Dossier spécial recherche et santé sur le parasitisme
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Dossier spécial recherche et santé sur le parasitisme
ANNE LEBOEUF, dmv M.Sc. Responsable en santé au CEPOQ Ovin Québec, Octobre 2007 Dossier spécial recherche et santé sur le parasitisme Madame, J’ai réalisé, il y a quelques années, que j’avais avantage à garder mes brebis vides et gestantes au pâturage pendant la belle saison. J’ai aménagé mes pacages en conséquence et installé quelques kilomètres de clôtures. C’est plus économique et les brebis se portent bien. Et les agnelages d’automne se passent très bien. Mais il y a deux ombres au tableau : j’ai toujours la hantise des prédateurs (mais pour ça j’ai, depuis l’année dernière, 3 bons chiens qui gardent les intrus à distance) et les quatre ou cinq traitements antiparasitaires par année (depuis l’automne dernier : entrée en bergerie, avant l’agnelage, mise à l’herbe, mi-juillet, et fin-août,) sont très exigeants en temps et en argent. Avez-vous des trucs ou des conseils à me donner pour composer avec le problème du parasitisme en intervenant moins souvent? M. Jean-Loup Deschamps, éleveur ovin à Weedeater 1, près de la frontière américaine. 1 « Weedeater » ou littéralement mangeur de « mauvaises» herbes. Petit clin d’œil au fait que plusieurs « mauvaises » herbes comme la chicorée ou les légumineuses sauvages pourraient en fait avoir des caractéristiques très intéressantes pour aider l’animal à composer avec le parasitisme. C’est une histoire à suivre… Cher M. Deschamps, Je suis tout à fait de votre avis sur les bienfaits et les contraintes du pâturage. Comme l’art du pâturage pour les ovins s’est un peu émoussé au fil des ans (dans certaines régions, un grand nombre de producteurs n’envoient plus aucun mouton à l’extérieur), il faut se réapproprier cette technique pourtant séculaire. Pour bien gérer ses pâturages il faut être un peu agronome, biologiste, météorologue, vétérinaire, très manuel, observateur et un peu chasseur. Ouf! Exigeante la vie d’éleveur ovin… 1 Je vais, dans ce Courrier du vet, commencer à vous apporter des pistes pour mieux comprendre le parasitisme des ovins au pâturage. Dans un premier temps, nous allons démystifier son épidémiologie et les outils de dépistage et de monitoring. Les stratégies d’intervention (illustrées par quelques cas-types) seront expliquées plus en détail dans le numéro suivant d’Ovin Québec. Il serait très long de dresser une liste complète des avantages liés au pâturage. Rappelons toutefois que, sans être une panacée, cette pratique présente des avantages pour la santé de vos animaux et, plus largement, pour la santé globale de votre ferme. Parlez-en à votre conseiller technique. Les informations et données présentées ciaprès ont été glanées et colligées dans le cadre du projet «Maîtrise du parasitisme interne chez les troupeaux ovins québécois utilisant le pâturage». Fruit d’une collaboration entre la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, le CEPOQ et dix producteurs ovins québécois (un gros merci!), ce projet a consisté en un suivi longitudinal de deux ans dans 10 fermes ovines québécoises, entre 2005 et 2007. Il a bénéficié du soutien financier du Conseil pour le développement de l’agriculture au Québec. Épidémiologie du parasitisme ovin au Québec Entendons-nous d’abord sur un point : il n’est pas nécessaire (ni réaliste) d’éliminer tous les parasites des élevages. Il faut par ailleurs en arriver à trouver un équilibre entre la population de parasites et les moutons qui les hébergent et, en d’autres mots, apprendre à « vivre avec ». Plusieurs parasites internes peuvent affecter les moutons québécois. Les principaux sont les nématodes (ou vers ronds), les douves, les vers plats (dont le Taenia) et les protozoaires (dont les coccidies). L’étude présentée ici s’est intéressée spécifiquement aux nématodes (principalement gastrointestinaux) et, plus particulièrement, à ceux de la famille des trichostrongyloïdae (les «trichos») dont le plus célèbre membre est Haemonchus contortus. certainement Pourquoi les trichos ? Parce que ce sont les plus menaçants pour la santé des ovins à l’herbe. Comment les parasites « travaillent-ils »? Deux environnements sont nécessaires pour que le cycle de développement des parasites (de l’œuf au stade adulte) (Figure 1) soit complet : • Sur le pâturage, i.e. dans les matières fécales et sur les herbages rapprochés (éclosion de l’œuf Æ larve L1 Æ larve L2 Æ larve L3); • Dans l’animal, i.e. dans le système digestif (perte de l’enveloppe de la larve L3Æ larve L4 Ælarve L5 Æadultes mâles et femelles et ponte). Seule la larve L3 peut infester un animal. 2 Cette larve est recouverte d’une enveloppe protectrice très résistante qui lui permet de survivre longtemps dans l’environnement. Elle peut migrer sur l’herbe à proximité des matières fécales et est éventuellement consommée par un mouton qui pâture. Les durées de chaque phase du cycle varient selon le parasite, les conditions climatiques et les caractéristiques du pâturage (tableau 1). Elles sont importantes pour établir une bonne gestion des pâturages - on y reviendra lors du prochain numéro. La période prépatente correspond à l’intervalle entre l’ingestion de la forme infestante L3 et le début de l’excrétion des oeufs (donc L3-L4-L5adultes qui se reproduisent). Infestation des animaux : ça évolue pendant la saison Le parasitisme évolue au cours de la saison. La figure 2 présente une situation théorique pour des agnelles mises à l’herbe sur une seule parcelle contaminée. Au début de l’été, les agnelles ingèrent des L3 qui deviennent adultes dans l’animal et commencent à pondre 2-3 semaines après l’ingestion (PPP). Les œufs sont déposés sur l’herbe où ils se transforment en larves infestantes. La contamination de l’herbe permet la réinfestation des agnelles et une évolution rapide de la charge parasitaire qui se traduit par un grand nombre d’œufs dans les fèces (pic de septembre). À l’arrivée de l’automne, la quantité de larves au champ diminue et une bonne partie des larves ingérées s’enkystent dans la paroi de la caillette pour y passer l’hiver. Cette phase d’hibernation (ou hypobiose) se traduit par Tableau 1. Cycle de vie, quelques chiffres 3 une baisse importante de la ponte (très peu d’œufs sont excrétés durant l’hiver). Enfin, au printemps suivant, les larves enkystées se réveillent toutes en même temps, elles deviennent adultes, se reproduisent et se mettent à pondre. Cela provoque une augmentation importante du nombre d’œufs excrétés dans les fèces (les anglais parlent du «spring-rise»). Si cette période est aussi celle de l’agnelage, le phénomène est encore plus marqué. Les principaux facteurs de risque d’être affecté par le parasitisme sont : Jeunes animaux (<12 mois) Fin de gestation/Lactation Peu ou pas d’exposition préalable (donc pas d’immunité) • Autre maladie, malnutrition ou stress • Infestation par plusieurs espèces de parasites • Régie du pâturage déficiente (densité animale élevée, surpâturage, humidité, …) • Variations individuelles (certains animaux, lignées, races ont une résistance innée) Dans la vraie vie, chaque troupeau présente une situation différente. Ainsi, chez vous M. Deschamps, seules les brebis vides ou en gestation ont accès au pâturage. Le niveau de risque est donc assez faible et il est fort probable que vos brebis n’aient pas besoin des 5 traitements annuels que vous leur administrez actuellement. • • • Donc, si les moutons demeurent toujours en bergerie, le risque est très faible. Mais n’allez pas croire que je suggère de laisser les brebis à l’intérieur. Le pâturage est une stratégie alimentaire tout à fait pertinente, il faut simplement apprendre à bien gérer le parasitisme. Les brebis à l’intérieur. Le pâturage est une stratégie alimentaire tout à fait pertinente, il faut simplement apprendre à bien gérer le parasitisme. Stratégies de dépistage : quoi choisir? Différentes analyses de laboratoire sont disponibles pour caractériser le parasitisme (nombre et espèces ou familles de parasites) des ovins. Ces tests peuvent sembler coûteux mais ils sont essentiels à une approche intégrée et judicieuse du parasitisme (on en parlera plus en détail lors du prochain numéro). Des traitements ciblés (sur les groupes d’animaux à risque) réalisés aux moments opportuns et avec les molécules appropriées permettent ensuite de réduire significativement le coût des traitements antiparasitaires. L’évolution rapide des populations de parasites ovins vers une résistance aux médicaments antiparasitaires justifie assurément une telle démarche intégrée qui prolonge l’efficacité des anthelminthiques. Principaux outils disponibles : Coprologies (pour compter les œufs dans les matières fécales) • Cultures fécales (pour identifier les larves – espèce- qui se développent sur les matières fécales) • Nécropsies (pour identifier et quantifier les parasites qui se trouvent à l’intérieur de l’animal) Et des indicateurs cliniques qui peuvent orienter le diagnostic : • • Condition corporelle (cote d’état de chair) • FAMACHA ® (cote de couleur de la muqueuse de l’œil – indicateur d’anémie) • Indice diarrhéique (signe fréquent - mais pas constant – de parasitisme) 4 À suivre Lors du prochain numéro de l’Ovin Québec, je tenterai d’intégrer toutes ces informations et de vous présenter, à partir de quelques cas-types, différentes stratégies d’intervention. Vous trouverez certainement là-dedans un cas-type qui ressemble à celui de votre troupeau. D’ici là, assurez-vous de discuter avec votre vétérinaire praticien et votre conseiller technique pour prendre des décisions éclairées lors de la rentrée des animaux en bergerie. Soyez à l’affût : un guide technique complet sur le contrôle du parasitisme interne - destiné aux éleveurs ovins et aux intervenants de l’élevage sera très bientôt disponible auprès du CEPOQ. Au cours des deux années, seuls quelques individus épars ont dépassé le seuil d’alerte de 1500 œufs par 3 grammes de fèces et la moyenne du groupe s’est toujours maintenu très largement en-dessous. En deçà de ce seuil, on considère que le parasitisme est bien maîtrisé et que l’animal est en équilibre avec les parasites qu’il héberge. Plusieurs facteurs expliquent la situation positive de ce troupeau malgré une productivité très élevée des brebis qui pourrait être une source de stress: 5 • • • • Très bon suivi alimentaire Sélection et réforme sévères depuis plusieurs années (cheminement vers une plus grande résistance) Agneaux n’ayant pas accès au pâturage Rotations longues (quelques semaines) mais parcelles assez grandes (donc faible densité animale) et pâturages contenant une grande variété de plantes (riches en tannins ou en protéines?) Ce Courrier du vet est écrit conjointement avec les membres de l’équipe de recherche du projet CDAQ, soit Denise Bélanger et Alain Villeneuve, professeurs à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, et Amanda M. Cockburn, étudiante au DMV à la même faculté.
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