Ambiguïté narrative et fragmentation dans Dora

Transcription

Ambiguïté narrative et fragmentation dans Dora
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
Ambiguïté narrative et fragmentation dans Dora Bruder de Patrick
Modiano
by Dominique Linchet
Birmingham-Southern College
Jean-Patrick Modiano est né à Boulogne-Billancourt le 30 juin 1945, d’un père
juif et d’une mère d’origine flamande. Ses parents se connurent et se marièrent durant
l’Occupation et Patrick naquit quelques mois après la Libération. Modiano passa sa
jeunesse à Paris, dans un appartement avec vue sur la Seine et le quai Conti. Son frère
cadet, Rudy, mourut enfant. Son père ne semble pas avoir été très présent durant
l’enfance de l’écrivain ; il est vraisemblable que ses parents se soient séparés lorsque
Patrick était encore enfant. Modiano fit une année d’études universitaires en 1966 mais
ne poursuivit pas au-delà. Marié en 1970, il réside maintenant à Paris avec sa femme et
ses enfants, et vit des revenus de ses publications.
Jusqu’ici, Modiano a publié vingt romans ainsi que des nouvelles et le script du
film de Louis Malle, Lacombe Lucien. Il obtint le Prix Fénéon en 1968 pour son premier
roman, La place de l’étoile, une œuvre dans laquelle il aborde entre autre le problème de
l’identité juive. Dora Bruder, publié en 1997, s’inscrit au sein d’un corpus dont une des
préoccupations centrales est également la recherche d’une identité—à la fois personnelle
et collective—à travers la reconstruction minutieuse d’événements situés durant
l’Occupation allemande. Comme le note Katheryn Wright :
Modiano’s novels are voyages into the past by first-person narrators who
sift through memories in search of a personal and collective identity. The
space in which they move is characterized by instability, chance
encounters, and compromise. It is a fragile, dysfunctional world in which
46
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
the past is superimposed on the present and where the memory that retains
that past is as fragmented as the world it portrays. (265)
Dans cette étude, j’aimerais me pencher sur la technique narrative de Modiano, en
particulier sur ce que j’appellerai ici, faute d’une meilleure caractérisation, la
fragmentation du discours modianien. Je tâcherai de montrer que l’ambiguïté narrative,
l’apparent chaos de sa narration, ainsi que les hésitations et incertitudes du narrateur,
reflètent une réticence à se souvenir avec cohérence et de façon uniforme, de la période
traumatique de l’occupation. Je montrerai aussi que le seul point d’ancrage de la quête
menée par le narrateur de Dora Bruder semble se situer dans la topographie parisienne ;
il suggère selon moi le poids et la responsabilité qui pèsent encore aujourd’hui sur la ville
et ses habitants, témoins de l’occupation.
Dora Bruder retrace l’enquête anxieuse et décousue des derniers moments d’une
adolescente avant son internement à Drancy puis sa déportation à Auschwitz. L’ouvrage
débute avec la voix du narrateur qui explique comment en 1988, il trouva, par hasard
dans « un vieux journal, Paris-Soir, qui datait du 31 décembre 1941 » (Bruder 7) l’avis
de recherche placé par les parents d’une jeune fille juive de quinze ans. Cette annonce
lance Modiano sur la trace de la disparue, et en quête de réponses pour savoir comment
Dora, en pleine occupation, s’échappa du pensionnat catholique où on la cachait, et ce
qu’il advint d’elle. Le seul document que le narrateur déclare avoir trouvé et où le nom
de Dora est mentionné, est une liste de juifs déportés de Drancy à Auschwitz en
septembre 1942. Outre ces deux documents, il ne trouve rien de concret. Cela
n’empêche toutefois pas le narrateur de poursuivre sa recherche, de tenter d’élucider le
mystère de la disparition de Dora, et de combler les lacunes de son enquête à l’aide de
spéculations et de questions qui demeurent pour la plupart sans réponse.
47
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
Tout au long du récit, le narrateur essaie d’obtenir des renseignements, soit par
l’intermédiaire de documents (annonces de journaux, photos, lettre d’un homme
appartenant au même convoi que Dora etc.)i, soit grâce à des conversations entreprises
avec des témoins oculaires (cousine de Dora, par exemple) ou des contemporains de la
jeune fille (un brocanteur qui aurait pu la rencontrer). Malgré ses efforts apparents pour
fournir au lecteur les détails les plus minutieux de la vie et du destin de Dora, son récit est
fait de bribes et d’anecdotes décousues. Il passe de façon arbitraire, du récit de sa
recherche sur le destin de Dora, à des souvenirs personnels d’enfance et d’adolescence,
ainsi qu’à des passages qui relatent des épisodes de la vie de son père durant
l’occupation. Parlant par exemple de la fugue de Dora du pensionnat où elle avait trouvé
refuge, il se souvient de la sienne :
Je me souviens de l’impression forte que j’ai éprouvée lors de ma
fugue de janvier 1960 (77)
Ailleurs, le narrateur imagine une rencontre entre son père et Dora lors de son arrestation:
C’était en février pensai-je qu’ »ils » avaient dû la prendre dans leurs
filets […] Ce mois de février, le soir de l’entrée en vigueur de l’
ordonnance allemande, mon père avait été pris dans une rafle, aux
Champs-Elysées […] Ils l’avaient embarqué. Dans le panier à salade
qui l’emmenait des Champs-Elysées à la rue Greffulhe, siège de la
police des questions juives, il avait remarqué, parmi d’autres ombres,
une jeune fille d’environ dix-huit ans […] Alors, la présence de cette
jeune fille dans le panier à salade avec mon père et d’autres inconnus,
cette nuit de février, m’est remontée à la mémoire et bientôt je me suis
demandé si elle n’était pas Dora Bruder […] Peut-être ai-je voulu qu’
ils se croisent, mon père et elle, en cet hiver 1942. Si différents qu’ils
aient été, l’un et l’autre, on les avait classés, cet hiver-là, dans la
même catégorie des réprouvés. (62-3)
La narration est donc de nature fragmentaire : la quête de Dora est interrompue par des
associations apparemment autobiographiques, des passages traitant de son père, ainsi que
des éléments contextuels historiques et littéraires associés à l’occupation (collaboration et
48
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
déportations en particulier), mais pas directement liés à la disparition de Dora, événement
sur lequel est pourtant centré le récit.ii Des critiques ont appelé ces phénomènes
« dispersion narrative ». Marja Warehime, par exemple, remarque que Rue des Boutiques
Obscures, un autre roman de Modiano, est divisé en courts chapitres de longueurs variées
et présentant entre autre tantôt une série de photos, tantôt une annonce de journal, tantôt
un retour en arrière en apparence biographique. (Originality 337)
De même et d’emblée, le lecteur se voit mené à mettre en question la compétence
de la voix narrative, celle de ce « je » qui se charge de témoigner sur une époque et une
page d’histoire qu’il n’a pas lui-même vécues. Au début du quatrième chapitre en effet,
après nous avoir appris la naissance de Dora le 25 février 1926 ainsi que sa disparition
durant l’hiver 1942, le narrateur nous informe qu’en 1965, « il eut vingt ans à Vienne »
(Bruder 21) et qu’il n’a donc pas eu direct accès, en tant que témoin, à la période et aux
événements qu’il décrit dans son roman. En outre, il reconnaît sa propre insignifiance
lorsqu’il déclare « Je n’étais rien » (8). Il note aussi sa confusion quant aux périodes dont
il se souvient :
Les perspectives se brouillent pour moi, les hivers se mêlent
l’un à l’autre. Celui de 1965 et celui de 1942. (10)
De plus, l’enquête est également mise en doute par l’usage fréquent de la forme
interrogative. Les questions sur le sort de Dora abondent, ainsi que des expressions qui
mettent en doute la fiabilité du narrateur : « Comment le savoir ? » (22), « Qui sait ? »
(59), la répétition de « peut-être » (22, 35, 40, 47, 59, 63, 73, 76, 110, 117, 129), « j’/on
ignore » (59, 74, 88), « j’hésite » (14), « je devine » (39),« il est probable » (23), « je
suppose » (25, 39, 58) « on imagine » (76),« on ne saura jamais » (76, 108), « il se peut »
49
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
(64). Autant d’éléments narratifs qui diminuent la confiance que le lecteur aurait pu
porter au narrateur.
Finalement, lorsqu’il ajoute des détails à l’histoire de Dora, il ne cite pas souvent
ses sources. Il écrit par exemple « je ne suis jamais allé vérifier » (8), « je n’ai trouvé
aucun témoin, aucun indice » (89) et « j’en étais réduit aux suppositions » (61). Parfois,
il informe directement le lecteur de certains détails non fondés :
Ainsi, j’ai fini par savoir que Dora Bruder et ses parents habitaient déjà
l’hôtel du boulevard Ornano dans les années 1937 et 1938. Ils occupaient
une chambre avec cuisine au cinquième étage, là où un balcon de fer court
autour des deux immeubles. (13)
De même, lorsqu’il parle des parents de Dora, il spécule sur leurs conditions de vie sans
raison apparente :
Les années qui ont suivi leur mariage, après la naissance de Dora, ils ont
toujours habité dans des chambres d’hôtel. (27)
Ou, lorsqu’il cite ses sources--un membre de la famille Bruder, par exemple--il souligne
leur manque de fiabilité :
J’ai retrouvé une nièce d’Ernest et de Cécile Bruder. Je lui ai parlé
au téléphone. Les souvenirs qu’elle garde d’eux sont des souvenirs
d’enfance, flous et précis en même temps. (28)
Et un peu plus loin :
D’après sa nièce, elle était employée dans un atelier, du côté de
la rue du Ruisseau, mais elle n’en est pas sûre. (31)
Il note aussi l’inutilité de sources possibles :
Tant que je n’aurai pas recueilli le témoignage de l’une de ses anciennes
camarades, je serai réduit aux suppositions. […]
Mais après tout, qu’aurait-elle pu m’apprendre ? (42-3)
L’enquête de détective à laquelle se livre le narrateur de façon apparemment
minutieuse, ne présente donc pas les caractéristiques qui permettraient au lecteur de lui
50
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
accorder crédence. Parlant d’autres romans de Modiano, Paul Raymond Côté a noté « un
style où domine une vision fragmentaire et onirique de l’enfance, où sont privilégiés
l’énigme, le flou et l’incertain. » (316) Alan Morris quant à lui remarque :
Modiano’s protagonists, understandably, would always like to know
everything there is to know about the années noires, but they are
for ever frustrated […] Fragmentation occurs, vagueness creeps in,
and doubts crop up, the formal result of which is that, along side the
wealth of precise detail in the oeuvre modianesque, we also get the exact
opposite: absences, omissions and blank space—all of which are signs of an
inability to remember which leads us back to amnesia. (236)
Bref, la quête ne mène qu’à l’incertitude et à l’effritement ; les questions abondent,
les pistes se disloquent et les témoins s’avèrent absents, inutiles ou incompétents. Le
texte de Modiano semble ainsi résister cohérence et résolution.iii Je suggèrerai ici que
l’instabilité, l’ambiguïté de la narration de Modiano
iv
reflètent celles de l’occupation,
période trouble où les gens disparaissent et où leurs traces s’effacent. Face à un passé
flou que l’on préférerait oublier, face à un narrateur instable et à une narration
fragmentée, le lecteur se voit amené à questionner et à reconstruire ce qui apu se passer.
Il devient lui-même détective tant au niveau biographique (la vie de Dora, du narrateur et
celle de son père) qu’historique (la période de l’occupation en France et le destin des juifs
européens). C’est son désir d’explications et de dénouement qui active la narration/quête,
ou comme le remarque Akane Kawakami :
The desire to know, to find an answer is at the root of all narratives,
inconclusive as they may and must be. And perhaps […] the original
source of narrative desire […] is not very important, as long as it sparks
off a proliferation of narratives in accordance with the order of narration,
involving the reader in the ceaseless activity of sense-making. (33)
Ainsi, le nœud du problème, le noyau de la quête n’est certes pas Dora. Il nous faut
plutôt remonter à la période qui engloutit Dora, la redécouvrir. Il s’agit de nous souvenir
51
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
et de recréer, par la mémoire, cette période d’occupation faite d’ambiguïté. L’écriture, le
récit, sa déconstruction à travers la fragmentation narrative, et sa reconstruction dans
l’échange textuel permettent à la mémoire collective de s’activer, et aux événements
racontés d’échapper à l’oubli. C’est bien ce rôle qu’envisage le narrateur de Dora
Bruder:
Si je n’étais pas là pour l’écrire, il n’y aurait aucune trace de la présence
de cette inconnue et de celle de mon père dans un panier à salade en
février 1942, sur les Champs-Elysées. (65)
Chez Modiano, comme le souligne Bertrand Westphal, « l’écriture comble le vide du
temps. » (111)
La seule trace concrète de l’occupation, la certitude où peut s’ancrer le
souvenir se situe dans l’existence de la ville, des bâtiments et des rues de Paris. La ville
est faite d’empreintes, inscrites dans la pierre, et grâce à elles, « la ville d’hier
[m’]apparaît en reflets furtifs derrière celle d’aujourd’hui » (51). Le narrateur suit les
traces de Dora au fil des rues parisiennes et retrouve les lieux par lesquels passa la jeune
fille. Il se souvient avoir traîné dans les cafés du boulevard Ornano, non loin du numéro
41, dernière adresse de Dora. Il devine la jeune fille et ses parents, « en filigrane »,
comme il traverse le square de Clignancourt, descend vers Simplon et le boulevard
Ornano. Il reconnaît un cinéma et traverse la rue Hermel pour arriver « devant
l’immeuble du 41 boulevard Ornano, l’adresse indiquée dans l’avis de recherche de Dora
Bruder. » (11)
Toutefois, la ville elle aussi présente une certaine mouvance qui menace
d’effacement et d’oubli. Ainsi, devant la prison des Tourelles, lieu de transit avant la
déportation de Dora vers Auschwitz, le narrateur déclare :
52
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
Un haut mur entoure l’ancienne caserne des Tourelles et cache les
bâtiments de celle-ci. J’ai longé ce mur. Une plaque y est fixée sur
laquelle j’ai lu :
ZONE MILITAIRE
DEFENSE DE FILMER
OU DE PHOTOGRAPHIER
Je me suis dit que plus personne ne se souvenait de rien. Derrière le
mur s’étendait un no man’s land, une zone de vide et d’oubli. (131)
Mais le narrateur rectifie bientôt ce commentaire :
Et pourtant, sous cette couche épaisse d’amnésie, on sentait bien quelque chose,
de temps en temps, un écho lointain, étouffé, mais on aurait été incapable de dire
quoi, précisément. (131)
L’identité du narrateur semble d’ailleurs dépendre de la stabilité de cet environnement. v
Ainsi, le remarque Martine Guyot-Bender, « in Modiano’s novels questions create
suspense and directly engage readers in the interpretative process. (29) Ou, comme le
note Timothy Scherman nous pouvons noter chez Modiano un processus de
«défamiliarisation caractéristique du Nouveau Roman » et dont le but est de déranger la
passivité du lecteur. (299) Mettant en question une représentation définitive du passé et
la capacité d’une personne, le narrateur, d’interpréter le passé, Modiano souligne les
dangers d’une vision simpliste de l’histoire. La représentation de l’occupation n’est pas
faite de « témoignage ou de confession, […] mais plutôt d’une évocation fabulée et sans
cesse soumise à l’éclatement, à la dislocation de toute chronologie» (Khalifa 100). La
fragmentation au sein du récit «reproduces the chaos of memory and the vast gap
between past events and what can be understood of them.» (Guyot-Bender 28). Selon
Modiano, son évocation de la France occupée est en réalité moins une description ancrée
dans une vérité historique que la création d’ «une atmosphère, un rêve, un fantasme»
(Khalifa 100). De même, comme le remarque Gerhard Gerhardi :
L’Occupation, chez Modiano, n’est donc pas une époque qu’on
53
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
décrit, tel un romancier réaliste, en amassant des détails historiques,
politiques et sociaux, mais plutôt une atmosphère trouble qu’il ne
fait que suggérer, un arrière-plan vague et flou, un état d’incertitude
et d’angoisse où s’infiltre à peine la lumière crue de la conscience. (115-6)
Dans Dora Bruder, les hésitations du narrateur exposent les problèmes de
transmission de l’histoire. Dans le cas de Modiano, l’histoire de l’Occupation est d’une
part, une histoire non pas vécue au premier degré, mais héritée de la génération de ses
parents et vécue dans la clandestinité par son père juif. La fragmentation de la narration,
le manque de contrôle du narrateur de Dora, représente ses difficultés à intégrer cette
expérience traumatique. Comme l’explique Susan Brison, «the undoing of the self in
trauma involves a radical disruption of memory, a severing of past from present, and
typically, an inability to envision a future. » (Bal 39). Cette intégration serait donc
importante car elle permettrait au sujet de se reconstruire, de rétablir son identité, et
d’envisager avec plus de clarté, ce passé traumatique. De plus, le remarque Mieke Bal,
« the incapacitation of the subject –whose trauma or wound precludes memory as a
healing integration-can be overcome only in an interaction with others » (x). Ainsi, c’est
dans l’échange entre texte et lecteur que s’inscrirait la possibilité d’intégration. Or,
comme nous l’avons vu, la narration modianesque résiste à la fois à toute cohérence et
intégration.
A travers la fragmentation de sa narration, Modiano rejette donc avec sa
génération-et son lecteur-, « l’honneur inventé » basé sur « l’exorcisme de Vichy » de de
Gaulle, ainsi que « l’histoire sainte et édifiante de la Résistance » (Rousso 111-12). Ses
hésitations sur l’histoire, ses ambiguïtés narratives et linguistiques s ont autant
d’insistances sur les dangers d’une résolution.vi En outre, la topographie parisienne,
54
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
ancre le souvenir et permet au narrateur, malgré l’échec apparent de sa quête, d’échapper
à l’amnésie. Ou, comme l’écrit Gerald Prince :
Something happened. That’s the story. The Occupation. Drancy.
Auschwitz […] Something happened and nothing can ever be the same.
[…] On the one hand, little remained of what was […] Two or three
yellowed photographs, a name in some telephone book or directory,
a few vague and contradictory indications make up what is left of the
past, of a life. On the other hand, the past—so ephemeral, so hazy—
is with us […] This riding school is where my father hid. In this
street, the Gestapo had its headquarters. (37-9)
Le passé refuse d’être oublié car la ville porte en elle les cicatrices du trauma hérité par
auteur, narrateur et lecteur.
55
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
Ouvrages cités
Bal, Mieke, Jonathan Crewe, and Leo Spitzer, eds. Acts of Memory. Cultural Recall in
the Present. Hanover, NH: Dartmouth College University Press, 1999.
Côté, Paul-Raymond. “Aux Rives du Léthé : Mnémosyne et la quête des origines chez
Patrick Modiano.» Symposium 45:1 (Spring 1991) : 315-28.
Gerhardi, Gerhard. « Topographie et histoire : Paris et l’Occupation dans l’œuvre de
Patrick Modiano.» IN Wolfgang Drost, Géraldi Leroy,, Jacqueline Magnou et
Peter Seibert, ed. Paris sous l’occupation. Universitätverlag C. Winter Heidelberg,
1995.
Guyot-Bender, Martine. “Making Sense of Narrative Ambiguity.” IN Paradigms of
Memory. The Occupation and Other Hi/stories in the Novels of Patrick Modiano.
Martine Guyot-Bender and William VanderWolk, ed. Peter Lang, 1998.
Kawakami, Akane. A Self-Conscious Art. Patrick Modiano’s Postmodern Fictions.
Liverpool: Liverpool University Press, 2000.
--. “Patrick Modiano’s Unreliable Detectives.” IN Anne Mullen and Emer O’Beirne, ed.
Crimes Scenes. Detective Narratives in European Culture since 1945. Amsterdam,
Atlanta: Rodopi, 2000
Khalifa, Samuël. “Chroniques de l’oubli: La Place de l’Etoile et Dora Bruder de Patrick
Modiano.» In Buford Norman, ed. The Documentary Impulse in French Literature.
Amsterdam, Atlanta: Rodopi, 2001.
Malka, Victor. “Patrick Modiano: un homme sur du sable mouvant.” Les Nouvelles
Littéraires (30 oct.-5 nov. 1972): 2
56
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
Morris, Alan. “A Child in Time: Patrick Modiano and the Memory of the Occupation.”
IN Charles Burdett, Claire Gorrara and Helmut Peitsch, ed. European Memories
of the Second World War. New York, Oxford: Berghahn Books, 1999.
Prince, Gerald. « Re-Membering Modiano, or Something Happened.» Sub-Stance 49
(1986): 35-43.
Rousso, Henri. Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours. Points Histoire 135. Paris :
Seuil, 1990.
Scherman, Timothy. « Translating from Memory : Patrick Modiano in Postmodern
Context. » Studies in Twentieth Century Literature 16:2 (Summer 1992): 289-303.
Warehime, Marja. “Originality and Narrative Nostalgia: Shadows in Modiano’s Rue des
boutiques obscures.” French Forum 12:3 (Sept. 1987): 335-45
--. “Paris and the Autobiography of a flâneur: Patrick Modiano and
Annie Ernaux.” French Forum 25 : 1 (January 2000) : 97-113.
Westphal, Bertrand. “Pandore et les Danaïde. Histoire et temps chez Patrick Modiano. »
Francofonia : Studi e Ricerche Sulle Letterature di Lingua Francese 14 :26 (Spring
1994) : 103-12.
Wright, Katheryn. « Patrick Modiano, » IN William Thompson, ed. The Contemporary
Novel in France. University Press of Florida, 1995.
57
The South Carolina Modern Language Review
Volume 6, Number 1
i
Marja Warehime a noté la difficulté de classer l’œuvre de Modiano au sein d’une catégorie littéraire
spécifique et elle remarque aussi la nature fragmentée de ses romans :
Modiano’s works are themselves « threshold » works in literary terms : documentary and
autobiographical without fitting neatly in either category; fragmentary works in which
others’ voices replace that of the narrator, works not quite “literary” in their desire
to preserve or collect fragments or traces of the real: letters, newspaper articles,
conversations, photographs, police reports, street signs and graffiti. (Paris 99)
ii
Akane Kawakami a aussi remarqué que nombre de détails fournis par les narrateurs des romans de
Modiano sont souvent non pertinents au mystère ou à l’enquête. Ils ont en fait tendance à embrouiller les
pistes plutôt qu’à résoudre la situation.
iii
Selon Akane Kawakami, l’oeuvre de Modiano est post-moderne au sens où elle présente ironie et
incertitude ontologique. Kawakami remarque :
By ‘postmodern’ I indicate an aesthetic whose characteristics display an ironical
awareness of ontological uncertainty, both of themselves in the history of their
production, and of the world in which they exist. It is an awareness which does not
lead to resolution through logical or metaphorical explanations, but prefers to dissolve
into play and parody. On the level of narrative, the postmodern manifests itself in the
form of instances of self-reflexivity, parody, a questioning of the distinction between
history/biography and fiction, decentring of the narrating self and disordered narrative.
(3)
iv
Au sujet de l’ambiguïté narrative de Modiano, Martine Guyot -Bender parle de discontinuité. Elle écrit :
Discontinuity within individual texts reproduces the chaos of memory and the
vast gap between past events and what can be understood of them. (28)
v
Warehime écrit, à propos de Guy Roland, protagoniste de Rue des Boutiques Obscures :
His sense of self is less an identity than an itinerary where names and streets and places
figure prominently […] Ultimately, it is in the emotions called up by the places, more
durable than the emotions themselves, that Guy « locates » his strongest sense of self.
(340)
vi
Martine Guyot-Bender remarque :
Occupation’s dramatic coherence propagated by the post-Liberation era’s distinct
categorization of enemies/traitors and allies. While continuously drawing the reader’s
attention to the chaos and the tragic dimension of the period, the novelist rejects its
“totemisation”, to borrow a term from Geoffrey Hartman, who, by his own account,
believes in representation but recognizes “distortion [is] inherent in every attempt to achieve stability and
closure, as history changes into memory and its institutionalization. Institutionalization,
rigidly framing the Occupation, thus emptying it of its incoherence and of the questions
that remain, making it intelligible, seems to be exactly what Modiano attempts to bypass.
(29)
58