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Centre d'Ecologie et Physiologie Energétiques UPR CNRS 9010 Strasbourg Université Louis Pasteur Strasbourg Diplôme d'Etudes Approfondies "Ecophysiologie, Energétique et Comportement" CAUSES PROXIMALES ET ULTIMES DES VARIATIONS DU SUCCÈS REPRODUCTEUR CHEZ L'ALBATROS À SOURCILS NOIRS Mémoire de recherche présenté par David PINAUD Année 2000-2001 Laboratoire d'accueil : Centre d'Etudes Biologiques de Chizé UPR CNRS 1934 79 360 Villiers-en-Bois Responsable de stage : Henri WEIMERSKIRCH Remerciements… Je tiens à remercier : M. Patrick DUNCAN, Directeur du CEBC, pour m'avoir accueilli au sein de son laboratoire M. Henri WEIMERSKIRCH, Maître de stage, de m'avoir dirigé au cours de ce travail mais aussi pour m'avoir épaulé à distance lors de l'hivernage à Kerguelen Jérôme SPAGGIARI, mon digne coéquipier à Kerguelen, Francesco BONADONNA, Scott SCHAFFER et Simon CHAMAILLE-JAMMES, mon successeur, pour le travail de terrain et surtout les parties de franche rigolade Les Terres Australes et Antarctiques Françaises et l'Institut Français pour la Recherche et la Technologie Polaire La 49ème mission du District de Kerguelen (Ca l'était bon !) Dominique BESSON, pour sa gentillesse et sa patience tout au long de ces trois années Toute l'équipe du laboratoire pour sa disponibilité et tout particulièrement (en vrac !) Julien (ne désespère pas !), Maud et Francesco, les busardiers 2001 Loïc, Alex, Vincent, Michmuch et Carole, Statman, Sandra, Viviane, , LôRan, Olivier Cha', Yanno, Tom, Papy et Béa, Fred et Jo', les herpéthos en folie Muzo, Fab', Emilien, Xavier, François, Audrey, Aurore et Delphine, Hervé, Kevin (en percussion !), Frank, Jean-Marie Boutin et Guy Van Laere, Rod, Sonia, Daphné et Anthony, Manuel, Céline, Gwen, Mumu, Gé', Delphin et Camille, Sylvie, Pierrick et sa petite famille qui s'aggrandit, Hervé, JY007, Jigouille, Dudu (et ses bécasses)…. bref, tous ceux dont la compagnie fut agréable, je vous remercie ! Par contre, je ne remercie pas la photocopieuse d'avoir fait du sale boulot Ma mère et ma sœur pour leur soutien constant, et sur lesquelles je pourrai toujours compter. SOMMAIRE INTRODUCTION .......................................................................................................................................... 1 MATERIEL ET METHODES ....................................................................................................................... 6 MODELE ET SITE D'ETUDE .............................................................................................................................. 6 REGULATION DES TRAJETS ALIMENTAIRES EN INCUBATION ............................................................................. 7 VARIATION INTRA ET INTERANNUELLES DE LA MASSE ..................................................................................... 9 VARIATIONS DU SUCCES REPRODUCTEUR ..................................................................................................... 10 ZONES D'ALIMENTATION .............................................................................................................................. 10 RELATIONS SUCCES REPRODUCTEUR – ANOMALIES THERMIQUES DE SURFACE ............................................... 13 RESULTATS ................................................................................................................................................ 17 REGULATION DES TRAJETS ALIMENTAIRES EN INCUBATION ........................................................................... 17 SEUILS CALCULES D'ABANDON ..................................................................................................................... 18 VARIATION INTRA- ET INTERANNUELLES DE LA MASSE EN INCUBATION ......................................................... 19 CONTRIBUTION DES DIFFERENTS ECHECS EN REPRODUCTION ......................................................................... 21 ZONES D'ALIMENTATION .............................................................................................................................. 21 VARIATIONS DU SUCCES REPRODUCTEUR ET ANOMALIES THERMIQUES DE SURFACE ....................................... 22 DISCUSSION ............................................................................................................................................... 27 VARIABILITE ENVIRONNEMENTALE ET RECHERCHE ALIMENTAIRE ................................................................. 27 CAUSES D'ECHEC EN REPRODUCTION ............................................................................................................ 29 IMPORTANCE DES RESERVES CORPORELLES CHEZ LES PROCELLARIFORMES .................................................... 32 COMPARAISON AVEC D'AUTRES POPULATIONS .............................................................................................. 33 CONCLUSION ET PERSPECTIVES ......................................................................................................... 36 BIBLIOGRAPHIE ANNEXE INTRODUCTION INTRODUCTION La Théorie de l'Evolution des Traits d'Histoire de Vie prédit qu'un organisme maximise sa valeur adaptative en optimisant la répartition de l'énergie acquise (voir par exemple Stearns 1992). En effet, en raison des contraintes physiologiques et de limitations de ressources, l'énergie acquise par l'individu doit être allouée dans différentes voies concurrentielles, reproduction, croissance et survie. Une question centrale dans ce domaine est de savoir comment les organismes partagent leur investissement énergétique entre, d'une part, la reproduction actuelle et, d'autre part, la survie et les chances de reproductions futures (Williams 1966). Chez les espèces longévives comme les Procellariformes (albatros et pétrels), il est prédit que les adultes devraient limiter les risques de réduction de leur survie liés à une augmentation de l'effort de reproduction (Williams 1966; Charlesworth 1980; Wooller et al. 1992). En effet, ces oiseaux marins ne pondent qu'un seul œuf et les événements reproductifs sont annuels ou biennaux (Warham 1990). Cette faible fécondité est compensée par un taux de survie des adultes très élevé, leur donnant une forte valeur reproductive résiduelle (Goodman 1974). Les oiseaux marins ont souvent un succès reproducteur très variable et on suppose généralement que cette variabilité est due à l'environnement marin où les ressources sont très fluctuantes et imprévisibles (Ashmole 1971). Cette forte variabilité environnementale favoriserait l'émergence d'une stratégie à effort flexible d'investissement dans la reproduction (Erikstad et al. 1997). Erikstad et al. (1998) prédisent dans un modèle que, dans les pires conditions d'élevage, la valeur adaptative maximale est atteinte en ne nichant pas ou en abandonnant la reproduction. Ces décisions d'allocation d'énergie dans la reproduction ou la survie seraient dépendantes de l'état physiologique de l'individu (McNamara & Houston 1996). Chez les Procellariformes, Weimerskirch (1999) a montré le rôle important de la condition corporelle dans les décisions de reproduction et d'alimentation, avec l'existence de seuils de masse régissant les séquences de recherche de nourriture et d'élevage. Par exemple, chez le Pétrel bleu Halobaena caerulea, les adultes abandonnent la reproduction en cours lorsque la masse corporelle atteint le seuil critique de 168 g (Chastel et al. 1995, Chaurand & Weimerskirch 1994). En effet, cette masse correspond à un état avancé de déplétion des réserves énergétiques (Ancel et al. 1998) où le stock de protéines ne peut plus être épargné (transition phase II – phase III, Cherel et al. 1987; Groscolas 1990). Ce passage est marqué par un changement métabolique et hormonal, et il s'établierait un "signal de réalimentation" (Robin et al. 1998) qui laisse une marge de sécurité suffisante pour aller se nourrir avant d'atteindre un stade léthal (voir revue de Cherel & Groscolas 1999). La gestion des réserves énergétiques chez ces oiseaux marins, 1 alternant phases de jeûne à terre et séquences d'alimentation en mer, est un élément important de décision dans les phénomènes d'allocation. Ainsi, chez les Procellariformes, les compromis d'allocation d'énergie ont beaucoup été étudiés lors de l'élevage du poussin (voir Weimerskirch 1999), peu de travaux se sont intéressés à la période d'incubation (voir Chaurand & Weimerskirch 1994, Weimerskirch 1995; Tveraa et al. 1997; Gonzàles-Solis et al. 2000). Cette période est pourtant considérée déterminante pour le succès de la reproduction et la majorité des abandons se fait à ce moment (voir Prince et al. 1994b). En effet, la phase d'incubation des albatros et des pétrels (qui dure parfois plusieurs mois) présente de longues périodes de couvaison (d'une semaine ou plus) associées à un jeûne et entrecoupées de voyages alimentaires en mer, les partenaires se relayant pour une durée sensiblement équivalente sur le nid (Warham 1990). Chez les albatros, la décision d'arrêter de couver pour aller se nourrir est subordonnée à l'arrivée du partenaire car la moindre absence sur le nid se traduit par une prédation presque immédiate de l'œuf. Les albatros n'effectuant pas de ponte de remplacement, cette absence équivaut donc à un échec reproductif pour l'année en cours. Le partenaire en mer doit revenir relever le couveur avant que celui-ci n'ait épuisé ses réserves corporelles (la demande énergétique est relativement élevée durant la couvaison, 30 à 40 % du taux métabolique basal, Croxall 1982) et qu'il ne soit forcé à quitter le nid pour s'alimenter. Afin de limiter ces risques d'échec, les oiseaux devraient être capables de réguler leur condition corporelle en mer et on devrait observer une relation entre les pertes subies lors du jeûne précédent le départ en mer et les gains au retour du trajet alimentaire. Plusieurs études ont mis en évidence cette régulation chez différentes espèces de Procellariformes : le Pétrel bleu (Chaurand & Weimerskirch 1994), le Pétrel-Géant de Hall (GonzàlesSolis et al. 2000), le Pétrel antarctique (Tveraa et al. 1997), le Grand Albatros (Weimerskirch 1995). Cependant, Johnstone & Davis (1990) n'observent pas de régulation de la condition corporelle chez le Pétrel noir. La réussite de la reproduction dépend donc de la capacité des adultes, lors d'un trajet en mer, à restaurer rapidement leur condition corporelle dégradée lors du jeûne précédent et à préparer le prochain relais d'incubation. L'efficacité d'acquisition des ressources est primordiale. La recherche alimentaire des albatros montre deux types de contraintes liées au milieu marin. Premièrement, les zones d'alimentation sont souvent très éloignées des sites de nidification et les oiseaux doivent faire de longs aller-retour pour se nourrir (voir par exemple Jouventin & Weimerskirch 1990). Deuxièmement, l'environnement marin dans lequel ils recherchent leurs proies est relativement pauvre en moyenne et les ressources présentent une distribution dispersée et imprévisible (Ashmole 1971). Ces deux facteurs rendent les durées des trajets en 2 mer mais aussi les probabilités de reconstituer ses réserves énergétiques très variables et difficilement prévisibles. De plus, il existe dans ce milieu de fortes variations interannuelles avec des années à très faibles disponibilités alimentaires réduisant les chances d'élever un poussin (voir par exemple Croxall et al. 1999). Lors de conditions défavorables, les paramètres d'approvisionnement changent et notamment la durée des trajets en mer qui s'allonge (voir Weimerskirch et al. 2001). Ces mauvaises conditions trophiques ont souvent été reliées à des événements climatiques particuliers, dont les températures de surface ("Sea Surface Temperatures") sont un indicateur, et qui affectent l'écosystème dans sa globalité (voir par exemple Hunt et al. 1981; Croxall 1992; Decker et al. 1995; Nicol et al. 2000). Des études à long terme mettent en évidences des corrélations entre SST et succès reproducteur d'oiseaux marins (par exemple Guinet et al. 1998). Chez le Pétrel bleu, lorsque les anomalies thermiques de surface autour des zones de reproduction sont élevées (épisodes "chauds"), on observe les conditions corporelles les plus faibles et un succès reproducteur bas (Guinet et al. 1998). Les mécanismes de cette régulation restent toutefois peu connus et rarement appréhendés. Jusqu'à présent, les études sur les prédateurs marins se sont attachés à étudier séparément les phénomènes d'allocation des ressources, les stratégies d'acquisition des ressources en mer ou l'influence d'une variable environnementale sur le succès reproducteur. Notre hypothèse de travail est que le niveau des ressources disponibles en mer autour des sites de reproduction influencerait la capacité des adultes à trouver de la nourriture et donc à réguler leur condition corporelle. Celleci modulerait alors l'investissement dans la reproduction et donc le succès reproducteur. Une approche intégrant les relations entre la variabilité envionnementale et les processus d'acquisition et d'allocation des ressources permettrait de mieux comprendre les causes de variations du succès reproducteur et d'identifier les processus impliqués dans l'évolution des stratégies démographiques (Stearns 1992). La connaissance des facteurs écologiques et phylogéniques entraînant ces variations permettrait d'approcher les relations entre habitats et histoires de vie, ce qui est une question fondamentale en écologie (Begon et al. 1996). Le but de cette étude est d'expliquer les variations du succès reproducteur chez une espèce d'oiseau marin longévif à reproduction annuelle, l'Albatros à sourcils noirs Diomedea melanophris, en examinant le lien entre variabilité environnementale, recherche de nourriture, régulation de la condition corporelle et succès reproducteur (voir schéma 1). 3 Climat Environnement marin Ressources marines Comportement de recherche alimentaire Réserves énergétiques Succès reproducteur Schéma 1 : problématique du sujet, qui aborde les liens entre variabilité environnementale, recherche de nourriture, régulation de la condition corporelle et succès reproducteur. Une idée centrale pour expliquer les variations du succès observé est que l'état physiologique de l'individu et notamment le niveau de ses réserves énergétiques est au cœur des décisions d'allocation (facteurs proximaux) et la régulation de l'investissement reproducteur par la condition corporelle serait une adaptation à un environnement très variable (facteurs ultimes). 4 MATÉRIEL ET MÉTHODES 5 MATERIEL ET METHODES Modèle et site d'étude L'Albatros à sourcils noirs Diomedea melanophris est un albatros de taille moyenne appartenant à l'ordre des Procellariformes et fréquentant les océans austraux. Son aire de distribution est essentiellement antarctique et subantarctique. Sa population mondiale est estimée à 680 000 couples et les tendances semblent être à la baisse (Croxall & Gales 1997). C'est l'espèces d'albatros la plus abondante, 80% de la population se rencontrant aux Iles Falkland. Sa fréquence de reproduction est annuelle (Prince et al. 1994b) et son régime alimentaire est essentiellement composé de poissons (Cherel & Klages 1997; Cherel et al. 2000). La zone d'étude est située aux Iles Kerguelen (Terres Australes et Antarctiques Françaises, Océan Indien) au Cañon des Sourcils Noirs (49°40' S ; 70°15' E, voir fig. 1 et 2), dans une colonie qui comprend environ 1200 couples. Océan Indien AUSTRALIE AFRIQUE Iles Kerguelen ANTARCTIQUE Figure 1 : localisation des Iles Kerguelen. 6 Polar Front Figure 2 : le plateau de Kerguelen (tracé du Front Polaire selon Parks et al. 1993) Depuis le cycle de reproduction 1980/81 (les cycles, à cheval sur deux années civiles, seront désignés ci-après par l'année du printemps), 50 à 250 couples sont suivis annuellement et chaque individu reproducteur est bagué. Plusieurs contrôles annuels à date fixe permettent de connaître et de suivre le statut de chaque oiseau. Début novembre, les partenaires du couple sont identifiés et la présence d'un œuf est notée. Début janvier, les éclosions sont contrôlées. Fin mars, les poussins sont mesurés et bagués juste avant l'envol. On peut ainsi déterminer les échecs à différents stades du cycle reproducteur et en déduire le succès reproducteur (voir Weimerskirch & Jouventin 1987). Pour des comparaisons interindividuelles, la masses plutôt que la condition corporelle est utilisée. Ceci est acceptable chez cette espèce car la variance de la taille des individus est faible comparée aux variations de masses (Weimerskirch 1999). Régulation des trajets alimentaires en incubation Du 18 novembre au 7 décembre 1999, 40 couples ont été suivis de 7h00 à 18h00 heure locale (UTM+5) afin de connaître la durée des séjours sur le nid et des voyages en mer pour chaque partenaire. Un individu de chaque couple était marqué d'une tache d'acide picrique à la poitrine, ce qui permettait un contrôle à distance sans dérangement (en continu ou toutes les deux heures au minimum) pour déterminer les heures exactes d'arrivée ou de départ. Pendant l'in- 7 cubation, le mâle et la femelle se relaient sur le nid : pendant qu'un oiseau incube l'œuf et jeûne, son partenaire est en mer pour se nourrir. Pour étudier les gains de masse à l'issue d'un trajet en mer, les individus de 30 couples (groupe "Pesée") parmi ces 40 nids étaient pesés dans les 24 h après leur retour d'un trajet en mer, puis tous les 2-3 jours jusqu'à la relève par le partenaire. L'adulte couveur était délicatement écarté du nid et l'œuf mis à l'abri, un faux nid portatif intégrant une balance (précision : ± 20 g, fabriquée par Francis Scientific Intruments, Caxton, UK) était installé sur le nid avec un œuf en plâtre, puis l'adulte était pesé lorsqu'il montait sur la balance pour couver le faux œuf. L'opération ne durait pas plus de trois minutes et ne nécessitait pas de réelle contention de l'oiseau. Les dix autres nids constituaient un lot contrôle (groupe "Contrôle") où l'on pouvait noter l'influence éventuelle de la pesée sur le comportement des oiseaux. Afin de prendre éventuellement en compte le sexe de l'individu, une Analyse en Composantes Principales a été effectuée sur des données provenant de 230 oiseaux mesurés en 1991 (longueur du culmen, du tarse et de l'aile primaire) et comparée à celles de 15 individus sexés au niveau moléculaire en 1999 (Fridolfsson & Ellegren 1999, Schaffer & Weimerskirch, com.pers.). Malgré le fort pourcentage d'inertie expliquée par ces trois variables (F1 : 55.1%, F2 : 25.1%), il n'apparaît pas de séparation entre mâles et femelles. Selon ces paramètres, il existe un gradient biométrique continu et homogène, sans effet "sexe", la distribution des masses suivant alors une loi normale. Pour éviter les dérangements avec des pesées trop fréquentes, les masses de départ et d'arrivée ont été estimées en utilisant le modèle de perte de masse exponentielle (suivant Prince et al. 1981) : Pt =Po e(-kt) avec Po : masse à l'arrivée. Le modèle a été établi avec les données où le temps entre l'arrivée et la première pesée est inférieur à 6 h, ce qui permet de considérer une masse mesurée peu différente de celle de l'arrivée P0. Le modèle (N=28, R²=0.86, P=0.001) donne une estimation de k=0.01363, comparable à celle obtenue par Prince et al. (1981) où k=0.013. Le modèle est validé sur un autre jeu de données où t01>6 h (comparaison de la deuxième pesée avec la prédiction). Il n'y a pas de différence significative entre les masses observées et les masses prédites par ce modèle (Test pairé de Wilcoxon, T=-1.43, N=18, P=0.15). Les trajets d'individus partis s'alimenter en mer peuvent dépendre de deux paramètres : le temps écoulé depuis le départ du nid (durée du trajet : DURTRAJ) ou la quantité de nourriture ingérée (gain de masse à l'issue du trajet, proportionnellement à la masse de départ : GAIN). Ces variables peuvent être dépendantes l'une de l'autre ou fonction des paramètres suivants : la masse de départ (MASDEP), la durée du jeûne sur le nid (DURINC), la perte de masse pro8 portionnelle à la masse en début de jeûne (PERTE). Des individus pouvant contribuer plusieurs fois à l'échantillon, une séquence complète (jeûne sur le nid suivi d'un trajet en mer) est tirée au hasard par individu pour éviter les problèmes de pseudo-réplication. Des régressions multiples descendantes pas à pas (sensibilité : 0.001 ; seuil : =0.05) sont effecuées avec les modèles suivants : GAIN=f(DURINC + PERTE + MASDEP + DURTRAJ) et DURTRAJ=f(DURINC + PERTE + MASDEP + GAIN). Les variables explicatives retenues par le modèle seront celles où le seuil bilatéral de significativité sera inférieur à 5%. Afin de déterminer la durée maximale théorique de jeûne en incubation, un seuil théorique de masse d'abandon de la reproduction a été calculé pour cette espèce d'après Weimerskirch (1999). Le modèle porte sur six espèces de Procellariformes de 120 à 10000 g pour lesquelles ont été observées des masses d'abandon en début de relai d'incubation. Le nombre d'échantillon est de sept car, pour le Grand Albatros, les sexes ont été dissociés pour l'analyse. On a donc : MassPériod = f [Log10(MassPériod)] MassSeuil où MassPériod représente la moyenne des masses observées et MassSeuil la moyenne des masses d'abandon observées (voir Weimerskirch 1999). Variation intra et interannuelles de la masse Pour étudier les variations de masse durant le cycle de reproduction, une trentaine d'individus ont été pesés au hasard dans la colonie d'étude (après capture et mise en sac, à l'aide d'un peson à ressort précis à 1%) tout au long du cycle 1991/92 : début octobre, avant la ponte ; début novembre en début d'incubation ; début décembre en milieu d'incubation ; début janvier juste après l'éclosion, lorsque le poussin n'est pas émancipé thermiquement et qu'il nécessite la présence permanente d'un adulte (période de garde, appelée aussi "brooding") ; enfin début mars lors de l'élevage du grand poussin. J'ai comparé les masses en milieu d'incubation (fin novembre-début décembre) entre les cycles 1984/85, 1991/92 et 1999/00. Les données de 1984 proviennent de 35 couveurs pesés au hasard (même protocole qu'en 1991) dans une colonie située sur l'Ile de Croy (Iles Nuageuses, 48° 35' S ; 68° 40' E). Les données de 1999 concernent 64 masses tirées aléatoirement d'individus différents. 9 Variations du succès reproducteur Les contrôles effectués dans la colonie d'étude (50 à 250 couples) depuis 1980 permettent de déterminer le succès reproducteur. Les contrôles au stade de l'éclosion n'ayant été entrepris qu'à partir de 1985, on ne peut décomposer les différentes stades d'échec (incubation, élevage du poussin) qu'à partir de cette année. On définie le succès total par le pourcentage de poussins envolés (np) par rapport au nombre d'œufs pondus (nw); le succès éclosion par le pourcentage d'œufs éclos (ne) par rapport au nombre d'œufs pondus ; le succès poussin par le pourcentage de poussins envolés par rapport au nombre d'œufs éclos. Pour déterminer la contribution respective de chaque type d'échec (incubation %INC, élevage du poussin %ELE) sur les variations du succès reproducteur total (%TOT), il est nécesaire de travailler avec des variables dont les ensembles ne se recoupent pas (le nombre de poussins à l'envol survivant à la période d'élevage est dépendant du nombre de poussins éclos survivant à l'incubation, alors que le nombre de poussins disparaissant durant l'élevage est indépendant mathémathiquement du nombre d'œufs échouant en incubation). Ainsi, on peut définir la relation %TOT=%INC + %ELE pour décomposer les variances (en suivant Saporta 1990). On peut alors décomposer la variance totale : V(%TOT)=V(%INC) + V(%ELE) + 2 COV(%INC, %ELE). Zones d'alimentation Pour déterminer l'influence de variables environnementales sur le succès reproducteur, il est nécessaire de bien définir les zones géographiques d'interaction (par ex. Hunt & Schneider 1987). Les zones d'alimentation durant l'élevage du grand poussin sont connues et les surfaces prospectées restent identiques d'année en année, c'est à dire les bords du plateau continental (Weimerskirch et al. 1997, Cherel et al. 2000). Par contre, les zones prospectées durant l'incubation ne sont pas connues. Nous avons donc équipé huit reproducteurs (groupe "Balise", en dehors de la colonie étudiée pour la régulation des trajets alimentaires) du 19 novembre au 4 décembre 1999 de balises satellitaires Argos (balises PTT100 de la firme Microwave) couplées à un enregistreur d'activité (Francis Scientific Instruments, Caxton, UK) fixé à la patte sur une bague en plastique. L'enregistreur d'activité comporte des électrodes qui enregistrent toutes les 8 secondes le contact avec l'eau salée, et donc indique si l'oiseau est posé ou en vol. La masse d'une balise est de 32 g et d'un enregistreur de 12 g, soit au total 1.2 % de la masse de l'oiseau (5% est le maximum accepté pour les oiseaux, Kenward 1987). Les balises étaient fixées sur les plumes du dos par du ruban adhésif et déployées le temps d'un trajet en mer uni- 10 quement. Les individus étaient pesés au départ et au retour d'un voyage en mer. Deux oiseaux ont été équipés lors de deux trajets successifs. Les données ont été filtrées selon Weimerskirch et al. (1993) en éliminant les points où la vitesse moyenne de déplacement est supérieure à 90 km.h-1 (vitesse moyenne maximale théorique d'après Pennycuick 1982). Les positions des événements d'atterrissage et de décollage ont été estimées avec un programme "maison" (Diomedea v14.1 par D. Filippi) en supposant une vitesse constante entre chaque localisation Argos mais tenant compte du temps passé sur l'eau. Pour les cycles 1993 et 94, j'ai repris les localisations de Weimerskirch et al. (1997). L'Albatros à sourcils noirs effectue des trajets alimentaires de type "commuting" (Weimerskirch 1997; Weimerskirch et al. 1997)) qui présentent des phases de déplacement (localisations espacées) et de stationnement (points regroupés, ce qui correspond probablement à des séquences de recherche ou d'alimentation, voir l'exemple fig. 3 et Weimerskirch et al. 1997). Figure 3 : exemple d'un trajet d'un Albatros à sourcils noirs équipé d'une balise Argos, en période d'incubation. Les cercles sur le trajet de l'oiseau correspondent aux atterrissages captés par l'enregistreur d'activité. L'étoile indique la colonie d'étude. Pour déterminer les zones à fortes densités de points, une analyse de Kernel est effectuée à l'échelle d'un trajet sur les points Argos. Cette méthode non-paramétrique est celle qui présente le moins de biais (voir revue Powell 2000) et permet le passage d’une distribution de 11 points à une estimation (probabilité) de densité. Le traitement s'effectue avec le Système d'Informations Géographiques ArcView® (Esri corporation) et de l’extension d'analyse des mouvements animaux 'Animal Movement', v.2B (Hooge & Eichenlaub 1997, Alaska Biological Science Center, http://www.absc.usgs.gov/glba/gistools/). La projection utilisée ('Albers Equal Area Conic') respecte les surfaces. Le paramètre de kernel h est choisi par la méthode dite de ‘Least Square Cross Validation’ (sauf pour les larges échantillons où la valeur ad hoc de h est proche de celle donnée par la méthode de validation, ce qui réduit alors le temps de calcul). Ensuite, sur un diagramme où sont portées en abscisse les probabilités de densités et en ordonnées les surfaces de chaque portion de densités, la (les) région centrale est déterminée Superficie (Powell 2000), voir fig. 4). 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 Probabilité Figure 4 : exemple d'analyse d'un trajet (le même que la figure 3) selon la méthode de Kernel. Les points noirs correspondent aux localisations Argos, les lignes joignant les points de l'espace ont la même probabilité de densité. Le graphique représente les surfaces de chaque zone de densité. Une rupture dans la distribution lors du passage de la probabilité 40 % à 45 % indique un changement dans l'utilisation de l'espace, correspondant à des zones où l'oiseau est resté plus de temps (densité maximale, Powell 2000). Ces zones sont représentées par un trait en gras. L'étoile indique la colonie d'étude. Cette zone correspond alors à la plus forte densité continue de localisations, et permet d'estimer les zones de recherche alimentaire. Cette hypothèse est renforcée par la concordance en- 12 tre ces zones et celles où l'on observe les plus fortes densités d'atterrissages et de décollages (d'après les enregistreurs d'activité) qui correspondent à des évènements de recherche alimentaire (voir fig. 3 et 4). Pour chaque trajet, les localisations comprises dans les zones de forte densité sont extraites et définissent les points "alimentation" pour ce trajet. Pour un cycle, tous les points alimentations extraits à l'échelle de chaque trajet sont regroupés et constituent les localisations d'alimentation pour le cycle donné. Une deuxième analyse de Kernel est effectuée sur cette population de points pour déterminer les gradients d'utilisation sur les zones d'alimentation pour le cycle donné. Enfin, pour définir les zones générales d'alimentation pour cette population d'albatros, une analyse de Kernel est effectuée sur les points "alimentation" pour les trois cycles regroupés. Relations succès reproducteur – Anomalies thermiques de surface Les températures de surface marine ("Sea Surface Temperature", SST) constituent la variable environnementale la plus utilisée pour expliquer la distribution ou les réactions des populations des prédateurs marins (par ex. Hunt et al. 1981; Stahl et al. 1985; Hunt et al. 1992; Veit et al. 1996; Guinet et al. 1998). Ces données sont récoltées depuis une vingtaine d'années sur toute la surface du globe et sont disponibles gratuitement sur internet (http://ingrid.ldgo.columbia.edu/SOURCES/IGOSS/) avec une précision de 1°x 1°. Elles sont obtenues d'après des mesures par satellites mais aussi in situ (bouées dérivantes, navires) et ajustées (Reynolds & Smith 1994). De ces données mensuelles sont extraites les anomalies thermiques ("Sea-Surface Temperature anomalies", SSTa) correspondant à la différence entre la valeur observée et la moyenne sur la même zone pour le même mois pour toute la série de mesures. Les corrélations sont faites à trois échelles spatiales d'après le traitement des localisations "alimentation" par la méthode de Kernel (voir fig. 5) : i) zone A comprenant toutes les localisations Argos des trois années (1993, 1994 et 1999). Elle correspond à la partie nord du plateau de Kerguelen. ii) zone B comprenant 95% des points "alimentation" pour les 3 années groupées. Ce sont les bords sud, est et nord en bordure du plateau autour de Kerguelen. iii) zone C comprenant 60% (c'est à dire la densité maximale) des points "alimentation" pour les 3 années groupées. C'est la bordure du plateau au nord-est de Kerguelen. 13 a c b d A B C Figure 5 : Zones d'alimentation déterminées par la méthode d'analyse de Kernel d'après les points "alimentation" et zones d'extraction des SSTa. a) cycle 93/94, durant l'élevage du grand poussin en février; b) cycle 94/95, durant l'élevage du grand poussin en février ; c) cycle 99/00, en milieu d'incubation (fin novembre – début décembre) ; d) sur le total des trois cycles avec la définition des zones d'extraction des températures de surface. Pour chaque cycle, la période couverte par les anomalies thermiques va de mai (avant le début de la reproduction) à avril (juste après la reproduction). Pour chaque échelle spatiale (A, B et C) et pour chaque type de paramètre démographique (succès total, à l'éclosion et à l'envol), j'ai utilisé les corrélations de Spearman pour analyser les relations entre anomalies thermiques et succès reproducteur. Une procédure de tirages aléatoires (méthode "Bootstrap" avec 1000 itérations) a permis d'obtenir un intervalle de confiance à 95% pour chaque coefficient de cor- 14 rélation. Si la valeur 0 n'est pas inclue dans cet intervalle, le coefficient de corrélation diffère significativement de 0 au seuil bilatéral de 0.05. L'éventuelle influence de l'expérience reproductive des individus sur la réussite de la reproduction suivant les conditions environnementales a été analysée chez des oiseaux dont l'âge exacte était connu (c'est à dire bagués au stade poussin). Les contrôles annuels sur la même colonies d'étude permettent de connaître les évènements reproductifs pour chaque individu identifié (voir Weimerskirch & Jouventin 1987). Les quatre classes d'expérience (EXP) sont : "0" (pas de précédente tentative de reproduction notée) ; "1" (une tentative précédent ce cycle) ; "2" (deux tentatives précédentes) et "3+" (trois tentatives et plus). Par classe sont notés les pourcentages de succès total par année pour cette population d'individus. Les cycles étudiés vont de 1988 à 1999 car les cycles antérieurs à 1988 ne sont pas représentatifs pour décomposer l'expérience (peu d'individus par classe). Le choix de la zone où les SSTa mensuelles sont extraites s'effectue d'après le coefficient de corrélation le plus élevé en valeur absolue. J'effectue une analyse en GLM ("General Linear Model") avec le modèle forcé suivant : succès total=EXP + SSTA + SSTA*EXP. Si l'interaction entre anomalies thermiques et expérience est significative, les individus réagissent différemment aux conditions environnementales selon leur expérience. Les tests statistiques ont été effectués avec le logiciel Systat9 (SPSS corp.). Les seuils de significativité sont bilatéraux et les valeurs sont données sous la forme X ± SD. 15 RÉSULTATS 16 RESULTATS Régulation des trajets alimentaires en incubation La durée des trajets en mer est différentes entre les groupes d'études (voir tab. 1 en annexe). Les individus équipés de balise (groupe "Balise") sont restés plus longtemps en mer que ceux du groupe "Pesée" et du groupe "Contrôle" (ANOVA, F2, 131=13.908, P<0.001, ajustement de Bonferroni : P<0.001 et P=0.001 respectivement). Il n'y a pas de différence significative entre le groupe "Pesée" et le groupe "Contrôle". Ces différences constatées, le groupe "Balise" est exclue des analyses concernant la régulation des trajets alimentaires. Le gain de masse à l'issue d'un trajet est expliqué par le temps passé à jeûner sur le nid lors du relai d'incubation précédent (régression linéaire multiple descendante pas à pas, GAIN=2.647 DURINC + 1.040, t=3.02 , N=22, R²=0.31, P=0.007). Le choix d'un modèle linéaire étant discutable biologiquement (un oiseau ne peut pas augmenter en masse indéfiniment), une seconde régression est réalisée avec la variable finale (régression polynomiale d'ordre 2 : GAIN=-0.555 DURINC² + 8.763 DURINC – 11.445, F2, 21=8.85, N=22, R²=0.48, P=0.0019 ; Gain en mer (% masse de départ) voir fig. 6). 40 30 20 Figure 6 : Gain de masse à l'issue d'un trajet en mer (% de la masse de départ) en fonction de la durée du jeûne d'incubation précédent le départ, pour 22 individus différents. GAIN=-0.555 DURINC² + 8.763 DURINC–11.445, F2, 21=8.85, N=22, R²=0.48, P=0.0019. 10 0 -10 -20 0 2 4 6 8 10 12 Durée du jeûne durant l'incubation prédédente (jour) La régression multiple descendante pas à pas avec comme variable à expliquer la durée du trajet DURTRIP n'est pas significative. Cependant, à l'avant-dernier pas, la variable GAIN est proche du seuil de significativité (DURTRIP=0.070 GAIN + 4.54, F1, 20 =4.22, N=22, R²=0.18, P=0.053), alors qu'une régression linéaire simple pour les deux variables (où N=23) est significative (DURTRIP=0.070 GAIN + 2.966, F1, 21=4.45, N=23, R²=0.18, P=0.047 ; voir fig. 7), du fait d'une série incomplète de donnée non prise en compte par le modèle entier (mode "listwise"). 17 8 Nombre de jours en mer 7 6 5 4 Figure 7 : Nombre de jours passé en mer à s'alimenter en fonction du gain de masse (en pourcentage de la masse de départ) pour 23 individus reproducteurs au stade incubation. DURTRAJ=0.070 GAIN + 2.966, F1, 21=4.45, N=23, R²=0.18, P=0.047. 3 2 1 0 -20 -10 0 10 20 30 40 Gain en mer (% masse départ) En moyenne, les adultes récupèrent à l'issue d'un séjour en mer 191.1 ± 268.4 % de la masse perdue lors du jeûne d'incubation (N=22, -616.7 – 707.7). Ce taux de récupération est indépendant du temps passé en mer (F1, 20=1.79, N=22, R²=0.08, P=0.197 ; voir fig. 8). Récupération du jeûne précédent (gain/perte x 100) 800 600 400 200 0 Figure 8 : récupération de la masse perdue pendant le jeûne d'incubation en fonction du temps passé en mer. La régression entres ces deux variables n'est pas significative (N=22, R²=0.082, P=0.197 -200 -400 -600 -800 0 1 2 3 4 5 6 7 8 durée du séjour en mer (jours) Seuils calculés d'abandon D'après Weimerskirch 1999, en début de relai d'incubation, la relation plurispécifique entre masse corporelle moyenne (log10) et ratio masse/masse d'abandon est M =-0.2467 [log10(M)]² + 1.7104 log10(M) – 1.3816 (N=7, Ma R²=0.92, P=0.004). Avec une masse moyenne de début de jeûne de 4360 ± 460 g (N=59) mesurée en 1999, le seuil d'abandon calculé pour l'Albatros à sourcils noirs est de 2715 g, soit 38 % de la masse moyenne à cette période et la durée maximale de jeûne théorique en incubation est de 33 jours. 18 En moyenne, la durée maximale de jeûne avant que l'adulte abandonne la reproduction est d'une trentaine de jours, ce qui laisse une marge consistante dans l'absolu avant de quitter le nid (voir fig. 9). 5.5 5.0 Masse (kg) 4.5 4.0 3.5 3.0 2.72 2.5 Masse estimée d'abandon 2.0 0 2 4 6 8 Figure 9 : Distribution de la durée des jeûnes d'incubation et des masses en début de jeûne, perte moyenne en jeûne et masse estimée d'abandon, pour l'étude en novembre – décembre 1999. La masse au début de l'incubation est la masse moyenne relevée pour cette étude, soit 4120 ± 450 g (N=163). Voir le texte pour le calcul du seuil d'abandon. 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 Durée du jeûne d'incubation (jours) Cependant, selon la distribution des masses observées en 1999, une partie non négligeable des couveurs est susceptible d'atteindre ce seuil d'abandon relativement vite, surtout si l'on considère une succession de trajets alimentaires à faible rendement. Variation intra- et interannuelles de la masse en incubation Des pesées régulières en 1991 montrent des variations significatives tout au long du cycle de reproduction (ANOVA, N=185, F4, 180=13.769, P<0.001). Deux périodes sont distinguables (voir fig. 10) : i) en pré-ponte et durant l'incubation, la masse moyenne est relativement élevée, avec une tendance à l'augmentation au cours de l'incubation (données de 1999 sur 14 individus pesés deux fois avant un départ en mer, test pairé de Wilcoxon, P=0.044) ; ii) après l'éclosion de l'œuf durant l'élevage du poussin, avec une diminution très forte de la masse au moment de l'éclosion (test post-hoc ajusté par Bonferroni, P<0.001). 19 5.0 90 Masse (kg) 4.5 33 27 ** 19 4.0 Figure 10 : Variation de la masse corporelle au cours du cycle de reproduction 1991. Ces variations diffèrent significativement (ANOVA, N=185, F4, 180=13.769, P<0.001), avec une dimiution significative de la masse moyenne entre la fin de l'incubation et la période de "brooding" (test post-hoc ajusté par Bonferroni, P<0.001). ** signifie P<0.001. 16 3.5 3.0 ponte éclosion émancipation thermique envol 2.5 incubation oct. nov. déc. brooding jan. élevage fév. mars Les masses moyennes diffèrent significativement entre les cycles 1984, 1991 et 1999 (ANOVA, N=157, F2, 154=9.683, P<0.001) Les masses en 1984 sont plus faibles que celles de 1991 et 1999 (test post-hoc ajusté par Bonferroni, P<0.001 ; voir fig. 11), ce qui donne aux couveurs de 1984 une marge plus restreinte car les masses observées sont proches du seuil 5.0 100 ** ** 80 4.5 60 4.0 40 3.5 35 33 64 20 Succès reproducteur total (%) Masse moyenne début décembre d'abandon estimé (voir fig. 12). Figure 11 : Variations interannuelles de la masse moyenne en milieu d'incubation et du succès reproducteur total. Les masses des individus en 1984 sont significativement plus faibles que celles de 1991 et 1999 (ANOVA, F2, 154=9.683, N=157, P<0.001, test posthoc ajusté par Bonferroni). De même, le succès reproducteur en 1984 est plus faible comparé aux cycles de 1991 et de 1999 ( ²=19.94, ddl=1, P<0.001 ; ²=13.43, ddl=1, P<0.001, respectivement). ** signifie P<0.001. 3.0 0 1984/85 1991/92 1999/00 20 35 1984 (N=35) 1999 (N=64) Fréquence (%) 30 25 Figure 12 : Distribution des masses en milieu d'incubation (début décembre) pour les cycles 1984 et 1999 par rapport à la masse estimée d'abandon. Les masses de 1984 étant plus faibles en moyenne (voir texte), les individus jeûnant en incubation risquent d'atteindre plus vite le seuil estimé d'abandon de 2.72 kg. 20 15 10 5 0 2.5 2.72 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 5.5 Masse (kg) Contribution des différents échecs en reproduction L'échec total moyen, sur les 15 années d'études détaillées, est de 30.60 ± 9.08 %. L'échec moyen en incubation est deux fois plus élevé que celui durant l'élevage du poussin (19.97 ± 6.94 % et 10.63 ± 6.43 % respectivement). Les différentes contributions des deux types d'échec à la variance total sont de 58.5 % pour l'incubation et 50.0 % pour l'élevage du poussin, la covariance de ces deux variables prenant en compte 8.5 % en valeur absolue. Les échecs en incubation sont donc majoritaires et expliquent près de 60 % des variations de l'échec total (voir tab. 3 en annexe). Zones d'alimentation Un total de 53 trajets alimentaires concernant 26 individus (voir tab. 2 en annexe) a été obtenu pour trois années (deux stades de reproduction différents, incubation et élevage du poussin). Les surfaces couvertes (avec 95% des points "alimentation") sont plus importante en 1999 pendant l'incubation qu'en 1993 et 1994 pendant l'élevage du poussin (193 473 km² contre 64 137 et 75 696 km² respectivement). Quel que soit l'année ou la période, les zones exploitées couvrent toujours le même secteur, c'est à dire les bords sud , est et nord du plateau continental autour de l'archipel de Kerguelen (voir "Matériel et Méthodes" fig. 5). Cependant, on constate des différences dans l'utilisation 21 de ces zones, notamment entre les cycles de 1993 et 1994 (voir fig. 5). Les individus lors de l'élevage du poussin en février 1994 ont surtout exploité le bord nord-est du plateau (comme en incubation pour le cycle 1999) alors que les oiseaux en février 1995 ont réparti leur effort sur plus de zones, avec une densité maximale au nord du plateau. Variations du succès reproducteur et anomalies thermiques de surface Pour les années 1979 à 1999, le succès reproducteur total montre des variations allant de 44.0 à 88.3 % (moyenne : 65.73 %, voir tab. 3 en annexe). Ces variations, ainsi que celles du succès à l'éclosion et à l'envol, sont correllées positivement de manière significative aux anomalies thermiques de surface (SSTa) pour une période donnée quelque soit la zone d'analyse (voir fig. 13). Pour expliquer les variations du succès reproducteur total, la période qui semble déterminante est surtout celle des mois de septembre à novembre. La zonation qui montre le plus fort coefficient de corrélation est celle qui extrait les anomalies thermiques de surface au niveau de 95% de la zone d'alimentation (zone B, voir fig. 5d) avec une moyenne sur les trois mois de 0.661 contre 0.633 et 0.643 pour les zonations A et C respectivement. Le mois d'octobre possède le coefficient le plus élevé pour ces trois zonations avec une moyenne de 0.664 contre 0.643 pour septembre et 0.630 pour novembre. Les anomalies thermiques de surface du mois de septembre sont fortement corrélées positivement au succès d'éclosion pour les trois zones d'extraction (voir fig. 13b), sans toutefois que l'on puisse déterminer de période influente supérieure à un mois. Le succès de l'élevage du poussin est pour l'essentiel corrélé positivememt avec des SSTa extraites au niveau de la zone B pour les mois de juin – juillet (avant le cycle) et décembre – janvier (voir fig. 13c). 22 A : Plateau de Kerguelen 1 Coefficient de Spearman avec intervalle de confiance à 95 % Coefficient de Spearman avec intervalle de confiance à 95% 1 0 * * -1 may jun jul aug sep oct nov dec jan feb mar apr B : 95% zones d'alimentation 1 0 -1 may jun jul aug sep oct nov dec jan feb mar apr 1 C : Zone principale d'alimentation (N-E plateau) 0 * Coefficient de Spearman avec intervalle de confiance à 95 % A : Plateau de Kerguelen * -1 may jun jul aug sep oct nov dec jan feb mar apr B : 95% zones d'alimentation 0 * -1 may jun jul aug sep oct nov dec jan feb mar apr 1 * * -1 may jun jul aug sep oct nov dec jan feb mar apr 1 B : 95% zone d'alimentation 0 * -1 may jun jul aug sep oct nov dec jan feb mar apr 1 C : Zone principale d'alimentation (N-E plateau) * 0 1 0 0 -1 may jun jul aug sep oct nov dec jan feb mar apr 1 A : Plateau de Kerguelen C : Zone principale d'alimentation (N-E plateau) 0 * -1 may jun jul aug sep oct nov dec jan feb mar apr 23 a b c -1 may jun jul aug sep oct nov dec jan feb mar apr Figure 13 : corrélations de Spearman entre les différents succès reproducteurs et les anomalies thermiques de surface (SSTa), pour les mois de mai (4 mois avant la reproduction) à avril (envol du poussin) pour les trois zonations d'extraction des températures (A, B et C, voir matériel et méthode) selon les zones d'alimentation. Les intervalles de confiance à 95% (estimés par la méthode "Bootstrap" avec 1000 itérations) sont représentés en pointillés. Lorsque 0 n'est pas inclus dans cet intervalle, on considère le coefficient significatif au seuil de 5 % (représenté par une étoile ou un trait plein lorsque au moins deux mois successifs sont significatifs). a) Corrélation succès reproducteur total / SSTa pour les années 1982 à 1999. b) Corrélation succès à l'éclosion / SSTa pour les années 1985 à 1999. c) Corrélation succès de l'élevage du pousin / SSTa pour les années 1985 à 1999. Les anomalies thermiques de surface seront ainsi considérées pour cette zone B (zone comprenant 95% des points "alimentation") et pour le mois d'octobre. Le succès reproducteur total est donc fortement corrélé positivement aux anomalies thermiques de surface pour le mois d'octobre (soit juste avant et au début du cycle de reproduction) sur les zones principales d'alimentation (succès total=15.89 SSTa + 66.78, F1, 16=5.67, N=18, R²=0.26, P=0.03 ; voir fig. 14). 1.0 90 0.5 80 70 0.0 60 -0.5 SSTa en octobre sur les zones d'alimentation (°C) Succès reproducteur total (%) 100 50 40 -1.0 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 Figure 14 : relation entre les anomalies thermiques de surface en octobre sur les zones d'alimentation et le succès reproducteur total (en %) pour les cycles 1982 à 1999. Régression linéaire succès total=f(SSTa), y=15.89 x + 66.78, F1, 16=5.67, N=18, R²=0.26, P=0.03). Le succès reproducteur total diffère selon l'expérience des individus pour les cycles 1988 à 1999 et les oiseaux se reproduisant pour la première fois ont un succès plus faible que les autres classes (ANOVA, F3, 44=6.20, N=48, P=0.001 ; test post-hoc ajusté par Bonferroni 1ère tentative vs 2ème : P=0.012 ; pas de différences significatives entre les classes d'oiseaux expérimentés). Les classes concernant les individus avec au moins une tentative de reproduction (expérimentés) sont donc regroupées pour les confronter à celle des oiseaux inexpérimentés (voir fig. 15). 24 Succès reproducteur total de 1988 à 1999 (%) 100 ** 75 50 Figure 15 : Succès reproducteur total (en %) selon le nombre de tentatives de reproduction antérieures pour des individus d'âge connu. Les individus qui tentent de se reproduire pour la première fois ont une probabilité plus faibles de réussir leur reproduction (ANOVA, F3, 44=6.20, N=48, P=0.001 ; test posthoc ajusté par Bonferroni 1ère tentative vs 2ème : P=0.012). 25 0 0 1 2 3 et + Nombre de tentatives reproductices passées Une analyse GLM est conduite en forçant dans le modèle l'interaction SSTa*EXP qui est proche du seuil de significativité (GLM, succès total=SSTa + EXP + SSTa*EXP, interaction P=0.082 ; voir tab. 4 en annexe). Les anomalies thermiques agissent différemment selon l'expérience des individus (fig. 16) : lors d'années où les températures de surface sont relativement basses sur les zones d'alimentation, les oiseaux qui tentent de se reproduire pour la première fois ont plus de difficultés à produire un jeune que les individus expérimentés. Je n'ai pu comparer les masses entre ces deux groupes faute d'échantillons de taille suffisante. Succès reproducteur total (%) 100 75 50 25 inexpérimenté expérimenté 0 -0.75 -0.50 -0.25 0.00 0.25 0.50 SSTa en octobre sur les zones d'alimentation (°C) 25 0.75 Figure 16 : variation du succès reproducteur total selon les anomalies thermiques de surface sur les zones d'alimentation et l'expérience des individus. L'interaction SSTa / expérience est proche du seuil de significativité (GLM, pour l'interaction : F1, 20=3.349, P=0.082 ; voir tab. 4). DISCUSSION 26 DISCUSSION Variabilité environnementale et recherche alimentaire L'environnement marin est remarquable pour sa variabilité cyclique ou stochastique (par exemple Ashmole 1971). Les températures de surface marine (SST) ont largement été utilisées pour décrire les conditions océanographiques à plusieurs échelles (voir par exemple Moore et al. 1999). Les variations de SST sont dues à la dynamique des couches d'eau et la position des structures frontales (par exemple Lévy et al. 1998; Park et al. 1998). Ces mouvements de masses d'eau affectent la distribution et l'abondance d'organismes marins tels que le Krill (Euphausia superba), les poissons, les calmars (voir par exemple Hunt et al. 1981) ainsi que leurs prédateurs (voir par exemple Deacon 1982). Des études récentes ont permis de montrer que les variations des SST influencent les performances reproductives des oiseaux marins, avec notamment un impact négatif des anomalies thermiques "chaudes" sur leurs paramètres démographiques (Schreiber & Schreiber 1984; Guinet et al. 1998; Guinet et al. sou- mis). Les paramètres de recherche alimentaire semblent importants pour expliquer ces influences. Nos résultats montrent que les zones prospectées par les albatros de la colonie du Cañon des Sourcils Noirs sont toujours les mêmes c'est-à-dire les bords sud, est et nord du plateau autour de Kerguelen, quelle que soit l'année ou la période du cycle. Ceci suggère fortement que ces oiseaux exploitent des ressources prévisibles spatialement mais présentant des variations temporelles relativement importantes (Weimerskirch et al. 1997; Cherel et al. 2000). La stratégie alimentaire adoptée par l'Albatros à sourcils noirs consiste, pour la moitié à un quart du temps en mer, en un aller-retour rapide vers une zone d'alimentation et pour le reste du temps un stationnement de recherche (Weimerskirch 1997). Elle tend à maximiser le temps de prospection sur les zones propices où des ressources ponctuelles sont largement dispersées à l'échelle locale mais présentant une importante densité (Benhamou 1992). Le fait de gagner directement les zones les plus productives peut constituer un avantage certain et limiter le temps en mer. Les hypothèses pour expliquer les modifications des paramètres de recherche alimentaire peuvent être d'ordre biologique et/ou physique. En effet, les températures de surface peuvent jouer, directement ou indirectement, sur la taille des populations des espècesproies et/ou leur accessibilité (voir Montevecchi 1993). A Kerguelen, cet albatros se nourrit essentiellement de poissons benthiques et semipélagiques, surtout des Notothéniidés et Channichthyidés (Cherel et al. 2000) qui fréquentent 27 les plateaux continentaux et leurs bords (Duhamel 1997). La distribution et l'abondance des espèces-proies planctophages sont expliquées par les concentrations des micro-organismes (Duhamel 1987), elles-mêmes susceptibles de varier suivant les conditions océanographiques (par exemple Semelkina 1993). Le pas de temps d'intégration biologique entre un événement physique et une réponse démographique d'un prédateur marin en bout de chaîne trophique comme l'Albatros à sourcils noirs est difficile à déterminer. En effet, plusieurs types de réponses avec des pas de temps différents peuvent se superposer, surtout si les relations trophiques dans l'écosystème sont complexes comme c'est le cas dans cette partie subantarctique de l'Océan Indien (voir par exemple Ridoux 1994). Un autre facteur important pour l'Albatros à sourcils noirs est l'accessibilité des proies qui peut être modifiée par les anomalies thermiques de surface (voir Montevecchi 1993). En effet, cette espèce est incapable de véritablement plonger et exploite les premiers mètres de la colonne d'eau (Prince et al. 1994a). La plupart des proies est attrapée naturellement, c'est-à-dire ne provenant pas de déchets de bateaux de pêche (Cherel et al. 2000). Le bord nord-est du plateau constitue la zone d'alimentation privilégiée et est sous influence du Front Polaire (Park 1989). La proximité d'une structure frontale avec un système complexe de courants piégeurs ("island mass effect" Plancke 1977; Allanson et al. 1985; Pakhomov & Froneman 2000) pourrait favoriser la production biologique primaire et secondaire (par exemple Pakhomov & McQuaid 1996) et expliquer cet impact des SSTa positives sur le succès reproducteur des Albatros à sourcils noirs. Dans le cas d'années où la disponibilité en ressources alimentaires autour des zones de reproduction est faible, les oiseaux marins, devant revenir impérativement à leur colonie (contrainte des "central place foragers", Orians & Pearson 1979), peuvent répondre en augmentant le rayon de prospection pour trouver des zones où les ressources sont plus importantes. Veit & Prince (1997) ont montré, en comparant la distribution en mer des Albatros à sourcils noirs en Géorgie du Sud, que les rayons de prospection étaient plus importants lors d'une année à faible disponibilité alimentaire (Krill). Une autre réponse est d'augmenter le temps de présence sur les zones d'alimentation. Dans les deux cas, les durées de trajets sont augmentées et le rendement (gain par unité de temps) diminué. Pour notre étude, le changement observé dans la distribution des zones alimentaires principales exploitées entre 1993/94 et 1994/95 pendant l'élevage du poussin pourrait être la conséquence d'une faible disponibilité sur le nord-est du plateau, zone recherchée lors de conditions favorables car plus proche de la colonie. Dans ce cas, les oiseaux reproducteurs devaient parcourir en 1994/95 une distance plus importante pour rejoindre les zones les plus productives et rester plus longtemps en mer 28 pour s'alimenter. Les échecs en 1994/95 étaient trois fois plus nombreux par rapport à 1993/94 (34,5 % contre 11,7 % respectivement). Causes d'échec en reproduction Pendant l'élevage du poussin, le succès de la pêche influence essentiellement la quantité de nourriture ramenée et non la fréquence de nourrissage et a donc un effet souvent limité sur le succès reproducteur (mais surtout sur la masse à l'envol, Weimerskirch et al. 1997). Durant la période d'incubation et de garde du poussin apparaissent des périodes critiques liées aux séjours à terre. Les oiseaux marins partis s'alimenter en mer doivent restaurer leur condition corporelle dégradée lors du jeûne précédent afin de préparer le prochain relais de couvaison. Cependant, ils sont limités par le temps disponible pour s'alimenter car ils doivent revenir avant que le partenaire couveur n'ait épuisé ses réserves corporelles et soit contraint à l'abandon (par exemple Chaurand & Weimerskirch 1994). La régulation de la condition corporelle durant ces périodes de jeûne et d'alimentation est donc importante pour la réussite de la reproduction. Chez l'Albatros à sourcils noirs, le gain de masse en mer est fortement corrélé au temps passé à jeûner sur le nid, et donc à la perte de masse. Le niveau de restauration des réserves est indépendant du temps passé en mer, ce qui laisse penser que, en 1999, les oiseaux s'alimentaient sans une contrainte de temps très forte. L'oiseau restait en mer tant que sa condition corporelle n'était pas restaurée. Tout au long de la période d'incubation en 1999, les Albatros à sourcils noirs ont réussi à maintenir une masse élevée bien au-dessus du seuil d'abandon, avec une tendance pour certains individus à l'augmentation de la masse à l'arrivée à l'issue de plusieurs trajets consécutifs. En moyenne, cette masse leur confère une autonomie de jeûne d'une trentaine de jours, alors que la moyenne des jeûnes observés est 4 jours. Cependant, un ensemble d'individus plus légers est susceptible d'atteindre le seuil d'abandon en 14 jours, cette durée approchant la durée maximale de jeûne observée (12 jours). La faible prévisibilité du gain de masse en fonction du temps passé en mer (R²=0,18) peut entraîner des difficultés pour les oiseaux à restaurer leur condition corporelle au cours d'un trajet alimentaire. Si le niveau moyen des ressources est faible, cette difficulté peut devenir chronique, amenant une perte progressive de masse et contraindre les reproducteurs à l'abandon. Ceci n'a pu être observé en 1999 sur les 30 nids suivis, le succès à l'éclosion étant pour cette année relativement élevé (80 %). La majorité des échecs en incubation seraient donc due à l'incapacité des adultes à obtenir rapidement de la nourriture au cours des trajets en mer. Dans le cas de notre étude, la masse 29 moyenne plus faible observée en 1984/85 (différence significative de près de 10 % par rapport à 1991/92 et 1999/00) pourrait expliquer le succès reproducteur relativement bas de cette année (44 %). Les contraintes associées à un jeûne à terre ne sont pas limitées à la période d'incubation. Juste après l'éclosion, le poussin doit être gardé et nourris jusqu'à son indépendance thermique. Aux coûts de réchauffement du poussin s'ajoutent ceux des nourrissages fréquents (Ricklefs & White 1981; Ricklefs 1983), le poussin ne supportant pas un jeûne prolongé (Tickell 1968). La superposition des deux contraintes (jeûner à terre pour garder l'œuf ou le jeune et nourrir le poussin) se chevauchent durant cette période où la fréquence de nourrissage est très importante pour sa survie (Tickell 1968). Ceci limite fortement le temps disponible pour s'alimenter et la durée des séjours en mer passe alors de 4,5 jours en incubation à 1,7 jours lors de la garde du poussin pour l'Albatros à sourcils noirs à Kerguelen (Weimerskirch et al. 1988a), alors que les besoins en nourriture sont plus importants pendant cette période (Salamolard & Weimerskirch 1993; Bevan et al. 1995, voir fig. 17). Les individus utilisent pendant cette période leurs réserves corporelles et ceci peut expliquer la diminution de la masse moyenne observée pour notre étude, le bilan énergétique étant probablement négatif. La période de garde serait la plus contraignante énergétiquement pendant laquelle les probabilités d'atteindre le seuil de désertion seraient les plus importantes (Weimerskirch & Lys 2000). Durant la période où le poussin est indépendant thermiquement, la condition corporelle varie peu et tient un rôle mineur dans la régulation du rythme d'approvisionnement (Weimerskirch et al. 1997). Les taux de survie des poussins à cette époque sont relativement importants (86 %) et peu variables (voir fig. 17). 30 Besoins énergétiques -1 en mer (g.jour ) 700 650 600 550 500 450 INCUBATION 400 GARDE ELEVAGE Kerguelen Masse (kg) 4.0 3.5 Géorgie du Sud 3.0 Seuil d'abandon Survie des poussins (% nb d'oeufs) 100 Kerguelen 80 60 Géorgie du Sud 40 alimentation en mer / jeûnes imposés à terre alimentation en mer / nourrissages du poussin 20 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Jours depuis la ponte Figure 17 : Besoins énergétiques en mer, variation de la masse et survie des poussins au cours des différents stades du cycle de reproduction pour les populations de Kerguelen et de Géorgie du Sud. Le modèle montrant les besoins énergétiques en mer est adapté de Salamolard & Weimerskirch (1993) et de Bevan et al. (1995). Les variations de masses au cours du cycle proviennent des masses moyennes observées (voir fig. 18). Les survies des poussins de Géorgie du Sud proviennent de Prince et al. (1994b). 31 180 L'importance de la connaissance des zones à forte disponibilité peut être illustrée par l'interaction expérience-SSTa observée pour expliquer les variations du succès reproducteur. L'influence de l'expérience a été déjà montrer chez les Procellariformes : les oiseaux se reproduisant pour la première fois passent plus de temps en mer pour des gains par unité de temps similaires (Weimerskirch 1990; Weimerskirch 1995). Les adultes expérimentés peuvent avoir une meilleure connaissance des différentes zones productives et, dans ce cas, passer moins de temps à prospecter et limiter ainsi le temps en mer. Cependant, les jeunes oiseaux peuvent acquérir en partie une connaissance des zones alimentaires avant leur première tentative car ils sont présents sur la colonie pour construire un nid et parader comme non-reproducteur (Weimerskirch com. pers.). Importance des réserves corporelles chez les Procellariformes Les Procellariformes étant longévifs, on s'attend à ce qu'ils utilisent leurs réserves corporelles non seulement pour compenser l'augmentation des dépenses énergétiques liées à la production de descendants (Tuomi et al. 1983), mais aussi pour limiter les risques de mortalité liés à cette période. L'existance d'un seuil de masse où l'oiseau abandonne la reproduction avant d'atteindre un état critique pour sa survie (épuisement des réserves lipidiques et début d'utilisation soutenue des protéines, Le Maho et al. 1988; Groscolas 1990) a été démontré chez plusieurs espèces de Procellariformes (voir par exemple Chaurand & Weimerskirch 1994), ainsi que chez certains Manchots (Olsson 1997; Robin et al. 1998). Chez ces espèces longévives, le rôle de la condition corporelle dans les décisions d'allocation est très important et rythme les séquences de reproduction et d'alimentation dans un environnement marin très variable (Weimerskirch 1999). Chez les espèces plus grandes comme les albatros, la "marge de sécurité" est proportionnellement plus importante (30 à 35 % de la masse pour les albatros au début d'un relais (Weimerskirch 1995, cette étude), contre 22 % pour le Pétrel bleu (Chaurand & Weimerskirch 1994)), permettant de jeûner plus longtemps sur le nid par rapport aux petites espèces (Weimerskirch 1999). Chez ces dernières dont la capacité à jeûner est faible, le gain en mer est négativement corrélé au temps passé à s'alimenter, c'est-à-dire qu'un nombre important d'individus est contraint de revenir au nid sans avoir restaurer leur condition corporelle. Ceci peut s'expliquer par la prise en compte, par l'adulte en mer, de la capacité à jeûner du couveur, afin de revenir avant que ce dernier n'ait épuisé ses réserves et ne soit contraint à l'abandon (Chaurand & Weimerskirch 1994; Tveraa et al. 1997). On observe chez les albatros, comme 32 chez les petites espèces, des individus revenant au nid avec une mauvaise condition corporelle, supportant l'hypothèse de la prise en compte de la condition du partenaire couveur. Cette hypothèse pourrait expliquer aussi l'interaction SSTa-expérience observée sur le succès reproducteur : la prise en compte de la capacité à jeûner du partenaire ne deviendrait effective qu'en reproduction et nécessiterait un apprentissage. L'importance de la "marge de sécurité" des grandes espèces de Procellariformes leur permettrait ainsi de faire face à des conditions environnementales très variables et pourrait avoir des conséquences sur la mise en place et l'évolution des traits biodémographiques. Comparaison avec d'autres populations A Kerguelen, la situation constante de zones d'alimentation et les faibles variations observées du succès reproducteur suggèrent que les ressources exploitées sont prévisibles spatialement et varient peu en abondance. Au contraire, la population de Géorgie du Sud montre des niveaux de variation du succès reproducteur très élevés (Prince et al. 1994b). En moyenne, 29 % des œufs pondus donnant un poussin à l'envol (0 à 64 %, coefficient de variation : 76 %) contre 65 % à Kerguelen (44 à 88 %, C.V. : 13 %). Certaines années, aucun poussin ne s'envole des colonies étudiées. Le régime alimentaire de cette population est basé sur le Krill Euphausia superba qui constitue plus d'un tiers de la biomasse consommée (Croxall et al. 1988). La disponibilité de cette ressources, parfois très abondante, montre de grandes variations d'une année à l'autre, avec des fluctuations de facteurs 4 et plus (Croxall et al. 1999). Le type de zones exploitées par les oiseaux est identique à celui de Kerguelen (le plateau continental, Prince et al. 1997), mais les espaces disponibles pour s'alimenter (superficie des plateaux) sont comparables entre Kerguelen et la Géorgie du Sud, alors que cette dernière population est 20 fois plus importante (voir Weimerskirch 2001). Les durées de trajets en incubation (et donc les jeûnes) sont en moyenne de 9 à 12 jours (Tickell & Pinder 1975) contre 4,5 jours à Kerguelen, alors que les durées pour les autres périodes du cycles sont identiques entre les deux populations. La masse moyenne observée en incubation est plus faible par rapport à celle des individus de Kerguelen pour une taille comparable (Tickell & Pinder 1975; Weimerskirch et al. 1988b), leur donnant une "marge de sécurité" moins importante. A la fin d'un relais d'incubation, les individus de Géorgie du Sud sont plus proches du seuil d'abandon (Huin et al. 2000, voir fig. 18). 33 Masse moyenne (kg) 4.50 Kerguelen Géorgie du Sud 4.25 Figure 18 : Comparaison des masses moyennes à différents stades du cycle de reproduction les populations d'Albatros à sourcils noirs de Kerguelen ( X ±SD pour cette étude, 1991/92) et de Géorgie du Sud (Huin et al. 2000). Les individus de ces deux populations ont des mensurations identiques mais différent par les ressources exploitées (voir Weimerskirch 2001). 4.00 3.75 3.50 3.25 3.00 pré-ponte incub. garde élevage Ces paramètres pourraient expliquer le faible succès reproducteur moyen ainsi que les fortes fluctuations observées. La contribution des échecs pendant le stade d'élevage du poussin aux variations du succès reproducteur total est la plus importante avec près de 80 % de contribution (Prince et al. 1994b), alors qu'elle est minoritaire à Kerguelen par rapport à celle des échecs en incubation. Ceci suggère que la capacité à trouver rapidement de la nourriture et à approvisionner régulièrement le poussin en période de garde (période critique énergétiquement) constitue le facteur majoritaire d'échec en Géorgie du Sud. En effet, lors d'années à faible disponibilité de Krill, les albatros vont chercher leur nourriture plus loin, augmentant la durée du trajet en mer (Veit & Prince 1997), ce qui pose des problèmes pour alimenter régulièrement le poussin en période de garde, sa survie dépendant de la capacité des adultes à jeûner et à ramener rapidement de la nourriture (tous les deux jours). La perte de masse constatée au fil de l'incubation chez cette population (Huin et al. 2000) ne permettrait pas une marge confortable pour passer le stade critique de la période de dépendance thermique du poussin (fig. 17). Ces deux populations se distinguent aussi par leurs paramètres démographiques différents (voir Weimerskirch 2001). Celle de Géorgie du Sud montrerait des caractères plus "longévifs" que celle de Kerguelen avec une survie des adultes supérieure (0,95 contre 0,90 respectivement) et un âge minimum de première reproduction plus élevé (8 ans contre 6 à Kerguelen). Ces différences de stratégies démographiques pourraient être liées à la variabilité et la prévisibilité de la distribution des ressources marines : de fortes amplitudes favoriseraient l'émergence de traits à caractère longévif. 34 CONCLUSION ET PERSPECTIVES 35 CONCLUSION ET PERSPECTIVES Les résultats de ce travail montrent les liens importants, chez des organismes longévifs, entre les stratégies d'acquisition des ressources, les décisions d'allocation et le succès reproducteur dans un environnement variable et stochastique. Face à des conditions environnementales très fluctuantes, la gestion des réserves permet à l'individu d'anticiper à court terme un déficit énergétique et d'ajuster tout au long du cycle son investissement dans la reproduction. L'acquisition de ces réserves est subordonnée aux performances individuelles à rechercher la nourriture en mer. Ces performances sont variables d'une année à l'autre suivant la disponibilité des ressources et modifient la part d'énergie disponible pour investir dans la reproduction. Comme le montre la comparaison entre les deux populations de Kerguelen et de Géorgie du Sud, la diversité des ressources et l'amplitude de leurs variations influencent les paramètres de recherche alimentaire et ont ainsi des conséquences sur les décisions d'investissement dans la reproduction, affectant le succès reproducteur. Ces deux populations diffèrent par certaines de leurs caractéristiques démographiques, ce qui montre l'importance de l'environnement marin sur la mise en place des traits d'histoire de vie et l'intérêt d'une approche comparative pour étudier ces phénomènes (Weimerskirch 2001). Notre étude semble dégager deux composantes qui modèlent les liens entre l'environnement et le succès reproducteur des oiseaux marins : d'une part, le niveau et l'amplitude des ressources exploitées et, d'autre part, la capacité à stocker des réserves énergétiques, liée à la taille corporelle (Weimerskirch 1999). Suivant le milieu et les types de ressources, les paramètres des contraintes s'exerçant sur la recherche alimentaire ne seront pas les mêmes et pourraient expliquer la mise en place de traits démographiques modulés par la capacité à jeûner de l'espèce. Ceci permettrait de lier habitats et histoires de vie chez ce taxon, question fondamentale en écologie (Begon et al. 1996). Afin d'expliquer les importantes variations des stratégies biodémographiques observées chez les Procellariformes (Weimerskirch 2001), il est nécessaire d'étudier indépendamment les effets de ces deux composantes sur les stratégies d'acquisitions et d'allocation des ressources (voir schéma 2). Il serait intéressant de savoir comment la variabilité et la prévisibilité de la distribution des ressources influencent les différences constatées dans les stratégies biodémographiques des Procellariformes. Cette question implique des comparaisons interspécifiques mais nos connaissances des stratégies de recherche alimentaire sont ponctuelles et peu d'études intégrent les contraintes liées à la reproduction (régulation par la condition corporelle de l'investissement lors des périodes de jeûne). 36 Emplacement colonie ENVIRONNEMENT PHYLOGENIE taille ressources morphologie répartition abondance Distance nourriture-colonie Marge de sécurité COMPORTEMENT DE RECHERCHE ALIMENTAIRE proie durée en mer distance déplacement/ recherche fréquence approvisionnement RESERVES ENERGETIQUES quantité de nourriture disponible pour la reproduction SUCCES REPRODUCTEUR Schéma 2. Relations entre l'environnement marin, la phylogénie et le succès reproducteur des Procellariformes. Les caractéristiques de l'environnement d'une part et celles de l'espèce d'autre part influenceraient les stratégies d'acquisition et d'allocation des ressources, et finalement, le succès reproducteur. Les paramètres de recherche alimentaire susceptibles de varier dans ces conditions sont indiqués. 37 Dans le cadre d'une thèse, une étude comparative des stratégies d'acquisition et d'allocation chez des espèces de Procellariforme exploitant des milieux différents (antarctique à subtropicale) et présentant un gradient de capacité à jeûner serait menée dans des conditions trophiques contrastées en relation avec les variations de condition corporelle et de succès reproducteur. D'une part, en utilisant les outils bénéficiant de la miniaturisation électronique (balise Argos, GPS, enregistreurs d'activité et de plongée) et des sytèmes d'analyse spatiale (Système d'Information Géographique), les stratégies d'acquisition des ressources pourront être comparées selon des environnements marins différents. Grâce à la pose de balises Argos sur un gradient de grandes espèces pouvant être équipées (albatros et grands pétrels), les zones d'alimentation seraient connues suivant les conditions trophiques et les paramètres du milieu océanique éventuellement influents (SST, structures frontales, bathymétrie…) pourraient être identifiés. Suivant le milieu et les variations des ressources (niveau bas et peu variable à élevé mais très fluctuant), l'utilisation de l'environnement marin devrait être différent et des conséquences sur le succès reproducteur devraient existées. En parallèle, les changements de conditions corporelles (perte durant le jeûne et gain en mer) seraient étudiés pour mettre en évidence des variations de l'investissement reproducteur en fonction des disponibilités en ressources. Les capacité à jeûner étant semblables entre ces espèces, les stratégies de recherche alimentaire pourront être comparées et les différences observées devraient expliquer celles éventuellement relevées dans les variations de la condition corporelle au cours du cycle de reproduction et, finalement, du succès reproducteur. D'autre part, une approche expérimentale, particulièrement chez les espèces de pétrels de plus petite taille où la manipulation est plus aisée, permettrait d'étudier les stratégies d'approvisionnement et les capacités de régulation de la masse. En augmentant expérimentalement les coûts de recherche alimentaire, on peut mimer des situations trophiques contrastées et observer ces effets sur l'approvisionnement (voir par exemple Tveraa et al. 1997; Duriez et al. 2000) et ceci chez des espèces de différentes tailles. Les plus petites espèces ne devraient pas facilement supporter une augmentation des coûts de recherche alimentaire et leur démographie devrait être plus réactives à un changement du niveau des ressources. Cette étude permettrait donc de mieux cerner les relations entre le milieu marin et la mise en place et l'évolution des traits biodémographiques chez les Procellariformes, et ainsi d'expliquer la diversité des stratégies d'histoire de vie observée dans cet Ordre. 38 BIBLIOGRAPHIE 39 BIBLIOGRAPHIE Allanson, B.R., Boden, B., Parker, L. & Duncombe Rae, C. 1985. A contribution to the Oceanology of the Prince Edward Islands. In: Antarctic Nutrient Cycles and Food Webs (Ed. by W. R. Siegfried, P. R. Condy & R. M. 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TREE 7, 111-114. 44 ANNEXES 45 46 ANNEXES Masse au départ (g) Masse à l'arrivée (g) Durée de jeûne (jours) Durée du séjour en mer (jours) Gain de masse à l'issue du trajet (g) "Pesée" 3990 ± 400 (54) 3360 - 5180 4360 ± 460 (59) 3500 - 5320 3.78 ± 1.72 (66) 0.83 – 10.92 3.83 ± 1.47 (89) 0.83 – 7.76 490 ± 380 (35) -370 - 1200 "Contrôle" - - 4.13 ± 1.36 (25) 0.70 – 5.92 4.37 ± 1.37 (35) 1.96 – 7.97 - "Balise" 3540 ± 320 (10) 3050 - 4150 3690 ± 370 (9) 3100 - 4120 3.45 ± 1.91 (2) 2.10 – 4.80 6.13 ± 1.96 (10) 1.96 – 9.58 220 ± 280 (9) -170 - 600 Tableau 1 : Masses de départ, d'arrivée, durée des séjours en mer et des jeûnes d'incubation et gain de masse à l'issue d'un séjours en mer pour les trois groupes d'étude d'Albatros à sourcils noirs en incubation en novembre – décembre 1999. Les valeurs sont données en : moyenne ± écart-type (n) min. – max. La durée des séjours en mer du groupe "Balise" diffère significativement du groupe "Pesée" et du groupe "Contrôle" (ANOVA, F2, 131=13.908, N=134, P<0.001, ajustement de Bonferroni : P<0.001 et P=0.001 respectivement). Il n'y a pas de différence significative entre le groupe "Pesée" et le groupe "Contrôle". Cycle Période nb individus nb trajets nb points balises nb points "alimentation" 1993/94 1994/95 1999/00 grand poussin grand poussin incubation 12 7 7 26 27 17 9 53 774 445 336 1555 450 204 155 809 total Tableau 2 : nombre d'individus, nombre de trajets et nombre de points (localisations Argos et points extraits des zones d'alimentation) utilisés par cycle reprducteur. 47 Cycle 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Nids Oeufs pondus Oeufs éclos Poussins % succès % succès % succès % échec % échec controlés (début nov.) (début jan.) (fin mars) total éclosion. élevage éclosion poussin 177 212 214 199 202 215 213 215 272 262 295 298 44 68 71 83 128 109 161 151 147 164 171 189 177 175 171 142 186 239 236 251 255 104 113 110 136 128 147 136 149 159 108 165 201 200 208 202 28 33 42 55 74 48 93 101 106 118 85 126 125 118 151 93 126 190 185 185 165 moyenne écart-type 63.64 48.53 59.15 66.27 57.81 44.04 57.76 66.89 72.11 71.95 49.71 66.67 70.62 67.43 88.30 65.49 67.74 79.50 78.39 73.71 64.71 64.60 74.83 74.83 82.93 74.85 77.78 76.84 85.14 92.98 76.06 88.71 84.10 84.75 82.87 79.22 89.42 89.38 96.36 86.76 66.41 85.71 91.91 79.19 94.97 86.11 76.36 94.53 92.50 88.94 81.68 35.40 25.17 25.17 17.07 25.15 22.22 23.16 14.86 7.02 23.94 11.29 15.90 15.25 17.13 20.78 6.83 7.95 2.72 10.98 25.15 11.11 6.21 17.71 4.68 10.56 20.97 4.60 6.36 9.16 14.51 42.24 33.11 27.89 28.05 50.29 33.33 29.38 32.57 11.70 34.51 32.26 20.50 21.61 26.29 35.29 65.73 9.08 80.03 6.94 86.68 8.04 19.97 6.94 10.63 6.43 30.60 9.08 Tableau 3 : nombre d'œufs pondus, d'œufs éclos et de poussins à l'envol pour la colonie d'étude d'Albatros à sourcils noirs du Cañon des Sourcils Noirs sud (Archipel de Kerguelen) de 1979 à 1999. Variable N ddl F P SSTa 12 1 22.32 <0.001 12 1 30.99 <0.001 SSTa*EXP 1 3.349 0.082 erreur 20 EXP exp. : inexp. : 74.89 ± 10.97 50.81 ± 10.97 Tableau 4 : effets des anomalies thermiques de surface et de l'expérience des individus sur le succès reproducteur total d'individus d'âge connu (bagués à l'envol) pour les cycles 1988 à 1999 (analyse en GLM, modèle : succès total=SSTa + EXP + SSTa*EXP). 48 %échec total Période d'étude Succès total (%) Succès éclosion (%) Succès élevage (%) Kerguelen 1979-99 65 (44 - 88) C.V. 13 % 80 (64 – 92) 86 (66 – 95) Géorgie du Sud 1976-92 29 (0 - 64) C.V. 76 % 67 (22 – 90) 41 (0 – 82) Tableau 5 : comparaison des succès reproducteurs (moyenne et min–max) pour les populations d'Albatros à sourcils noirs de Kerguelen et de Géorgie du Sud (d'après cette étude et {Prince, Rothery, et al. 1994 2770 /id}). C.V. : coefficient de variation. 49 RESUME Les albatros et les pétrels sont des oiseaux longévifs qui se reproduisent à terre mais qui doivent se nourrir en mer dans un environnement très variable. Selon la théorie des traits d'histoire de vie, ils devraient limiter les risques de mortalité durant la reproduction, par exemple en abandonnant lorsqu'une masse critique est atteinte. Des études récentes ont montré des relations entre paramètres océanographiques (températures de surface) et succès reproducteur mais aucune n'a été entreprise pour expliquer les liens entre variabilité environnementale, comportement de recherche alimentaire, régulation de la masse et succès reproducteur. Nous avons étudié ces liens chez l'Albatros à sourcils noirs Diomedea melanophris dans l'archipel de Kerguelen pendant l'incubation. Nos résultats montrent que les albatros alternent des phases de jeûne à terre pour couver et des séjours en mer pour s'alimenter. Ils régulent leur masse en fonction du temps passé à jeûner sur le nid et restent en mer tant que la masse n'a pas été restaurée afin d'éviter, lorsqu'ils couvent, un abandon par épuisement des réserves énergétiques. Ce risque est très fort lors de la période de garde du poussin où les adultes doivent le nourrir régulièrement mais aussi jeûner sur le nid. Le niveau des réserves corporelles semblent donc être un facteur déterminant dans la réussite de la reproduction et dépend de l'efficacité à trouver de la nourriture. La masse corporelle montre des variations interannuelles en relation avec le succès reproducteur. Les zones d'alimentation sont identiques d'année en année et les températures de surface sur ces zones en début de reproduction expliquent les variations du succès reproducteur observées sur 18 ans. Cette population d'albatros, surtout piscivore, est comparée avec celle de Géorgie du Sud dont la nourriture principale est le Krill et qui montre des variations du succès reproducteur très forte en relation avec cette ressource. Cette approche intégrée met en évidence l'influence de la variabilité de l'environnement marin sur les traits d'histoire de vie de ces oiseaux longévifs. 50