Jean-Paul SEGADE - Gestion et Finances Publiques
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Jean-Paul SEGADE - Gestion et Finances Publiques
Vers la mise en œuvre d’une loi organique relative aux lois de finances hospitalières ? L Jean-Paul SEGADE Directeur d’hôpital Doctorat d’Etat de droit public Directeur général du Centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand Auteur de nombreux articles de doctrine et de gestion hospitalière Auteur d’un livre sur la coopération hospitalière (1998) et d’un ouvrage sur la contractualisation (2000) aux éditions Masson Président du GRAPH Président de la Société française d’histoire des hôpitaux a nouvelle organisation financière de l’Etat votée en 2001 est avant tout l’un des instruments juridiques de la modernisation de l’Etat. A compter du 1er janvier 2006, les administrations de l’Etat ont commencé à mettre en œuvre un budget préparé, analysé et voté, conformément à la loi de finances du 1er août 2001 qui comporte, hormis la rénovation de la comptabilité, deux aspects essentiels : – l’identification d’une politique publique ; – l’identification d’une culture de résultats. Concrètement, le vote de la loi de finances va considérer en parallèle l’ensemble des dépenses, et non uniquement les dépenses supplémentaires et les aux résultats attendus à partir des moyens. Volet d’une politique d’ensemble de la réforme de l’Etat, la LOLF présente des points communs avec la réforme Hôpital 2007, tant il est vrai que les deux tendent à une refonte de l’action publique. Les principes de la LOLF appliqués au monde hospitalier – la cohérence de l’action ou ensemble d’actions ; – l’unicité ministérielle ; – la finalité d’intérêt général, impliquant la définition progressivement d’objectifs et de résultats attendus faisant l’objet d’une évaluation. En effet, il importe progressivement d’intégrer l’évaluation dans une logique jadis plus marquée par le principe de légalité et de régularité que par le principe d’efficacité. La mise en place de la LOLF à l’hôpital sous-entend trois remarques de fond relatives à sa compatibilité avec la réforme Hôpital 2007. p r i n c i p e s Deux innovations fondent la réforme : la définition de missions et la mise en place de programmes. . Les missions : définies par l’article 7 de la loi, conduisent l’Etat a identifier 32 missions alors que 45 président à l’ensemble. 8 missions interministérielles se substituent aux 848 chapitres budgétaires antérieurs. La mission, proposée par le Gouvernement, votée par le Parlement, regroupe les charges budgétaires relevant d’un ou plusieurs ministères ou services. Interministérielle, la mission constitue l’unité de vote du Parlement. Cette présentation conduira à renforcer le rôle du Parlement jusqu’alors cantonné à un vote « marginalisé » par la procédure du « budget voté » et à présenter les crédits par nature, présentation qui était souvent remise en question lors de l’exécution, rendant le suivi quasiment impossible. Force est de constater dans le domaine hospitalier que le conseil d’administration a une position dans la procédure budgétaire qui reste très formelle et ne lui permet pas de définir une stratégie budgétaire. Il en est de même pour la commission médicale d’établissement lors des arbitrages médicaux et pour le conseil technique d’établissement lors de l’analyse des documents présentés. La présentation en missions, ou pôles, serait une avancée réelle pour une meilleure participation des instances de l’hôpital. . La réorganisation médicale en pôles avec pour corollaire la contractualisation interne et donc la constitution de budget de pôles est un facteur de meilleure gestion, plus proche des réalités de terrain et par conséquent d’optimisation des moyens. Elle présente pour le conseil d’administration, mais aussi pour l’institution hospitalière, un risque de balkanisation, la constitution de « cliniques hospitalières » pouvant constituer un frein à la lisibilité de l’activité de l’établissement public de santé. . La substitution au budget global devenu, au fil du temps, une simple allocation administrative de ressources par un état prévisionnel des recettes et des dépenses fait entrer l’hôpital dans un cadre et une logique vertueuse où l’activité, et donc les recettes, détermine le niveau des moyens accordés. Encore faut-il que les recettes prévisionnelles soient déclinées en programmes, projets et actions, et ne soient pas uniquement l’agrégation financière des ressources des différents pôles. . Enfin, il est possible de considérer que la tarification à l’activité (TAA), de part la mise en place d’un financement par groupe homogène de malades est un élément positif grâce à une meilleure saisie de l’information médicale. Mais, le GHM doit être considéré plus dans une logique de coûts, et ne permet pas la prise en compte des différentes missions de l’hôpital qui sont la prévention, la recherche, et la formation). La mise en place de la LOLF s’impose néanmoins du fait d’un principe dorénavant affiché : une plus grande LISIBILITÉ. . Les programmes également définis à l’article 7 de la loi, sont au nombre de 126 ou 149 si on englobe les budgets annexes et les comptes spéciaux. Ils constituent le cœur de la réforme car ils sont définis au niveau ministériel, constituant à la fois le cadre de gestion des autorisations budgétaires en déterminant les objectifs et les résultats attendus. Ils peuvent être appréhendés en prenant en compte : 597 86e année - nº 8-9 - août-septembre 2006 collectivités publiques Les complémentarités de la LOLF et de Hôpital 2007 En faisant appel à la déconcentration des personnels, les deux réformes visent un même objectif, performance et prise de responsabilité améliorées. En conférant par pôle dans la contractualisation interne et par programme dans la LOLF, une gestion des ressources humaines en masse budgétaire et en permettant la fongibilité des grades, les deux réformes visent à laisser aux cadres responsables des marges d’arbitrage mais aussi une gestion qualitative des ressources humaines, permettant ainsi d’anticiper sur les nouveaux métiers et de répondre à une gestion prospective des carrières. complémentarités La LOLF présente de réelles similitudes avec la nouvelle gouvernance. . La présentation du budget par nature et par destination comme le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats impose : – la définition d’objectifs contractualisés, de la part de l’autorité supérieure ; – une réelle autonomie de gestion, de la part de l’autorité en charge du programme. Par ailleurs, les deux réformes incitent à la mise en place d’un véritable dialogue autour du budget opérationnel de programme pour la détermination d’une enveloppe budgétaire globale. Il s’agit de passer du dialogue de la « dotation » aux échanges sur le projet, il ne s’agit plus d’expliquer ce que l’on veut obtenir mais de préciser ce que l’on veut faire. Cette réforme, comme celle d’Hôpital 2007, supposera un renouveau du contrôle de gestion et du système d’information : Le budget d’un centre hospitalier pourrait être structuré par trois niveaux : – missions correspondant aux actions définies par l’Etat, propre à un pôle ou interpôle, mais aussi interétablissement, et ce dans une logique de réseaux. L’illustration en est le plan Cancer ; – programmes au sein de chaque mission avec définition par le centre hospitalier, soit d’un réseau, soit d’un ensemble cohérent d’actions permettant de dégager une enveloppe spécifique de moyens. – actions limitées aux seuls pôles, ceux-ci participant au programme, et donc à la mission. . Le renouveau du contrôle de gestion De la même façon que le responsable d’un budget de programme demandera à un professionnel d’assurer un suivi de la gestion du programme, les responsables médicaux des pôles devront eux aussi l’exiger. Il est naturel de penser que la mise en place de la comptabilité analytique liée à la T2A ainsi que celle d’une gestion par mission et programme conduiront à des métiers nouveaux dans l’administration et plus précisément à celui de contrôleur de gestion. Ces contrôleurs seront plus exigeants en matière de système d’information ce qui aura pour incidence une révolution du système d’information. En parallèle, et afin de mieux répondre aux critiques jugeant productiviste le financement à l’activité, la LOLF permettrait d’inscrire l’hôpital dans une démarche de performance, thème qui sera développé dans un prochain article. . Un renouveau du système d’information Si l’Etat a mis en place le programme ACCORD (application coordonnée de comptabilité d’ordonnancement et de règlement de la dépense de l’Etat), les hospitaliers devront intégrer une nouvelle définition du système d’information permettant la simplification des procédures, l’automatisation des échanges et la dématérialisation progressive par la signature électronique comme par la numérisation des pièces administratives et comptables. Le succès des deux réformes passe par un développement des moyens informatiques mais surtout pour une nouvelle conception du système d’information (cf. : « Gestions hospitalières, avril 2006 »). Ces deux réformes se heurtent également à des habitudes et rencontrent des obstacles. En effet, à chaque programme, seront associés des objectifs et des indicateurs de performance définis par la loi et déclinés au niveau régional par l’Agence régionale de l’hospitalisation. Ils pourront faire l’objet de contrats d’objectifs et de moyens, et ce dans une perspective pluriannuelle. La démarche de performance permet de mieux cerner l’activité d’un hôpital qui n’est ni une administration classique, ni une entreprise de production. La démarche de la LOLF avec pour corollaire la définition d’indicateurs de performance est une « antidote » à la tarification à l’activité, mais surtout un instrument d’amélioration de la lisibilité et du pilotage : – lisibilité pour l’hôpital permettant de mieux cerner ses activités et de distinguer les missions publiques et les activités similaires de celles des établissements privés ; – lisibilité en interne pour le conseil d’administration éclairé sur ses choix en termes de missions d’actions et de projets, alors qu’il gère aujourd’hui des enveloppes ; – lisibilité du fait d’une analyse régionale permettant de mieux cerner le fonctionnement et les activités de chaque établissement. Il sera ainsi possible de discerner les moyens consacrés à la prévention dans un centre hospitalier, ainsi que les critères retenus pour les valider. Les difficultés communes dans la mise en œuvre de la réforme difficultés Plusieurs obstacles existent dans la mise en œuvre de cette réforme : . La définition d’indicateurs de performance pour la LOLF rejoint les réserves formulées sur la pertinence des groupes homogènes de malades en tant qu’indicateurs de santé publique. Le débat sur les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation est révélateur des difficultés d’analyse. L’exigence de transparence et de démocratie, qui a prévalu le 1er août 2001 dans la réforme budgétaire et comptable de l’Etat, va de pair avec la volonté de développer la liberté et la responsabilité de la gestion publique, et ce dans un souci de performance voulu par la réforme Hôpital 2007. . La rupture avec le passé supposera un effort de présentation, de pédagogie mais aussi de modestie. De la même façon que la LOLF suppose une coordination entre la logique du citoyen, de l’usager et du contribuable, la réforme Hôpital 2007, à travers le débat sur la proximité et la sécurité suppose une confrontation entre les intérêts des malades (sécurité), des citoyens (proximité), des médecins (références), et des administrations (économiques). Pour les deux réformes, leur succès dépendra de la richesse des débats comme de la capacité collective à décider. . La culture de résultats se traduit par la mise en place d’un programme de performance autour de trois axes : l’impact ou résultat de l’action, la qualité du service et l’optimisation des moyens ou efficience. La fongibilité des crédits au sein des programmes permettra au gestionnaire d’adopter et d’optimiser la dépense en fonction des priorités déterminées. La fongibilité asymétrique qui interdit une valorisation des moyens en personnel par des virements de crédits de fonctionnement reste d’actualité dans les hôpitaux où la fongibilité du projet des dépenses de personnel ne peut être validée qu’en début d’exercice. . De la même façon que certaines missions recoupent des fonctions et des institutions, le vote du budget par le conseil d’administration par pôles, posera des questions d’homogénéité et de cohérence. A terme, le budget d’une ARH pourra se décliner 598 86e année - nº 8-9 - août-septembre 2006 collectivités publiques – performance : dans la mesure de ces moyens et activités. en budget opérationnel de programme, déclinaison des actions définies au niveau national comme au niveau de chaque établissement, les pôles jouant le rôle d’unités opérationnelles. Comme pour l’Etat, la santé qui fait partie du volet social du pacte républicain, imposera le niveau régional comme niveau pertinent de déclinaison territoriale des programmes. Mais, la santé demeurera dans une logique décentralisée avec des établissements publics qui ont une personnalité morale et donc une unité juridique différente des services déconcentrés de l’Etat. Cette réforme est très complémentaire de la réforme Hôpital 2007 pour deux raisons de fond : – les établissements publics de santé participent à la définition d’une politique de santé publique définie au niveau national, organisée au niveau régional. Par là même, ils sont une des modalités de l’action publique ; – le débat sur les prélèvements obligatoires et la maîtrise des dépenses concerne aussi bien l’Etat que la Santé. L’enjeu est de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats et de permettre une plus grande responsabilité des acteurs euxmêmes. . De la même façon que les ministères ont eu tendance à adapter la refonte de la LOLF en missions et programmes en adhérant aux structures existantes, le débat hospitalier sur les pôles et le maintien des services reproduit cette tendance conservatrice d’une logique organique du découpage de l’action publique ou/et hospitalière. Aussi, paraîtrait-il opportun d’opérer par expérimentation et dans le temps. La même méthodologie utilisée par l’Etat pourrait être utilisée en matière hospitalière : – projet de maquette EPRD en 2007, avec liste des missions et des programmes ; – définition des projets annuels de performance en 2007 pour expérimentation en 2008 ; – mission confiée, en parallèle, à la MAINH de construire un système cible d’informations financières. En ce sens, ces deux réformes sont à la fois une évolution et une révolution : – évolution, car elles s’inscrivent dans une dynamique de renouveau de service public lancé en 1989 par Michel Rocard, alors Premier ministre, et qui continue aujourd’hui avec la réforme de l’Etat. La déconcentration, la contractualisation, l’accréditation, le contrôle de gestion, les budgets de programme, la pluriannualité, sont les thèmes qui se conjuguent de façon complémentaire ; – révolution, car elles abandonnent une logique de dotation et de moyens pour une logique d’activités et de résultats. . Le principe de sincérité (art. 32 de la LOLF) suppose comme pour les hôpitaux, la nécessité d’une gestion transparente. La mise en place de la T2A conduisant à une logique des recettes et non de dotation globale, suppose que les hôpitaux adaptent leur système d’information vers une évaluation plus fine et prospective de leur activité. De la même façon, les hôpitaux comme l’Etat devront donner une image fidèle de leur patrimoine et de leur situation budgétaire en traitant le problème des reports de charges. Réticences, réserves, insuffisance d’outils, non-préparation des acteurs, sont les principaux obstacles de ces deux réformes. Mais faire évoluer la réglementation financière de l’Etat, héritée du Baron Louis, ministre des Finances de Louis XVIII, vers de nouvelles règles imposées par le pacte de stabilité européen est un défi fort. L’hôpital, établissement public, héritier d’une tradition municipale et locale, évoluant vers une entité ouverte aux réseaux et à une conception pluridisciplinaire de l’activité médicale évolue de même. Essai de synthèse L’unanimité, lors du vote de la loi organique au 1er août 2001, démontre qu’au-delà des partis politiques, les parlementaires reconnaissent la nécessité et l’urgence d’une telle réforme. s y n t h è s e Il serait souhaitable que l’assurance maladie comme la réforme hospitalière fassent l’objet d’une telle démarche consensuelle car au-delà des logiques politiques ou politiciennes, la santé fait partie du volet social du pacte républicain et supposerait l’adhésion de tous les responsables politiques. Le caractère ambitieux de la réforme mise en place avec la LOLF, par la loi du 1er août 2001, repose sur deux mots clés concernant la mise en adéquation des activités par rapport aux moyens alloués : transparence et performance : – transparence : dans les moyens et activités ; Réformer l’Etat ou refondre la gouvernance de l’hôpital obéissent à une même logique, celle de dynamiser l’action publique. Principe Etat Santé hôpital Missions Permettre à l’action publique de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats Le budget de l’Etat est présenté en missions, ce qui correspond à un axe politique ministériel ou interministériel 32 missions Définies par la loi de financement de la Sécurité sociale, déclinées au niveau régional et l’ARS Programme Responsable Chaque mission comprend des programmes, chaque programme est doté d’un responsable 132 dans le PLF Chaque mission devra être définie en programme qui pourra être commun à plusieurs pôles, CH ou réseau. Les programmes sont de la compétence du conseil d’administration Actions Les actions ..... des subdivisions des programmes 620 dans le PLF Les actions sont précisées par pôles ou inter pôles et de la compétence du conseil exécutif Performance Définition des critères de performances avec des valeurs cibles Un projet annuel de performance est créé pour chaque programme avec des indicateurs de programme Définition des indicateurs financiers (TAA) et indicateurs qualitatifs Fongibilité Responsabiliser pour mieux gérer Fongibilité asymétrique Fongibilité totale BOP Budget opérationnel de programme Budget attribué à chaque service pour réaliser les actions à mener 2 300 dans le PLF Budget attribué pour chaque pôle et servant de base à la délégation de la gestion 쏋 599 86e année - nº 8-9 - août-septembre 2006
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