le Premier quartier, qui correspond à la quadrature est, et se poursuit avec la Pleine Lune, qui place la Lune en situation d’opposition. La dernière phase est celle de Dernier quartier, correspondant à la quadrature ouest. Il est important de rappeler que, les orbites des planètes, de la Terre et de la Lune n’étant pas toutes dans le même plan, un conjonction inférieure n’est pas pour autant synonyme d’éclipse du Soleil (quand on parle de la Lune) ou de transit (quand on parle d’une planète inférieure) : ces évènements sont rares et, la plupart du temps, les astres en questions passent au dessus ou en dessous du Soleil. Et inversement, il n’y a pas une éclipse de Lune à chaque Pleine Lune. 131 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Conjonction CS CS : Soleil Conjonction supérieure Orbite d’une planète supérieure Orbite d’une planète inférieure EME EMO CI QO Terre QE EME : EMO : Élongation maximale est Élongation maximale ouest CI : Conjonction inférieure QE : QO : Quadrature est Quadrature ouest Opposition Soleil NL NL : Nouvelle Lune Orbite de la Lune PQ DQ Terre PL PQ : DQ : Premier quartier Dernier quartier PL : Pleine Lune Figure 9.17 — Configurations d’observations des planètes et de la Lune. 2.9.2 Les saisons La direction de l’axe de rotation de la Terre Les saisons sont la conséquence de l’obliquité de l’axe de rotation de la Terre sur l’écliptique. Celui-ci pointe dans une direction caractérisée par deux angles : — l’obliquité proprement dite, angle entre l’axe de rotation et la normale à l’écliptique passant par le géocentre ; cet angle prend la valeur ǫ = 84 381, 405 9′′ = 23, 439◦ = 23◦ 26′ 20, 4′′ à J2000.0 ; — la direction du plan contenant l’axe de rotation et la normale à l’écliptique passant par le géocentre ; ce plan coupe l’écliptique selon la ligne des solstices. La projection du vecteur rotation sur l’écliptique est dirigé vers le solstice d’hiver. Le point vernal Lorsqu’on étudie les phénomènes dans un référentiel géocentrique, la direction du point vernal est donnée par la direction du Soleil au moment où sa trajectoire apparente (qui forme l’écliptique) coupe l’équateur, autrement dit à l’équinoxe de printemps. Mais lorsqu’on étudie les phénomènes dans un référentiel héliocentrique, par exemple pour le mouvement des planètes autour du Soleil, la même direction est donnée lorsque le Soleil, en apparence depuis la Terre, se trouve dans la direction opposée à l’équinoxe de printemps, c’est-à-dire à l’équinoxe d’automne. 132 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Même si cela n’a pas, a priori, grand chose à voir, il faut préciser que la direction du point vernal n’est pas confondu avec le périhélie de l’orbite terrestre ; l’angle entre ces deux points, mesuré au centre du Soleil, vaut 102, 937 348 08◦ à J2000.0 (source : IMCCE). La variation de la durée d’éclairement quotidienne Les saisons sont des périodes séparant de façon alternée un solstice et un équinoxe. Elles correspondent à des variations de l’éclairement de la Terre du fait de l’obliquité de son axe de rotation sur l’écliptique ; l’angle formé, à une latitude donnée, entre l’horizon local d’un lieu et le Soleil (à des moments comparables, par exemple au moment du passage de celui-ci au méridien du lieu) varie au cours de l’année en raison de cette obliquité. Comme expliqué par [Laskar, 1993], si la distance au Soleil a une influence sur l’éclairement, le phénomène prépondérant pour expliquer les variations d’éclairement est l’inclinaison du Soleil par rapport au sol du lieu, et cette grandeur dépend, à un instant donné, de l’obliquité et de la latitude du lieu. La distance au Soleil ne fait qu’atténuer ou augmenter le contraste thermique d’une saison à l’autre. De nos jours, le périhélie est relativement proche du solstice d’hiver (de l’hémisphère nord terrestre) et l’aphélie est relativement proche du solstice d’été, ce qui a tendance à atténuer le contraste climatique de cet hémisphère ; en revanche, pour l’hémisphère sud, ce contraste est accentué par ce phénomène. Mais la précession des équinoxes fait que les équinoxes et les solstices se déplacent le long de l’orbite, selon une période de 25 700 ans, si bien qu’en 12 850 ans, on passe d’une situation où le solstice d’été est confondu avec le périhélie et le solstice d’hiver avec l’aphélie à une situation inverse, où le solstice d’été et confondu avec l’aphélie et le solstice d’hiver avec le périhélie. La succession des événements est donc la suivante : — — — — équinoxe de printemps : début du printemps ; solstice d’été : début de l’été ; équinoxe d’automne : début de l’automne ; solstice d’hiver : début de l’hiver. D’un point de vue terrestre, le Soleil a des positions particulières dans le ciel à chacun de ces évènements : — équinoxe de printemps : le Soleil passe de l’hémisphère sud céleste à l’hémisphère nord, et coupe donc l’équateur céleste ; il est au zénith des points situés sur l’équateur terrestre, et est visible de tous les points sur la Terre ; les nuits ont la même durée que les jours en tout point de la Terre ; — solstice d’été : le Soleil atteint sa déclinaison maximale, dont la valeur est égale à l’obliquité ǫ = 23, 4◦ ; il est au zénith des points de la Terre dont la latitude est égale à ǫ, qui forment le tropique du Cancer, du nom de la constellation de l’écliptique dans laquelle se trouve apparemment le Soleil ; il est visible toute la journée pour les points de la Terre dont la latitude est supérieure à 90−ǫ = 66, 6◦, et à cette latitude se trouve le cercle polaire nord ; il est en revanche invisible pour les points de la Terre dont la la latitude est inférieure à −66, 6◦, et à cette latitude se trouve le cercle polaire sud ; les jours ont une durée maximale dans l’hémisphère nord, une durée minimale dans l’hémisphère sud ; — équinoxe d’automne : le Soleil passe de l’hémisphère nord céleste à l’hémisphère sud, et coupe l’équateur céleste ; il est au zénith des points situés sur l’équateur terrestre, et est visible de tous les points sur la Terre ; les nuits ont la même durée que les jours en tout point de la Terre ; 133 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE — solstice d’hiver : le Soleil atteint sa déclinaison minimale, dont la valeur est −ǫ = −23, 4◦ ; il est au zénith des points sur la Terre dont la latitude vaut −ǫ, qui forment le tropique du Capricorne, du nom de la constellation de l’écliptique dans laquelle se trouve apparemment le Soleil ; il est visible toute la journée pour les points de la Terre dont la latitude est inférieure à −66, 6◦ , et est invisible pour tous les points de la Terre dont la latitude est supérieure à 66, 6◦ ; les jours ont une durée maximale dans l’hémisphère sud, une durée minimale dans l’hémisphère nord. Figure 9.18 — Effet de l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre sur l’éclairement, et position des équinoxes et solstices sur l’orbite, d’après [Laskar, 1993]. 2.9.3 Quelques mots sur la théorie astronomique des paléoclimats La théorie astronomique des paléoclimats est une illustration très intéressante des mouvements de la Terre sur le long terme et de leur influence sur le climat. Les variations des éléments orbitaux du fait des perturbations gravitationnelles des autres corps du système solaire ne sont pas négligeables à l’échelle géologique, et constituent notamment la principale cause de variabilité climatique. La première théorie astronomique sur les cycles climatiques est due à Milutin Milankovitch (1879 – 1958). Jacques Laskar, de l’IMCCE, a approfondi les travaux dans ce domaine, et a introduit les notions de chaos dans le domaine de la mécanique céleste. En particulier, un article [Laskar et al., 2004] résume les travaux dans ce domaine. Après avoir reconstitué l’historique des recherches sur l’évolution séculaire des éléments orbitaux de la Terre, les auteurs détaillent le modèle utilisé pour le calcul d’une nouvelle solution, dont l’étendue s’étale sur 500 millions d’années, de −250 M a à +250 M a, mais dont la pertinence pour l’étude des paléoclimats doit être bornée à 50 M a. L’évolution de nombreux paramètres de l’orbite terrestre est étudiée, en particulier l’excentricité, l’inclinaison et l’obliquité (voir la figure 9.19 page suivante). De nombreux effets sont analysés dans cet article, qu’ils soient physiques (système Terre – Lune, comparaison avec d’autres modèles, fréquences de forçage, etc.) ou numériques (erreurs d’arrondis, conservation des intégrales premières du mouvement, etc.). L’étude et le croisement de ces données avec d’autres traceurs de la situation climatique (les glaces de l’Antarctique, les coraux, les cercles des arbres, etc.) montrent qu’à l’échelle de centaines de milliers d’années, ce sont les variations orbitales de la Terre qui contrôlent les évolutions climatiques (voir la figure 9.21 page 136). Les trois éléments importants sont le taux de la précession, qui va influencer la position des saisons sur l’orbite de la Terre, l’obliquité, qui va influer sur l’amplitude annuelle de la quantité d’énergie reçue par les pôles (plus l’obliquité est élevée, plus l’amplitude est grande), enfin l’excentricité qui, influant sur la forme de l’orbite, va moduler la quantité d’énergie reçue au cours de l’année et, donc, soit accentuer le caractère des saisons soit, à l’inverse, l’égaliser. La figure 9.21 montre toutefois immédiatement une corrélation évidente entre les maximas du taux de précession, 134 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Figure 9.19 — Évolution de l’excentricité (en haut) et de l’inclinaison (en bas) de la Terre entre −11 M a et +1 M a, d’après [Laskar et al., 2004]. La légende en anglais est celle de l’article. de l’excentricité, et de la température moyenne sur Terre. D’autres travaux dus à [Laskar, 1993], plus anciens, montrent l’influence de la Lune sur la stabilité de l’obliquité de l’axe de rotation de la Terre. En simulant la disparition brutale de notre satellite, il a été ainsi démontré que le comportement de cette grandeur devenait chaotique (voir la figure 9.22 page suivante), mais que le domaine de chaoticité dépend cependant de la vitesse de rotation de la Terre et que, celle-ci ayant varié dans le temps, le caractère chaotique de l’obliquité (sans la Lune) a aussi évolué ; le caractère chaotique de l’obliquité dépend aussi de la constante de précession de la Terre. 135 CHAPITRE 2. LES MOUVEMENTS DE LA TERRE, APPROCHE PHYSIQUE Figure 9.20 — Évolution de l’obliquité de la Terre entre −250 M a et +250 M a, d’après [Laskar et al., 2004]. La légende en anglais est celle de l’article. Figure 9.21 — Impact des phénomènes astronomiques sur l’insolation et périodes glaciaires sur Terre, selon la théorie de Milankovitch. Source : The science education resource center at Carleton, à l’adresse : http:// serc.carleton.edu/research_education/ corals/mechanisms.html Figure 9.22 — En haut : évolution de l’obliquité de la Terre entre −1 M a et +1 M a avec et sans la Lune ; en bas : évolution de l’éclairement solaire reçu par la Terre entre −1 M a et +1 M a avec et sans la Lune, d’après [Laskar, 1993]. 136 Chapitre 3 Les échelles de temps 3.1 3.1.1 Définitions Le temps en tant que durée La mesure de durée, tout comme celle d’angle ou de distance, impose de définir une unité. Celleci est choisie conventionnellement au regard de la fréquence d’un phénomène physique périodique particulier, comme une fraction ou un multiple de ce phénomène. La périodicité ou la reproductibilité de ce phénomène physique rend d’autant plus précise la définition de cette unité. Dans le système international d’unité MKS (Mètre, Kilogramme, Seconde), l’unité de temps est la seconde. Celle-ci a fait l’objet de différentes définitions au cours de l’histoire, selon le phénomène physique servant de référence. La dernière définition de la seconde a été adoptée à la XIIIe Conférence générale des poids et mesures, réunie en 1967, qui l’a définie comme suit [CGPM, 1967] : « La seconde est la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de césium 133 » Le Comité consultatif des temps et des fréquences a précisé en 1997 que cette définition s’entendait pour un atome de césium 133 à la température de 0 K, c’est-à-dire au repos, de façon que son comportement soit libre de celui de corps noir [CIPM, 1997]. 3.1.2 Le temps en tant que datation La notion d’échelle de temps est utilisée pour la datation d’évènements, c’est-à-dire le classement univoque de ceux-ci. Une échelle de temps doit vérifier plusieurs propriétés 1 : — — — — l’universalité : elle doit être accessible à tous les utilisateurs potentiels ; la pérennité : elle doit pouvoir continuer à dater les évènements futurs sans interruption ; la stabilité : l’unité de temps choisie doit être constante sur cette échelle de temps ; l’exactitude : la durée de l’unité de temps telle que fournie par l’échelle de temps doit être égale à la définition de l’unité de temps. Par exemple, une échelle de temps dont l’unité de temps est de 0, 9 s alors que l’unité fondamentale est la seconde est stable mais inexacte ; à l’inverse, une échelle de temps dont l’unité de temps varie de 0, 9 s à 1 s est instable mais exacte. Ces exigences amènent naturellement à utiliser des horloges atomiques pour réaliser les échelles de temps de référence. 1. Voir le site de l’ENS Lyon : http://www.ens-lyon.fr/RELIE/Cadrans/activpedago/TextesCours/Temps.htm. 137 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS 3.1.3 Périodes astronomiques Beaucoup des mouvements étudiés en astronomie sont périodiques, et font donc intervenir des périodes. Selon la direction de référence utilisée, cependant, celles-ci ne prennent pas la même valeur et, donc, ne portent pas le même nom. Période sidérale : la période sidérale est le temps mis, à l’occasion d’un mouvement périodique, entre deux passages dans une direction fixe de l’espace. Période tropique : la période tropique est le temps mis, à l’occasion d’un mouvement périodique, entre deux passages dans la direction de l’origine des ascensions droites, c’est-à-dire du point vernal. Période synodique : la période synodique est le temps mis, à l’occasion d’un mouvement périodique, entre deux passages dans la direction de l’axe Soleil-Terre. Période anomalistique : la période anomalistique est le temps mis, à l’occasion d’un mouvement périodique, entre deux passages dans la direction de l’origine des anomalies de l’orbite, à savoir le périastre de l’orbite. Période draconitique : la période anomalistique est le temps mis, à l’occasion d’un mouvement périodique, entre deux passages dans la direction du nœud ascendant de cette orbite. Sur cette base, plusieurs périodes peuvent être examinées : le jour, la période orbitale (appelée année s’il s’agit de la Terre), etc. La rotation synodique de la Terre est communément appelée jour solaire ; la période de révolution synodique de la Lune est la lunaison. 138 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS t0 T t0 + (n+q)T/2 t0 + nT/2 Date affichee Evenement Figure 1.1 — Principe de la construction d’une échelle de temps à partir d’un signal oscillatoire. Idéalement, à l’origine près, tout évènement pourrait être daté et situé à l’instant composé de la somme d’un multiple entier de la demie-période du signal (n T /2 avec n ∈ N) et d’une fraction de la demie-période (q T /2 avec q ∈ R tel que q ∈ [0 ; 1[) ; mais sur une échelle de temps réelle, toujours à l’origine près, la date affichée sur une horloge tronque la partie fractionnelle q T /2 et est simplement le multiple entier de la demie-période n T /2. Evenement t0 T Date affichee : t0 + n T/2 139 t0 + (n + q)T/2 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS 3.2 Les calendriers 3.2.1 Définition et rôle Les calendriers sont des échelles de temps ayant d’abord une fonction sociale, politique, religieuse ou pratique. La neuvième édition du dictionnaire de l’Académie française en donne la définition suivante 2 : « CALENDRIER, n. m. xiiie siècle, kalendier. Du latin calendarium, ”registre des dettes” (dérivé de calendae, ”calendes”), parce qu’on payait les intérêts le premier du mois. 1. Système de division du temps en périodes régulières : années, mois, jours. Calendrier lunaire, solaire. Calendrier égyptien, chinois. Calendrier grec, romain. Calendrier israélite, musulman. Vieux calendrier ou calendrier julien, celui dont on s’est servi depuis Jules César jusqu’au pape Grégoire XIII, qui instaura, en 1582, le nouveau calendrier ou calendrier grégorien. Calendrier républicain, qui, institué par la Convention nationale en 1793, eut cours jusqu’au 1er janvier 1806. Le 1er vendémiaire an I du calendrier républicain correspond au 22 septembre 1792 du calendrier grégorien, date de la proclamation de la République. 2. Livret, tableau, bloc de feuillets présentant pour une année déterminée la suite des mois et des jours, accompagnée de renseignements pratiques (fêtes, saints du jour, heures du lever, du coucher du soleil, des marées, etc.). Consulter le calendrier. Le calendrier des Postes. Un calendrier illustré. Calendrier perpétuel, dispositif qui permet de retrouver ou de prévoir le calendrier d’une année quelconque. 3. État, date par date, d’un ensemble d’activités pour une période donnée. Le calendrier de la session parlementaire. Le calendrier des expositions, des conférences. Avoir un calendrier très chargé. Spécialt. Calendrier liturgique, catalogue des fêtes religieuses célébrées au cours de l’année. Calendrier de Flore, tableau indiquant mois par mois la floraison des végétaux. » 3.2.2 Calendriers solaires et lunaires Beaucoup de calendriers sont dits solaires, lunaires ou luni-solaires. Les calendriers solaires ont vocation à avoir une unité de leur découpage, en l’occurrence l’année, correspondant le mieux possible à l’année tropique ; cette fonction trouve son origine dans le besoin de retrouver approximativement aux mêmes dates les débuts des saisons. Le calendrier julien, puis le calendrier grégorien qui l’a amélioré, ainsi que le calendrier républicain, sont des exemples de calendriers solaires. Les calendriers lunaires se fondent, eux, sur le mouvement de révolution de la Lune autour de la Terre. Leur période fondamentale est la lunaison, et la division du calendrier qui a vocation à s’en approcher le mieux est le mois. Le calendrier musulman est ainsi un calendrier lunaire. Les calendriers luni-solaires ont vocation à répondre aux deux exigences : le mois correspond à une lunaison, et l’année moyenne à une année tropique. Comme il n’y a pas un nombre entier de lunaisons dans une année, le calendrier luni-solaire peut avoir recours à l’ajout d’un mois de façon périodique, comme c’est le cas du calendrier israélite. 3.2.3 Les subdivisions d’un calendrier L’année et ses définitions La définition de l’année dépend du phénomène dont on étudie la répétitivité ; le mouvement de base reste cependant la révolution de la Terre autour du Soleil. L’année peut ainsi faire l’objet de définitions reprenant la typologie décrite à la page 138. 2. Voir le site du dictionnaire de l’Académie française : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/generic/ cherche.exe?15;s=2556897750;;. 140 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Année sidérale : si l’on considère une direction fixe de l’espace passant par le Soleil et coplanaire avec l’orbite de la Terre, c’est le temps écoulé entre deux passages la Terre dans cette direction. Elle vaut 365,25636567 jours, soit 365 jours, 6 heures, 9 minutes, 10 secondes. Année tropique : si l’on considère la direction du point vernal (équinoxe de printemps), c’est le temps écoulé entre deux passages consécutifs dans cette direction qui, du fait de la précession du pôle, se déplace à raison d’environ 50′′ /an. Elle vaut 365,242190517 jours, soit 365 jours, 5 heures, 48 minutes, 45 secondes. Année anomalistique : si l’on considère la direction du périhélie, c’est le temps écoulé entre deux passages consécutifs dans cette direction qui précesse, à raison d’environ 61, 9′′ /an. Elle vaut 365,25964120 jours, soit 365 jours, 6 heures, 13 minutes, 53 secondes. Année draconitique : si l’on considère la direction du nœud ascendant de la Lune, c’est le temps écoulé entre deux passages consécutifs dans cette direction qui rétrograde, à raison d’environ −190, 77′′/an. Elle vaut 346,6 jours 346 jours, 14 heures, 24 minutes. Année julienne : c’est historiquement la durée de l’année adoptée pour définir le calendrier julien, en usage de 45 av. J.-C. jusqu’au xvie siècle. Elle est entachée de l’approximation due à l’époque de sa détermination, et vaut 365,25 jours. Année grégorienne : c’est historiquement la durée de l’année adoptée pour définir le calendrier grégorien qui a pris la suite du calendrier julien et a pallié à ses insuffisances. Elle est également approximative quant aux objectifs assignés au calendrier grégorien, à savoir que les saisons reviennent à des dates approximativement fixes, mais sa dérive demeure faible, de l’ordre de 3 jours tous les 10 000 ans par rapport à l’année tropique qui est sa référence. Elle vaut 365,2425 jours, soit 365 jours, 5 heures, 49 minutes, 12 secondes. Année commune : c’est la valeur entière de toute définition de l’année basée sur la révolution de la Terre autour du Soleil (c’est-à-dire la base des calendriers solaires), à savoir 365 jours. Année bissextile : c’est la valeur entière ajoutée d’une unité de toute définition de l’année basée sur la révolution de la Terre autour du Soleil, à savoir 366 jours. D’un usage très ancien mais parfois approximatif, c’est avec le calendrier julien, puis avec le calendrier grégorien que son introduction s’est affinée. D’autres définitions de l’année existent, mais sont d’un faible intérêt : années gaussienne, besselienne, héliaque, sothiaque, etc. Le mois Le mois est une période du calendrier correspondant tantôt à environ un douzième de l’année tropique, si l’on se fonde sur les calendriers solaires, tantôt à une lunaison, si l’on se fonde sur les calendriers lunaires. Quant au calendrier républicain, il comptait douze mois de trente jours, complétés par cinq ou six jours complémentaires. La semaine C’est dans le récit de la création du monde telle que racontée dans la Bible (Genèse, 1, puis 2,2 et 2,3) que se trouve l’origine de la semaine de sept jours dans les calendriers julien et grégorien. Cependant, on peut remarquer que la période de sept jours est approximativement le quart de la période lunaire, et que les Mésopotamiens utilisaient déjà cette division du temps. Toutefois, 141 Ecart de la duree de l’annee a 365 j CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS 0.265 0.264 0.263 0.262 0.261 0.26 0.259 0.258 0.257 0.256 0.255 0.254 0.253 0.252 0.251 0.25 0.249 0.248 0.247 0.246 0.245 0.244 0.243 0.242 0.241 0.24 siderale(x) tropique(x) anomalistique(x) gregorienne(x) julienne(x) -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 t (millenaires juliens) a partir de J2000.0 3 4 5 6 Figure 2.3 — Variations de la durée des différentes définitions de l’année ; la date 0 est l’époque J2000.0. Les valeurs utilisées sont issues de [Simon et al., 1994]. les Égyptiens, les Chinois, les Grecs utilisaient la décade de dix jours, reprise dans le calendrier républicain. Le jour Le jour, comme nous l’avons vu, peut être vu sous deux définitions : jour solaire et jour sidéral (voir page 128). On peut aussi parler de la durée du jour, qui est la durée écoulée entre le lever et le coucher du Soleil, auquel cas sa valeur varie au cours de l’année selon la latitude où l’on se trouve. En géodésie spatiale et en astronomie, on appelle « durée du jour » la durée réelle du jour solaire, tenant compte des irrégularités de la rotation terrestre. L’heure L’heure est la première subdivision du jour. Elle a donc eu une grande importance pour tous les peuples de l’Histoire. La facilité de division du nombre 12 (par 2, 3, 4, 6) l’a naturellement amené à être le nombre de base pour le comptage des heures de la journée. Ainsi les Babyloniens et Égyptiens comptaient-ils douze heures par jour et par nuit, ce qui en rendait la durée variable. C’est des premiers que nous avons hérité la division des heures en 60 minutes, puis des minutes en 60 secondes, le nombre 60 étant, comme 12, particulièrement facile à manipuler et à diviser. À cela s’ajoute qu’en divisant le cercle en 360 degrés de 60 minutes d’arc, chaque minute comptant 60 secondes d’arc, le Soleil parcourt environ 15 degrés par vingt-quatrième de jour, c’est-à-dire une heure. 3.2.4 Quelques calendriers Même de façon approximative, les calendriers du monde trouvent leur définition dans le choix de phénomènes astronomiques particuliers. Ils constituent une illustration très intéressante de réalisa- 142 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS tions d’échelles de temps à usage civil ou religieux, qui méritent d’être connues. Il y a évidemment de nombreux autres calendriers, mais le manque de temps d’une part, la nature de ce document d’autre part, nous ont obligé à n’en choisir que quelques-uns ayant vocation à illustrer notre propos. Les informations de ces parties sont issues de plusieurs sources, notamment [Bureau des longitudes, 2004], et divers sites internet : — http://fr.wikipedia.org : l’encyclopédie contributive, pas toujours fiable, mais qui a au moins le mérite de donner des éléments pour une première recherche ; — http://www.louisg.net/liste_cal.htm : le site internet d’un passionné de calendriers, qui en décrit de très nombreux ; — http://www.calj.net : beaucoup de choses sur le calendrier israélite, de loin le plus complexe des calendriers présentés ici ; — http://www.imcce.fr : le site incontournable de l’Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Éphémérides. Le calendrier julien Le calendrier julien est le calendrier solaire utilisé à Rome après la réforme voulue par Jules César (100 – 44 av. J.-C.) en −45. Il n’y a naturellement pas eu qu’un calendrier utilisé à Rome depuis sa fondation le 21 avril 753 av. J.-C. Cette date a cependant constamment servi d’origine des dates, formant le système AUC (Ab Urbe Condita : « à partir de la fondation de la ville »). On a conservé les traces d’un premier calendrier de dix mois de 30 à 31 jours, formant une année de 304 jours, à laquelle il convenait d’ajouter 61 jours en dehors de tout mois. C’est Numa Pompilius (715 – 673 av. J.-C.) qui introduisit les douze mois par an, chacun comptant de 28 à 31 jours, formant une année de 354 jours ; un treizième mois intercalaire de 29 jours était ajouté à l’année tous les quatre ans, qui en comptait alors 384. On fit ensuite passer l’année ordinaire à 355 jours, et l’année à 13 mois à 385. Néanmoins, la durée moyenne de l’année restait encore trop courte, avec 362,5 jours. Une construction plus complexe fut introduite sous la république, faisant intervenir un mois intercalaire de 27 jours tous les deux ans, imposant alors à un des mois de passer de 28 jours les années sans mois intercalaire à 23 ou 24 alternativement les années avec ; l’année faisait alors en moyenne 366,25 jours. Néanmoins, par oubli ou par choix politique, l’ajout de mois intercalaires fut parfois omis, rendant indispensable une réforme simple et efficace du calendrier. C’est en 46 av. J.-C. que cette réforme fut décidée. Le retard de 90 jours accumulé par les années du calendrier imposa de commencer par réaligner le début de l’année romaine avec le début de l’année tropique ; l’année −46 dura ainsi 445 jours, l’année normale du calendrier durant, rappelons-le, 355 jours. Le calendrier, désormais qualifié de julien, fut donc construit de façon que : — douze mois forment une année ; — l’année commence le 1er janvier ; — l’année commune compte 365 jours, répartis ainsi : 31 jours en janvier, 28 en février, 31 en mars, 30 en avril, 31 en mai, 30 en juin, 31 en juillet, 31 en août, 30 en septembre, 31 en octobre, 30 en novembre, 31 en décembre ; à noter d’ailleurs que les mois portaient déjà peu ou prou les noms que nous leur connaissons ; — le mois de février compte 29 jours une année sur quatre, formant une année de 366 jours, dite bissextile 3 . 3. Le site internet de l’IMCCE, à l’adresse http://www.imcce.fr/fr/grandpublic/temps/calendriers/ bissextile.php, explique que le jour supplémentaire intercalé tous les quatre ans l’était avant le 24 février. Or « le 24 février était nommé ”sexto ante calendas martis” (le sixième avant les calendes de mars). Ce jour supplé- 143 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS L’année moyenne avait ainsi une durée moyenne de 365,25 jours, approchant de façon relativement moyenne, mais de façon inégalée à l’époque, l’année tropique, et permettant de conserver fixes en moyenne les dates des saisons. Il est à noter que les années sont comptées avant Jésus-Christ différemment selon qu’on est historien ou astronome : l’année immédiatement avant sa naissance est notée « 1 av. J.-C. » par les historiens, et 0 par les astronomes, qui n’ont donc aucun scrupule à parler d’année négative. Les deux communautés s’accordent pour la considérer comme bissextile ; les historiens ne peuvent donc pas appliquer la règle de la divisibilité par quatre pour déterminer les années bissextiles avant J.-C. comme le font les astronomes, et comme c’est le cas, sans ambiguı̈té, pour les années positives. Nous avons dans cette partie utilisé les deux notations, qui sont dans la relation suivante : année « N av. J.-C. » des historiens = année « −(N − 1) » des astronomes Les Anglo-saxons utilisent les notations AD et BC pour noter respectivement les dates positives et négatives, chacune signifiant Anno Domini, abbréviation de Anno Domini Nostri Iesu Christi (Année de notre Seigneur Jésus-Christ) et Before Christ (Avant le Christ). L’origine du calendrier julien ne fut proposée qu’en 527 par Denys le Petit (470 – 540). Les années étaient alors comptées soit dans le système AUC, depuis la fondation de Rome, soit dans le système de l’ère de Dioclétien (245 – 313), dont le début du règne, en 284, servait d’origine des dates. Dans le système AUC, la naissance de Jésus-Christ était datée au 25 décembre de l’année 753. Denys le Petit proposa que l’origine du calendrier soit désormais le 1er janvier suivant cet évènement, c’est-à-dire le 1er janvier 754 AUC, qui correspondait, en outre, au jour de la circoncision de Jésus, les enfants étant circoncis leur septième jour dans la tradition juive ; cette nouvelle origine fonda ainsi l’ère chrétienne, encore appelée ère commune ou conventionnelle. Cependant, la réforme de Denys le Petit ne fut pas immédiatement appliquée ; il fallut le prestige de Bède le Vénérable (672 – 735) pour l’imposer au viiie siècle en Occident. On appelle calendrier julien proleptique le système de datation réalisé en extrapolant avant sa date d’introduction le calendrier julien. Signalons enfin que le calendrier de beaucoup d’églises orthodoxes est le calendrier julien, tandis que le calendrier de la communauté copte d’Égypte est une variante du calendrier julien, dont l’origine est celle de l’ère de Dioclétien. On utilise en astronomie de façon très fréquente la notion de jour julien (Julian day – JD). Il s’agit du nombre décimal de jours écoulés depuis le 1er janvier de l’année 4713 av. J.-C. (soit −4712 astronomique) du calendrier julien proleptique, à 12 heures UTC. Ce système de datation permet donc d’unifier tous les calendriers et de fournir une datation univoque des évènements. Le choix de midi comme heure origine trouve sa justification dans le fait que les jours juliens devaient servir d’abord aux astronomes, et qu’il leur était préférable de ne pas avoir à changer de date en cours d’une nuit d’observation. C’est pour cela qu’on l’appelle aussi jour julien astronomique (AJD). À titre d’exemple, le 1er janvier 2011 à 0 heure UTC correspond au jour julien 2 455 562,5. De façon à manipuler des valeurs moins grandes, le jour julien modifié (MJD) a été introduit dans les années 1950, et compte les jours juliens écoulés le jour julien 2 400 000,5 (17 novembre 1858 à 0 heure UTC) ; on remarquera que, si l’origine du jour julien astronomique est à midi, celle du jour julien modifié est à minuit. Nous faisons cependant observer que si, implicitement, le jour julien représente l’échelle du temps universel, c’est-à-dire associé à la succession des jours et des nuits, on peut représenter par des jours juliens toute autre échelle de temps. mentaire intercalé tous les quatre ans s’appelle tout logiquement ”bis sexto ante calendas martis”. L’emprunt au bas latin ”bisextilis” (de ”bisextus”) à la fin du ive siècle a produit en français moderne l’adjectif que nous connaissons aujourd’hui : bissextile. » 144 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Le calendrier grégorien Nous avons mentionné le fait que l’année julienne avait une durée moyenne proche, mais différente de l’année tropique. Au fil du temps, le calendrier julien a donc dérivé par rapport aux saisons qu’il devait pourtant suivre. Une réforme s’imposait donc, d’abord pour éviter la dérive de la date de Pâques, telle que définie par le concile de Nicée en 325. Le site internet de l’IMCCE explique ainsi : « ”Pâques est le dimanche qui suit le quatorzième jour de la Lune qui atteint cet âge au 21 mars ou immédiatement après”. Le quatorzième jour de la Lune étant le jour de la pleine Lune et le 21 mars correspondant à la date de l´équinoxe de printemps, cette définition est souvent traduite de la manière suivante : Pâques est le premier dimanche qui suit la première pleine Lune de Printemps. Cette seconde définition est trompeuse car elle laisse entendre que la date de Pâques est le résultat d´un calcul astronomique basé sur la détermination de l´équinoxe de printemps et de la première pleine Lune suivant cet équinoxe. En réalité il n´en est rien, le calcul de la date de Pâques se fait à l´aide d´un calendrier perpétuel lunaire utilisant une Lune moyenne fictive (Lune ecclésiastique). Cette méthode de calcul porte le nom de comput ecclésiastique. » Le pape Grégoire XIII (1502 – 1585) imposa donc une réforme consistant à considérer que : — douze mois forment une année ; — l’année commence le 1er janvier ; — l’année commune compte 365 jours, répartis ainsi : 31 jours en janvier, 28 en février, 31 en mars, 30 en avril, 31 en mai, 30 en juin, 31 en juillet, 31 en août, 30 en septembre, 31 en octobre, 30 en novembre, 31 en décembre ; — les années multiples de 4 sont bissextiles, sauf les années multiples de 100 mais non multiples de 400, qui sont communes. De la sorte, les années 1992, 1996, 2000, 2004 et 2008 ont été bissextiles, mais l’année 2100, bien que multiple de 4 et de 100, mais non de 400, ne le sera pas. Le calendrier formé ainsi est appelé calendrier grégorien. La durée moyenne de l’année grégorienne est donc de 365,2425 jours. Comme pour la réforme julienne, il fallut d’abord compenser le retard accumulé, qui s’élevait à 10 jours, et réaligner le nouveau calendrier sur les phénomènes qu’il aurait du suivre. Ainsi le jeudi 4 octobre 1582 fut suivi du vendredi 15 octobre 1582. On remarquera que, dans le calendrier julien, le 15 octobre 1582 n’aurait jamais été un vendredi, mais un lundi, mais que c’est la continuité des semaines fut choisie à l’occasion de cette transition, la semaine de sept jours trouvant son origine dans la Bible même. L’application de cette réforme ne fut pas synchrone dans le monde, loin s’en faut. Elle fut immédiate en Italie, en Espagne, au Portugal et en Pologne. En France, le 9 décembre 1582 fut suivi du 20 décembre 1582. En Angleterre, ce ne fut le cas qu’en 1752, tandis que la Russie dut attendre l’avènement des bolcheviks pour passer au calendrier grégorien, un an après la révolution d’octobre (du calendrier julien, mais de novembre dans le calendrier grégorien), en 1918. Pour des raisons évidentes, c’est le calendrier julien qu’utilisent les historiens pour les évènements antérieurs à 1582 ; mais, cela va de soi, l’amplitude des dates de l’application de la réforme grégorienne n’a pu qu’engendrer des ambiguı̈tés sur la datation des évènements, notamment internationaux. Désormais, le calendrier grégorien est admis comme une norme internationale selon l’Organisation Internationale de Standardisation (ISO). On appelle enfin jour lilien (lilian day – LD) le nombre décimal de jour écoulés depuis le 14 octobre 1582 grégorien à 0 heure (jour julien 2 299 159,5). 145 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Le calendrier musulman Le calendrier musulman est un calendrier lunaire issu pour partie de la tradition préislamique de la péninsule arabique, pour partie des prescriptions du Coran. Les calendriers arabiques antérieurs au calendrier musulman étaient des calendriers lunaires synchronisés en moyenne avec le cycle solaire, c’est-à-dire qu’ils comportaient douze ou treize mois, sur inspiration du calendrier israélite. C’est le Coran qui a fixé le nombre de mois du calendrier, à savoir douze (sourate 9, verset 36), et interdit d’y ajouter un treizième (9, 37) ; ces mois sont : Muharram, Safar, Rabi’ al-awwal, Rabi’ al-thani, Jumada al-awwal, Jumada al-thani, Rajab, Sha’ban, Ramadan, Chawwal, Dhu al-Qi’dah, Dhu al-Hijjah. Si la tradition musulmane date à l’année 610 la révélation de l’ange Gabriel à Muhammad (570 – 632), c’est la date de l’émigration des mecquois vers Médine, l’hégire, datée le 16 juillet 622 julien, qui est la date origine du calendrier musulman, et le commencement de l’ère de l’hégire, souvent notée AH (Anno Hegirae). Cependant, le calendrier de l’hégire a été adopté dix ans après cet évènement, par le calife Omar (581 – 644), qui a décidé du premier mois de l’année (Muharram). La semaine musulmane compte sept jours, appelés Youm el Ahad, Youm el Thani, Youm el Thaleth, Youm el Arbaa, Youm el Thamis, Youm el Djouma, Youm el Effabt (Youm as-sabt ). Le calendrier musulman étant de caractère lunaire, la durée du mois devrait être théoriquement celle de la lunaison (appelée « période synodique » dans le tableau 3.5 page 98), à savoir 29 jours, 12 heures, 44 minutes, 2,9 secondes. Naturellement, pour des raisons pratiques évidentes, et comme pour tous les calendriers, le nombre de jours du mois musulman est entier. Mais si le calcul astronomique peut permettre la prévision à l’avance du calendrier, chaque nouvelle lune signifiant, a priori, le passage d’un mois à l’autre, les mois du calendrier musulman ne commencent en réalité, selon les hadiths, que lorsque le croissant de Lune suivant une nouvelle Lune devient visible à l’œil nu. C’est ce caractère observationnel qui rend variable le début du mois selon le lieu d’observation, et donc sa durée ; en revanche, en moyenne, il n’y a pas de dérive d’un lieu à l’autre, la révolution de la Lune autour de la Terre n’étant pas dépendante du lieu de son observation. Il faut remarquer que, si les conditions astronomiques ou métérologiques d’un lieu empêchent d’apercevoir le premier croissant, le mois courant est prolongé d’un jour, et d’un jour seulement, même si, le lendemain, elles empêchent toujours cette observation. Par ailleurs, si, un jour donné, le croissant ne peut pas être observé à un endroit, mais qu’il l’est ailleurs, alors le mois commence avec un jour d’écart dans ces deux endroits. Pour les usages administratifs, de façon conventionnelle, le calendrier musulman alterne successivement les mois de 29 et de 30 jours, ce qui donne une durée moyenne au mois de 29,5 jours. Il y a donc un écart de 44 minutes et 2,9 secondes avec la durée réelle de la lunaison, qui se cumule jusqu’à atteindre un jour au bout de 2,73 ans. L’année musulmane commune compte ainsi six mois de 29 jours, et six de 30, soit 354 jours. Pour compenser l’écart entre la durée conventionnelle du mois et la durée réelle de la lunaison, un jour supplémentaire est introduit tous les trois ans environ, formant une année dite abondante ; le « environ » relatif à la période d’ajout d’un jour au calendrier musulman tient à l’existence d’un cycle calendaire de trente ans, au sein duquel 19 années sont communes, et 11 abondantes ; ce cycle est appelé Cycle de Méton 4 , et est aussi utilisé pour le calendrier israélite. Ainsi le 1er janvier 2011 grégorien correspond au 25 Muharram 1432 musulman, tandis que le début de l’année 1433, c’est-à-dire le 1er Muharram musulman, correspond au 27 novembre 2011 grégorien. Il existe cependant des variantes locales, liées principalement à l’interprétation du Coran quant 4. Méton d’Athènes, Ve siècle av. J.-C. 146 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS à la détermination du début de mois et des fêtes religieuses. En particulier, l’Arabie Saoudite utilise deux méthodes de détermination du début du mois. La première, à vocation administrative, utilise une méthode de calcul dite de l’Umm al Qura, qui détermine si le coucher de la Lune au 29e jour du mois a lieu avant ou après le Soleil ; dans le premier cas, la nouvelle Lune n’a pas encore eu lieu, et le mois courant est prolongé d’un jour, tandis que, dans le second, le jour suivant est le premier jour du mois suivant. La seconde méthode concerne la détermination du début des mois associés à des célébrations religieuses (Muharram, Ramadan, Chawwal, Dhu al-Hijjah...), qui est obtenue par observation du premier croissant de Lune. Certains pays utilisent aussi des juges ou des commissions spécialisées, tandis que certains prennent en compte le temps écoulé entre le coucher du Soleil et de la Lune suivant la conjonction inférieure, et que d’autres ont établi des critères angulaires entre les deux astres. En 2013, pour la première fois, le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) s’est d’ailleurs appuyé sur le calculs astronomique plutôt que sur l’observation pour décider de la date de début du Ramadan. Le calendrier israélite Le calendrier israélite est un calendrier luni-solaire, c’est-à-dire que les mois sont calqués sur une lunaison mais que les années le sont sur une année tropique. C’est un calendrier qui est apparu au Proche-Orient sur inspiration du calendrier babylonien. La Torah semble indiquer que Moı̈se a institué un calendrier religieux ; l’année commençait avec la Pâques (Pessah), commémorant l’exode des Juifs hors d’Égypte (Exode, 12, 2 et 12, 11 ; Deutéronome, 16, 1) ; de nombreuses fêtes célébraient des moments de l’activité agricole au cours de l’année. Après la conquête de Jérusalem par Nabuchodonosor (632 – 562 av. J.-C.), en 597 av. J.-C., les Juifs furent déportés à Babylone, où, entre autres, ils adoptèrent le calendrier babylonien, issu de la brillante tradition astronomique de cette civilisation. Ils adoptèrent aussi le découplage entre datation religieuse et civile, au sein du même calendrier, les deux étant décalées de six mois sur douze au total. Les mois se calquaient sur les lunaisons ; cependant, pour faire correspondre les années ainsi construites sur les années solaires, un mois supplémentaire était ajouté à la fin de l’année religieuse. Cette décision était prise, non sur la base de règles établies, mais par délibération du Sanhédrin, institution législative et judiciaire suprême du peuple juif, siégeant à Jérusalem. Cette décision devait s’appuyer sur les témoignages concordant de voyageurs qui déclareraient avoir vu le premier croissant aux alentours du 29e jour d’un mois ; si c’était le cas, le Sanhédrin faisait commencer le nouveau mois au coucher du Soleil du jour où l’on avait vu le croissant de Lune, tandis que, dans le cas contraire, le mois en cours durait 30 jours. L’annonce du nouveau mois était transmise de proche en proche à partir d’un feu allumé au sommet du mont des Oliviers. Cependant, les Juifs connurent sous l’époque romaine la dispersion de leur communauté du fait de la persécution que leur infligea l’empereur Titus (39 – 81), si bien qu’ils se retrouvèrent éparpillés de par le monde, empêchant la communication rapide de la déclaration du nouveau mois. C’est Hillel II qui, en 359 de notre ère, en tant que président du Sanhédrin, décida de règles ne reposant plus sur l’observation. Le jour civil commence à 0 heure, mais le jour religieux commence conventionnellement à 18 heures ; les deux comptent vingt-quatre heures. Chaque heure est divisée en 1080 parties (ou scrupules) appelées halakim, chacune divisée en 76 moments (ou instants) appelés regakim. La semaine compte sept jours, comme chez les Babyloniens, qui sont synchrones avec les jours de la semaine grégorienne : Yom rishom (dimanche), Yom sheni, Yom shlishi, Yom Revi’i, Yom chamishi, Yom shishi, shabbat. En tant que calendrier lunaire, il s’avérait nécessaire d’ajouter un jour environ tous les trois ans, de façon à compenser l’écart entre la durée réelle de la lunaison et la durée moyenne des mois du calendrier, censée la suivre. L’ajout d’un jour se fait en suivant le cycle dit de Méton d’Athènes qui, au ve siècle, remarqua que dix-neuf années tropiques (6940 jours) correspondent à 235 lunaisons, à deux heures près, c’est-à-dire que les mêmes dates correspondent aux mêmes phases de la Lune ; or 19 années de 12 mois lunaires ne font que 228 mois, 147 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS c’est-à-dire qu’il manque sept mois au calendrier pour être ajusté sur le déroulement du saisons. Ces sept mois supplémentaires sont ajoutés sur le cycle de 19 ans aux années 3, 6, 8, 11, 14, 17 et 19, formant les années embolismiques, c’est-à-dire à treize mois (le treizième mois étant le mois de Veadar, le mois précédent, Adar, augmentant alors de 29 à 30 jours), les années à douze mois étant qualifiées de communes. Mais en ce qui concerne le nombre de jours de chaque mois et de l’année, la règle hébraı̈que est très complexe, car les fêtes religieuses ont un statut comparable au sabbat (fêté le jour de shabbat, samedi) ; or il se trouve que la règle impose que deux jours consécutifs ne peuvent pas être des sabbats, c’est-à-dire qu’aucune fête religieues juive ne peut tomber un vendredi ou un dimanche. Pour parvenir à cet objectif, certains mois ont vocation à augmenter leur nombre de jours : ce sont les mois de heshvan et kislev ; cependant, l’augmentation de leur nombre de jours dépend de la nature de l’année considérée, commune ou embolismique. Cela conduit à avoir des années, dans chaque cas, pouvant avoir trois nombres de jours distincts, formant des années défectives, régulières ou abondantes. Le tableau 2.3 récapitule les différents cas de figures de durées possibles des mois et des années du calendrier hébraı̈que. ANNÉES COMMUNES EMBOLISMIQUES Défectives Régulières Abondantes Défectives Régulières Abondantes Tishri 30 30 30 30 30 30 Heshvan ∗ 29 29 30 29 29 30 Kislev ∗ 29 30 30 29 30 30 Tevet 29 29 29 29 29 29 Shvert 30 30 30 30 30 30 Adar ∗∗ 29 29 29 30 30 30 Veadar ∗∗∗ – – – 29 29 29 Nissan 30 30 30 30 30 30 Iyar 29 29 29 29 29 29 Sivan 30 30 30 30 30 30 Tamouz 29 29 29 29 29 29 Av 30 30 30 30 30 30 Eloul 29 29 29 29 29 29 TOTAL 353 354 355 383 384 385 ∗ : Mois de durée variable entre années défectives, régulières et abondantes. ∗∗ : Mois de durée variable entre années communes et embolismiques. ∗∗∗ : Mois ajouté les années embolismiques. MOIS Tableau 2.3 — Jours, mois et années du calendrier hébraı̈que. Cependant, la détermination du type d’année auquel on a affaire nécessite la connaissance de la définition de l’ensemble des fêtes religieuses juives, dont la Torah est la source, ainsi que d’une éphéméride précise de la Lune théorique introduite par Hillel II, dont la période est de 29 jours 12 heures 793 halakim (29,530 594 136 jours), l’année ayant une durée moyenne, toujours selon lui, de 365,246 822 205 977 907 jours. En effet, certaines fêtes se situent par rapport aux phénomènes astronomiques, et nous avons vu que ce sont eux qui imposent les contraintes faisant varier le nombre de jours des mois et des années. Un des phénomènes les plus structurants du calendrier juif est ainsi le molad, à savoir la nouvelle Lune la plus proche de l’équinoxe d’automne ; c’est son calcul qui impose la date de début et la nature de l’année. L’origine du calendrier hébraı̈que est située au dimanche 6 octobre 3761 av. J.-C. (−3760) du calendrier julien proleptique, date de la création du monde selon les Juifs, le Soleil et la Lune 148 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS n’étant créés que le quatrième jour (Genèse, 1, 14-19). Le 1er janvier 2011 grégorien correspond au 25 tevet 5771 hébraı̈que, tandis que le 1er tishri 5772 hébraı̈que correspond au 29 septembre 2011 grégorien. Le calendrier républicain La révolution française s’est voulue l’avènement de la liberté, de l’égalité entre les hommes, et de la raison. Une des conséquences de cette volonté politique résida dans l’adoption d’un autre calendrier que le calendrier grégorien, dans lequel, bien que construit sur des arguments pratiques, tout est lié à la religion catholique : nombre de jours de la semaine, saints, fêtes religieuses, etc. Le mot même de calendrier, trop associé au grégorien, avait vocation à être remplacé par celui d’annuaire. On se reportera, pour l’ensemble de cette partie, à l’ouvrage édité par le Bureau des longitudes à l’occasion du bicentenaire de la Révolution [Bureau des longitudes, 1989]. Présentation historique La prise de la Bastille, le 14 juillet 1789 marqua le début d’une habitude que les révolutionnaires prirent au cours des évènements, celle de considérer l’année 1789 comme an I de la liberté. C’est pourtant l’émission des assignats, en 1792, qui posa plus précisément et de façon officielle, la question de la date à aposer sur les billets et les pièces, et de l’origine à considérer : le 1er janvier 1789 ou le 14 juillet 1789 ? On décida finalement que l’an IV de la liberté commençait le 1er janvier 1792. Mais le 10 août, la monarchie chuta, sans qu’un autre régime fût institué. Ceci fut fait le 22 septembre de la même année, au lendemain de la victoire de Valmy contre les armées royalistes européennes coalisées, avec la proclamation de la République qui entraı̂na une modification de l’origine des dates, l’an II de la République commençant le 1er janvier 1793. Le Comité d’Instruction publique installa une commission chargée de travailler à la définition d’une nouvelle ère pour la France, composée de Romme 5 , Dupuis 6 , Guyton 7 , Ferry 8 , et avec le concours de Monge 9 et Lagrange 10 . La commission proposa un projet, adopté par le Comité le 14 septembre 1793 et présenté à la Convention le 20 septembre. Romme y déclare : « (...) l’ère vulgaire fut l’ère de la cruauté, du mensonge, de la perfidie et de l’esclavage ; elle a fini avec la royauté, source de tous nos maux. » Il rappelle les règles inhérentes aux calendriers lunaires, nécessitant l’ajout de jours ou de mois, mais souligna la qualité des travaux des Égyptiens et des Babyloniens, dont il allait s’inspirer. Son objectif rousseausiste de fonder son œuvre sur la nature est exposé : « En suivant le cours naturel des choses, et cherchant un point fixe dans les mouvements célestes bien connus aujourd’hui, il sera toujours facile de faire coı̈ncider l’année civile avec l’année solaire, par des corrections qui se feront successivement, aussitôt que les petites différences cumulées auront produit un jour. » Le caractère solaire du calendrier est ainsi explicitement mentionné. Il poursuit en interprétant la date de la proclamation de la République, qui tomba le même jour que l’équinoxe d’automne, comme un signe annonciateur : « Ainsi l’égalité des jours égaux aux nuits était marquée dans le ciel, au moment même où l’égalité civile et morale était proclamée par les représentants du peuple français comme le fondement 5. 6. 7. 8. 9. 10. Charles-Gilbert Romme (1750 – 1795). Charles-François Dupuis (1742 – 1809). Louis-Bernard Guyton de Morveau, devenu Louis-Bernard Guyton-Morveau (1737 – 1816). Claude Joseph Ferry (1757 – 1845). Gaspard Monge (1746 – 1818). Voir page 78. 149 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS sacré du nouveau gouvernement. Ainsi le Soleil a éclairé à la fois les deux pôles et successivement le globe entier, le même jour où pour la première fois, a brillé dans toute sa pureté, sur la nation française, le flambeau de la liberté qui doit un jour éclairer tout le genre humain. Ainsi le Soleil a passé d’un hémisphère à l’autre le même jour où le peuple triomphant de l’oppression des rois a passé du gouvernement monarchique au gouvernement républicain. » Il suggère donc que le premier jour de l’an I de la nouvelle ère soit le 22 septembre 1792, et que chaque nouvelle année commence le jour de l’équinoxe vrai d’automne. Il continue en décrivant le projet de la commission concernant la division de l’année : — — — — l’année comptera douze mois, multiple de quatre, le nombre de saisons ; les mois auront tous la même durée de 30 jours ; des jours supplémentaires, dits épagomènes, seront ajoutés pour compléter l’année ; les semaines de sept jours sont abolies, et remplacées par des décades de 10 jours ; chaque mois compte donc exactement trois décades ; en outre : « Le jour de la décade indiquera constamment les mêmes jours du mois et de l’année. On ne peut obtenir cet avantage de la semaine. » ; — le jour est divisé en échelles décimales. Il aborde ensuite la question de l’addition d’un jour supplémentaire tous les quatre ans, période appelée Olympiade en hommage aux Grecs. Il développe enfin un projet de refonte de la nomenclature du calendrier français, soulignant que : « Les noms des mois rappellent ou des tyrans oppresseurs de leur pays, comme janvier, juillet, août 11 ; ou des dieux des Romains et des Étrusques comme février, mars, mai 12 ; ou des noms ordinaux comme septembre, octobre, novembre, décembre 13 , qui furent destinés à indiquer l’ordre des mois de Romulus (...) Cette nomenclature est évidemment un monument de servitude et d’ignorance, auquel les peuples ont successivement ajouté une empreinte de leur avilissement. Les noms astrologiques de la semaine 14 et leur ordre cabalistique qui se sont conservés d’après les premiers Égyptiens, par les imposteurs qui en ont fait leur profit, et par l’aveuglement des hommes qui ont préféré en tout temps de souffrir plutôt que de rien changer aux habitudes imbéciles de leurs pères, déshonoreraient notre révolution s’ils échappaient à votre vigilance qui a su si bien attaquer tous les préjugés. » Il expose, pour conclure, les différents projets de nomenclature, visant tous à exalter les valeurs de la République. La Convention adopte le nouveau calendrier par un vote du 5 octobre 1793. Le décret daté de ce jour précise cependant que « le commencement de chaque année est fixé à minuit, commençant le jour où tombe l’équinoxe vrai d’automne pour l’Observatoire de Paris (...) La période bissextile de quatre ans est appelée Franciade. Le jour intercalaire qui doit terminer cette période est appelé jour de la Révolution. » La question de la nomenclature est cependant renvoyée à une commission composée de Chénier 15 , 11. Respectivement Janus, qui n’était pas un tyran, mais un dieu, puis Jules César et l’empereur Octave Auguste (63 av. J.-C. – 14 ap. J.-C.). 12. Respectivement Februa, dieu étrusque de la mort et de la purification, Mars, dieu de la guerre, et Maı̈a, déesse grecque, fille d’Atlas et Pléioné, mère d’Hermès. 13. Respectivement sept, huit, neuf, dix, numéros d’ordre de ces mois dans l’ancien calendrier romain, avant la réforme de Jules César. 14. Lundi est le jour de la Lune, Mardi celui de Mars, Mercredi celui de Mercure, Jeudi celui de Jupiter, Vendredi celui de Vénus, Samedi celui de Saturne, Dimanche celui du Seigneur. 15. André Marie de Chénier, dit André Chénier (1762 – 1794). 150 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS David 16 , Fabre d’Églantine 17 et Romme, nommée le 18 octobre 1793 18 . Le 27 octobre 1793 (3e jour du second mois de l’an II), Fabre d’Églantine est en mesure d’annoncer à la Convention : « L’idée première qui nous a servi de base est de consacrer, par le calendrier, le système agricole et d’y ramener la nation en marquant les époques et les fractions de l’année par des signes intelligibles ou visibles pris dans l’agriculture et l’économie rurale. » AUTOMNE Vendémiaire Brumaire Frimaire HIVER Nivôse Pluviôse Ventôse PRINTEMPS Germinal Floréal Prairial ÉTÉ Messidor Thermidor Fructidor Tableau 2.3 — Les mois du calendrier républicain. Il présente ensuite les noms des mois du calendrier (voir le tableau 2.3). Il est évident que les noms des mois, et les sonorités associées à chaque saison n’ont pas été pris au hasard. Fabre d’Églantine, lui-même poète, précise en effet : « les noms des mois qui composent l’automne ont un son grave et une mesure moyenne, ceux de l’hiver un son lourd et une mesure longue, ceux de printemps un son gai et une mesure brève et ceux de l’été un son sonore et une mesure large. Ainsi les trois premiers mois de l’année, qui composent l’automne, prennent leur étymologie, le premier, des vendanges qui ont lieu en septembre et octobre : ce mois se nomme Vendémiaire. Le second, des brouillards et des brumes basses qui sont (...) la transaction de la nature d’octobre en novembre : ce mois se nomme Brumaire. Le troisième mois, du froid, tantôt sec, tantôt humide qui se fait sentir en décembre : ce mois se nomme Frimaire. Les trois mois d’hiver prennent leur étymologie le premier, de la neige qui blanchit la terre de décembre en janvier : ce mois se nomme Nivôse. Le second, des pluies qui tombent généralement avec plus d’abondance de janvier à février : ce mois se nomme Pluviôse. Le troisième, des giboulées qui ont lieu et du vent qui vient sécher la terre de février à mars : ce mois se nomme Ventôse. Les trois mois du printemps prennent leur étymologie le premier de la fermentation et du développement de la sève de mars en avril : ce mois se nomme Germinal. Le second, de l’épanouissement des fleurs d’avril en mai : ce mois se nomme Floréal. Le troisième, de la fécondité riante et de la récolte des prairies de mai en juin : ce mois se nomme Prairial. Les trois mois de l’été enfin, prennent leur étymologie, le premier de l’aspect des épis ondoyant et des moissons dorées qui couvrent les champs de juin en juillet : ce mois se nomme Messidor. Le second, de la chaleur tout à la fois solaire et terrestre, qui embrase l’air de juillet en août : ce mois se nomme Thermidor 19 . Le troisième, des fruits que le Soleil dore et mûrit d’août en septembre : ce mois se nomme Fructidor. » Les jours, quant à eux, sont nommés ainsi : primdi (mais primidi, quoique non officiel, finira par s’imposer), duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi, décadi. Le calendrier grégorien assignant à chaque jour un saint, il était nécessaire que « la Nation, après avoir chassé cette foule de canonisés de son calendrier, devait y retrouver en face tous les objets qui composent la véritable richesse nationale, les signes objets, sinon de 16. Jacques-Louis David (1748 – 1825). 17. Philippe-François-Nazaire Fabre, dit Fabre d’Églantine (1750 – 1794). 18. Ou plutôt le « 27e jour du 1er mois de l’an II », car si l’ancien calendrier avait été aboli et le nouveau adopté, celui-ci n’avait toujours pas de nomenclature. 19. Fabre avait d’abord proposé le nom de Fervidor. 151 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Figure 2.4 — Les muses du calendrier républicain. Source : site internet du logiciel « Salut et fraternité », à l’adresse http://prairial.free.fr/calendrier/calendrier.php?lien=niais 152 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS son culte, au moins de sa culture, les utiles production de la Terre, les instruments dont nous nous servons pour cultiver, et les animaux domestiques, nos fidèles serviteurs dans ces travaux, animaux bien plus précieux, sans doute, aux yeux de la raison, que les squelettes béatifiés tirés des catacombes de Rome. En conséquence, nous avons rangé par ordre dans la colonne de chaque mois, les noms des vrais trésors de l’économie rurale. Les grains, les pâturages, les arbres, les racines, les fleurs, les fruits, les plantes, sont disposés, dans le calendrier de manière que la place et le quantième que chaque production occupe, est précisément le temps et le jour où la nature en fait présent. À chaque quintidi, c’est-à-dire à chaque demi-décade, les 5, 15, 25 de chaque mois, est inscrit un animal domestique, avec rapport précis entre la date de cette inscription et l’utilité réelle de l’animal inscrit. Chaque décadi est marqué par le nom d’un instrument aratoire, le même dont l’agriculteur se sert au temps précis où il est placé ; de sorte que par opposition, le laboureur dans le jour de repos retrouvera consacré, dans le calendrier, l’instrument qu’il doit reprendre le lendemain : idée ce me semble touchante qui ne peut qu’attendrir nos nourriciers, et leur montrer enfin qu’avec la République est venu le temps où un laboureur est plus estimé que tous les rois de la terre ensemble, et l’agriculture comptée comme le grenier des arts de la société civile. » Enfin, les jours épagomènes sont abordés : « Nous appellerons donc ces cinq jours collectivement pris, les sansculottides. Les cinq jours des sansculottides, composant une demi-décade, seront dénommés primdi, duodi, tridi, quartidi, quintidi et dans l’année bissextile 20 , le sixième jour sextidi : le lendemain l’année recommencera par primdi, premier de vendémiaire... » Les sansculottides sont enfin associés chacun à une fête : la fête du génie, le travail, les actions, les récompenses, l’opinion et, tous les quatre ans, la Sansculottide. Le décret du 5 octobre 1793 est modifié en conséquence le jour même, et les sansculottides sont finalement les suivantes : la fête de la vertu, la fête du génie, la fête du travail, la fête de l’opinion, la fête des récompenses, et la Sansculottide. Le 4 Frimaire An II (24 novembre 1793), la Convention refond tous les décrets liés au calendrier en un seul, en modifiant quarante-sept dénominations de jours. En outre, le calendrier était parsemé de fêtes nationales, composées des fêtes révolutionnaires, des sansculottides, et des fêtes décadaires, célébrées chaque décadi (à la nature, au patriotisme, à la bienveillance universelle, à la liberté, à l’électricité, etc.). Difficulté scientifique du calendrier L’année, on l’a vu, commençait à minuit le jour où tombe l’équinoxe vrai d’automne pour l’Observatoire de Paris. Sans qu’il y ait a priori besoin d’une règle pour l’ajout d’un jour à la fin de chaque année, cette définition de l’origine de l’année permet, par le simple calcul astronomique, de déterminer si une année compte 365 jours ou 366. Le premier jour de l’an I de la République avait ainsi été fixé au 22 septembre 1792, lendemain de la victoire de Valmy et jour de l’équinoxe d’automne, celui-ci étant survenu à 9 heures 18 minutes 30 secondes (calcul d’époque). Par le calcul, on établit que l’an I et l’an II auraient 365 jours, mais que l’an III en aurait 366, l’équinoxe d’automne de 1795 de l’ère vulgaire tombant le 23 septembre à 2 heures 44 minutes 49 secondes. Malgré l’absence de règle concernant l’addition d’un jour, Romme croyait qu’elle se succèderait tous les quatre ans, et que ce ne serait qu’au terme d’une période de 132 ans qu’il faudrait sauter un jour intercalaire. Le décret du 4 Frimaire comportait ainsi une 20. Note de [Bureau des longitudes, 1989] : Fabre emploie encore pour désigner l’année de 366 jours le mot bissextile, expression qui n’avait plus de sens. Ce fut seulement le décret du 10 brumaire qui substitua au mot de bissextile celui de sextile. 153 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS table énonçant les années sextiles 21 à venir, qui devaient être l’an III, l’an VII et l’an XI. Mais Delambre 22 , qui n’avait pas été consulté par Romme en 1793, montra qu’il devrait arriver trois fois par siècle, sans régularité, où l’intervalle entre deux années sextiles ne serait pas de quatre ans mais de cinq. Ainsi par exemple, si le calendrier républicain avait été encore en vigueur à cette époque, l’an XV aurait été sextile, mais pas l’an XIX, au profit de l’an XX. En outre, Delambre avait conscience de l’imprécision des prédictions d’équinoxe, comme des autres phénomènes astronomiques, celles-ci étant de l’ordre de quelques minutes. Cette imprécision rendait impossible, à terme, de connaı̂tre trop à l’avance les années sextiles ou simples, si l’équinoxe tombait quelques secondes avant ou après minuit. Selon les calculs effectués à l’époque, l’équinoxe de 1935 devait arriver le lendemain du cinquième jour complémentaire, vingt secondes avant minuit 23 . L’imprécision du calcul rendait donc impossible la qualification de sextile entre l’an CXLIII et l’an CXLIV. Après consultation de Laplace 24 et de Lalande 25 , Delambre communiqua à Romme ses conclusions, et admit la nécessité de modifier les articles concernés du décret du 4 frimaire. Delambre proposa ainsi, dans un premier temps, de revenir à la règle grégorienne de placement des jours supplémentaires. Par commodité, il proposa aussi qu’indépendamment de la date de l’équinoxe vrai, la première année sextile de l’ère de la République fût l’an IV et non l’an III. Ainsi la définition du début de l’année ne serait plus celle consistant dans la date de l’équinoxe vrai d’automne, mais, à nouveau, le jour suivant le 365e de l’année ou le 366e si elle était sextile. Cependant, Delambre étudia de façon plus précise la durée l’année, qu’il parvint à borner. Il montra que sur une période de 36 siècles (ou 40, selon la borne utilisée), le calendrier grégorien comptait un jour intercalaire de trop, et qu’il serait nécessaire, pour obtenir un calendrier encore plus précis, de supprimer un jour intercalaire tous les 36 ou 40 siècles. Cette réforme aurait ainsi amené la durée moyenne de l’année civile à 365,24225 jours, au lieu de 365,2425 pour l’année grégorienne, les deux ayant vocation à s’approcher au mieux des 365,24220 de l’année tropique vraie. L’erreur de trois jours tous les dix mille ans du calendrier grégorien aurait ainsi été ramenée à une erreur de cinq jours tous les cent mille ans. Romme fut donc mandaté par ses collègues pour porter cette question devant le Comité d’Instruction Publique le 20 Germinal an III (9 avril 1795). Une commission fut mise sur place, composée, en plus de Romme, uniquement d’astronomes : Delambre, Lagrange, Pingré 26 , Laplace, Lalande, Messier 27 et Nouet 28 . C’est Delambre qui présenta au Comité le projet, qui fut adopté le 29 Germinal. Le 19 Floréal, Romme présenta au Comité un rapport et un projet de perfectionnement des articles 3 et 10 du décret du 4 Frimaire an II. Il résume ainsi sa réforme : « Une règle d’intercalation lèvera tous les inconvénients. Celle que nous proposent les astronomes conduit à trois corrections indispensables : l’une tous les quatre ans, la seconde tous les quatre cents ans, la troisième tous les trente-six siècles, ou pour plus de convenance, tous les quatre mille ans. En appelant Franciade ces trois périodes successives tout le système de la computation française renferme ces six résultats : 21. Les années sextiles étaient les années comptant six Sansculottides. 22. Jean-Baptiste Joseph Delambre (1749 – 1822). 23. Le problème est aujourd’hui le même. Si on peut très bien dater à l’avance les évènements astronomiques dans l’échelle du temps terrestre, les irrégularités du temps universel ne permettent pas de les attacher précisément à une date du calendrier. 24. Pierre-Simon de Laplace (1749 – 1827). 25. Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande (1732 – 1807). 26. Alexandre Guy Pingré (1711 – 1796). 27. Charles Messier (1730 – 1817). 28. Nicolas-Antoine Nouet (1740 – 1811). 154 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Dix jours font une décade ; trois décades font un mois ; douze mois et cinq jours font une année ; quatre années et un jour font une Franciade. Cent franciades simples, moins trois jours, font une franciade séculaire. Dix franciades séculaires, moins un jour, font une franciade millaire. » La réforme ne put cependant aboutir. En effet, le 9 Thermidor an II (26 juillet 1794), Robespierre 29 fut renversé et une vaste opération de répression des Montagnards fut lancée par les Thermidoriens. Romme faisait partie de ceux qui contestaient cette politique de réaction bourgeoise, libérale et fédéraliste, et souhaitaient la poursuite des réformes entreprises par la Montagne. Le peuple de Paris, mené par les sections jacobines de la capitale, en vint ainsi à envahir la Convention, le 1er Prairial an III (20 mai 1795) ; pour la première fois de l’histoire de la Révolution, l’armée réprima une insurrection populaire. Romme fut arrêté le soir même, et condamné à mort le 29 Prairial (18 juin 1795). Il se suicida immédiatement en criant « Je meurs pour la République ! ». Le Bureau des Longitudes fut créé peu après, le 7 Messidor an III (25 juin 1795). Après avoir proposé de faire adopter le décret de réforme, il changea d’avis le 14 Thermidor, en avançant qu’il n’était pas nécessaire de modifier la règle consistant à définir le début de l’année par l’équinoxe vrai. Lakanal 30 , qui reprit le dossier en lieu et place de Romme au nom du Comité d’Instruction Publique le 24 Thermidor an III (11 août 1795) proposa le 5e complémentaire an III (21 septembre 1795) de renoncer à toute réforme, les nouveaux annuaires ayant déjà été diffusés auprès des citoyens. Plus aucune réforme des années sextiles ne fut dès lors entreprise : les années sextiles furent donc l’an III, l’an IX et l’an XI ; il était prévu que l’an XV le soit aussi. L’abandon du calendrier républicain et sa brève réapparition Quelques critiques furent émises contre ce calendrier, notamment par Lanjuinais 31 le 30 Thermidor an III, qui voyait dans le calendrier républicain l’œuvre des « assassins de la France » 32 . Le Consulat, initié par le coup d’État du 18 Brumaire an VIII du général Bonaparte 33 , sonna la fin de la Révolution française. Sous ce régime, puis sous l’Empire, Bonaparte, qui devint Napoléon Ier le 28 Floréal an XII (18 mai 1804) avec la bénédiction du pape Pie VII, ayant brisé la République et ses acquis, s’employa à réhabiliter l’Église catholique, au point d’en faire une église d’État avec le Concordat de 1801 ; les cultes israélite, réformé et luthérien, y furent en outre intégrés entre 1802 et 1808. Dès lors, le caractère férié du dimanche fut rétabli, en contradiction avec le décadi républicain. Et puisque le calendrier républicain était associé à l’ère républicaine, il ne pouvait en être autrement qu’il soit aboli. L’abandon du calendrier républicain fut cependant progressif, des actes législatifs évoquant le dimanche et la semaine de sept jours étant petit à petit adoptés. On s’appuya sur l’incompatibilité du redécoupage en semaines du calendrier républicain fondé sur les décades pour justifier son inadaptation pratique, et réclamer son abandon. Régnaud 34 , le 13 Fructidor an XIII, tout en soulignant ses mérites et sa supériorité sur le calendrier grégorien, proposa ainsi hypocritement un sénatus-consulte rétablissant l’ancien calendrier à compter du 11 Nivôse an XIV (1er janvier 1806). Ses arguments sont de plusieurs ordres : d’abord, la difficulté d’établir les années sextiles du calendrier, pourtant résolue par la proposition de Romme à qui il rend toutefois hommage ; ensuite, le choix de l’époque du début de l’année n’apparaı̂t pas, à ses yeux, pertinent, et suggère qu’il eût été plus heureux de choisir le solstice d’hiver ou l’équinoxe de printemps ; enfin, il déplore que, dans les faits, une partie des Français ne l’ait pas adopté, tout comme les autres nations d’Europe. Il conclut en déclarant que, sans tous ces défauts, le calendrier républicain serait parfait... Rien n’était plus facile, cependant, que de proposer des réformes visant 29. Maximilien Marie Isidore de Robespierre (1758 – 1794). 30. Joseph Lakanal (1762 – 1845). 31. Jean Denis Lanjuinais (1753 – 1827). 32. La carrière de ce triste personnage montre cependant son caractère réactionnaire et surtout opportuniste, puisqu’il trouva toujours comment faire carrière sous le Directoire, sous le Consulat, sous l’Empire et la Restauration... 33. Napoléon Bonaparte (1769 – 1821). 34. Michel-Louis-Étienne Regnaud de Saint-Jean d’Angély (1760 – 1819). 155 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS à asseoir la perfection de ce calendrier ; en réalité, l’objectif politique visé par l’empereur imposait de supprimer par n’importe quel moyen toute référence à la Révolution et à la liberté, dont le calendrier républicain faisait partie. Mais Régnaud poursuit en estimant que ce rétablissement n’est que temporaire, et que les nations d’Europe, quand elles éprouveront le besoin de moderniser leurs institutions, reviendront naturellement au calendrier républicain ou, en tout cas, mettront en place un nouveau calendrier qui ne pourra que s’en inspirer. Le Sénat impérial nomma ainsi une commission chargée d’examiner les modalités du rétablissement du calendrier grégorien. Laplace, le 22 Fructidor an XIII, présenta son rapport au Sénat. S’il commence en louant Romme et la réforme que ce dernier avait, avec son concours, proposée, il vante ensuite le retour aux semaines à la place des décades, vues comme plus conforme aux usages historiques. Il approuve le rétablissement du calendrier grégorien, tout en appelant au maintien du système métrique pour les poids et mesures, auquel le calendrier républicain était lié par les décades et le découpage décimal des jours. Pourtant, un décret du 12 février 1812 créé un système métrique bâtard, qui fut aboli par la Monarchie de Juillet, par une loi du 4 juillet 1837 imposant le retour au système métrique pour les poids et mesures. Le calendrier républicain fut donc aboli à compter du 1er janvier 1806. Il a cependant été rétabli pendant pendant moins d’un mois, à l’occasion de la Commune de Paris, entre le 6 et le 23 mai 1871 (respectivement le 16 Floréal et le 3 Prairial an 79), avant que les troupes versaillaises d’Adolphe Thiers (1797 – 1877) n’écrasent l’espoir pendant la semaine sanglante. De nos jours, le calendrier républicain n’est plus utilisé. La publication [Bureau des longitudes, 1989] permet toutefois de calculer la correspondance avec le calendrier grégorien. Il existe cependant un logiciel, appelé « Salut et fraternité », qui réalise automatiquement cette conversion, et qui est disponible à l’adresse suivante : http://prairial.free.fr/telechargement 3.3 La notion d’heure La notion d’heure intervient pour définir une échelle de temps de subdivision du jour, c’est-àdire que la notion d’heure est plus ou moins liée à la rotation diurne de la Terre. Autrement dit, c’est l’orientation de la Terre par rapport au Soleil qui va être la source de la notion d’heure. 3.3.1 Perspective historique Pendant l’Antiquité, Babyloniens, puis Hébreux et Grecs utilisaient des gnomons, c’est-à-dire des cadrans solaires pour diviser le jour en parties égales ; or, nécessitant de la lumière, cette construction ne fonctionnait que la journée et pas la nuit, d’une part, et, compte-tenu de la durée variable de la durée d’éclairement au cours de l’année, voyait les heures avoir des durées différentes d’un jour à l’autre. Ce système s’est propagé à Rome et jusqu’au Moyen-Âge. Il a donc fallu évoluer vers une division homogène du jour, en s’appuyant sur la durée égale du jour et de la nuit aux équinoxes ; ce système était déjà utilisé par Hipparque, mais seulement pour ses calculs astronomiques. Pour diviser de façon égale le jour tout au long de l’année, c’est-à-dire pour mesurer le temps à l’échelle infra-diurne, il a fallu se doter de machines à fonctionnement périodique et de période uniforme : les horloges. Celles-ci ont pris la forme de clepsydres, c’est-à-dire d’horloges à eau, avant de devenir mécaniques ; ainsi l’horloge de Huygens 35 bat la seconde, définie comme la 86 400e partie du jour. Beaucoup de cathédrales se sont dotées d’horloges astronomiques mécanisées, comme celles de Prague (République Tchèque) ou de Strasbourg. Ce faisant, elles ont mis 35. Christian Huygens, 1629 – 1695 156 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS en évidence la variation du délai entre deux passages consécutifs du Soleil au méridien, appelé temps solaire vrai ; cette grandeur, appelée équation du temps, est liée à la forme excentrique de l’orbite de la Terre autour du Soleil et à l’angle entre son axe de rotation et son axe de révolution. Il a alors fallu définir un intervalle de temps moyen entre deux passages consécutifs du Soleil au méridien, ce qu’on a appelé le temps solaire moyen, sur la base duquel la définition d’heures trouvait enfin une base stable, que l’on retrouve dans la définition du temps universel. Ainsi, à chaque longitude, il y avait une heure ; inversement, c’est par l’observation de l’heure « astronomique », comparée à l’heure d’un méridien d’origine, conservée à l’aide d’une horloge, que les navigateurs et explorateurs calculaient leur longitude. À la Renaissance puis à l’époque moderne, la course aux grandes découvertes puis à l’établissement des colonies et comptoirs de commerce imposait une méthode précisee et fiable de détermination de la longitude. La décision de la Chambres des Communes britannique d’adopter le Longitude act, en 1714, récompensant celui qui déterminerait une méthode de calcul de la longitude au demi-degré près amène John Harrisson (1693 – 1776) à construire une horloge marine ne retardant que de cinq secondes après 81 jours de mer, en 1762. Mais toutes ces définitions des heures demeurent locales. En 1826, l’heure de Paris est unifiée sur celle du méridien de l’Observatoire de Paris. L’invention du télégraphe en 1832, par Samuel Morse (1791 – 1872) permet de transmettre à la vitesse de la lumière des signaux horaires. En 1903, des signaux horaires sont émis depuis le sommet de la Tour Eiffel ; à partir de 1908, leur portée est de 3000 km, et en 1910 de 5000 km, permettant aux navires de calculer facilement leur longitude. C’est avec le déploiement des lignes de chemin de fer que la question de l’unification des échelles de temps s’est posée. En effet, il était indispensable que l’ajout de la durée d’un voyage à l’heure du départ d’un train donne son heure d’arrivée ; un autre exemple concerne l’heure de croisement des trains, qu’il fallait déterminer précisément pour garer l’un des deux, les lignes ne comportant souvent, à l’époque, qu’une seule voie. Sept conférences internationales se tiennent entre 1871 et 1883 sur le sujet de l’unification des temps, et donc des longitudes. À la conférence de Rome (1883), le globe terrestre est divisé en vingt-quatre fuseaux de quinze degrés chacun, au sein desquels l’heure est unique et égale à celle du méridien central du fuseau. C’est à la conférence de Washington, en 1884, qu’est opéré le choix du méridien international sur lequel les temps du monde sont alignés : c’est à cette occasion que le méridien de Greenwich devient le méridien international, après un affrontement diplomatique avec les français qui préconisaient celui de Paris. 3.3.2 Les différentes expressions de l’heure Dans cette sous-partie, on parle de « temps » de façon équivalente à celle d’« heure ». De façon générale, on appelle « heure » toute grandeur, de temps ou d’angle, que l’on exprime dans des unités naturelles de temps (heures, minutes, secondes), et entre 0 et vingt-quatre heures. Le temps solaire vrai Le temps solaire vrai Tv est le temps indiqué, par exemple, par un cadran solaire. C’est une grandeur locale, donnée par l’angle horaire 36 du Soleil. On peut écrire cet angle en fonction d’un temps supposé uniforme t comme [Simon et al., 1998] : Tv = A+B t−E +τ (3.1) où A et B sont des constantes modélisant un comportement linéaire du temps solaire (c’est-àdire de l’angle horaire du Soleil) par rapport à un temps idéal s’écoulant uniformément, E est l’équation du temps, et τ la somme des inégalités de rotation de la Terre. Le 0h de cette échelle de temps a lieu quand le Soleil vrai passe au méridien local. 157 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Dans cette échelle de temps, deux passages consécutifs du Soleil au méridien peuvent être séparés, au cours d’une année, de 24h 16min (maximum de l’équation du temps, le 3 novembre), à 23h 47min (minimum de l’équation du temps, le 11 février). Le temps solaire moyen Le temps solaire moyen Tm est quant à lui l’échelle de temps qui serait associée à une orbite terrestre qui serait circulaire, et dont le plan serait équatorial. On peut l’écrire à son tour : Tm = A+B t+τ (3.2) Le temps solaire moyen est l’angle horaire d’un Soleil comme le verrait un observateur terrestre si la Terre avait une orbite parfaitement circulaire, et un axe de rotation d’obliquité nulle sur l’écliptique. Dans cette échelle de temps, tout au long de l’année, deux passages consécutifs du Soleil au méridien sont séparés de 24h. L’équation du temps Définition (Équation du temps) — On appelle équation du temps la différence entre le temps solaire moyen et le temps solaire vrai : E = Tm − Tv Nous mentionnons ici les deux causes de l’inégalité entre ces deux échelles de temps : — l’excentricité e de l’orbite terrestre : la deuxième loi de Kepler explique que la longitude du Soleil ℓ⊙ ne varie pas uniformément ; on appelle équation du centre l’équation donnant la longitude du Soleil en fonction du temps, qui est une fonction périodique de période annuelle ; — l’obliquité ǫ de la Terre n’est pas nulle : l’ascension droite α du Soleil ne varie pas uniformément avec la longitude ; on appelle réduction à l’équateur la fonction donnant l’ascension droite en fonction de la longitude, dont la période est semestrielle. Ces deux effets se traduisent par des fonctions respectivement égales à [Simon et al., 1998] : ℓ⊙ α⊙ = = (̟⊙ + M ) + 2 e sin M + ... ℓ⊙ − tan2 ǫ/2 sin 2 ℓ⊙ + ... où ̟⊙ est la longitude du périgée et M l’anomalie moyenne du Soleil. La longitude du Soleil ℓ⊙ est liée à l’anomalie vraie f par la relation ℓ⊙ = f + ̟⊙ déjà vue. 36. Cette notion sera introduite plus loin ; voir notamment les figures 1.11 page 185 et 1.12 page 185. 158 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS En notant µ la somme des termes d’ordre 2 dus à la précession et les termes périodiques de nutation, dont l’amplitude n’excède pas 1, 5 s, l’équation du temps s’écrit : E avec : C et R Si bien que : E = = = Tm − Tv = C +R−µ ≈ C +R = 2 e sin M = − tan2 ǫ/2 sin 2 ℓ⊙ 2 e sin M − tan2 ǫ/2 sin 2 ℓ⊙ 2 e sin M − tan2 ǫ/2 sin 2 ((̟⊙ + M ) + 2 e sin M ) (3.3) Après de longs développements, dont le détail, fort complexe, est donné par [Müller, 1995], on trouve, avec une précision de 0, 025 minute (soit 1, 5 s) entre 1900 et 2100, en minutes [Simon et al., 1998] : E = 7, 362 sin M − 0, 144 cos M +8, 955 sin 2M + 4, 302 cos 2M +0, 288 sin 3M + 0, 133 cos 3M avec : M (3.4) +0, 131 sin 4M + 0, 167 cos 4M −0, 002 58 t sin 2M + 0, 005 33 t cos 2M = 6, 240 060 + 6, 283 0195 52 t où t est compté en années juliennes à partir de J2000.0, et où l’anomalie moyenne du Soleil est M . Cette expression de E permet donc de connaı̂tre le temps solaire moyen à partir de la lecture du temps solaire vrai. Cette grandeur connaı̂t quatre zéros sur une année, deux maximas dont un absolu, et deux minimas dont un absolu. Figure 3.5 — L’équation du temps. Source : IMCCE, à l’adresse http://www.imcce.fr/fr/ grandpublic/systeme/promenade/pages3/325.html L’équation du temps trouve une spectaculaire confirmation dans le fait qu’au cours de l’année, à midi solaire moyen, le Soleil (vrai !) est en retard ou en avance sur sa position moyenne, dessinant un « huit » qu’on appelle analemme. La variation « de haut en bas » est due à l’obliquité de la Terre, dont la manifestation la plus visible est la succession des saisons (voir la partie 2.9.2 page 132) tandis que la variation « d’est en ouest » est due à l’excentricité de l’orbite de la Terre, qui fait qu’elle ne se déplace pas toujours à la même vitesse, ou en tout cas avec 159 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS des variations à côté desquelles la rotation de la Terre apparaı̂t très uniforme, et qui donnent l’impression de voir le Soleil en avance ou en retard. Naturellement, la forme de l’analemme dépend des paramètres e et ǫ de chaque planète (voir la figure 3.6). Figure 3.6 — À gauche, analemme sur Terre, vu d’Ukraine ; à droite, analemme sur Mars, observé par la sonde Mars Pathfinder. Sources : Astronomy picture of the day, NASA. Terre : 9 juillet 2002 ; image de V. Rumyantsev, Crimean Astronomical Observatory. Mars : 30 décembre 2006. Le temps civil local L’introduction d’un temps solaire moyen, stable, durant vingt-quatre heures, reflète un mouvement orbital fictif de la Terre autour du Soleil, sans excentricité ni obliquité ; il diffère du temps solaire vrai par l’équation du temps, et il est local. Le temps civil local est défini comme le temps solaire moyen ajouté de 12 h, soit : Tcℓ = A + B t + τ + 12h On remarque que, lorsque le Soleil moyen est au méridien, il est désormais midi (12 h), et non plus 0 h comme dans les constructions précédentes. Le temps universel On appelle temps universel le temps civil local de Greenwich : TU = Tc (Greenwich) Le temps universel est donc d’abord le temps solaire moyen de Greenwich. Cette définition est assez générale ; les liens entre le temps sidéral et le temps universel sont décrits dans la partie 4.1.4 page 183. Il existe par ailleurs plusieurs déclinaisons du temps universel : — U T 0 : Universal Time 0, angle instantané de rotation de la Terre autour de l’axe instantané ; — U T 1 : Universal Time 1, angle instantané de rotation de la Terre autour de l’axe moyen ; 160 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS — U T 2 : Universal Time 2, approximation de la rotation moyenne de la Terre autour de l’axe moyen ; — U T 1R, U T 2R : échelles UT1 et UT2 auxquelles on a retiré un modèle conventionnel des forces de marées perturbant la rotation terrestre. Compte-tenu de la division du jour en heures, minutes, secondes, l’unité fondamentale de temps, la seconde, était définie jusqu’en 1960 relativement à l’échelle du temps universel comme la 86 400e partie du jour solaire moyen. Nous aborderons plus loin (voir la partie 3.4.2 page 167) la question du temps universel coordonné, désormais base de tous les temps légaux. Il faut signaler en outre que l’expression de « GMT » (Greenwich Mean Time) est désuète depuis l’introduction de l’UTC en 1972 ; en outre, le GMT est, comme son nom l’indique, un temps solaire, tandis que l’UTC est un temps atomique. Le temps légal en France Le choix du méridien de Greenwich comme méridien origine n’a pas seulement signifié qu’il servait d’origine aux longitudes, mais aussi aux échelles de temps universel (voir page 160). Ainsi, la loi du 9 mars 1911 se contentait-elle de corriger de 9 minutes 21 secondes le temps solaire moyen de Paris pour signifier que le temps légal en France était calé, dans les faits, sur celui de Greenwich, c’est-à-dire sur le temps universel [Bureau des longitudes, 2004]. Dès l’année 1916, la notion d’heure d’été s’est cependant appliquée, ajoutant une heure au décalage évoqué précédemment. Pendant l’occupation allemande, un décalage de deux heures avec le TU était appliqué pendant l’été, appliquant dans la pratique l’heure solaire d’Europe centrale à la France, avant d’être supprimé à la Libération. C’est en 1976 que l’heure d’été telle que nous la connaissons encore maintenant fut décidée ; elle s’appliquait du dernier dimanche de mars au dernier de septembre jusqu’en 1995, avant de s’étendre au dernier d’octobre à partir de 1996. Le décret du 9 août 1978 a généralisé cette pratique et introduit la notion de temps universel coordonné (voir page 167), en stipulant que [Bureau des longitudes, 2004] : « le temps légal est obtenu en ajoutant ou en retranchant un nombre entier d’heures au temps universel coordonné » 3.4 3.4.1 Les échelles de temps scientifiques Le temps des éphémérides Le temps des éphémérides est une échelle de temps dérivées d’observations de positions d’un corps du système solaire dont l’éphéméride est connue en fonction du temps dans le cadre de la mécanique classique ; les valeurs observées permettent d’inverser le système et de fournir le temps réalisant cette observation, ce qui est la réalisation de l’échelle de temps des éphémérides. Ce concept est particulièrement détaillé dans [Capitaine, 2000], dont nous inspirons ici. Échelle de temps uniforme gravitationnel En mécanique classique, le temps s’écoule uniformément et de façon indépendante du lieu, c’està-dire en particulier du contenu en masse de l’espace ; cette approche a, depuis, été contredite par la théorie de la relativité sur laquelle nous reviendrons plus tard. On peut dès lors choisir pour horloge un phénomène physique H décrit dans le cadre de la mécanique classique par une équation du type : H = f (t) 161 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS où t est un temps implicitement uniforme par définition. L’observation d’évènements du phénomène physique H donne accès à t par inversion de la relation précédente : t = f −1 (H) Ceci signifie que si l’observation donne H, il faut résoudre l’équation H = f (t) pour trouver la valeur de t pour laquelle la relation est vraie. Il est évidemment fondamental de disposer d’une théorie f valable. Si la relation fondamentale de la dynamique est vraie, alors n’importe quel phénomène physique servant d’horloge Hi permet aussi d’obtenir t et donc de réaliser l’échelle de temps uniforme associée à ces horloges, qui est une échelle de temps dynamique. C’est la gravitation qui va nous fournir le phénomène physique nous servant d’horloge, en l’occurrence le mouvement orbital des planètes du système solaire. La théorie f est obtenue par intégration des équations du mouvement des planètes, en y intégrant les perturbations qu’elles subissent. On peut dès lors parler d’échelle de temps uniforme gravitationnel. Définition générale de l’échelle de temps des éphémérides Le mouvement orbital des planètes va se trouver réduit à la description de son mouvement en longitude écliptique sous la forme d’un polynôme. Ainsi la longitude écliptique héliocentrique vraie de la planète i s’écrit : Li = a i + b i t + c i t2 + X Pij j où ai est la valeur de Li à l’époque origine de l’échelle de temps (qui pose t = 0), bi le moyen P mouvement, j Pij la somme des termes périodiques en longitude subis par i dus à chaque autre corps j (nutation, excentricité, inclinaison, perturbation gravitationnelle planétaire), tandis que ci , très petit en général, vient des termes d’ordre 2 de la théorie de la précession et des perturbations ; dans le cas de la Lune, il y a aussi, dans ci , un terme d’origine géophysique. Cette relation permet en outre de calculer l’écart t − τ , où τ est la date d’observation vue sur une horloge quelconque distincte de l’horloge i. On voit que chaque description du mouvement de chaque planète donne une réalisation de t, que l’on appelle temps des éphémérides. Le mouvement orbital de la Terre est le mieux connu au regard d’une part de la théorie, qui est la plus exacte des planètes du système solaire, d’autre part des observations qui sont en nombre beaucoup plus important que pour tout autre astre ; c’est le mouvement de la Terre autour du Soleil qui constitue donc l’horloge de la réalisation primaire du temps des éphémérides. Un exemple historique connu est celui des satellites de Jupiter. À l’époque où les horloges mécaniques n’étaient pas encore fiables, ils servaient d’échelle de temps naturelle. Leurs éphémérides prédites, comparées à celles observées, servaient à se repérer dans le temps. Le temps des éphémérides pour mettre en évidence les irrégularités du temps universel Historiquement, le temps universel était utilisé avant celui des éphémérides ; néanmoins, c’est en établissant des éphémérides de planètes en fonction du temps universel que l’on a mis en évidence les irrégularités de celui-ci par confrontation aux observations des planètes. Si on note LE i la longitude apparente moyenne calculée par l’éphéméride (c’est-à-dire la longitude apparente vraie dont les termes périodiques ont été enlevés) de la planète i mesurée en temps universel TU, on a : LE i = a′i + b′i T U + c′i T U 2 162 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Mais l’observation LO i a lieu à une date t = T U + ∆t : LO i = ai + bi (T U + ∆t) + ci (T U + ∆t)2 La différence entre l’éphéméride prévue et l’éphéméride observée : E LO i − Li = = a′i − ai + b′i T U − bi (T U + ∆t) + c′i T U 2 − ci (T U + ∆t)2 ∆ai + ∆bi T U + ∆ci T U 2 + (bi + 2 ci T U ) ∆t + ci ∆t2 Comme ∆t est de quelques secondes, ∆t2 est négligeable ; de plus, les termes ∆ai , ∆bi et ∆ci sont petits, si bien qu’on peut écrire : E LO i − Li ≃ (bi + 2 ci T U ) ∆t Si TU n’est pas uniforme, alors ∆t n’est pas constant, si bien que les longitudes des planètes i présentent une avance ou un retard sur leur éphéméride proportionnel à leur moyen mouvement bi . C’est dans les années 1920 et 1930 qu’ainsi, le ralentissement séculaire de la rotation de la Terre a été mis en évidence par des observations planétaires et lunaires. Relation de définition de l’échelle de temps des éphémérides La relation donnant la longitude moyenne apparente moyenne du Soleil a été établie par Simon Newcomb (1835 – 1909) à partir d’observation étalées sur deux siècles. C’est elle qui définit le temps des éphémérides TE : Lm ⊙ = 279˚41′ 27, 54′′ + 129 602 768, 13′′t + 1, 089′′t2 où t est en siècle julien de 36 525 jours ; le facteur d’ordre 0 définit l’origine du TE, à savoir la longitude moyenne apparente du Soleil au 1er janvier 1900 à 12h TE (jour julien 2 415 020,0) ; le facteur d’ordre 1 permet de connaı̂tre la durée au bout de laquelle la longitude augmente de 360˚: c’est l’année tropique. Le facteur d’ordre 2 rend variable la valeur de l’année tropique, si bien que la définition de l’année tropique est fixée à celle de la date origine ; ainsi, ce facteur rapporte la définition de l’année tropique à l’écliptique et l’équateur moyens de la date. On remarque enfin que cette expression a perdu la somme des termes périodiques car, leur moyenne étant nulle, on parle de « longitude moyenne ». Il est important de noter qu’à cette échelle de temps est associée une définition de la seconde, qui en a été la définition officielle à partir de la XIe Conférence générale des poids et mesures de 1960 [CGPM, 1960] 37 : « La seconde est la fraction 1/31 556 925,9747 de l’année tropique pour 1900 janvier 0 à 12 heures de temps des éphémérides. » Cette unité est naturellement très difficile à réaliser, et d’autant plus qu’on s’éloignait de cette date de référence. C’est pourquoi en 1967 elle a été remplacée par une définition atomique de la seconde. 37. Voir aussi le site de l’IMCCE : http://www.imcce.fr/en/grandpublic/systeme/promenade/pages4/447.html. 163 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Réalisations primaire et secondaire du temps des éphémérides Observer la déclinaison du Soleil δ⊙ = z⊙ − ϕ où z⊙ est la distance zénithale et ϕ la latitude, permet de calculer sa longitude vraie à partir de la relation : sin δ⊙ = sin ǫ sin ℓ⊙ De là, on peut calculer la longitude moyenne Lm ⊙ . Cette mesure, bien qu’imprécise, de l’ordre de 0, 5′′ , correspondant à une incertitude de 10 s sur le TE, est cependant la réalisation primaire du TE. Le mouvement de la Lune constitue une cible plus intéressante pour la réalisation du TE, mais en tant que réalisation secondaire. Son mouvement apparent est treize fois plus rapide que celui du Soleil, permettant une plus grande répétitivité des observations ; de plus, comme celles-ci peuvent être faites de nuit, elles sont moins sujettes à l’agitation de l’atmosphère, ainsi qu’aux déformations thermiques instrumentales. L’utilisation des étoiles comme référence renforce la précision de ce genre de mesures. Si bien qu’en pratique, les observations de la longitude P de la Lune sont plus précises pour réaliser le TE. Le revers de la médaille vient de la somme j P($j) , dont les termes prennent des valeurs importantes, et qui dépendent de la théorie utilisée ; par ailleurs, le terme c$ n’est pas petit, ceci en raison des l’importante variation du moyen mouvement lunaire lié à la dissipation d’énergie par les marées ; de la sorte, si les observations de la Lune sont plus précises que celles du Soleil, le calcul théorique de sa longitude ne l’est pas ! Propriétés du temps des éphémérides et conclusion En raison de la dépendance de la réalisation de cette échelle de temps avec la théorie qui lui est liée, son universalité est moyenne. Cependant, le mouvement de la Terre autour du Soleil n’étant pas (encore ?) arrêté, sa pérennité est excellente. Les difficultés des observations et leur imprécision rendent son accessibilité mauvaise. Par ailleurs, les erreurs de la théorie lui confèrent une uniformité moyenne. Néanmoins, cette échelle de temps reste essentielle à l’interprétation d’observations anciennes (ainsi qu’à leur « prévision »), et à l’estimation du ralentissement de la rotation de la Terre. 3.4.2 Les échelles de temps atomiques Le temps atomique international La physique atomique et la définition de la seconde Entre l’irrégularité de la rotation de la Terre donnant le Temps Universel et la difficulté d’accès à l’échelle du Temps des Éphémérides, l’astronomie, point de départ de la métrologie du temps, a dû être abandonnée au profit d’un autre domaine de la physique : la physique atomique. En effet, cette discipline a connu au cours du xxe siècle d’importantes avancées théoriques et pratiques, en permettant, au cours de la IIe Guerre Mondiale, le développement de cavités à micro-ondes donnant accès à des étalons de fréquence très précis. On en vint ainsi à mesurer la fréquence d’une transition hyperfine de l’atome de césium 133, au regard de la définition de la seconde du TE, et l’on trouva 9 192 631 770±20 Hz. C’est ce résultat qui conduisit à la redéfinition de la seconde en 1967, et qui est restée inchangée depuis. La définition et la réalisation du Temps Atomique International Des laboratoires du monde entier ont alors été amenés à construire des étalons de fréquence pour réaliser de la façon la plus précise la seconde. Le principe de l’accumulation de secondes tout au long du fonctionnement de l’étalon permet ainsi de réaliser une échelle de temps aussi continue que peut l’être le fonctionnement de l’étalon. Après la définition atomique de la seconde, c’est ainsi qu’a émergé la définition 164 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS du Temps Atomique International. Deux solutions étaient envisageables : — la réalisation de l’échelle de temps de référence par une seule horloge dont la lecture donnerait l’échelle de temps ; — la réalisation de l’échelle de temps de référence par plusieurs horloges, situées en divers endroits, dont une moyenne des lectures fournirait l’échelle de temps de référence. Pour des raisons de sûreté, de continuité, et de redondance, c’est bien sûr la seconde option qui a été choisie. À partir de 1955, le Bureau International de l’Heure a réalisé le Temps Atomique International. En 1970, le Comité consultatif pour la définition de la seconde formula une proposition de définition, qu’approuva le Comité international des poids et mesures. L’année suivante, la XIVe Conférence générale des poids et mesures adopta la définition suivante pour l’échelle de temps de référence [CGPM, 1971] 38 : « Le Temps atomique international est la coordonnée de repérage temporel établie par le Bureau international de l’heure sur la base des indications d’horloges atomiques fonctionnant dans divers établissements conformément à la définition de la seconde, unité de temps du Système international d’unités. » Elle a été complétée comme suit en 1980 39 : « Le TAI est une échelle de temps-coordonnée définie dans un repère de référence géocentrique avec comme unité d’échelle la seconde du SI telle qu’elle est réalisée sur le géoı̈de en rotation. » Depuis 1988, le TAI est réalisé par le Bureau International des Poids et Mesures. De nos jours, environ deux cents horloges de cinquante-cinq laboratoires contribuent à la réalisation du TAI (voir la figure 4.7 page suivante). Leurs données sont transmises au Bureau International des Poids et Mesures, à Sèvres en France, et leurs comparaisons sont réalisées de plusieurs façons : par datation précise de la réception de signaux venant de satellites GPS ou du système GLONASS, ou par la technique dont l’acronyme est TWSTFT (Two Ways Satellite Time and Frequency Transfert ) consistant en l’échange de signaux entre deux horloges par utilisation d’un satellite géostationnaire. La Circulaire T du BIPM a vocation à disséminer la réalisation du TAI et de l’UTC (voir le tableau 4.6 page suivante). L’uniformité du Temps Atomique International Qualifier une échelle de temps d’uniforme nécessite de considérer une référence elle-même uniforme ; cette référence ne peut être qu’idéale, c’est-à-dire appartenir au domaine des idées. En revanche on dit que deux échelles de temps T 1 et T 2 ont la même uniformité si elles ne diffèrent que par une dérive linéaire, c’est-à-dire si on peut écrire : T1 = aT2 + b avec : (a, b) ∈ R2 Deux échelles liées par une telle relation, c’est-à-dire de même uniformité, sont dites équivalentes. Sur les trente premières années pendant lesquelles le TAI a été l’échelle de temps de référence, sa comparaison avec le Temps des Éphémérides a montré que ces deux échelles sont équivalentes, la relation qui les lie étant la suivante : 38. Voir aussi le site du BIPM : http://www.bipm.org/en/committees/cc/cctf/ccds-1970_fr.html. 39. Voir adresse internet précédente. 165 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS CIRCULAR T 274 2010 NOVEMBER 10, 11h UTC ISSN 1143-1393 BUREAU INTERNATIONAL DES POIDS ET MESURES ORGANISATION INTERGOUVERNEMENTALE DE LA CONVENTION DU METRE PAVILLON DE BRETEUIL F-92312 SEVRES CEDEX TEL. +33 1 45 07 70 70 FAX. +33 1 45 34 20 21 [email protected] 1 - Coordinated Universal Time UTC and its local realizations UTC(k). Computed values of [UTC-UTC(k)] and uncertainties valid for the period of this Circular. From 2009 January 1, 0h UTC, TAI-UTC = 34 s. Date 2010 0h UTC SEP 30 OCT 5 OCT 10 OCT 15 OCT 20 OCT 25 OCT 30 Uncertainty/ns Notes MJD 55469 55474 55479 55484 55489 55494 55499 uA uB u Laboratory k [UTC-UTC(k)]/ns (...) ONRJ (Rio de Janeiro) 6.7 7.7 2.2 -7.2 2.2 8.6 8.1 3.9 19.7 20.1 OP (Paris) 34.0 47.1 38.1 30.4 22.5 15.9 0.1 0.7 1.6 1.7 ORB (Bruxelles) 27.1 28.3 31.9 35.0 37.8 43.3 0.4 5.2 5.2 (...) 2 - International Atomic Time TAI and Local atomic time scales TA(k). Computed values of [TAI-TA(k)]. Date 2010 0h UTC MJD Laboratory k (...) CH (Bern) F (Paris) IT (Torino) (...) SEP 30 55469 OCT 5 55474 OCT 10 55479 44872.7 167877.2 96441.5 44813.7 167876.0 96580.3 44758.2 167871.8 96718.9 OCT 15 55484 [TAI-TA(k)]/ns 44702.8 167869.1 96856.7 OCT 20 55489 OCT 25 55494 OCT 30 55499 44648.4 167864.2 96995.3 44593.8 167864.3 97133.5 44537.7 167864.1 97270.6 Tableau 4.6 — Extraits de la Circulaire T n◦ 274. Source : BIPM. Figure 4.7 — Carte des laboratoires contribuant au TAI. Source : site internet du BIPM, à l’adresse http://www.bipm.org/en/scientific/tai/tai.html TE = T AI + 32, 184 s Rien ne dit qu’il en sera de même à l’avenir, mais le TE peut, en fait, être considéré comme une échelle de temps uniforme et idéale, en raison de son statut d’échelle de temps liée par définition 166 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS à la mécanique newtonienne. On trouvera dans [Simon et al., 1998] des explications plus poussées sur ce sujet ; en revanche, l’équivalence du TE et du TAI permet d’utiliser ce dernier comme une échelle de temps pour la dynamique. Les irrégularités du TAI sont de l’ordre de 10−14 à 10−15 . La seconde du TAI Le TAI est une réalisation du temps terrestre (voir page 168). La Circulaire T contient les éléments d’appréciation quant à la qualité de la réalisation de la seconde du TAI au regard de la définition du TT. En effet : 4 - Duration of the TAI scale interval. TAI is a realization of coordinate time TT. The following tables give the fractional deviation d of the scale interval of TAI from that of TT (the SI second on the geoid), i.e. the fractional frequency deviation of TAI with the opposite sign: d = -yTAI. In this section, a frequency over a time interval is defined as the ratio of the end-point phase difference to the duration of the interval. Whenever needed, the instability of EAL should be expressed as the quadratic sum of three components with t in days: (1) a white frequency noise of 2.0x10**-15 / sqrt(t), (2) a flicker frequency noise of 0.4x10**-15 and (3) a random walk frequency noise of 1.0x10**-16 x sqrt(t). The relation between EAL and TAI is given in Circular T and the BIPM Annual Report on Time Activities. In the first table, d is obtained, on the given periods of estimation by comparison of the TAI frequency with that of the given individual Primary Frequency Standards (PFS). In this table: uA is the uncertainty originating in the instability of the PFS, uB is the combined uncertainty from systematic effects, ul/lab is the uncertainty in the link between the PFS and the clock participating to TAI, including the uncertainty due to the dead-time, ul/TAI is the uncertainty in the link to TAI, u is the quadratic sum of all four uncertainty values. Ref(uB) is a reference giving information on the values of uB or is the Circular T where the reference was first given. uB(Ref) is the uB value stated in this references. Note that all uncertainties may vary over time and that the current uB values are generally not the same as the peer reviewed values given in Ref(uB). See "http://www.bipm.org/jsp/en/TimeFtp.jsp" for previous issues of Circular T and individual Reports of Evaluation of Primary Frequency Standards that explain changes in uncertainties. All values are expressed in 10**-15 and are valid only for the stated period of estimation. Standard PTB-CS1 SYRTE-FO1 SYRTE-FO2 PTB-CSF1 Period of Estimation 55469 55469 55479 55484 55499 55494 55494 55499 d -1.93 5.79 6.88 7.36 uA uB 6.00 0.30 0.30 0.24 8.00 0.48 0.41 0.76 ul/Lab ul/Tai 0.00 0.14 0.12 0.02 0.13 0.54 0.85 0.24 u 10.00 0.79 1.00 0.83 Ref(uB) uB(Ref) T148 T227 T227 T162 8. 0.72 0.65 1.40 Note (1) (2) (2) (3) Notes: (1) Continuously operating as a clock participating to TAI (2) Report 02 NOV. 2010 by LNE-SYRTE (3) Report 03 NOV. 2010 by PTB Le temps universel coordonné Le temps universel coordonné (UTC) sert de base pour la définition des temps légaux. Il n’est autre que le Temps Atomique International, décalé d’un nombre entier de seconde, de façon à ne s’écarter de l’échelle UT1, qui suit la rotation diurne de la Terre, que de 0,9 seconde au maximum [?]. Ainsi l’UTC a l’uniformité du TAI, mais est adapté aux usages sociaux basés, eux, sur la rotation diurne. Ainsi, sur la figure 4.9 page suivante, l’échelle UTC présente-t-elle des paliers, chacun parallèle au TAI, mais jamais écartés de la courbe d’UT1 de plus de 0,9 seconde. Les laboratoires qui contribuent à la réalisation du TAI réalisent aussi indifféremment le TAI que l’UTC, notés alors TA(k) et UTC(k) respectivement, k étant la notation du laboratoire concerné (« OP » pour l’Observatoire de Paris). Ainsi entre le 1er janvier 2009 et le 30 juin 2012, on avait : T AI − U T C = 34 s Les « sauts de seconde » de l’UTC sont décidés par le Service international de la rotation de la Terre et des systèmes de référence (IERS), qui siège à l’Observatoire de Paris, et annoncés par le Bulletin C de cette organisation. Les bulletins A, B et D de l’IERS, quant à eux, diffusent, bien plus régulièrement, la grandeur DU T 1 telle que : DU T 1 = U T 1 − U T C 167 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS La précision de cette grandeur reflète celle de la mesure de UT1, et est du dixième de seconde de temps. Figure 4.8 — L’écart U T 1 − U T C de 1962 à 2010. Source : site internet de l’IERS, à l’adresse http://data.iers.org/plots/thumbs/EOPC04_08_62-NOW_IAU2000A-UT1-UTC.png Figure 4.9 — Les écarts avec le TAI des échelles de temps UT1 et UTC en fonction du temps TAI. Source : [Bureau des longitudes, 2004]. Le temps terrestre L’échelle du temps terrestre Le temps terrestre, noté TT, est l’échelle de temps utilisée pour dater les observations géocentriques apparentes. Introduit d’abord sous le nom de temps dynamique terrestre (TDT), il a été rebaptisé TT en 1991 pendant l’Assemblée générale de l’Union astronomique internationale à Buenos Aires [UAI, 1991], car la dénomination TDT laissait penser 168 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS qu’il s’agissait du temps propre au centre de la Terre, ce qui n’est pas le cas. Le TT est un tempscoordonnée d’un système de référence terrestre lié au géoı̈de. Il est égal, par définition, au temps des éphémérides TE, et joue le rôle de prolongation de celui-ci à partir du 1er janvier 1977 à 0 heure TAI, date à laquelle il en a pris le relai. Le TT est un temps de régularité atomique prenant en compte les effets de la relativité générale, calqué sur le TAI de telle façon que : TT = = TE T AI + 32, 184 s La réalisation du TAI est ainsi une réalisation de l’échelle de temps idéale qu’est le TT, à laquelle il est lié. Le TT est réalisé sur commande par le BIPM, à partir d’un lissage de très long terme du TAI, et ne peut donc être accessible qu’en temps très différé. L’époque J2000.0 Les grandeurs astronomiques sont en général données à une époque de référence, ou calculables à partir du temps écoulé depuis une époque de référence. Depuis 1984, l’époque couramment utilisée est appelée J2000.0 ; cette décision a été prise à la XVIe Assemblée générale de l’Union astronomique internationale (Grenoble, 1976) [UAI, 1976]. Il s’agit de la date julienne (d’où le « J ») 2451545,0 TT, c’est-à-dire le 1er janvier 2000 à 12h TT, autrement dit à 11h 59m 27,816s TAI ou à 11h 58m 55,816s UTC. 3.4.3 Les temps relativistes Présentation théorique Les échelles de temps modernes, relativistes, utilisent la physique atomique pour leur réalisation, mais la relativité générale pour leur définition. On considère le système de coordonnées barycentriques du système solaire ; dans ce système, l’élément métrique s’écrit, avec la convention d’Einstein sur les sommations [Simon et al., 1998] : ds2 = gαβ dxα dxβ et l’on a : g00 = g0i = gkl = 2U 1 − 2 + O(c−4 ) c O(c−3 ) 2U −δkl 1 + 2 + O(c−4 ) c où g00 est le coefficient purement temporel, g0i le coefficient spatio-temporel de la coordonnée d’espace i, gkl le coefficient croisé des coordonnées d’espace k et l, δkl étant le symbole de Kronecker. U n’est autre que le potentiel gravitationnel newtonien produit au point M (x0 , xi , xk , xl ) par les corps du système solaire, tandis que c est la vitesse de la lumière. Les xα sont les coordonnées contravariantes 40 du point M . Nous nous intéressons spécialement dans cette partie aux aspects temporels de la métrique, et donc à la signification des coordonnées temporelles et de leurs coefficients. Ainsi, le temps idéal d’une horloge au repos dans un référentiel inertiel et soumise à aucun potentiel gravitationnel est appelé temps-coordonnée ; il est obtenu par : 40. C’est-à-dire les coordonnées habituelles, le terme « contravariant » étant spécifiquement utilisé en relativité générale, de façon à les distinguer des coordonnées covariantes, désignées par des indices et non des exposants. 169 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS t x0 c = À l’inverse, le temps lu par une horloge réelle, en mouvement et plongée dans un potentiel, est appelé temps propre. Il est tel que : dτ ds c = Si nous écrivons la métrique explicitement, nous avons : ds 2 = = 2U 1− 2 − 1+ c 2U 1− 2 − 1+ c i 2U h 3 2 2 2 1 2 + dx + dx dx c2 2U v 2 dt2 c2 où : v 2 2 3 X dxi = dt i=1 v étant la vitesse dite coordonnée de l’horloge mesurant l’intervalle de temps propre dτ séparant deux évènements de l’espace-temps séparés par dt et dxi . En négligeant les termes d’ordre supérieur à c−2 on a : dt = 1− dτ − U c2 v2 2c2 L’écart entre temps-coordonnée et temps propre est donc obtenu par l’intégrale : t−τ = 1 c2 Z t v2 dt U+ 2 0 (3.5) Cette intégrale se calcule en déterminant la trajectoire de l’orbite au moyen des coordonnées t et xi , sur les points de laquelle on calcule le potentiel U . Le Temps Dynamique Barycentrique À partir de 1976, on a ainsi construit le temps dynamique barycentrique TDB 41 à partir du temps dynamique terrestre (ancien nom du TT), comme temps-coordonnée x0 /c, selon la définition : T DB = T DT + P où P est l’intégrale de la relation 3.5 sans les termes séculaires ; le TDB n’est donc différent du TDT que par des termes périodiques. La moyenne du TDB est donc le TDT. 41. L’utilisation de l’adjectif « barycentrique » fait référence au barycentre du système solaire. 170 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Le Temps-Coordonnée Barycentrique En 1991, le changement de nom du TDT en TT s’accompagna du remplacement du TDB par le temps-coordonnée barycentrique TCB, défini par : T CB = T T + P + k1 × (AJD − AJD0 ) où AJD est la date julienne, avec AJD0 = 2 443 144, 5 (1er janvier 1977 à 00h 00m 00s UTC), et : k1 = 1, 550 519 748 · 10−8 × 86 400 s Le facteur 86 400 s ne sert, ici, qu’à convertir la date julienne, donnée en jours décimaux, en secondes. Il apparaı̂t clair que le terme k1 × (AJD − AJD0 ) introduit un terme séculaire dans la différence T CB − T T , en plus du terme périodique P . On voit aussi que l’on peut former la différence : T CB − T DB = k1 × (AJD − AJD0 ) qui est une fonction linéaire du temps. Il est à noter que la XXVIe Assemblée générale de l’Union astronomique internationale (Prague, 2006) a redéfini le TDB à partir du TCB [UAI, 2006] : T DB = T CB − k1 (JDT CB − T0 ) + T DB0 où T0 = 2443144, 5003725 (date julienne correspondant à l’évènement du 1er janvier 1977 à 00h 00m 00s TAI au géocentre) et T DB0 = −6, 55 · 10−5 . Le terme T DB0 signifie que le TDB n’est pas synchronisé avec TT, TCG et TCB le 1er janvier 1977 à 00h 00m 00s TAI au géocentre. Le Temps-Coordonnée Géocentrique On définit une dernière échelle de temps, appelée temps-coordonnée géocentrique TCG, qui ne diffère du TT que par un terme séculaire : T CG = T T + k2 × (AJD − AJD0 ) avec k2 une constante de définition valant : = 6, 969 2904 · 10−10 × 86 400 s k2 Il est important de noter que le TCG est l’échelle de temps du Système international de référence terrestre (ITRS). On passe enfin du TCB au TCG par une conversion faisant intervenir la vitesse − − → → − v→ ⊕ et la position x⊕ de la Terre, ainsi que la position barycentrique x de l’observateur : T CB − T CG = k3 × (AJD − AJD0 ) + − → − − → v→ ⊕ . ( x − x⊕ ) +P c2 où k3 est une constante qui vaut : k3 = 1, 480 826 844 · 10−8 × 86 400 s 171 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS L’intégrale P L’intégrale P joue un rôle fondamental dans ces échelles de temps, et prend la forme d’une série dépendant du TDB [Simon et al., 1998] : P = ∞ X T DB α α=0 "∞ X # α α Aα i sin(νi T DB + ψi ) i=1 où T DB est ici exprimé en siècles juliens (donc de 36 525 jours) écoulés depuis l’époque J2000.0. Les coefficients Aα i sont exprimés en secondes. Les valeurs de l’intégrale P se trouvent dans des tables, dont le tableau 4.9 donne un extrait ; cette table est donnée avec sa référence, qui en donne 562 termes, assurant une précision d’une nanoseconde dans la transformation T DB − T DT . La représentation graphique de ces échelles de temps, sur la figure 4.10 page suivante, montre clairement leurs différences de comportement. i α 1 2 3 4 5 6 0 0 0 0 0 0 Aα i (µs) 1656,674 564 22,417 471 13,839 792 4,770 086 4,676 740 2,256 707 νiα (rad/siècle) 628,307 5850 575,338 4885 1 256,615 1700 52,969 0965 606,977 6755 21,329 9095 ψiα (rad) 6,240 0542 4,296 9774 6,196 9044 0,444 4016 4,021 1951 5,543 1133 Période (années) 1,00 1,09 0,50 11,86 1,04 29,46 Tableau 4.9 — Quelques termes de l’intégrale P . Source : [Simon et al., 1998]. 3.4.4 Les échelles de temps des GNSS Présentation théorique Les systèmes de positionnement par satellite fonctionnent essentiellement par synchronisation d’horloges, de façon à mesurer des temps de parcours d’ondes électromagnétiques, et donc la distance d’un point à l’autre. [Chenal, 2011] démontre que le coefficient g00 de la métrique de la Terre est : g00 2 r 2 ω⊕ sin2 θ 2V − c2 c2 2Φ = 1+ 2 c = 1+ où l’on s’est placé dans un système de coordonnées cylindriques (r, θ, ϕ), V est le potentiel gravitationnel local, c la vitesse de la lumière, ω la vitesse angulaire de rotation de la Terre et vitesse de rotation du référentiel étudié, et Φ le potentiel total ressenti. Dans les GNSS, une horloge au sol sert d’horloge de référence pour l’échelle de temps du système. Cette horloge est supposée fixe dans le repère tournant, si bien que son élément métrique est : ds2 ≡ c2 dτ 2 = g00 c2 dt2 172 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Figure 4.10 — Les écarts avec le TAI des échelles de temps TDB, TCB, TCG et TT en fonction du temps TAI. À l’époque 1977.0, ils sont tous égaux à 32, 184 s. Les termes périodiques sont amplifiés cent fois. Source : [Bureau des longitudes, 2004]. Si cette horloge est sur le géoı̈de (et à l’équateur pour simplifier les termes trigonométriques), qui nous sert ici de potentiel de référence, elle voit le potentiel : Φ0 = − G m⊕ 1 G m⊕ 1 2 2 + J2 − ω⊕ r⊕ r⊕ 2 r⊕ 2 L’élément temporel de l’horloge est donc : dτ ≈ Φ0 1 + 2 dt c Mais à partir de cette référence, on peut calculer l’élément métrique dans n’importe quel endroit et dans un référentiel tournant (Earth-centered Earth-fixed frame – ECEF) ou inertiel (Earthcentered inertial frame – ECI), grâce aux relations : ds2ECEF ds2ECI Φ − Φ0 1+2 c2 dt2 + 2 ω⊕ r2 sin2 θdϕdt c2 2V dr2 + r2 dθ2 + r2 sin2 θdϕ2 − 1− 2 c Φ − Φ0 2V 2 2 = 1+2 c dt − 1 − dr2 + r2 dθ2 + r2 sin2 θdϕ2 2 2 c c = où (t, r, θ, ϕ) sont les coordonnées, dans les référentiels considérés, des points étudiés. Une remarque, issue de [Chenal, 2011] : 173 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS « les éléments infinitésimaux dr, dθ et dϕ concernent le lieu de parcours du signal depuis là où s’écoule le temps propre dτ (c’est-à-dire le satellite), jusque là où il est observé (le récepteur au sol), entre lesquels il faut étudier comment se comporte le temps-coordonnée dt ; en outre, c’est l’intégrale sur le chemin parcouru par le signal qu’il faut calculer pour déterminer les temps propre et coordonnée à l’issue du trajet. » Les relations établies ci-dessus permettent de mettre en évidence l’effet Doppler généralisé, lié à la différence de vitesse et au potentiel gravitationnel dans lequel se trouvent les satellites émetteurs de signaux. Elles permettent de montrer par ailleurs que les échelles de temps des GNSS répondent aux même constructions formelles que les temps relativistes. Les échelles de temps des GNSS En particulier, le temps du GPS, appelé temps GPS, est lié au temps atomique de l’Observatoire naval américain (United States Naval Observatory – USNO), noté TA(USNO), tel que : TGP S = T A(U SN O) = T AI − 19 s Quant au temps du système russe GLONASS, il est égal à la réalisation du temps UTC du laboratoire de Moscou, noté UTC(SU), SU signifiant Soviet Union : TGLON ASS = U T C(SU ) Cette échelle de temps est donc discontinue (voir la figure 4.11 page suivante). L’existence de ces différentes échelles impose que le système de datation d’observations de GNSS doit absolument être précisé, sous peine de les traiter de façon aberrante. La Circulaire T déjà citée rappelle en effet : 5 - Relations of UTC and TAI with GPS time and GLONASS time. [UTC-GPS time] = -15 s + C0, [UTC-GLONASS time] = 0 s + C1, [TAI-GPS time] = [TAI-GLONASS time] = 19 s + C0, global uncertainty is of order 10 ns. 34 s + C1, global uncertainty is of order hundreds ns. The C0 values provide a realization of GPS time, as obtained using the values [UTC-UTC(OP)] and the GPS data taken at the Paris Observatory, corrected for IGS precise orbits, clocks and ionosphere maps. The C1 values provide a realization of GLONASS time, as obtained using the values [UTC-UTC(AOS)] and the GLONASS data taken at the Astrogeodynamical Observatory Borowiec (AOS). N0 and N1 are the numbers of measurements, when N0 or N1 is 0, the corresponding values of C0 or C1 are interpolated. The standard deviations S0 and S1 characterize the dispersion of individual measurements. The actual uncertainty of user’s access to GPS and GLONASS times may differ from these values. For this circular, S0 = 3.1 ns, S1 = 7.2 ns Date 2010 0h UTC SEP 30 OCT 1 OCT 2 OCT 3 OCT 4 OCT 5 OCT 6 OCT 7 OCT 8 OCT 9 OCT 10 MJD C0/ns N0 C1/ns N1 55469 55470 55471 55472 55473 55474 55475 55476 55477 55478 55479 1.3 2.0 2.0 5.3 0.4 -3.1 -9.3 -12.7 -16.4 -15.1 -12.2 43 43 43 43 43 40 41 41 42 42 43 -127.2 -125.3 -129.2 -136.7 -142.6 -142.2 -140.8 -141.3 -140.4 -140.7 -140.9 85 80 81 90 73 79 80 82 81 83 86 174 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS Figure 4.11 — Les échelles de temps des GNSS. Source : Bureau International des Poids et Mesures. OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT OCT 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 55480 55481 55482 55483 55484 55485 55486 55487 55488 55489 55490 55491 55492 55493 55494 55495 55496 55497 55498 55499 -11.4 -10.6 -9.6 -6.2 -4.7 -1.6 -0.5 -4.3 -2.6 -3.1 -5.3 -7.1 -8.8 -11.4 -10.9 -10.0 -7.9 -7.2 -4.9 -4.0 39 39 39 43 40 43 43 41 42 41 41 41 41 41 37 42 28 14 43 43 -140.0 -143.3 -148.3 -150.1 -149.9 -150.7 -151.7 -152.7 -155.2 -156.1 -154.6 -153.0 -152.4 -151.9 -152.7 -153.9 -159.0 -167.2 -167.7 -163.0 86 89 86 86 88 80 89 80 87 84 85 84 84 85 89 79 89 88 87 81 Les temps des GNSS pour comparer les horloges du monde La datation de mêmes signaux, datés dans les échelles des GNSS, par des horloges atomiques du monde, contribue à leur comparaison. La Circulaire T donne les résultats de telles comparaisons, par exemple : 6 - Time links used for the computation of TAI and their uncertainties. The time links used in the elaboration of this Circular T are listed in this section. The technique for the link is indicated as follows: GPS SC for GPS all-in-view single-channel C/A data; GPS MC for GPS all-in-view multi-channel C/A data; GPS P3 for GPS all-in-view multi-channel dual-frequency P code data; GPS PPP for GPS Precise Point Positioning technique; GPS GT for ’GPS time’ observations; GLN MC for GLONASS common-view multi-channel C/A data; INT LK for internal cable link and TWSTFT for two-way satellite time and frequency transfer data. For each link, the following uncertainties are provided: uA is the statistical uncertainty evaluated by taking into account the level of phase noise in the raw data, the interpolation interval between data points and the effects with typical duration between 5 and 30 days. uB is the estimated uncertainty on the calibration. 175 CHAPITRE 3. LES ÉCHELLES DE TEMPS The calibration type of the link is indicated as: GPS EC for GPS equipment calibration; TW EC for two-way equipment calibration; LC (technique) for a link calibrated using ’technique’; BC (technique) for a link calibrated using ’technique’ to transfer a past equipment calibration through a discontinuity of link operation. DIC is used for direct internal calibration. The calibration dates indicate: the most recent calibration results for the two laboratories in the case of EC and the most recent calibration of the link in the case of LC and BC, NA stands for not available, in this case estimated values are provided Link (...) APL /PTB AUS /PTB (...) JV /PTB (...) NIS /PTB (...) Type uA/ns uB/ns Calibration Type Calibration Dates GPS MC GPSPPP 1.5 0.3 5.0 5.0 GPS EC/GPS EC LC(GPS MC) 2003 Dec/2006 Sep 2009 Nov GPS GT 5.0 20.0 NA /GPS EC NA /2003 Aug GPS P3 0.8 7.0 LC(GPS MC) 2010 Jun 176 Chapitre 4 Les repères spatiaux utilisés en astronomie 4.1 Les systèmes de coordonnées sphériques On appelle système de coordonnées sphériques une méthode d’expression des coordonnées d’une direction utilisant deux angles, à l’instar des angles utilisés pour positionner un point à la surface d’une sphère. 4.1.1 Les systèmes de coordonnées géographiques Les coordonnées géodésiques Si la Terre n’est pas exactement sphérique, mais aplatie aux pôles, alors la forme mathématique qui s’en approche le mieux est l’ellipsoı̈de de révolution. Considérant la Terre comme un fluide en équilibre hydrostatique en rotation, c’est aussi la forme d’une équipotentielle du champ de pesanteur. On appelle potentiel normal le potentiel gravitationnel créé par la Terre, la masse de celle-ci, incluant ses enveloppes fluides, étant concentrée dans l’ellipsoı̈de. Si l’on se rappelle que le champ de pesanteur est le gradient du potentiel, alors ce sont les variations spatiales de celui-ci qui déterminent l’intensité du champ, sa direction étant perpendiculaire à toute équipotentielle en tout point, son sens étant centripète. Les coordonnées géodésiques sont mesurées sur cette surface abstraite qu’est un ellipsoı̈de. La latitude ϕg est l’angle, mesuré dans le plan méridien, entre le plan de l’équateur et la normale à l’ellipsoı̈de. La longitude λg est l’angle, mesuré sur l’équateur, entre le méridien origine et le méridien du lieu. Figure 1.1 — Les coordonnées géodésiques, qui prennent un ellipsoı̈de de révolution comme surface de référence, celui-ci étant une surface mathématique approximant au mieux le géoı̈de. 177 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Les coordonnées astronomiques Contrairement aux coordonnées géodésiques qui s’appuient sur une surface mathématiquement définie, les coordonnées astronomiques se référent à une surface physique, le géoı̈de, qui est l’équipotentielle du champ de pesanteur qui approxime le mieux le niveau moyen des mers vu comme surface de l’équilibre hydrostatique de la Terre en rotation ; c’est le lieu des points où le potentiel est uniforme. Cependant, la distribution des masses dans la Terre n’étant pas homogène, cette surface est la traduction de cette irrégularité, selon la l’équation de Poisson ∆Φ = 4πGρ déjà vue. Le champ de pesanteur étant le gradient du potentiel, le géoı̈de n’est pas une surface où le champ de pesanteur est uniforme, ni son amplitude. La verticale est la direction locale normale au géoı̈de. Le géoı̈de n’étant pas confondu avec l’ellipsoı̈de, la verticale n’est pas parallèle à la normale. Contrairement au cas géodésique, le méridien astronomique ne contient pas l’axe de l’ellipsoı̈de. Figure 1.2 — La hauteur du géoı̈de terrestre au dessus de l’ellipsoı̈de, en mètres. Source : http:// smsc.cnes.fr/Fr/terre_solide3.htm. Z H q Z0 b ϕA a Figure 1.3 — Le géoı̈de, surface de base des coordonnées géographiques astronomiques. La verticale est donnée perpendiculairement à cette surface ; la figure la montre dans le plan méridien du lieu, ce qui n’est pas nécessairement le cas. La latitude ϕa est mesurée entre le plan de l’équateur et la verticale. La longitude λa du lieu est mesurée à partir d’un plan méridien origine. L’altitude (orthométrique) est la distance M0 M mesurée le long de la ligne de champ. Ici, coupe méridienne faisant apparaı̂tre la latitude ; contrairement au cas géodésique, le méridien astronomique ne contient pas forcément l’axe de l’ellipsoı̈de. En géodésie terrestre, la définition de l’ellipsoı̈de de référence nécessitait de choisir un point considéré comme fondamental, où l’on imposait que l’ellipsoı̈de et le géoı̈de fussent tangents. La détermination astronomique des coordonnées de ce point imposait que les coordonnées géodésiques et astronomiques du point fondamental soient égales. En revanche, la propagation du réseau par mesures terrestres fournissait des coordonnées géodésiques, selon les paramètres de l’ellipsoı̈de adopté. Des points astronomiques, dits de Laplace, permettaient de recaler le réseau géodésique sur une grille de coordonnées astronomiques. 178 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE La détermination de la déviation de la verticale, permet de connaı̂tre localement la pente du géoı̈de relativement à l’ellipsoı̈de. Elle est déterminée par deux angles (η et ξ), projections de la verticale sur l’ellipsoı̈de (voir la figure 1.4). ~z −~g : vertiale ~y θ ξ M0 ~x η Figure 1.4 — La déviation de la verticale et les angles qui la déterminent. Si l’on note M0 xy le plan horizontal, M0 x la direction de l’est et M0 y la direction du nord, alors les deux composantes de la verticale s’expriment [Duquenne, 2004] : η ξ = = (λa − λg ) cos ϕ ϕa − ϕg Dans l’expression de η, la latitude ϕ peut être astronomique (indice a ) ou géodésique (indice g ). Dans une direction d’azimut α, la verticale fait un angle θα avec la normale tel que : θα = ξ cos α + η sin α θα est un angle petit, de l’ordre de quelques dizaines de secondes d’arc. 4.1.2 Le système de coordonnées horizontales Les coordonnées horizontales (ou locales) sont utilisées pour des observateurs souhaitant positionner les objets par rapport à eux. Le plan de référence en est l’horizon, celui-ci étant défini comme le plan orthogonal à la direction verticale, celle-ci étant donnée par le champ de pesanteur, dont on a vu le caractère variable à la surface de la Terre. Physiquement, ce système de coordonnées est atteint par le bullage d’un instrument, dont les axes sont, l’un, vertical (c’est-à-dire orienté par le bullage), l’autre situé dans le plan qui lui est perpendiculaire ; classiquement, ces instruments sont les instruments de la géodésie terrestre (théodolites par exemple). Le champ de pesanteur définit ainsi le nadir, vers le bas, et le zénith, vers le haut. Depuis le lieu, la direction du pôle est la direction parallèle à l’axe de rotation de la Terre passant par le lieu considéré ; il en est de même avec le plan de l’équateur (voir la figure 1.5 page suivante). 179 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Ple Ple P P Horizon (H ) Zénith (Z ) M Équateur (Eq ) Équateur (Eq ) O Figure 1.5 — L’horizon, le zénith, le pôle et l’équateur vus depuis un lieu quelconque sur la Terre. Les coordonnées locales sont au nombre de deux : l’azimut et la hauteur. L’azimut est l’angle horizontal mesuré depuis le plan méridien jusqu’au plan zénithal passant par la direction observée (celle-ci peut être la direction d’un astre ou d’un objet terrestre). Mais deux directions origines sont possibles : — en géodésie, c’est la direction du pôle de rotation de la Terre, c’est-à-dire le nord géographique dans l’hémisphère nord, qui sert d’origine aux azimuts ; — en astronomie, c’est la direction de culmination des astres du fait du mouvement diurne, c’est-à-dire le sud géographique dans l’hémisphère nord, qui sert d’origine des azimuts. La hauteur est l’angle mesuré entre l’horizontale et la direction observée, donc le long du cercle zénithal passant par cette direction. En géodésie on utilise souvent la distance zénithale, qui est le complémentaire de la hauteur, c’est-à-dire l’angle entre le zénith et la direction observée (voir figure 1.6 page suivante). Avec un tel paramétrage, on peut montrer facilement que la hauteur du pôle est la latitude du lieu où l’on se trouve. 4.1.3 Le système de coordonnées équatoriales Le système de coordonnées équatoriales fait appel à la notion de sphère céleste. Il s’agit d’une sphère imaginaire, de rayon arbitraire (valant l’unité quand on fait des calculs), concentrique avec la Terre, de même pôle et donc de même équateur. Tous les corps céleste ou en orbite peuvent voir leur position projetée sur cette sphère, dont la vocation est d’indiquer leur direction. Le système de coordonnées équatoriales a vocation à exprimer les coordonnées d’objets célestes relativement au plan de l’équateur et au point vernal γ, en sachant que celui-ci se déplace en raison du mouvement de précession-nutation. Les coordonnées dans un tel système sont appelées respectivement déclinaison, notée δ, et ascension droite, notée α (voir figure 1.9 page 182). L’équateur céleste n’est autre que la projection de l’équateur terrestre sur la sphère céleste ; il en va de même pour le pôle céleste, qui est la projection du pôle terrestre sur la sphère céleste. L’origine naturelle de ce système est le centre de la Terre ; néanmoins, comme le système de coordonnées équatoriales est utilisé de façon générale pour la description de tous les astres, celle180 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Figure 1.6 — Les coordonnées locales, ou horizontales : azimut (Az) et hauteur (h) ou distance zénithale (z = π/2 − h). Z est ici le zénith, et N le nadir. Figure 1.7 — Le télescope Antu du Very Large Telescope au Chili, et sa monture altazimutale. Source : site internet de l’ESO, à l’adresse http://www.eso.org/public/images/esoparanal-16/ Figure 1.8 — Le télescope de 193 cm de l’Observatoire de Haute-Provence, à Saint-Michel l’Observatoire, et sa monture équatoriale. Source : site internet du Ministère de la Culture, à l’adresse http://www. culture.gouv.fr/Wave/image/memoire/ 0765/ivr93_02040259xe_v.jpg 181 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE ci peut être le barycentre du système solaire, auquel cas une correction assimilable à celle d’une parallaxe est nécessaire. Néanmoins, dans la plupart des catalogues, les positions sont exprimées indépendamment de l’origine du repère, c’est-à-dire que les astres sont comme projetés à l’infini ; dans ce cas, seul leur mouvement apparent, tangentiel à la sphère, est donné, le mouvement radial n’influençant pas les positions de l’astre en question. Les instruments astronomiques modernes sont souvent adaptés à l’observation d’astres et dotés d’une monture dite équatoriale, dont l’axe de rotation est parallèle à l’axe des pôles. La rotation diurne, qui s’effectue autour de cet axe, n’affecte alors que la coordonnée locale parallèle à l’ascension droite, qu’il est facile de compenser avec un moteur tournant à la vitesse angulaire de la Terre (voir la figure 1.8 page précédente). P A δ O Figure 1.9 — Les coordonnées équatoriales : ascension droite (α) et déclinaison (δ). α γ Équateur (Eq ) P′ 4.1.4 Le système de coordonnées horaires Le temps sidéral On appelle temps sidéral ce qui est en réalité un angle mesurant l’orientation de la Terre par rapport à une direction de référence fixe de l’espace. Il s’exprime en heures, minutes, secondes, et est compris entre 0 et 24 h. Mais une seconde de temps sidéral n’est pas égale à une seconde de temps universel, et les 24 h de temps sidéral sont parcourues en : 365, 2422 × 24 = 366, 2422 23h 56m 04s de temps (tout court, ou universel). L’origine du facteur de conversion entre temps universel et temps sidéral est décrite page 128 ; il sera largement utilisé par la suite. 182 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Le temps sidéral local Nous avons défini à la page 128 le jour sidéral. Il s’agit en fait de la durée du jour comptée dans une échelle de temps particulière qu’on appelle le temps sidéral local. On peut compter sur cette échelle une heure sidérale locale, qui est une grandeur décimale, qui mesure l’angle entre le méridien du lieu et le point vernal (voir la figure 1.12 page 185), compté entre 0 et 24 h. C’est donc un angle mesuré dans le sens inverse de la rotation de la Terre, mais qui croı̂t cependant avec elle. Greenwich étant un lieu privilégié puisque le méridien origine y passe, l’heure sidérale de Greenwich a aussi une place privilégiée. Le temps sidéral moyen On va définir cependant un temps sidéral moyen, mesuré en un méridien particulier, celui de Greenwich, noté HSM G (Heure Sidérale Moyenne de Greenwich), ou GM ST (Greenwich Mean Sidereal Time). Il est obtenu à partir de l’heure sidérale locale de Greenwich HSG et de l’équation des équinoxes αe telle que : αe = HSG − HSM G Le terme HSM G (en secondes) est calculé selon [Aoki et al., 1982] : avec HSM G = HSM GOh UT 1 = HSM GOh UT 1 + r ((U T 1 − U T C) + U T C) (4.1) −6 3 24 110, 548 41 + 8 640 184, 812 866 T + 0, 093 104 T − 6, 2 10 T (4.2) où U T 1 − U T C est une grandeur, bornée par définition à 0, 9 s en valeur absolue, fournie par les Bulletins A, B et D de l’IERS (voir la figure 4.8 page 168), U T C le temps universel coordonnée (voir la partie 3.4.2 page 167) et r tel que : r = 1, 002 737 909 350 795 + 5, 9006 × 10−11 T − 5, 9 × 10−15 T 2 366, 2422 ≈ 365, 2422 avec T le nombre décimal de siècles juliens écoulés depuis le 1er janvier 2000 à 12h U T 1 (date julienne 2 451 545) jusqu’à 0h U T 1 du jour de l’observation. Dans la relation 4.2, T est calculé à partir du nombre de jours juliens écoulés depuis l’époque de référence, en prenant les valeurs ±0, 5, ±1, 5, ±2, 5... Ces deux relations constituent la relation de définition du temps sidéral en fonction du temps universel. Enfin, l’expression littérale de rr décrit, simplement, l’évolution séculaire du rapport entre le temps sidéral et le temps solaire moyen. Quant à l’équation des équinoxes, elle prend la forme suivante [Lambert, 2003] : αe dψA sin ǫA = ∆ψ cos ǫA − dt Z t t0 ∆ǫ dt − sin ǫA Z t t0 d∆ψ ∆ǫ dt dt ∆ψ est la nutation en longitude écliptique ; ∆ǫ est la nutation en obliquité ; ǫA est l’obliquité moyenne de la date ; ψA est l’angle de précession en longitude écliptique. Il est à noter que le terme ∆ψ cos ǫA est une première approximation de γm γv , c’est-à-dire la nutation en ascension droite. Une version approchée de cette relation est 1 : 1. Voir le site internet de l’USNO : http://aa.usno.navy.mil/faq/docs/GAST.php. 183 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE avec : αe = ∆ψ cos ǫ ∆ψ[h] = Ω[ ◦ ] L [◦ ] = = −0, 000319 sin Ω − 0, 000024 sin 2L 125, 04 − 0, 052954 t 280, 47 + 0, 98565 t ǫ [◦ ] = 23, 4393 − 0, 0000004 t où t est le nombre de jours juliens écoulés depuis le 1er janvier 2000 à 12h U T 1 (date julienne 2 451 545). Greenwih Terre (J + 1; 0h TU) (J + 1; 0h TU) HSG (J + 1; 0h TU) γ Terre : point vernal (J; 0h TU) Greenwih (J; 0h TU) HSG (J; 0h TU) γ : point vernal Soleil Figure 1.10 — Les temps sidéral à 0 h de deux dates différentes. Les coordonnées horaires Les coordonnées horaires (voir figure ?? page ??) font le lien entre positionnement spatial et mesure du temps appuyée sur la rotation terrestre. En effet, la première coordonnée horaire est la déclinaison δ, qui est mesurée entre l’équateur et la direction de l’astre considéré ; elle est indépendante de l’orientation de la Terre, et relève d’un positionnement purement spatial de l’astre. En revanche, la seconde coordonnée horaire est l’angle horaire AH, qui est mesuré le long de l’équateur entre le plan méridien local et le cercle méridien de l’astre observé ; AH est compté positivement d’est en ouest. Cet angle croı̂t exactement comme croı̂t l’angle de rotation de la Terre. Une relation fondamentale à connaı̂tre est que le temps sidéral local est égal à la somme de l’angle horaire d’un astre et de son ascension droite [Harmel, 2010] : ∀t HSL = AH + α Mais on peut aussi calculer l’heure sidérale locale en connaissant sa propre longitude et l’heure sidérale de Greenwich : 184 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE P Z A Méridien (m) δ O AH Équateur (Eq ) Figure 1.11 — Les coordonnées horaires : angle horaire (AH) et déclinaison (δ).Z est ici le zénith, et N le nadir. N P′ Figure 1.12 — Les coordonnées horaires, équatoriales, géographiques et l’heure sidérale. L’angle horaire et le temps sidéral sont comptés positivement d’est en ouest, tandis que la longitude et l’ascension droite le sont d’ouest en est. 185 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE ∀t HSL = HSG + λ Relations entre coordonnées horaires et temps universel Il est indispensable de relier l’heure sidérale locale au temps universel. Sur le méridien origine d’abord [Bouteloup, 2003] (voir figure 1.13) : HSG(tT U ) = HSG(t = 0h T U ) + 366, 2422 tT U 365, 2422 En un lieu de longitude quelconque, ensuite : HSL(tT U ) = HSG(t = 0h T U ) + 366, 2422 tT U + λ 365, 2422 Sachant que HSL = AH + α, on a immédiatement (voir figure 1.14 page suivante) : AH = HSG(t = 0h T U ) + ⊙ : Soleil moyen à 366, 2422 tT U + λ − α 365, 2422 0h TU M λ HSL(M) P : vue du ple HSG (0h TU) HSG (t) G (t) 366,2422 365,2422 tTU G (0hTU) γ 4.1.5 Figure 1.13 — Illustration de la relation liant heure sidérale et temps universel. : point vernal Le système de coordonnées écliptiques Un système de coordonnées écliptiques (voir la figure 1.15 page 188) repère les astres relativement à l’écliptique défini comme plan fondamental origine des latitudes écliptiques, notées b, et au point vernal γ défini comme origine des longitudes écliptiques, notées ℓ. Ce genre de repère 186 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE A A A −AHM (A) α(A) P : vue du ple Figure 1.14 — L’observation d’un même phénomène céleste à l’infini depuis deux lieux de longitudes différentes. M HSL(M) λ HSG −AHG (A) G γ : point vernal a vocation à repérer les objets du système solaire. Le plan fondamental et l’origine des longitudes sont essentiellement des objets dynamiques ; c’est donc aussi le cas d’un système de coordonnées de ce type. Le plan de l’écliptique est incliné d’un angle ǫ par rapport à l’équateur, appelé obliquité. Q et Q′ sont les pôles écliptiques de ce système de coordonnées, tandis que O, son origine, est naturellement placée au barycentre du Système solaire. 4.1.6 Le plan de Laplace Les éléments orbitaux d’un corps ne sont constants que si le potentiel dans lequel il se trouve est képlérien. Lorsque le potentiel képlérien subit un potentiel perturbateur, les éléments orbitaux connaissent des variations temporelles, en vertu des équations de Lagrange. La perturbation peut venir de la non-sphéricité du corps central, du Soleil, d’une planète massive sur une orbite proche, ou d’un autre satellite massif en orbite autour du même corps central. L’aplatissement du corps central provoque une précession du plan de l’orbite autour du pôle du corps central ; la perturbation d’un troisième corps provoque la précession du plan de l’orbite autour du pôle de l’orbite de ce troisième corps par rapport au corps central (si le troisième corps considéré est le Soleil, ce pôle est le pôle de l’orbite de révolution de la planète autour du Soleil ; c’est de loin, après l’aplatissement, la perturbation la plus importante). S’exprime donc ainsi le besoin d’un plan de référence dont le pôle serait le pôle de la précession de ces deux effets cumulés : ce plan est le plan de Laplace. Le pôle du plan de Laplace est donc coplanaire avec le pôle de rotation et le pôle orbital du corps central ; les variations temporelles de certains éléments orbitaux étant liées à d’autres éléments orbitaux, un plan de Laplace unique est associé à tout satellite. Le pôle du plan de Laplace est ainsi une sorte de plan moyen, situé entre les deux pôles évoqués ci-dessus. Le plan de Laplace du satellite est donc situé entre le plan de l’orbite et le plan équatorial de la planète ; il est d’autant plus proche de l’équateur que l’aplatissement de la planète domine la perturbation, et d’autant plus proche du plan de l’orbite que le Soleil domine la perturbation. La relation suivante 187 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Q A Éliptique (Ec ) Équateur (Eq ) b O ǫ ℓ γ Q′ Figure 1.15 — Les coordonnées écliptiques. lie ces deux angles, dénotés i1 et i2 sur la figure 1.16 [Seidelmann, 2006] : 2 n2 J2 r02 sin 2 i2 = a2 n′2 (1 − e′2 )−1/2 sin 2 i1 où n est le moyen mouvement orbital du satellite, J2 le coefficient d’aplatissement dynamique de la planète, r0 le rayon équatorial de la planète, a le demi-grand axe de l’orbite du satellite, n′ le moyen mouvement orbital de la planète, e′ l’excentricité orbitale de la planète. Le plan de l’orbite du satellite précessant par définition autour d’un pôle unique, le pôle du plan de Laplace, l’inclinaison i de l’orbite sur ce plan est constante. Ce plan est fréquemment utilisé pour les orbites des satellites des planètes géantes, qui subissent de fortes perturbations. Plan équatorial de la planète Plan de Laplace i γ γN = Ω N i2 i1 ′ NM N′ ′ γN = Ω = θ M N′M = φ i′ Plan orbital de la planète Plan orbital du satellite Figure 1.16 — Le plan de Laplace, et les angles qui interviennent dans un paramétrage le faisant intervenir. Inspiré de [Seidelmann, 2006]. 188 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE 4.1.7 Le système de coordonnées galactiques Le système de coordonnées galactiques est un système de coordonnées angulaires ayant vocation à assigner aux objets de la Voie Lactée des coordonnées ; ce sont la longitude galactique, notée ℓ, et mesurée dans le plan de la Galaxie, et la latitude galactique, notée b, et mesurée relativement à ce plan (voir les figures 1.18 page suivante et 1.19 page suivante). Les éléments caractéristiques de ce système ont été recommandés en 1958, et adoptés en 1961, à l’occasion des XVIIIe et XIXe Assemblées Générales de l’Union Astronomique Internationale (respectivement à Moscou, URSS [UAI, 1958], et à Berkeley, USA [UAI, 1961]) : — l’origine de ce système de coordonnées est le Soleil ; — le pôle de ce système de coordonnées a pour coordonnées αp = 12h 49m et δp = +27, 4˚ (époque B1950.0) ; à l’époque J2000.0, ces quantités sont les suivantes : αp = 12h 51m 26, 282s et δp = +27˚07′ 42, 01′′ ; — l’origine des longitudes galactiques est prise en direction du centre de la galaxie, et forme un angle de 123˚à partir du pôle nord céleste selon un grand cercle ; elle a pour coordonnées : αℓ=0 = 17h 42, 4m et δℓ=0 = −28˚55′ (époque B1950.0) ; à l’époque J2000.0, ces coordonnées sont les suivantes : αℓ=0 = 17h 45m 37, 224s et δℓ=0 = −28˚56′ 10, 23′′ ; en réalité, on sait que le centre physique de la galaxie n’est pas exactement dans la direction adoptée en 19581961, et que le centre est en réalité le trou noir Sagitarius A* (voir la figure 1.17), dont les coordonnées sont αSgr A∗ = 17h 45m 40, 045s et δSgr A∗ = −29˚00′ 27, 9′′ , et qui est situé à environ 25 900 années-lumières du Soleil ; — les longitudes sont comptées positivement dans le même sens que les ascensions droites, et vont de 0◦ à 360◦ ; les latitudes sont comptées de −90˚à +90˚. On constate en outre que le plan de l’équateur et le plan de la Galaxie sont très loin d’être confondus, et que l’angle entre eux est de 90˚− δp = 62, 6˚. Figure 1.17 — À gauche, le cœur de la Voie Lactée, photographié par le satellite Chandra en rayons X ; à droite : zoom sur Sagittarius A*. Crédit : NASA/UMass/D. Wang et al., à l’adresse http://chandra.harvard.edu/chronicle/0204/milkyway/index.html 4.2 Les repères de référence célestes Un système de référence est un concept mathématique définissant le cadre dans lequel des coordonnées sont exprimées. Céleste, il s’attache à la description du cadre d’expression des coordonnées des astres ; terrestre, de celui des coordonnées de points à la surface de la Terre. On le distingue du repère de référence, qui est la réalisation concrète de ce système, et qui peut évoluer dans le temps. Il s’agit, dans les cas céleste et terrestre, des coordonnées d’un ensemble d’objets dits de référence, à partir desquels des mesures géométriques donnent accès 189 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE A GP b O γ ℓ 62, 6 Équateur éleste (Eq ) Plan galatique GC Figure 1.18 — Vue polaire du plan galactique. Source : http://en.wikipedia.org/ wiki/File:Galactic_longitude.JPG GC : entre galatique GP : ple galatique Figure 1.19 — Les coordonnées galactiques. à des coordonnées exprimées dans le système de référence en question. Avant d’en venir à la description des repères célestes de construction scientifique, nous abordons le moyen avec lequel les humains se sont repérés primitivement dans le ciel. 4.2.1 Le ciel tel qu’il se présente La luminosité des astres Quel que soit le capteur utilisé, tous les astres présents dans son champ de vision ne lui sont pas visibles. Leur visibilité dépend du flux lumineux intégré sur le temps d’observation reçu par le capteur. C’est cette idée qui est à l’origine de la notion de magnitude, qui est l’échelle sur laquelle on repère les astres en fonction de leur brillance. Cette échelle est logarithmique de base √ 5 100 ≈ 2, 5 et varie en fonction de flux lumineux reçu par un astre donné dans une bande de longueur d’onde donnée (notée X par exemple). L’expression de cette magnitude est : mB = = ΦB Φ0 B ΦB −2, 5 log10 Φ0B 5 − log √ 100 où ΦB est le flux reçu dans la bande spectrale B, et FB0 le flux de référence. Indifféremment, on peut aussi remplacer ces flux par des éclairements ; de la sorte, l’éclairement de référence est, dans le visible : 0 Evis = 2, 87 · 10−8 W · m−2 Historiquement, par convention, on avait imposé que la magnitude de l’étoile Véga, de la constellation de la Lyre, soit nulle, c’est-à-dire que son flux faisait référence. Depuis, l’échelle de 190 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE magnitude s’est affinée et Véga a désormais une magnitude de 0,03. Par ailleurs, le signe − indique que les magnitudes décroissent quand le flux lumineux augmente : plus un astre est brillant, plus sa magnitude est basse. Par exemple, celle du Soleil est √ de −26. Le facteur de baisse du flux quand la magnitude augmente d’une unité est 5 100. À l’œil nu, on peut percevoir des astres jusqu’à une magnitude entre 5,5 et 6. Les étoiles Le ciel nous offre un spectacle exceptionnel, et d’abord par le semis d’étoiles qu’on y voit. Les étoiles portent des noms très souvent issus de l’arabe ou du latin. Un exemple en est donné dans le tableau 2.19, qui regroupe de surcroı̂t des désignations décrites plus bas. Nom traditionnel Sirius Proxima Centauri — Rigel Désignation de Bayer ou de Flamsteed α CMa α Cen C Magnitude Commentaire -1,47 11,05 51 Peg 5,49 β Ori 0,12 Étoile la plus brillante du ciel Étoile la plus proche du système solaire ; (système triple) Première étoile autour de laquelle une planète extrasolaire a été découverte Notée β bien que plus brillante que l’étoile α (Bételgeuse) Tableau 2.19 — Quelques étoiles. Les constellations Le premier moyen de se repérer dans le ciel consiste à faire appel à une carte du ciel. Sur celle-ci, les étoiles sont regroupées en des figures aux noms évoquant la mythologie ou les animaux : ce sont les constellations. Pour des raisons religieuses, les humains ont, depuis le fond des âges, placé leurs dieux dans les cieux. La demeure divine ne pouvant qu’être parfaite et ordonnée, il convenait que l’apparence du ciel traduise l’ordre céleste et divin qui y présidait. Les étoiles visibles sont donc peu à peu apparues comme des images de personnages mythiques, non pas individuellement, mais dans leurs positions relatives. Par des rapprochements à l’aide desquels on pouvait imaginer voir tel héros, tel dieu, ou tel animal fabuleux, les constellations ont été créées. Il est donc naturel qu’initialement, ce terme ait d’abord été rattaché à une démarche superstitieuse comme l’astrologie plutôt qu’à l’astronomie comme science. Évidemment, ces appariements d’étoiles ne sont qu’apparents et, hormis dans les cas d’amas comme les Pléiades ou les Hyades (constellation du Taureau), les étoiles d’une même constellation n’ont souvent rien à voir et sont éloignées de centaines ou de milliers d’années-lumière. L’Union astronomique internationale a toutefois figé en 1930 une liste de 88 constellations, ainsi que leur découpage sur la sphère céleste, dont rend compte le tableau 2.19 page suivante [Delporte, 1930]. On constate que certaines constellations ont des noms d’objets ou de machines ; ceci est principalement lié à leur découverte tardive par les explorateurs européens, du fait de leur position dans l’hémisphère sud. Le baptême mythologique étant passé de mode, c’est le progrès technique qui fut la source principale d’inspiration pour le choix des noms de 191 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE NOMS LATIN NOMINATIF Andromède Cancer* Capricorne* Horloge Indien Machine pneumatique Andromeda Cancer Capricornus Horologium Indus Antlia LATIN GÉNITIF Andromedae Cancri Capricorni Horologii Indi Antliae ABBRÉVIATION And Cnc Cap Hor Ind Ant Tableau 2.19 — Exemples de constellations. ces constellations. Outre le nom que chaque constellation porte dans chaque langue, le latin sert officiellement à les dénommer de façon univoque. Au sein de chaque constellation, les étoiles sont notées d’abord par une lettre grecque, dans l’ordre des magnitudes croissantes (c’est-à-dire dans l’ordre des luminosités décroissantes), suivie du génitif du nom latin de la constellation à laquelle elle appartient : il s’agit de la désignation de Bayer 2 . Il arrive, certes rarement, que des constellations comptent plus d’étoiles désignées qu’il n’y a de lettres dans l’alphabet grec ; les lettres latines minuscules, puis majuscules, sont alors utilisées. Une autre désignation existe en plus de celle de Bayer ; il s’agit de celle de Flamsteed 3 . Elle se base sur un classement des étoiles semblable à celui de Bayer, relatif à leur brillance, mais utilise des nombres au lieu des lettres. L’usage veut que l’on utilise la désignation de Bayer lorsqu’une étoile se trouve désignée dans les deux systèmes ; en revanche, celui de Flamsteed est en vigueur pour les étoiles qui ne sont pas répertoriées dans le système de Bayer. Les catalogues contemporains ne font cependant plus référence à la constellation d’appartenance des étoiles pour les désigner. Le zodiaque Le zodiaque est une notion proche de celle de l’écliptique, mais connotée plus mystiquement. Il s’agit de la zone du ciel dans laquelle se meut le Soleil. Les astrologues y voient douze signes, associés aux constellations traversées par le Soleil en une année alors qu’en toute rigueur, celles-ci sont au nombre de treize (affublées d’un astérisque dans le tableau 2.19). 4.2.2 Le Catalogue Fondamental La première version du Catalogue Fondamental (Fundamental Katalog – FK1) a été publiée en Allemagne en 1879. Il avait vocation a fournir les coordonnées de 539 étoiles, permettant, par rattachement, la détermination de celles d’objets situés à proximité pour le catalogue AGK (Astronomische Gesellschaft Katalog). Il fut suivi par le FK2 en 1907, avec les coordonnées de 925 étoiles, puis par le FK3 en 1937 avec 873 étoiles, auxquelles s’y ajoutent 662 publiées l’année suivante ; ensuite vint le FK4 en 1963 avec les 1535 étoiles du FK3 et de son supplément, qui a été complété deux ans plus tard par 1111 étoiles, et enfin le FK5 en 1988 avec les 1535 étoiles du FK4 et du FK3, auxquelles ont été ajoutées 3115 étoiles en 1991. Bien que remplacé par le catalogue Hipparcos, catalogue stellaire aligné sur l’ICRF, une sixième version du Catalogue Fondamental 2. Johann Bayer (1572 – 1625). 3. John Flamsteed (1646 – 1719). 192 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE (FK6) a été publiée en 2000, avec les coordonnées d’atoiles mêlant observation par le satellite Hipparcos et observations au sol. Il compte 878 étoiles, et son supplément 3272. Le dernier de ces catalogues que l’Union astronomique internationale a officiellement adopté est le FK5, construit après la résolution de son Assemblée Générale de 1976, à Grenoble [UAI, 1976]. Référé à l’équateur et à l’équinoxe moyens de l’époque J2000, il comporte les coordonnées sphériques équatoriales des étoiles qu’il liste, ainsi que leur mouvement propre, les écarts-types pour ces grandeurs, la magnitude de l’étoile, son type spectral, sa parallaxe, sa vitesse radiale, ainsi que les identifiants de l’étoile dans d’autres catalogues. 4.2.3 Le repère international de référence céleste Présentation et besoins La XXIIIe Assemblée Générale de l’Union Astronomique Internationale (Kyoto, Japon, 1997) a décidé qu’à compter du 1er janvier 1998, le système de référence céleste officiel de l’UAI serait l’ICRS (International Celestial Reference System), en remplacement du FK5 (Fundamental Katalog 5 ) [UAI, 1997]. L’ICRS remplit en effet les conditions énoncées dans les recommandations de la XXIe Assemblée générale (Buenos Aires) de 1994, à savoir, entre autres : — l’origine de l’ICRS est le barycentre du système solaire ; — le pôle de l’ICRS est défini à partir des conventions de l’UAI pour la précession et la nutation ; — l’origine des ascensions droites est définie implicitement en fixant l’ascension droite du quasar 3C273B à sa valeur dans le repère FK5 propagée à l’époque J2000.0 d’une part, et d’autre part en faisant la moyenne des ascensions droites de 23 radio-sources extragalactiques figurant dans les catalogue VLBI ; — le cadre théorique général définissant l’ICRS est la relativité générale, et l’échelle de temps qui lui est associée est le temps-coordonnée barycentrique (TCB), en remplacement du temps dynamique barycentrique. Ces choix répondent à l’exigence de disposer d’un repère céleste sans rotation globale (ou alors liée à celle de l’Univers tout entier ; or le principe de Mach stipule que l’Univers est isotrope, c’està-dire sans rotation d’ensemble) : cette formulation est celle d’une vision cinématique du repère céleste. D’un point de vue dynamique, on souhaite se dispenser d’avoir des termes d’accélération d’entraı̂nement dans les équations de mouvement des objets céleste dans ce repère ; en clair, on souhaite que ce repère céleste s’approche de la meilleure façon possible d’un repère inertiel. Cette conditions est une étape fondamentale ayant amené à faire de l’ICRS le premier repère astronomique libre de tout lien avec la rotation de la Terre. Pour atteindre cet objectif, on est donc conduit à s’appuyer sur des observations d’objets sans mouvement propre visible, c’est-à-dire sur les objets les plus éloignés possibles, à savoir les quasars, qui sont des noyaux actifs de galaxies très éloignées dont les signaux nous parviennent dans le domaine radio (bandes S, de 2 à 4 GHz et X, de 8 à 12 GHz notamment) ; en effet, leur redshift, caractéristique de leur éloignement du fait de l’expansion de l’Univers, est souvent élevé (entre 0,6 et 5,8 pour le plus lointain), correspondant à des distances de l’ordre du milliard d’années-lumière (13,8 milliards d’années-lumières pour le plus éloigné). L’examen de cette mesure de distance, d’une part par spectroscopie, de leur luminosité d’autre part, amène à la conclusion que ces objets rayonnent autant qu’une centaine de galaxies ! Ils sont constitués d’un trou noir central d’une masse de l’ordre du milliard de masses solaires, d’un disque d’accrétion de matière, au sein duquel la friction joue un rôle essentiel dans l’émission de rayonnements, et de jets de matière le long des lignes du champ magnétique à des vitesses proches de celle de la lumière. Leur nom provient de l’anglais quasi-star radio source, car au moment de leur découverte, dans les années 1950-1960, on les voyait comme des étoiles émettant dans le domaine radio. 193 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Figure 2.20 — Le pôle, l’équateur et le point vernal de l’ICRF, comparés aux pôles, équateurs et points vernaux moyens à J2000.0 et du catalogue FK5. Source : site internet de l’ICRF-PC, à l’adresse http://hpiers.obspm.fr/icrs-pc/icrs/def_syst.html Figure 2.21 — Trois radio-sources extragalactiques de l’ICRF (0003-066, 0014+813, 0039+230) observées à 8 GHz. Source : [Charlot et al., 2007]. L’ICRS et ses réalisations L’Union Astronomique Internationale a chargé l’IERS du suivi de l’ICRS, de la maintenance de l’ICRF (promotion et coordination des observations, étude de la structure des sources, mise à jour des catalogues), et de la maintenance du lien des repères de référence optiques avec l’ICRS. L’ICRF et ses extensions La première réalisation de l’ICRS, appelée ICRF (ou ICRF1), a été élaborée par le groupe de travail sur les repères de référence de l’UAI à partir de 1995, sur la base d’observations étalées entre 1982 et 1994, et il a été adopté à l’Assemblée Générale de l’UAI de 1997, pour entrer en vigueur le 1er janvier 1998. L’ICRF contient les coordonnées à J2000.0 de 608 radio-sources extragalactiques observées par VLBI (Very Long Baseline Interferometry). Ces 608 objets sont ordonnés en trois classes, selon la qualité de leurs données et la précision de leur position estimée : — sources de définition : au nombre de 212, elles forment un ensemble de haute qualité as194 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE trométrique (précision de 4 10−4 ′′ sur les positions, de 4 10−3 ′′ /an sur les mouvements), et définissent les axes de l’ICRF ; — sources candidates : au nombre de 294, leurs observations sont insuffisantes, ou leur position estimée montre des écarts importants avec celle d’autres catalogues ; — sources autres : au nombre de 102, elles ont un mouvement important, mais ont servi au rattachement avec le repère optique. Figure 2.22 — Carte des 608 sources de l’ICRF1. Source : site internet de l’ICRFPC, à l’adresse http://hpiers.obspm. fr/icrs-pc/icrf/plots/icrf.col.png Une autre classification des sources s’attache à caractériser leur structure, à savoir leur variabilité spatiale et fréquentielle dans le temps, phénomène qui constitue la limite de la construction de l’ICRF appuyée sur ces sources. L’indice de structure est ainsi de 1 pour les sources quasiponctuelles, dont la qualité astrométrique est très bonne ; il est en revanche de 4 pour les sources très étendues et de qualité inacceptable. La maintenance de l’ICRF a conduit à la production de sa première extension, appelée ICRFext1, publiée en 1999, appuyée sur des observations supplémentaires de 1994 à 1999. Aux 608 sources cataloguées dans l’ICRF se sont ajoutées 59 nouvelles sources, formant la classe des sources nouvelles, formant un catalogue de 667 objets. Les coordonnées des sources de définitions sont restées inchangées ; en revanche, celles des sources candidates et autres ont été mises à jour. La seconde extension de l’ICRF, appelée ICRF-ext2, a été publiée en 2004 sur la base d’observations supplémentaires de 1999 à 2002. Cette deuxième extension comporte 50 nouvelles sources par rapport à l’ICRF-ext1. Les coordonnées des sources de définitions n’ont pas été modifiées, comme pour l’ICRF-ext1, mais celles des sources candidates et autres l’ont encore été 4 . Une particularité de l’ICRF est de former un catalogue de sources dans le domaine radio ; or quantité d’observations astronomiques ont lieu dans des domaines de longueur d’onde très différents, en particulier le domaine optique. C’est la raison pour laquelle une réalisation optique de l’IRCS/ICRF a été indispensable à son utilisation. Le catalogue Hipparcos assume ce rôle ; il est appuyé sur des observations étalées entre 1989 et 1993 réalisées par le satellite éponyme 5 , comprenant les coordonnées précises et les mouvement de 118 000 étoiles (précision des positions : 1 10−3 ′′ , des mouvements : 1 10−3 ′′ /an). Il a donc fallu aligner les axes de ce catalogue à ceux de l’ICRF, à la date moyenne des observations d’Hipparcos, à savoir 1991.25. Cette opération a été réalisée par plusieurs types d’observations, notamment : — observations VLBI sur des radio-sources stellaires ; 4. Voir le site du centre de produit de l’ICRF, basé à l’Observatoire de Paris au sujet de l’ICRF et de ses extensions, à l’adresse : http://hpiers.obspm.fr/icrs-pc/ 5. Il s’agit en réalité de l’acronyme de HIgh Precision PARallax COllecting Satellite. 195 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE — observations VLBI de radio-sources extragalactiques couplées à des observations optiques au sol ; — observations de radio-sources extragalactiques avec le télescope spatial Hubble. La précision de l’alignement des deux catalogues est de 6 10−4 ′′ en position et de 2, 5 10−4 ′′ /an en vitesse de rotation ; le catalogue Hipparcos aligné sur l’ICRF forme le HCRF (Hipparcos Celestial Reference Frame). L’Agence spatiale européenne a procédé en décembre 2013 au lancement du satellite GAIA, qui devrait amener une précision de 10−5 ′′ sur un milliard d’étoiles observées. Un élément fondamental de propagation de l’ICRF, repère cinématique, est le rattachement des repères dynamiques à celui-ci. Ceci est possible par l’observation des sondes spatiales par VLBI (et des mesures de rattachements angulaires à des sources extra-galactiques proches), le couplage d’observations de VLBI avec des tirs lasers sur la Lune, des observations de télémétrie radar sur les planètes, etc. [Capitaine, 2000]. Figure 2.23 — Le satellite Hipparcos ; montage avec un filé polaire d’étoiles. Source : ESA. L’ICRF2 L’ICRF2 est la deuxième réalisation de l’ICRS comportant les coordonnées de 3414 radio-sources extragalactiques. Les observations ont été classées en observations dites VCS (Very Large Baseline Array Calibrator Survey) et non-VCS (p. 13 de [Fey et al., 2009]). Cette distinction fait intervenir le réseau d’antennes américaines appelé VLBA ; il s’agit d’un réseau de dix antennes VLBI de 25 m chacune installées entre Hawaı̈ et Porto-Rico, qui forme le meilleur réseaux d’antennes de ce genre au monde ; il s’est avéré dans les années 2000 que l’utilisation du VLBA et de ses capacités dans les sessions d’observation VLBI améliorait considérablement les résultats obtenus. C’est la raison pour laquelle les sources dont les coordonnées forment l’ICRF2 ont été classées en deux : celles ayant bénéficié d’observations non-VCS (1217 sources), et celles en ayant profité (2197 sources). Leur nombre est beaucoup plus élévé que celles de la classe nonVCS, du fait de la nature des sessions d’observations VCS, qui consistent dans des observations de courtes durées d’un grand nombre d’objets ; les sessions VCS ont ainsi permis d’incorporer un grand nombre d’objets avec des précisions comparables à celles des objets observés en mode non-VCS. Les 295 sources de définition ont été choisies parmi les sources non-VCS. 4.2.4 Le système céleste barycentrique de référence Nous avons mentionné l’ICRF comme étant un repère cinématique. Cela signifie qu’il est indépendant de tout mouvement de rotation qui nécessiterait, d’un point de vue dynamique, l’introduction de termes d’entraı̂nement dans la relation fondamentale de la dynamique, rendus indispensables car un tel repère, en rotation, ne serait pas galiléen. Or dans le Système solaire, nous souhaitons faire de la dynamique, précisément parce que nous étudions le mouvement des planètes, 196 (1) ICRF Designations, constructed from J2000.0 coordinates with the format ICRF JHHMMSS.s+DDMMSS or ICRF JHHMMSS.s-DDMMSS They follow the recommendations of the IAU Task Group on Designations. (2) IERS Designations, previously constructed from B1950 coordinates. The complete format, including acronym and epoch in addition to the coordinates, is IERS BHHMM+DDd or IERS BHHMM-DDd (3) c: Category of the source: [D]efining, [C]andidate, [O]ther X: Structure index at X band S: Structure index at S band H: Asterisk indicates that the source serves to link the Hipparcos stellar reference frame to the ICRS. (4) Number of pairs of delay and delay rate observations. Coordinates of the 212 defining sources in ICRF --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ICRF Designation IERS Des. Inf. Right Ascension Declination Uncertainty Corr. Mean First Last Nb Nb (1) (2) (3) J2000.0 J2000.0 R.A. Dec. RA-Dc MJD MJD MJD sess. del. X S H h m s o ’ " s " of observation span (4) --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ICRF J000557.1+382015 0003+380 0 5 57.175409 38 20 15.14857 0.000041 0.00051 -.041 49087.0 48720.9 49554.8 2 41 ICRF J001031.0+105829 0007+106 0 10 31.005888 10 58 29.50412 0.000032 0.00068 .540 47938.9 47288.7 49690.0 10 74 ICRF J001033.9+172418 0007+171 0 10 33.990619 17 24 18.76135 0.000021 0.00035 -.402 48730.8 47931.6 49662.8 19 57 ICRF J001331.1+405137 0010+405 2 1 0 13 31.130213 40 51 37.14407 0.000026 0.00034 -.038 49549.6 48434.7 49820.5 7 219 ICRF J001708.4+813508 0014+813 0 17 8.474953 81 35 8.13633 0.000121 0.00026 .012 49505.2 47023.7 49924.8 78 1453 ICRF J004204.5+232001 0039+230 0 42 4.545183 23 20 1.06129 0.000036 0.00060 .090 48898.1 48328.5 49533.8 3 44 ICRF J004959.4-573827 0047-579 0 49 59.473091 -57 38 27.33992 0.000047 0.00053 .298 48697.0 47626.5 49407.6 13 46 ICRF J011205.8+224438 0109+224 * 1 12 5.824718 22 44 38.78619 0.000027 0.00049 .082 48733.1 48434.7 49736.9 7 97 (...) 197 Tableau 2.23 — Extrait du catalogue des sources de définition de l’ICRF(1). Source : ICRF-PC. CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Notes: Notes: (1) ICRF Designations, constructed from J2000.0 coordinates with the format ICRF JHHMMSS.s+DDMMSS or ICRF JHHMMSS.s-DDMMSS They follow the recommendations of the IAU Task Group on Designations. (2) IERS Designations, previously constructed from B1950 coordinates. The complete format, including acronym and epoch in addition to the coordinates, is IERS BHHMM+DDd or IERS BHHMM-DDd Coordinates of 295 ICRF2 defining sources -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ICRF Designation IERS Des. Right Ascension Declination Uncertainty Corr. Mean First Last Nb Nb (1) (2) J2000.0 J2000.0 R.A. Dec. RA-Dc MJD MJD MJD sess. del. h m s o ’ " s " of observation span -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ICRF J000435.6-473619 0002-478 00 04 35.65550384 -47 36 19.6037899 0.00001359 0.0002139 0.383 52501.0 49330.5 54670.7 28 129 ICRF J001031.0+105829 0007+106 00 10 31.00590186 10 58 29.5043827 0.00000491 0.0000930 -0.187 53063.9 47288.7 54803.7 29 559 ICRF J001101.2-261233 0008-264 00 11 01.24673846 -26 12 33.3770171 0.00000660 0.0000936 -0.183 52407.5 47686.1 54768.6 45 592 ICRF J001331.1+405137 0010+405 00 13 31.13020334 40 51 37.1441040 0.00000482 0.0000683 -0.139 51619.2 48434.7 54713.7 22 1083 ICRF J001611.0-001512 0013-005 00 16 11.08855479 -00 15 12.4453413 0.00000435 0.0001005 -0.235 50403.0 47394.1 51492.8 67 716 (...) Tableau 2.25 — Extrait du catalogue des sources de définition de l’ICRF2. Source : ICRF-PC. CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Reference: IERS Technical Note 35 198 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Figure 2.24 — Carte des stations du VLBA. Source : site internet de la NASA, à l’adresse http://www.nasa.gov/centers/goddard/ news/topstory/2007/nrao_agreement.html Figure 2.25 — Carte des sources observées en mode VCS pour l’ICRF2. Source : site internet de l’ICRF-PC, à l’adresse http:// hpiers.obspm.fr/icrs-pc/icrf2/plots/ icrf2-vcs.png des astéroı̈des, des sondes spatiales ; pour ces applications relativement simples, la mécanique newtonienne convient certes très bien, mais atteint ses limites lorsqu’on examine certains problèmes, comme celui de l’avancée du périhélie de Mercure, de la déviation des ondes radio émises par les sondes spatiales, ou de l’écoulement du temps à tel ou tel endroit. Ce constat amène naturellement à considérer la relativité générale comme théorie physique adaptée à la description dynamique du Système solaire. Dans une telle optique, la XXIe Assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale (Buenos Aires, 1991), a recommandé la construction d’un système barycentrique relativiste de référence sans rotation globale par rapport au système de référence céleste extra-galactique [UAI, 1991]. C’est la XXIVe Assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale (Manchester, 2000) qui a décidé d’adopter le BCRS (Barycentric Celestial Reference System) comme système de référence du système solaire [UAI, 2000]. Lui sont associées des coordonnées d’espace-temps dont le tenseur métrique est défini dans la résolution elle-même ; il fait intervenir un potentiel gravitationnel scalaire et un potentiel gravitationnel vecteur, chacun issu de la distribution de matière au sein du système solaire, laquelle modifie la structure de l’espace et l’écoulement du temps. Ainsi l’élément temps-temps g00 du tenseur métrique en dépend-il, tout comme les éléments temps-espace g0i , ainsi, évidemment, que les éléments espace-espace gij . Le Temps-coordonnée barycentrique (TCB) est l’échelle de temps associée au BCRS. Bien que la résolution ne précise pas l’orientation des axes du BRCS, en pratique, ceux-ci sont toujours alignés sur ceux de l’ICRS. 4.2.5 Le système céleste de référence géocentrique Les XXIe et XXIVe Assemblées générales de l’Union Astronomique Internationale [UAI, 1991, UAI, 2000] ont respectivement recommandé la construction d’un système relativiste géocentrique sans rotation globale par rapport au système céleste de référence extra-galactique, et adopté le GCRS (Geocentric Celestial Reference System) comme système céleste de référence géocentrique. Les coordonnées d’espace-temps sont calculées de la même façon que pour le GCRS, mais la dis199 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE tribution de matière considérée est différente. En effet, le potentiel est scindé en une somme de deux potentiels : celui dû à la Terre (avec une distribution de matière qui lui est propre) et celui dû aux autres corps du système solaire, aux effets de marées, aux effets inertiels, etc. La résolution fournit la forme du potentiel terrestre à utiliser, ainsi que le modèle de transformation entre le BCRS et le GCRS. Le temps associé au GCRS est le Temps-coordonnée géocentrique (TCG). Le GCRS n’ayant pas de rotation globale par rapport à l’ICRS, il n’en a pas non plus par rapport au BCRS. 4.3 4.3.1 Le repère international de référence terrestre Le système international de référence terrestre Les techniques de la géodésie spatiale ont rendu possible et nécessaire la définition de systèmes de référence à l’échelle de la Terre entière, et plus seulement à l’échelle d’un pays ou d’un continent, comme l’imposaient les conditions de réalisation des repères issus de la géodésie terrestre ; un repère international existait cependant, appuyé sur des observations astronomiques, qui s’appelait le système CIO/BIH (Conventional International Origin / Bureau International de l’Heure) ; le pôle (CIO) était déterminé implicitement en fixant les latitudes de cinq observatoires (Mizusawa, Japon ; Kitab, Ouzbekistan ; Carloforte, Italie ; Gaithersburg, et Ukiah, États-Unis) aux valeurs adoptées par la XIIIe Assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale (Prague, 1967) [UAI, 1967] et aux résolutions de l’Union Géodésique et Géophysique Internationale adoptées lors de sa XIVe Assemblée générale (Zurich, 1967) [UGGI, 1967]. Le Bureau International de l’Heure, sis à l’Observatoire de Paris, avait ainsi la charge de l’observation du Temps Universel et de l’orientation de la Terre. C’est sous son égide que les premiers repères de référence terrestre à base d’observations de géodésie spatiale ont été réalisés, avec les solutions BTS84 (BIH Terrestrial System), BTS85, BTS86 et BTS87, dans le cadre du projet MERIT (Monitoring of Earth Rotation by Intercomparison of Techniques) ; les observations utilisées provenaient du VLBI, des tirs laser sur la Lune (LLR – Lunar Laser Ranging) et sur satellites (SLR – Satellite Laser Ranging), ainsi que de mesures de décalages Doppler avec le système américain Transit. En 1987, le BIH a été scindé en deux entités : le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM), qui s’occupe entre autres de définition des références de temps et du système international d’unités, et le Service International de Rotation de la Terre et des Systèmes de Référence (IERS) qui, en outre, remplace aussi le Service International du Mouvement du Pôle. En 1991, le principe d’un repère de référence terrestre conventionnel a été défini et adopté par la XXe Assemblée générale de l’UGGI à Vienne [UGGI, 1991]. Le Système International de Référence Terrestre (International Terrestrial Reference System – ITRS) répond aux critères suivants [McCarthy & Petit, 2004] : — l’ITRS est un repère affine orthonormé de dimension 3 ; — l’origine de l’ITRS est le centre des masses de la Terre, incluant les océans et l’atmosphère ; — l’échelle de l’ITRS est donnée par le choix de son unité de longueur : le mètre ; — l’orientation de l’ITRS est donnée par son orientation initiale, qui doit être la même que celle donnée par le BIH à l’époque 1984.0 ; l’ITRS est comobile avec la croûte terrestre au cours du mouvement diurne ; — l’évolution temporelle de l’orientation de l’ITRS est assurée en lui imposant une condition de non-rotation globale au regard du mouvement des plaques tectoniques terrestres. 200 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE 4.3.2 Les propriétés des techniques de la géodésie spatiale Les trois techniques dynamiques de la géodésie spatiale sont : — les tirs laser sur satellite (SLR) ; — le positionnement global par satellites (GPS, Glonass, Galileo, etc.) ; — la Détermination d’Orbites par Radio-Intégration Satellitaire (DORIS). Ces techniques sont dites dynamiques car les satellites sur lesquels elles s’appuient sont en mouvement ; celui-ci étant képlérien en première approche, il permet d’avoir accès à une caractéristique fondamentale des repères de référence terrestre : le centre de masse de la Terre. La propagation des signaux mettant en jeu la vitesse de la lumière, et le mètre, unité de distance du Système International d’unités, étant défini à partir de celle-ci, l’échelle de tels repères peut aussi être défini avec elles ; en pratique, seule la technique SLR est utilisée à cette fin. La technique VLBI est une technique interférométrique opérant sur les signaux provenant des quasars ; ce n’est donc pas une technique dynamique. Elle ne peut donc pas être utilisée pour avoir accès au centre des masses de la Terre. En revanche, elle est parfaitement adaptée à la mesure de l’orientation de la Terre, ainsi que de la distance séparant les antennes de cette technique, c’est-à-dire, implicitement, l’échelle de tout repère de référence terrestre. 4.3.3 L’ITRF et ses versions successives La première réalisation de l’ITRF n’a pas attendu l’adoption de l’ITRS pour voir le jour, puisqu’elle fut publiée sous le nom d’ITRF88. Les paramètres fondamentaux de ce repère sont [McCarthy & Petit, 2004] : — l’origine et l’échelle de l’ITRF sont définies par une moyenne sur les solutions SLR sélectionnées ; — l’orientation de l’ITRF est donnée par alignement successif sur l’orientation du BTS87, luimême l’étant sur les séries temporelles de paramètres de rotation de la Terre du BIH. Pour l’ITRF88 et l’ITRF89, aucun champ de vitesse global n’a été estimé. Les ITRF91, 92 et 93 ont réalisé cette estimation ; la dérive de l’orientation a été alignée sur le modèle de plaque NNR-NUVEL-1 pour l’ITRF91 ; pour l’ITRF92, c’est le modèle NNR-NUVEL-1A qui a été utilisé ; enfin, pour l’ITRF93, ce sont les séries temporelles des EOP publiées par l’IERS qui ont servi à ça. Les matrices de variance-covariance ont commencé à être utilisées pour l’ITRF94, qui a vu ses paramètres fondamentaux définis comme suit : — l’origine est définie par une moyenne pondérée des solutions GPS et SLR sélectionnées ; — l’échelle de l’ITRF est définie par une moyenne pondérée sur les solutions VLBI, SLR et GPS sélectionnées ; — l’orientation de l’ITRF est fournie par alignement sur celle de l’ITRF92 ; — l’évolution temporelle de l’orientation est alignée sur le modèle global NNR-NUVEL-1A pour les sept paramètres de transformation. L’ITRF96 a été globalement aligné sur l’ITRF94, et l’ITRF97 sur l’ITRF96, en imposant la nullité des paramètres de transformation entre eux. L’ITRF2000 utilise comme des solutions issues des centres d’analyse en entrée. Les propriétés fondamentales de l’ITRF2000 sont les suivantes : — l’origine est définie par une moyenne pondérée des solutions SLR sélectionnées ; — l’échelle de l’ITRF est définie par une moyenne pondérée sur les solutions VLBI et des solutions SLR les plus cohérentes sélectionnées ; — l’orientation de l’ITRF est fournie par alignement sur celle de l’ITRF97 à l’époque 1997.0 ; 201 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE — l’évolution temporelle de l’orientation est alignée sur le modèle global NNR-NUVEL-1A pour les sept paramètres de transformation. L’orientation et sa variation temporelle sont établies en utilisant un jeu de stations de haute qualité géodésique répondant à un certain nombre de critères. L’ITRF2005 a utilisé, pour la première fois, des séries temporelles de solutions de chaque technique issues de chacun des quatre services de l’Association Internationale de Géodésie : hebdomadaires pour les solutions GPS, SLR et DORIS (Détermination d’orbite et de radiopositionnement intégrés par satellite), et journalières pour les solutions VLBI. L’ensemble des séries temporelles est alors combiné en utilisant des rattachements locaux. Les paramètres fondamentaux de l’ITRF2005 sont définis ainsi [Altamimi et al., 2007] : — l’origine est définie par l’origine de la série temporelle des solutions SLR ; — l’échelle de l’ITRF est définie par l’échelle de la série temporelle des solutions VLBI ; — l’orientation de l’ITRF et sa variation temporelle sont fournies par alignement sur celles de l’ITRF2000. L’ITRF2008 a repris en entrée des séries temporelles des quatre techniques fondamentales, d’une durée plus importante cependant. Ses paramètres fondamentaux sont légèrement différents de ceux de l’ITRF2005 [Altamimi et al., 2011] : — l’origine est définie par l’origine de la série temporelle des solutions SLR ; — l’échelle de l’ITRF est définie par l’échelle d’une moyenne de la série temporelle des solutions VLBI et de la série temporelle des solutions SLR ; — l’orientation de l’ITRF et sa variation temporelle sont fournies par alignement sur celles de l’ITRF2005. L’ITRF est la réalisation primaire de tous les repères de référence (régionaux ou nationaux, comme le RGF93 en France par exemple). Figure 3.26 — Le réseau des stations de l’ITRF2008 colocalisées avec des stations de GNSS. Source : [Altamimi et al., 2011]. 202 TECH. ID. X/Vx Y/Vy Z/Vz Sigmas SOLN DATA_START DATA_END -----------------------m/m/y-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------12351S001 ZELENCHUKSKAYA VLBI 7381 3451207.702 3060375.293 4391914.973 0.002 0.002 0.003 12351S001 -.0200 0.0164 0.0116 .0012 .0011 .0016 12351S001 ZELENCHUKSKAYA VLBI 7381 3451207.709 3060375.296 4391914.973 0.004 0.004 0.005 2 07:210:00000 00:000:00000 12351S001 -.0200 0.0164 0.0116 .0012 .0011 .0016 (...) 10002S001 Grasse (OCA) SLR 7835 4581691.526 556159.691 4389359.584 0.001 0.001 0.001 10002S001 -.0142 0.0188 0.0116 .0001 .0001 .0001 10002S002 Grasse (OCA) SLR 7845 4581692.069 556196.178 4389355.170 0.001 0.001 0.001 1 00:000:00000 01:180:00000 10002S002 -.0142 0.0188 0.0116 .0001 .0001 .0001 10002S002 Grasse (OCA) SLR 7845 4581692.060 556196.176 4389355.154 0.001 0.001 0.001 2 01:180:00000 00:000:00000 10002S002 -.0142 0.0188 0.0116 .0001 .0001 .0001 (...) 91501M001 ILE DES PETRELS GNSS DUM1 -1940883.772 1628483.249 -5833718.057 0.001 0.001 0.001 1 00:000:00000 00:126:00000 91501M001 0.0027 -.0132 -.0044 .0001 .0001 .0001 91501M001 ILE DES PETRELS GNSS DUM1 -1940883.777 1628483.250 -5833718.062 0.001 0.001 0.001 2 00:126:00000 00:000:00000 91501M001 0.0027 -.0132 -.0044 .0001 .0001 .0001 (...) 91201S002 KERGUELEN DORIS KERA 1405826.284 3918281.659 -4816204.123 0.006 0.005 0.005 91201S002 -.0050 -.0001 -.0033 .0005 .0004 .0004 91201S003 KERGUELEN DORIS KERB 1405826.367 3918281.816 -4816204.292 0.003 0.003 0.003 91201S003 -.0050 -.0001 -.0033 .0005 .0004 .0004 91201S004 KERGUELEN DORIS KESB 1406334.516 3918142.336 -4816185.065 0.002 0.002 0.002 1 00:000:00000 04:036:00000 91201S004 -.0050 -.0001 -.0033 .0005 .0004 .0004 91201S004 KERGUELEN DORIS KESB 1406334.513 3918142.350 -4816185.061 0.003 0.002 0.002 2 04:036:00000 00:000:00000 91201S004 -.0050 -.0001 -.0033 .0005 .0004 .0004 91201S005 KERGUELEN DORIS KETB 1406334.586 3918142.540 -4816185.301 0.002 0.002 0.002 91201S005 -.0050 -.0001 -.0033 .0005 .0004 .0004 (...) Tableau 3.26 — Extraits des fichiers de positions et vitesses de stations (SSC) des quatre techniques de l’ITRF2008. Source : ITRF-PC. CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE DOMES NB. SITE NAME 203 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE 4.4 L’approche classique de la transformation du repère terrestre au repère céleste La transformation du repère terrestre au repère céleste est le moyen par lequel l’orientation de la Terre peut être exprimée dans l’espace et, inversement, celui par lequel on peut savoir comme est orienté le ciel par rapport à la Terre. Avant d’aborder la transformation entre le repère terrestre et le repère céleste, il est indispensable de définir quelques termes qui seront utilisés par la suite. 4.4.1 Définitions Écliptique vrai : Plan perpendiculaire au moment cinétique orbital instantané du barycentre du système Terre-Lune, noté Ecv . C’est le plan instantané de l’orbite de la Terre autour du Soleil. Écliptique moyen : Plan perpendiculaire au moment cinétique orbital moyen du barycentre du système Terre-Lune, noté Ecm . Le moment cinétique moyen est calculé à partir du moment cinétique vrai en lui retirant les termes dépendant des longitudes moyennes des planètes et des arguments de la Lune. Il peut être calculé pour une époque de référence t0 ou une époque quelconque t (auquel cas on parle d’« écliptique moyen de la date »). Dans la littérature, on le trouve souvent sans l’exposant m , et lorsqu’on lit « écliptique », il faut comprendre « écliptique moyen ». Pôle céleste intermédiaire : Axe de figure de la Terre restreint aux mouvements de précession-nutation de période supérieure à deux jours. En pratique, le CIP (Celestial intermediate pole) est très proche du pôle de rotation instantané (à moins de 20 mas). Il a été introduit par l’Assemblée générale de l’UAI en 2000, et mis en application au 1er janvier 2003. Pôle moyen de la date : Axe de figure de la Terre déduit du pôle céleste intermédiaire par la théorie de la nutation, ou alors par l’application de la transformation associée au phénomène de précession à partir du pôle moyen de l’époque de référence. Équateur vrai de la date : Plan perpendiculaire à l’axe du CIP, noté Eqv (t). Équateur moyen de la date : Plan perpendiculaire à l’axe de rotation moyen de la Terre, noté Eqm (t). Équinoxe moyen de la date : Nœud descendant de l’équateur moyen de la date Eqm (t) sur l’écliptique moyen de la date Ecm (t), noté γm . C’est cette direction, en mouvement du fait de la précession, qui sert à mesurer l’année tropique. L’équinoxe moyen à l’époque de référence t0 est noté γ0 . C’est cette direction, censée demeurer fixe, qui sert à mesurer l’année sidérale. Équinoxe vrai de la date : Nœud descendant de l’équateur vrai de la date Eqv (t) sur l’écliptique moyen de la date Ecm (t), noté γv . Obliquité moyenne de la date : Angle compté depuis l’équateur moyen de la date Eqm (t) et l’écliptique moyen de la date Ecm (t) dans le sens direct, noté ǫA . L’angle entre l’équateur moyen de la date Eqm (t) et l’écliptique moyen à l’époque de référence Ecm (t0 ) est noté ωA . L’obliquité moyenne à l’époque de référence t0 est notée ǫ0 . 204 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Obliquité vraie de la date : Angle compté depuis l’équateur vrai de la date Eqv (t) et l’écliptique moyen de la date Ecm (t) dans le sens direct, noté ǫv . Angle de précession luni-solaire : Angle mesuré le long de l’écliptique moyen de l’époque de référence Ecm (t0 ), entre l’équateur moyen de la date Eqm (t) et l’équateur moyen de l’époque de référence Eqm (t0 ), et noté ψA . Il mesure en fait le déplacement de l’équateur par rapport à l’écliptique de référence. Angle de précession planétaire : Angle mesuré le long de l’équateur moyen de la date Eqm (t) entre l’écliptique moyen de l’époque de référence Ecm (t0 ) et l’écliptique moyen de la date Ecm (t), et noté χA . Il mesure le déplacement de l’écliptique par rapport à l’équateur en raison de l’influence des planètes. Angle de nutation en longitude : Angle mesuré, sur l’écliptique moyen de la date Ecm (t) entre l’équateur vrai de la date Eqv (t) et l’équateur moyen de la date Eqm (t), c’est-à-dire de γv vers γm , et noté ∆ψ. Angle de nutation en obliquité : Différence entre l’obliquité vraie de la date ǫv et l’obliquité moyenne de la date ǫA , c’est-à-dire l’angle entre l’équateur vrai de la date Eqv (t) et l’équateur moyen de la date Eqm (t), notée ∆ǫ = ǫv − ǫA . Eqm (t0 ) Eqm (t) Eqv (t) Ecm (t0 ) Ecm (t) ψA γ0 ǫ0 ωA χA ∆ψ γm γv ǫv ǫA Figure 4.27 — Les plans fondamentaux des systèmes de coordonnées célestes ; les angles sont très exagérés. Inspiré de [Lambert, 2003]. 4.4.2 Expression de la transformation classique et théories utilisées La transformation dite classique entre le repère terrestre et le repère céleste répond à une logique de nature « mécanique ». Cette transformation prend la forme suivante [Lambert, 2003] : [CRF ] = C P N S W [T RF ] (4.3) où : 205 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE — W est la matrice de passage du repère terrestre au repère intermédiaire du CIP, c’est-àdire que W traduit les mouvements du pôle de rotation dans le repère terrestre dont la période est supérieure à deux jours, ainsi que les termes de nutation qui ne figurent pas dans le modèle de nutation associé à la matrice N , c’est-à-dire ceux de période inférieure à deux jours, ainsi que les termes diurnes ou sub-diurnes dus aux marées océaniques ; — S est la matrice de rotation du repère intermédiaire projetant l’axe origine du repère du CIP sur la direction de l’équinoxe vrai de la date γv , c’est-à-dire qu’il s’agit d’une rotation selon l’équateur vrai de la date, plan perpendiculaire à l’axe du CIP, d’un angle égal à l’opposé du temps sidéral de Greenwich ; — N est la matrice de passage de l’équinoxe vrai à l’équinoxe moyen, c’est-à-dire que N traduit le mouvement de nutation dans le repère céleste (c’est-à-dire comprenant les termes dont la période est supérieure à deux jours) ; l’origine des coordonnées angulaires est désormais l’équinoxe moyen de la date γm , et le plan fondamental l’équateur moyen de la date ; — P est la matrice de passage de l’équinoxe moyen de la date à l’équinoxe moyen de l’époque de référence γ0 , dont le plan de référence est l’équateur moyen de l’époque de référence, c’est-à-dire que P traduit le mouvement de précession ; — C est la matrice de passage du pôle moyen de l’époque de référence au pôle de l’ICRS, qui ne sont pas confondus. Les mouvements associés à ces transformations sont décrits par des théories adoptées par l’Union Astronomique Internationale. La théorie actuelle est appelée IAU2000 pour la nutation et IAU2006 pour la précession. Elle ne diffère de la précédente, IAU1980, que par la façon de décrire la nutation, non plus en fonction des angles que nous notons, plus loin dans le document, ∆ǫ et ∆ψ, mais X et Y . Nous ne nous attachons, dans cette version du document, qu’à l’approche utilisant les premiers. Nous allons désormais nous attacher à parler plus précisément de chacune de ces transformations, et des paramètres qu’elles mettent en jeu. Le Pôle Céleste Intermédiaire (CIP) Le pôle de rotation n’est pas confondu avec le pôle conventionnel du repère de référence terrestre, et n’est pas non plus fixe. Deux rotations suffisent pour passer d’un repère terrestre conventionnel à un autre repère de même centre mais de pôle distinct. Si l’on note u et v les coordonnées angulaires du pôle de rotation réel dans le repère conventionnel (voir la figure 4.28 page suivante), celuici ayant pour pôle le pôle de rotation moyen observé entre 1900 et 1905, la matrice W s’écrit [Lambert, 2003] : W = R1 (v)R2 (u) 1 0 = 0 cos v 0 − sin v 0 cos u 0 sin v 0 1 cos v sin u 0 − sin u 0 cos u Le repère intermédiaire du CIP a été introduit par la XXIVe Assemblée générale de l’Union astronomique internationale (Manchester, 2000) [UAI, 2000] et, comme déjà mentionné, il s’agit de l’axe de rotation de la Terre dont le caractère « intermédiaire », comme son nom l’indique, est manifesté par une définition conventionnelle des mouvements céleste (précession, nutation) et terrestre en fonction de la fréquence des termes qui interviennent dans leur développement théorique. Ainsi le CIP est tel que : — le mouvement céleste du pôle est composé des termes de précession et de nutation uniquement si leur période est supérieure à deux jours : il s’agit du modèle IAU2000A, en cela différent de la théorie IAU1980 ; 206 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE — le mouvement terrestre du pôle est composé du mouvement du pôle de rotation par rapport à la croûte terrestre décrit par des termes de période supérieure à deux jours, ainsi que des termes de nutation dont la période est inférieure à deux jours, c’est-à-dire les termes de nutation qui ne sont pas incorporés dans la définition du mouvement céleste du pôle. Cette composante n’est pas prévisible, et c’est la seule de la transformation entre le repère terrestre et le repère céleste dans cette situation. De par sa construction fréquentielle, le CIP ne présente aucun mouvement diurne ou quasidiurne ni dans le repère terrestre ni dans le repère céleste. Les figures 4.29 page 208 et 4.30 page 209 montrent le mouvement du pôle sur plusieurs années. y Oz u Repère terrestre onventionnel x Vers l'origine des longitudes v Π0 CIP Figure 4.28 — Le pôle céleste intermédiaire. v est comptée positivement dans le sens −y. Les grandeurs u et v sont petites, et donc assimilées aux petits angles de la rotation auxquelles elles sont associées. Le temps sidéral de Greenwich La matrice S réalise la rotation du repère intermédiaire d’un angle égal à l’opposé du temps sidéral de Greenwich autour de l’axe du CIP ; elle projette donc l’origine du repère du CIP sur la direction de l’équinoxe vrai de la date γv , le long de l’équateur vrai de la date. Très simplement, on a [Lambert, 2003] : S = R3 (−HSG) cos(−HSG) sin(−HSG) 0 = − sin(−HSG) cos(−HSG) 0 0 0 1 Le calcul du HSG est donné dans la partie 4.1.4 page 183. Il faut introduire en plus, ici, la grandeur désignée habituellement par LOD (Length of day – longueur du jour), qui est l’écart entre la durée du jour solaire telle qu’observée par les méthodes astro-géodésiques, et les 86 400 s 207 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Figure 4.29 — Les coordonnées du pôle de 1962 à 2010 selon la théorie IAU2000. Source : site internet de l’IERS, à l’adresse http://www.iers.org/nn_11252/ IERS/EN/DataProducts/EarthOrientationData/__Function/Plots__EOP08C04__2000/ generischeTabelle__Diagramm.html . 208 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Figure 4.30 — Le mouvement du pôle de décembre 1996 à décembre 2010. Source : site internet de de l’IERS hébergé par l’Observatoire de Paris, à l’adresse http://hpiers.obspm.fr/eop-pc/ index.php?index=C04&lang=en. du système international d’unités : LOD[s/j] = T[1Obs jour solaire] − 86 400 86 400 d UT 1 = − dt On l’appelle encore « excès de longueur du jour ». Cette grandeur intervient dans l’expression de la vitesse de rotation de la Terre, en picoradians par seconde, et LOD en microsecondes par jour : ω⊕ = 72 921 151, 467 064 − 0, 843 994 809 LOD 209 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Figure 4.31 — L’excès de longueur du jour LOD de 1962 à 2010. Source : site internet de l’IERS, à l’adresse http://www.iers.org/nn_11252/IERS/EN/DataProducts/EarthOrientationData/ __Function/Plots__EOP08C04__2000/generischeTabelle__Diagramm.html . 210 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE La nutation La transition est réussie pour aborder la matrice N , qui traduit le mouvement de nutation dont les termes ont une période supérieure à deux jours, conformément à la définition du CIP, et qui réalise le passage de l’équateur vrai de la date à l’équateur moyen de la date. La matrice de nutation s’exprime [Lambert, 2003] : N = = R1 (−ǫA )R3 (∆ψ)R1 (ǫA + ∆ǫ) 1 0 0 cos ∆ψ 0 cos(−ǫA ) sin(−ǫA ) − sin ∆ψ 0 − sin(−ǫA ) cos(−ǫA ) 0 sin ∆ψ cos ∆ψ 0 0 1 0 0 1 0 0 0 cos(ǫA + ∆ǫ) sin(ǫA + ∆ǫ) − sin(ǫA + ∆ǫ) cos(ǫA + ∆ǫ) Les grandeurs ∆ǫ et ∆ψ sont développées en séries référencées à l’écliptique moyen de la date t, exprimée en jours juliens écoulés depuis l’époque de référence J2000.0, par des séries trigonométriques. La moyenne de telles séries étant nulle, on voit qu’elle traduisent formellement des mouvements purement oscillatoires : ∆ψ = N X (Ai + A′i t) sin ARGUMENT + (A′′i + A′′′ i t) cos ARGUMENT i=1 ∆ǫ = N X (Bi + Bi′ t) sin ARGUMENT + (Bi′′ + Bi′′′ t) cos ARGUMENT i=1 Le terme ARGUMENT qui intervient dans la théorie de la nutation est déterminé, d’abord, par un jeu de cinq entiers Nj caractérisant la nutation luni-solaire, qui sont les coefficients d’une combinaison linéaire de cinq paramètres appelés les arguments fondamentaux de Delaunay Fj , qui sont [Wahr, 1981] : — ℓ : l’anomalie moyenne de la Lune ; — ℓ′ : l’anomalie moyenne du Soleil ; — F = L − Ω : différence entre la longitude moyenne de la Lune L et la longitude du nœud ascendant de l’orbite de la Lune (Ω, ci-dessous) ; — D : élongation moyenne de la Lune par rapport au Soleil ; — Ω : longitude moyenne du nœud ascendant de l’orbite de la Lune. Ces paramètres prennent la forme de polynômes exprimés en fonction du nombre de siècles écoulés depuis l’époque de référence J2000.0 : ℓ ℓ′ = = L Ω = = D F = = = 134◦, 96341138 + 1717915923′′, 4728 t + 32′′ , 3893 t2 + 0′′ , 051651 t3 − 0′′ , 00024470 t4 357◦, 52910918 + 129596581′′, 0474 t − 0′′ , 5529 t2 + 0′′ , 000147 t3 218◦31665436 + 1732564372′′, 83263 t − 4′′ , 7763 t2 + 0′′ , 006681 t3 − 0′′ , 00005522 t4 125◦, 04455504 − 6962890′′, 2656 t + 7′′ , 4742 t2 + 0′′ , 007702 t3 − 0′′ , 00005939 t4 297◦, 85020420 + 1602961601′′, 4603 t − 5′′ , 8681 t2 + 0′′ , 006595 t3 − 0′′ , 00003184 t4 L−Ω 93◦ , 27209932 + 1739527263′′, 0983 t − 12′′ , 2505 t2 − 0′′ , 001021 t3 + 0′′ , 00000417 t4 On peut ajouter à ces éléments les longitudes moyennes des planètes du système solaire, de F6 à F13 , de Mercure à Neptune, y compris la Terre, ainsi que F14 , la précession générale en longitude [McCarthy & Petit, 2004]. 211 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE On a ainsi : ARGUMENT = 14 X Nj Fj j=1 La pulsation angulaire ω de chaque terme de la nutation est obtenue en dérivant l’ARGUMENT par rapport au temps : ω = d(ARGUMENT) dt Les éléments de Delaunay ont des variations temporelles que fournissent les théories planétaires, tandis que les périodes et amplitudes en longitude et obliquité (d’ordre 0 et d’ordre 1 en temps) sont tabulées en fonction de l’indice i et de l’ARGUMENT (un extrait est fourni dans la table 4.33 page suivante). y Vers le pôle Qm de Ecm (t) ∆ψ sin ǫv x Vers γm Nutation en obliquité Pv (t) Figure 4.32 — Trajectoire du pôle vrai par rapport au pôle moyen, comme expliqué page 122, en ne conservant que la composante principale. Inspiré de [Capitaine, 2000]. Pm (t) ∆ǫ = ǫv − ǫA 2 × bNut.⊙ = 1, 10′′ y ′′ 2 × bNut.$ = 0, 18 2 × aNut.$ = 0, 52′′ (13, 7 j) Terme lunaire Pôle moyen Vers le pôle Qm de Ecm (t) x (vers γm ) 2 × aNut.⊙ = 3, 15′′ (6 mois) Terme solaire Figure 4.33 — Développement des termes de précession, et de la nutation lunaire et solaire (sans la composante principale) : amplitudes et périodes (semi-mensuelle et semi-annuelle respectivement). Inspiré de [Capitaine, 2000] et de [Simon et al., 1998]. Les échelles ne sont pas respectées. 212 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE i 1 9 31 ARGUMENT ℓ 0 0 0 ℓ′ 0 0 0 F 0 2 2 D 0 −2 0 PÉRIODE (jours) Ω 1 2 2 6 798,4 182,6 13,7 LONGITUDE ∆ψ (0, 0001′′) Ai A′i −171 996 −174,2 −13 187 −1,6 −2 274 −0,2 OBLIQUITÉ ∆ǫ (0, 0001′′) Bi Bi′ 92 025 8,9 5 736 −3,1 977 -0,5 Tableau 4.33 — Extrait des tables de nutation, montrant les trois termes les plus importants en amplitude, selon la théorie IAU1980. Source : [Simon et al., 1998]. Figure 4.34 — Les grandeurs ∆ǫ et ∆ψ de 1962 à 2010. Source : site internet de l’IERS, à l’adresse http://www.iers.org/nn_11252/IERS/EN/DataProducts/EarthOrientationData/ __Function/Plots__EOP08C04__1980/generischeTabelle__Diagramm.html . 213 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE La précession Nous devons à présent ramener le système à la date de référence, ce qui ne peut se faire qu’en invoquant le phénomène de précession. La matrice qui lui est associée est P et s’exprime [Capitaine et al., 2003] : P = = R1 (−ǫ0 )R3 (ψA )R1 (ωA )R3 (−χA ) 1 0 0 cos(ψA ) sin(ψA ) 0 0 cos(−ǫ0 ) sin(−ǫ0 ) − sin(ψA ) cos(ψA ) 0 0 − sin(−ǫ0 ) cos(−ǫ0 ) 0 0 1 1 0 0 1 0 0 0 cos(ωA ) sin(ωA ) 0 cos(−χA ) sin(−χA ) 0 − sin(ωA ) cos(ωA ) 0 − sin(−χA ) cos(−χA ) Ces paramètres connaissent une évolution avec le temps dont les paramètres sont données dans [Capitaine et al., 2003] donnent les valeurs, avec t en siècles juliens écoulés depuis l’époque de référence t0 = J2000.0 : ǫ0 = 84 381, 448′′ ψA ωA = = ǫA χA = = 5038, 47875′′ t − 1, 07259′′ t2 − 0, 001147′′ t3 ǫ0 − 0, 02524′′ t + 0, 05127′′ t2 − 0, 007726′′ t3 ǫ0 − 46, 84024′′ t − 0, 00059′′ t2 + 0, 001813′′ t3 10, 5526′′ t − 2, 38064′′ t2 − 0, 001125′′ t3 Comme on le voit, ces angles ne sont pas de moyenne nulle dans le temps, puisqu’ils sont exprimés par des polynômes ; ceci traduit le fait que le mouvement de précession est un mouvement séculaire. La précession est le phénomène liés aux plans moyens, équateur et écliptique. Nous avons vu qu’ils se déplacent dans le temps. On accède à ces plans moyens soit par l’observation des plans vrais, en en retranchant les effets de la nutation, soit à partir des plans moyens à l’époque de référence et en propageant les effets de la précession. Se pose donc la question des paramètres qui interviennent dans la propagation de la précession d’une date à l’autre. Dans l’approche classique, ceux-ci sont assez nombreux (voir la figure 4.35 page suivante). Cette figure représente l’équateur et l’écliptique moyens à trois époques : t0 (époque de référence d’un catalogue), une époque t1 fixe, une époque d’observation t2 a priori variable. Nous allons désormais noter [Lieske et al., 1977] : — T = t1 − t0 ; — t = t2 − t1 ; — τ = t2 − t0 . On a donc : τ = T + t. Pour tout angle α lié à la précession, nous notons αA la précession accumulée entre t1 et t2 , ᾱA la précession accumulée de t0 à t1 et α̃A la précession accumulée de t0 à t2 . La représentation de ces angles prend classiquement les formes suivantes : αA (T, t) = α1 + α2 T + α3 T 2 × t + (α′1 + α′2 T ) × t2 + α′′1 t3 ᾱA ≡ αA (0, T ) = α̃A ≡ αA (0, τ ) = α1 T + α′1 T 2 + α′′1 T 3 α1 τ + α′1 τ 2 + α′′1 τ 3 Dès lors nous pouvons interpréter ainsi les angles présents sur les figures 4.35 et 4.36 page suivante : 214 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Eqm (t0 ) N Ecm (t0 ) πA γ0 Eqm (t1 ) Eqm (t2 ) Ecm (t1 ) ψA I γ1 = ωA I I γ2 = γ1 χA γ 1N ǭA γ0 N1 = Π̄ N1 A ǫ0 π̄A A = Π = γ 2N γ γ2 ΠA + π̃A N2 PA 1 J = 90˚ − ζA ǫA γ2 J = zA + 90˚ J θA Ecm (t2 ) Figure 4.35 — Les plans fondamentaux de la précession, et les angles qui leur sont liés. Inspiré de [Simon et al., 1998]. Figure 4.36 — Angles fondamentaux de la précession. Source : [Seidelmann & Kovalevsky, 2002]. 215 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE — πA l’inclinaison de l’écliptique moyen à t1 sur l’écliptique moyen de l’époque t2 ; c’est la précession en latitude (écliptique) ; — Π̄A la longitude écliptique du nœud ascendant N1 de l’équateur moyen à t1 sur l’écliptique moyen de l’époque de référence t0 ; — ΠA la longitude écliptique du nœud ascendant N de l’écliptique moyen à t2 sur l’écliptique moyen à t1 ; — PA la précession générale en longitude écliptique entre les instants t1 et t2 ; — ǭA l’obliquité moyenne à l’époque t1 ; — 90˚+ zA l’ascension droite du nœud ascendant de l’équateur de l’équateur moyen à t2 sur l’équateur moyen à t1 mesuré sur l’équateur moyen à t2 — 90˚− ζA l’ascension droite du nœud ascendant de l’équateur moyen à t2 sur l’équateur moyen à t1 mesuré sur l’équateur moyen à t1 ; — ζA + zA la précession en ascension droite ; — θA la précession en déclinaison ; — ψA la précession luni-solaire ; — χA la précession planétaire en ascension droite. On trouve cependant dans la littérature les développements des angles de la figure 4.35 page précédente en fonction de T et t ; plus précisément, on trouve les développements de : sin πA sin ΠA , sin πA cos ΠA , πA , ΠA , PA , θA , ζA , zA , ǫA , ωA , ψA , χA . Naturellement, ces angles ne sont pas tous indépendants. En plus des grandeurs dont les évolutions ont été données précédemment, nous avons, avec t en siècles juliens écoulés depuis l’époque de référence t0 = J2000.0 [Capitaine et al., 2003] : PA ζA θA zA = 5028, 79695′′t − 1, 11113′′t2 − 0, 000006′′t3 = 2, 5976176′′ + 2306, 0809506′′t + 0, 3019015′′t2 + 0, 0179663′′t3 − 0, 0000327′′t4 − 0, 0000002′′t5 = 2004, 1917476′′t − 0, 4269353′′t2 − 0, 0418251′′t3 − 0, 0000601′′t4 − 0, 0000001′′t5 = −2, 5976176′′ + 2306, 0803226′′t + 1, 0947790′′t2 + 0, 0182273′′t3 + 0, 0000470′′t4 − 0, 0000003′′t5 Un aperçu simplifié de la figure 4.35 est proposé sur la figure 4.36 page précédente, qui met en évidence les paramètres permettant le passage de l’équinoxe moyen à J2000.0, noté γ0 à l’équinoxe moyen de la date, noté simplement γ. L’alignement sur l’ICRS Notre pôle est, à l’issue de la transformation de précession, le pôle moyen de l’époque de référence J2000.0. Comme le montre la figure 2.20 page 193, il n’est pas confondu avec le pôle de l’ICRS, pas plus d’ailleurs que l’équinoxe moyen de l’époque de référence à J2000.0 n’est confondu avec l’équinoxe de l’ICRS. L’ultime transformation consiste donc à aligner le pôle et l’équinoxe moyens de l’époque de référence sur ceux de l’ICRS [Lambert, 2003] : C = R3 (dα0 )R2 (−ξ0 )R1 (η0 ) cos(dα0 ) sin(dα0 ) 0 cos(−ξ0 ) 0 = − sin(dα0 ) cos(dα0 ) 0 0 0 1 sin(−ξ0 ) 0 − sin(−ξ0 ) 1 0 1 0 0 cos(−ξ0 ) 0 0 0 cos(η0 ) sin(η0 ) − sin(η0 ) cos(η0 ) Les paramètres η0 et ξ0 permettent le basculement de l’équateur moyen de l’époque de référence sur celui de l’ICRS, tandis que dα0 est une rotation recalant l’origine des ascensions droites de l’équinoxe moyen de l’époque J2000.0 sur celle de l’ICRS. En l’occurrence, le système de référence d’arrivée est le GCRS. Ces paramètres prennent les valeurs suivantes [Capitaine et al., 2003, Chapront et al., 2002] : ξ0 η0 = = dα0 = −0, 016617′′ −0, 006819′′ −0, 0146′′ 216 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE 300 psia(x) chia(x) pa(x) zetaa(x) thetaa(x) za(x) 250 200 Angles (variations relatives) 150 100 50 0 -50 -100 -150 -200 -250 -300 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 t (siecles juliens) 3000 ea(x) omegaa(x) 2500 2000 1500 1000 αA - ε0 (α = ω ou ε) (’’) 500 0 -500 -1000 -1500 -2000 -2500 -3000 -3500 -4000 -4500 -5000 -5500 -6000 0 20 40 60 80 100 120 t (siecles juliens) 140 160 180 200 Figure 4.37 — Variations relatives des angles de précession ψA , χA , PA , ζA , θA et zA ; écarts à ǫ0 de ǫA et ωA . Les deux graphiques sont donnés sur vingt siècles à partir de J2000.0. 217 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE 4.4.3 La réduction d’observations astronomiques Nous avons étudié dans la partie précédente la transformation standard du repère terrestre au repère céleste. Cette transformation ne suffit cependant pas à la réduction d’observations astronomiques ; la figure 4.38 page suivante résume les opérations à réaliser pour cela. La réduction nécessite d’abord la datation précise des observations, par exemple dans l’échelle UTC. Les effets locaux suivants doivent ensuite être corrigés : — réfraction astronomique ; — aberration diurne ; — parallaxe géocentrique. Les observations doivent alors être ramenées à l’échelle du temps-coordonnée géocentrique TCG ; les observations sont à ce moment considérées comme ramenées à l’ITRS et datées dans le TCG, par le biais du TAI et du TT. C’est alors que la transformation du repère terrestre au repère céleste peut être appliquée : le mouvement du pôle nous amène au repère terrestre intermédiaire (Terrestrial Intermediate Reference System – TIRS), et la rotation de la Terre nous amène au repère céleste intermédiaire (Celestial Intermediate Reference System – CIRS). Le modèle de précession-nutation IAU2006-IAU2000A est alors appliqué pour nous situer dans le GCRS, moyennant l’alignement vu précédemment. Il devient nécessaire de passer de l’échelle de temps TCG à l’échelle TCB, ce qui nous place dans le BCRS, et de prendre en compte les effets astronomiques suivants : — parallaxe annuelle ; — aberration annuelle ; — déflexion lumineuse due à la courbure de l’espace-temps par les masses en présence. Le mouvement propre de l’astre considéré doit lui aussi être pris en compte, ainsi que le temps de propagation de la lumière. Les coordonnées de l’astre observé sont alors, enfin, exprimées dans l’ICRS, et rapportées aux axes fixes de ce système, avec une origine barycentrique ; elle sont datées dans l’échelle de temps-coordonnée barycentrique. 218 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Figure 4.38 — Les étapes de la réduction d’observations astronomiques. Source : [McCarthy & Petit, 2004]. 219 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE La variation des coordonnées équatoriales avec les mouvements de la Terre Les coordonnées des étoiles sont exprimées en coordonnées équatoriales, et rapportées au point vernal γ. Mais comme l’axe de la Terre précesse et nute, le point vernal se déplace, comme nous l’avons vu, ce qui tend à modifier les coordonnées équatoriales des astres. Les relations présentées ici ont déjà été vues dans la partie relative au passage du repère terrestre au repère céleste (4.4.2 page 205), et plus spécialement les sous-parties consacrées à la nutation (page 210) et à la précession (page 213). Nous leur donnons ici une formulation plus spécifique à la question qui nous est posée. On appelle coordonnées équatoriales moyennes les coordonnées équatoriales rapportées à l’équateur et à l’équinoxe moyens de la date, c’est-à-dire liées au mouvement de précession. A A Variation des coordonnées équatoriales moyennes entre deux dates On note xA 0 , y0 , z0 les coordonnées cartésiennes et α0 et δ0 les coordonnées équatoriales d’une époque de référence t0 ; A A même, à une époque quelconque t, on note ces grandeurs xA m , ym , zm , et αm et δm . Le passage du système d’axes moyen de l’époque de référence t0 à l’époque t se fait en réalisant trois rotations, faisant intervenir des angles présents sur la figure 4.36 page 214. Les relations de la trigonométrie sphérique donnent en effet [Simon et al., 1998] : xA m A ym A zm = = xA 0 R3 (−90˚− zA )R1 (θA )R3 (90˚− ζA ) y0A z0A − sin zA − cos zA 0 1 0 0 sin ζA cos zA − sin zA 0 0 cos θA sin θA − cos ζA 0 − sin θA cos θA 0 0 1 0 cos ζA sin ζA 0 A 0 x0 0 y0A 1 z0A Cette relation matricielle se traduit par les relations scalaires suivantes entre ascensions droites et déclinaisons : cos δm sin(αm − zA ) cos δm cos(αm − zA ) sin δm = cos δ0 sin(α0 + ζA ) = cos θA cos δ0 cos(α0 + ζA ) − sin θA sin δ0 = sin θA cos δ0 cos(α0 + ζA ) + cos θA sin δ0 On remarquera que les formulation de [Simon et al., 1998] et [Lambert, 2003] font intervenir des angles différents pour un même phénomène. Néanmoins, c’est cette formulation qui doit être utilisée pour passer des coordonnées équatoriales moyennes à J2000.0 aux coordonnées équatoriales moyennes de la date. Ces relations peuvent être approchées par les suivantes [Bureau des longitudes, 1993] : αm δm = = α0 + (m + n sin ᾱ tan δ̄) t δ0 + (n cos ᾱ) t où m est la précession en ascension droite, coefficient de t dans les expressions de ζA + zA de la page 215 ; n est la précession en ascension droite, coefficient de t dans les expressions de θA (même page). ᾱ et δ̄ sont les valeurs approchées de α et δ pour l’époque moyenne située entre l’époque de référence et l’époque du temps t. Pour appliquer ces relations, le temps t ne doit pas être trop grand et l’astre pas voisin du pôle. 220 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Relations entre les coordonnées équatoriales moyennes de la date et les coordonnées équatoriA A ales vraies On note désormais les coordonnées vraies xA v , yv , zv et αv et δv . On passe du ′ système d’axes moyen de la date par trois rotations, en posant ǫA = ǫA + ∆ǫ [Simon et al., 1998] : xA v yvA zvA = = xA m A R1 (−ǫ′A )R3 (−∆ψ)R1 (ǫA ) ym A zm cos ∆ψ 1 0 0 0 cos ǫ′A − sin ǫ′A sin ∆ψ 0 cos ǫ′A 0 sin ǫ′A − sin ∆ψ cos ∆ψ 0 0 1 0 0 0 cos ǫA 0 − sin ǫA 1 A 0 xm A sin ǫA ym cos ǫA z0A Cette relation matricielle nous fait aboutir à trois relations scalaires entre les grandeurs angulaires : cos αv cos δv sin αv cos δv sin δm = cos ∆ψ cos αm cos δm − sin ∆ψ (cos ǫA sin αm cos δm + sin ǫA sin δm ) = cos ∆ǫ sin αm cos δm + sin ∆ψ cos ǫ′A cos αm cos δm − sin ∆ǫ sin δm ∆ψ −2 sin2 cos ǫ′A (cos ǫA sin αm cos δm + sin ǫA sin δm ) 2 = cos ∆ǫ sin δm + sin ∆ψ sin ǫ′A cos αm cos δm + sin ∆ǫ sin αm cos δm ∆ψ −2 sin2 cos ǫ′A (cos ǫA sin αm cos δm + sin ǫA sin δm ) 2 Ces relations sont à utiliser une fois qu’on a calculé les coordonnées moyennes de la date comme décrit dans la partie précédente. Mais là encore, il existe des relations simplifiées [Bureau des longitudes, 1993] : αv δv = αm + ∆ψ(cos ǫm + sin ǫm sin αm tan δm ) − ∆ǫ cos αm tan δm = δm + ∆ψ sin ǫm cos αm + ∆ǫ sin αm Ces relations sont à utiliser si l’astre étudié n’est pas trop près du pôle. Un intermède : la position de la Terre autour du Soleil et sa vitesse Les corrections de parallaxe et d’aberration font intervenir les coordonnées barycentriques moyennes de la Terre (rapportées à l’équateur et à l’équinoxe moyens) de la date et de l’époque de référence, c’est-à-dire exprimées dans le repère d’un catalogue d’étoiles donné (FK5 par exemple). Les éphémérides telles que la Connaissance des Temps, publiée par l’IMCCE, fournissent les longitudes λi , latitudes βi et rayons vecteurs ri héliocentriques écliptiques des planètes à l’instant t, sous la forme de polynômes de Tchebychev 6 (voir page 234), ainsi que les coordonnées X⊙ , Y⊙ et Z⊙ géocentriques équatoriales du Soleil. Les coordonnées de la Terre à t dans le repère du catalogue (c’est-à-dire à dans le repère de l’époque de référence), notées X⊕ , Y⊕ et Z⊕ , sont calculées par la relation [Simon et al., 1998] : X⊕ Y⊕ = Z⊕ 1 X mT L ⊙ X mi Y⊙ − 1− ri 0 − mB mB 0 Z⊙ i;i6=3 0 cos ǫ0 sin ǫ0 0 cos λi cos βi − sin ǫ0 sin λi cos βi cos ǫ0 sin βi où mT L est la masse du système Terre-Lune, mB la somme des masses des planètes et du Soleil, mi la masse de la planète i (de Mercure à Neptune), et ǫ0 l’obliquité de l’écliptique à l’époque de référence. 6. Pafnouti Tchebychev (1821 – 1894). 221 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE ′ ′ Les composantes X⊕ , Y⊕′ et Z⊕ du vecteur vitesse de la Terre dans le repère barycentrique s’obtient en dérivant par rapport au temps la relation précédente : ′ X⊕ Y⊕′ = ′ Z⊕ d X 1 0 0 − sin λi cos βi mT L dtd ⊙ X mi dλ i cos λi cos βi − 1− ri 0 cos ǫ0 − sin ǫ0 ri − dt Y⊙ mB mB dt d 0 sin ǫ cos ǫ 0 i;i6 = 3 Z 0 0 dt ⊙ − cos λi sin βi cos λi cos βi dri dβi − sin λi sin βi + sin λi cos βi +ri dt dt cos βi sin βi La correction de la parallaxe La description du phénomène visuel de la parallaxe a été vue dans la partie 2.9.1 page 129. On note T la Terre, E une étoile, B le barycentre du système solaire ; l’instant de réception par la Terre de la lumière émise par l’étoile est noté t, tandis que la durée du trajet de la lumière est noté ∆t. Si l’on suppose le barycentre fixe, on a [Simon et al., 1998] : −→ T E(t) = −−→ −→ BE(t − ∆t) − BT (t) −−→ Dans cette relation, BE(t − ∆t) est la direction du barycentre du Système solaire vers l’étoile −→ à l’instant d’émission du photon, T E(t) est la direction de l’étoile observée depuis la Terre, et affectée de la parallaxe. Le problème posé dans cette partie consiste à exprimer la parallaxe d’une étoile, et à l’appliquer aux coordonnées publiées de celles-ci. −−→ −−→ → Si on note − p1 le vecteur unitaire de la direction BE(t − ∆t), ρ la norme de BE(t − ∆t) et −→ − x→ ⊕ (t) = BT (t), alors : −→ T E(t) = → ρ− p1 − − x→ ⊕ (t) −→ La direction de l’étoile affectée de la parallaxe est T E(t), et son vecteur unitaire est : − → p = − → p1 − − p − → 1 − x→ ⊕ (t) ρ − x→(t) ⊕ ρ − → − p 1 .− x→ x→ ⊕ (t) − ⊕ (t) → = 1+ p1 − + O(sin2 π0 ) ρ ρ où π0 est l’angle appelé parallaxe de l’étoile. Cet angle est si petit qu’on peut écrire : tan π0 ⇒ sin π0 ≈ sin π0 1 = |BE| avec BE en unités astronomiques. Les coordonnées portant la parallaxe de l’étoile, notées αG et δG , sont ainsi obtenues à partir des coordonnées publiées par : 222 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Figure 4.39 — Illustration de définition de la parallaxe. L’angle de parallaxe est mesuré dans le plan contenant l’étoile, le Soleil, et deux positions de la Terre à six mois d’intervalle, et qui soit perpendiculaire au plan contenant la direction Soleil-Étoile et le pôle de l’écliptique. Source : site internet de l’Observatoire de Paris, à l’adresse http://media4.obspm.fr/public/AMC/pages_galaxies/ parall.html. cos αG cos δG sin αG cos δG = sin δG = − cos α cos δ X⊕ → p 1 .− x→ 1 ⊕ (t) sin α cos δ − Y⊕ ρ ρ Z⊕ sin δ X⊕ cos α cos δ 1 1 (X cos α cos δ + Y sin α cos δ + Z sin δ) sin α cos δ − Y⊕ ρ ρ sin δ Z⊕ où on a simplement écrit que : cos αG cos δG − → p = sin αG cos δG sin δG cos α cos δ → − p1 = sin α cos δ sin δ et Visuellement, comme on le voit sur la figure 9.15 page 130, l’étoile semble parcourir, dans le plan tangent à la sphère céleste, une ellipse identique à celle de la Terre autour du Soleil, mais en sens opposé ; en pratique, la distance de l’étoile fait qu’on approxime cette ellipse à un cercle. L’apparence elliptique de la parallaxe d’une étoile vient plutôt de la direction que fait la direction liant le Soleil à l’étoile par rapport à l’écliptique. Le grand axe de l’ellipse est parallèle à l’écliptique, et vaut angulairement 2a/ρ, où a est la distance Soleil-Terre ; le petit axe vaut quant à lui (2a/ρ) sin β où β est la latitude écliptique de l’étoile. La valeur et la direction de la parallaxe dépendent donc de la date (les coordonnées X⊕ , Y⊕ , Z⊕ de la Terre varient au cours de l’année !), 223 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE mais reste toujours inférieure à 1′′ , ce qui fait qu’on n’en tient compte que pour les observations de haute précision. On notera cependant qu’il existe une parallaxe diurne, complètement négligeable pour les observations stellaires. La correction de l’aberration Avec la même notation que pour la parallaxe, le vecteur du rayon lumineux parvenant à la Terre depuis une étoile est : −c = → → −c− p On pose que les coordonnées tridimensionnelles unitaires portant l’aberration sont : cos αa cos δa − → p2 = sin αa cos δa sin δa − le vecteur → p étant noté de la même façon que dans la partie précédente. − → Si la Terre a la vitesse − v→ ⊕ (t), alors le vecteur unitaire p2 de la direction de l’étoile affectée de l’aberration annuelle est : − → p2 = = − → − → p + vc⊕ − → − p + vc⊕ → → − − p .− v→ v→ v⊕ 2 ⊕ ⊕ → − 1− p + +O c c c Les coordonnées apparentes de l’étoile, αa et δa , vues au centre de la Terre et rapportées à l’équateur et l’équinoxe vrais de la date (c’est-à-dire affectés de la précession et de la nutation), et portant l’aberration, se calculent ainsi : cos αa cos δa sin αa cos δa sin δa ′ cos αG cos δG X⊕ → sin αG cos δG + τA N P Y⊕′ p .− v→ = (1 − τA − ⊕) N P ′ sin δG Z⊕ cos αG cos δG = (1 − τA (X ′ cos αG cos δG + Y ′ sin αG cos δG + Z ′ sin δG )) N P sin αG cos δG sin δG ′ X⊕ +τA N P Y⊕′ ′ Z⊕ où nous avons noté τA le temps de lumière pour l’unité astronomique, ce qui impose d’exprimer toutes les vitesses en unité astronomique par unité de temps (selon l’unité choisie pour exprimer τA ). Les matrices N et P sont les matrices de nutation et de précession. On voit que le facteur important affectant le vecteur unitaire de la direction de l’étoile affectée de l’aberration est le rapport entre la vitesse de la Terre et celle de la lumière. On sait que la distance du Soleil à la Terre est donnée par : r = a(1 − e2 ) 1 + e cos f 224 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE Ce qui est particulièrement intéressant est la vitesse tangentielle vθ = r df /dt. En démontrant la deuxième loi de Kepler, nous avons construit la surface élémentaire balayée par le rayon vecteur du Soleil à la Terre comme : dS = 1 2 r df 2 En intégrant sur une révolution, nous avons : S T = = πab T 1 nab 2 où n est le moyen mouvement. En moyenne on a donc : 1 nab = 2 p ⇐⇒ n a2 1 − e2 = 1 2 df r 2 dt df r2 dt Cette astuce nous permet de mettre en évidence la vitesse tangentielle [Capitaine, 2000] : vθ = = = df dt a2 p n 1 − e2 r na √ (1 + e cos f ) 1 − e2 r On appelle constante de l’aberration annuelle le facteur : kA = = na √ c 1 − e2 20, 495 52′′ Cette valeur est bien plus importante que celle de la parallaxe et, contrairement à elle, indépendante de la distance de l’étoile. On s’attache à la composante tangentielle car on approxime en fait la trajectoire à une trajectoire circulaire (mais pas tout-à-fait non plus, sinon on aurait e = 0). Par le même effet de projection que celui vu pour la parallaxe, la trajectoire apparente de l’étoile due à l’aberration est une ellipse de grand axe 2 kA selon un axe parallèle à l’écliptique, et de petit axe 2 kA sin β, où β est la latitude écliptique. [Testard, 1968] évoque avec précision les différences entre l’aberration et la parallaxe, notamment : — le déplacement apparent de l’étoile a lieu dans la direction de la vitesse, alors qu’il a lieu dans la direction Terre-Soleil pour la parallaxe, ce qui fait que les deux phénomènes sont en quadrature ; 225 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE — la nature physique des deux phénomènes est très différente : l’aberration est une illusion d’optique d’origine relativiste, due à la finitude de la vitesse de la lumière, tandis que la parallaxe est un effet de perspective : c’est d’ailleurs ce phénomène qui donne accès à la distance des étoiles, ce qui le rend fondamental. L’aberration diurne est liée, elle, à la vitesse de l’observateur en raison de la rotation de la Terre sur elle-même. Elle est liée à la latitude, mais son amplitude reste faible, 0, 320′′ cos ϕ, dirigée selon le parallèle. La correction de la réfraction Puisque nous vivons sur une planète entourée d’une atmosphère, les observations astronomiques sont sujettes aux perturbations des rayons lumineux qu’elle induit. Tous les manuels d’astronomie traitent ce problème ; nous empruntons notre démonstration à [Testard, 1968] et [Duhamel, 1963a]. On appelle A l’observateur, de zénith Z, E l’étoile observée, et T la direction effectivement visée, entachée de l’erreur due à la réfraction. En effet, dans le milieu atmosphérique, la lumière ne se propage pas à la vitesse c qui est la sienne dans le vide ; le principe du moindre temps de Fermat 7 impose donc que la trajectoire de la lumière à la traversée d’un dioptre ne soit pas une droite. L’observateur observe donc la direction T avec une distance zénithale z0 , et croit, de bonne foi, observer l’étoile E, dont la direction n’est pas T . On note ρ l’angle T[ AE. La vraie distance zénithale de l’étoile E est donc z = z0 + ρ (voir la figure 4.40). L’objectif de cette partie est donc d’exprimer ρ, qui sera la quantité à ajouter à toute distance zénithale mesurée pour corriger celle-ci. T E z }| { ϕ3 ϕ2 ϕ2 ϕ1 ϕ1 ϕ0 Z z0 ρ Z0 Figure 4.40 — L’effet de la réfraction atmosphérique sur les rayons lumineux. Si l’on découpe l’atmosphère en une infinité de petites couches i, d’indices ni , on a la relation de Descartes suivante : 7. Pierre de Fermat (première décennie du xviie siècle – 1665). 226 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE ∀i ≥ 0 ni+1 sin ϕi+1 = ni sin ϕi Cette relation est vraie depuis le vide (n = 1 et ϕ = z) jusqu’au sol (n = n0 et ϕ = z0 ). On a donc : n0 sin z0 = sin z = sin(z0 + ρ) = sin z0 cos ρ + sin ρ cos z0 Si on fait l’hypothèse que ρ est petit, alors : sin ρ ≈ ρ et ⇒ρ = cos ρ ≈ 1 (n0 − 1) tan z0 Au sol, l’indice de réfraction valant environ 1, 0003 sous T = 0˚C, on arrive à : et ρ[rad] = 3 10−4 tan z0 ρ[′′ ] = 60, 236 tan z0 Une analyse plus approfondie montre que cette relation n’est vraie que pour les petites distances zénithales (jusqu’à 30 ou 35˚) ; au delà, la relation suivante est à utiliser : ρ[′′ ] = 60, 236 tan z0 − 0, 0675 tan3 z0 227 CHAPITRE 4. LES REPÈRES SPATIAUX UTILISÉS EN ASTRONOMIE 400 350 300 Refraction ρ (’’) 250 200 150 100 ρ (z = 45°) 50 0 0 10 20 30 40 50 60 Distance zenithale z (degres) 70 80 90 Figure 4.41 — Angle de réfraction en fonction de la distance zénithale. 228 Chapitre 5 L’utilité des astres et de l’astronomie de position 5.1 5.1.1 Trigonométrie sphérique Triangle sphérique La trigonométrie sphérique vise à établir des relations entre les angles et les côtés de triangles sphériques. Définition (Triangle sphérique) — On appelle triangle sphérique la surface d’une sphère délimitée par trois grands cercles de la sphère. Les trois intersections ainsi formées sont les sommets du triangle sphérique. C O B b a c A Figure 1.1 — Triangle sphérique. En s’appuyant sur la figure 1.1, les sommets du triangle sphérique sont les points A, B et C. Comme ils sont situés sur la sphère de rayon unité, on a nécessairement : OA = OB = OC = 1 229 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION On définit par ailleurs les angles : a = b = c = −−→ −−→ (OB, OC) −→ −−→ (OA, OC) −−→ −→ (OB, OA) qui sont les côtés du triangle. Enfin, on associe à chaque sommet du triangle un angle, dénoté comme le sommet, mesurant le secteur balayé dans le sens direct, au sommet, entre les deux grands cercles dont il est l’intersection. Ainsi A dénote l’angle entre les arcs AC et AB, B dénote l’angle entre les arcs BA et BC, et C dénote l’angle entre les arcs CB et CA. L’angle A est aussi l’angle entre les plans (AOB) et (AOC). 5.1.2 Relations de la trigonométrie sphérique La relation fondamentale En appelant B ′ et C ′ les projetés de B et C respectivement, sur OA, nous avons immédiatement : cos a −−→ −−→ OB. OC −−→ −−→ −−→ −−→ OB ′ + B ′ B . OC ′ + C ′ C −−→′ −−→′ −−′→ −−→′ −−→′ −−′→ −−′→ −−′→ .C C} +B B.C C OB .OC + B {zOC} + OB | {z | B. = = = =~0 =~0 Or, à partir des triangles rectangles OBB ′ et OCC ′ , les côtés OB et OC étant de longueur unité, on peut calculer : −−→′ −−→′ OB .OC = cos b cos c Quant au triangle ABC, en n’oubliant pas que B ′ et C ′ sont sur OA, il donne : −−→′ −−→′ BB .CC = sin c sin b cos A Si bien que nous obtenons : cos a = cos b cos c + sin b sin c cos A (5.1) Ceci constitue la formule fondamentale de la trigonométrie sphérique, dite aussi formule des quatre éléments ; elle reste naturellement vraie par permutation circulaire. Cette relation s’écrit aussi : cos A = cos a − cos b cos c sin b sin c 230 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION La relation des sinus Or nous savons que sin2 A = 1 − cos2 A, et donc : 2 sin2 A = = = ⇐⇒ sin2 A sin2 a = (cos a − cos b cos c) sin2 b sin2 c 2 sin b sin2 c − cos2 a + 2 cos a cos b cos c − cos2 b cos2 c sin2 b sin2 c 1 − cos2 b 1 − cos2 c − cos2 a + 2 cos a cos b cos c − cos2 b cos2 c sin2 b sin2 c 2 2 2 1 − cos b − cos c − cos a + 2 cos a cos b cos c sin2 a sin2 b sin2 c 1− Le second membre de cette relation étant invariant par permutation circulaire, on trouve la relation dite des sinus : sin2 B sin2 C sin2 A = = sin2 a sin2 b sin2 c ⇐⇒ sin B sin C sin A = = sin a sin b sin c (5.2) De façon opérationnelle, cette relation s’écrit : sin a sin B = sin b sin A Et elle reste naturellement vraie pour les couples (A, B), (B, C) et (C, A). La relation des cinq éléments Enfin, en écrivant de deux façons différentes la formule des quatre éléments 5.1 : cos a = cos b cos c + sin b sin c cos A cos b = cos c cos a + sin c sin a cos B on peut utiliser la première dans la seconde : cos b ⇐⇒ sin c cos b = cos c (cos b cos c + sin b sin c cos A) + sin c sin a cos B = sin c cos c (cos b cos c + sin b sin c cos A) + sin2 c sin a cos B = sin c cos2 c cos b + sin2 c cos c sin b cos A + sin2 c sin a cos B = sin c cos b 1 − sin2 c + sin2 c cos c sin b cos A + sin2 c sin a cos B = sin c cos b + sin2 c (cos c sin b cos A + sin a cos B − sin c cos b) Les termes sin c cos b s’annulent à droite et à gauche, si bien que les éléments entre parenthèses sont identiquement nuls, nous donnant la relation des cinq éléments : sin a cos B = sin c cos b − cos c sin b cos A (5.3) En écrivant que : sin a = sin b sin A sin B 231 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION on établit la relation des cotangentes, qui est particulièrement utile dans certains problèmes : sin A cot B = cot b sin b − cos c cos A (5.4) Les formules de Borda Nous ne démontrons pas ces relations, car elles sont de moindre intérêt que les précédentes. Si on pose a + b + c = 2 s, alors [Duhamel, 1963a] : A 2 2 A sin 2 A ⇒ tan2 2 cos2 = = = sin s sin(s − a) sin b sin c sin(s − b) sin(s − c) sin b sin c sin(s − b) sin(s − c) sin s sin(s − a) Les formules de Néper De même [Duhamel, 1963a] : 5.1.3 tan A+B 2 = tan A−B 2 = cos a−b 2 cos a+b 2 sin a−b 2 sin a+b 2 cot C 2 cot C 2 L’équation différentielle fondamentale La différentiation de la relation fondamentale nous donne : − sin a da = = − sin b db cos c − sin c dc cos b + cos b db sin c cos A + cos c dc sin b cos A − sin A dA sin b sin c (− sin b cos c + cos b sin c cos A) db + (− sin c cos b + cos c sin b cos A) dc − sin A sin b sin c dA En utilisant la relation des cinq éléments pour les deux premiers termes du membre de droite et la relation des sinus pour le troisième, on aboutit à l’équation différentielle fondamentale de la trigonométrie sphérique [Duhamel, 1963b] : da = cos C db + cos B dc + sin b sin C dA 5.2 (5.5) Le triangle sphérique astronomique fondamental L’essentiel des calculs de détermination astronomique repose sur la construction d’un triangle sphérique faisant intervenir le pôle céleste P , le zénith du lieu d’observation Z et l’astre observé A. Certaines grandeurs seront considérées comme connues, certaines autres seront mesurées, et d’autres enfin seront calculées. 232 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION P P −AH AH π 2 π 2 −δ −Az −ϕ π 2 π 2 −ϕ Z −δ Az Z z z A A Figure 2.2 — Le triangle sphérique astronomique, avec un astre A à l’ouest puis à l’est, un observateur représenté par son zénith Z, et le pôle P . On note δ la déclinaison de l’astre, ϕ la latitude de l’observateur, z la distance zénithale de l’astre vu par l’observateur, Az son azimut et AH son angle horaire. Si l’astre est à l’est, l’angle horaire et l’azimut changent de signe. La formule fondamentale peut prendre trois formes [Duhamel, 1963b] : cos z = sin δ = sin ϕ = sin δ sin ϕ + cos δ cos ϕ cos AH (5.6) cos z sin ϕ − sin z cos ϕ cos Az cos z sin δ + sin z cos δ cos A (5.7) (5.8) La formule des sinus s’écrit [Duhamel, 1963b] : cos δ cos ϕ sin z = = − sin Az sin A sin AH Enfin, la relation des cinq éléments peut prendre six formes [Duhamel, 1963b] : sin z cos A sin z cos Az cos ϕ cos Az cos ϕ cos AH cos δ cos A cos δ cos AH (5.9) = sin ϕ cos δ − cos ϕ sin δ cos AH (5.10) = cos z cos δ − sin z sin δ cos A = sin ϕ sin z − cos ϕ cos z cos Az (5.13) (5.14) = sin δ cos ϕ − cos δ sin ϕ cos AH = sin δ sin z − cos δ cos z cos A = cos z cos ϕ − sin z sin ϕ cos Az (5.11) (5.12) (5.15) On considère enfin qu’un astre est à la digression maximale lorsqu’on a P[ AZ = π/2. Nous donnons ci-après deux cas classiques de liens entre les divers éléments. 5.2.1 Relation entre la distance zénithale et l’angle horaire Il est particulièrement utile d’établir la relation liant la distance zénithale à l’angle horaire. En effet, si l’on connaı̂t les coordonnées du lieu d’observation et celles de l’astre observé, on peut ainsi 233 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION observer la distance zénithale de celui-ci et en déduire l’angle horaire puis, partant, l’heure sidérale locale, par application directe de la relation fondamentale 5.6 : cos z = sin δ sin ϕ + cos δ cos ϕ cos AH Puis [Duhamel, 1963a] : HSL = 5.2.2 AH + α Relation entre l’azimut et la distance zénithale Là encore, on suppose connaı̂tre le lieu d’observation et l’astre observé. On va mesurer la distance zénithale, et on souhaite connaı̂tre l’azimut correspondant ; la relation fondamentale 5.7 nous le donne immédiatement : sin δ = cos z sin ϕ − sin z cos ϕ cos Az Mais on peut aussi utiliser la formule de Borda, avec ϕ + δ + z = 2 s [Duhamel, 1963a] : sin2 5.3 5.3.1 Az 2 = sin(s − z) sin(s − ϕ) sin z sin ϕ L’utilisation d’éphémérides Types de coordonnées Les diverses déterminations astronomiques supposent la connaissance des coordonnées α (ascension droite) et δ (déclinaison) des astres observés. Ces coordonnées sont de diverses natures : — coordonnées apparentes : coordonnées, à un instant t, de la direction d’un corps à la date t vue depuis le centre de la Terre, rapportées à l’équinoxe et l’équateur vrais de la date, ou à l’équinoxe vrai et l’écliptique moyen de la date ; — coordonnées astrométriques : coordonnées, à un instant t, de la direction d’un corps à la date t − ∆t, vu depuis le centre de la Terre à l’instant t, ∆t étant le temps de lumière, rapportées à l’équateur et l’équinoxe moyens d’une date de référence (J2000 par exemple) ; — coordonnées moyennes : coordonnées de la direction d’un corps rapportées à l’équinoxe et l’équateur (cas de coordonnées équatoriales) ou à l’écliptique (cas de coordonnées écliptiques) moyens de la date, ou d’une date de référence. La qualification de « moyens » ou de « vrais » des plans de référence et des origines font référence, nous le savons, à la prise en compte de la précession et de la précession ajoutée de la nutation respectivement. L’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides publie chaque année un Guide des données astronomiques pour l’observation du ciel ([Bureau des longitudes, 2004] pour l’année 2005), dans lequel les coordonnées publiées sont des coordonnées apparentes pour les corps du système solaire (sauf pour Pluton, les petits corps et les comètes : coordonnées astrométriques à J2000). En revanche, les coordonnées d’étoiles, que l’on trouve dans des catalogues (par exemple [Tirion, 1999]) sont publiées à une date de référence (J2000.0 par exemple). L’IMCCE recommande de les propager à la date des observations par la précession, dont il donne les paramètres caractéristiques ; on peut aussi utiliser les relations de la partie 4.4.3 page 219. Il donne cependant les coordonnées moyennes de l’année de quelques étoiles, ainsi que les coordonnées moyennes à J2000 de certaines étoiles doubles, ainsi que d’objets du ciel profond : amas d’étoiles, nébuleuses et galaxies. Enfin, on trouve les coordonnées de l’étoile polaire (α U M i) pour chaque jour au moyen de son passage supérieur au méridien international. L’IMCCE publie aussi la Connaissance des 234 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION Temps ([Bureau des longitudes, 1993] pour l’année 1993), dans laquelle les paramètres orbitaux des planètes sont décrits sous la forme de polynômes de Tchebychev, et ceux des satellites sous la forme de fonctions mixtes. 5.3.2 Éphémérides sous la forme de polynômes de Tchebychev Les éphémérides de corps du système solaire peuvent être présentées sous la forme de polynômes de Tchebychev. Un paramètre 1 , que l’on note arbitrairement y, se trouve ainsi décrit, sur un intervalle de temps [t0 ; t0 + ∆t] par une série de coefficients ap (0 ≥ p ≥ n − 1, n ∈ N). Chacun correspond au polynôme de Tchebychev de première espèce et de degré p, noté Tp (x). Si on cherche la valeur du paramètre en question à un instant t ∈ [t0 ; t0 + ∆t], on procède au changement de variable suivant [Bureau des longitudes, 1993] : x = −1 + 2 t − t0 ∆t ∈ [ −1 ; 1 ] On calcule ensuite la valeur des n polynômes de Tchebychev à la valeur x calculée. Ces polynômes se construisent par récurrence selon la méthode ci-dessous : T0 (x) T1 (x) = = 1 x Tp (x) = 2 x Tp−1 (x) − Tp−2 (x) ou bien par : Tp (x) = cos(p × arccos x) Le paramètre y à la date t se calcule ensuite par la somme : y(t) = n−1 X ap Tp (x) p=0 5.3.3 Éphémérides en ligne Le site internet de l’IMCCE propose aussi des calculs d’éphémérides de corps du système solaire en ligne, à l’adresse : http://www.bdl.fr/fr/ephemerides/ Pour ce qui intéresse la détermination astronomique, ce sont les pages suivantes qui sont susceptibles de nous intéresser : — Éphémérides générales de position des corps du système solaire : http://www.bdl.fr/fr/ephemerides/formulaire/form_ephepos.php — Éphémérides pour l’observation physique des corps du système solaire : http://www.bdl.fr/langues/fr/ephemerides/formulaire/form_ephephys.php Dans les deux cas, après le choix des corps dont on souhaite les éphémérides, vient le choix de la théorie planétaire à utiliser. Plusieurs sont disponibles, issues de deux sources : l’IMCCE 1. Cela peut être la longitude et la latitude écliptiques, la norme du rayon-vecteur, l’ascension droite, la déclinaison, la distance à la Terre d’une planète, ou, pour la Terre, le temps sidéral, l’équation des équinoxes, les termes de nutation, etc. 235 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION (théorie INPOP10a 2 ) et le JPL (Jet Propulsion Laboratory, théories DE403/LE403, DE405/LE405 et DE406/LE406) ; il faut savoir que ce sont les seuls établissements mondiaux à produire des éphémérides planétaires précises. Après le choix des théories, les deux pages diffèrent. En effet, les éphémérides générales de position proposent d’abord de choisir le centre du repère, qui peut être le centre du Soleil (héliocentre), celui de la Terre (géocentre), ou tout autre lieu sur Terre (des précisions peuvent être demandées lorsqu’on a choisi « Autres lieux »). Puis on peut choisir parmi deux plans de référence : l’équateur ou l’écliptique ; dans notre cas, il faudra choisir l’équateur. Selon le centre retenu, les types de coordonnées auxquelles on a accès ne sont pas tous possibles. Ainsi les coordonnées sphériques sont possibles dans tous les cas, et sont, bien sûr, l’ascension droite et la déclinaison (mais elles ne prennent pas la même valeur selon le centre choisi !). Les coordonnées rectangulaires sont des coordonnées cartésiennes classiques. Les coordonnées dédiées à l’observation sont les coordonnées sphériques à J2000 complétées des coordonnées apparentes de la date, de l’azimut astronomique (mesuré de 0˚ à 360˚ à partir du Nord, et positivement vers l’Est) et de la hauteur. Les coordonnées locales ne sont que l’azimut et la hauteur. Enfin, les coordonnées horaires sont l’angles horaires et la déclinaison. Dans nos développements, plusieurs coordonnées peuvent être utilisées pour les astres, si bien que plusieurs peuvent se montrer utiles ; il est naturellement très facile de générer un type puis l’autre, à condition bien sûr de maintenir les autres paramètres identiques. Passé le choix du type de coordonnées, il faut choisir le type d’éphémérides, parmi les éphémérides astrométriques de l’époque J2000, moyennes de l’époque J2000 (nous déconseillons leur utilisation, qui se rapportent à un plan de référence et à une origine remontant désormais à plusieurs années, c’est-à-dire ne tenant pas compte principalement de la précession, et de la nutation secondairement), moyennes de la date (tenant compte de la précession, c’est-à-dire référées à l’équateur ou l’écliptique et à l’équinoxe moyens de la date), et apparentes (tenant compte de la précession et de la nutation, donc référées à l’équateur ou l’écliptique et à l’équinoxe vrais de la date) ; l’écart entre ces deux types d’éphémérides est faible (de l’ordre de quelques dixièmes de secondes sexagésimales au maximum), si bien que l’une comme l’autre peut être choisie. Vient ensuite le choix de l’échelle de temps, où l’UTC et le TT sont possibles : l’échelle de temps UTC sera évidemment plus pratique à manipuler, bien que discontinue. Enfin, on choisit la date origine des éphémérides choisies, le nombre de dates désirées, et le pas d’échantillonnage, qui descend jusqu’à la seconde : si ce pas fait nécessairement augmenter le nombre de lignes du fichier de résultat ou, inversement, diminuer l’étendue temporelle des éphémérides, il permet cependant de disposer d’éphémérides que l’on peut bien plus facilement interpoler que si le pas choisi est à l’heure ou au jour. On peut aussi choisir le format des dates (calendrier grégorien, date julienne, au format ISO), selon ses besoins. Voici un exemple d’éphémérides de positions moyennes à J2000 pour Uranus, selon la théorie INPOP08, avec des coordonnées sphériques, avec l’échelle de temps du Temps terrestre (TT), et un échantillonnage au jour à partir du 3 janvier 2011 : ####################################################################################### EPHEMERIDES DES CORPS DU SYSTEME SOLAIRE ####################################################################################### Planete 7 Uranus Theorie planetaire INPOP08 Coordonnees Moyennes J2000 Centre du repere : heliocentre Coordonnees equatoriales (R.A, Dec.) ####################################################################################### Date TT R.A Dec. Distance V(1,0) 2. Integration Numerique Planetaire de l’Observatoire de Paris. Un site internet est consacré aux éphémérides publiées par l’IMCCE : http://www.imcce.fr/inpop/ 236 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION 3 4 5 6 7 1 1 1 1 1 2011 2011 2011 2011 2011 h m 15 15 15 15 15 42 42 42 42 42 s 47.00 47.00 47.00 47.00 47.00 h m 23 23 23 23 23 59 59 59 59 59 s 34.63297 36.98808 39.34319 41.69830 44.05341 o ’ -00 -00 -00 -00 -00 51 51 50 50 50 " ua. 23.2789 7.8113 52.3437 36.8759 21.4079 20.089354124 20.089325567 20.089296968 20.089268329 20.089239648 -7.19 -7.19 -7.19 -7.19 -7.19 Si l’on reprend maintenant le générateur d’éphémérides pour l’observation physique, celui-ci ne propose pas de centre du repère, car il ne s’agit plus de position, mais de directions, qui sont uniquement géocentriques. Les coordonnées possibles sont de type équatorial, écliptique, ou rectangulaire équatoriales. Le type d’éphémérides n’est pas proposé, car il s’agit toujours de coordonnées apparentes, c’est-à-dire de coordonnées référées au plan choisi vrai et à l’équinoxe vrai de la date. On choisit enfin, comme pour le générateur de positions, l’échelle de temps et les dates. Ainsi, selon ce dont on a besoin, le générateur d’éphémérides de l’IMCCE peut nous donner de façon très précise les coordonnées des corps que l’on étudie. Faisons aussi remarquer le générateur donne, pour chaque date, quantité d’autres informations sur l’astre observé (magnitude, etc.) que nous n’avons pas décrites ici, en nous restreignant aux aspects de positions. Le tableau 3.2 page suivante donne un exemple d’éphémérides pour l’observation de Saturne, avec des coordonnées écliptiques (λ, β), selon la théorie INPOP08, dans l’échelle TT, à partir du 3 janvier 2011, avec un échantillonnage au jour. 5.4 La détermination de l’heure À l’instar de la méthode introduite pour le temps des éphémérides, le mouvement de n’importe quel astre du système solaire, pourvu qu’il soit décrit par une théorie déterministe, peut être employé pour réaliser une échelle de temps. Dans l’histoire de l’exploration, avant de disposer d’horloges précises, c’étaient les satellites de Jupiter qui jouaient ce rôle, et plus particulièrement les phénomènes d’éclipses et d’occultations dont ils sont les acteurs. Les moments de l’immersion (entrée dans l’ombre) et de l’émersion (sortie) constituaient des instants privilégiés pour le calage des gardes-temps emportés en voyage, avec lesquels les observations astrométriques étaient datées (voir figure 4.3 page 238). Selon que Jupiter est à l’opposition, avant l’opposition ou après, seules certaines phases du phénomène peuvent n’être visibles. C’est en étudiant la datation de ces évènements que Römer 3 a constaté tantôt une avance, tantôt un retard sur la date prévue, et en a conclu à la finitude de la vitesse de la lumière, qui met donc un certain temps à parcours la distance séparant le satellite et la Terre, cette distance dépendant en particulier de la position relative de la Terre et de Jupiter. 5.5 Le problème de la datation des observations Les relations ci-dessous font intervenir l’heure sidérale de Greenwich et celle du lieu d’observation : HSL = = AH + α HSG + λ On peut calculer HSG à 0h U T 1 à partir des polynômes astronomiques déjà vus (page 183). Mais il faut le connaı̂tre quand on observe, et ce n’est pas forcément à 0h U T 1. On a donc besoin d’un garde-temps (une horloge) que l’on déclenche à un instant de référence connu dans l’échelle de temps reliée à Greenwich : ceci nous permet de dater nos observations dans 3. Ole Christensen Römer, 1644 – 1710. 237 Corps : Saturne Rayon equatorial : +58232.00 km Rayons des axes (a >= b >= c) : +60268.00 x +60268.00 x +54364.00 km Coordonnees equatoriales du pole (J2000) : RA0 = 40.589 deg. ; De0 = 83.537 deg. Angle de rotation absolue a l’epoque de ref. : W = 38.900 deg. ; sWp = +1. Date 3 4 5 6 7 1 1 1 1 1 2011 2011 2011 2011 2011 > > > > > > > 16 16 16 16 16 25 25 25 25 25 TT h 40.0 40.0 40.0 40.0 40.0 SEP SSP NP d pole Mv Phase R.App Dg Dh PAQ Q Lambda Long Lat. Long Lat. m s o o o o o " o " ua ua o " d ’ " 149.93 10.18 144.58 7.62 357.28 7.68 1.20 5.873 8.654920 0.960115E+01 0.958986E+01 292.62 0.045 196 23 19.643 -04 21 17.37 59.10 10.19 53.74 7.64 357.28 7.70 1.20 5.879 8.669900 0.958456E+01 0.959016E+01 292.57 0.045 196 25 35.888 -04 21 55.64 328.27 10.20 322.90 7.65 357.29 7.71 1.19 5.883 8.684945 0.956796E+01 0.959046E+01 292.53 0.045 196 27 46.445 -04 22 31.48 237.43 10.21 232.06 7.67 357.29 7.72 1.19 5.885 8.700050 0.955135E+01 0.959076E+01 292.48 0.045 196 29 51.273 -04 23 4.88 146.59 10.22 141.21 7.68 357.29 7.74 1.18 5.885 8.715211 0.953473E+01 0.959106E+01 292.43 0.045 196 31 50.342 -04 23 35.84 Repere geocentrique Theorie planetaire INPOP08 Ephemeride apparente (equateur vrai ; equinoxe de la date) Coordonnees ecliptiques (lambda, beta) Format des donnees : (I2,1x,I2,1x,I5,1x,I2,1x,I2,1x,F4.1,1x,F6.2,1x,F6.2,1x,F6.2,1x,F6.2, 1x,F6.2,1x,F6.2,1x,F6.2,1x,F7.3,1x,F9.6,1x,E12.6,1x,E12.6,2x,F6.2, 1x,F7.3,2x,I3,1x,I2,1x,F6.3,1x,A1,I2.2,1x,I2,1x,F5.2) Tableau 3.2 — Exemple d’éphémérides de Saturne pour l’observation. Beta d ’ " CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION > > > > > 238 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION j hhmm.m 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 1 1 1 1 sat ph. 2 4 536.0 643 12 9.0 17 7 1851 2324 2 042 2 138 2 255 2 2033 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 j hhmm.m 0 1 III EM. 221.9 III E.C. 454 I P.C. 510.4 III E.F. 613 I O.C. 7 8 I P.F. 826 I O.F. 0 4.8 1 8 344 352 623 1113 1419 1638 1753 1911 1924 20 7 2124 I I II II IV IV I IM. E.F. IM. E.F. IM. EM. P.C. I I I I O.C. P.F. O.F. IM. I II II II II III III III I I III I I E.F. P.C. O.C. P.F. O.F. P.C. P.F. O.C. P.C. O.C. O.F. P.F. O.F. 4 15 3 4 1833.7 4 20 6 I IM. I E.F. II IM. 5 5 5 5 5 128.5 1223 1340 1437 1553 II I I I I E.F. P.C. O.C. P.F. O.F. 6 6 6 6 6 6 932 13 2.6 1429 17 2 1713 1942 I I II II II II IM. E.F. P.C. O.C. P.F. O.F. 7 7 7 7 7 7 7 1 5 413 624.6 653 8 9 9 7 911.9 III III III I I I III IM. EM. E.C. P.C. O.C. P.F. E.F. sat ph. 7 1022 8 4 2 8 731.5 8 927 8 1447.2 9 123 9 238 9 337 9 451 9 2231 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 2 0.3 249 350 414 620 634 9 0 1527 1832 1952 2041 21 7 22 6 2320 2325 11 17 1 11 2029.2 11 2250 j hhmm.m I O.F. I I II II IM. E.F. IM. E.F. I I I I I P.C. O.C. P.F. O.F. IM. I IV II IV II II II III III I III I I I III E.F. P.C. P.C. P.F. O.C. P.F. O.F. P.C. P.F. P.C. O.C. O.C. P.F. O.F. O.F. I IM. I E.F. II IM. 12 12 12 12 12 4 6.5 1422 1536 1636 1749 II I I I I E.F. P.C. O.C. P.F. O.F. 13 13 13 13 13 13 1131 1458.1 1711 1939 1956 2218 I I II II II II IM. E.F. P.C. O.C. P.F. O.F. 14 14 14 14 14 14 14 14 521 828 852 10 5 1028.1 11 6 1218 1314.2 III III I I III I I III IM. EM. P.C. O.C. E.C. P.F. O.F. E.F. 15 6 1 15 927.0 15 1213 15 1725.2 I I II II IM. E.F. IM. E.F. 16 16 16 16 sat ph. 322 434 536 647 I I I I j hhmm.m P.C. O.C. P.F. O.F. 17 17 17 17 17 17 17 17 17 17 030 I IM. 355.8 I E.F. 633 II P.C. 857 II O.C. 918 II P.F. 1137 II O.F. 1944 III P.C. 2152 I P.C. 2249 III P.F. 23 3 I O.C. 18 18 18 18 18 18 18 18 0 6 I P.F. 043 III O.C. 116 I O.F. 327 III O.F. 1238 IV IM. 1412 IV EM. 19 0 I IM. 2224.7 I E.F. 19 19 19 19 19 19 137 644.4 1622 1732 1836 1945 II II I I I I IM. E.F. P.C. O.C. P.F. O.F. 20 20 20 20 20 1330 1653.6 1956 2216 2240 I I II II II IM. E.F. P.C. O.C. P.F. 21 21 21 21 21 21 21 21 21 055 940 1052 12 1 1247 13 6 1413 1430.9 1715.7 II III I I III I I III III O.F. IM. P.C. O.C. EM. P.F. O.F. E.C. E.F. 22 8 0 22 1122.5 22 15 0 22 20 3.0 I I II II IM. E.F. IM. E.F. P.C. O.C. P.F. O.F. 23 23 23 23 522 630 736 842 I I I I 24 230 I IM. 24 24 24 24 24 24 sat ph. 551.3 918 1134 12 3 1414 2352 25 0 5 25 059 25 2 6 25 3 8 25 311 25 446 25 728 25 21 0 26 26 26 26 26 26 26 26 26 020.2 424 922.1 1822 1928 2036 2140 2252 2354 27 1530 27 1849.0 27 2241 I II II II II I E.F. P.C. O.C. P.F. O.F. P.C. III I I III I III III I P.C. O.C. P.F. P.F. O.F. O.C. O.F. IM. I II II I I I I IV IV E.F. IM. E.F. P.C. O.C. P.F. O.F. P.C. P.F. I IM. I E.F. II P.C. 28 28 28 28 28 28 28 28 28 28 28 053 126 332 1252 1357 14 3 15 6 16 9 17 8 1833.9 2117.4 II II II I I III I I III III III O.C. P.F. O.F. P.C. O.C. IM. P.F. O.F. EM. E.C. E.F. 29 29 29 29 10 0 1317.9 1748 2240.7 I I II II IM. E.F. IM. E.F. I I I I P.C. O.C. P.F. O.F. I I II II II II IM. E.F. P.C. O.C. P.F. O.F. 30 722 30 826 30 936 30 1038 31 31 31 31 31 31 431 746.8 12 5 1411 1449 1650 Figure 4.3 — Dates (en temps terrestre TT) et circonstances des phénomènes mutuels des satellites de Jupiter pour le mois de janvier 2011, et graphiques d’élongation. Acronymes : E.C. : commencement d’éclipse ; E.F. : fin d’éclipse ; IM. : début d’occultation (immersion) ; EM. : fin d’occultation (émersion) ; P.C. : commencement de passage du satellite devant Jupiter ; P.F. : fin du passage du satellite ; O.C. : commencement du passage de l’ombre du satellite sur le disque de Jupiter ; O.F. : fin du passage de l’ombre. Nomenclature des satellites : I : Io ; II : Europe ; III : Ganymède ; IV : Callisto. Source de la table : site internet de l’IMCCE ; source du graphique : site internet de Jean Vallières et Christian Sanchez, à l’adresse : http://www.astrosurf.com/ephemerides/. 239 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION l’échelle du temps sidéral de Greenwich. Les instants de référence dans l’échelle de temps de Greenwich sont par exemple des bips radio-diffusés. Pour déterminer l’heure sidérale locale, il faut observer un astre dont on connaı̂t l’ascension droite α, et mesurer, ce qui est souvent difficile, son angle horaire ; cette grandeur peut cependant être déduite par le calcul à partir de mesures plus aisées à réaliser, comme nous le verrons plus loin. On a ensuite accès directement à notre longitude. En outre, si l’accès à l’échelle de temps de référence (Greenwich, UTC, etc.) est difficile, le garde-temps dérive. Il faut donc caler le garde-temps avant les observations et après, et en calculer la dérive : m t1ref − t0ref t1gt − t0gt = La date de chaque observation mesurée dans l’échelle de temps du garde-temps peut ainsi être replacée dans l’échelle de temps de référence : tobs ref 5.6 = t0ref + m × tobs gt La détermination de la position Le problème du point astronomique ou de la détermination astronomique consiste à utiliser le ciel pour se positionner sur Terre, la médiation entre ces deux espaces étant la rotation de la Terre, c’est-à-dire le temps universel. Les instruments utilisés historiquement par l’IGN pour ce genre de travaux sont l’astrolabe à prisme, l’astrolabe impersonnel de Danjon 4 , les célèbres théodolites Wild T3 et T4, le cercle zénithal IGN modèle 1947, ainsi que les théodolites Kern DKM 3 et Kern DKM 3-A [Duhamel, 1963b]. 5.6.1 La détermination astronomique par observations méridiennes Dans cette partie, la déclinaison et la latitude sont comptées positivement de l’équateur vers le nord, tandis que la distance zénithale est comptée positivement du zénith vers le sud. Si l’on observe un astre de coordonnées connues, on a la relation [Duhamel, 1963a] : ϕ = δ + zm La détermination de la latitude semble donc aisée. On notera que la manipulation de l’appareil optique introduit la possibilité de plusieurs méthodes, dont celles de Talcott et de Villarceau. En revanche, la détermination de la longitude nécessite la manipulation des grandeurs temporelles, et s’avère plus délicate. Au passage au méridien, par définition, l’angle horaire est nul, ce qui permet d’avoir directement l’heure sidérale locale par l’ascension droite : AHm = 0 ⇒ HSL = α La longitude ne peut être obtenue qu’en connaissant l’heure sidérale du méridien origine (en l’occurrence Greenwich) au moment de l’observation. Mais les moyens de l’obtenir ne sont pas 4. André Danjon, 1890 – 1964. 240 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION Figure 6.4 — Un théodolite de précision Wild T3 de 1975. Source : site internet de Wild Heerbrugg : http:// www.wild-heerbrugg.com/ theodolites.htm. Figure 6.5 — Un théodolite universel Wild T4 de 1980. Source : site internet de Wild Heerbrugg. Figure 6.6 — Un théodolite Kern DKM 3-A. Source : site internet http://www. globalsurveyors.com.au/ 2008/12/kern-dkm3a-help. html Figure 6.7 — Un astrolabe impersonnel de Danjon, ici modifié pour l’observation du Soleil à Santiago du Chili. Source : [Noël, 2004]. 241 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION simples : par le passé, la TSF (Transmission Sans Fil) permettait de l’obtenir ; aujourd’hui, en France, on peut avoir l’heure légale en écoutant France Inter à chaque heure entière par la succession de quatre tops, mais on peut aussi téléphoner à l’horloge parlante de l’Observatoire de Paris (36 99), qui la donne toutes les dix secondes. L’heure légale française étant décalée d’un nombre entier d’heures par rapport à l’échelle de temps UTC, on peut calculer l’heure sidérale moyenne de Greenwich HSM G à partir d’une relation déjà vue (page 183), à condition de le connaı̂tre à 0h U T 1 du jour de l’observation. Si on note ∆tG le biais du garde-temps avec le temps sidéral de Greenwich, et ∆tL son biais avec le temps sidéral local, alors on a : λ = HSL − HSG = ∆tL − ∆tG Les observations méridiennes sont cependant difficiles à réaliser pour plusieurs raisons : — il est délicat de placer le fil de l’instrument parfaitement sur le méridien ; on peut cependant observer tantôt des étoiles rapides (équatoriales) et lentes (circumpolaires) ; — l’erreur de tourrillonnement est à compenser, ce que l’on peut faire en observant une étoile peu avant son passage au méridien avec le cercle à droite, puis juste après son passage avec le cercle à gauche. Cette méthode a priori simple impose donc une contrainte pratique difficile, celle d’observer au méridien. On lui préfère la méthode dite des droites de hauteur. 5.6.2 La méthode des droites de hauteur Cette méthode nécessite de connaı̂tre une position approchée, ce qui est facile à obtenir, par le biais d’une carte, d’une observation méridienne ou d’une autre technique. Les coordonnées approchées sont notées ϕ′ et λ′ . Le zénith approché correspondant à ce lieu est noté Z ′ . Grandeurs approchées On observe un astre dont on connaı̂t les coordonnées α et δ. On peut calculer son angle horaire approché pour une heure sidérale locale approchée : AH ′ = HSL′ − α La distance zénithale approchée est obtenue par la formule fondamentale : cos z ′ = sin δ sin ϕ′ + cos δ cos ϕ′ cos AH ′ Observations On voit que z ′ est la distance zénithale qu’on observerait si on était vraiment aux coordonnées ϕ et λ′ . Or nous n’y sommes pas ! Nous écrivons les coordonnées vraies, et inconnues, du lieu d’observation : ′ ϕ = ϕ′ + dϕ λ = λ′ + dλ 242 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION La grandeur mesurée est la distance zénithale z (et datée !), liée à la distance zénithale approchée par : z = z ′ + dz Or, précisément, dz est lié à dϕ et dλ par l’équation différentielle fondamentale de l’astronomie de position. Au regard de la figure 2.2 page 232 l’équation différentielle s’écrit (avec la convention des azimuts géodésiques, c’est-à-dire mesurés depuis le nord) : dz π π π − ϕ + cos A d − δ + sin − ϕ sin(−Az) d(AH) 2 2 2 = − cos Az dϕ − cos A dδ − cos ϕ sin Az d(AH) = cos(−Az) d Les coordonnées équatoriales de l’étoile étant fixes au moment de l’observation, on a dδ = 0. Donc [Testard, 1968] : dz = − cos Az dϕ − cos ϕ sin Az d(AH) Pour l’observation de l’étoile Si (αi , δi ), nous écrivons : dzi = ziobs − zicalc où le zicalc n’est autre que la nouvelle notation du z ′ vu précédemment. L’équation différentielle liée à l’étoile Si est donc : dzi = − cos Azi dϕ − cos ϕ′ sin Azi d(AH) Les inconnues à cette équations sont dϕ et d(AH). L’azimut qui intervient dans cette équation est soit lu sur le limbe horizontal (si celui-ci est orienté) soit calculé selon la relation [Caillemer & Lecocq, 1983] : sin Azi cos δ = − sin AHi sin zi Qu’il soit exact ou seulement approché est sans importance ; on peut donc utiliser AHi′ et zi′ pour le calculer. En effet, [Duhamel, 1963a] indique que « on aura pu s’orienter approximativement par une opération préalable, ou bien on peut calculer l’azimut approché A′ (bien suffisant pour le graphique) en même temps qu’on calcule z’ par la formule des sinus dans PZ’S », l’auteur notant A′ l’azimut approché, z ′ la distance zénithale approchée et S l’étoile observée. Dans un autre document, [Duhamel, 1963b] explique que « la valeur de A′ ainsi obtenue sera suffisante pour calculer dϕ et d(AH). On pourrait au besoin calculer (...) l’azimut réel de chaque étoile observée avec la vraie valeur de AH et en déduire l’orientation de l’instrument ». L’équation d’observation peut prendre une autre forme, notamment si on exprime d(AH) en secondes de temps et dzi et dϕ en secondes sexagésimales : dzi[′′ ] = − cos Azi dϕ[′′ ] − 15 cos ϕ′ sin Azi d(AH)[s] Résolution du problème 243 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION On pose maintenant : x = y = cos ϕ′ d(AH) dϕ L’équation différentielle devient : −dzi = y cos Azi + x sin Azi C’est bel et bien l’équation d’une droite Di d’équation y = f (x), appelée droite de hauteur. Il est facile de mettre en équation la forme matricielle d’un jeu de N observations en vue d’une résolution par moindres carrés. Mais la résolution graphique est également faisable et présente un intérêt certain. La droite de hauteur est tracée dans un repère dont l’origine figure le point approché (ϕ′ , λ′ ) et les axes sont le parallèle tangent en ce point et le méridien tangent en ce point. À partir de l’origine O, on trace le segment faisant un angle π + Azi avec l’axe Oy, de longueur dzi , ce qui nous donne un point Hi (l’ajout de π à l’angle vient du signe − devant dzi ). La droite Di est perpendiculaire au segment tracé, en Hi . La solution au problème, c’est-à-dire les coordonnées estimées du lieu d’observation, est obtenue en tant qu’intersection de l’ensemble des droites ainsi tracées. Ce point a des coordonnées : ∆X ∆Y = cos ϕ′ d(AH) = dϕ ce qui nous donne directement les inconnues recherchées. Les coordonnées obtenues sont des coordonnées géographiques astronomiques : λa et ϕa , à partir desquelles il est possible de calculer la déviation de la verticale (voir la partie 4.1.1 page 178). Si on ajoute, sciemment ou par erreur, une même quantité r à chaque dzi , les droites Di sont toutes décalées de r selon leur direction Azi ; elles ne se coupent plus en un même point, mais enveloppent un cercle de centre M , qui est le point recherché, et de rayon r. De cette façon, le point M est plus précisément estimé qu’avec l’intersection de toutes les droites. C’est précisément le but de la méthode des hauteurs égales. 5.6.3 La méthodes des hauteurs égales Principe de la méthode La méthodes des hauteurs égales n’est qu’un cas particulier de la méthode des droites de hauteur. S’appuyant sur la remarque selon laquelle, en ajoutant une quantité égale pour toutes les droites à dzi , les droites deviennent tangentes à un cercle de centre les coordonnées recherchées et de rayon la quantité ajoutée, on va observer des étoiles passant toutes, approximativement, à une même distance zénithale. La quantité ajoutée est alors la réfraction que nous avons déjà étudiée ; celle-ci ne dépend que de la distance zénithale, si bien qu’en observant toutes les étoiles à la même distance zénithale, toutes seront affectées de la même réfraction. On peut même aller plus loin : si l’on trace les droites de hauteurs en corrigeant la distance zénithale choisie pour observer de la réfraction calculée, il reste une quantité de réfraction non modélisée qui s’ajoute à dzi , et qui constitue le rayon d’un cercle dont les droites de hauteur sont les tangentes. Cette partie s’inspire de [Bouteloup, 2003]. 244 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION y = dϕ H1 dz 1 + r E1 E2 H2 M ∆Y O r Az3 ∆X x = cos ϕ d(AH) H3 E3 H4 E4 Figure 6.8 — Interprétation géométrique de la méthode des droites de hauteurs. Par soucis de simplicité, nous n’avons représenté qu’un dzi et un Azi . On part de la relation : cos z avec AH = sin ϕ sin δ + cos ϕ cos δ cos AH 366, 2422 = HSG(t = 0 U T 1) + tUT 1 + λ − α 365, 2422 Dans cette équation, α et δ sont connus, issues d’un catalogue propagé à la date de travail ; z et tUT 1 sont mesurés, tandis que λ et ϕ sont les inconnues. Ici, la distance zénithale est modélisée selon : z ≡ z vraie = z obs + ρ + ǫz Dans cette méthode, on fixe une distance zénithale z0 = 30˚, telle que : z obs = z0 + dz où zobs est la distance zénithale observée, ρ la réfraction, ǫz l’erreur de mesure. Si bien que : z vraie = z0 + dz + ρ0 + ǫz Le terme ρ0 est la réfraction calculée pour la distance zénithale z0 , ce qui fait que l’erreur ǫz encaisse l’erreur de mesure et l’erreur sur la réfraction, ce qui en fait une inconnue supplémentaire à déterminer. 245 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION Figure 6.9 — Exemple de résolution graphique de droites de hauteur : le 6 septembre 1946 à Bélus. Source : [Institut Géographique National, 1953]. Notre équation d’observation s’écrit donc : cos(z0 + dz + ρ0 + ǫz ) = sin ϕ sin δ + cos ϕ cos δ cos AH dont la différenciation donne (les termes en dδ sont annulés, la déclinaison de l’astre observé étant supposée connue), l’indice i correspondant à l’observation de la ie étoile : − sin z vraie dz vraie ⇐⇒ − (d(δzi ) + d(ǫz )) sin z vraie = cos ϕ dϕ sin δ − sin ϕ dϕ cos δ cos AH − cos ϕ cos δ sin AHd(AH) = (sin δi cos ϕ − cos δi sin ϕ cos AHi ) dϕ − cos δi cos ϕ sin AHi d(AH) Or les grandeurs δzi et ǫz sont petites, et nous nous permettons d’écrire : d(δzi ) ≈ d(ǫz ) ≈ δziz ǫz De plus, si nous développons le sinus d’une somme, nous obtenons : 246 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION sin z vraie ≡ sin(z0 + δz + ρ0 + ǫz ) = ≈ sin(z0 + ρ0 ) cos(δz + ǫz ) + cos(z0 + ρ0 ) sin(δz + ǫz ) sin(z0 + ρ0 ) + (δz + ǫz ) cos(z0 + ρ0 ) Et donc, nous pouvons écrire : (d(δzi ) + d(ǫz )) sin z vraie = (δzi + ǫz ) sin z vraie ≈ (δzi + ǫz ) [sin(z0 + ρ0 ) + (δzi + ǫz ) cos(z0 + ρ0 )] ≈ (δzi + ǫz ) sin(z0 + ρ0 ) + O((δzi + ǫz )2 ) ≈ (δzi + ǫz ) sin z vraie Le membre de gauche de l’équation d’observation a maintenant la forme la plus simplifiée. Le membre de droite est, lui, à réécrire. On utilise d’abord la relation des cinq éléments : sin δ cos ϕ − cos δ sin ϕ cos AH = sin z cos Az où z est bien sûr z vraie . La relation des sinus nous donne par ailleurs : et donc sin (π/2 − δ) sin(−Az) cos δ cos ϕ sin AH = = sin z sin AH cos ϕ sin z sin(−Az) Compte-tenu de ces développements, la relation d’observation s’écrit finalement : −(δzi + ǫz ) sin z vraie ⇐⇒ δzi + ǫz = = sin z vraie cos Azi dϕ − cos ϕ sin z vraie sin(−Az) d(AH) − cos Azi dϕ − cos ϕ sin(Az) d(AH) Cette relation nous montre que l’interprétation géométrique des observations de la méthode des hauteurs égales est exactement la même que celle de la méthode des droites de hauteurs. La position vraie est placée en : ∆X = cos ϕ d(AH) ∆Y = dϕ et est le centre d’un cercle de rayon ǫz , qui est un des paramètres à déterminer. Déroulement des opérations Une fois la date des opérations arrêtée, il faut générer un catalogue d’étoiles à cette date, c’està-dire propager leurs coordonnées d’une époque de référence à l’époque des observations. Il faut ensuite se doter d’un garde-temps qui soit synchronisé avec une échelle de temps de référence. L’instrument est ensuite installé, avec les nivelles de contrôle « Talcott », et pointé vers z = 29˚59′ 30′′ , c’est-à-dire 30◦ 00′ 00′′ corrigés d’une valeur approchée de la réfraction (l’appoint sera une des inconnues). On détermine ensuite, même de façon approchée, un azimut de référence. On peut ensuite commencer à observer les étoiles, en choisissant soigneusement, si cela n’a pas été fait lors de la génération du catalogue, celles qui sont les plus brillantes, et celles dont la distribution en azimut assure la meilleure répartition au regard des exigences de la méthode. Pour chaque étoile, 247 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION on commence par effectuer le pointage en azimut, puis par observer les nivelles de contrôle, avant de procéder à la datation sur les onze fils (ce qui, par différence des fils symétriquement disposés de part et d’autre du fil central, donne plusieurs estimations de l’heure de passage, dont la moyenne est la valeur retenue, nonobstant le rejet d’observations manifestement erronées). Cette opération est répétée autant qu’il y a d’étoiles à observer. Enfin, le calcul de la position peut être effectué, sans oublier les corrections à apporter. La correction du niveau par les « Talcott » Afin de s’assurer du maintien du niveau de l’appareil, on utilise des nivelles de contrôle. Avant les observations, on a : ℓ0 = ℓ1 + ℓ2 la position initiale de la bulle. À chaque observation i : ℓi = ℓi;1 + ℓi;2 On note : ∆ni = ℓi − ℓ0 2 La distance zénithale observée à l’étoile i est : zi = 30◦ + ρ0 + ∆z + ∆ni + ∆ρi avec ρ0 ≈ 30′′ , ∆ρi la valeur de l’appoint de la réfraction pour l’observation de l’étoile i, ∆ni la variation de niveau lors de l’observation de l’étoile i, et ∆z l’inconnue. Observations au réticule L’angle entre la trajectoire apparente de l’étoile et le fil horizontal est le calage qui vaut l’angle à l’astre du triangle de position (seulement si l’appareil est bien orienté en azimut). Il est donc calculable et doit être annoncé à l’observateur. Choix des étoiles Il faut chercher à minimiser l’influence de l’erreur de ∆z sur λ et ϕ. Ainsi sur chaque coordonnée : — en latitude : étoiles aux azimuts 0 et 200 gon ; problème : elles rasent le fil horizontal... — en longitude : étoiles aux azimuts 100 et 300 gon. En principe : deux étoiles par 8e de cercle azimutal (soit seize étoiles), ou plutôt : — trois étoiles aux azimuts 50, 150, 250, 350 gon ; — deux étoiles aux azimuts 100 et 300 gon. 248 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION Figure 6.10 — Le reticule et les onze fils utilisés pour la méthode des hauteurs égales. L’angle à l’astre S est aussi l’angle entre le fil horizontal et la trajectoire de l’étoile. Après les calculs... Si les observations sont datées en U T C, il faut faire une correction de longitude sur celle calculée par [Duquenne, 1992] : ∆λ = UT C − UT 1 Les coordonnées calculées sont rapportées au pôle instantané de rotation. Il faut les ramener au pôle conventionnel (ITRS) et utiliser XP et YP [Duquenne, 1992] : ∆λ ∆ϕ = −(XP sin λ + YP cos λ) tan ϕ = −XP cos λ + YP sin λ Enfin, une correction d’altitude est à appliquer [Duquenne, 1992] : ∆ϕ = −0, 00047′′H sin 2ϕ 5.7 5.7.1 La détermination d’un azimut par observation d’un astre Détermination de la direction d’un lieu de coordonnées connues depuis un lieu inconnu Cette méthode repose sur la connaissance des coordonnées d’un astre et de celles du lieu dont on cherche la direction horizontale, c’est-à-dire de l’azimut. On peut voir sur la figure 7.11 page suivante que si l’astre observé (noté A) passe au zénith d’un des deux lieux considéré (noté M2 ), alors son azimut vu depuis l’autre lieu (noté M1 ) est le même que celui du lieu au zénith duquel passe l’astre. Le passage au zénith va imposer des conditions à notre problème. Ainsi : — la déclinaison de l’astre est égale à la latitude du lieu M2 : δA = ϕP ; — l’ascension droite de l’astre est égale à l’heure sidérale locale de M2 : αA = HSLM2 . 249 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION Figure 7.11 — Deux lieux terrestres observant le même astre. La première condition est permanente, sauf si on exploite un astre mobile. La rotation diurne, une nouvelle fois, exige d’être prise en compte pour réaliser la deuxième condition. Ainsi on peut écrire : HSL(tT U ) = ⇒α = 366, 2422 tT U + λ 365, 2422 366, 2422 HSG(t = 0h T U ) + tT U + λ 365, 2422 HSG(t = 0h T U ) + Puisqu’on sait quel astre on observe, on connaı̂t α ; on connaı̂t aussi λ car on connaı̂t le lieu au zénith duquel l’astre passe. Enfin, on connaı̂t aussi HSG(t = 0h T U ) par le biais du polynôme déjà vu. La seule inconnue à calculer est donc tT U , heure en temps universel à laquelle, depuis M1 , on doit observer l’astre A pour avoir la direction de M2 . En pratique, cette méthode n’est pas très précise car il est rare de disposer d’un astre observable dont la déclinaison soit exactement la latitude du lieu : cette condition n’est donc réalisée que de façon approximative. Par exemple, si on utilise le Soleil, les lieux au zénith desquels celui-ci passe au zénith sont uniquement ceux situés entre les deux tropiques. On choisit donc un des deux moments de l’année 5 où la déclinaison du Soleil atteint approximativement la latitude du lieu. On calcule ensuite l’instant où il passe au méridien : la conjugaison des deux conditions fait qu’il passe au zénith. A priori, cette méthode ne requiert pas de calcul d’azimut. Elle permet simplement de connaı̂tre assez facilement la direction d’un lieu éloigné. Ceci est notamment utilisé pour déterminer la direction des lieux saints, exigence requise pour la construction des édifices cultuels ou pour la prière. 5. Sauf sur le tropique où il n’y en a qu’un. 250 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION Le calcul de l’azimut, si on souhaite le faire, requiert d’utiliser les relations de la trigonométrie sphérique, en tenant compte aussi de la réfraction atmosphérique. 5.7.2 Détermination de la direction d’un lieu de coordonnées inconnues depuis un lieu connu On peut aussi être conduit à déterminer un azimut en connaissant la latitude et la longitude du lieu d’observation, ainsi qu’un troisième élément du triangle de position : — l’heure locale, et évidemment l’heure sidérale, d’observation d’un astre, ce qui permet, avec son ascension droite, de connaı̂tre son angle horaire ; — et/ou la distance zénithale de l’astre. L’azimut ainsi déterminé est d’abord celui d’un astre, qui peut donner accès à celui d’un repère terrestre. La première méthode s’appelle la méthode de l’heure (ou méthode de l’angle horaire), et la deuxième la méthode de la distance zénithale. Dans ces méthodes, l’usage veut que l’on observe le Soleil (avec toutes les précautions qui s’imposent, évidemment) ou l’Étoile polaire, classiquement avec un théodolite Wild T2. Figure 7.12 — Un théodolite Wild T2 de 1950. Source : site internet de Wild Heerbrugg, à l’adresse http://www.wildheerbrugg.com/wild%20t2.htm. La méthode de l’heure (ou de l’angle horaire) Description générale Le principe repose sur l’observation d’un astre, qui peut être l’Étoile polaire ou le Soleil ou tout corps dont on connaı̂t les éphémérides, qui va servir de référence azimutale ; les différences de lectures sur le cercle horizontal des visées sur l’astre et sur la direction matérialisée dont on veut déterminer l’azimut donne ainsi accès à son azimut. Après plusieurs visées au théodolite sur la direction matérialisée, on doit faire des lectures précisément datées de cercle horizontal sur l’astre utilisé. Si on utilise le Soleil, la difficulté d’observer son centre impose d’observer son bord ; deux possibilités s’offrent à nous : le bord qui mord et le bord qui démord. La technique du bord qui mord consiste à dater l’instant où, sous l’effet de la rotation de la Terre, le fil 251 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION de l’appareil attaque le disque solaire ; la technique du bord qui démord consiste à dater l’instant où, sous le même effet, le fil de l’appareil quitte le disque solaire. Dès que le fil démord, on lit le temps indiqué par le chronomètre puis, en protégeant son œil par le biais d’un filtre, on lit le cercle horizontal. Si on observe l’Étoile polaire, son aspect ponctuel ainsi que sa luminosité soutenable pour les yeux permet d’éviter d’une part d’avoir à pointer un bord, d’autre part d’utiliser un filtre. Après plusieurs mesures de ce type, on ferme en ré-observant la direction matérialisée 6 . L’ensemble des opérations est réalisée sur un cercle, puis sur un autre. Origine du limbe Nord géographique Astre Z ℓastre Azastre ℓ Az Diretion matérialisée Figure 7.13 — Principe de la détermination d’azimut par la méthode de l’heure. Figure 7.14 — Principe d’observation du bord qui démord. Source : illustration de J.-B. Tranchant, élève à l’ENSG. Il est alors nécessaire de récupérer les éphémérides de position de l’astre pour chaque époque d’observation : il est indispensable de prendre les coordonnées apparentes ou moyennes de la date, de type sphérique ; le cas échéant, le rayon apparent du Soleil est aussi à récupérer. Les dates des observations dans l’échelle de temps de référence et les coordonnées de l’astre à chacune de ces dates étant disponibles, on peut calculer son angle horaire par : AH(tUT C ) = HSG(t = 0h U T C) + 366, 2422 tUT C + λ − α(tUT C ) 365, 2422 On calcule l’azimut de l’astre à chaque mesure avec la formule des cotangentes (et le fait que tan(π/2 − x) = cot x) : tan Az = sin AH sin ϕ cos AH − cos ϕ tan δ On ne manquera pas d’inverser la fonction arctangente en utilisant cette relation : 6. Si, entre les mesures sur l’astre et la direction, on repasse par le 0 de l’appareil, il faut retirer 200 grades à l’une des deux mesures. 252 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION tan α ⇐⇒ α x y = x = arctan y = 2 arctan y p x + x2 + y 2 ! Pour chaque observation ainsi datée 7 , on doit calculer sa distance zénithale : cos z = sin ϕ sin δ + cos ϕ cos δ cos AH La distance zénithale doit être corrigée de la réfraction, selon : z vraie = z + (n0 − 1) tan z⊙ Cependant, si on a mesuré le bord du Soleil, il faut corriger les observations pour en déterminer l’azimut, car l’azimut obtenu précédemment est celui du centre, car issu des éphémérides : Az⊙obs = C ± Az⊙ r⊙ sin z vraie où r⊙ est l’angle du rayon apparent du Soleil. Le signe + est utilisé en bord qui mord, le − en bord qui démord. L’azimut de la direction matérialisée est ensuite calculé à partir de chaque lecture sur l’astre selon : Azd = Az⊙obs + ℓ − ℓ⊙ où ℓ est une moyenne des lectures horizontales sur la direction observée. L’azimut de la cible est ensuite une moyenne de ces azimuts calculés. On peut d’ailleurs vérifier que l’azimut du limbe de l’appareil est bien constant au cours des opérations, en s’assurant que : Azd − ℓd = Azastre − ℓastre = cte Influence des divers paramètres et conditions optimales La relation des cotangentes utilisée fait intervenir la latitude du lieu d’observation, la déclinaison de l’astre, supposées connues toutes les deux, et une mesure de l’heure, traduite en angle horaire. Comme on va le voir, les différentes conditions favorables sont contradictoires. On peut cependant constater que cette méthode est d’autant plus favorable que l’on se situe près de l’équateur, que l’astre est proche de sa digression maximale et bas sur l’horizon. La mesure de l’heure, de toute façon, doit être de bonne qualité. Les détails de cette partie se trouvent dans [Duhamel, 1963b]. 7. Pour des raisons de lisibilité, nous omettons désormais de préciser tU T C . 253 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION Influence de la latitude Si on calcule la dérivée de l’azimut par rapport à la latitude, on a: dAz dϕ = sin Az cot z Ce que l’on souhaite, c’est qu’une erreur sur la latitude n’ait pas d’influence sur l’azimut, c’està-dire que cette relation soit identiquement nulle. Cela est réalisé pour Az = 0 ou Az = 200 gon, pour obtenir sin Az = 0, ou pour z = 100 gon, pour avoir cot z = 0. Un cas favorable pourrait donc être d’avoir Az = 0 et z = 100 gon ; si on utilise le Soleil cette double condition ne peut être réalisée qu’entre le cercle polaire et le pôle ; mais dans ce cas, l’azimut varie rapidement avec l’angle horaire (voir plus loin) ; si on utilise l’Étoile polaire, il faut être sur l’équateur. Le cas défavorable est obtenu avec z = 0, donc quand l’astre est au zénith : au pôle on préfèrera alors utiliser le Soleil, et à l’équateur, l’Étoile polaire. Une situation médiane est donc obtenue pour Az = 150 gon et z = 80 gon. Influence de la déclinaison De même, en dérivant par rapport à la déclinaison : dAz dδ = − sin A sin z On va ici chercher à avoir A = 0, c’est-à-dire le passage de l’astre au méridien, mais dans ce cas l’azimut varie rapidement avec l’angle horaire. Le cas défavorable est celui de la digression maximale de l’astre observé, ce qui n’est possible qu’entre les tropiques. Le cas médian est celui où A = 50 gon et z = 80 gon. Influence de l’angle horaire Enfin, en dérivant par rapport à l’angle horaire : dAz d(AH) = − cos δ cos A sin z Le cas favorable est donc obtenu ici pour A = 100 gon (digression maximale), ce qui n’est possible que sous les tropiques. On remarquera que si z = 100 gon, la formule fondamentale amène à : sin ϕ = dAz = ⇒ d(AH) cos δ cos A sin ϕ et donc l’erreur ne dépend que de la latitude ; le cas favorable est, dans ce cas, de se situer à l’équateur (et d’observer à l’horizontale pour satisfaire z = 100 gon). Le cas défavorable est celui où A = 0 et z = 0, c’est-à-dire que l’astre passe au méridien à proximité du zénith. La situation médiane se situe avec A = 50 gon et z = 80 gon. La méthode des distances zénithales Dans cette méthode, la relation utilisée est la relation 5.7. La démarche impose, comme précédemment, de calculer l’azimut du Soleil, mais cette fois à partir de lectures verticales (pour avoir la distance zénithale z), mais aussi horizontales, pour que la différence avec l’azimut du Soleil nous donne l’azimut de la cible terrestre. [Duhamel, 1963b] explique que cette méthode est moins précise que la méthode de l’angle horaire car le Soleil est à viser en distance zénithale et en azimut ce 254 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION qui est très difficile en raison de son mouvement apparent (le problème serait le même avec une étoile), quand l’autre méthode ne l’impose qu’en azimut. D’autre part, ici, le paramètre essentiel est la distance zénithale, sujette à la réfraction ; même corrigée, elle restera forcément imprécise. C’est pourquoi cette méthode reste peu employée, et peu décrite dans les ouvrages de référence. 255 CHAPITRE 5. L’UTILITÉ DES ASTRES ET DE L’ASTRONOMIE DE POSITION 180 170 160 150 140 130 120 Az (degres) 110 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 -90 δ -80 -70 -60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 φ (degres) 20 30 40 -80 -70 -60 -50 -40 -30 -20 -10 20 30 40 50 60 70 80 90 50 60 70 80 90 180 170 160 150 140 130 120 Az (degres) 110 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 -90 φ 0 10 δ (degres) 360 340 320 300 280 260 240 Az (degres) 220 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 -180 -120 -60 0 AH (degres) 60 120 180 Figure 7.15 — Azimut en fonction des divers paramètres : latitude, déclinaison, angle horaire. À chaque fois, le troisième paramètre est fixé : pour les coordonnées du Soleil, il s’agit de leurs valeurs pour le 29 juin 2011 (δ = 23◦ 14′ 0, 35′′ ; AH = 22h02m07, 984s) ; pour le lieu, il s’agit de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) (ϕ = 43◦ 55′ 60′′ ). 256 Conclusion Ce document, s’il ne se veut pas exhaustif, a cependant vocation à aborder dans leur ensemble les questions liées à l’astronomie de position. Nous avons ainsi introduit l’astronomie en général, et les mouvements de la Terre en particulier, avant de nous intéresser aux échelles de temps nécessaires pour décrire ces phénomènes, sans oublier de mentionner les calendriers, qui sont une illustration très intéressante de l’utilité de l’observation des astres pour l’organisation de la vie sociale. Nous avons ensuite traité des repères spatiaux utilisés en astronomie de position, que ce soit les systèmes de coordonnées, les systèmes et repères de référence, mais aussi les transformation de coordonnées à l’occasion du passage d’un repère terrestre à un repère céleste, entre autres. Enfin, le dernier chapitre a mis l’accent sur l’utilité pratique de l’observation du ciel, notamment en géodésie, en montrant comment les phénomènes décrits dans les chapitres précédents trouvaient enfin un terrain d’application. Au cours de ces chapitres, nous avons cru bon de citer de nombreuses références, qui sont listées dans la bibliographie pour l’essentiel, et que le lecteur pourra trouver sans problème dans toute bonne bibliothèque. Nous avons aussi jugé utile de donner des exemples concrets de publications périodiques de certains organisme, comme la circulaire T du BIPM, ou des extraits des repères de référence terrestre (ITRF) et céleste (ICRF), ainsi que des graphiques tirés directement des sites internet des organismes internationaux en charge de certaines questions (IERS, NASA). Nous accueillerons avec intérêt toutes les remarques, corrections et critiques de ce document, et estimons qu’il aura atteint son objectif si ses lecteurs y trouvent de l’intérêt. 257 Références bibliographiques [Altamimi et al., 2007] Altamimi, Z., Collilieux, X., Legrand, J., Garayt, B. & Boucher, C. (2007). ITRF2005 : A new release of the international terrestrial reference frame based on time series of station positions and earth orientation parameters. Journal of Geophysical Research, 112(B09401). [Altamimi et al., 2011] Altamimi, Z., Collilieux, X. & Métivier, L. (2011). 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Cepadues – CNES, Toulouse. 262 Table des matières Sommaire ii Remerciements 1 Introduction 2 1 L’astronomie : l’Homme dans l’Univers 1.1 L’Univers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.1 Quelques faits d’observation . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.2 L’histoire thermique de l’Univers . . . . . . . . . . . . 1.1.3 Les questions réglées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.4 Les questions en suspens . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 La Voie Lactée, une galaxie parmi d’autres . . . . . . . . . . 1.3 Le Soleil, notre étoile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.1 D’une nébuleuse de gaz à une étoile . . . . . . . . . . 1.3.2 Sources d’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.3 Types d’étoiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.4 L’équilibre hydrostatique du Soleil . . . . . . . . . . . 1.3.5 La structure du Soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.6 La fin du Soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4 Le système solaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.1 La formation du système solaire . . . . . . . . . . . . 1.4.2 Structure du système solaire . . . . . . . . . . . . . . 1.4.3 Les planètes, ici et ailleurs . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.4 Les satellites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.5 Les planètes naines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.6 Les petits corps : astéroı̈des, comètes, transneptuniens 1.5 La Terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.1 La structure de la Terre . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.2 Le champ magnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.3 Les sources d’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.4 Le volcanisme et la tectonique des plaques . . . . . . . 1.5.5 Les enveloppes fluides . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.6 La vie, l’humanité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 3 3 10 12 12 13 16 16 18 18 20 22 22 25 25 26 29 35 41 41 44 44 44 45 48 50 51 2 Les mouvements de la Terre, approche physique 2.1 Un seul moteur, la gravitation . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.1 Hypothèses fondamentales . . . . . . . . . . . . . . 2.1.2 Équations fondamentales du champ de gravitation 2.1.3 La relation fondamentale de la dynamique . . . . . 2.1.4 Problème des N corps, théorème du viriel . . . . . 2.2 La révolution de la Terre autour du Soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 55 55 56 59 59 62 . . . . . . . . . . . . 263 TABLE DES MATIÈRES 2.3 2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 2.9 2.2.1 Le problème des deux corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Le problème à deux corps perturbé . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.3 L’orbite terrestre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le problème de la Lune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 Influence du Soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2 Influence de l’aplatissement terrestre . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.3 Conclusion sur le mouvement de la Lune . . . . . . . . . . . . . . Le problème à trois corps restreint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.1 Présentation générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.2 Formulation du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.3 La relation fondamentale de la dynamique . . . . . . . . . . . . . 2.4.4 La constante de Jacobi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.5 Les points de Lagrange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.6 Condition du mouvement et surface de Hill . . . . . . . . . . . . La rotation diurne de la Terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.1 La cause de la rotation : la formation de la Terre . . . . . . . . . 2.5.2 L’évolution de la rotation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.3 Une conséquence de la rotation : l’aplatissement de la Terre . . . La précession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.6.1 Le problème posé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.6.2 Étude dynamique : le calcul du moment des forces . . . . . . . . 2.6.3 La dérivée temporelle du moment cinétique . . . . . . . . . . . . 2.6.4 Application du théorème du moment cinétique et conclusion . . . La nutation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.7.1 La composante principale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.7.2 La composante luni-solaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le mouvement du pôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.8.1 Référentiels de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.8.2 Hypothèses dynamiques sur la Terre . . . . . . . . . . . . . . . . 2.8.3 Le moment cinétique de la Terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.8.4 Le mouvement du pôle de rotation par rapport au pôle d’inertie 2.8.5 Limites de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.8.6 Éléments de terminologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conséquences visibles des mouvements de la Terre . . . . . . . . . . . . 2.9.1 L’observation des astres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.9.2 Les saisons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.9.3 Quelques mots sur la théorie astronomique des paléoclimats . . . 3 Les échelles de temps 3.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1.1 Le temps en tant que durée . . . . . 3.1.2 Le temps en tant que datation . . . 3.1.3 Périodes astronomiques . . . . . . . 3.2 Les calendriers . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2.1 Définition et rôle . . . . . . . . . . . 3.2.2 Calendriers solaires et lunaires . . . 3.2.3 Les subdivisions d’un calendrier . . . 3.2.4 Quelques calendriers . . . . . . . . . 3.3 La notion d’heure . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.1 Perspective historique . . . . . . . . 3.3.2 Les différentes expressions de l’heure 3.4 Les échelles de temps scientifiques . . . . . 3.4.1 Le temps des éphémérides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 76 86 87 87 89 96 98 98 99 99 100 101 105 108 108 109 110 114 115 116 118 120 122 122 123 124 124 124 124 125 126 127 128 128 132 134 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 137 137 137 138 140 140 140 140 142 156 156 157 161 161 264 TABLE DES MATIÈRES 3.4.2 3.4.3 3.4.4 Les échelles de temps atomiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les temps relativistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les échelles de temps des GNSS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Les repères spatiaux utilisés en astronomie 4.1 Les systèmes de coordonnées sphériques . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.1 Les systèmes de coordonnées géographiques . . . . . . . . . . . 4.1.2 Le système de coordonnées horizontales . . . . . . . . . . . . . 4.1.3 Le système de coordonnées équatoriales . . . . . . . . . . . . . 4.1.4 Le système de coordonnées horaires . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.5 Le système de coordonnées écliptiques . . . . . . . . . . . . . . 4.1.6 Le plan de Laplace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.7 Le système de coordonnées galactiques . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Les repères de référence célestes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.1 Le ciel tel qu’il se présente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.2 Le Catalogue Fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.3 Le repère international de référence céleste . . . . . . . . . . . 4.2.4 Le système céleste barycentrique de référence . . . . . . . . . . 4.2.5 Le système céleste de référence géocentrique . . . . . . . . . . . 4.3 Le repère international de référence terrestre . . . . . . . . . . . . . . 4.3.1 Le système international de référence terrestre . . . . . . . . . 4.3.2 Les propriétés des techniques de la géodésie spatiale . . . . . . 4.3.3 L’ITRF et ses versions successives . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4 L’approche classique de la transformation du repère terrestre au repère 4.4.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4.2 Expression de la transformation classique et théories utilisées . 4.4.3 La réduction d’observations astronomiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . céleste . . . . . . . . . . . . . . . . 5 L’utilité des astres et de l’astronomie de position 5.1 Trigonométrie sphérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.1.1 Triangle sphérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.1.2 Relations de la trigonométrie sphérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.1.3 L’équation différentielle fondamentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2 Le triangle sphérique astronomique fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.1 Relation entre la distance zénithale et l’angle horaire . . . . . . . . . . . 5.2.2 Relation entre l’azimut et la distance zénithale . . . . . . . . . . . . . . 5.3 L’utilisation d’éphémérides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3.1 Types de coordonnées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3.2 Éphémérides sous la forme de polynômes de Tchebychev . . . . . . . . . 5.3.3 Éphémérides en ligne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4 La détermination de l’heure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5 Le problème de la datation des observations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.6 La détermination de la position . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.6.1 La détermination astronomique par observations méridiennes . . . . . . 5.6.2 La méthode des droites de hauteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.6.3 La méthodes des hauteurs égales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.7 La détermination d’un azimut par observation d’un astre . . . . . . . . . . . . 5.7.1 Détermination de la direction d’un lieu de coordonnées connues depuis lieu inconnu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.7.2 Détermination de la direction d’un lieu de coordonnées inconnues depuis lieu connu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . un . . un . . 164 169 172 177 177 177 179 180 182 186 187 189 189 190 192 193 196 199 200 200 200 201 202 202 205 217 228 228 228 229 231 231 232 233 233 233 234 234 236 236 239 239 241 243 248 248 250 256 265 TABLE DES MATIÈRES Références bibliographiques 257 Table des matières 262 266