Jean Mermoz
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Jean Mermoz
ÉDITO L’année 2014 ne commence pas très bien, question météo. Certes, tout le monde n’est pas touché par les inondations (et je pense en particulier à mes lecteurs bretons…), mais la tempête souffle sur toute la France. Enfin : début février n’est jamais la meilleure saison pour voler. Mieux vaut rester au chaud et lire un bon magazine … surtout quand il raconte la vie de l’Archange. Il y a bien longtemps que je voulais l’aborder, mais je savais que ce serait un article très long. Sa vie ne se résume pas facilement, et surtout, ayant son livre « Mes vols » et celui de Kessel « Mermoz » (merci Joseph pour ta collaboration), je disposais de beaucoup de détails dont je ne voulais pas vous priver. Mermoz n’était pas un homme comme les autres ; ce n’est pas un aviateur, c’est L’Aviateur. Et d’ailleurs, je sais bien que ma prose n’est pas à la hauteur de ce qu’il fût, et je ne peux que vous inciter à lire les livres qui lui ont été consacrés si vous voulez vraiment comprendre ce qu’il a été. Mais voici déjà un bon aperçu de cette vie hors du commun et trop vite interrompue. Bonne lecture à tous ! Jacques Desmarets Courrier des Lecteurs Suite à mon article sur les courses aériennes, j’ai reçu le message ci-dessous de Ian Tutaj : « Il y des courses aéro dont tu n'as pas parlé, car comme d'hab la presse n'en a pas parlé. Il s'agit de celles imaginées par Bernard Lamy dans les années 80, ouvertes à tous : Paris-New York- Paris, Paris-Rio, ParisSingapour , Paris – la Réunion. Le tout en temps scratch ... C’était drôlement musclé ! Imagine des gars se taper l'Atlantique A/R en Bonanza sans débander ... Je suis sûr que l'historien en toi saura retrouver cela... » En effet, je n’avais rien lu sur ces courses qui avaient le mérite d’être françaises. Et en cherchant, je n’ai trouvé que l’extrait ci-dessous d’un article consacré à sa fille Patricia sur le site de Toussus-le-Noble : Bernard Lamy, ancien pilote militaire devenu directeur export du groupe Seb-Tefal, effectuait ses voyages en pilotant lui-même un avion privé, loué par son entreprise : il pouvait ainsi optimiser ses tours d’Asie ou du Moyen Orient, affranchi des contraintes des horaires d’avions de ligne. Et puis, en 1981, Bernard Lamy et Patrick Fourticq participent à la course « Air Transat », organisée par l’AOPA ; Bernard décide alors de faire partager l’exaltation des courses aériennes à d’autres pilotes, et d’organiser de grandes courses aériennes : ULM tout d’abord (Londres-Paris, Grand Prix de France) puis avion : Air Transafricaine en 1984, Aéropostale en 1985 (Toulouse-Natal-Rio), Paris-Pékin-Paris en 87, Route de la Vanille (vers La réunion) en 88, Malaysia Air Race en 90, puis tours du monde en 92, 94, Race of the Americas en 96 et Long Range Air race (Reykjavic – Antalya) en 97. Ces courses partent de et arrivent à Toussus. Jacques PAGEIX, Directeur de l’aéroport à cette époque, s’en souvient bien ! Si certains d’entre vous ont d’autres infos ou des documents … En couverture ce mois-ci : Fresque Mermoz Cette fresque décore la façade d’un immeuble de Marignane, rue Antoine de St-Exupéry. C’est l’un des nombreux hommages rendus à l’Archange, en France comme à l’étranger Photo Claude Dannau en ligne sur http://www.aerosteles.net/fiche.php?code=marignane-mermoz 04 Jean Mermoz L’Archange L’idole des Français des années 30 a écrit quelques-unes des plus belles pages de l’histoire de l’aviation P. 04 19 07 22 Junkers F-13 Le premier avion de ligne entièrement métallique avait un look vraiment pas ordinaire Fête du Centenaire de la Grande Guerre C’est la mobilisation générale ! P. 19 26 Aéroludique P. 22 3 Jean Mermoz Dans mon enfance, mes parents n’étaient pas des passionnés d’aviation. Un pilote, pourtant, était connu, cité et glorifié : Jean Mermoz. autres ateliers. Un seul ami lui vient, Max Delty, un chanteur d’opérette d’une trentaine d’années qui a été gravement blessé lors de la guerre et que la médecine croyait condamné. Recueilli par Gilberte, il va pourtant se remettre sur pieds. Malgré son travail acharné, Mermoz qui a réussi en 1918 la première partie de son Bac, est recalé à l’oral lors de la Mermoz est né le 9 décembre 1901 à Aubenton (02), dans seconde partie en 1919. Très éprouvé par cet échec, il doit la maison où son père tenait un hôtel. Mais ce dernier est renoncer à intégrer une école d’ingénieur et, par désespoir, violent et, très vite, la mère du petit Jean le quitte pour décide de s’engager pour quatre ans dans l’armée et retourner vivre, non loin de là, chez ses parents à devancer son service militaire. Il souhaite ainsi ne plus être Mainbressy (08). Il y vit une enfance tranquille mais à la charge de sa mère, qui vient de trouver une promotion à solitaire, sous la coupe de grands parents très stricts qui Pontoise. N’ayant aucune préférence pour une arme en n’avaient pas vu d’un bon œil leur fille abandonner son particulier, c’est Max qui, devant un apéritif, va lui domicile conjugal. Sa mère est, et restera pendant toute son suggérer de rentrer chez les aviateurs, où la solde est enfance, sa seule amie. Il se passionne pour la mécanique et meilleure et où il connaît quelqu’un qui pourrait l’aider. passe son temps libre à démonter et remonter une horloge. Mermoz, grand garçon sage, qui n’a encore connu ni L’aviation ne l’intéresse pas. Alors que, assistant peu avant l’alcool ni les femmes, s’engage en juin 1920 avec la ferme le début de la Grande Guerre à l’une des premières intention d’en finir au plus vite pour revenir, libéré de ses « Grandes Semaines de Champagne » avec son cousin, ce obligations, dans le civil. dernier s’exclame vouloir devenir aviateur, Jean répond « Pas moi, je préfère la mécanique et le dessin ». Et de fait, on l’inscrit comme pensionnaire à l’École Supérieure Professionnelle d’Hirson. Sa mère, Gilberte, profite de cette séparation forcée pour quitter, elle aussi, le joug de ses parents et chercher du travail à la grande ville. Mais la guerre les rattrape et Jean est emmené par ses grandsparents à Aurillac sans attendre le retour de sa mère qui restera sans nouvelles de lui pendant trois ans. Ce n’est qu’en 1917 qu’elle pourra enfin quitter les Ardennes pour le rejoindre. Ensemble, ils vont monter à Paris où Gilberte a trouvé, sur recommandation, une place d’infirmière pour elle, et une inscription au lycée Voltaire pour son fils. Installés dans un atelier d’artistes du quartier Montparnasse, ils vont vivoter encore trois ans ensemble, toujours La Base Aérienne d’Istres vers cette époque solitaires. Très studieux, Jean sort très peu et lit beaucoup, se passionnant pour la poésie et pour le dessin, profitant des Après quatre mois de classes au Bourget, il est affecté à Istres où se trouve l’école de pilotage, mais où l’armée modèles qu’il voit poser à travers les vitres le séparant des 4 qu’elles transforment le camp en marécage. Pourtant, la solidarité et la camaraderie qui y règnent vont transformer la dureté de cette vie pour en faire ses meilleurs souvenirs militaires. semble surtout chercher à décourager au plus vite ceux qui pensent se glorifier en devenant pilote. L’instruction, très dure, et les corvées, très nombreuses, s’ajoutent au désespoir de voir de très nombreux élèves pilote mourir aux commandes d’avions fatigués par le guerre. Pourtant, Jean, qui s’est promis de réussir, et qui commence à regarder avec intérêt ces machines volantes, va affronter toutes les difficultés avec stoïcisme et obtenir d’apprendre à piloter. Dès ses premiers vols, c’est une révélation, et il comprend que là est sa vraie passion. Un jour, lors d’une mission, son Breguet tombe en panne et l’oblige à un atterrissage de fortune dans la montagne, à plusieurs dizaines de kilomètres du poste. L’avion est détruit. La chaleur est comme toujours infernale (jusqu’à 70° dans le désert) et, dans ce lieu, il ne peut espérer être aperçu par les avions qui pourraient se lancer à leur recherche. Avec son mécanicien, sans vivres et sans eau, ils vont partir pour quatre jours et quatre nuits de marche dans la montagne puis le désert habité par les tribus hostiles. Lorsqu’il s’effondre enfin sur la piste, après 60 km de marche, Palmyre est en vue. Mais c’est à une patrouille de méharistes qu’ils devront d’être sauvés. Le 29 janvier 1921, à 19 ans, il obtient son brevet de pilote. Il est alors affecté à Metz à une escadrille de bombardement. Mais là encore, il va déchanter. L’escadrille, ce mot merveilleux qui le faisait rêver, n’est qu’un endroit où il continue à subir la dureté d’une vie militaire tatillonne, et où, faute de crédits, les vols sont limités à deux ou trois heures par mois. Il décide de « fuir » cette condition en se portant volontaire pour la Syrie. En attendant son affectation, il trompe son ennui en sortant souvent dans les bas-fonds de Metz, où sa « belle gueule » lui ouvre les portes de relations féminines faciles et bon marché. Malheureusement, en plus de l’alcool, il y apprend aussi à goûter au plaisir de la cocaïne. Enfin, le 09 septembre 21, il embarque pour une traversée de huit jours vers Beyrouth puis Saïda. Là, il découvre le paradis. La vie d’escadrille est enfin celle dont il avait rêvé, loin des mesquineries militaires de la métropole. La nourriture y est riche et abondante, il vole beaucoup pour se perfectionner et peut passer son temps libre à la plage où à pratiquer le sport, la boxe française en particulier. Il se perfectionne pour essayer de devenir le meilleur, mais il commence à appréhender l’avenir de ses missions guerrières : l’idée de tuer, fussent les tribus bédouines insoumises qui, pourtant, massacrent les blancs qui leurs tombent entre les mains, lui est insupportable. L’oasis de Palmyre, avec ses vestiges archéologiques Félicité pour son courage, on lui confie alors un avion sanitaire tout neuf. Il devient brancardier de l’air et n’ayant plus à craindre de devoir porter la mort, il va encore multiplier ses heures de vol pour porter la vie. Épuisé par ces missions effectuées sans relâche, à la limite de la dépression, il se tournera à nouveau vers la cocaïne, mais constatant ses effets négatifs sur la qualité de son pilotage, il s’en détournera définitivement. En décembre 1921, il est transféré à Palmyre, un poste perdu au milieu de désert, où le confort redevient spartiate. Tout y fait défaut, sauf le sable qui s’insinue partout sous la Breguet 14 Limousine transformé en avion sanitaire, sans doute similaire à celui de Mermoz tente, et les pluies lorsqu’elles deviennent diluviennes et 5 Le 18 janvier 1923, après 18 mois de service au « Levant », le Sergent Mermoz quitte Palmyre pour un retour en métropole commençant par trois mois de permission. Pris par les fièvres, c’est dans un quasi coma qu’il arrive chez sa mère à Pontoise, et il lui faut dix jours pour se remettre sur pieds. L’enfant qui avait quitté sa mère moins de deux ans plus tôt et qui n’avait aucune passion pour l’aviation est maintenant devenu un homme dont le regard porte loin ; il est désormais clair que sa vie ne pourra se faire que dans les airs. Avec son inséparable ami Coursault, ils vont alors faire la vie, dilapidant le gros pécule que leur ont permis de constituer les primes de vol en Syrie. temps que sa compagne, commençant une vie de SDF, bricolant de droite et de gauche, soutenu parfois par Max Delty qui bricole aussi de son côté lorsque sa santé le lui permet encore, mais sans chercher d’emploi sérieux, attendant toujours celui qui lui permettra de voler à nouveau. Ce n’est que fin septembre qu’il reçoit enfin une convocation des Lignes Latécoère. Le temps de passer la visite médicale, son Brevet de Pilote de Transports Publics (18/20) et de gagner les 75 Francs du billet de train pour Toulouse en écrivant 4.000 enveloppes et, le 13 octobre, il se présente devant Didier Daurat, le directeur d’exploitation des lignes. Il rejoint en avril le 21e Régiment de Bombardement de Nancy. Décidé à préparer l’École d’Officier, il est à nouveau dégoûté de la vie militaire par l’attitude rigoureuse de sa hiérarchie et renonce à la carrière. En août il obtient son transfert au 1er Régiment de Chasse de Thionville où il fera la connaissance d’un certain Guillaumet. Il y découvre surtout le pilotage des avions de chasse et la voltige dans laquelle il va se perfectionner. Mais si la discipline y est plus souple qu’à Nancy, une rivalité amoureuse avec un officier va lui pourrir les huit derniers mois de sa vie de soldat. Lui qui n’avait jamais été puni va se retrouver régulièrement aux arrêts, son concurrent n’ayant pas de meilleur moyen de l’empêcher de retrouver leur belle. Aigri par ces abus de pouvoirs, Jean va se mettre à haïr l’Armée et jusqu’à la France, et se déclarera anarchiste. Didier Daurat Depuis cinq ans qu’elle a été créée, il mène d’une poigne de fer les quelques pilotes, anciens de la Grande Guerre, qui assurent par tous les temps la ligne postale entre Toulouse et Casablanca. Les conditions techniques de l’époque (pas de radio ni de météo, des avions monomoteurs fragiles, …) et l’itinéraire dangereux du fait de ses reliefs et de l’hostilité des peuples survolés en font une tâche très périlleuse et très éprouvante. Daurat motive ses hommes par sa dureté. Leur mission est prioritaire. Elle seule compte et l’horaire doit être respecté. Ils se donnent à fond pour la satisfaire. Et quand ils donnent des signes de fatigue, ils sont remplacés. Les pilotes de guerre ayant tous été utilisés, Daurat se tourne maintenant vers des pilotes plus jeunes. Un SPAD XIII à Thionville En 1924, il revient enfin à la vie civile et monte à Paris, escorté par la maîtresse dont il avait réussi à déposséder définitivement son lieutenant, mais à laquelle ne tient pas particulièrement ce jeune homme aux conquêtes féminines désormais innombrables. Sa mère ayant été mutée à Lille, il découvre la vie de chômeur dans un petit hôtel sordide. Il est convaincu que le monde de l’aviation n’attendait que sa libération pour l’embaucher, et il écrit de nombreuses lettres aux compagnies de transport (Latécoère, Air-Union, Farman…) et aux constructeurs. Mais les réponses n’arrivent pas. Il quitte rapidement son hôtel en même 6 Leur générosité permet à Mermoz de survivre avec sa maigre solde de 650 F. Sa mère l’aide comme elle peut mais, de toute façon, Jean a peu de besoins, qui passe sa vie aux ateliers. Ce n’est que plusieurs semaines plus tard qu’enfin Daurat le convoque un matin, avec les six autres nouveaux, pour un premier essai en vol. D’emblée, deux autres sont éliminés. À son tour, Mermoz s’envole confiant dans ses capacités et réalise une magnifique démonstration de voltige qu’il conclue par un atterrissage de précision. Mais quand il descend de l’appareil, il constate que Daurat n’est plus sur la piste. Il le rejoint au hangar. « Vous êtes content de vous ? » lui demande Daurat. « Eh bien pas moi. Pas besoin d’acrobates ici. Allez au cirque ! ». En rage, Mermoz arrache son casque et part chercher ses affaires personnelles. Daurat le rattrape, lui reproche son indiscipline et son mauvais caractère et lui ordonne un nouvel essai, plus calme, qu’il ne regardera d’ailleurs même pas. Bien sûr, il avait tout de suite reconnu le talent du pilote, mais il devait d’abord lui faire comprendre que la Ligne c’était avant tout l’obéissance absolue et, ensuite, un travail d’équipe où la science d’un seul n’a d’intérêt que dans la réussite de tous. A cette époque, Jean est un bel athlète Jean se présente confiant devant lui. Son carnet de vol, ses expériences en Syrie, ses citations parlent pour lui. Et effectivement, Daurat l’embauche immédiatement … comme mécanicien. Dépité, il accepte et se met, confiant, au travail. Dans les ateliers de l’aérodrome de Montaudran, où se trouvent aussi les usines Latécoère, il va tout apprendre de ce qu’il ignorait encore : comment sont fabriqués et comment fonctionnent un avion et, surtout, un moteur. Des notions qui lui seront bien utiles plus tard sur la ligne, lorsque ceux-ci seront défaillants. Le départ du courrier à Toulouse Mermoz est maintenant pilote et après quelques vols d’entraînement, le 29 novembre 1924, il réalise l’épreuve finale qui va lui permettre enfin de participer à la livraison du courrier, un vol aller et retour Toulouse - Casablanca. Daurat l’affecte à l’escale de Barcelone, avec un salaire de 3 000 F. Engoncé dans ses habitudes, Mermoz qui ne se consacre qu’à son métier, va continuer à vivre modestement. Chaque jour, le courrier parti à l’aube de Toulouse arrive vers 10 h à Barcelone. Les sacs sont transférés dans l’avion de Jean qui décolle aussitôt pour Malaga, avec une escale à Alicante. Un trajet de plus de plus de 800 km, un vol d’environ huit heures. A l’arrivée, les sacs changent à nouveau d’avion, moteurs toujours tournant, et repartent aussitôt vers le Maroc. Après une nuit de repos, Mermoz repart le lendemain avec le courrier de retour. Comme les autres, il loge à Toulouse à l’hôtel du Grand Balcon. Depuis les débuts de la Ligne, c’est devenu un usage. Tous les nouveaux habitent chez les trois demoiselles qui le tiennent, et qui n’ont bientôt plus que des aviateurs comme clients. L’hôtel du Grand Balcon 7 Mermoz connaît bien cet appareil qu’il pilotait en Syrie. Mais ceux de la Ligne sont usés par cinq années de vols intensifs. Ils ne tiennent que grâce aux talents des mécaniciens. Et les vols ont lieu par tous les temps. D’autant que Mermoz commence son service en hiver. Plafonds bas, pluie, grêle, orages que la puissance de l’appareil ne permet pas d’éviter par en haut, alors que la provision de carburant n’autorise pas non plus de grands détours ; les vols sont une lutte incessante contre les éléments et les deux jours de repos hebdomadaires se passent en repos. Mais quand un autre pilote manque à l’appel, il faut assurer. Le trajet peut se prolonger jusqu’à Toulouse, et les heures de vol s’ajouter aux heures de vol. L’aéroplace de Barcelone Le repos n’est plus respecté et le sommeil manque souvent. Les avions sont des Breguet 14, anciens avions Heureusement, à Malaga, l’athlète peut de temps en temps d’observation. S’ils ont fait leurs preuves pendant la guerre, nager ou faire du canot, et imposer à ses muscles d’autres se sont des avions sensibles au vent et au moteur fatigues. capricieux. Le pilote est à l’air libre, et les sacs sont à la place du passager (ou à ses pieds quand, parfois, il y en a Mermoz « assure » la ligne sur le tronçon espagnol alors un). Le parcours s’effectue en longeant la côte espagnole : que Daurat affecte ses pilotes les plus anciens sur le en cas de panne, on peut toujours se poser sur une plage, où nouveau parcours du Maroc vers Dakar. Il aurait bien aimé cent mètres suffisent pour s’arrêter. être de cette nouvelle aventure, mais doit se contenter de remplacer parfois un pilote jusqu’à Casablanca. Irrité par ce refus de Daurat, il profite de sa visite médicale au Bourget en août 1925 pour contacter la Compagnie FrancoRoumaine, espérant de meilleures conditions matérielles sur les lignes vers l’Orient, mais il n’obtient pas satisfaction. En réalité, si ses rapports avec son chef trop exigeant sont tendus, les deux hommes s’apprécient mutuellement. Et si le métier est dur, Mermoz l’aime tant que, rencontrant Guillaumet à Paris, il le convint de postuler chez Latécoère. Et Daurat, faisant confiance à son pilote, accepte aussitôt. Breguet XIV en vol Caractéristiques Techniques du Breguet XIV Envergure Longueur Hauteur Poids à vide Poids en charge Charge utile Vitesse de croisière Distance franchissable Plafond Moteur Puissance Premier vol Construction 14,36 m 8,87 m 3,15 m 1238 kg 1765 kg 300 kg 125 km/h 460 km 4500 m 1 Renault 12Fe, 12 cylindres en V 300 CV 21 novembre 1916 Tubes Duralumin, bois et toile Arrivée du premier courrier postal à Dakar en juin 1925 L’automne 1925 est encore plus dur que l’hiver 24. Mais si le travail est plus pénible, il est aussi plus rémunérateur, et Mermoz commence à entasser ses gains, traumatisé qu’il avait été par sa galère de 1924. Au début de 1926, il reçoit une médaille de l’Aéroclub de France comme étant le pilote qui a fait le plus de kilomètre en 1925 : 120.000 ! Et alors que la Franco-Roumaine semble enfin vouloir lui donner satisfaction, il accepte la mutation que lui offre Daurat pour 8 l’étape africaine. Mais il refuse de devenir chef de poste, préférant continuer à piloter et affronter de nouveaux dangers. Aucun danger n’a été caché aux pilotes. Ils sont tous volontaires, et seuls les plus résistants sont conservés. Ils sont répartis entre Casa, Cap Juby et Dakar. Le service est hebdomadaire, et cinq escales sont réparties au long du trajet, aux limites d’autonomie des appareils qui n’ont pas le droit à l’erreur. Sans radio, il est impossible de signaler les pannes, et repérer un avion sur le désert est très difficile. Aussi, pour assurer leur sécurité, les pilotes volent à deux avions. L’un transporte le courrier, l’autre un interprète qui peut, si besoin, expliquer aux Maures l’intérêt de ne pas tuer les pilotes pour les échanger contre une rançon. Si c’est l’avion du courrier qui est en panne, l’autre se pose (quand il le peut !) et récupère le pilote et les lettres. Mais si c’est l’inverse, alors l’avion du courrier continue sa route et ne revient chercher le camarade qu’ensuite ! Et parfois il est trop tard… Survol d’une région hostile Lorsque Mermoz rejoint l’équipe à Cap Juby en mars 1926, il y a déjà plus d’un an qu’elle fonctionne. Il retrouve avec plaisir une vie proche de celle de la Syrie. Mais le 24 mai, son avion tombe en panne, entre Agadir et Juby, en traversant une tempête de sable qui l’a séparé de son coéquipier. Ce dernier l’ayant perdu, ne peut le secourir. Et ceux-ci ne manquent pas entre Casa et Dakar. Les avions, toujours les mêmes, sont mis à encore plus rude épreuve, avec le sable et la canicule. Les vents sont encore plus violents qu’en Espagne, vents de sable, cyclones, la brume épaisse monte des eaux surchauffées de l’océan. Et au sol, aucun repère. Les pannes sont nombreuses, et elles condamnent le pilote à affronter le désert, le sable, la chaleur, la soif, et les Touaregs qui massacrent ou capturent les hommes pour exiger une rançon. Deux vues de Cap Juby Lui-même ne sait exactement où il se trouve. Il se met en marche avec l’interprète qui l’accompagne, espérant se rapprocher de Juby. Ils errent en vain à travers le désert puis reviennent à l’avion, où il rempli sa gourde vide avec l’eau acide et rouillée du radiateur. Il repart seul le lendemain et est finalement fait prisonnier juste avant de mourir de soif. Il va être trimbalé ainsi pendant près d’un La Ligne entre Casablanca et Dakar 9 mois avant de pouvoir enfin être racheté par Latécoère. De congés en juillet, il rejoint sa mère à Lille. Mais sa captivité dans le désert l’a gravement marqué. Ses sinus et ses tympans ont été gravement endommagés par le sable et Mermoz doit être opéré en urgence pour éviter un abcès au cerveau. Puis il doit encore suivre un traitement rigoureux pour éviter de perdre l’ouïe et, par conséquence, le droit de voler. Mais de retour à Casa, il retrouve santé et énergie en retrouvant les commandes de son avion. Mermoz, en font un véritable héros national. Mais il n'apprécie pas du tout ce tapage médiatique autour de lui, alors qu’il n’a fait pour ces pilotes que ce que tous les pilotes de la Ligne font régulièrement pour eux-mêmes A nouveau, il envisage de quitter la Ligne où il a déjà fait deux mille heures de vol. Diverses propositions qui lui sont faites le font rêver. Mais il est surtout fait pour la grande aventure. Après la victoire de Lindbergh en mai 1927, il contacte constructeurs et lignes aériennes, leur demandant Mermoz séjourne souvent à Juby, dans la baraque en tôles de lui confier un appareil pour réitérer l’exploit dont il se que Latécoère a fait construire dans l’enceinte du fort sent capable. Mais la France, qui vient de perdre Nungesser pénitentiaire espagnol perdu entre désert et océan et protégé et Coli, n’est pas prête. par une enceinte de barbelés. C’est là que le courrier change d’avion entre Casa et Dakar. Il y côtoie les mécanos qui, En août, Daurat, qui prépare le prolongement de la Ligne en eux, y séjournent deux ans. Il y a apprivoisé une gazelle et Amérique du Sud, le contraint d’accepter le poste de chef une guenon qui vole parfois avec lui. Et puis il y a le chef d’aéroplace à Agadir. Après quelques semaines de stage d’aéroplace : St-Exupéry. puis de congés à Lille, il revient à Toulouse pour Mermoz et lui deviennent des amis intimes, même s’ils réceptionner les nouveaux avions des usines Latécoère, les attendront dix ans avant de se tutoyer. Chacun apprécie les Laté 25 et 26, qui vont enfin permettre à la Ligne de se qualités si fortes de l’autre, et Jean deviendra le premier moderniser. Pour frapper l’opinion, Latécoère décide de auditeur du premier livre que St-Ex écrit au milieu de ce confier à Mermoz et à Néguin, son pilote d’essais habituel, désert où il aime à méditer : Courrier Sud. un raid sans précédent pour relier, sans escales, Toulouse à St-Louis du Sénégal. Le Laté 26 à St-Louis du Sénégal. Il était équipé d’un moteur Renault de 450 ch lui permettant d’emporter 800 kg de charge utile à 188 km/h sur environ 700 km. Outre ses deux hommes d’équipage, il pouvait emporter deux passagers en soute. Il sera construit à 90 exemplaires. Antoine de Saint-Exupéry à Cap Juby, en 1928 Fin 1926, la mort tragique de trois de ses camarades, Erable, Gourp et le mécanicien Pintado, tués par les Maures, le touche énormément, d’autant qu’il aurait dû être à la place d’Erable, dont les restes, avec ceux de Pintado, ne pourront jamais être récupérés. Le jour de ses vingt-cinq ans, il écrit à sa mère : « Comme l’existence est brève. On n’a pas beaucoup le temps d’être jeune vraiment. » Puis, ce sont deux pilotes uruguayens qui entreprennent la première traversée de l'Atlantique sud ; mais leur hydravion disparaît en mer. Mermoz participe aux missions de recherche et de sauvetage, qui passionnent les foules et attirent la presse du monde entier sur les côtes africaines. C’est lui qui retrouve l’épave de l’appareil. Les pilotes sont ensuite retrouvés aux mains des Maures et rachetés. Les journalistes, en France comme en Amérique du Sud, impressionnés par le charisme et le courage de Jean Or, à la même époque, Costes et Le Brix préparent, eux, l’exploit de la première traversée de l’Atlantique sud, de StLouis à Natal, sur un Breguet 19. Latécoère décide secrètement de faire décoller ses pilotes de Toulouse en même temps que Costes et Le Brix pour qu’ils tentent de les devancer à St-Louis. Mais Mermoz est décidé, lui, à les « griller » aussi sur l’Atlantique, avec l’accord de Néguin et l’approbation officieuse de Daurat. Hélas, alors qu’ils réussissent la partie officielle de leur mission en se posant au Sénégal deux heures avant leurs concurrents, ils y abiment leur hélice, s’interdisant ainsi de repartir au-dessus de l’océan. Costes et Le Brix entrent dans l’histoire le 15 octobre 1927. 10 Mermoz, lui, ramène l’avion en France, puis l’embarque sur un bateau à destination du Brésil dès le 7 novembre. Là-bas, la Ligne, qui a été rachetée par l’industriel Marcel Bouilloux-Laffont, vient de décrocher la concession du service postal avec le Chili et l’Argentine. La Ligne devient « l’Aéropostale ». Dès janvier 1928, d’anciens avisos de la Marine vont assurer la partie maritime du trajet que les avions ne peuvent encore assurer. Mais en Amérique du sud, elle n’a ni terrains, ni matériels, ni équipages. Pour développer tout cela, il faut un chef, un homme compétent, courageux, aimé et obéi, et qui représente la France. Pour Daurat, un seul homme convient : Mermoz. Celui-ci débarque donc à Rio le 28 novembre 1927 et accepte, à contrecœur, le poste de « Chef-Pilote ». Les escales entre Natal et Rio ont déjà été préparées par les « anciens », comme Vachet, Hamm et Lafay, et le courrier y circule déjà. Mais il reste à Mermoz à mettre en place tous les aérodromes entre Rio et Buenos Aires, à engager les pilotes et les mécaniciens, et à négocier l’administration de l’ensemble avec les autorités argentines. Et c’est pour réussir la tâche pour laquelle il a accepté de s’engager que Jean le timide, à 26 ans, va changer de caractère et devenir le patron inflexible auquel les vieux pilotes obéissent spontanément. diplomatiques de la compagnie avec les autorités des différents pays survolés, il assure lui-même sa part des heures de vol dont il ne peut se passer. La route est encore plus difficile qu’en Afrique ; si les Maures ne sont plus à redouter, la météo tropicale étouffante gène encore plus le pilotage et malmène les moteurs. Sur une grande partie de la route, les pilotes ne disposent en cas de panne que de courtes plages entre d’immenses étendues de forêt vierge. Entre Santos et Rio, où la forêt descend jusqu’à la mer et recouvre une foule d’îlots rocheux, il n’y a plus aucun terrain de secours. « Bref, ce sont deux heures magnifiques et angoissantes à passer. C’est merveilleusement beau, mais la panne est scabreuse. » Mermoz veut encore améliorer l’efficacité de la Ligne pour contrer les concurrents Américains et Allemands (Zeppelins) qui essayent aussi de s’installer sur le marché postal. Il veut joindre Buenos Aires à Rio dans l’espace d’une journée. Or, avec la vitesse de ses avions, c’est impossible, sauf à voler la nuit, ce qui est aussi impossible en théorie. Certes, des escadrilles de bombardement de nuit existent déjà, Dès le début de 1928, sa hiérarchie lui donne carte blanche en constatant l’excellence de son travail. Un travail qui, pourtant, lui pèse beaucoup. En deux mois, il n’a volé qu’une seule fois. Et il va devoir attendre encore. mais elles ne volent que sur des distances courtes, dans de bonnes conditions météo, et depuis des aérodromes spécialement adaptés. Rien à voir avec les conditions de la Ligne. Jean a déjà volé de nuit. Il est responsable de son tronçon. Il Aussi, lorsqu’enfin, le 1er mars 1928, tout est prêt pour faire prend donc seul la décision et le risque. Le 16 avril, il partir le premier courrier aérien de Buenos Aires vers la décolle de Rio au début de la nuit et se pose au milieu de la France, il tient à en assurer la première part, à marquer le nuit suivante à Buenos Aires, après s’être posé de nuit à début de cette nouvelle ligne de son empreinte. Il effectue Santos et au crépuscule à Montevideo. Pour l’aider, donc lui-même la première étape, de Buenos Aires à Rio. toujours pas de radio, de balises ou de phare. Juste, sur les Hélas, une fuite d’eau l’oblige à se poser peu après pistes, trois feux d’essence disposés en triangle. Sûr de lui, Montevideo pour réparer, et le courrier n’arrive que le il a emmené dans l’appareil deux journalistes qui câblent le lendemain midi à Rio. Mais la nouvelle ligne est lancée. succès de l’opération dès leur arrivée. Le monde entier Mermoz règne maintenant sur une armada de secrétaires, s’enthousiasme d’abord. Puis les concurrents critiquent. Il vingt mécanos, six pilotes, des ingénieurs … En plus l’a fait une fois, par de bonnes conditions météo, mais il ne d’administrer tout ce monde et de continuer à graisser les pourra pas le faire régulièrement. Mais on n’arrête pas rouages de l’ensemble en assurant les relations Mermoz en le critiquant. Il continue et trouve tous ses 11 terrains par tous les temps. Alors, ses camarades pilotes et leurs épouses lui demandent d’arrêter de prendre ces risques. « Tu es libre de te tuer. Mais si tu continues, on nous demandera de faire comme toi. » « Personne ne vous forcera. » « Mais tu sais bien qu’on ne se dégonflera pas. » « Ça vous regarde ! » Et effectivement, tous les pilotes vont vaincre leur peur de la nuit, et tous vont trouver les terrains dans le noir et sous la pluie, sans même savoir comment. C’est ça, l’effet Mermoz ! Et le courrier ne met plus que 48 heures pour aller de Buenos Aires à Natal (environ 4 500 km). Daurat obtient qu’il en soit de même entre Dakar et Toulouse. Quatre jours de vol seulement ! Oui mais, de Natal à Dakar, les avisos poussifs mis à la disposition de la Ligne mettent jusqu’à dix jours pour traverser les 3 000 km d’océan. Quatorze jours en tout, c’est à peine moins que ce que faisait le courrier ordinaire à bord de paquebots rapides. Mermoz est sûr qu’un bon avion pourrait traverser en 24 heures maxi. Mais cet avion n’est pas encore disponible… Au début de 1929, le fonctionnement des avisos ayant été amélioré, et une partie du trajet, entre Natal et l’île de Noronha, étant confiée à des hydravions, la traversée maritime prend moins de quatre jours. Les contrats avec les gouvernements sont respectés et la charge de courrier progresse régulièrement. Tout va bien pour l’Aéropostale. Trop bien pour Mermoz qui ne s’exalte que dans la lutte. Il continue à se battre en vain pour qu’on lui permette de traverser l’océan en avion. L’État Français lui interdit même de tenter la traversée Paris-New-York qui pourrait redonner à l’aéronautique française la place qui lui revient. Le développement de l’Aéropostale doit, maintenant que le trajet Toulouse – Buenos Aires tourne rondement, se continuer vers le Pacifique pour respecter la concession passée avec le Chili. Mais pour cela, Mermoz doit trouver un passage à travers la Cordillère des Andes, dont les sommets s’étagent entre 3 000 et 7 000 m. Le train passe déjà, en dehors de l’hiver, et trois pilotes, dont Adrienne Bolland (voir Aérocic n°53, nov. 2011), ont déjà réussi l’exploit. Mais le faire régulièrement et par le chemin le plus court, c’est une autre histoire. En attendant, il faut continuer à développer la Ligne vers l’ouest. En août 1928, Mermoz s’envole avec son nouveau mécanicien volant Alexandre Collenot et avec Julien Pranville, le directeur de l’Aéropostale pour l’Amérique du sud, devenu son ami. Ils partent pour un vol de reconnaissance vers la Bolivie avec retour par le Paraguay. Lors du vol retour, Collenot est inquiet car il n’a trouvé en Bolivie que de la mauvaise huile. Et de fait, le moteur serre au-dessus de la jungle. Mermoz réussit à se poser dans une clairière. A quelques heures de marche, ils trouvent un village indien d’où un guide les amène jusqu’à une usine allemande de tanin protégée par un fortin Paraguayen. Mais comme ils arrivent de Bolivie, contre laquelle le Paraguay se prépare à la guerre, ils sont arrêtés comme espions. Heureusement, le directeur argentin de l’usine reconnaît Mermoz. Il lui faudra cinq jours pour rejoindre la capitale Asuncion et contacter Buenos Aires, trois jours pour y recevoir un nouveau moteur, une semaine pour le ramener dans la jungle jusqu’à l’avion, et encore cinq jours de travail (Mermoz aidera à abattre 150 palmiers pour dégager une piste de décollage) pour que l’avion puisse enfin redécoller et rentrer en Argentine. Vue d’artiste du Laté 25 au-dessus de la Cordillère Le 28 février 29, Mermoz quitte l’Argentine avec Collenot et le Comte de La Vaulx, président de la Fédération Aéronautique Internationale. Il pilote un Laté 25 modifié pour porter son plafond de 3 000 à 4 200 m. Il peut ainsi traverser la chaîne montagneuse à Conception où elle s’élève à 3 000 m. Il s’y présente le 2 mars et, cette fois encore, au-dessus de la montagne, il doit faire face à une panne subite. D’instinct, il pose son appareil en planant sur 1er janvier 1929, le Laté 25 de Léonardo Selvetti réalise le premier vol postal au départ d’Asuncion 12 une bande de granit à peu près plate, d’environ 6 mètres de large sur 300 de long. Mais la pente est plus forte que prévue, et Mermoz comprend que l’appareil ne s’arrêtera pas avant le ravin. Il saute alors au sol et vient s’arcbouter devant le train pour le stopper. Après 1 h 30 de réparation, Mermoz lance son appareil dans le vide et continue le vol comme prévu jusqu’à Santiago du Chili. et saute dans la cabine. Mermoz lance l’avion, mais rien n’est encore gagné. L’avion est à son plafond. Il ne peut s’élever et devra plonger au bout de la plateforme. Mermoz le sait. Il a repéré sa trajectoire. Le Laté 25 n°603 de l’aventure ci-dessus a été remis en état et est conservé religieusement par les Argentins au Musée National de l’Aviation de Buenos Aires Contrairement au Laté 26, le 25 dispose d’une cabine pour quatre passagers, mais comme pour lui, son pilote reste à l’air libre ! Fresque dessinée sur le mur du musée Jean Salis à La Ferté Alais ; on y voit Mermoz stoppant son avion au bord Il va devoir plonger vers une nouvelle plateforme quelques du gouffre mètres plus bas, y rebondir à l’endroit précis où elle est plate puis plonger à nouveau vers une seconde plateforme Pour le retour, le 09 mars et sans le Comte, Mermoz veut et y rebondir à nouveau avant d’enfin plonger dans la trouver un autre passage, moins sûr mais plus direct et plus vallée. Ayant alors pris assez de vitesse, il peut contrôler rapide. Il passe par Copiapo. Là, la cordillère ne descend son avion, retrouver un courant ascendant et repasser de pas plus bas que 4 500 m. Il lui en manque 300. Alors il l’autre côté pour revenir au point de départ, Copiapo, où cherche un courant ascendant qui puisse l’aider. Il finit par ceux qui les voient sortir de l’avion ne peuvent les le trouver et franchit une passe. Mais alors qu’il jubile, il est reconnaître. happé par le rabattant de l’autre versant et son avion est Pendant ces trois jours, on l’a cru mort. La Cordillère ne plaqué au sol. Il réussit à poser son appareil mais celui-ci rend jamais ceux qu’elle a pris. On vérifie ses dires en est gravement endommagé. Mermoz et Collenot sont à allant rechercher les éléments abandonnés de l’avion. 4 200 m, par -15°, sans vêtements chauds et sans Mermoz devient un demi-dieu pour les populations locales. provisions. Ils partent aussitôt à pied pour le Chili. Mais une heure plus tard, ils n’ont fait que 500 mètres dans la A partir d’avril, Mermoz reçoit des Potez 25 pour affronter montagne. Mermoz s’adresse alors à Collenot : « Il faut les Andes. Il peut monter à 6 000 m et, désormais, la Ligne réparer le taxi ! » « Je vais essayer, Monsieur Mermoz. » peut passer tout droit de Mendoza à Santiago. Ils retournent à l’avion. La queue est abimée, la béquille arrachée, le train faussé, le moteur a pris un choc. Collenot a ses outils mais pas de pièces de rechange. Il va utiliser les pièces non essentielles pour réparer les pièces essentielles, et puis de la ficelle, du fil de fer et des chiffons. Mais il va falloir deux jours et deux nuits, sans manger autre chose que de la neige et en se reposant un peu la nuit tassés dans la cabine, pour « bricoler » l’appareil et qu’il puisse repartir. L’avion est délesté de tout le superflu et hissé jusqu’en haut de la pente où il s’est posé (soit sur 500 m, alors qu’il pèse encore deux tonnes et qu’ils n’ont rien mangé depuis deux jours). Cela prend encore plusieurs heures. Mermoz doit encore sacrifier son cuir pour colmater les fuites du circuit d’eau qui a explosé lors d’un essai. Le Le Potez 25 au-dessus de la Cordillère moteur est lancé. Collenot retire les pierres servant de cales 13 Mermoz étudie l’itinéraire avec Collenot. Dans leur cockpit l’importance pour Latécoère et la France ne lui permet pas ouvert, ils affrontent la pression atmosphérique et la de prendre les risques qu’il prenait pour le courrier. température (jusqu’à -40°) qui règnent là-haut, les orages et la neige. Le travail terminé, il confie la ligne à Guillaumet qui, un an plus tard, y connaîtra lui aussi une épopée extraordinaire. Le Laté 28 peut emporter 8 passagers à plus de 200 km/h et sur plus de 4 000 km Il devra attendre jusqu’en mai 1930 pour que l’avion soit parfaitement au point, et que la lune soit pleine. En effet, la traversée durant près d’une journée, une partie du voyage se fera de nuit et, en cas de panne, il sera essentiel qu’il voie la mer pour s’y poser. Pendant la préparation, il bat le record de distance en circuit fermé pour un hydravion en volant sur 4 308 km en 30 heures et 25 minutes ! Il a tenu à baptiser son avion « Comte de la Vaulx ». Ce dernier est mort quelques mois plus tôt dans un accident d’avion aux USA. L’équipage est constitué de Mermoz, pilote, Gimié, radio Le Potez 25 de Guillaumet fut récupéré après son accident (enfin !) et Dabry, navigateur. En plus, il emmène Daurat jusqu’à St-Louis ; ce dernier souhaite voir comment l’avion Il ouvre ensuite la ligne vers Asuncion, qu’il confie à se comportera face aux climats et aux aménagements Reine, puis celle vers la Patagonie et la Terre de Feu, où il sommaires où il sera affecté si le raid réussit. Car, plus découvre des vents capables d’immobiliser son avion en qu’un exploit, la mission doit permettre de remplacer les l’air à pleine puissance. Celle-ci sera pour St-Ex, qui vient avisos et de gagner encore trois jours pour le courrier. de le rejoindre. Mermoz découvre avec beaucoup de plaisir le vol en équipage. C’est à cette époque qu’il rencontre l’amour en la personne de Gilberte Chazottes, française vivant en Argentine. La vie Le 12 mai, il charge les 130 kg du courrier à St-Louis et de couple étant incompatible avec sa vie risquée, il hésite lance les cinq tonnes et demie de l’appareil sur la longue longtemps avant de succomber à l’idée du mariage et de piste que forme le fleuve Sénégal. L’avion peine à promettre de se ranger. Mais il ne tiendra jamais parole… s’arracher de l’eau. Ils volent ensuite à 200 m d’altitude. Deux avisos sont ancrés à 1 000 km des points de départ et Le 20 janvier 1930, il rentre en France, fiancé mais seul. Il d’arrivée, partageant la traversée en trois parts égales, pour rêve toujours de traverser l’Atlantique, mais le décret pouvoir les secourir en cas de panne. Mais il est loin des interdisant en France cette tentative avec un avion terrestre deux lorsqu’à mi-parcours, à la tombée du jour, il pénètre est toujours d’actualité. « Puisque l’avion est défendu, dans l’enfer du « pot-au-noir », où il n’a plus aucune pourquoi ne pas utiliser l’hydravion ? Je ne connais pas la visibilité, où les vents changent de sens et d’intensité à tout manœuvre ? J’apprendrais. » Or justement, il avait essayé moment, où l’air qui pénètre dans la cabine est brûlant au fin 1929 le tout nouveau Laté 28. Il avait convaincu point que les trois hommes sont torse nus. Il vole si bas que Bouilloux-Laffont que, équipé de flotteurs, cet avion très lorsqu’enfin il en ressort, après plus de trois heures de sûr et très performant, pouvait assurer la partie maritime de combat, Gimié, pour rétablir les liaisons radio qui étaient la Ligne. Restait à Latécoère à faire les modifications. impossibles dans l’orage, doit changer l’antenne de sa radio Mermoz rejoint Toulouse, passe son brevet d’hydravion de qui a été arrachée par une vague. transport public, et prépare avec minutie un raid dont 14 Le Bernard 80 G.R. Tango ; le point noir visible audessus du fuselage, à la hauteur de la verrière latérale, c’est la tête du pilote. Pour les manœuvres au sol, pour voir devant, il rehaussait son siège et sortait la tête par un trappe. Vue d’artiste du « Comte de la Vaulx » L’avion, prêt, Mermoz commence par établir du 30 mars au 02 avril 1931 un record de distance en circuit fermé en volant plus de 59 heures (8 960 km). Mais la faillite de Bernard ne lui permettra pas de finaliser le raid. Le soleil est déjà haut lorsqu’après vingt-et-une heures de vol, Mermoz se pose à Natal (au total, le courrier aura mis 4 jours et 4 heures pour rallier Toulouse à Santiago). Après des semaines de représentations officielles et de révision de l’appareil, Mermoz et ses coéquipiers embarquent le 8 juin le courrier pour un vol retour vers l’Afrique. Mais sous la latitude brésilienne et sans vent favorable, l’avion refuse de décoller. Le Rio Potingui est trop court ! Mermoz tentera 35 fois en 2 jours de sortir l’avion de l’eau, mais sans succès. Le courrier partira finalement par la mer. Mermoz refuse l’idée de ramener l’avion en bateau. Il cherche et trouve un autre plan d’eau plus favorable. La nouvelle base sera la lagune de Bonfim, à 50 km. Mais entre-temps, le Ministère de l’Air exige par câble le renforcement des flotteurs. Le temps de faire les modifications et d’attendre la prochaine lune, ce n’est que le 9 juillet, après, faute de vent, 17 tentatives, qu’il réussit à décoller le « Comte de la Vaulx ». Enfin libéré, Mermoz affronte à nouveau le pot-au-noir et remarque à peine quelques gouttes d’huile qui viennent s’écraser sur son pare-brise. Ce n’est qu’au sortir de la nuit qu’il constate les dégâts. Les vitres sont complètement obscurcies par l’huile qui fuit du moteur. Mermoz contacte l’aviso qui se trouve à une centaine de kilomètres en avant. Malgré la mer démontée, il réussit son amerrissage de fortune près du navire et peut y transférer le courrier et ses hommes avant que le Laté 28 ne coule… Mermoz devant le Bernard 80 GR Par ailleurs, l’Aéropostale est alors menacée de faillite, comme tout l’empire de Bouilloux-Laffont, qui ne se remet pas de la grande crise mondiale. Mermoz joue de sa notoriété et se débat dans toute la société (civile, financière et politique) pour soutenir son employeur. Or, en 1932, René Couzinet qui, depuis 1927, joue de En août, il épouse enfin Gilberte, mais sept jours plus tard, malchance dans la construction et la mise au point de son trimoteur « l’Arc-en-Ciel », cherche à réaliser un raid qui alors qu’il teste une nouvelle version du Laté 28 capable d’emporter plus de carburant, son appareil se déchire en vol lui donnerait une notoriété suffisante pour trouver les fonds et il ne doit la vie qu’au parachute qu’il avait, pour une fois, qui lui manquent. Il propose à Raoul Dautry, qui a été nommé liquidateur de l’Aéropostale, de faire une liaison accepté de porter. En octobre, tout en continuant à travailler à la mise au point totale France-Amérique du Sud avec son avion. On confie la mission à Mermoz qui, à cette occasion, fait la de nouveaux hydravions pour l’Aéropostale, il rencontre Adolphe Bernard, le constructeur de l’avion qui, un an plus connaissance du constructeur qui va devenir son ami (Couzinet épousera même, plus tard, la veuve de Mermoz). tôt, a permis à Assolant de traverser l’Atlantique dans le Avec Couzinet à bord et quatre hommes d’équipage même sens de Lindbergh. Ensemble, ils lancent la (copilote, mécanicien, navigateur et radio), Mermoz quitte préparation d’une traversée en sens inverse, à bord du le Bourget le 07 janvier 1933, puis Istres le 12 janvier pour Bernard 80, un avion de record à l’aérodynamique particulièrement soignée que le constructeur est en train de se poser à St-Louis le 13 après une halte imprévue à PortEtienne, suite à la perte d’une vitre latérale du cockpit. mettre au point. 15 Cette maquette montre bien la forme caractéristique du fuselage en arc avec la dérive intégrée. Par contre, les karmans volumineux, les hublots arrondis et les « oreilles de cochon » sur le stabilisateur sont des modifications datant de fin 1933. Mermoz à gauche, au centre René Couzinet, constructeur, et à droite Carretier, le co-pilote, devant l’Arc-en-Ciel La pluie ayant détrempé la piste de terre, le départ pour le Brésil est reporté jusqu’au 16 janvier. L’avion décolle à 04 h 50. En début d’après-midi, Mermoz retrouve le « potCaractéristiques Techniques de au-noir », et pendant près de deux heures il doit voler sous « l’Arc-en-ciel » la couche, à moins de 100 m d’altitude. A 19 h 20, l’avion se pose à Natal. Le vol a duré 14 h 30, à la vitesse moyenne Longueur : 16 m 20 d’environ 230 km/h. Envergure : 30 m Hauteur : 4 m 03 Masse à vide : 7 310 kg Masse maxi : 16 790 kg, dont 8,5 tonnes de combustibles, et 600 kg de charge marchande Vitesse de croisière : 236 km/h Autonomie : sup à 4 000 km Motorisation : 3 moteurs V12 Hispano-Suiza de 36 litres de cylindrée et de 650 ch, consommant au décollage 235 litres à l’heure (chacun !) Le Couzinet 70 à Rio. Admirez l’état du tarmac … Le retour ne s’effectuera que le 15 mai, car si l’aérodrome de Natal était suffisant pour se poser avec des réservoirs vides, l’état de sa piste ne permet plus à l’avion de décoller à pleine charge et des travaux doivent être faits. Le dernier tiers de la traversée se fera sur seulement deux moteurs, une fuite d’eau n’ayant pu être réparée malgré l’accès possible en vol aux moteurs. Dessin Claude Faix. Pour tout savoir sur les Couzinet, je vous recommande son étude très complète : http://www.hydroretro.net/etudegh/arc-en-ciel_atlantique_vol1.pdf et http://www.hydroretro.net/etudegh/arc-en-ciel_atlantique_vol2.pdf 16 La renommée de Mermoz s’étend encore. Les populations, française mais aussi du Maghreb, de l’Amérique du Sud et d’ailleurs, l’idolâtrent et vantent son humanité, sa modestie et sa simplicité. C’est semble-t-il à cette époque qu’on commence à le surnommer « l’archange », sans que j’aie pu trouver l’origine exacte de ce surnom qui va lui rester dans la postérité. Pourtant, son caractère change, car il accumule depuis de nombreuses années les déceptions dans la lutte qu’il mène contre la politique et la bureaucratie pour « sauver l’aviation française ». Il sent qu’il doit faire quelque chose, mais la politique représente tout ce qu’il combat. Or l’association d’anciens combattants « les Croix de feu » se propose justement de rétablir le rayonnement de la France et de redonner du travail aux chômeurs sans faire de politique. Il les rejoint et, s’impliquant à fond dans cette nouvelle démarche, en gravit les échelons jusqu’aux instances dirigeantes alors même que l’association deviendra un parti politique, nationaliste mais se voulant social, et qualifié par beaucoup d’extrémiste et de droite. De retour au Bourget le 21 mai, et malgré un voyage émaillé de nombreuses pannes, Mermoz, Couzinet et l’Arcen-ciel sont acclamés et félicités. Mais c’est l’époque de la fusion de toutes les compagnies aériennes privées dans une seule compagnie publique nationale, et la mise en service d’un nouvel appareil n’est pas d’actualité, et ce, malgré les efforts des concurrents allemands et américains qui reprennent à la France toute l’avance que Latécoère, Bouilloux-Laffont, Daurat, Mermoz et tant d’autres lui avaient donnée. Au contraire, alors qu’Air France nomme Mermoz « Chef pilote » de la ligne en Amérique, elle décide de sous-traiter la liaison maritime à la Lufthansa, qui effectue déjà cette traversée au moyen d’hydravions ravitaillés et relancés à mi-parcours par un bateaucatapulteur. Mermoz, en rage, s’élève contre cette « trahison ». Ses demandes politiques n’aboutissant pas, il alerte la presse et début 1934, le nouveau ministre de l’air renonce à ratifier cet accord. Il se relance dans la bataille et assurera encore cette année-là trois autres traversées A/R sur l’Arc-en-ciel. En avril 1935, il est nommé inspecteur général d’Air France. En août, il se sépare de son épouse, qui ne peut décidément plus supporter sa vie d’aviateur, d’autant que, avec les encouragements de Mermoz, son jeune frère a choisi lui aussi de devenir pilote militaire mais s’est tué dans un accident avant même la fin de sa formation. En décembre, sa bataille est définitivement mais partiellement gagnée. Le courrier est bien régulièrement acheminé par des avions d’Air France entre Dakar et Natal. Mais ce ne sont pas des avions terrestres comme le Couzinet, qu’il n’a pas réussi à imposer, mais de lourds hydravions comme le Laté 301 « Croix du Sud ». En février 1936, à la suite d’émeutes anti-gouvernementales auxquelles elles ont participé, et malgré que leur attitude ait empêché les autres manifestants d’envahir l’Assemblée Nationale, les Croix de feu sont dissoutes par le Front Populaire. Leur dirigeant, le Colonel de la Rocque, fonde en juillet le Parti Social Français, sorte de parti social de droite, dont Mermoz devient aussitôt le vice-président, ce qui lui vaudra de nombreuses marques d’hostilité. En novembre, Air France l’envoie en mission en Amérique du Sud. Le Laté 301 « Ville de Buenos Aires » s’était écrasé en mer en février, provoquant la mort de son équipage dont l’ancien mécanicien de Mermoz, Collenot. Depuis, l’avion avait mauvaise presse parmi les équipages. Mermoz devait, en faisant la Ligne à bord d’un appareil de ce type, montrer qu’il lui accordait sa confiance. Pour retrouver Couzinet à Rio, il reporte son voyage au 6 décembre. Il arrive à Dakar en passager d’un Dewoitine le 7 vers deux heures. Guillaumet l’attend pour l’emmener jusqu’à l’hydravion. Mermoz décolle vers quatre heures du matin avec à son côté Alexandre Pichodou, qu’il a fait réveiller car il ne souhaitait pas avoir à ses côtés le trop jeune pilote normalement prévu pour la mission, « Je n'ai rien à désirer. Je vais, sans faiblir, mon chemin, lequel m'apparaît comme une ligne droite, impeccable, de laquelle je ne voudrais pour rien au monde m'écarter. L'existence que j'ai me paraît toute simple, toute merveilleuse à vivre, parce qu'elle est celle que j'avais choisie en moi-même depuis toujours. » 17 Edgar Cruvelhier à la radio, Henri Ezan à la navigation et Jean Lavidalie comme mécanicien. A six heures, il est de retour à Dakar car l’hélice à pas variable d’un des quatre moteurs ne fonctionne pas bien. Aucun autre avion n’étant immédiatement disponible, il fait réparer rapidement l’hélice et redécolle vers sept heures. Les messages « T.V.B. » (Tout Va Bien) du radio indiquent régulièrement que le vol est normal, jusqu’au message de 10 h 47 qui s’interrompt brusquement après ces mots : « Coupons moteur arrière droit ». On ne retrouvera jamais aucune trace de l’avion ni de ses occupants. Mermoz aurait eu 35 ans deux jours plus tard… Avec 8 200 heures de vol, déjà Commandeur de la Légion d’Honneur, il reçoit le 30 décembre 1936 un vibrant hommage du Ministre le l'Air socialiste Pierre Cot aux Invalides et est cité à l'Ordre de la Nation. " Je ne voudrais mourir qu'en avion " L'hydravion Laté 301 " Croix du Sud", à bord duquel Mermoz disparait le 7 décembre 1936. Caractéristiques Techniques du « Croix du Sud » Longueur : Envergure : Hauteur : Masse à vide : Masse maxi : 26 m 20 44 m 20 6 m 50 11 300 kg 23 000 kg, dont 600 kg de charge marchande Vitesse de croisière : 180 km/h Autonomie : 4 800 km Motorisation : 4 moteurs V12 Hispano Suiza de 36 litres de cylindrée et de 650 ch, montés en deux blocs « Push-Pull » 18 Junkers F-13 Cette photo, trouvée sur le site du Musée de l’Air, m’a tout de suite interpellé, tant la disposition de ce cockpit, avec deux pilotes à l’air libre, côte à côte, à l’avant d’une cabine fermée sur un avion métallique, est originale. Renseignements pris, il s’agit d’un Junkers F.13, premier avion de transport civil entièrement métallique. Premier avion de transport tout métal de Junkers à connaître le stade de la production en grande série, le F-13 fut pendant plus de dix ans l'un des appareils commerciaux les plus utilisés sur les réseaux aériens d'Europe et d'Amérique du Sud. Ses remarquables qualités de vol ainsi que sa robustesse lui permirent d'assurer le succès d'une firme qui, dès la fin de la Première Guerre mondiale, s'était résolument décidée à jouer la carte du transport civil. Le 25 juin 1919, le prototype du F-13 effectuait ses premiers essais. Par suite des restrictions formulées par la commission de contrôle interalliée qui avait dû reconnaître la vocation purement civile de l’appareil, la puissance du moteur fût limitée à 185 ch pour tous les exemplaires construits en Allemagne. Mais très vite, il fit l'objet de développements successifs. Son envergure fut portée à 17,75 m, et sa structure renforcée pour permettre l'installation de moteurs plus puissants (jusqu’à 360 ch) et l'emport de charges plus importantes. Le modèle initial connut en fait près de soixante-dix variantes. Le F-13 fut doté, suivant les besoins, de roues, de flotteurs ou de skis. L'empennage subit, lui aussi, plusieurs modifications, et certains exemplaires furent en outre équipés de cockpits fermés. Les dernières versions accusèrent un poids au décollage voisin de 3 000 kg, soit environ le double de la version originale. Le plafond initial, fixé à 5 000 m, fut augmenté sur les appareils de série; la vitesse maximale passa de 173 km/h à plus de 200 km/h, tandis que la distance franchissable était portée de 700 km à 950 km. En 1921, la production enregistra une augmentation considérable. Cette année-là, en effet, Junkers créa sa propre ligne aérienne de transport, la Junkers Luftverkehr, et favorisa en outre l'essor de nouvelles compagnies en leur accordant des facilités de paiement pour ses appareils. En 1925, la Junkers Luftverkehr utilisait 178 appareils, des F-13 pour la plupart. En 1926, lorsque la compagnie fut dissoute, 281 748 passagers avaient emprunté ses lignes pour couvrir près de 15 millions de kilomètres. Le F-13 fut construit à plus de 330 exemplaires, un nombre très important pour l'époque. 19 Cette photo montre bien l’aménagement de l’espace passagers du F-13 : une banquette arrière et deux sièges en avant de la porte d’accès. Il n’existait pas de porte de communication avec le cockpit, juste un hublot carré. Les pilotes accédaient donc à leurs sièges par les ouvertures au-dessus. 20 L’instrumentation du F-13 était d’une redoutable simplicité pour un avion de ligne ! SECURITE AERIENNE De bons chiffres en 2013 ! Bonne nouvelle ! Voici, ci-contre, un (très court) article lu dans Air & Cosmos, qui nous informe que 2013 a été une très bonne année, en matière d’accidentologie, par rapport à la moyenne des 10 dernières années. Un tiers en moins d’accidents, et deux tiers en moins de victimes. Espérons que ce ne sera pas une année exceptionnelle mais le signe d’une tendance. HUMOUR Mehdorn contre Mehdorn Le procès opposant la compagnie Air Berlin à la société gérant le futur aéroport de Berlin devrait s’ouvrir cette année. La compagnie a en effet porté plainte en 2012 contre cette société, car les innombrables retards dans l’ouverture de cette nouvelle infrastructure ont entraîné pour elle un énorme manque à gagner. Où est l’humour dans tout cela ? C’est Mr Hartmut Mehdorn, alors PDG d’Air Berlin, qui a déposé la plainte. Or, il est devenu depuis PDG de la partie adverse ! Heureusement qu’il doit avoir de bons avocats pour se défendre contre lui-même… 21 Fête Aérienne du Centenaire de la Grande Guerre : C’est certain, 2014 sera l’année de la commémoration du début de la Grande Guerre, la Guerre de 14-18. De nombreuses manifestations vont se tenir partout en France, et celle-ci me tient particulièrement à cœur puisqu’elle est organisée sur l’aérodrome de Meaux, base originale d’Aérocic. Un site et un blog ont étés créés pour vous tenir au courant des nombreuses activités qui vont être organisées sur place pendant trois jours, du 13 au 15 juin : http://www.lesailesdupaysdemeaux.fr/ et http://ailesdupaysdemeaux.overblog.com/. Ce sera un spectacle tellement intéressant que je ne manquerai pas de remonter de ma Dordogne pour l’occasion. Mais pas seulement pour y assister … En effet, l’organisation d’une telle manifestation est quelque chose de très lourd, et nécessite de nombreuses bonnes volontés et beaucoup de muscles. C’est pourquoi, plutôt que d’assister au meeting depuis les pelouses réservées aux spectateurs, je vous suggère de rejoindre l’équipe d’organisation. Il n’est pas nécessaire, pour aider, de s’engager à trois jours de présence. Tous les coups de mains seront bons à donner. Et cela vous donnera le plaisir d’avoir contribué au succès de l’opération, tout en vous permettant d’en voir les coulisses et qui sait, d’approcher les avions de très, très près ! Je vous invite donc à vous rendre sur le site du Véliplane http://www.veliplane.com/article.php3?id_article=260 où vous pourrez trouver le dossier complet sur la manifestation, le programme (il évolue encore régulièrement) et le dossier d’inscription au bénévolat. Si vous avez des questions, vous pouvez aussi contacter directement Serge au 01.60.04.76.00 ou au 06.07.49.18.86. Ainsi, comme vos aïeux, et en leur honneur, vous pourrez dire : « J’y étais ! ». A bientôt sur place ! 22 23 D’autres meetings auront lieu pour commémorer l’évènement. N’hésitez pas à nous signaler les manifestations dont vous aurez connaissance. En voici déjà trois : Ci-dessus :http://legendairenlimousin.blogspot.fr/ Ci-contre : www.cercledesmachinesvolantes.com Page suivante : http://www.centenaire-aerien-somme14-18.fr/ 24 25 Le jeu des 7 erreurs Sept différences ont été incorporées dans la seconde version de cette photo de Mermoz, prise en septembre 34, devant un « Arc-en-ciel ». À vous de les découvrir ! 26 La photo du mois Ce monument, construit en 1932, rappelle les dernières heures de la Grande Guerre, et ce que nous devons à ceux qui sont venus nous aider à la gagner. Il est situé sur une colline dont ne nom n’évoque pas le climat humide qui a tant compliqué les combats dans cette région. Quel est-il? Du fait de la nouvelle irrégularité de parution du journal, la bonne réponse est donnée dans le même numéro. Vous n’êtes donc pas tenus de me l’envoyer par mail. Que ça ne vous empêche pas de m’écrire pour me faire part de vos commentaires … Kézakaéro Devinettes D’où provient cette image ? Le Rafale a effectué en janvier des essais dans une nouvelle configuration très lourdement armée (cidessous). 1/ Combien d’ « objets » sont accrochés dessous ? 2/ Quel est le rapport entre le poids maximum emporté et le poids de l’avion ? (Solutions en dernière page) 27 Cet avion a-t-il volé ? Les Solutions La photo mystère : Elle montre la Butte de Montsec, où est érigé le Mémorial Américain construit par les U.S.A en hommage à tous les morts du 12 au 16 Septembre et du 9 au 11 novembre 1918. (Photo réalisée avec un ballon captif par Gérard Borre , en ligne sur www.survoldefrance.fr ). Jeu des sept erreurs : 1/ Mermoz a maintenant une cravatte, 2/ le troisième homme d’équipage a disparu et 3/ le mécano sous l’aile a maintenant la main dans la poche. 4/ La dame de droite a perdu le renard qu’elle tenait au bras. Concernant l’avion, 5/ l’amortisseur de la roue s’est agrandi, et 6/ une ouie d’aération supplémentaire s’est ajoutée sous le cockpit dont 7/ la vitre a complètement disparu. Kézakaéro : Du calendrier 2014 de Dassault Falcon. Les images sont signées Wilfrid Buch. Devinettes : 1/ Le Rafale a décollé en emportant 6 missiles air-sol de précision AASM Hammer, 4 missiles air-air moyenne et longue portée de la famille MICA, 2 missiles Meteor très longue portée ainsi que 3 réservoirs de 2 000 litres, soit 15 « objets ». 2/ Il serait donc capable de partir en opération de guerre en emportant une fois et demie son propre poids, ce qui serait une exclusivité pour un chasseur, selon Dassault. Cet avion a-t-il volé : Le Caproni Ca 60, avec neuf ailes et huit moteur (3.000 ch), était un hydravion à coque destiné à transporter une centaine de passagers au-dessus de l’Atlantique à 130 km/h. Son premier vol eut lieu le 04 mars 1921 au-dessus du lac Majeur. Il monta à environ vingt mètres de hauteur puis se crasha. Caproni déclara qu’il allait le reconstruire … mais l’épave brûla la nuit suivante. Et ce fut la fin de l’histoire. Envergure 30 m, longueur 23 m, hauteur 9 m, masse maxi au décollage 26 tonnes. 28