Gilles CARREZ - Gestion et Finances Publiques
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Gilles CARREZ - Gestion et Finances Publiques
articles d’ouverture témoignage d’un parlementaire Le sur le bon usage de la LOLF La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) va modifier sensiblement le travail parlementaire. Mais il faudra plusieurs années pour qu’à partir des apports de la LOLF, la fonction d’évaluation et de contrôle dévolue au Parlement puisse prendre toute son importance. D’autre part, à côté de la dimension parlementaire de cette proposition de loi organique, il faut que s’impose le potentiel d’amélioration du management public qu’elle autorise. C’est un défi à mes yeux aussi important que celui des progrès apportés à la procédure budgétaire. Comme l’ont souvent rappelé mes collègues Alain Lambert et Didier Migaud, auteurs de la proposition de loi, un nouvel équilibre doit être recherché entre le renforcement du pouvoir parlementaire de contrôle et d’évaluation de l’action publique et l’accroissement des marges de manœuvre et de responsabilité des gestionnaires, en particulier les responsables de programme. L’importance que nous attachons à la mise en œuvre progressive de la LOLF s’exprime, à l’Assemblée nationale, par la constitution d’une mission d’information permanente (la MILOLF) qui suit, étape par étape, l’entrée en vigueur du texte. La mission est formée par quatre députés appartenant à chacune des grandes sensibilités politiques pour témoigner du caractère consensuel de cette réforme. Gilles CARREZ Député de la 5e circonscription du Val-de-Marne depuis 1993, maire du Perreux-sur-Marne, il est rapporteur général de la Commission des finances, de l’Economie générale et du plan de l’Assemblée nationale. A l’Assemblée nationale, il a notamment participé aux travaux de la Commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi organique relative aux lois de finances (2000-2002), a été membre de la Commission d’enquête sur le Crédit lyonnais (1994-1997), de la Commission d’enquête sur l’utilisation et la gestion des fonds publics en Corse (1998). Il est l’auteur de la loi dite « loi Carrez » (1996) sur le mesurage des logements. Il est vice-président de l’Association des maires de France (AMF). Il est président du Comité des finances locales depuis décembre 2004. Diplômé d’HEC et de l’ENA, il a exercé son activité professionnelle jusqu’en juin 1993 dans le domaine de l’aménagement urbain et a été en particulier secrétaire général du Groupe central des villes nouvelles (GCVN). La LOLF améliore indiscutablement les instruments au service des parlementaires. Les efforts à déployer pour faire bon usage de ces instruments sont considérables et nécessitent une modification substantielle des rapports entre le Gouvernement, les administrations et les assemblées. Le budget de l’Etat, jusqu’à présent affaire d’initiés, devient plus lisible. Mais les 34 missions et 132 programmes seront-ils pour autant appropriés, maîtrisés par les parlementaires qui en assureront le suivi ? Le foisonnement actuel des objectifs, des indicateurs, des budgets opérationnels de programme (BOP) va nous rendre la tâche difficile. J’espère donc qu’au fil du temps, comme cela a été observé dans les expériences étrangères, nous parviendrons à une simplification et à une stabilité, y compris en terme de structures, permettant de tirer tout son potentiel de la nouvelle organisation budgétaire. fassent l’objet d’une discussion approfondie, quant à leur exécution 2005, avec les ministres ou les responsables de programme concernés, sur la base d’un travail de préparation commun avec la Cour des comptes. Toutes les occasions de diffuser la « culture LOLF » doivent être saisies car il faut reconnaître que le premier débat budgétaire en mode LOLF pour 2006 a été décevant, la « performance » d’un bon budget identifiée par un budget en croissance semblant l’emporter sur toute autre considération. Encore faut-il que celle-ci ne soit pas démembrée. Je regrette, par exemple, s’agissant de la mission interministérielle rechercheenseignement supérieur que la quasi-totalité des moyens supplémentaires consacrés à la recherche soit affectée à des organismes extérieurs, Agence nationale de la recherche, Agence de l’innovation industrielle, étrangers à toute démarche de type LOLF. Et j’évoque pour mémoire la multitude d’opérateurs publics, dont l’action et les moyens sont encore loin d’être intégrés dans la LOLF. Les parlementaires rappelleront constamment au Gouvernement le souci de cohérence d’ensemble, sans lequel la LOLF ne produira pas les effets escomptés. Plusieurs questions restent en suspens quant aux modes de relations avec le Gouvernement que me paraît impliquer la LOLF. La première est celle des interlocuteurs au titre notamment de la fonction de contrôle et d’évaluation. Bien sûr, le ministre est le premier responsable de son administration. Mais le dialogue avec les parlementaires pourra-t-il se limiter aux seuls ministres et à leurs cabinets ? Je pense que non. La responsabilité du directeur de programme et de son équipe, les marges de manœuvre liées à la globalisation et à la fongibilité des crédits, l’évaluation des résultats et de la performance impliquent une relation directe avec le Parlement qui, aujourd’hui, est quasi inexistante, tant les cabinets ministériels accaparent cette relation. Entre le directeur d’administration centrale d’aujourd’hui et le responsable de programme de demain, existe une différence de nature qui, à mon sens, n’a pas été suffisamment analysée. Dans un autre registre, l’amélioration de l’information comptable procurée par la LOLF est indiscutable : comptabilité d’engagement à côté de la comptabilité budgétaire, comptabilité patrimoniale, certification des comptes. Mais, par exemple, l’explicitation du poids de l’endettement, la mise en évidence d’une situation nette négative de l’Etat, jusqu’à présent masqués par une comptabilité de caisse, faciliteront-elles la prise de conscience de la gravité de la situation de nos finances publiques et surtout la mise en œuvre des mesures correctrices ? La question des structures et de leur stabilité est également posée. Le découpage en missions et programmes a cherché, au moins dans un premier temps, à s’affranchir de l’organisation administrative en place. Mais, sans plaider pour une structuration en agences, comme cela s’est pratiqué dans de nombreux pays dotés de budgets par objectifs, il ne me paraît guère soutenable dans l’avenir de maintenir la dissociation entre certains programmes et les découpages administratifs actuels. S’agissant de Pour nous, parlementaires, l’urgence est telle que nous avons souhaité anticiper le déroulement de la nouvelle séquence budgétaire que la LOLF prévoit à partir de 2007. Ainsi, pour la première fois, la loi de règlement 2005 va être examinée par le Parlement dès juin prochain, juste avant le débat d’orientation budgétaire pour 2007. Et, à l’occasion de cet examen, nous avons obtenu du Gouvernement qu’à titre expérimental, quelques programmes 408 86e année - nº 7 - juillet 2006 articles d’ouverture l’organisation ministérielle, il est clair que la LOLF appellera la stabilisation de celle-ci. Les configurations ministérielles variables au gré des contingences sont incompatibles avec l’exigence de mesure des résultats, de continuité des indicateurs car l’évaluation et le contrôle ne peuvent se révéler efficaces que dans la durée. finances de l’Assemblée nationale, et en appui sur la LOLF, une fonction gestion immobilière de l’Etat est en train de se développer dont l’un des buts est de doter les services de marges de manœuvre supplémentaires. A l’articulation de la procédure budgétaire et de l’efficacité du management LOLF se pose la double question de la pluriannualité et de la contractualisation. C’est une question difficile car le principe d’annualité budgétaire dans un contexte de finances publiques dégradées ne peut pas être remis en cause. Mais le temps de la gestion, de la performance, des résultats n’est pas à l’évidence celui de l’année budgétaire. Comment concilier ces deux exigences contradictoires ? La contractualisation, expérimentée avec succès dans certaines administrations, n’offrira qu’une réponse partielle. Nous serons très attentifs aux propositions formulées sur ce sujet. En évoquant ces sujets, on passe progressivement à la deuxième grande dimension de la LOLF, qui concerne le management public. Responsabiliser les gestionnaires publics en leur fixant des objectifs, en définissant les critères de mesure de leurs résultats, en les dotant des marges de manœuvre nécessaires à leur action, tel est le second défi proposé par la LOLF. Les parlementaires y seront très attentifs, même s’il va de soi qu’ils n’ont pas vocation à se substituer aux gestionnaires. Mais ils peuvent veiller à ce que certains principes soient respectés. Nous souhaitons aussi que la LOLF permette de développer une démarche coût-efficacité rigoureuse. L’évaluation de l’action publique souffre de l’insuffisance d’indicateurs de ce type. La comptabilité LOLF doit permettre de dégager progressivement des coûts complets ou prix de revient de plus en plus fiables. Nous sommes entrés, après vingt-cinq ans de déficits publics accumulés, dans une ère durable de pénurie de crédits d’Etat. Ce peut être un grave handicap pour la LOLF si cette réforme consensuelle et prometteuse devait être identifiée aux yeux des personnels, des syndicats ou des responsables politiques à une aveugle et brutale rigueur budgétaire. Je commence à entendre sur le terrain et dans les endroits les plus inattendus des « c’est la faute à la LOLF ». Ainsi, les contrôles a priori doivent être allégés, sinon supprimés chaque fois que cela est possible. La régulation budgétaire, nécessaire, doit être rendue compatible avec la démarche de responsabilité. La fongibilité des crédits doit être respectée. Dans les relations entre administrations centrales et services déconcentrés, il faut veiller à doter ces derniers de véritables BOP leur assurant une réelle marge de manœuvre. Nous lutterons contre le risque d’une certaine recentralisation (les fameux « tuyaux d’orgue » redoutés par les préfets) que comporte l’organisation budgétaire en programmes verticaux car nous pensons qu’à l’image de la direction participative par objectifs des grandes entreprises, le succès du management LOLF repose sur une réelle déconcentration de l’action publique. Nous devons donc expliquer que la LOLF n’est qu’un instrument mais un instrument qui allie plus d’exigence et plus de liberté, davantage de responsabilité et davantage de reconnaissance du résultat obtenu. C’est un instrument qui arrive à son heure car il doit nous permettre collectivement de dépenser mieux en dépensant moins. Le principe du « juste retour », de l’intéressement aux résultats est pour nous au cœur du dispositif. Nous sommes conscients de ses limites en termes de rémunérations tant les contraintes générales sont fortes. Mais dans la mise en œuvre des moyens, l’organisation des services et du travail, des marges de liberté existent qu’il faudra utiliser. Par exemple, à partir des propositions faites par la mission d’évaluation et de contrôle de la Commission des 쏋 La Rédaction tient à rappeler que Jean-Luc Pissaloux est chroniqueur habituel au titre de la jurisprudence administrative et constitutionnelle relative aux aspects financiers et budgétaires. Cet universitaire est « normalien sciences ». Ancien élève de l’Ecole de droit de l’Université d’Harvard, titulaire du diplôme d’architecte DESA, diplômé du Conservatoire des arts et métiers, docteur en droit, habilité à diriger des recherches, ancien collaborateur d’avocats aux Conseils, Jean-Luc Pissaloux est maître de conférences de droit public. Administrativiste, il est spécialisé en droit administratif général et en contentieux, domaines sur lesquels porte l’essentiel de ses travaux ; membre de l’Association française de droit des collectivités locales (AFDCL) et du Groupement de recherches sur l’administration locale en Europe (GRALE), il s’intéresse également au droit de la décentralisation et au droit des collectivités locales. Ses plus récentes publications sont les suivantes : – Le contrôle de la constitutionnalité de la loi de finances pour 2005 (numéro mars-avril 2005) ; – Le conseil constitutionnel et les finances sociales (numéro mars-avril 2006) ; – Le contrôle de la constitutionnalité de la loi de finances rectificative pour 2005 (numéro mai 2006). 409 86e année - nº 7 - juillet 2006
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